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Le maintien dans l’emploi des travailleurs en situation de handicap
Levier de performance des établissements publics de santé ?
Master 2 Pilotage des Organisations en Santé
Mémoire présenté par Tilagavady GUICHARD
Promotion 2017 / 2018
Suiveur universitaire : M. Jean-Pierre TANG TAYE,
Maître de conférences, IAE REUNION
Suiveur professionnel : M. Mounir NAJAFALY,
Attaché Administration Hospitalière, DRH - CHU Réunion
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Remerciements :
Je tiens tout d’abord à remercier M. Jean-Pierre TANG-TAYE, Maître de Conférences à l’IAE
REUNION, pour son accompagnement méthodologique durant la rédaction de ce mémoire. En tant
que suiveur universitaire, il m’a aidée, par ses remarques constructives et sa disponibilité, à mieux
appréhender les attentes relatives à l'analyse quantitative, et à la démarche de recherche en général.
Je remercie M. Mounir NAJAFALY, Attaché d’Administration Hospitalière de la Direction des
Ressources Humaines du CHU REUNION, qui a accepté d’assurer le suivi de ce mémoire. En tant
que suiveur professionnel, il m’a mise en lien avec les personnes ressources de l’établissement et
m’a permis de mener à bien l’enquête.
J’adresse mes remerciements à Mme Virginie MOISSON, Maître de Conférences à l’IAE
REUNION. Nos échanges m’ont permis de délimiter les contours d’une problématique qui, tout en
s’appuyant sur mes expériences professionnelles antérieures, s’articule autour du domaine de la
santé vers lequel je m’oriente aujourd’hui.
Mes remerciements vont également à Mme Françoise BELON, Chargée de la Politique Handicap au
CHU, et aux Référents Handicap, dont j’ai pu apprécier le travail de proximité. Ils ont accepté de
partager avec moi une analyse tirée de leurs expériences d’accompagnement.
Mme Anne FOUCAULT, Déléguée Territoriale Handicap, a pris le temps d’échange nécessaire pour
cerner la nature de l’aide concrète qu’elle pouvait m’apporter. Je la remercie de m’avoir mise en
contact avec la Mission Handi-Pact.
Je suis particulièrement reconnaissante à Mme Céline DELACOUR, de la Mission Handi-Pact -
Fonction Publique, pour son aide qui m’a permis d’appréhender la structuration en cours de la
politique handicap dans les organisations publiques, et ce à l’échelle de La Réunion.
Enfin, tous les sujets traités ne véhiculent pas la même charge émotionnelle. J’ai pu, à travers les
entretiens menés dans le cadre de cette problématique, me rendre compte du courage et de la
dignité avec lesquelles les personnes concernées gèrent leurs difficultés. Je les remercie tout
particulièrement pour la confiance qu’elles m’ont accordée et le temps consacré à l’enquête. Ce
travail n’aurait pu se faire sans leur participation.
Pour finir, un grand merci à Catherine Durepois, Directrice de l’IRMSOI, et Bérangère DASSA,
Assistante de direction de l’IRMSOI, qui nous ont accompagnés avec constance et bonne humeur
tout au long de cette année riche en émotions.
Enfin, merci à la famille, aux amis, pour la relecture et le soutien au quotidien …
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SOMMAIRE
Introduction ........................................................................................ 4
1. Cadre conceptuel ........................................................................... 5
1.1 Travailleur Handicapé et emploi ...................................................................... 7 a) Le cadre législatif ............................................................................................................... 7 b) Reconnaissance administrative du handicap et OETH ...................................................... 8 c) Les modalités de mise en œuvre de l’OETH ...................................................................... 9 d) Les différentes logiques d’actions .................................................................................... 10 e) Eléments de situation à La Réunion................................................................................. 11
1.2 Management socio-économique et performance .......................................... 12 a) Présentation .................................................................................................................... 12 b) La vision opérationnelle ................................................................................................... 13 c) Les outils ......................................................................................................................... 15
.1.3 Le maintien dans l’emploi dans la fonction publique hospitalière ................ 16 a) Gestion publique et handicap........................................................................................... 17 b) Des chiffres-clés National/Réunion .................................................................................. 18
2. Cadre méthodologique ................................................................. 19
2.1 La démarche préalable .................................................................................. 20 a) Entretiens exploratoires ................................................................................................... 20 b) Politique Handicap – Les établissements publics de santé .............................................. 21
2.2 Les hypothèses de recherche ....................................................................... 21 a) Les variables dépendantes .............................................................................................. 22 b) Les variables indépendantes ........................................................................................... 22
2.3 Le recueil des données ................................................................................. 25 2.4 Analyse de la cohérence interne des construits ............................................ 27
a) Fiabilité des construits du modèle de recherche initial ..................................................... 27 b) Amélioration de la fiabilité et nouveau modèle de recherche ............................................ 27
2.5 Relations entre les construits ........................................................................ 30 a) La régression linéaire multiple ......................................................................................... 30 b) Les corrélations mises en évidence ................................................................................. 33
3. Réflexions managériales .............................................................. 34
3.1 Interprétation des résultats obtenus .............................................................. 35 a) Le facteur humain ............................................................................................................ 36 b) L’encadrement de proximité ............................................................................................. 36
3.2 Structuration de la politique handicap ........................................................... 37 a) Une réflexion qui s’insère dans une vision globale de l’organisation ................................ 37 b) Mesurer l’impact de la structuration ................................................................................. 37 c) Investigations complémentaires ....................................................................................... 39
3.2 Propositions managériales ............................................................................ 41 a) A l’échelle du service : ..................................................................................................... 42 b) A l’échelle de l’établissement de santé ............................................................................. 43 c) Partage de réflexions à l’échelle territoriale ...................................................................... 44
Conclusion ........................................................................................ 45
Bibliographie ..................................................................................... 46
Annexes ............................................................................................ 48
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Introduction
La thématique choisie se place dans la continuité de réflexions professionnelles de mise en place
d’une politique inclusive en établissement scolaire. Au sein de l’Education Nationale, après avoir
pris en charge des élèves en situation de handicap en classe ordinaire, j’ai coordonné une Unité
d’Inclusion Scolaire puis, dans le rôle de personnel de direction, contribué à intégrer cette réflexion
au projet d’établissement. Les questionnements liés à l’accessibilité, aux adaptations à l’échelle de
l’organisation modifient le regard sur les différences. Inscrites dans une politique d’établissement,
ces orientations font évoluer la culture de l’établissement tout en répondant aux objectifs de
performance fixés. Elles engagent un changement de pratique qui s’avère bénéfique à tous.
L’opportunité m’est donnée, à travers ce mémoire, d’approfondir cette vision managériale en la
transférant au domaine de la santé.
Le maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap concerne les personnes dont
l’évolution de santé impacte l’aptitude au travail. Avec le recul de l’âge de la retraite, cette
problématique prend une plus grand ampleur puisqu’elle concerne toutes les personnes en perte de
capacités fonctionnelles En ce sens, elle me semble constituer un enjeu croissant pour les
organisations. Les dispositifs mis en place ces dernières années ont permis des améliorations
significatives. Mais l’emploi de ces personnes est souvent perçu comme un frein dans l’atteinte des
objectifs de performance. La théorie du management socio-économique propose un autre regard sur
cette problématique en interrogeant d’autres dimensions de la performance et de leurs liens avec
l’efficacité économique.
L’hypothèse de recherche est que la mise en place d’une politique structurée de maintien dans
l’emploi des Travailleurs Handicapés est un outil d’amélioration de la qualité de vie au travail, et
par ce biais, de performance globale des établissements publics de santé.
Au niveau méthodologique, l’approche quantitative a été privilégiée, les questionnements sont
multiples. Quelle(s) mesure(s) de la performance humaine ? Quels facteurs explicatifs du
développement de cette performance ? Comment mesurer l’impact de la structuration d’une
politique handicap sur l’accompagnement des salariés concernés ? Quels résultats pertinents pour
engager la réflexion à une échelle plus globale ?
Les réflexions managériales proposées prennent appui sur des travaux théoriques mais aussi sur
l’avis de professionnels en charge de l’accompagnement des situations de handicap.
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1. Cadre conceptuel
Partie 1 :
Cadre conceptuel
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La gestion de l’emploi des personnes en situation de handicap est une préoccupation managériale
qui fait l’objet de nombreuses publications. Cette question a notamment été approfondie par
l’Association Française des Managers de la Diversité (AFMD) dans une étude de 2010 intitulée :
« Comment gérer l’emploi des personnes en situation de handicap ? »1. L’AFMD y dresse un état
des lieux de la situation, puis analyse les politiques d’accompagnement et d’emploi. La prévention
et l’anticipation des situations à risque pour éviter la situation de handicap, la gestion dynamique et
la co-construction de carrière avec le travailleur en situation de handicap, les liens avec le milieu
protégé figurent parmi les propositions.
Mais cette question s’inscrit aujourd’hui dans une réflexion plus globale de management de la
diversité. Et la gestion de la diversité renvoie à trois grandes lignes de tension2 :
Egalité / Diversité : Les compensations destinées à des catégories de personnes reconnues
discriminées peuvent générer un fort sentiment d’injustice chez des personnes en difficultés
réelles mais non reconnues.
Universalité / Diversité : La construction de réponses adaptées à des situations toutes
diverses s’insère dans un cadre législatif unique.
Performance / Diversité : La diversité contribue-t-elle à améliorer la performance des
organisations de travail ?
« Le dénominateur commun de ce management de la diversité part d’un postulat, partagé par tous
les acteurs de la mise en place de telles politiques, que les différences, quelles quelle soient, peuvent
représenter à la fois des ressources et un atout indispensable à la bonne marche des
organisations. »2
C’est sur le dernier axe, Performance/Diversité, et à travers les modalités de gestion de la forme de
diversité que constitue la situation de handicap, que la réflexion s’est portée dans ce mémoire. Le
concept de management socio-économique, alliant dans sa dénomination même, préoccupation
économique et sociale est celui sur lequel le propos s’appuie.
1 Comment gérer l’emploi des personnes en Situation de Handicap ? NASCHBERGER C. et
BELLION D. (2010), Association Française des Managers de la Diversité 2 Management et Diversité : lignes de tension et perspectives. CHANLAT J, DAMERON S., DUPUIS
J., DE FREITAS M. et OZBILGIN M. Management international, (2013), N° 17, p. 5-13
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1.1 Travailleur Handicapé et emploi
a) Le cadre législatif
Le dispositif législatif a connu ces dernières décennies des évolutions significatives.
La loi du 10 juillet 1987 en faveur de l’emploi des personnes handicapées
Cette loi crée l’Association de Gestion des Fonds pour l’Insertion Professionnelle des Personnes
Handicapées (AGEFIPH) et instaure une Obligation d’Emploi de Travailleurs Handicapés (OETH)
correspondant à 6 % de l’effectif pour toutes les entreprises de plus de 20 salariés. Les agents
concernés sont ceux bénéficiant d’une reconnaissance administrative du handicap. Par contre, les
« emplois exigeant des aptitudes particulières » ne sont pas comptabilisés dans le calcul. Les 5
modalités définies par la loi pour s’acquitter de l’OETH sont : l’emploi direct, la sous-traitance,
l’accueil de stagiaires en formation professionnelle, une contribution à l’AGEFIPH, ou un accord
exonérant de la contribution prévoyant par exemple la mise en œuvre de programmes pluri-annuels
d’insertion, de formation ou de maintien dans l’emploi. Pour la première fois, des pénalités
financières sont imposées aux organisations ne remplissant pas leurs obligations à l’égard des
travailleurs handicapés.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et
la citoyenneté des personnes handicapées
Le handicap au sens de la loi y est défini dans son Article 2.
« Constitue un handicap, au sens de la présente loi, toute limitation d’activité ou restriction de
participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une
altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles,
mentales, cognitives ou psychiques, d’un polyhandicap ou d’un trouble de santé invalidant. »
Concernant l’obligation d’emploi, la modalité de calcul est modifiée. Elle intègre les « emplois
exigeant aptitudes particulières », les bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), et les
titulaires d’une Carte d’Invalidité. De plus, l’obligation d’emploi est étendue à la Fonction Publique
avec l’instauration d’un fonds dédié, le Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la
Fonction Publique (FIPHFP).
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Le décret du 20 novembre 2014
Cette disposition concerne tout particulièrement le sujet traité. Elle instaure le fait que les
entreprises ayant mis en place des accords agréés au titre de l’OETH ont obligation, depuis 2014,
de mettre en oeuvre un plan de maintien dans l’emploi au sein de l’entreprise, au même titre que le
plan d’embauche.
La structuration des politiques d’établissement et la formalisation de procédures internes dédiées,
constituent les orientations majeures.
b) Reconnaissance administrative du handicap et OETH
La reconnaissance du handicap peut être effectuée par différents organismes, mais les différents
types de reconnaissance n’ouvrent pas les mêmes droits. Ainsi, les reconnaissances telles que la
prise en charge à 100 % par la sécurité sociale et la prestation de compensation du handicap
n’ouvrent pas droit, par exemple, à l’OETH3. Elles comptent pourtant de nombreux bénéficiaires.
Selon la même source, peuvent principalement prétendre au bénéfice de l’OETH les personnes
ayant obtenu :
▪ la Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH)
▪ les Accidents du Travail et Maladies Professionnelles
▪ la Pension d’Invalidité
▪ la Carte d’Invalidité
▪ l’Allocation Adulte Handicapé
La publication de la DARES publiée en Novembre 2015, et à partir de données de 2013, intitulée
‘Emploi et chômage des personnes handicapées » dresse un panorama chiffré de la situation4.
Au niveau national, le nombre de personnes ayant un problème de santé durable accompagné de
difficultés depuis au moins 6 mois, incluant donc les personnes bénéficiant d’une reconnaissance
administrative du handicap, s’élève à 2.579.000 personnes, soit 10 % de la population de la
population des 15-64 ans. Ces personnes représentent autant de travailleurs potentiels.
Le nombre de personnes bénéficiant d’une reconnaissance administrative du handicap est estimé à
878.000 (tableau 2.1), soit 3;4 % des 15-64 ans. Pourtant, seules 45 % des personnes disposant
d’une reconnaissance administrative du handicap se déclarent en emploi ou en recherche d’emploi.
Ce taux s’élève à 72 % pour la population des 15-64 ans (tableau 1.15).
3 OETH : Obligation d’Emploi des Travailleurs Handicapés
4 Emploi et chômage des personnes handicapées BARHOUMI Meriam et CHABANON Léa (2015) Synthèse.Stat DARES
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La proportion des personnes handicapées se déclarant en recherche d’emploi ou en emploi est
nettement inférieure à la normale. Ceci peut s’expliquer par une auto-censure dans le rapport à
l’emploi, freins que seul les changements de regard sur les aptitudes des personnes handicapées
permettront de lever.
Le nombre de bénéficiaires de l’OETH est quant à lui, estimé à 386.700.
Notons enfin que l’étude met l’accent sur le fait que la reconnaissance administrative du handicap
ne se traduit pas par l’emploi effectif des personnes concernées, volet abordé dans la suite.
c) Les modalités de mise en œuvre de l’OETH
Notons en préambule de cette partie qu’il existe différentes modalités de calcul du taux d’emploi
délimitant, chacune, un champ précis.
Le taux d’emploi direct
C’est le taux d’emploi des travailleurs handicapés, calculé selon la formule suivante :
Bénéficiaires de l’Obligation d’Emploi * x 100
Effectif total *
Le taux d’emploi légal
C'est le taux d’emploi prenant en compte les travailleurs handicapés déclarés ainsi que les dépenses
donnant lieu à dépenses déductibles, et calculé selon la formule suivante :
(Bénéficiaires de l’Obligation d’Emploi * + Nombres Unités Déductibles) x 100
Effectif total *
*au 1er janvier de l’année écoulée
Concernant l’obligation d’emploi, depuis 1987, toutes les entreprises de plus de 20 salariés doivent
justifier d’un taux d’emploi légal supérieur ou égal à 6 % de la masse salariale. Les organisations
n’atteignant pas ce taux doivent s’acquitter d’une contribution aux organismes spécifiques chargés
du recueil des fonds (AGEFIPH5 pour les organisations privées et FIPHFP
6 pour les organisations
publiques). Les fonds constituent ensuite la principale source de financement dans le cadre de la
formation, de l’insertion, et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap, que
ce soit sous la forme d’aides financières ou dans la mise en œuvre de services.
5 Association de Gestion des Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées 6 Fonds pour l’Insertion des Personnes Handicapées dans la Fonction Publique
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Mais la loi prévoit la possibilité pour les organisations de faire valoir des démarches en faveur de
l’emploi, comptabilisées sous la forme d’unités déductibles intégrées dans le calcul ci-dessus.
Celles-ci ont donc la possibilité de s’acquitter de leurs obligations par le biais de l’emploi direct,
d’actions ponctuelles, ou sous la forme d’un accord.
Concrètement, cela signifie que l’évolution du taux d’emploi légal ne se traduit pas nécessairement
par une évolution du taux d’emploi direct. Une organisation peut donc remplir son obligation
réglementaire sans effet sur l’emploi des personnes concernées.
Le cadre réglementaire étant posé, comment les organisations de travail s’emparent-elles des
mesures ainsi édictées et quel impact plus particulièrement sur le maintien dans l’emploi des
travailleurs handicapés ?
d) Les différentes logiques d’actions
La publication de la DARES déjà citée précédemment indique que :
« En 2013, 386 700 personnes bénéficient de l’OETH au sein des établissements assujettis à cette
obligation (...). C’est 7 % de plus qu’en 2012 (1) (encadré 2.1). Une grande majorité d’entre elles
sont salariées d’établissements non couverts par un accord spécifique à l’emploi des travailleurs
handicapés (295 100 bénéficiaires) » Encadré 2.27.
Une autre analyse datant de 2016 intitulée « Entreprises et Handicap, les modalités de mise en
œuvre de l’OETH »8 s’est intéressée à la compréhension des logiques des organisations et aux
politiques de GRH mises en œuvre. Sur chacun de ces volets, elle s’attache ainsi à différencier dans
son analyse, les organisations qui ont signé des accords de celles qui gèrent ce volet sans accord .
L’existence d’un accord met en exergue la réflexion spécifique menée sur la question des
travailleurs handicapés. Dans le cadre de mon étude relative à la politique handicap des
organisations de travail, c’est l’entrée que je privilégie.
Selon l’étude, les organisations fonctionnant sans accord :
- font souvent le choix de payer la contribution,
- recrutent parfois des travailleurs handicapés mais ne mettent pas en œuvre l’accompagnement
nécessaire à leur insertion en interne,
- ou ne mettent aucune stratégie en œuvre, subissant le contexte réglementaire.
7 Emploi et chômage des personnes handicapées BARHOUMI Meriam et CHABANON Léa (2015)
Synthèse.Stat DARES 8 Entreprises et Handicap, les modalités de mise en œuvre de l’OETH, CARON S., CHASSERIAUD
S., LAUBRESSAC C. et TITLI L., (2016) Document d’étude DARES
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Lorsqu’un accord existe :
- un transfert des fonds initialement dédiés à la contribution s’opère vers l’insertion,
- des démarches plus globales, et une meilleure cohérence des actions est observée.
Concernant les politiques spécifiquement dédiées au maintien dans l’emploi, les organisations qui
fonctionnent sans accord ont souvent des procédures liées aux aménagements de postes peu
construites. L’accord permet une enveloppe budgétaire dédiée aux aménagements de postes et
matériels qui se trouvent ainsi facilités. L’accord est ainsi identifié par l’étude comme structurant,
mais il n’est pas pour autant synonyme de politique proactive.
e) Eléments de situation à La Réunion
Les chiffres-clés Réunion Mayotte 20169 , ainsi que le tableau de bord Réunion 2017
10 publiés par
l’AGEFIPH fournissent des indications sur le maintien dans l’emploi, secteurs public/privé
confondus
On y note que La Réunion compte 5555 DEBOE11
ce qui représente 3,4 % de l’ensemble des
demandeurs d’emploi dans notre région contre 8,4 % au national. Les demandeurs d’emploi en
situation de handicap sont donc sous-représentés dans notre région par rapport au national.
Comment expliquer ces différences ? En lien avec la première observation, on remarque également
une différence dans l’évolution avec la moyenne nationale par rapport à 2015, dans la mesure où la
région comptabilise une hausse de 5,1 % de demandeurs d’emploi en situation de handicap alors
qu’au national ce taux est de 0,8 %.
Parmi les aides et appuis au maintien, l’AGEFIPH recense
- 268 maintiens effectifs (+23 % par rapport à 2015)
- 318 nouvelles situations accompagnées par le SAMETH12
- 34 aides humaines/techniques et aides à la mobilité
- 88 aides à l’accessibilité des situations de travailleurs
En région, certaines caractéristiques des DEBOE par rapport à l’ensemble des demandeurs d’emploi
sont repérées : une proportion de femmes plus faible (7 % contre 51 %), une proportion 50 ans et +
plus élevée (46 % contre 25 %) et une proportion de diplômés (Bac et +) plus faible (19 % contre
29 %).
9 Chiffres-Clés 2016, l’AGEFIPH Réunion/Mayotte 10 Tableau de Bord La Réunion 2017, Emploi et chômage des Personnes Handicapées, l’AGEFIPH
11 DEBOE : Demandeur d’Emploi Bénéficiaires Obligation d’Emploi
12 SAMETH : Service d’Appui au Maintien dans l’Emploi des Travailleurs Handicapés
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1.2 Management socio-économique et performance
« Le management socio-économique, défini comme un changement global de l’entreprise, est fondé
sur le développement du potentiel humain comme levier primordial d’amélioration des
performances économiques. Il s’ensuit ipso facto qu’une certaine confiance à priori dans la capacité
des acteurs à développer leurs potentiels est une condition indispensable pour la mise en place d’un
management socio-économique»13
.
Le principe de base de la théorie du management socio-économique est de considérer la
performance d’une organisation de manière globale, d’analyser les liens entre performance
économique et performance sociale des organisations. Le parti-pris managérial est de considérer
que la capacité des organisations de travail à se structurer pour valoriser ce potentiel traduit surtout
sa capacité à gérer ses ressources humaines dans leur diversité et constitue un levier de performance
globale. Le concept est ambitieux, il a vocation à se mettre en place dans tout type d’organisation, et
les modalités d’actions variables, car basées sur un diagnostic précis de l’organisation concernée.
Le propos dans ce mémoire est de présenter les grandes lignes des travaux engagés, la vision
opérationnelle de l’équipe de recherche, et les outils proposés. Sans entrer dans l’ambition de coller
à la méthode, l’objectif recherché est de s’’inspirer de ce cheminement de pensée pour étudier
l’emploi des travailleurs en situation de handicap.
a) Présentation
Les travaux consacrés à l’analyse socio-économique des organisations ont débuté en 1973 sous
l’impulsion de Henri Savall et Véronique Zardet. Dès 1975, l’Institut de Socio-économie des
Entreprises et des Organisations (ISEOR) est créé, institut constitué aujourd’hui de 125 chercheurs
en sciences de gestion. L’institut est intervenu à l’international dans 40 pays, dans des organisations
de travail publiques comme privées, au sein d’entreprises de différentes tailles. Au niveau des
modalités, la particularité des chercheurs de l’ISEOR est qu’ils effectuent une grande partie de leur
travail de recherche en intervention directe, au sein même des entreprises.
ISEOR s’attache ainsi non seulement à développer des concepts théoriques, mais aussi à produire
des outils, des méthodes, abordés dans la suite, sur lesquels s’appuie le développement stratégique
des organisations. Cette démarche directe visant l’amélioration de la performance est intitulée
« intervention socio-économique ».
13 Maitriser les Coûts et les Performances Cachés, SAVALL Henri et ZARDET Véronique (2015), 402
p., ECONOMICA.
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b) La vision opérationnelle
L’objectif pour les chercheurs est de mettre en évidence le plus précisément possible le lien direct
entre le développement du potentiel humain (travail sur les indicateurs des coûts cachés) et la
performance économique (compte de résultat).
Le développement du potentiel humain, tel qu’il est développé dans la théorie du management
socio-économique, désigne le développement de chaque salarié mais aussi des relations entre
salariés. La recherche sur le sujet s’est donc attachée à analyser les conditions qui permettent à
chaque individu de se développer, dans son propre intérêt comme dans celui de l’organisation. C’est
dans cette perspective, partant du postulat que le développement du potentiel humain est un levier
de performance de l’organisation, que s’inscrit ce travail. L’idée, dans le modèle de recherche
choisi, est d’identifier des facteurs favorables au développement du salarié en situation de handicap
sur le plan de sa relation à l’organisation, comme du lien aux autres salariés. Ce seront les variables
dépendantes du modèle.
Dans la théorie socio-économique, le diagnostic constitue le point de départ, il est basé sur l’analyse
des dysfonctionnements de l’organisation. Sont identifiés comme des dysfonctionnements les écarts
entre fonctionnement réel et fonctionnement attendu. Dans la modélisation, les 6 grandes familles
identifiées sont les suivantes:
les conditions de travail
l’organisation du travail
la gestion du temps
la communication – la coordination - la concertation
la formation intégrée
la mise en œuvre stratégique
Les dysfonctionnements ainsi générés par l’organisation se traduisent, pour l’organisation, par la
nécessité de réguler les défaillances et engendrent des coûts pas toujours visibles, nommés coûts
cachés.
Les coûts cachés sont répartis, en deux grandes composantes :
Les sur-charges (sur-salaires, sur-temps, sur-consommation)
Les non–produits (non-production, non-création de potentiel, risques).
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Par la suite, la méthode consiste à analyser les coût cachés répertoriés selon 5 champs d’indicateurs
socio-économiques :
absentéisme
accidents du travail
rotation du personnel
non-qualité biens ou défaut de qualité
écarts de productivité directe
Le schéma explicatif proposé par Savall et Zardet et présenté ci-dessous intègre à la fois les
variables explicatives des dysfonctionnements (indicateurs) et les conséquences des
dysfonctionnements (composants) dans l’approche par coûts cachés.
Indicateurs et composantes des coûts cachés14
14 Maitriser les Coûts et les Performances Cachés, SAVALL Henri et ZARDET Véronique (2015), 402 p., ECONOMICA. P.16
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Les coûts cachés impactant négativement la performance de l’organisation, leur réduction constitue
un gain potentiel que la méthode d’analyse socio-économique permet de mesurer. Des modalités de
calcul précises des impacts financiers négatifs générés par les dysfonctionnements et de la valeur
ajoutée générée par la réduction des dysfonctionnements sont développées. C’est la « conversion
des coûts cachés en valeur ajoutée » avec des présentations d’exemples chiffrés précis issus de la
recherche.
Le cadre particulier de la problématique choisie peut s’appuyer sur la théorie socio-économique. En
effet, les travailleurs en situation de handicap font partie intégrante de l’organisation de travail. Or,
leur situation particulière conduit bien souvent les organisations à ne considérer que les « sur-
charges » que le traitement de la situation peut nécessiter, en niant les « non-produits » lié aux
délais de traitement des situations, voire à la négation de ce potentiel en termes de ressources
humaines. Pour ces personnels en particulier, les variables explicatives se retrouvent dans tous les
champs indiqués plus hauts (absentéisme, accidents du travail, rotation du personnel, non-qualité
biens ou défaut de qualité, écarts de productivité directe). S’en suivent des « coûts cachés » qui
impactent la performance économique de l’organisation.
Dans la réflexion sur la performance sociale et le développement du potentiel humain, des
paramètres ont été identifiés sur la base de travaux antérieurs réalisés par Handi-Pact Réunion15
à
l’échelle des établissements publics de santé de La Réunion. Selon cette étude, 6 facteurs impactent
le maintien dans l’emploi des personnes handicapées : 3 leviers de réussite (écarts positifs) et 3
freins (écarts négatifs). Ce sont les variables indépendantes du modèle. L’objectif méthodologique
sera de définir plus précisément, parmi ces variables, celles favorisent le développement des salariés
concernés.
c) Les outils
Le principe de départ, mis en place avec succès dans toutes les organisations dans lesquelles le
management socio-économique a été implanté, est de privilégier le management de proximité et
limiter au maximum les niveaux hiérarchiques.
15 Points clés de l’observatoire sur l’emploi des personnes en situation de handicap dans la
fonction publique réunionnaise HANDI-PACTE Réunion (2017)
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A l’échelle de l’organisation, les deux principaux outils proposés sont :
CAPN : Contrat d’Activité Périodiquement Négocié
Un contrat est négocié/signé entre le salarié et son supérieur hiérarchique direct, après négociation
sur sa cohérence/faisabilité et d’éventuels ajustements. La durée du contrat, proposée comme
« horizon pertinent », est de 6 mois. Ce document ne se substitue pas au contrat de travail, il porte
exclusivement sur les efforts supplémentaires demandés au salariés en lien avec les « poches de
sous-efficacité » repérées de l’organisation ou sur les possibilités de création de potentiel. Outre le
fait de valoriser l’encadrement de proximité, et de favoriser la transparence de l’évaluation du
travail, la signature du contrat est un temps dédié à expliciter les objectifs de l’organisation. Dans la
théorie socio-économique, une partie des gains réalisés pour réduire les dysfonctionnements doit
nécessairement se faire au bénéfice des personnes qui y ont contribué, par exemple sous la forme de
compléments de salaire ou de délégations de responsabilités.
Tableau de bord périodique
Il s’agit de définir un Système d’Informations pertinent, nécessairement lié aux objectifs de
l’organisation et comprenant des indicateurs qui peuvent être qualitatifs, quantitatifs ou financiers.
Les indicateurs sont définis par rapport aux objectifs recherchés, soit de résultat immédiat, soit de
création potentiel à plus long terme. Le tableau de bord est conçu comme un outil de pilotage,
d’animation et d’évaluation.
« La logique de performance de l’organisation selon la théorie socio-économique se décline en deux
sous-ensembles »16
:
« logique poussée » par la réduction des coûts cachés, des freins à la
performance,
la « logique tirée » par le pilotage volontariste
Le travail présenté s’inspire de ces modèles de management et outils proposés, mais sans aller
jusqu’aux méthodes d’implantation au sein des organisations.
16 Maitriser les Coûts et les Performances Cachés, SAVALL Henri et ZARDET Véronique (2015), 402
p., ECONOMICA. P.16
-
17
.1.3 Le maintien dans l’emploi dans la fonction publique
hospitalière
La gestion publique se caractérise par des objectifs multi-dimensionnels et le nombre important de
parties prenantes. L’évaluation de la performance s’en trouve complexifiée17
.
La fonction publique hospitalière s’insère dans cet environnement concurrentiel, avec un contexte
budgétaire contraint et des attentes sociétales toujours plus importantes.
Au-delà de la vision économique, l’une des spécificités de la gestion du handicap dans la fonction
publique est aussi qu’elle représente un enjeu de valeurs, et donc une ligne de tension importante
pour les acteurs.
a) Gestion publique et handicap
Quelques données sur le handicap dans la fonction publique sont présentées ci-dessous.
Selon la DARES page 27,
« Les personnes ayant une reconnaissance administrative du handicap exercent par ailleurs moins
souvent leur activité dans le secteur du « commerce de gros et de détail, transports, hébergement et
restauration » que la population dans son ensemble. Elles sont toutefois plus présentes dans le
secteur de « l’administration publique, enseignement, santé humaine et action sociale » (tableau
2.2). »18
Selon cette même publication, en 2013 les établissements assujettis du secteur de l’administration
publique, l’enseignement, la santé et l’action sociale présentent la part d’emploi direct de
travailleurs handicapés calculée en ETP la plus élevée (4,1 %), suivis de l’industrie (3,9 %), du
commerce et des transports (3,5 %).
Enfin, au 1er
janvier 2013, 209.900 travailleurs handicapés occupaient un emploi dans la fonction
publique (24 % dans la fonction publique hospitalière). Le tableau ci-dessous pointe les modalités
de réponse apportées à l’OETH en distinguant les 3 fonctions publiques.
17 Vers un management public éthique et performant BARTOLI Annie, KERAMIDAS Olivier, LARAT
Fabrice, MAZOUZ Bachir Revue française d'administration publique, (2011), N° 140, p. 629-639 18 Emploi et chômage des personnes handicapées BARHOUMI Meriam et CHABANON Léa (2015)
Synthèse.Stat DARES
-
18
Modalités de réponse à la loi au 1er janvier 2013
Pour aller plus loin, dans la même étude, les tableaux des pages 41 et 42 précisent les
caractéristiques et principales tendances d’évolution relatives aux bénéficiaires de l’OETH dans les
3 fonctions publiques. Les tableaux figurant en page 89 et 90 indiquent la répartition des aides
versées par le FIPHFP sur les 3 volets de la fonction publique, et selon la nature des aides.
b) Des chiffres-clés National/Réunion
En région, le rapport annuel du FIPHFP – Réunion19
indique qu’en 2017, le taux d’emploi légal
dans les 3 fonctions publiques était de 4,95 % : 4,91 % dans la Fonction Publique territoriale,
5,77 % dans la Fonction Publique Hospitalière et 2,98 % dans la Fonction Publique d’État. Au
national, le rapport note un taux légal d’emploi de 5,49 %.
Concernant l’emploi direct, le rapport annuel FIPHFP – Réunion20
indique qu’en 2016, un taux de
5,18 % au national : 6,62 % dans la Fonction Publique territoriale, 5,55 % dans la Fonction
Publique Hospitalière et 4,52 % dans la Fonction Publique d’État.
19 Rapport Annuel Local 2017, FIPHFP Réunion 20 Rapport Annuel Local 2016, FIPHFP Réunion
-
19
2. Cadre méthodologique
Partie 2 :
Cadre méthodologique
-
20
2.1 La démarche préalable
Le choix de la problématique s’est dessiné sur la base d’observations professionnelles effectuées
dans mon secteur d’origine : la formation et l’enseignement. Pour le transfert au secteur de la santé,
le recueil de l’avis des acteurs directement impliqués a permis d’évaluer la pertinence comme la
faisabilité de l’idée de départ. A l’échelle du secteur public hospitalier et avec les exigences
légitimes de confidentialité qui entourent les données relatives aux personnels, la préoccupation de
départ de l’étude a été centrée sur les possibilités d’accès et la nature des données à exploiter.
a) Entretiens exploratoires
Plusieurs personnes ont été déterminantes dans le cheminement et ont contribué à arrêter le choix
du sujet.
Les Référents Handicap appréhendent au quotidien les différents champs en lien avec l’emploi des
personnes handicapées et m’ont amenée à cibler le maintien dans l’emploi, première priorité dans la
fonction publique hospitalière. Leur connaissance précise des réalités de l’accompagnement, des
modalités de financement par le FIPHFP et du réseau des acteurs à l’échelle territoriale a été
précieuse tout au long du travail effectué.
Mme Céline Delacour Mission Handi-Pact Fonction Publique a assuré le suivi d’études publiées sur
le site, relatives aux 3 fonctions publiques, auxquelles ce travail fait très souvent référence. Cette
expérience a permis d’anticiper certains écueils liés à la sensibilité, et donc à la difficulté à
recueillir, des données liées à la situation des personnes handicapées. Au niveau de Handi-Pact,
l’intérêt pour l’étude était réel. Outre la disponibilité pour les échanges, ce sont de précieux conseils
méthodologiques basés sur les enquêtes de terrain menées qui ont été prodigués. De plus, la Mission
Hand-Pact anime un réseau et des ateliers à destination des professionnels du handicap. J’ai pu
bénéficier de l’expertise en management sur le sujet et de l’aide, notamment dans la partie relative
aux propositions.
M. Mounir Najafaly de la DRH du CHU de La Réunion a accepté d’assurer le suivi de ce travail. Sa
connaissance précise du pilotage en GRH du CHU a permis d’appréhender certaines problématiques
managériales spécifiques au sujet. Grâce à lui, la prise de contact avec Mme Françoise BELON,
chargée de la politique handicap du CHU puis la Référente Handicap du CHU, la consultation des 2
conventions FIPHFP, et diagnostics à partir desquels les réflexions se sont construites, a été rendue
possible. Enfin et surtout, la possibilité de contacter les personnes concernées par le questionnaire a
été accordée.
-
21
b) Politique Handicap – Les établissements publics de santé
Le CHU de La Réunion est le premier établissement public de santé ayant signé un accord sur l’île.
Le suivi des conventions du CHU est intéressant, il permet une analyse sur les évolutions et la
structuration des politiques en faveur de l’emploi des personnes en situation de handicap sur 5 ans.
En effet, la réflexion relative à la première convention FIPHFP a été entamée dès 2013, avec
signature en 2015 et la seconde a été signée en 2018.
Concernant les autres établissements publics de santé de La Réunion, l’EPSMR et Gabriel Martin
ont signé leur convention FIPHFP en Janvier 2017 et le GHER en Novembre 2017.
Aujourd’hui, tous les établissements publics de santé de La Réunion ont donc signé un accord. Ces
conventions, précédées d’un état des lieux, mettent en évidence les orientations structurant la
politique handicap de l’organisation. Des précisions sont notamment formalisées concernant :
Les acteurs
Les outils et indicateurs de suivi dédiés
Le détail de la politique de maintien dans l’emploi et les fiches -actions
Les modalités de communication / sensibilisation
L’accompagnement en formation des professionnels, notamment des cadres.
La nomination d’un référent handicap constitue une étape importante dans cette dynamique. Tous
les établissements publics de santé ont aujourd’hui un référent handicap mais avec des temps dédiés
différents (CHU : 40 %, EPSMR / Gabriel Martin 100 % et GHER 20%). De plus, au CHU, Mme
Françoise BELON est nommée pour assurer le pilotage de la politique handicap, elle est chargée en
parallèle de la Qualité de Vie au Travail.
Concernant les éléments de structuration de la politique, les modalités opérationnelles retenues par
chaque établissement (et même d’un site à l’autre pour le CHU) ne sont pas les mêmes.
L’organisation du suivi, les modalités de communication, et même l’implantation physique du
bureau du Référent Handicap diffèrent et impactent la représentation du salarié sur les divers
aspects de son accompagnement. L’étude globale et l’analyse ont été influencées par ces facteurs
distinctifs qui se sont imposés lors de la diffusion et du traitement du questionnaire.
-
22
2.2 Les hypothèses de recherche
L’objectif est de tenter de dégager les facteurs impactant le développement humain des salariés
concernés, le développement humain étant mesuré à la fois à travers sa relation à l’organisation et à
travers ses liens au collectif de travail. L’hypothèse est que ces facteurs, éléments de structuration
possibles d’une politique handicap, constituent des facteurs d’amélioration de la Qualité de Vie au
Travail de l’ensemble des salariés et donc de performance humaine de l’organisation. Ce sont des
champs d’investigation vastes et ambitieux, mais ils s’appuient sur des analyses qualitatives et la
volonté de baser l’étude sur des échelles de mesure tirées de la littérature.
a) Les variables dépendantes
Les 2 variables dépendantes choisies correspondent aux 2 composantes du développement humain
au sens de la théorie socio-économique. Elles sont nommées dans la modélisation : Implication
affective dans l’organisation de travail et Développement des liens au sein du collectif de travail.
Chacune de ces variables est elle-même décomposée en sous-construits à partir d’échelles de
mesure existantes. Pour la première variable dépendante, c’est la mesure d’implication et de
motivation au travail d’Alan et Meyer qui est utilisée avec des sous-construits nommés :
Attachement émotionnel, Obligation de rester et Sentiment de devoir envers organisation. Pour la
seconde, je me suis inspirée d’un rapport QUALITHravail21
édité au niveau national. Ce rapport
identifie 3 grands thèmes qui ont une influence sur la QVT des personnes handicapées : Sentiment
d’être accepté, Aménagement de poste et Partage de la situation avec l’entourage professionnel.
L’ensemble des construits constitutifs des variables dépendantes est résumé ci-dessous :
Les variables dépendantes
Construits Sous-construits
Implication affective dans
l’organisation de travail
Attachement émotionnel,
Obligation de rester
Sentiment de devoir envers organisation
Développement des liens au
sein du collectif de travail
Sentiment d’être accepté
Aménagement de poste
Partage de la situation avec l’entourage professionnel
21 Rapport public QUALTHravail, Observatoire QUALTH, octobre 2015
-
23
b) Les variables indépendantes
L’étude menée par Handi-Pact dans la fonction publique hospitalière a permis de d’identifier 3
leviers de réussite (Accompagnement de l’agent pendant le processus, Coordination des services
RH/médicaux, Aides matérielles/techniques/humaines) et 3 freins (Possibilités de
mobilité/reclassement, Complexité de la mise en œuvre des solutions, Crainte de gêner le travail) au
maintien dans l’emploi des personnes handicapées.
Ce sont ainsi 6 champs identifiés comme ayant un impact, positif ou négatif, qui constitueront les
variables indépendantes du modèle de recherche initial.
A ces concepts s’ajoutent des réflexions tirées des échanges exploratoires avec les différents
professionnels rencontrés. La confiance du salarié dans les professionnels chargés de
l’accompagnement a été pointée de manière récurrente par mon suiveur professionnel. De son côté,
Handi-Pact a identifié 4 acteurs dans l’accompagnement qui sont : Cadre, DRH, Médecin de
Prévention, Référent Handicap. Un construit supplémentaire Confiance dans les acteurs, visant à
évaluer la manière dont la confiance que peut éprouver le salarié en difficulté envers les acteurs en
charge de son accompagnement impacte sa relation à l’organisation et sa relation au collectif de
travail, est créé. Il sera décomposé dans l’étude en 4 sous-construits : Confiance Cadre, Confiance
DRH, Confiance Médecin de Prévention et Confiance Référent Handicap.
Les variables indépendantes
Construits Sous-construits
Accompagnement de l’agent pendant le processus Leviers de réussite identifiés
par Handipact Coordination des services RH/médicaux
Aides matérielles/techniques/humaines
Possibilités de mobilité/reclassement
Freins identifiés par Handipact Complexité de la mise en œuvre des solutions
Crainte de gêner le travail
Confiance dans les acteurs
Confiance Cadre
Confiance DRH
Confiance Médecin Prévention
Confiance Référent Handicap
Le modèle présenté en page suivante compte donc au total 9 construits, avec des sous-construits
pré-identifiés pour préparer une analyse plus fine. Le questionnaire élaboré sur cette base, comptant
52 questions auxquels s’ajoutent les renseignements généraux, figure en Annexe 1.
-
24
-
25
2.3 Le recueil des données
Au niveau de l’échantillon, il est constitué des travailleurs bénéficiant d’une RQTH
(Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé). La première intention était de limiter le
questionnaire au CHU qui regroupe à lui seul un nombre de répondants potentiels qui peut être
considéré comme suffisant pour l’étude. Mais malgré les efforts de diffusion entrepris sur un
période de 2 mois (mai-juin), seules 11 personnes avaient répondu par ce biais. Face à la difficulté à
obtenir des réponses, le panel a été élargi à d’autres établissements publics de santé et les modalités
de contact ont été diversifiées.
Au niveau de la diffusion, afin de garantir l’anonymat aux salariés comme à la Direction des
Ressources Humaines, l’idée était de transmettre le questionnaire au Référent Handicap pour
diffusion par mail aux personnes concernées. Il s’est avéré qu’au niveau de la base de données du
CHU, les informations de contact répertoriées étaient essentiellement des numéros de téléphone.
Contactées par téléphone par le Référent Handicap, une réticence à donner l’adresse électronique
s’est exprimée. L’écueil venait de l’absence d’explication aux personnes concernées sur le cadre et
les objectifs de l’étude avant diffusion du questionnaire. Mais la charge de travail supplémentaire
que représentait l’appel de chaque répondant potentiel ne pouvait être assurée par le Référent
Handicap. Aussi, la possibilité m’a-t-elle été donnée par la Chargée de Politique Handicap du CHU
et mon suiveur professionnel, sous couvert de convention de stage et des clauses de confidentialité
qui s’y réfèrent, de contacter directement les personnes, ce qui a débloqué la situation.
Les appels préalables à l’envoi des questionnaires par mail ne se sont pas non plus passés comme
prévu. Durant l’appel, et après explication de l’objet de l’étude, la plupart ont souhaité répondre
directement par téléphone. Et le cadre du questionnaire ne leur semblant pas recouvrir
complètement leur situation, de nombreuses précisions ont été apportées de vive voix. Ce sont donc
près de 40 entretiens téléphoniques menés, dont la durée variait de 30 mn à 1h. En parallèle, les
quelques personnes qui acceptaient de remplir le questionnaire en ligne ont ensuite souhaité un
contact téléphonique pour échanger sur le sujet.
C’est un déroulement, semé d’embûches dans le récit, mais qui s’avère en réalité intéressant pour
l’étude. En effet, les entretiens ainsi menés ont été extrêmement éclairants pour nuancer les
parcours sur des aspects qui n’avaient pas été anticipés dans le questionnaire.
-
26
Sur les « aménagements de poste » par exemple, les affirmations semblaient graduées : « j’ai eu
besoin d’un aménagement », « des aménagements m’ont été proposés », « les aménagements sont
satisfaisants ». Or les discussions ont mis en évidence la fait que la plupart des personnes
interrogées étaient à l’origine des propositions dans les solutions trouvées, aspect qui n’apparaissait
pas dans le questionnaire. De même, sur les questions relatives au lien à l’organisation, la plupart
des personnes interrogées estimaient ne pas pouvoir donner la même réponse selon la manière dont
il fallait comprendre « organisation ». Ainsi si, pour la plupart, un attachement au service s’est
exprimée, avec une difficulté à envisager de le quitter, ce n’était pas forcément le cas pour
l’établissement. Cette distinction très nette entre service et établissement exprimée par les
répondants n’avait pas été anticipée par le questionnaire mais mène à nuancer l’analyse.
Concernant le traitement, le choix de l’analyse quantitative était lié à un souci de confidentialité
(diffusion par mail) et à la volonté, sur un sujet sensible, de structurer des données sans les
interpréter. Mais ma réflexion à postériori est que l’entretien individuel aurait pu être une entrée
d’étude satisfaisante sur d’autres aspects. Outre le fait qu’elle semblait mieux convenir aux
personnes concernées, elle peut permettre de prendre en compte la diversité des situations de
handicap au travail et des modalités de réponse.
La possibilité de pouvoir échanger avec les personnes a été capitale pour appréhender la
problématique du point du vue des répondants. Le questionnaire aurait pu être perçu comme
difficile émotionnellement pour les personnes concernées car il les obligeait à se replonger dans des
épisodes complexes et douloureux de leur parcours. Mais la perception que j’ai eue est toute autre.
Il semble que le sentiment de trouver un espace de dialogue sur les difficultés rencontrées et la
possibilité d’échanger a été vécue comme satisfaisante. Des réactions en boule de neige se sont
d’ailleurs produites. Des personnes, informées par leur collègues, ont souhaité répondre directement
à l’enquête.
Le recueil des données s’est avéré long et stressant au vu des délais de la formation. Au final, 62
répondants ont été comptabilisés pour l’étude. La répartition exacte des répondants au niveau des
différents établissements est difficile à établir en raison de l'anonymat souhaité. L'estimation faite
par divers croisements est de : 46 pour le CHU, 10 pour EPSMR et 6 pour Gabriel Martin, avec une
marge d'erreur de 2/3 réponses par établissement. Le nombre total de répondants a été suffisant pour
l’analyse sous SPSS envisagée.
-
27
2.4 Analyse de la cohérence interne des construits
a) Fiabilité des construits du modèle de recherche initial
Le calcul de l’Alpha de Cronbach sur chacun des construits du modèle a été effectué, faisant
apparaître plusieurs construits peu satisfaisants à améliorer..
N° / Nom du Construit Nombre
questions α Cronbach
1 Accompagnement pendant processus 3 0,532
2 Coordination Services RH / médicaux 3 0,771
3 Aides financières/techniques/humaines 3 0,803
4 Mobilité interne ou reclassement 3 0,796
5 Mise en œuvre solutions 3 0,569
6 Crainte de gêner le travail 3 0,771
7 Implication Affective dans l’organisation de travail 9 0,580
Attachement émotionnel 3 0,662
Obligation de rester 3 0,870
Sentiment de devoir envers organisation 3 0,685
8 Développement des liens au sein du collectif de travail 9 0,428
Sentiment d’être accepté 3 0,726
Aménagement Poste 3 0,515
Partage de la situation avec entourage 3 0,784
9 Confiance dans les acteurs 16 0,847
Confiance dans le cadre de proximité 4 0,880
Confiance dans la DRH 4 0,911
Confiance Référent Handicap 4 0,872
Confiance Médecin Prévention 4 0,900
b) Amélioration de la fiabilité et nouveau modèle de recherche
Le traitement effectué n’est pas de même nature pour tous les construits.
Pour le premier construit, une lecture plus attentive des questions permet de réaliser qu’en effet la
réponse à la question 1 fait référence à la connaissance de la procédure alors que les deux questions
suivantes font référence à une coordination des services dans l’accompagnement. Le lien avec le
construit 2 nommé « Coordination » est envisagé.
-
28
Le regroupement des Construits 1 et 2, et le retrait de la question 1 permet ainsi d’élaborer un
nouveau construit nommé « Coordination des services dans l’accompagnement ».
Les construits 3 et 4 sont inchangés. Pour le cinquième construit, la troisième question ne semble
pas en cohérence avec les deux premières. En la retirant, un construit avec 2 questions plus
cohérentes entre elles est obtenu. Le construit 6 est inchangé.
Les construits 8 et 9 insatisfaisants même s’ils comportent des sous-construits fiables qui pourront
être utilisés ultérieurement. Le choix est fait de procéder à un traitement des construits permettant
d’améliorer leur fiabilité globale. Dans cette perspective, l’analyse plus fine des questions permet
de pointer des éléments que je n’avais pas anticipé dans l’élaboration du questionnaire, notamment
des questions négatives. Le recodage préalable des questions concernées a donc été effectué :
Construit 7 → Questions 1, 2, 3 ; Construit 8 → Question 1 ; Construit 11 → Questions 1, 2, 3
Après recodage, le construit Implication Affective dans l’organisation de travail présente α=0,692,
mais s’améliore en supprimant Question 1 - Construit 12. Le construit Développement des liens au
sein du Collectif de Travail ne satisfait pas non plus avec α=0,639. Le traitement ACP permet, en
éliminant les questions relatives à l’aménagement du poste, d’obtenir la fiabilité requise.
Les construits retravaillés sont présentés ci-dessous, et la modélisation réajustée sur lesquelles les
relations seront testées figure en page suivante.
N° / Nom du Construit
Nombre questions
α Cronbach
1bis Coordination des services dans l’accompagnement 5 0,786
2bis Aides financières/techniques/humaines 3 0,803
3bis Mobilité interne ou reclassement 3 0,796
4bis Mise en œuvre solutions 2 0,794
5bis Crainte de gêner le travail 3 0,771
6bis Liens au sein du collectif de travail 6 0,723
7 bis Implication affective envers organisation 8 0,707
8bis Confiance dans les acteurs 16 0,847
Confiance dans le cadre de proximité 4 0,880
Confiance dans la DRH 4 0,911
Confiance Référent Handicap 4 0,872
Confiance Médecin Prévention 4 0,900
A noter : les réponses aux questions 1, 15, 22, 23, 24 et 34 n’ont pas encore été exploitées.
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29
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2.5 Relations entre les construits
a) La régression linéaire multiple
La recherche des variables du modèle expliquant le mieux les variables dépendantes s’est faite sous
SPSS par une régression linéaire multiple pas à pas. L’utilisation du construit Confiance dans les
acteurs ne générant pas de résultats satisfaisants, ce sont les 4 sous-construits qui ont été utilisés
pour la régression. Ils permettent ainsi l’identification plus précise du(des) acteur(s) concerné(s).
Concernant l’Implication affective dans l’organisation de travail, le traitement génère les résultats
suivants.
Implication affective dans l’organisation de travail
Les deux variables présentées par SPSS comme étant celles qui expliquent le mieux cette variable
sont : Crainte de gêner le travail et Confiance dans le Cadre. Les deux modèles sont bien
significatifs, avec « sig » inférieur à 0,01.Le coefficient R augmente avec l’introduction des
variables passant de 0,433 à 0,502. Le modèle est donc meilleur lorsqu’on ajoute les deux variables
indépendantes précitées. Le tableau des coefficients indique les coefficients avec un degré de
significativité qui est satisfaisant.
L’Implication affective dans l’organisation de travail est donc influencée principalement et de
manière significative par Crainte de Gêner le travail et Confiance dans le Cadre.
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31
Concernant le Développement des liens au sein du Collectif de Travail, le traitement génère les
résultats suivants :
Développement des liens au sein du collectif de travail
Les deux variables présentées par SPSS comme étant celles qui expliquent le mieux cette variable
sont : Confiance dans le Cadre et Confiance dans le Médecin de Prévention. Les deux modèles sont
bien significatifs, avec « sig » inférieur à 0,01.Le coefficient R augmente avec l’introduction des
variables passant de 0,515 à 0,581. Le modèle est également meilleur lorsqu’on ajoute les deux
variables indépendantes précitées. Le tableau des coefficients indique les coefficients avec un degré
de significativité qui est satisfaisant.
Le Développement des liens au sein du Collectif de travail est donc influencé principalement et de
manière significative par Confiance Cadre et Confiance Médecin de Prévention.
La régression linéaire multiple permet ainsi de proposer le modèle de recherche final figurant en
page suivante. Ce modèle est aussi proposé en Annexe 2 afin de le retrouver facilement car il est
souvent cité dans la suite.
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32
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33
Les variables qui influencent le plus les variables dépendantes sont donc définies par le modèle.
Mais les entretiens téléphoniques avaient mis en évidence le rôle majeur qu’avait pour les
répondants la Confiance dans le Référent Handicap ou l’importance de la Coordination des services
dans l’Accompagnement. Or ces deux variables n’apparaissent pas dans le modèle final. L’analyse
s’est donc poursuivie par la recherche de corrélations éventuelles entre les variables indépendantes.
b) Les corrélations mises en évidence
Le tableau ci-dessous présente les résultats de l’analyse bilatérale effectuée sur l’ensemble des
variables indépendantes du modèle choisi.
Les résultats les plus significatifs concernent bien Coordination des services dans
l’accompagnement et Confiance Référent Handicap. Ainsi, Coordination des services dans
l’accompagnement apparaît corrélée de manière très significative(au niveau 0,01 bilatéral) aux
Aides financières, techniques ou humaines, aux Propositions de postes en mobilité et reclassement,
et également à Confiance DRH et Confiance Référent Handicap. En outre, Confiance Référent
Handicap apparaît également corrélée de manière très significative à Coordination des services, à
Aides financières techniques, humaines, à Possibilités de postes en mobilité et reclassement,, et à
Confiance DRH.
Le Référent Handicap est perçu par les salariés, et de manière très significative, personne ressource
dans la coordination des moyens de mise en oeuvre des compensations, et en lien avec la DRH.
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34
3. Réflexions managériales
Partie 3 :
Réflexions managériales
-
35
Après une description détaillée de la méthodologie choisie, cette dernière phase est consacrée à
l’interprétation des résultats et aux propositions managériales qui en découlent. Elle sera traitée
avec prudence sur les deux volets précités.
En effet, tout au long du processus, j’ai pu appréhender les contours d’une démarche de recherche.
Choix des construits, choix/ordonnancement des questions, choix de la méthodologie, modalités de
diffusion/recueil, choix d’investigations complémentaires, sont autant d’éléments déterminants dans
l’analyse, puis l’interprétation des résultats obtenus.
Au niveau des propositions managériales, l’enquête initialement prévue sur le CHU Réunion, s’est
étendue à d’autres établissements publics hospitaliers. L’organisation dans laquelle l’étude se place
est donc, de fait, constituée des établissements publics de santé de La Réunion. Durant la phase
d’investigation, des différences importantes d’organisation sont apparues, entre établissements,
mais aussi au sein même du CHU entre le Nord et le Sud par exemple. Les aspects managériaux
sont abordés sur la base des résultats obtenus à cette échelle, après échanges avec des
professionnels, et avec d’autant plus de précaution que je n’appartiens pas à l’organisation.
3.1 Interprétation des résultats obtenus
Les principaux résultats de l’analyse effectuée dans la partie précédente concernent les facteurs
explicatifs des variables dépendantes du modèle de recherche et les corrélations mises en évidence
entre variables dépendantes. Pour rappel, il a ainsi été établi que :
L’Implication affective dans l’organisation de travail est influencée principalement et de manière
significative par Crainte de Gêner le travail et Confiance dans le Cadre.
Le Développement des liens au sein du Collectif de travail est influencé principalement et de
manière significative par Confiance Cadre et Confiance Médecin de Prévention.
Le Référent Handicap est perçu par les salariés, et de manière très significative, personne ressource
dans la coordination des moyens mis en oeuvre pour compenser le handicap, et en lien avec la
DRH.
Lorsqu’on observe le modèle figurant en Annexe 2 sur lequel l’analyse SPSS a été menée, on
remarque que pour de nombreux construits, le lien n’est pas établi. Ce sont des résultats surprenants
qui, en premier lieu, désarçonnent. Une étude plus approfondie a permis d’en tirer des éléments de
cohérence avec le cadre conceptuel, dans la valorisation du management de proximité, comme dans
l’importance du facteur humain pour améliorer la performance.
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36
a) Le facteur humain
L’analyse permet de dégager 3 facteurs explicatifs du développement du salarié en lien avec le
facteur humain. Mais elle ne permet pas d’établir de lien entre :
- Aides matérielles, techniques et humaines, Possibilité de mobilité et reclassement et Aménagement
de poste d’une part
- et part Implication affective dans l’organisation travail, Développement des liens au sein du
collectif de travail d’autre
Les aspects matériels de la prise en charge des travailleurs handicapés n’ont pas été établis comme
facteurs d’influence du développement de ce potentiel humain, au sens de la relation à
l’organisation de travail comme de la relation aux autres salariés.
A mon sens, ce résultat est à mettre en parallèle avec le droit à la compensation prévu dans les
dispositions législatives. En effet, les aides matérielles sont indispensables dans la mesure où elles
permettent au salarié d’être tout simplement en mesure de travailler. Elles correspondent donc bien
à des modalités de compensation du handicap, mais ne constituent pas pour autant des facteurs de
développement humain des salariés en situation de handicap.
Les aides matérielles qui relèvent de la compensation du handicap sont nécessaires et permettent au
salarié d’être au travail. Mais c’est la qualité des aspects humains de l’accompagnement des
personnels concernés qui permet d’améliorer la performance sociale de l’organisation, au sens de
l’implication affective et du renforcement du collectif.
b) L’encadrement de proximité
La théorie de management socio-économique met en avant la nécessité d’un encadrement de
proximité de qualité pour améliorer la performance des organisations.
Dans les entretiens menés avec les personnes concernées comme dans les échanges avec Handipact,
cet aspect avait été mis en avant de manière très nette.
Les résultats obtenus suite au traitement SPSS valident cette hypothèse.
La confiance dans le cadre est un facteur important de performance humaine de l’organisation, elle
influence la relation du salarié à l’organisation de travail comme aux autres salariés.
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3.2 Structuration de la politique handicap
a) Une réflexion qui s’insère dans une vision globale de l’organisation
Les personnes interrogées sont donc des personnes reconnues handicapées de la fonction publique
hospitalière à La Réunion bénéficiant d’une RQTH22
.
Or, après traitement SPSS, le modèle de recherche final figurant en Annexe 2, ne met en exergue
aucun construit spécifique à la situation de handicap. Les construits qui apparaissent pourraient
ainsi concerner tout salarié de l’organisation et constituent donc des axes d’amélioration de la
performance globale.
Cette réflexion tend à étayer l’idée que la structuration de la politique handicap est un levier de
performance sociale de l’organisation. En effet, le développement de sa capacité à différencier
l’accompagnement de ses ressources humaines se fait au bénéfice de l’ensemble des salariés.
b) Mesurer l’impact de la structuration
L’un des objectifs de ce travail était de faire le lien entre structuration de la politique handicap et
performance de l’organisation. Dans cette optique, des questions relatives aux dates d’arrivée au
CHU, de démarrage de démarche interne de prise en compte des difficultés, de dates de demande de
reconnaissance RQTH étaient prévues dans le questionnaire. Les données ainsi recensées
permettent, à partir d’orientations précises envisagées, de créer des groupes de salariés et de
procéder à des analyses comparatives temporelles.
En parallèle, le repère choisi pour évaluer l’engagement effectif de l’organisation dans cette
démarche est l’engagement de la réflexion relative à cette structuration. Au CHU, le projet de
conventionnement FIPHFP a été rédigé dès 2013.
Durant les entretiens, des différences entre les salariés dont les difficultés avaient démarré
récemment, et ceux dont les difficultés étaient plus antérieures avaient été perçues. Le
questionnement sur l’existence de différences significatives éventuelles dans l’accompagnement des
salariés, en fonction de la date à laquelle leurs difficultés se sont déclarées, s’est imposé.
Pour répondre à cette interrogation, après une exploration de différentes possibilités de SPSS, le
choix méthodologique ci-après a été adopté.
22 RQTH : Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé
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Recodage de données
Les réponses à la question : « En quelle année vos difficultés au travail ont-elles débuté ? » ont été
recodées pour permettre la création de groupes avec une nouvelle variable nommée Diff_2013. Les
réponses inférieures ou égales à 2013 ont été recodées « Avant 2013 », et les réponses strictement
supérieures à 2013 recodées « Après 2013 ».
L’effectif de 62 répondants peut donc être scindé en deux groupes de données « Avant 2013 » avec
un effectif de 47 et « Après 2013 » avec un effectif de 15.
Questionnement 1 : Quelles sont les variables du modèle pour lesquelles les
résultats diffèrent de manière significative à partir de 2013 ?
Sous SPSS, l’outil « Comparer les moyennes » est utilisé pour évaluer les différences entre les
moyennes. La variable indépendante choisie dans ce cadre est Diff_2013 et les variables
dépendantes sont constituées de la liste des facteurs explicatifs envisagés dans le modèle de
recherche Page 29 (Coordination des services dans accompagnement, Aides matérielles,
Possibilités mobilité et reclassement, ….). Les résultats sont significatifs pour les variables
suivantes :
Calcul des différences de moyennes à partir de la variable Diff_Travail_2013
Taux de significativité
Moyenne Avant 2013
Moyenne Après 2013
Moyenne
Coordination des services dans l’accompagnement
0,042 12,9787* 17,0667* 13,9677*
Possibilités de mobilité et reclassement
0,024 7,2553* 10,800* 8,1129*
Mise en œuvre de solutions 0,015 9,8511* 7,3333* 9,2419*
Il apparaît donc que pour les 3 variables indiquées ci-dessus la perception des salariés est, en
moyenne, plus favorable, pour ceux qui ont ressenti des difficultés après 2013, que pour ceux qui
ont commencé à avoir des difficultés avant 2013. Ainsi la moyenne des réponses relatives à la
Coordination des services par exemple s’améliore nettement, et passent de presque 13 à environ 17.
Les variables du modèle pour lesquelles les résultats différent de manière significative à partir de
2013 correspondent ainsi à une réflexion coordonnée des services dans l’accompagnement des
personnes et à la mise en place effective de mesures de compensation du handicap.
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Calcul de délais de prise en compte de la situation de handicap
Ce questionnement sur les délais résulte de réflexions récurrentes des personnes interrogées sur les
délais de prise en compte de leur situation qui leur ont semblé particulièrement longs.
Une variable spécifique « Délai démarche » est créée sous SPSS par le calcul suivant :
Délai démarche = Année demande de reconnaissance – Année début démarche interne.
L’intention est de comparer les moyennes des deux groupes Diff_2013
Questionnement 2: Peut-on affirmer que la date de début des difficultés a un impact
significatif sur les délais de prise en charge des personnes handicapées ?
Sous SPSS, l’outil « Comparer les moyennes » est à nouveau utilisé. La variable indépendante
choisie dans ce cadre est Diff_2013 et la variable dépendante Délai_Démarche. Les résultats sont
les suivants :
Calcul des différences de délais à partir de la variable Diff_Travail_2013
Taux de significativité
Moyenne Avant 2013
Moyenne Après 2013
Moyenne
Délai démarche 0,036 3,3617* 1,0000* 2,7903*
Les résultats sont significatifs et une différence importante est observée entre les moyennes.
Les délais de prise en charge qui étaient en moyenne de 3,3 années, pour les personnes ayant
commencé à avoir des difficultés avant 2013, passe à environ 1 année pour les personnes pour
lesquelles ces difficultés sont apparues après 2013. Les délais sont donc divisés par 3 en moyenne.
Il me semble que la fiabilité des construits aurait pu être améliorée, des résultats significatifs plus
nombreux auraient pu être établis, si l’étude avait été menée sur un unique établissement.
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c) Investigations complémentaires
Les possibilités d’investigation statistique sont multiples. Les choix opérés ont été dictés avant tout
par des interrogations particulières. Les données non exploitées recèlent une masse d’informations
potentielles qui pourraient alimenter la réflexion sur le sujet traité.
Toujours en lien avec les interrogations soulevées par les répondants, l’exploration s’est donc
poursuivie par l’étude des réponses à certaines questions non retenues pour le modèle de recherche.
Question 1 : Je connaissais la procédure d’accompagnement de l’établissement
Question 15 : (Si on fait référence aux solutions qui vous ont été proposées pour vous adapter à la
situation, diriez-vous que :) Aucune solution n’a été trouvée
Question 24 : Les aménagements de ma situation de travail sont satisfaisants
Question 1 : Je connaissais la procédure d'accompagnement de l'établissement
La répartition des fréquences s’établit comme suit :
Ainsi, 71 % des personnes interrogées ne connaissaient pas du tout la procédure mise en place et en
utilisant les fréquences cumulées, 88,7 % des personnes interrogées estiment avoir une
connaissance insuffisante de la procédure de l’établissement. (Réponses 1, 2 ou 3)
La répartition en groupes Diff_2013 dans le but d’établir des différences est effectuée.
Calcul des différences de délais à partir de la variable Diff_Travail_2013
Taux de significativité
Moyenne Avant 2013
Moyenne Après 2013
Moyenne
Connaissance de la procédure 0,006 1,4** 2,4** 1,65**
L’échelle allant de 1 à 6, la moyenne des réponses est de 1,65, et la différence entre les groupes
Difficultés_2013 est significative. Les personnes dont les difficultés ont débuté avant 2013 ont une
réponse moyenne égale à 1,4 inférieure à celles ayant éprouvé des difficultés plus récemment pour
lesquelles cette moyenne est de 2,4. Dans les deux cas cela ne peut être considéré comme
satisfaisant.
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Question 15 : (Si on fait référence aux solutions qui vous ont été proposées pour
vous adapter à la situation, diriez-vous que : ) Aucune solution n’a été trouvée
La répartition des fréquences s’établit comme suit :
Ainsi, 22,6 % des personnes interrogées considèrent qu’aucune solution à leurs difficultés n’a été
trouvée et en utilisant les fréquences cumulées, 46,8 % des personnes interrogées expriment une
insatisfaction quant aux solutions ont été trouvées. (Réponses 4, 5 ou 6)
La moyenne des réponses se situe à 2,98 soit une moyenne qui penche en faveur de solutions
trouvées et la comparaison des moyennes avant/après 2013 donne un taux de significativité de
0,457 qui ne permet pas d’exploitation sur ce volet.
Question 24 : Les aménagements de ma situation de travail sont satisfaisants.
La répartition des fréquences s’établit comme suit :
Ainsi, 21 % des personnes interrogées considèrent que les aménagements de leur situation de travail
sont satisfaisants et en utilisant les fréquences cumulées, 43,5 % des personnes interrogées sont
plutôt satisfaites des aménagements de leur situation.
La moyenne est de 3,31 soit une moyenne qui penche en faveur de la satisfaction, mais la
comparaison des moyennes avant/après 2013 donne un taux de significativité de 0,810 qui ne
permet pas d’exploitation sur ce volet.
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3.2 Propositions managériales
Les considérations émises sur ce volet se fondent sur le cadre conceptuel, tirent parti des résultats
de l’analyse effectuée et s’inscrivent dans la continuité des échanges avec les professionnels
rencontrés.
Sur le volet théorique, l’une des orientations majeures de la théorie de management socio-
économique réside dans la valorisation du management de proximité. Mais, les chercheurs de
l’ISEOR ont aussi une vision opérationnelle et proposent la mise en place d’outils à adapter à
chaque organisation :
- Contrat Activité Périodiquement Négocié
- Tableau de Bord Périodique (SI)
Sur le volet méthodologique, les résultats sont nombreux, avec des analyses de différentes natures
liées à la nature des questionnements. Régression linéaire, corrélations, différences entre des
moyennes de groupes, répartition des fréquences sont les principales modalités de calcul utilisées et
servent de base à l’interprétation. Afin de faciliter la lecture et favoriser un retour rapide sur les
principaux constats, une synthèse des résultats est proposée en Annexe 3.
L’organisation hiérarchisée de la fonction publique permet d’examiner plusieurs échelles d’actions.
Dans le prolongement de cette idée, la réflexion managériale proposée se décline ci-dessous en 3
niveaux sur lesquels la politique handicap se conduit : le service, l’établissement de santé, et le
territoire.
a) A l’échelle du service :
Les idées phares qui émergent des apports théoriques correspondent à une périodicité
« institutionnalisée » des entretiens avec le supérieur hiérarchique direct avec une reconnaissance
des efforts supplémentaires demandés au salarié dans le cadre de la réduction des « poches de sous-
efficacité » et/ou, à plus long terme, de la création de potentiel. Ces rencontres permettent au
salarié un temps d’échange sur les difficultés de la situation de travail, avec une incitation à se
montrer force de proposition. Ce dialogue est aussi le moment d’explicitation par le cadre des
possibilités éventuelles, ou des difficultés, de mise en adéquation des propositions avec les objectifs
de l’organisation.
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Les résultats de l’analyse confortent cette conception. Parmi les hypothèses testées dans le modèle
de recherche Annexe 2, nous avons pu montrer l’importance de la confiance dans le cadre de
proximité. En effet, le lien entre Confiance Cadre et Implication affective dans l’organisation de
travail a été démontré, avec un coefficient β=+0,254 et un taux de significativité satisfaisant (avec
sig < 0,05). De plus, le lien entre Confiance Cadre et Développement des liens au sein du collectif
de travail a été démontré, avec un coefficient β=+0,456 et un taux de significativité très satisfaisant
(avec sig < 0,01). Les lien établis soulignent l’importance, pour le salarié, de la relation au supérieur
hiérarchique direct dans le développement de sa relation à l’organisation et au collectif de travail.
Le service constitue ainsi un niveau de réflexion incontournable dans la mesure, c’est le niveau dans
lequel les difficultés se repèrent, s’expriment et trouvent parfois des solutions. Les récits des
personnes concernées permettent d’appréhender leur point de vue sur leur parcours. Ainsi, lors des
entretiens, tous les répondants pour lesquels des solutions avaient été trouvées ont insisté de
manière récurrente sur leur rôle dans la recherche. Ce sont souvent eux qui, après observation
attentive du service, d’autres services, recensement pour certains de l’ensemble des activités
effectuées en remplacement des restrictions émises, et discussions avec le cadre, en arrivent à faire
des propositions pour améliorer leur situation de travail. De leur côté, les Référents Handicap
insistent sur la nécessité de permettre au salarié d’être acteur de sa prise en charge pour parvenir à
des évolutions favorable