Le lieu du Nord...de la Chaire de recherche UQAM sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de...

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Collection Droit au Pôle Le lieu du Nord Vers une cartographie des lieux du Nord Sous la direction de Stéphanie Bellemare-Page, Daniel Chartier, Alice Duhan et Maria Walecka-Garbalinska

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Collection Droit au Pôle

Le lieu du NordVers une cartographie des lieux du NordSous la direction de Stéphanie Bellemare-Page, Daniel Chartier, Alice Duhan et Maria Walecka-Garbalinska

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Le lieu du NordVers une cartographie des lieux du Nord

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Cet ouvrage est publié dans le cadre des travaux du Laboratoire inter­national d’étude multidisciplinaire comparée des représentations du Nord de l’Université du Québec à Montréal, dirigé par Daniel Chartier.

Imaginaire | Nord Laboratoire international d’étude multidisciplinairecomparée des représentations du Nord

COLLECTION « DROIT AU PÔLE »

La collection « Droit au pôle » vise la publication d’études et d’analyses cultu­relles et littéraires qui permettent de comprendre et d’inter préter le Nord imaginaire, ainsi que d’essais comparés sur les différentes formes culturelles issues des territoires nordiques, soit du Québec, de la Scandinavie, de la Finlande, du monde inuit, du Canada anglais et du Groenland.

AUTRES TITRES PARUS DANS CETTE COLLECTION

Amélie Nadeau, Une passerelle entre le réel et l’ imaginaire

Adina Ruiu, Les récits de voyage aux pays froids au XVIIe siècle

Daniel Chartier, Bibliographie sur l’ imaginaire du Nord

Daniel Chartier (dir.), Le(s) Nord(s) imaginaire(s)

Sumarliði R. Isleifsson (dir.), Iceland and Images of the North

Sharon Rankin, A Bibliography of Canadian Inuit Periodicals

AUTRES COLLECTIONS

En plus de cette collection, les Presses de l’Université du Québec publient, en collaboration avec le Laboratoire international d’étude multi­disciplinaire comparée des représentations du Nord de l’Université du Québec à Montréal, les collections « Imaginaire Nord | Jardin de givre » et « Imaginaire Nord | Imagoborealis ».

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Sous la direction de Stéphanie Bellemare­Page, Daniel Chartier, Alice Duhan et Maria Walecka­Garbalinska

Le lieu du Nord

Vers une cartographie des lieux du Nord

Collection DROIT AU PÔLE

2015

Université de Stockholm Presses de l’Université du Québec

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Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Vedette principale au titre :

Le lieu du Nord : vers une cartographie des lieux du Nord

(Collection Droit au pôle)Comprend des références bibliographiques.Comprend du texte en anglais.Publié en collaboration avec : Université de Stockholm.

ISBN 978-2-7605-4152-8

1.Nord dans la littérature. 2. Arctique – Dans la littérature. I. Bellemare-Page, Stéphanie, 1977- . II. Chartier, Daniel, 1968- . III. Duhan, Alice. IV. Walecka-Garbalinska, Maria, 1952- . V. Stockholms universitet. VI. Collection : Collection Droit au pôle.

PN56.3.A65L53 2015 809’.9332113 C2014-941765-9

Les articles publiés dans ce livre ont fait l’objet d’une sélection et d’une évaluation par des pairs.Les auteurs remercient la fondation Lars Hierta Stiftelse et le Conseil de recherches en sciences humaines pour leur soutien à la publication de ce livre. Cet ouvrage est publié avec le concours de la Chaire de recherche UQAM sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique.Les Presses de l’Université du Québec reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada et du Conseil des Arts du Canada pour leurs activités d’édition. Elles remercient également la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour son soutien financier.

Conception graphique de la collection : Élise LassondeImage de couverture : Olavsplass, Oslo, © Imaginaire | Nord, 2013.Mise en pages : Info 1000 Mots

Dépôt légal : 1er trimestre 2015 › Bibliothèque et Archives nationales du Québec › Bibliothèque et Archives Canada › Sverige Kungliga biblioteket

© 2015 – Presses de l’Université du Québec. Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés. Chaque texte est la propriété de son auteur respectif. Imprimé au Canada.

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Présentation. Le lieu du Nord

Stéphanie Bellemare-Page, Daniel Chartier, Alice Duhan et Maria Walecka-Garbalinska

Lorsque nous avons lancé le projet à la source de cet ouvrage, nous posions comme hypothèse que le « Nord » puisse être appréhendé à travers l’étude des différents lieux qui le composent. Nous définissions alors le lieu en termes discursifs et symboliques plutôt que géographiques, sachant toutefois que du va-et-vient entre le réel et l’imaginaire émerge une tension d’une grande complexité.

Nous imaginions que le « Nord », comme lieu d’exploration, de noma-disme, de recherche, d’exploitation, d’utopies, et parfois de perdition ou de désespoir, puisse être traversé par plusieurs formes de mémoire témoi-gnant de la diversité et de la singularité des activités humaines qui y ont été menées. Ces mémoires – ancestrales, (pluri)culturelles, sacrées, historiques, industrielles, minières, scientifiques, militaires ou autres – pouvaient ainsi se croiser, se superposer et devenir complémentaires dans des zones ou des trajectoires qui se démarquent par leur richesse symbolique et discursive.

Comment proposer une « cartographie du Nord » par l’analyse de lieux ou d’espaces qui concentrent de manière exceptionnelle une ou plusieurs formes de mémoire, tout en étant parfois laissés à l’abandon, voire condamnés à l’oubli ? Comment ces « territoires discursifs » ont-ils été nommés, se sont-ils constitués et, s’il y a lieu, ont-ils été abandonnés ? Comment ont-ils été réin-ventés ou convoqués par l’art, la photographie, la politique, la muséographie, le tourisme, la musique, l’architecture, le cinéma, la littérature ? À quelle(s) temporalité(s) ces lieux nous confrontent-ils ? Sont-ils partie prenante d’une mémoire septentrionale commune à plusieurs cultures du Nord (scandinaves, baltes, finlandaise, québécoise, canadienne, russe, alaskienne, sâme et inuite) ou d’une mémoire universelle ? Sont-ils aujourd’hui l’objet de visées pros-pectives ? Par ce projet, nous nous intéressions ainsi à la valeur patrimoniale, historique, culturelle, touristique et ethnologique attribuée à ces lieux.

Les articles qui composent le présent volume, se concentrant sur des objets d’étude particuliers, se veulent une réponse, bien partielle, à toutes ces interrogations.

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LE LIEU DU NORD

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Le Nord palimpseste : mémoires, polyphonies et oublis

Dans la première partie de ce volume ont été rassemblés des articles qui présentent le Nord comme un espace riche sur le plan symbolique et culturel, traversé par une grande variété de voix qui se superposent et s’entrecroisent. Les lieux étudiés, évoquant tantôt la mémoire, tantôt l’oubli, nous sont présentés à travers diverses perspectives, ce qui en dévoile toute la richesse. La simplicité apparente – ou factice – du Nord dans l’imaginaire se voit ainsi décomposée en ses multiples strates de discours, qui non seulement complexifient cet espace, mais témoignent de tensions, de conflits et d’oublis.

Stéphanie Bellemare-Page propose une analyse des légendes, de la topo-nymie, des mythes fondateurs et des projets futuristes entourant les îles Diomède dans le détroit de Béring qui, bien que quasi désertées, ont gran-dement nourri l’imaginaire autochtone, sibérien et américain. Jan Borm fait une lecture critique des récits de voyage de deux écrivains de langue anglaise contemporains, Colin Thubron et Jeffrey Tayler, dont les observations ne rendent pas suffisamment compte, selon lui, de la richesse pluriculturelle de la ville de Yakoutsk, qui, en plus d’être un lieu de rencontre et de confron-tation entre l’Orient et l’Occident, est habitée par la mémoire de plusieurs peuples, dont celles des Yakoutes, des Evenes, des Evenks et des Yukhagirs.

Le caractère multidimensionnel et pluriculturel du Nord est aussi abordé dans l’étude du roman Cantique des plaines, de Nancy Huston, proposée par Alice Duhan. Celle-ci, par le recours à la notion de polyphonie, nous dévoile la complexité de la mémoire culturelle albertaine qui se déploie dans ce roman, véritable récit de filiation où des voix multiples s’expriment et se rencontrent en un même lieu : la plaine. Carmen Mata Barreiro s’attarde, quant à elle, à trois romans de la littérature québécoise actuelle qui mettent en scène l’histoire du Québec, et évoquent la mémoire du bâti, des ruines et des luttes contre la mort : La chair de pierre de l’architecte romancier Jacques Folch-Ribas, L’ été de l’ île de Grâce de Madeleine Ouellette-Michalska, et Hier de Nicole Brossard. Elle y analyse les représentations et les métaphores associées au Nord, ainsi que la façon dont elles traduisent les tensions entre mémoire et oubli.

Pour Katri Suhonen, l’hiver doit être perçu comme un personnage à part entière : dans l’étude qu’elle consacre à quatre œuvres littéraires québé-coises contemporaines (celles d’André Major, de Lise Tremblay et de Louise Desjardins), l’hiver traduit un renversement du rapport traditionnel entre l’humain et la nature. Suhonen montre comment la saison froide provoque

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PRÉSENTATION

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une métamorphose des lieux (la ville, l’habitat) et des personnages. Ceux-ci vivent un véritable pèlerinage physique dans la tempête, ainsi qu’un pèleri-nage symbolique, grâce à l’écriture. L’auteure suggère que l’expérience de la déterritorialisation les conduit à une forme de reterritorialisation identitaire, qui permet au sujet de cacher l’ancien et d’imaginer d’autres possibles.

Enfin, ce thème de l’identité, étroitement lié à celui du territoire, est aussi abordé par Maria Walecka-Garbalinska dans une étude du roman Un été à Stockholm de l’auteur marocain Adbelkébir Khatibi. La capitale suédoise apparaît dans ce récit autobiographique comme un espace tran-sitoire, de décentrement identitaire, où l’hiver et le Nord deviennent les métaphores de l’oubli. Cette ville représente pour le personnage principal un lieu de découvertes, de mémoire savante et religieuse, tout autant qu’un lieu d’amnésie personnelle et culturelle, devenant ainsi l’incarnation d’une forme d’altérité idéale.

Le Nord, toujours plus haut : cartographies mouvantes et lieux réels

Cette deuxième partie met en valeur les échanges complexes entre des lieux réels et des représentations imaginaires des territoires nordiques dans des œuvres littéraires et cinématographiques. Ici, le lieu du Nord n’apparaît pas figé, mais est sans cesse à réinventer dans l’imaginaire collectif. C’est un Nord en pleine mouvance que nous rencontrons dans les articles de Florence Davaille, Sabine Kraenker et Ulla Tuomarla, Stéphanie Vallières, Paul Landon et Brian Martin.

Dans le premier article de cette partie, Florence Davaille aborde la repré-sentation du territoire québécois dans l’œuvre de Pierre Perrault. Par sa géographie mythologique qui repose sur des lieux réels, aussi bien que sur des « Cornouailles » imaginaires, la cartographie chez Perrault « part de la connaissance du terrain pour devenir la représentation conceptuelle d’une communauté et de ses interrogations ». En accordant, dans son œuvre ciné-matographique et poétique, une place de premier plan aux territoires souvent méconnus du Nord du Québec, ainsi qu’en situant dans les Cornouailles imaginaires les combats politiques encore à livrer sur le chemin vers la souve-raineté, Perrault s’efforce de faire redécouvrir aux Québécois une identité collective nordique à un moment où ils sont de plus en plus tournés vers le Sud et les cultures anglo-canadienne et états-unienne. Par un renversement des axes traditionnels, le Québec se laisse penser dans l’œuvre de Perrault comme « la terre la plus au sud d’un univers de l’Extrême-Nord ».

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LE LIEU DU NORD

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Sabine Kraenker et Ulla Tuomarla abordent la cartographie changeante d’un autre pays nordique, l’Estonie, qui a dû reconfigurer ses repères à la suite des invasions allemande et russe. Elles démontrent comment la romancière Sofi Oksanen explore dans son roman Purge les difficultés des Estoniens à se réconcilier avec les moments les plus noirs de leur passé, à travers l’his-toire personnelle de trois générations de femmes d’une même famille. Selon leur lecture, ce roman dépeint l’Estonie comme le lieu d’une « immigration immobile », purement mentale, qui s’effectue au fur et à mesure que ce pays se voit plié aux volontés et exigences de forces externes qui imposent leurs idéologies, cultures et langues.

Dans son article, Stéphanie Vallières défend l’idée de la fragilité des cartes géographiques et imaginaires, en mettant l’accent sur l’acte mémo-riel. Elle étudie deux représentations littéraires de la ville québécoise de Gagnon, détruite et littéralement rayée de la carte à la suite d’un décret gouvernemental, en raison de la fermeture des mines de fer environnantes. Le recueil de poésie Une tonne d’air de Maude Smith-Gagnon et la pièce de théâtre Villes mortes de Sarah Berthiaume peuvent ainsi être lus comme des tentatives de sortir Gagnon de l’oubli collectif. En inscrivant ces deux œuvres dans le contexte de la dynamique de la mémoire collective, qui fait des restes d’un site habité tantôt un déchet, tantôt un monument, Vallières montre comment Smith-Gagnon et Berthiaume transforment un lieu d’oubli par une « contre-mémoire » qui se fonde sur le témoignage individuel.

Les vestiges d’un lieu sont également au cœur du texte que propose Paul Landon. Dans cet article méditatif et personnel, Landon nous amène en promenade parmi les restes du plateau de tournage du film Quintet de Robert Altman sur l’île Notre-Dame à Montréal. Quelques bâtiments abandonnés de l’exposition internationale qui a eu lieu sur l’île en 1967 ont été utilisés par Altman pour recréer les contours d’une ville plongée dans un hiver extrême, dans un avenir dystopique. Landon examine comment Altman exploite l’idée du Nord comme « la limite de notre imaginaire géographique » pour créer une diégèse hors temps et lieu qui désoriente le spectateur par son cadre à la fois arctique et urbain.

Finalement, Brian Martin s’intéresse à une figure importante de l’ima-ginaire nordique nord-américain pour en révéler une nouvelle facette. En examinant la tradition de fraternité et d’affection masculine parmi les divers ouvriers de la forêt (du Québec et des États-Unis) à travers les textes littéraires et les ouvrages historiques, Martin resitue la figure nordique du bûcheron dans le contexte d’une cartographie de l’homoérotisme – traditionnellement associé à la vie citadine des pays plus au sud.

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PRÉSENTATION

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Par cette réflexion autour de la notion du Nord, qui prend souvent son point de départ dans des lieux réels et spécifiques, les articles de cette partie permettent d’aborder sous de nombreux angles la représentation du territoire nordique en littérature et au cinéma. Quelles sont les limites du terri-toire nordique ? Est-ce que ses frontières sont figées ? Quels lieux sont consi-gnés pour mémoire et quels lieux sombrent dans l’oubli ? Dresser la carte du Nord s’avère être une tâche difficile qui demande une perspective toujours en mouvement.

Constructions et reconstructions du Nord : regards et perspectives

La troisième partie de cet ouvrage s’ouvre par une mise en perspective histo-rique de la construction française du Nord scandinave. L’article d’Odile Parsis-Barubé scrute les textes de Jean-Jacques Ampère issus du voyage qui, en 1826-1827, l’a conduit de Berlin jusqu’en Laponie. La théorie du génie des lieux, l’échange des images préconstruites et des réalités sensibles, l’éru-dition de l’historien des cultures scandinaves et la subjectivité du voyageur romantique, sont autant de facteurs qui concourent à la mise en place d’une cartographie particulière. Les lieux emblématiques d’un Nord aux frontières brouillées par des réminiscences et des analogies s’y construisent au miroir de l’Italie et de la Suisse.

La construction du Nord dans l’écriture viatique est également au centre de l’article de Tiffany Johnstone, mais le référent historico-géographique et l’angle d’approche sont pour elle tout autres. L’auteure examine les récits de voyage dans le Nord-Ouest canadien à l’aube du xxe siècle, dus à la plume de l’Américaine Elizabeth Taylor et de la Canadienne Agnes Deans Cameron. L’analyse de l’usage particulier qu’elles font de métaphores récurrentes dans les représentations de cette région révèle des liens entre la description de l’expérience féminine du voyage dans sa dimension physique et leurs idées novatrices qui défient les structures établies concernant le pouvoir, le genre et l’appartenance identitaire. Dans le cas de Cameron, il s’agit également de la représentation photographique du corps féminin comme « voyageant », donc traversant les frontières géographiques et identitaires. À la croisée de la linguistique cognitive et de la théorie féministe, cette approche interdis-ciplinaire révèle une reconstruction du Nord solidaire d’une réécriture de la condition de la femme.

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LE LIEU DU NORD

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Le Groenland est un autre territoire septentrional faisant l’objet d’une investigation à travers les médias visuels. Jette Rygaard rend compte d’un projet d’anthropologie impliquant un groupe d’adolescents groenlandais qui, équipés de caméras jetables et de journaux de bord, devaient documenter leur usage des médias dans la vie quotidienne. La coopération engagée, voire ludique, de jeunes cochercheurs a modifié le projet initial en l’infléchissant dans le sens du privé et de l’individuel. Les photos et les textes qui les accom-pagnent non seulement témoignent de la prédominance du visuel sur l’écrit à l’heure de la mondialisation, mais surtout dessinent la carte mémorielle d’un territoire marqué par l’éloignement et par la rareté des choses et des êtres.

Dans son article, Manon Regimbald se demande : « Qu’est-ce que témoi-gner du Nord en art contemporain ? » Elle présente quatre réponses – autant de visions du paysage différentes – qu’apportent à cette question des artistes canadiens et québécois : Michael Snow, René Derouin, Charles Stankieviech et Marie-Ève Martel. L’auteure rappelle les liens historiques entre la pein-ture et la cartographie, ainsi que les rapports entre les lieux et les processus mémoriels. Afin de rendre compte de l’approche artistique du Nord dans des œuvres récentes, elle convoque les théories de Bachelard, Benjamin, Deleuze et Guattari, Didi-Hubermann. Devant La région centrale du cinéaste expé-rimental Michael Snow, le spectateur est plongé dans le paysage désertique du Nord québécois grâce à « l’œil icarien » d’une caméra attachée au bout d’un bras mobile et installée sur une montagne. L’enregistrement réalisé, empreint de la poétique du vol et du détail infime, invite à une interpréta-tion « bachelardienne » en tant qu’il dévoile le désir ascensionnel de l’imagi-naire universel tout en proposant une rêverie de l’intimité matérielle. C’est une autre rêverie, celle des mots liés aux images, que Manon Regimbald fait découvrir dans les séries monumentales d’estampes et de plaques de René Derouin, qui s’inscrivent dans le mouvement d’affirmation nationale québécoise des années 1970. La cartographie est pour cet artiste le modèle idéal lorsqu’il cherche à saisir la totalité du paysage par la juxtaposition des panneaux muraux ou lorsqu’il exploite la mémoire des mots dans des titres évocateurs. En revanche, dans l’installation vidéo de Charles Stankieviech, le paysage québécois entre dans le cadre d’une vision allégorique qui multi-plie les mises en abyme picturales, textuelles, idéologiques, et qui, « [s]ans décrire le réel, […] offre au regard du spectateur un paysage primitif, pétrifié, où s’enchevêtrent méditation, rumination et remémoration des mots et des images, motivés par le passé du présent ». L’inspiration cartographique se retrouve aussi à l’œuvre dans les créations de Marie-Ève Martel consacrées à la dévastation du paysage mythique du Yukon de la Ruée vers l’or. Dans le

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PRÉSENTATION

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contexte des stratégies géopolitiques et des changements climatiques actuels, l’artiste déploie une vision entropique du chaos anticipé où les images du Nord incarnent un malaise collectif et planétaire.

Un chantier de réflexion et d’analyse

Au-delà de sa simplicité apparente, le « Nord » se dévoile tout à la fois comme un territoire, une direction, un absolu, une mouvance, une rêverie, une mémoire, un regard, donc comme un palimpseste dont l’analyse dévoile une diversité de points de vue et des conflits souvent insoupçonnés. Par cet ouvrage, notre projet d’une cartographie des lieux du Nord se révèle bien sûr nécessairement incomplet en raison de la complexité et de la multiplicité des possibles, mais certainement porteur d’un immense chantier de réflexion et d’analyse, auquel les articles de ce recueil se veulent une première contri-bution. Comme le rappelle avec justesse le géographe et linguiste Louis-Edmond Hamelin, le Nord est l’un des espaces où le degré de connaissance humaine est le plus faible : le défricher en révèle toute la richesse.

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Introduction. « Au-delà, le Nord »

Daniel Chartier Université du Québec à Montréal

De tout temps, la délimitation du « Nord » a soulevé plusieurs questions, notamment en fonction de sa variabilité selon les perspectives culturelles, disciplinaires et historiques. S’agit-il d’une direction ou d’un territoire, de réel ou d’imaginaire, d’absolu ou de relatif ? À tenter de le saisir, on comprend bien que le « Nord » se dissout dans une « idée du Nord » elle-même multiple, impossible à réduire au résultat d’un calcul géographique défini par la tradi-tion, l’arbitraire, le consensus ou le politique. Le « Nord » tend à échapper aux réductions dans lesquelles nous aimerions bien le confiner. Nous sommes ici devant une problématique qui requiert une réflexion d’ensemble, soucieuse des particularités de chacune des disciplines convoquées, mais sensible à la volonté d’y saisir une relation exemplaire, qui puisse par ailleurs éclairer de manière plus large la manière dont on conçoit les liens entre l’espace géographique, imaginaire et culturel, tant en synchronie qu’en diachronie.

Reprenons donc certaines des caractéristiques de cet espace. Il s’agit à la base d’un objet constitué en un système de signes qui, à l’image de la Méditerranée, comme l’ont souligné les géographes, se veut un tout formé d’un ensemble de parties plurilingues, multiculturelles, multinationales, dont certaines ont été en relation et d’autres pas, un ensemble qu’on peut envisager selon différentes disciplines, époques historiques et perspectives. L’ensemble peut être conçu comme un territoire, doté de frontières – lesquelles ? – qui elles-mêmes peuvent être variables ou non ; il peut aussi être conçu comme une direction – absolue par le pôle, l’étoile Polaire, le lever du soleil ; il peut être envisagé dans son vaste réseau d’extensions que sont l’Arctique, l’Antarctique, le monde froid, la neige, l’hiver, la haute montagne ; il peut être étudié par l’ensemble des « lieux » où l’homme s’est installé par l’imagination ou l’expérience ; enfin il peut être saisi comme un paradigme – un « état » du Nord – qui renvoie à toutes ces considérations, tentant de ne pas laisser échapper le réel, l’imaginaire, le variable et l’absolu, la nature, la culture, les oppositions et les structurations d’ensemble. Comme l’écrit Barry Lopez dans Arctic Dreams, « l’attrait qu’exerce l’Arctique a toujours tenu en partie à l’imprécision même de ses frontières1 ».

1 Barry Lopez, Rêves arctiques. Imagination et désir dans un paysage nordique [Arctic Dreams], Paris, Albin Michel, 1987 [1986], p. 255.

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LE LIEU DU NORD

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Dans ce contexte, la réflexion sur les lieux du Nord implique la considé-ration de plusieurs facteurs, notamment la nature mouvante de son étendue ; les bases historiques de son établissement ; les signes par lesquels s’établissent ses limites ; et enfin les caractéristiques données au tout ainsi formé.

Dans la plupart des œuvres de l’imagination, le « Nord » est donné comme un monde partiellement ou complètement inconnu, qu’on cherche à atteindre, à comprendre et à saisir. Sa définition est donc prospective, mais inscrite dans un processus continu de réduction à mesure qu’il est découvert dans l’histoire par l’exploration, la colonisation et l’exploitation. On dit ainsi que, diachroniquement, « le Nord remonte » à mesure que le temps avance. Cette impression, que l’on peut historiquement démontrer dans les contextes nord-américain et scandinave, est renforcée par ce que les géographes appellent « une diminution générale de la sévérité du Nord » au cours du dernier siècle. Nous devons considérer le Nord comme « une donnée spatialement dynamique2 ». Les frontières du Nord sont repoussées de plus en plus haut, le Nord devient moins sévère, moins froid et moins glacé, il est davantage connu, habité et cartographié, ce qui conduit à une impression de disparition et d’urgence, qui renforce les schèmes culturels – et les inquiétudes environnementales – à la base de l’idée du Nord.

Les origines historiques de l’idée du Nord nous ramènent à un double concept de direction et de territoire, de point fixe et d’être changeant. Posé en des termes qui dépassent le réel, le culturel pour atteindre l’imaginaire et la transcendance, le « Nord » tel qu’on le retrouve dans les textes contempo-rains est le fruit d’une longue accumulation de discours, issue de plusieurs strates historiques. Déjà, dans l’Antiquité, le titre de l’œuvre d’Antoine Diogène reprend le terme « au-delà » : Les merveilles au-delà de Thulé. Cette œuvre révèle un territoire incroyable doté de caractéristiques – alternance du long jour et de la longue nuit, par exemple – qui ont toujours cours pour décrire l’Arctique, alors que d’autres conduisent tout droit à un monde irréel, comme cette vision relatée plus tard par Photius selon laquelle les voyageurs, « en marchant vers le Nord, […] arrivent dans le voisinage de la lune3 ». Nous retrouvons cette idée de l’« au-delà » par lequel s’ouvre un monde qui nous est inconnu dans l’expression « Ultima Thulé », ainsi que dans la notion d’Hyperboréens, par exemple à la même époque chez Clément d’Alexandrie,

2 Louis-Edmond Hamelin, Écho des pays froids, Montréal, Hurtubise HMH, coll. « Géographie. Les cahiers du Québec », 1975, p. 117.3 Photius, « 166. Antoine Diogène », Bibliothèque, tome 2, Paris, Les Belles Lettres, 1960, p. 145a-146a.

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INTRODUCTION

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qui les situe « au-delà des [monts] Rhipées4 ». En somme, dès l’Antiquité, l’idée du Nord se forge aux confins du monde connu, et pose une frontière qui s’avère à la fois rhétorique, littéraire, intellectuelle et géographique. En étudiant la réception de la Thulé de Pythéas, Monique Mund-Dopchie constate que « pour les poètes latins de l’empire romain et des premiers royaumes barbares, [Thulé] incarne la limite septentrionale de l’œcoumène, au-delà de laquelle surgit l’inconnu, l’inhumain5 ».

Cette idée d’un point marquant la limite entre le connu et l’inconnu, une frontière au-delà de laquelle apparaîtrait le Nord, traverse aussi certains travaux de géographes. Ainsi, au cours de la période moderne, le territoire arctique a d’abord été défini de manière arbitraire, sans tenir compte de sa réalité physique, climatique ou culturelle. Dès lors, le définir comme au-delà du cercle polaire ou encore au-delà de la limite des arbres, comme on l’a historiquement et traditionnellement fait, conduit à des aberrations et à des distorsions difficilement conciliables par la suite.

Si les signes qui manifestent cette frontière varient selon les époques, les disciplines et les perspectives, il n’en demeure pas moins qu’elles ont presque toutes en commun de partir d’un point de vue du Sud, soit d’un parcours qui remonte vers le Nord. Les quelques exceptions que l’on retrouve ici et là forment un contre-discours qui agit comme un prise de position politique : ainsi chez l’écrivain Yves Thériault, on retrouve un personnage qui pose le Sud comme un territoire inconnu tenu dans l’ignorance du Nord et des Inuits. La conséquence de ce regard du Sud sur le Nord est de créer une distorsion dans l’intérêt et la perspective de ce dernier, qui ne peut ainsi exister en soi, mais seulement par rapport à. Louis-Edmond Hamelin écrit qu’il faut tenter l’effort de nous rappeler que « le Nord constitue une sphère tout autant ontologique que le Sud et [qu’]il est également définitoire6 ». Dans plusieurs œuvres, nous retrouvons le terme « au-delà » pour désigner la frontière qui sépare le Sud d’un Nord marqué par l’inconnu, l’absolu et parfois même la transcendance. À titre d’exemple, nous lisons chez Louis-Frédéric Rouquette cette phrase qu’on pourrait retrouver dans bien d’autres textes, qu’il s’agisse de fiction, de récits d’exploration ou de traités de géogra-phie : « Au-delà il n’y a plus rien, plus rien que l’immensité désolée des régions

4 Clément d’Alexandrie, « Stomate A », Les Stomates, Paris, Éditions du Cerf, 1931, p. 102.5 Monique Mund-Dopchie, « La survie littéraire de la Thulé de Pythéas. Un exemple de la permanence de schèmes antiques dans la culture européenne », L’Antiquité classique, vol. 59, 1990, p. 81.6 Louis-Edmond Hamelin, « À la rencontre du Nord et du Sud », Cap-aux-Diamants, no 56, « Au nord du Nord », hiver 1999, p. 19.

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LE LIEU DU NORD

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polaires où seules les glaces monstrueuses affirment la puissance divine7. » Le terme « au-delà » sert ici de marque textuelle pour établir une frontière. Cette dernière peut aussi se manifester par différents éléments, dont « la fin de la route », le « bout des glaces habitées », « l’orée du bois », « la ligne des arbres », le dernier village, le dernier hôtel, le dernier poste ou encore simplement par une limite imaginaire et invisible qu’on n’est pas tenu de franchir, sous peine de ne jamais pouvoir revenir. Nous trouvons ainsi dans le roman de Jules Verne, Voyages et aventures du Capitaine Hatteras, un passage fascinant dans lequel les marins refusent d’aller plus loin vers le pôle Nord, parce qu’ils ont l’impression d’un interdit et de l’impossibilité de revenir une fois franchie cette frontière transcendante.

– C’est fini ! s’écria Pen ; je ne vais pas plus loin.

– Pen a raison, répliqua Brunton ; c’est tenter Dieu.

– Tenter le diable, répondit Clifton. J’aime mieux perdre toute ma part de bénéfice que de faire un pas de plus.

– Nous n’en reviendrons pas, fit Bolton avec abattement8.

Il va de soi que la frontière qui délimite le Nord s’ouvre sur un monde différent de celui du Sud. Or cette différence se mesure de manière variée, selon les auteurs. Pour l’un, le marqueur « au-delà » désigne un espace de froidure, pour d’autres, un monde de dangers, de terres stériles, de silence et de solitude, un univers où la justice ne peut plus vous atteindre, un espace de lumières et de phénomènes lumineux inouïs, de l’hiver ou encore, la destination où l’on peut trouver l’immatériel de la transcendance, ce à quoi prépare déjà le registre dans lequel on peut inscrire la blancheur, la lumière, la vacuité et le silence. Par exemple, chez Pierre Perrault, le Nord est « au-delà » « comme une pensée, un mystère, une tentation permanente9 » ; chez Kenneth White10, le Nord est le point d’arrivée du mystique ; chez Björn Larsson, le Nord est un horizon infini, « comme si on voyait au-delà de ce que l’on regardait11 ».

7 Louis-Frédéric Rouquette, L’ épopée blanche, Paris, J. Ferenczi et fils, 1926, p. 195.8 Jules Verne, Voyages et aventures du Capitaine Hatteras. Tome 1 : Les Anglais au pôle Nord, Toulouse, Éditions Ombres, coll. « Petite bibliothèque Ombres », 2000 [1864], p. 113.9 Pierre Perrault, Le mal du Nord, Hull, Vents d’Ouest, coll. « Passages », 1999, p. 29.10 Kenneth White, La route bleue, Paris, Grasset, 1983, 219 p.11 Björn Larsson, Le cercle celtique, Paris, Denoël, coll. « Thrillers Denoël », 1995 [1992], p. 106.

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INTRODUCTION

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En réfléchissant aux motivations des explorateurs arctiques, Barry Lopez suggérait qu’ils étaient plutôt à la recherche d’une idée que d’un territoire, et que leur quête – certes physique, comme celle des personnages roma-nesques – devenait existentielle. « Ils cherchaient des terres et des détroits dont ils connaissaient l’existence, mais qu’ils n’avaient jamais vus, et ils ne pouvaient pas croire qu’ils n’existaient pas quand ils ne parvenaient pas à les trouver12. » Dans le même sens, Yves Chevrel écrit :

Il semble que le Nord exige l’absolu, l’extrême. Ne pas le perdre, essayer de ne pas le perdre, n’est pas tant garder l’œil sur la boussole que regarder vers le haut, en avant de soi, pour aller vers un inconnu peut-être au-delà de toute expérience sensible13.

Cette quête suggère certes un espace et des lieux, invente certes des terri-toires, mais elle ne peut que s’en dégager constamment puisqu’elle atteint à l’essentiel, à une recherche transcendante qui à la fois, pour nous qui cherchons à circonscrire le Nord, contient et brouille le réel.

Dans ce contexte, comment concevoir une cartographie qui serait propre au « Nord », à un territoire, à une direction et à un imaginaire qui se déploient selon des axes, des paradigmes et des forces à la fois parallèles et contradic-toires ? Comment imaginer ce qu’on appelle dans d’autres contextes « des lieux », définis comme une somme de discours et d’expériences humaines qui concentrent en un point focal la mémoire, la pensée et les vies des hommes et des femmes qui les ont habités ? Comment concevoir les liens entre ces différents « lieux » du Nord, sachant la mobilité particulière sur ce territoire et les distorsions imposées par la projection (imaginaire, politique et environnementale) du Sud vers le « Nord » ? Comment peut-on concevoir le lieu du Nord ?

12 Barry Lopez, op. cit., p. 265.13 Yves Chevrel, « Ne pas perdre le Nord », Monique Dubar et Jean-Marc Moura (dir.), Le Nord, latitudes imaginaires, Lille, Presses de l’Université Charles-de-Gaulle–Lille 3, coll. « UL3 Travaux et recherches », 2000, p. 22.

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PUQ.CA

Le lieu du NordVers une cartographie des lieux du NordSous la direction de Stéphanie Bellemare-Page, Daniel Chartier, Alice Duhan et Maria Walecka-Garbalinska

Comment proposer une « cartographie du Nord » par l’analyse de lieux ou d’espaces qui concentrent une ou plusieurs formes de mémoire, tout en étant parfois laissés à l’abandon, voire condamnés à l’oubli ? Comment ces « terri-toires discursifs » se sont-ils constitués et, s’il y a lieu, ont-ils été abandonnés ? Comment ont-ils été réinventés ou convoqués par l’art, la photo graphie, la politique, la muséographie, le tourisme, la musique, l’architecture, le cinéma, la littérature ? Sont-ils partie prenante d’une mémoire septentrionale com-mune à plusieurs cultures du Nord ou d’une mémoire universelle ? Sont-ils aujourd’hui l’objet de visées prospectives ? Les articles qui composent le présent ouvrage, provenant d’une dizaine de pays, se veulent une réponse, bien partielle, mais tout de même nouvelle, à toutes ces interrogations.

Avec des articles de Stéphanie Bellemare-Page, Jan Borm, Daniel Chartier, Florence Davaille, Alice Duhan, Ti� any Johnstone, Sabine Kraenker, Paul Landon, Brian Martin, Carmen Mata Barreiro, Odile Parsis-Barubé, Manon Regimbald, Jette Rygaard, Katri Suhonen, Ulla Tuomarla, Stéphanie Vallières et Maria Walecka-Garbalinska.

Ce livre est copublié par les Presses de  l’Université du Québec et l’Université de Stockholm.

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ISBN 978-2-7605-4152-8