LE MATIN MARDI 11 AOÛT 2015 LA VOLTIGE USE A … · LE MATIN MARDI 11 AOÛT 2015 SPORTS 35 MARDI...
Transcript of LE MATIN MARDI 11 AOÛT 2015 LA VOLTIGE USE A … · LE MATIN MARDI 11 AOÛT 2015 SPORTS 35 MARDI...
SPORTS34MARDI 11 AOÛT 2015LE MATIN
SPORTS 35MARDI 11 AOÛT 2015 LE MATIN
En 2007, à 33 ans, SilkePan était au sommet deson art d’acrobate,courtisée par les cirquesde toute l’Europe. Vol-
tigeuse, elle défiait l’apesanteur,vivait dans les airs, comme elle enrêvait depuis toute petite. Lorsd’une répétition à Rimini, unechute lui a fait perdre à jamaisl’usage de ses jambes.
Voilà dix jours, cette même Silkeest devenue vice-championne dumonde de handbike, ce qui futd’autant plus émouvant que lacourse a eu lieu à Nottwil (LU),près de l’hôpital pour handicapésoù elle a séjourné pendantsept mois. «Cette médaille vautde l’or à mes yeux», glisse-t-elle,tout sourire, avec ce mélange dedouceur et de détermination quila caractérise. Silke nous reçoit, àAigle, dans la petite entreprise dedécoration de ballons qu’elleanime avec Didier, l’homme de savie. Le couple, qui faisait le spec-tacle d’acrobatie en duo, a étéplus fort que l’épreuve.
Les handbikes sont ces vélosqui permettent aux athlètes pri-vés de leurs jambes de rouler,couchés sur le dos, en utilisant laforce du haut de leurs corps etdes bras. «Le dos, les épaules,tout travaille. A partir du nom-bril, mon corps ne répondplus.»
13 des plus hauts cols suissesLa jeune femme a gravi ainsi 13des plus hauts cols de Suisse,dont le Nufenen et le Grimsel.Ce sport a joué un rôle essentieldans sa nouvelle vie. «Avec lemental, vous arrivez à dépasservos problèmes, à oublier votrehandicap. On peut réussir debelles performances mêmeavec un corps lésé comme le
HANDICAP En 2007, Silke Pan, princesse des cirques, perdait l’usage de ses jambes.Elle vient d’être sacrée vicechampionne du monde de handbike.
mien.» Elle rêve de participer à sespremiers paralympiques l’an pro-chain à Rio.
Aujourd’hui, dans le cadre dufestival du film de montagnes desDiablerets, Silke donnera une con-férence sur le thème du «dépasse-ment de soi», une magnifique le-çon de vie, formule pas galvaudéeen l’occurrence. Elle monterad’Aigle à la station vaudoise enhandbike.
L’accident l’a privée de ce quiétait toute sa vie. «J’aimais mesentir libre comme l’air. Volti-geuse, c’était une passion, une vo-cation, comme un appel depuisque j’étais toute petite. D’un coup,je me suis retrouvée clouée sur machaise roulante.» Après avoir faitde la gym, du plongeon, fréquentéplusieurs écoles de cirque, Silkemenait une vie de saltimbanque.Cirques, parcs d’attractions, ba-teau de croisière, cabarets, de laTurquie à la Suède, les numérosqu’elle faisait avec Didier s’arra-chaient à travers toute l’Europe.«On vivait dans une caravane,j’adorais ce monde d’artistes. No-tre agenda était booké pour lesdeux ans à venir.»
A Rimini, ils répétaient «JungleJoke», le numéro qui faisait tantrire les enfants, lui grimé en gorilleet elle en Jane, lorsque Jane a chuté
de trois mètres. Silke, qui ne sesouvient de rien, s’est réveilléedeux semaines plus tard à l’hôpitalpour handicapés de Nottwil. Lemoment où elle a appris l’inélucta-ble, elle vous le raconte, tout enémotion retenue, avec cette forcequi se dégage d’elle. «Je ne savaispas si j’étais dans le rêve ou la réa-lité. Quand j’ai voulu me levercomme tous les matins,j’ai lu la panique dans lesyeux de tous les gens quim’entouraient. D’abordce fut comme un état desurvie chez moi. Quefaire de ma vie alors quej’avais tout perdu? Quisuis-je maintenant?Tout ce que j’avais été, tout ce quej’avais construit était fini. A cela asuccédé la tristesse,le désespoir, sur-tout qu’en chaiseroulante tout de-vient plus compliquédans la vie de tous lesjours.»
Au bout du tunnel, la lumièreLes décorations de ballons queconfectionnent Silke et Didier ren-contrent un joli succès, dans les su-permarchés ou dans les soirées.Egalement avec des ballons, ilsconçoivent plein d’animationsdestinées aux enfants, comme des labyrinthes. Tout en poésie. Silke yprend un plaisir fou. «Les ballons,c’est un monde de couleurs, degaieté, de légèreté, qui me rappellece que je faisais avant. C’est de l’éphémère, de l’émotion qui passesans laisser de traces, comme la voltige. En plus, je fais cela avecl’homme que j’aime.» Que dirait-elle aujourd’hui à un jeune, victimedu même drame? «Qu’au bout dutunnel, il y a toujours la lumière. J’ai aussi perdu l’odorat dans l’ac-cident. Mais le matin, quand je voisle soleil ou quand je croise un sou-rire, je trouve génial tout ce que j’aiencore.»
● TEXTE: BERTRAND [email protected]
● PHOTOS: JEANGUY PYTHON
Silke Pan donnera une conférence aujourd’hui
aux Diablerets sur le«dépassement de soi».
gEn sport, avec le mental,
vous arrivez à oubliervotre handicap»
Silke Pan, championne de handbike
SILKE PANNAISSANCE Elle voit le jour en 1973, à Bonn, en Allemagne.
DÉBUTS Arrivée en Suisse à l’âge de 3 ans, elle se met à faire de la gym et du plongeon.
ÉCOLE Dès l’âge de 14 ans, elle profite de ses vacances pour suivre des écoles de cirque.
DRAME En 2007, une chute lors d’unerépétition à Rimini la laisse paralysée.
En handbike,Silke s’entraîne régulièrement avec
Didier, son mari.
LA VOLTIGE USE A RETROUVÉ LE BONHEUR
Le bonheur à deux,
comme lorsqu’ils
faisaient ensemble des
numéros de voltige.
SPORTS34LE MATIN MARDI 11 AOÛT 2015