Le Licenciement Pour Motif Personnel

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1 UNIVERSITÉ DE STRASBOURG FACULTÉ DE DROIT, DE SCIENCES POLITIQUES ET DE GESTION THÈSE présentée par Madame NDEYE NDOYE Soutenue publiquement le 20 avril 2012 Pour obtenir le grade de DOCTEUR D’ÉTAT EN DROIT PRIVE LE LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN FRANCE ET AU SÉNÉGAL [étude de droit comparé] Sous la direction de Monsieur le Professeur René De QUENAUDON Membres du jury Philippe AUVERGNON, Directeur de recherche au CNRS, COMPTRASEC UMR 5114 CNRS/Université Montesquieu-Bordeaux IV, Rapporteur. Alexia GARDIN, Maitre de conférences (HDR) à l'Université Nancy 2, Rapporteur René DE QUENAUDON, Professeur à l’Université de Strasbourg, Directeur de thèse

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le licenciment pour motif personnel etude comparee droit français et droit senegalien

Transcript of Le Licenciement Pour Motif Personnel

  • 1

    UNIVERSIT DE STRASBOURG

    FACULT DE DROIT, DE SCIENCES POLITIQUES ET

    DE GESTION

    THSE prsente par Madame NDEYE NDOYE

    Soutenue publiquement le 20 avril 2012

    Pour obtenir le grade de

    DOCTEUR DTAT EN DROIT PRIVE

    LE LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN FRANCE ET AU SNGAL

    [tude de droit compar]

    Sous la direction de Monsieur le Professeur Ren De QUENAUDON

    Membres du jury

    Philippe AUVERGNON, Directeur de recherche au CNRS,

    COMPTRASEC UMR 5114 CNRS/Universit Montesquieu-Bordeaux IV,

    Rapporteur.

    Alexia GARDIN, Maitre de confrences (HDR) l'Universit Nancy 2,

    Rapporteur

    Ren DE QUENAUDON, Professeur lUniversit de Strasbourg,

    Directeur de thse

  • 2

    REMERCIEMENTS

    Je remercie vivement le Professeur Ren DE QUENAUDON

    pour sa patience hors pair, sa disponibilit et ses conseils,

    Je remercie aussi les professeurs Alexia GUARDIN et

    Philippe AUVERGNON, qui, malgr un calendrier

    universitaire trs charg, ont bien accept de faire partie du

    jury de ma thse

  • 3

    DEDICACES

    JE DEDIE CE TRAVAIL :

    A mon pre qui a t prmaturment arrach notre

    affection. Tu tenais tellement ce que je finisse cette thse

    un jour, au point den faire lune de tes dernires

    recommandations sur terre. Le chemin fut long et cahoteux

    mais tu mas permis de men sortir car, un moment

    donn, tu as constitu pour moi, une vritable source de

    motivation et dinspiration.

    A ma mre pour son soutien sans faille. Merci de mavoir

    accompagn, soutenu et paul avec amour durant toutes

    ces annes. Je suis convaincue que sans ton aide et ta

    prsence, cette thse naurait pas vu le jour. Alors je te

    ddie tout mon parcours.

    A Yakhara et Boubacar pour leur aide si prcieuse

    A Diatou et Papis pour leur soutien quotidien

    A tonton Issakha

    A mes tantes, cousines et cousins : Tata Awa Gueye et

    famille, Tata Marie, Alimatou, Maguette Ciss, Rokhaya

    Ndiaye et famille, Ndeye Seyni, Fary Diouf, Tata Rama et

    Tata Adji Rama

    A Ibrahima Thioub

    A tonton Amadou Samb

    A tata Adji Rama

    A Sabah

    A Fatou et Mathieu

  • 4

    A Maria

    A tous mes proches et parents

    A tous mes amis de Montral et de Strasbourg

  • 5

    SOMMAIRE

    1re PARTIE : LES CONDITIONS DE REGULARITE DU

    LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN

    DROIT SNEGALAIS

    TITRE I : LEXIGENCE DUN MOTIF INHERENT A LA PERSONNE DU

    SALARIE EN FRANCE ET AU SENEGAL

    CHAPITRE 1 : CONVERGENCE DANS LA RECONNAISSANCE DE

    DEUX CATEGORIES DE MOTIFS INHERENTS A LA PERSONNE DU

    SALARIE

    SECTION 1 : LA RECONNAISSANCE DU MOTIF PERSONNEL

    DISCIPLINAIRE

    I : LA FAUTE, FONDEMENT DU MOTIF PERSONNEL DISCIPLINAIRE

    II : LA GRADATION DES FAUTES

    SECTION 2 : LA RECONNAISSANCE DU MOTIF PERSONNEL NON

    DISCIPLINAIRE

    CHAPITRE 2 : DIVERGENCE DANS LE MECANISME DE

    JUSTIFICATION DU MOTIF INHERENT A LA PERSONNE DU SALARIE EN

    DROIT FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS

    SECTION 1: DIVERGENCE DANS LA DETERMINATION DU

    CARACTERE DU MOTIF JUSTIFICATIF DU LICENCIEMENT PERSONNEL

    EN FRANCE ET AU SENEGAL

    I : LEXIGENCE DUN MOTIF PRESENTANT UN CARACTERE REEL ET

    SRIEUX EN DROIT FRANAIS

    II : LEXIGENCE DUN MOTIF PRESENTANT UN CARACTERE

    LEGITIME EN DROIT SENEGALAIS

    SECTION 2 : DIVERGENCE DANS LA REPARTITION DE LA

    CHARGE DE LA PREUVE DE LA LEGITIMITE DU LICENCIEMENT

    PERSONNEL EN FRANCE ET AU SENEGAL

    I : UNE DIFFERENCE DE PRINCIPE

    II : UNE DIFFERENCE ATTENUEE

    TITRE 2 : LE NECESSAIRE RESPECT DUNE PROCEDURE DE

    LICENCIEMENT PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT

    SENEGALAIS

  • 6

    CHAPITRE 1 : LA CONSECRATION DUNE PROCEDURE DE DROIT

    COMMUN EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS

    SECTION 1 : LA MISE EN PLACE DUNE PROCEDURE

    CONTRADICTOIRE, PREALABLEMENT A LA DECISION DE

    LEMPLOYEUR

    I : LINEGALITE DU CHAMP DAPPLICATION DE LA PROCEDURE

    CONTRADICTOIRE EN FRANCE ET AU SENEGAL

    II : UNE INEGALITE ATTENUEE PAR LE FUTUR DROIT DU TRAVAIL

    DE LOHADA

    SECTION 2 : LA PHASE POSTERIEURE A LA DECISION DE

    LEMPLOYEUR

    I : LA NOTIFICATION ET LA MOTIVATION DE LA DECISION

    II : LE NECESSAIRE RESPECT DUN DELAI DE PREAVIS

    CHAPITRE 2 : LA RECONNAISSANCE DUNE PROCEDURE SPECIALE

    SECTION 1 : LA DETERMINATION DES SALARIES CONCERNES

    PAR LA PROCEDURE SPECIALE

    I : UN CHAMP DAPPLICATION ELARGI EN DROIT FRANAIS

    II : UN CHAMP DAPPLICATION RESTREINT EN DROIT SENEGALAIS

    SECTION 2 : LINTERVENTION DORGANES SPECIFIQUES AU

    COURS DE LA PROCEDURE

    I : LINTERVENTION DES REPRESENTANTS DU PERSONNEL

    II : LIMMIXTION DE LINSPECTEUR DU TRAVAIL

    2me PARTIE : LES SUITES DULICENCIEMENT POUR MOTIF

    PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS

    TITRE1 : LE REGLEMENT DES LITIGES NES DU LICENCIEMENT

    POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT

    SENEGALAIS

  • 7

    CHAPITRE 1 : LA TRANSACTION, MODE DE REGLEMENT DES

    LITIGES EN MATIERE DE LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN

    FRANCE ET AU SENEGAL

    SECTION 1 : LA VALIDITE DE LA TRANSACTION

    I : LA POSTERIORITE DE LA TRANSACTION PAR RAPPORT AU

    LICENCIEMENT

    II : LEXIGENCE DE CONCESSIONS RECIPROQUES

    SECTION 2 : LA PORTEE DE LA TRANSACTION

    I : LA RECONNAISSANCE AUTOMATIQUE DE LAUTORITE DE LA

    CHOSE JUGEE AUX TRANSACTIONS VALABLEMENT CONCLUES EN

    DROIT FRANAIS

    II : LEXIGENCE DUNE HOMOLOGATION EN DROIT SENEGALAIS

    CHAPITRE 2 : LE RECOURS LARBITRAGE, UNE POSSIBILITE ?

    SECTION 1 : LA CONTROVERSE EN DROIT FRANAIS

    I : LINARBITRABILITE DE PRINCIPE

    II : LARBITRABILITE EXCEPTIONNELLE

    SECTION 1 : LACONTROVERSE EN DROIT SENEGALAIS

    I : LA DMONSTRATION DE LA LICEITE

    II : LA PROCEDURE RETENUE

    TITRE II : LES SANCTIONS POUVANT DECOULER DU

    LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN

    DROIT SENEGALAIS

    CHAPITRE 1 : LES SANCTIONS POUR INOBSERVATION DES

    CONDITIONS DU LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL

    SECTION1 : LINDEMNISATION, SANCTION UNIQUE EN DROIT

    SENEGALAIS

    I : LES DOMMAGES-INTERETS EN CAS DE LICENCIEMENT

    ABUSIF

    II : LES DOMMAGES-INTERETS EN CAS DE LICENCIEMENT

    IRREGULIER

    SECTION 2 : LA RECONNAISSANCE DE SANCTIONS PLURIELLES

    EN DROIT FRANAIS

  • 8

    I :: LINDEMNISATION, SANCTION PRINCIPALE

    II : LEXISTENCE DE SANCTIONS ACCESSOIRES

    CHAPITRE 2 : LA QUESTION DE LA NULLITE DU LICENCIEMENT

    POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT

    SENEGALAIS

    SECTION1 : LE CHAMP DAPPLICATION DE LA NULLITE EN

    FRANCE ET AU SENEGAL

    I : LES CAS DE NULLIT CONJOINTEMENT RECONNUS

    II : LES CAS DE NULLITE PREVUS UNIQUEMENT PAR LE DROIT

    FRANAIS

    SECTION 2 : LES CONSEQUENCES DE LA NULLITE EN DROIT

    FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS

    I : LA RECONNAISSANCE DE LA REINTEGRATION DU SALARIE EN

    DROIT FRANAIS ET SENEGALAIS

    II : LA POSSIBLE INDEMNISATION DU SALARIE

  • 9

    LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

    A.j. Actualit juridique

    AEF Afrique-quatoriale franaise

    Aff. Affaire

    Al. Alina

    AOF Afrique-Occidentale franaise

    Art. Article

    Ass. pln. Assemble plnire de la Cour de cassation

    Bibl. Bibliographie

    BIT Bureau international du travail

    Bull. civ. Bulletin des arrts de la Cour de cassation,

    c/ Contre

    CA Cour dappel

    Cah. Prudh. Cahiers Prudhomaux

    Cass. Cour de cassation

    Cass. Soc. Arrt de la Cour de cassation, Chambre sociale

    CCNI Convention collective nationale interprofessionnelle

    CE Arrt du Conseil dtat franais

    Chambre civile

    Chron. Chronique

    CJCE Cour de justice des communauts europennes

    COCC Code sngalais des obligations civiles et commerciales

    Coll. Collection

    Concl. Conclusions

    CSB Cahiers sociaux du barreau de Paris

    CTOM Code du travail des Territoires d'outre-mer

    CTS Code du travail sngalais

    D. Recueil Dalloz

    Dr. Ouv. Revue Droit ouvrier

  • 10

    Dr. Soc. Revue Droit social

    d. dition

    EDJA Edition juridique africaine

    Fasc. Fascicule

    Ibid. Ibidem

    JCPE Juris-classeur priodique, dition entreprise

    JCPG Juris-classeur priodique, dition gnrale

    JCPS Juris-classeur priodique, dition sociale

    JOCE Journal officiel des communauts europennes

    JOCE Journal officiel des communauts europennes

    JOF Journal officiel de la France

    JORS Journal officiel de la Rpublique du Sngal

    JSL Jurisprudence sociale Lamy

    Jurisp. Jurisprudence

    LGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudence

    Obs. Observations

    OHADA Organisation pour lharmonisation en Afrique du Droit

    Des Affaires

    OIT Organisation internationale du travail

    Op. cit. Opus citatum

    p. Page

    Prc. Prcit

    Prf. Prface

    RJS Revue de jurisprudence sociale

    RPDS Revue pratique de droit social

    v. Voir

  • 11

    RESUME

    Le licenciement pour motif personnel, la diffrence du

    licenciement pour motif conomique, est intimement li la

    personne du salari. Il constitue une notion essentielle en droit

    du travail, quon retrouve dans la plupart des tats au monde,

    mais souvent, sous une terminologie diffrente. Face ce

    constat, on serait tent de se demander si la rglementation du

    licenciement pour motif personnel est rellement variable dun

    pays un autre. La rponse cette question suppose une

    analyse compare des lgislations de certains tats. ce titre,

    seuls la France et le Sngal, deux tats qui sont par ailleurs

    fortement lis par lhistoire, ont retenu notre attention.

    Ltude du droit du licenciement pour motif personnel en

    France et au Sngal laisse entrevoir la fois des similitudes et

    des divergences. Cette situation se justifierait dailleurs plus

    dun titre. En effet, parce que la France a constitu la puissance

    colonisatrice du Sngal de 1854 jusquen 1960, le droit

    franais a largement influenc le droit sngalais et ce, depuis

    belle lurette. Mais, on ne peut sempcher de constater que cet

    impact a tendance samenuiser de plus en plus. En effet, il

    apparait qu un moment donn, le lgislateur sngalais a pris

    conscience du fait que lidal serait, non pas de mettre en place

    un droit du travail qui serait en grande partie calqu sur le droit

    de son ancienne puissance colonisatrice, mais plutt dlaborer

    un droit qui prendrait en compte les spcificits locales et les

    ralits nationales. Cette volont du lgislateur est dailleurs

    visible aussi bien travers lancien Code du travail sngalais

    de 1961 quau niveau du nouveau Code de 1997.

  • 12

    Le lgislateur de lOHADA1, de son cot, a su quelque peu

    freiner cette tendance. Une analyse minutieuse des dispositions

    de lavant-projet dacte uniforme portant sur le droit du travail

    laisse supposer un rel rapprochement avec le droit franais

    actuel.

    Notre tude constitue donc loccasion danalyser cette

    volution originale. De faon plus prcise, elle permet, non

    seulement de recenser et dexpliquer les divergences notes au

    sein des droits franais et sngalais, mais aussi de mettre en

    exergue les innovations apportes par lavant-projet dacte

    uniforme de lOHADA portant sur le droit du travail.

    1 Organisation pour lHarmonisation en Afrique du Droit des Affaires

  • 13

    ABSTRACT

    The redundancy for personal reason, unlike the

    redundancy for economic reason, is intimately linked to the

    person of the employee. It is an essential concept in labor law,

    found in most states in the world but often under different

    terminology. In front of this report, we would be tried to wonder

    if the regulations of the redundancy for personal reason are

    really variable from a country to another. The answer to this

    question requires a comparative analysis of the laws of certain

    states. For this reason, only France and Senegal, two States

    which are, in addition, strongly bound by the history, held our

    attention.

    The study of the law of dismissal for personal reason in

    France and in Senegal suggests both similarities and

    differences. This is justified also in more ways. Indeed, because

    France constituted the colonizing power of Senegal from 1854 to

    1960, French law largely influenced Senegalese law. But today,

    it seems that this impact tends to fade more and more.

    Indeed, it appears that at some point, Senegalese

    legislators realized that the ideal would be not to establish a

    labor law that is largely modeled on the Law of its old colonizing

    power but rather to develop a law that takes into account local

    and national realities. This assertion is also visible both through

    the Senegalese former Labour Code of 1961 than at the new

    Code of 1997.

    The OHADA legislator, for his part, has curb this trend.

    Careful analysis of the provisions of the preliminary Uniform Act

    on employment law suggests a real reconciliation with current

    French law.

  • 14

    Our study is therefore an opportunity to analyze this

    original evolution. In a more precise way, it constitutes the

    occasion to count and explain the divergences noted within the

    French and Senegalese laws, but also to put forward the

    innovations brought by the OHADA Law.

    .

  • 15

    INTRODUCTION

    Le contrat de travail, encore considr comme une

    convention par laquelle une personne, le salari, met son

    activit professionnelle sous la direction et lautorit dune

    autre, lemployeur, moyennant rmunration, peut tre conclu

    soit pour une dure dtermine, soit pour une dure

    indtermine.

    Lorsque le contrat est conclu pour une dure

    indtermine, les parties ont la possibilit dy mettre fin tout

    moment en raison de la prohibition des engagements

    perptuels. Ainsi, si linitiative de la rupture mane du salari,

    on est en prsence dune dmission. Lorsquen revanche, elle

    sapprcie du ct de lemployeur, on parle le plus souvent de

    licenciement.

    Le licenciement, qui fait aujourdhui lobjet de notre

    tude, connat, sur le plan purement thorique, une dfinition

    parfaitement claire. En fait, il ne constitue rien dautre que

    lexercice par lemployeur, du principe civiliste du droit de la

    rsiliation unilatrale du contrat. Cette dernire rgle, qui est

    par ailleurs prsente comme tant le corollaire du principe

    constitutionnel de la libert dentreprendre, traduit la

    dissolution du contrat par acte volontaire linitiative dune

    seule partie. Elle fut en effet trs tt pose par la jurisprudence

    franaise qui, sur le fondement de larticle 1780 du Code civil, a

    dgag le droit de rompre unilatralement les contrats de travail

    dure indtermine, estimant que le louage de services sans

    dtermination de dure peut toujours cesser par la libre volont

  • 16

    de lun ou de lautre des contractants 2. Cette facult fut par

    la suite tendue dautres types de conventions telles que la

    convention de compte courant3, le contrat de concession

    commerciale4 avant de recevoir, bien plus tard, valeur

    constitutionnelle5.

    Dfini de faon plus prcise comme la rupture du contrat

    de travail dure indtermine du fait de lemployeur, le

    licenciement peut tre apprhend de diverses manires. Tantt

    il est considr comme lexpression du principe selon lequel le

    contrat dure indtermine peut toujours cesser par la

    volont de lune ou de lautre partie ; tantt, il se prsente,

    notamment lorsquil est prononc pour faute, comme la

    manifestation du pouvoir disciplinaire dont lemployeur est

    investi. Parfois mme, on fait de cette notion, un instrument de

    gestion de lentreprise notamment lorsquelle est lcho de

    difficults conomiques, de mutations technologiques ou mme

    dune rorganisation intrieure de lentreprise.

    Toutefois, il faut reconnaitre que ce mode de rupture du

    contrat de travail constitue un acte grave, de nature prcipiter

    le salari dans la catgorie des travailleurs privs demploi. Il lui

    fait perdre son emploi, et partant, sa principale source de

    revenus. Ds lors, il peut constituer, selon le contexte de son

    diction, lun des actes juridiques les plus violents. De plus, de

    2 Cass. Civ., 4 aot 1879, DP 1880, 1re partie, p. 272.

    3 CA de Besanon, 25 mai 1925, D.H 1925, p 476

    4 Cass. Soc. 7 dcembre 1960, Bull. civ. IV, n1141

    5 Dcision consultable sur le site internet du Conseil constitutionnel

    franais ladresse suivante :www.conseil-constitutionnel.fr, dcision n 99-

    41DC du 9 novembre 1999.

  • 17

    par la possibilit dy recourir, lemployeur dtient un moyen

    dinfluence et de menace lui permettant de disposer dans les

    faits, dun pouvoir qui dpasse de loin, celui que le droit lui

    accorde rellement. Cest sans doute eu gard toutes ces

    considrations que le Professeur WACQUET faisait remarquer

    que la rupture de son contrat entraine le plus souvent, pour le

    salari, non seulement la perte dun emploi, du salaire qui assure

    sa subsistance et celle des siens, mais une preuve humaine qui

    lamne douter de lui, ressentir sa faiblesse aussi bien

    physique que morale 6.

    Pour cette raison, le licenciement semble nettement se

    distinguer des autres modes de rupture du contrat de travail

    dure indtermine, du moins en thorie.

    Licenciement et dmission : la dmission se prsente,

    de faon gnrale, comme la rupture du contrat de travail

    dure indtermine linitiative du salari. Elle permet donc

    ce dernier de mettre un terme au lien qui lunissait

    lentreprise. Elle suppose non seulement une volont srieuse et

    non quivoque, mais aussi le respect dun certain dlai de

    pravis. Pour distinguer le licenciement de la dmission, on se

    rfre principalement la personne linitiative de qui le

    contrat de travail prend fin. Si linitiative de la rupture mane

    de lemployeur, on parle de licenciement ; si elle provient par

    contre du salari, on est plutt en prsence dune dmission.

    Cependant, il faut dores et dj rappeler quune telle

    dfinition nest quapparemment simple. La pratique montre en

    fait, une relle difficult de dterminer les frontires entre le

    licenciement et la dmission. En effet, il arrive souvent,

    6 P. WACQUET, Le nouveau Code du travail et le droit du licenciement,

    AJDA, 2008, P. 866.

  • 18

    loccasion dune rupture de contrat de travail dure

    indtermine, que le salari prtende tre victime dun

    congdiement alors que son employeur, lui, retient la thse de

    la dmission. En pareille occurrence, les juges nhsitent pas

    vrifier toutes les circonstances qui accompagnent la rupture

    du contrat pour dterminer qui en revient linitiative et qui

    elle est rellement imputable. Il faut le reconnatre, le

    licenciement peut aussi bien maner de la volont de

    lemployeur, que du fait de ce dernier. Ainsi, en cas

    dinexcution par lemployeur de ses obligations lgales ou

    conventionnelles, le salari peut cesser dexercer ses fonctions

    en vertu de la rgle exceptio non adim pleti contractus . On

    estime souvent quune rupture opre dans de telles

    circonstances est imputable lemployeur bien que la dcision

    de rompre le contrat soit prise par le salari7.

    Cependant, il faut rappeler quen France, les donnes ont

    aujourdhui volu car la jurisprudence a dvelopp, depuis

    quelques annes dj, la notion de prise dacte de la rupture

    par le salari. En effet, de jurisprudence traditionnelle, la

    rupture du contrat de travail dure indtermine linitiative

    du salari devait tre claire et non quivoque pour tre qualifie

    de dmission. Par consquent, lorsque le salari invoquait le

    manquement de lemployeur ses obligations contractuelles, la

    jurisprudence considrait que la dmission qui en rsultait

    ntait pas claire et non quivoque et devrait tre considre

    comme un licenciement. Mais, depuis un arrt rendu en date

    du 25 juin 2003, la formation plnire de la chambre sociale de

    la Cour de cassation franaise a pos deux principes qui

    remettent vritablement en cause les solutions antrieures.

    7 Cass. Soc., 10 mars 1999, Bull. arrts de la Cour de cassation du

    Sngal, ch. Soc., anne judiciaire 1999/1999, arrt n 40 ; voir aussi Cass.

    Soc., 22 sept. 1993, RJS 1993, n1075, p. 640.

  • 19

    Selon cette dcision, lorsquun salari prend acte de la rupture

    de son contrat de travail en raison des faits quil reproche son

    employeur, cette rupture produit les effets, soit dun licenciement

    sans cause relle et srieuse si les faits invoqus la justifiaient,

    soit, dans le cas contraire, dune dmission 8. Cest dire donc

    que la prise dacte de la rupture par le salari peut recevoir

    deux qualifications : lorsque les manquements reprochs

    lemployeur sont tablis, la rupture quivaut un licenciement

    sans cause relle et srieuse ; dans le cas contraire, cest la

    dmission qui est simplement retenue, peu important le

    caractre quivoque ou non de la rupture.

    Une conception extensive de la thorie des vices du

    consentement permet aussi aux tribunaux de qualifier de

    licenciement, la dmission du salari opre en labsence de

    toute faute et de toute manifestation de volont de la part de

    lemployeur. Cest prcisment le cas lorsque le salari a t

    contraint de donner sa dmission et dabandonner ses fonctions

    dans un moment dnervement9 ou sous une pression morale10.

    De ces considrations, il rsulte que les juges sont tenus

    dtre circonspects toutes les fois quun employeur voque une

    dmission de son salari devant les tribunaux. Une telle

    vigilance pourrait permettre de djouer bon nombre de

    tentatives frauduleuses et donc, de redonner la rupture sa

    vritable qualification.

    8 Cass. Soc., 25 juin 2003, pourvoi n 01-43-578

    9 Cass. Soc., 3 juin 1964, D. 1964, p.720

    10 Il en est ainsi de lemployeur autoritaire, violant, qui injurie et menace

    son salari, le poussant bout pour quil sen aille : Cass. Soc., 13 novembre

    1970, B. C., V, numro 603.

  • 20

    Licenciement et rupture dun commun accord du

    contrat de travail : la rupture du contrat de travail dure

    indtermine dun commun accord suppose un consentement

    mutuel des parties. Elle se distingue ds lors du licenciement

    qui traduit une rupture unilatrale du contrat de travail. Une

    telle facult trouve en fait ses racines dans les articles L. 1237-

    11 L. 1237-16 du Code du travail franais11 et 97 du Code

    sngalais des obligations civiles et commerciales. En effet, si

    les conventions lgalement formes tiennent lieu de loi ceux

    qui les ont faites , il va sans dire quelles sont appeles

    disparatre de leur consentement mutuel. Mais, encore, faut-il

    que le consentement exprim par chacune des parties nait pas

    t vici par dol, erreur ou violence. En France, la convention

    par laquelle lemployeur et le salari dcident, dun commun

    accord, des conditions de rupture du contrat de travail qui les

    lie doit ncessairement tre homologue par une autorit

    administrative, savoir le Directeur rgional des entreprises, de

    la concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi. A

    dfaut, elle est tout simplement prive deffet. Une telle

    formalit nest cependant pas obligatoire en droit sngalais o

    la jurisprudence a clairement reconnu que la convention de

    rupture amiable du contrat de travail na pas tre homologue

    par linspecteur du travail pour produire ses effets12. Cette

    solution na toutefois pas t retenue par lavant-projet dacte

    uniforme de lOHADA portant sur le droit du travail qui reprend

    11 Il faut rappeler que ces articles sont issus de la loi franaise n 2008-

    596 du 25 juin 2008 portant modernisation du march du travail , JOF du 26

    juin.

    12 Cass. Soc., 9 fv. 2000, Bull. des arrts de la Cour de cassation du

    Sngal, ch. Soc., anne judiciaire 1999/2000, dcision n35.

  • 21

    pratiquement les rgles du droit franais. Ainsi, aux termes de

    larticle 61 de cet avant-projet, Lemployeur et le travailleur

    peuvent convenir des modalits amiables de rupture de la

    relation de travail Laccord prendra effet aprs son

    homologation par un procs-verbal dhomologation dress par

    lInspecteur du travail dans les conditions fixes par le prsent

    acte uniforme .

    Licenciement et rupture pour force majeure : Si le

    licenciement implique une manifestation de volont de la part

    de lemployeur de rompre le contrat de travail, il en va

    autrement pour la rupture pour force majeure. Cette dernire

    notion vise un vnement imprvisible, irrsistible et exclusif de

    toute faute de lemployeur. Cest plutt limpossibilit de

    continuer la relation de travail qui est lorigine de la fin du

    contrat.

    Licenciement et mise la retraite du salari : La

    retraite peut tre dfinie comme le retrait dfinitif du salari de

    la vie active. Elle constitue de faon gnrale, le point de dpart

    dune priode dinactivit qui ne sachvera quau dcs du

    salari et pendant laquelle, celui-ci peroit une pension dont le

    montant, les conditions dacquisition et les modalits de

    paiement sont en grande partie, rgis par le droit de la scurit

    sociale. Lorsque la rupture est dcide par le salari, on parle

    de dpart la retraite. Si, en revanche, elle est prise linitiative

    de lemployeur, on est en prsence dune mise la retraite.

    Toutefois, il faut noter que la mise la retraite peut, dans bien

    des cas, tre requalifie en licenciement, notamment lorsque les

    conditions exiges en la matire ne sont pas runies.

    Cet expos, bien que sommaire, montre combien il est

    difficile de tracer en pratique, les frontires entre le licenciement

    et les autres modes de rupture du contrat de travail. Un tel

  • 22

    empitement pourrait sexpliquer, dans une large mesure, par le

    fait que le travailleur licenci bnficie, en France comme au

    Sngal, dun statut lgal et conventionnel lui offrant une

    panoplie de droits et de garanties dont ne dispose pas

    forcment tout salari perdant autrement son emploi. Pour

    cette raison, les employeurs ont tendance luder par tous les

    moyens, les charges quentrane cette protection accrue due au

    licenciement. Ils dissimulent souvent le licenciement sous le

    couvert dautres modes de rupture rputs plus clments. Face

    de tels procds, les juges nhsitent pas adopter une

    attitude circonspecte afin de djouer les pratiques frauduleuses.

    Dans la plupart des cas, ils parviennent requalifier la rupture

    intervenue dans ces conditions en licenciement. Sil en tait

    autrement, le licenciement risquerait dtre absorb par les

    autres modes de rupture du contrat de travail et les rgles qui

    le rgissent perdraient, dans ce cas, toute leur efficacit, faute

    de ne jamais pouvoir recevoir application.

    La notion de licenciement ci-dessus mise en exergue se

    prsente sous plusieurs formes. On distingue principalement le

    licenciement pour motif conomique et le licenciement pour

    motif personnel.

    Le licenciement pour motif conomique peut tre dfini,

    aux termes de larticle L1233-3 du Code du travail franais,

    comme tout licenciement effectu par lemployeur pour un ou

    plusieurs motifs non inhrents la personne du salari, rsultant

    dune suppression ou transformation demploi ou dune

    modification, refuse par le salari, dun lment essentiel du

    contrat de travail, conscutives notamment des difficults

    conomiques ou des mutations technologiques . Le lgislateur

    sngalais, lui, semble moins prcis puisque larticle L60 du

    nouveau Code du travail prsente le licenciement pour motif

    conomique comme tout licenciement individuel ou collectif

  • 23

    effectu par un employeur et motiv par une difficult conomique

    ou une rorganisation intrieure . Cest dire donc quest

    conomique, tout licenciement qui nest pas prononc pour un

    motif personnel. Mais encore, faudrait-il que cette rupture soit

    plus ou moins la consquence de difficults conomiques, de

    mutations technologiques ou dune rorganisation intrieure de

    lentreprise.

    Contrairement au licenciement pour motif conomique, le

    licenciement pour motif personnel na pas rellement fait lobjet

    dune dfinition lgale. On saccorde malgr tout

    lapprhender comme tout licenciement qui repose largement

    sur la personne du salari ou bien mme sur son

    comportement, savoir linsubordination, la malhonntet, les

    absences rptes, la faute lourde ou grave, etc. Le professeur

    WACQUET abonde dans le mme sens puisquil estime que le

    licenciement personnel tient de prs ou de loin la personne du

    salari : c'est un fait ou un ensemble de faits se rattachant la

    personne du salari qui provoque la rupture du contrat de travail

    13. Dailleurs, cest prcisment sur ce dernier type de

    licenciement que porte notre tude. Il sagit, de faon plus

    prcise, de procder une approche compare de la

    rglementation du droit du licenciement pour motif personnel

    en France14 et au Sngal15. Rappelons toutefois que ces deux

    13 P. WACQUET, article prcit, p. 868.

    14 La France se prsente comme un Etat de lEurope de lOuest, bord

    louest par lOcan Atlantique, la Manche, la Mer du Nord et le Royaume uni ;

    lest, par la Suisse et lItalie ; au nord, par la Belgique, le Luxembourg et

    lAllemagne et enfin, au sud, par lEspagne et la Mer Mditerrane. Avec une

    population de 65,4 millions au 1er janvier 2010, elle occupe actuellement le

    rang de la cinquime puissance mondiale, derrire les Etats-Unis, le Japon,

    lAllemagne et le Royaume Uni, avec un produit intrieur brut (PIB) de 2109

    milliards de dollars.

  • 24

    derniers tats sont fortement lis par lhistoire, notamment par

    celle de la colonisation. En effet, le premier a constitu la

    puissance colonisatrice du second, et ce, de 1854 jusquen

    1960.

    Par ailleurs, faut-il le rappeler, le licenciement pour motif

    personnel dont il est ici question a connu une histoire et une

    volution notable, lesquelles nont pas forcment suivi le mme

    cours en France et au Sngal.

    En France, lvolution qua connue le droit du

    licenciement pour motif personnel ne saurait laisser indiffrent.

    En effet, cest trs tt, notamment en 1890 que la loi sur le

    contrat de louage et sur les rapports des agents des chemins de

    fer avec les compagnies a reconnu que la rsiliation du contrat

    de travail par la volont de lune des parties peut donner lieu

    dommages-intrts . Une base lgale de labus de droit venait

    ainsi dtre difie. Toutefois, il aura fallu attendre jusqu

    lentre en vigueur de la loi du 19 juillet 1928 pour que cette

    thorie trouvt sa place dans le Code du travail franais. Cette

    loi et en outre, le mrite dimposer lemployeur, non

    seulement le respect du pravis dusage, mais aussi la mention

    du motif allgu. En 1958, le parlement franais vota une autre

    loi qui son tour, et pour principal effet de dissocier

    15 Le Sngal, lui, se situe lavance la plus occidentale du continent

    africain, dans lOcan Atlantique, au confluent de lEurope, de lAfrique et des

    Amriques, et un carrefour de grandes routes maritimes et ariennes. Dune

    superficie de 196722 km2, il est limit au nord, par la Mauritanie, lest par le

    Mali, au sud par la Guine et la Guine Bissau et louest par la Gambie et

    lOcan Atlantique. Au mois de juillet 2006, sa population slevait

    11.987.121 alors que son produit intrieur brut(PIB) avoisinait le chiffre de

    7775 millions de dollars en 2004.

  • 25

    clairement le licenciement de la dmission. Elle consacra de

    plus la ncessit de notifier la rupture par lettre recommande

    ainsi que le respect dun pravis minimum. Cette lgislation fut

    par la suite complte par une ordonnance du 13 juillet 1967

    qui reconnut son tour, le droit du salari une indemnit

    lgale de licenciement. Ladoption de la loi du 13 juillet 1973 va,

    quant elle, constituer un tournant dcisif dans le processus

    dvolution du droit franais du licenciement pour motif

    personnel. Elle subordonne la rgularit de tout licenciement

    lexistence dune cause relle et srieuse et au respect dune

    procdure plus ou moins rigide. Malgr la rsistance des

    employeurs franais la promulgation dune rglementation

    aussi contraignante, les organisations syndicales sont

    parvenues faire prvaloir leur point de vue. En fait, elles ont

    su convaincre le lgislateur de la ncessit de protger les droits

    des salaris contre les dcisions arbitraires de leur employeur.

    Le droit du licenciement va, par la suite se renforcer

    considrablement, notamment avec ladoption de la loi du 4

    aot 198216 qui va instituer un vritable rgime disciplinaire

    tout en crant une nouvelle catgorie de licenciement, savoir

    le licenciement disciplinaire.

    Il faut toutefois relever quaujourdhui, les donnes ont

    relativement chang puisquon a assist en 2008 la

    recodification du Code du travail dont la version originale fut

    labore entre 1910 et 1922. Cette recodification, qui a t

    opre en fonction de la rgle de la codification droit

    constant17, na pas laiss intact le droit du licenciement pour

    16 Loi n 82-689 du 4 aot 1982 relative aux liberts des travailleurs

    dans lentreprise, J.O.F, 6 aot 1982.

    17 Voir nos dveloppements sur les indemnits de licenciement sans

    cause relle et srieuse.

  • 26

    motif personnel de lpoque. Dans lensemble, le nouveau Code

    du travail a eu le mrite de consacrer expressment, lexigence

    dune cause relle et srieuse en matire de licenciement pour

    motif personnel18. Il contient par ailleurs des articles rputs

    beaucoup plus courts, rdigs avec des termes jugs plus

    modernes.

    Contrairement en France, lvolution du droit du

    licenciement pour motif personnel au Sngal est fortement

    influence par celle du droit du travail en tant que tel. Une telle

    situation exige ds lors quon procde, au pralable, une

    prsentation sommaire de la naissance et de lvolution de ce

    droit.

    La naissance et lvolution du droit du travail au Sngal

    sont marques par plusieurs tapes, allant de la ngation totale

    de la matire lheure de son harmonisation, en passant par

    une relative priode de gestation et damlioration.

    La ngation du droit du travail en Afrique noire et

    particulirement au Sngal couvre, dans un premier temps, les

    pratiques de lesclavage et, bien plus tard, celles du travail

    forc.

    Lesclavage sanalyse en une forme radicale de travail

    asservi consistant en lextradition brutale dun individu de son

    milieu dorigine pour sa revente comme une chose. Cette

    pratique qui fut en vigueur deux sicles durant, semblait

    18 Cest prcisment travers larticle L1232-1 qui prcise que : Tout

    licenciement pour motif personnel doit tre justifi par une cause relle et srieuse

    . Il faut toutefois relever que la notion de cause relle et srieuse existait bien

    avant cette recodification.

  • 27

    trouver sa source dans limportant besoin en main-d'uvre

    pour la culture de la canne sucre. Cest du moins ce quon

    pouvait dduire de lanalyse dun arrt du Conseil dEtat

    franais rendu en date du 16 avril 1670, selon lequel il nest

    rien qui contribue davantage laugmentation des colonies que le

    laborieux travail des ngres 19. Il sinstalla alors une vritable

    traite ngrire bord des navires amenant dAfrique, des

    cargaisons dbne et dAmrique en Europe, du sucre et du

    tabac. En France, lesclavage fut lgalis par le Code noir de

    Colbert, lequel se prsentait sous la forme dun recueil dune

    soixantaine darticles. Promulgu en 1685 sous le rgne de

    Louis XIV, il rassemblait toutes les dispositions rgissant la vie

    des esclaves dans les colonies franaises des Antilles, de

    Guyane et de lIle Bourbon. On y trouvait aussi les premiers

    rudiments dun code du travail inspir par le souci damliorer

    le rendement des esclaves tels que le repos dominical, la

    limitation de la journe de travail, linterdiction dappliquer la

    peine de mort ou demprisonnement sans jugement, etc.

    Malgr la parfaite organisation dont il faisait montre,

    lesclavage ne russit tout de mme pas faire lunanimit.

    Dans un premier temps, il va se heurter bon nombre

    dattaques dcrivains, de physiocrates et de philosophes tels

    que La Socit des Amis des Noirs, Montesquieu, lAbb

    REYNAL, CONDORCET, etc. Mais, cest surtout travers

    laction internationale que cette pratique va vritablement

    connatre son dclin. En effet, tout va partir dune trs grande

    mobilisation de lopinion contre ce systme, laquelle va dabord

    dboucher sur une premire abolition de lesclavage sous la

    19 P.F GONIDEC, M. KIRSCH, Droit du travail des Territoires d'outre-mer,

    Paris, LGDJ, 1958, p. 52.

  • 28

    Rvolution franaise20. Mais cette abolition ne dura que

    quelques annes puisque Napolon Bonaparte va juger

    ncessaire de rtablir cette pratique au courant de lanne

    1802. On va assister par la suite la signature de lActe

    Gnral de Berlin21 qui va fermer le bassin du Congo

    lesclavage. LActe Gnral de Bruxelles, adopt en 188922, se

    borne, son tour, dorganiser un contrle gnral de la traite

    sur terre et sur mer. Ces deux derniers actes seront finalement

    remplacs par la Convention de Saint-Germain-en-Laye23, texte

    qui se propose de constater lengagement des puissances

    signataires supprimer dfinitivement lesclavage.

    En France, lesclavage fut juridiquement aboli en 1848

    par le dcret du 27 avril 184824 et la constitution du 4

    novembre 1848. En AOF, elle prit fin bien plus tard, avec

    lentre en vigueur du dcret du 12 aot 1905, modifi par celui

    du 8 aot 192025.

    Mais, peine cette forme radicale de travail asservi fut-

    elle abolie quon lui trouva dj un succdan : le travail forc.

    Selon lOIT, le travail forc couvre tout travail exig dun

    individu sous la menace dune peine quelconque et pour lequel ce

    20 Il faut noter que cette abolition sest opre en deux temps, dune part

    en 1793 et dautre part en 1794.

    21 Cet acte est issu de la Confrence de Berlin et fut sign le 26 fvrier

    1885.

    22 Cet acte fut entr en vigueur le 2 avril 1892.

    23 Cette convention fut signe le 10 septembre 1919.

    24 JOF du 2 mai 1848.

    25 Recueil DARESTE, 1905, 1re partie, p. 57.

  • 29

    dit individu ne sest pas offert de son plein gr 26 . De faon plus

    gnrale, le travail forc se prsente comme loppos du travail

    libre, tel quil dcoule de la libert du travail, principe qui offre

    lindividu la possibilit de choisir librement sa profession,

    lendroit o il souhaite lexercer et les moyens pour parvenir

    ses fins personnelles. Une telle pratique se justifiait lpoque

    plus dun titre, notamment par la ncessit de mettre en valeur

    les colonies, le dfaut de main-duvre et surtout, le devoir

    social de travailler. Malgr tout, le travail forc engendra des

    abus dont les consquences nfastes taient tout fait

    videntes : dpeuplement massif, dracinement, accroissement

    du taux de mortalit, suspicion lgard de tout travail propos

    par les Blancs , etc.

    Cest sans doute la raison pour laquelle les restrictions

    nont pas tard voir le jour. Le travail forc au profit des

    particuliers fut interdit, dabord au niveau interne et ensuite

    sur le plan international avec la Convention du 25 septembre

    192627 relative lesclavage sur toutes ses formes. Le travail

    forc dans lintrt gnral va quant lui, continuer dtre en

    pratique puisquaucune disposition le concernant ne figurait

    dans le pacte de la Socit Des Nations.

    Laction internationale va savrer beaucoup plus dcisive

    partir de 1927. En effet, cest prcisment durant cette anne

    quun rapport sur lOIT fut tabli par la Confrence

    internationale du travail et, conformment au processus

    dadoption des conventions internationales du travail, un

    questionnaire fut adress aux tats membres et les rponses

    26 Art 2-1 de la Convention internationale de lOIT sur le travail forc.

    27 Cette convention fut tablie par la Socit des Nations. Elle fut signe

    Genve le 25 septembre 1926 et fut entre en vigueur le 9 mars 1927.

  • 30

    furent consignes par le Bureau International du Travail dans

    un nouveau rapport. En 1930, on assista au vote dune

    convention et de deux rsolutions28 dont les principes

    constiturent un vritable code du travail forc.

    Labolition de lesclavage et du travail forc ont ouvert la

    voie une nouvelle phase, celle de la naissance du droit du

    travail. Etant donn que le code du travail mtropolitain ntait

    pas applicable aux Territoires dOutre Mer, la rglementation du

    travail manait lpoque, des gouverneurs en raison de leur

    qualit de dpositaire de la Rpublique. Un tel statut leur

    confrait un pouvoir de rglementation dans bon nombre de

    domaines, y compris en matire de relations de travail. Mais, de

    cette situation, va natre une rglementation variable,

    incomplte, inspire plus par le souci de fournir une main-

    duvre stable aux entreprises que par celui de protger les

    travailleurs contre les ventuels abus de leur employeur. Il aura

    donc fallu attendre jusquen 1946 pour quun code du travail

    applicable tous les Territoires dOutre Mer pt voir le jour. Il

    sagissait prcisment du Code MOUTET qui na

    malheureusement pas eu le temps de faire son uvre. Son

    application se heurta une opposition farouche des groupes de

    pression de lpoque, si bien quelle en fut suspendue. Il

    sinstalla alors un vide qui ne fut combl que cinq annes plus

    tard, notamment avec lentre en vigueur de la loi du 15

    dcembre 1952 portant Code du travail des Territoires dOutre

    Mer. Ce code, dclar applicable aux territoires associs et aux

    territoires relevant du ministre de la France dOutre Mer,

    tmoignait dune avance capitale dans la naissance du droit du

    travail en Afrique noire francophone. Il prnait non seulement

    la protection et la promotion des travailleurs, mais aussi la non-

    28 Rsolutions n 35 et n 36.

  • 31

    discrimination entre travailleurs europens et travailleurs

    indignes29 .

    Cest seulement au lendemain de leur accession

    lindpendance que les territoires en question ont pu lgifrer,

    notamment en matire de droit du travail. De ce fait, on

    remarque quaujourdhui, ils disposent presque tous, dune

    lgislation nationale du travail prsente sous forme de code,

    uvre qui, dans la plupart des cas, sinspire fortement du Code

    des Territoires dOutre Mer. Le Sngal ne fut pas en reste.

    Cest prcisment au cours de cette priode, savoir en 1961,

    que le premier code sngalais du travail fut entr en vigueur. Il

    prsentait, en ralit, la double particularit de comporter,

    linstar des autres tats dAfrique noire, certaines facettes du

    code de 1952 et les solutions juridiques qui avaient t jusque-

    l dgages, compte tant tenu du contexte socio-conomique et

    des ncessits du dveloppement. Mais, comme le droit est

    mouvant en ce quil sadapte aux nouvelles ralits sociales, ce

    code a eu subir plusieurs modifications relatives, entre autres

    la dure du contrat dengagement lessai30, la constitution

    et au fonctionnement des syndicats31, la dtermination du

    nombre de jours de congs pays32, la procdure en matire

    de litiges individuels et de conflits collectifs,33 etc. Cependant, il

    faut noter que ces rformes, bien que touchant des domaines

    29 Articles 1er et 97 du Code du travail des Territoires dOutre-mer.

    30 Loi n 71-06 du 21 janvier 1971, J.O n 4148 du 20 fvrier 1971,

    p.154.

    31 Lois n 75-96 du 20 dcembre 1975, J.O n 4468 du 22 janvier 1976.

    32 Loi n 66-45 du 27 mai 1966 compltant larticle 148, J.O.S du 11juin

    1966, p. 639.

    33 Loi n 66-42 du 27 mai 1966, J.O n 3825, 11juin 1966, p. 638

  • 32

    assez varis, ne semblaient pas totalement rgler le problme.

    Cest pourquoi a vu le jour, bien plus tard, le nouveau Code du

    travail sngalais, institu par la loi 97-17 du 19 dcembre

    1997, uvre juge beaucoup plus adapte.

    Mais, force est de reconnatre qu lheure actuelle, cette

    uvre lgislative a dj fait son uvre et donc, son avenir

    semble compromis. En effet, dans le contexte actuel de

    rgionalisation, il savrerait illusoire pour les tats africains de

    prtendre assurer leur dveloppement de manire isole. Cest

    sans doute la raison pour laquelle la tendance est aujourdhui

    la concertation et lharmonisation des politiques. Dans cet

    esprit, les tats partageant en commun lusage du Franc CFA

    ont dcid de mettre sur pied, lOrganisation pour

    lHarmonisation en Afrique, du Droit des Affaires (OHADA). Il

    sagit l dun nouvel outil juridique imagin et ralis par les

    juristes africains afin de simplifier et dharmoniser le droit des

    affaires en Afrique. En ralit, cette organisation vise mettre

    un terme linscurit juridique et judiciaire qui faisait de

    lAfrique, le continent le moins courtis par les investisseurs

    trangers. Selon Madame DRAVO-ZINZINDOHOUE,

    linscurit judiciaire sexplique par la vtust des textes en

    vigueur qui datent pour la plupart du temps de la colonisation et

    qui donc, ne sont plus en adquation avec le tissu conomique

    actuel 34. Et, poursuit-elle, mme dans des cas o des

    reformes ont t engages, soit elles ont t incompltes, soit

    inefficaces du fait dabsences de textes dapplication ou de par

    des conflits entre nouveaux textes et anciens abrogs 35.

    34 DRAVO-ZINZINDOHOUE C.M.J., La mise en place dun droit uniforme

    du travail dans le cadre de lOHADA, Thse de droit public, Universit de Reims,

    2009, p. 11.

    35 Ibid.

  • 33

    Linscurit judiciaire, quant elle, sapprcie au regard de la

    manire dont la justice est rendue dans la plupart des tats

    africains, laquelle rime souvent avec lenteur des procdures,

    corruption, formation insuffisante des juges, manque de

    moyens matriels, difficult dexcution des dcisions, etc. Cest

    dire donc que cette organisation originale a pour vocation de

    pallier les archasmes des droits africains qui sombraient sous

    le poids de coutumes varies et de vtusts avres. Pour ce

    faire, un trait fut adopt le 17 octobre 1993 Port-Louis (Ile

    Maurice) se fixant pour objectif lharmonisation du droit des

    affaires dans les tats-parties par llaboration et ladoption de

    rgles simples, modernes et adaptes la situation de leurs

    conomies, par la mise en uvre de procdures judiciaires

    appropries et par lencouragement du recours larbitrage pour

    le rglement des diffrends contractuels . Les rgles adoptes

    dans ce cadre sont communment appeles actes uniformes, et

    sont directement applicables dans les tats-parties. A ce jour,

    neuf actes uniformes ont t adopts et sont relatifs, entre

    autres, au droit commercial gnral, au droit des socits

    commerciales et des groupements dintrt conomique (GIE),

    lorganisation des procdures simplifies de recouvrement et

    des voies dexcution, lorganisation des procdures collectives

    dapurement du passif, au droit de larbitrage, lorganisation

    et lharmonisation des comptabilits des entreprises, aux

    contrats de transports de marchandises par route. En matire

    de droit du travail, un avant-projet dacte uniforme a dj t

    labor36. Son adoption, qui est prvue dans un avenir tout

    36 Rappelons qu ce jour, lavant-projet dacte uniforme de lOHADA

    relatif au droit du travail se prsente sous deux versions dont les dispositions

    ne sont pas tout fait identiques. On note dune part, la version officielle de

    2006 et la version officieuse de 2010. Dans le cadre prcis de notre tude, nous

    nous sommes rfrs exclusivement la version de 2006 car seule cette

    dernire version est disponible sur le site internet de lOHADA

  • 34

    fait proche, va sans doute constituer une avance incontestable

    dans le processus dharmonisation et dadaptation des

    lgislations sociales africaines. Outre le fait quil sappliquera

    lidentique tous les employeurs et travailleurs ressortissants

    ou tablis dans les Etats-parties, il compte apporter bon

    nombre dinnovations par rapport la rglementation des

    Etats-parties en matire de licenciement pour motif personnel.

    A ce titre, on peut noter la mise en place dun systme de

    plafonnement du montant des indemnits prvues en cas de

    licenciement abusif, la reconnaissance dune procdure

    contradictoire permettant au salari de fournir ses explications

    avant toute notification de la dcision de licenciement,

    llargissement du champ dapplication de la nullit du

    licenciement pour motif personnel, etc.37

    Dans le cadre prcis de notre tude, nous nous rfrerons

    aussi bien la loi 97-17 du 17 dcembre 1997 portant nouveau

    Code du travail sngalais qu lavant-projet dacte uniforme de

    lOHADA relatif au droit du travail. Toutefois, nous ne comptons

    pas nous intresser au licenciement intervenu au cours de la

    priode dessai tant donn que ce type de rupture ne soulve

    aucune question pouvant intresser notre tude. Il en va de

    mme du licenciement des fonctionnaires vu que ces derniers

    ne sont pas rgis par le Code du travail38.

    Par ailleurs, rappelons que nous nous proposons de

    mener notre tude sous langle du droit compar. Ce dernier

    concept a fait lobjet de bon nombre de controverses relatives

    entre autres, sa mthode, sa fonction et sa position par

    37 Ces innovations sapprcient au regard du droit sngalais actuel.

    38 Cette situation est valable aussi bien en France quau Sngal.

  • 35

    rapport aux autres branches du droit. Toutefois, nous ne

    comptons pas nous focaliser sur ces controverses et les dbats

    qui ont pu en dcouler. Nous nous contentons, dans le cadre

    prcis de notre tude, de considrer le droit compar comme

    lapplication, dans le domaine des sciences juridiques, de la

    mthode comparative. Cette dernire se prsente son tour,

    comme un ensemble de dmarches et de procds senchanant

    selon une suite relationnelle, destines amener lesprit juridique

    constater et saisir, par un processus ordonn, mthodique et

    progressif de confrontation et de comparaison, les

    ressemblances, les diffrences et leurs causes 39. Il en rsulte

    ds lors que le droit compar ne constitue pas une discipline

    part entire, mais une mthode de recherche juridique. Ainsi,

    selon Monsieur DAVID, le droit compar est. une simple

    mthode, la mthode comparative, applique la science du

    droit 40. Une telle mthode, bien que ntant pas lheure

    actuelle considre comme une discipline part entire, nen

    est pas pourtant moins intressante. En effet, on saccorde

    dire quelle permet au juriste de connatre le systme applicable

    dans un pays voisin, de le comprendre et mme de suggrer des

    amliorations tires de lexprience trangre41. Dautres vont

    mme jusqu en faire un instrument permettant la

    comprhension des cultures et des peuples trangers 42.

    39 L. J. CONTENTINESCO, Trait de droit compar, T1, LGDJ, 1974,

    p.24.

    40R. DAVID, Les grands systmes de droit contemporain ; D. 10me

    dition ; p. 2

    41 R. RODIERE, Introduction au droit compar, D 1979, p.33

    42 F. ANDRE, Cours de grands systmes de droit contemporain, Paris,

    1974.

  • 36

    Ltude du droit du licenciement pour motif personnel en

    France et au Sngal nous permettra donc de relever les

    similitudes et les disparits qui, en la matire, existent entre ces

    deux ordres juridiques. Et cest prcisment sur cette

    conjonction de similitudes et de disparits que reposera

    globalement notre analyse. A terme, elle permettra de raliser

    un certain nombre dobjectifs :

    Tout dabord, elle offrira loccasion de combler quelque

    peu, le vide qui caractrise actuellement le paysage doctrinal

    sngalais. En effet, on remarque que le droit sngalais du

    travail est peu trait et les rares tudes disponibles datent

    souvent de trs longtemps, si bien quelles nont pas pu

    embrasser la vague de rformes opres ces dernires annes.

    Ensuite, cette tude constituera sans nul doute,

    loccasion de dmontrer que le droit sngalais se dmarque bel

    et bien du droit franais, et ce, bien des gards. Il sagira donc

    de contrer la thse dfendue par bon nombre dauteurs, selon

    laquelle le droit sngalais, dans son intgralit, ne constitue

    rien dautre quune copie conforme du droit franais.

    En outre, lopportunit nous sera offerte, travers cette

    tude, de glorifier les avantages du systme franais jug dans

    lensemble plus protecteur des droits des salaris afin que le

    lgislateur sngalais ou mme celui de lOHADA jugent utile de

    sen inspirer.

    Enfin, laube de lentre en vigueur de lActe uniforme

    de lOHADA portant sur le droit du travail, nous envisagerons

    de mettre en exergue les innovations apportes par lavant-

    projet actuellement disponible par rapport au droit sngalais

    actuel. Nous ne manquerons pas aussi de relater les

    insuffisances et les imperfections de ce texte afin que les

  • 37

    concerns puissent en prendre conscience et pourquoi pas,

    rectifier le tir tant que cela savre possible.

    Il serait alors intressant de se demander ds prsent

    si, en matire de licenciement pour motif personnel, le droit

    sngalais se dmarque rellement du droit franais.

    En guise de rponse cette question, on peut affirmer

    que le droit sngalais, bien que semblant a priori proche du

    droit franais, diffre pourtant sensiblement de celui-ci.

    Dailleurs, la comparaison de ces deux droits laisse entrevoir

    bon nombre de divergences.

    En effet, on remarque tout dabord quen France, la

    rgularit du licenciement pour motif personnel est, depuis

    1973, subordonne lexistence dune cause relle et srieuse

    alors quau Sngal, cest la notion classique de motif lgitime

    qui est toujours exige. De plus, il apparait quen matire

    disciplinaire, une jurisprudence sngalaise bien tablie admet

    la rgle selon laquelle toute faute, mme minime peut justifier le

    licenciement, ce qui inclut la faute lgre. Il nen va cependant

    pas de mme en France o on exige au moins, une faute

    srieuse. En outre, on relve, en matire de procdure, que le

    Code du travail sngalais consacre le principe de la notification

    directe du licenciement pour motif personnel, sans possibilit

    pour le salari vis de fournir ses explications au pralable. Le

    droit franais, de son ct, reconnait une relle procdure

    pralable de licenciement qui permet au salari dont le

    licenciement est envisag dtre entendu, parfois mme avec

    lassistance dun conseiller. Enfin, on note quen France, la

    nullit du licenciement pour motif personnel vise une large

    gamme de motifs prohibs, lesquels touchent entre autres, ltat

    de sant ou le handicap, la grossesse, le harclement sexuel, les

    caractristiques gntiques, lorientation sexuelle, etc. Elle

  • 38

    stend aussi au licenciement effectu en violation du droit de

    grve ou dune libert fondamentale43. Tel nest cependant pas

    le cas au Sngal. En effet, il apparait nettement que le

    nouveau Code du travail sngalais ne reconnait, lheure

    actuelle, quun seul cas de nullit du licenciement pour motif

    personnel, savoir le licenciement du dlgu du personnel

    effectu sans autorisation pralable de linspecteur du travail

    ou fond sur une autorisation ultrieurement annule. Les

    licenciements discriminatoires de mme que ceux effectus en

    violation de certains droits fondamentaux sont considrs

    comme abusifs, ce qui ne donne lieu qu de simples

    dommages-intrts.

    Cet expos, bien que sommaire, montre quel point le

    droit sngalais du travail se dmarque du droit franais. Une

    telle situation pourrait dailleurs se justifier plus dun titre.

    En effet, mme si la France et le Sngal sont intimement

    lis par lhistoire, mme si le droit franais a largement

    influenc le droit sngalais, et ce, depuis belle lurette, on ne

    peut sempcher de constater quaujourdhui, cet impact a

    tendance samenuiser de plus en plus. Cest que, un

    moment donn, le lgislateur sngalais a pris conscience du

    fait que lidal serait, non pas de mettre en place un droit du

    travail qui serait en grande partie calqu sur le droit de son

    ancienne puissance colonisatrice, mais plutt, dlaborer un

    droit qui prendrait en compte les spcificits locales, et qui, de

    ce fait, collerait le plus aux mentalits et ralits nationales.

    Il faut par ailleurs relever que les donnes conomiques et

    financires sont loin dtre identiques en France et au Sngal.

    43 Cass. Soc. 13 mars 2001, Bull. civ. V, n 87 ; Cass. Soc. 28 mai 2003,

    Dr. soc. 2003, p. 808, obs. P. WACQUET.

  • 39

    La France se place au rang des cinq premires puissances

    mondiales alors que le Sngal se contente dintgrer le clan des

    pays en voie de dveloppement et de surcrot, des pays pauvres

    les plus endetts (PPE). Les donnes relatives au chmage sont

    elles aussi assez rvlatrices. En France, le taux de chmage

    avoisine actuellement 9 %44 tandis quau Sngal, il tourne

    autour de 49 %45. A ces facteurs, il faut ajouter linfluence de la

    convention numro 158 de lOIT sur la cessation de la relation

    de travail linitiative de lemployeur. Celle-ci fut ratifie par la

    France depuis 1985, ce qui nest pas encore le cas pour le

    Sngal qui na, jusquici, fait preuve daucune ratification.

    Pourtant, il semble quune transposition du systme

    franais au Sngal pourrait bien tre bnfique pour le salari.

    En effet, le droit franais confre au salari des droits et

    garanties qui lui permettent de disposer dune quasi totale

    scurit dans son emploi. Non seulement il ne perd pas

    facilement son emploi, mais si jamais cela savre invitable, il

    peut bnficier dun certain nombre de mesures labores par le

    lgislateur, ayant pour unique finalit de limiter les

    consquences plus ou moins nfastes qui pourraient dcouler

    dune telle perte.

    Mais, hormis ces avantages, il faut tout de mme relever

    que le systme franais nen est pas moins parfait. En effet,

    force est de reconnatre que la trop grande difficult pour

    lemployeur de prouver le caractre rel et srieux du

    licenciement pour motif personnel ainsi que la lourdeur des

    rgles de procdure reconnues pourraient vritablement inciter

    44 Institut National de la Statistique et des tudes conomiques, 2011

    45 Agence Nationale de la Statistique et de la Dmographie du Sngal,

    2010

  • 40

    les employeurs limiter la conclusion de contrats de travail

    dure indtermine, do une aggravation de linscurit dans

    lemploi et partant, du travail prcaire.

    Par ailleurs, force est de reconnatre que la comparaison

    du droit franais et du droit sngalais du licenciement pour

    motif personnel ne laisse pas seulement entrevoir des

    divergences. Bon nombre de ressemblances sont aussi notes.

    En effet, il ne faut pas perdre de vue que la France et le Sngal

    saccordent subordonner la rgularit du licenciement pour

    motif personnel au respect dun certain nombre de rgles de

    fond et de forme. Il sagit entre autres, de lexigence dun motif

    de licenciement, de lobligation de motiver et de notifier la

    dcision de licenciement au salari, etc. Le non-respect de ces

    rgles peut aussi, dans les deux tats, entraner lapplication

    dune large gamme de sanctions dont la plus usite se rsume

    au versement dindemnits au salari.

    De plus, le licenciement suppose, aussi bien en France

    quau Sngal, le respect dun dlai de pravis au cours duquel,

    les parties sont tenues de respecter les obligations qui

    dcoulent du contrat de travail. Il donne aussi lieu la remise

    de certains documents. Il sagit, entre autres, du certificat de

    travail, du reu pour solde de tout compte.

    Il convient alors, pour une bonne analyse de cette tude

    comparative, dtudier, dans un premier temps, la rgularit du

    licenciement pour motif personnel en droit franais et en droit

    sngalais (1re partie) et dans un second temps, les suites du

    licenciement pour motif personnel en droit franais et en droit

    sngalais ( 2me partie).

  • 41

    1re PARTIE : LES CONDITIONS DE

    REGULARITE DU LICENCIEMENT POUR MOTIF

    PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT

    SENEGALAIS

    De faon gnrale, la rgularit vise le caractre de ce qui

    est rgulier, donc conforme aux rgles prtablies. En dautres

    termes, la notion fait rfrence la qualit de ce qui est

    conforme au droit, spcialement aux exigences de forme 46

    Dans le domaine du droit du licenciement, la notion de

    rgularit est souvent utilise de faon stricte, faisant allusion,

    dans la plupart des cas, la rgularit de forme, laquelle

    renvoie au respect de la procdure qui sous-tend ce type de

    rupture du contrat de travail.

    Cependant, dans le cadre prcis de notre tude, nous

    choisirons dutiliser le terme dans son sens le plus large, ce qui

    englobe aussi bien la rgularit de forme que la rgularit de

    fond.

    Traiter des conditions de rgularit du licenciement

    reviendrait donc sintresser aux conditions de fond et de

    forme exiges en la matire.

    Ces conditions sont dailleurs clairement affirmes

    lchelon international, notamment travers la Convention O.I

    46 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF 2007, 7me dition, voir

    rgularit .

  • 42

    T n 15847. Aux termes de son article 4, ce texte dispose : Un

    travailleur ne devra pas tre licenci sans quil existe un motif

    valable de licenciement li laptitude ou la conduite du

    travailleur A ces dispositions, larticle 11 ajoute : Un

    travailleur ne devra pas tre licenci pour des motifs lis sa

    conduite ou son travail avant quon ne lui ait offert la possibilit

    de se dfendre contre les allgations formules moins quon ne

    puisse raisonnablement attendre de lemployeur, quil lui offre

    cette possibilit .

    Reste maintenant savoir si cette tendance est suivie par

    les droits franais et sngalais. En dautres termes, il est

    question de savoir si ces deux droits subordonnent la rgularit

    du licenciement pour motif personnel au respect dun certain

    nombre de rgles de fond et de forme.

    La rponse cette question semble vidente. En effet, il

    ne fait lobjet daucun doute quen France, tout comme au

    Sngal dailleurs, la rgularit du licenciement pour motif

    personnel est tributaire du respect de conditions de fond et de

    forme.

    En France, lessentiel de ces rgles fut apport par la loi

    du 13 juillet 197348 qui a eu le mrite dencadrer le droit du

    licenciement tant du point de vue du fond que sur le plan de la

    forme en exigeant, non seulement le respect dune procdure

    assez rigoureuse, mais aussi, la justification dune cause relle

    47 Cette Convention de lOIT est relative la cessation de la relation de

    travail linitiative de lemployeur. Adopte le 22 juin 1982, elle est applicable

    en France depuis le 16 mars 1990.

    48 Loi n 73-680 du 13 juillet 1973 modifiant le contrat de travail en ce

    qui concerne la rsiliation du contrat de travail dure indtermine, JOF, 18

    juillet 1973, p. 7763.

  • 43

    et srieuse. Faut-il le rappeler, ladoption de cette loi met fin

    une priode de monarchie au cours de laquelle le contrat de

    travail pouvait tre librement rsili par les parties, et ce, sous

    rserve du contrle judiciaire de labus de droit.

    Au Sngal, les rgles de fond et de forme en la matire

    furent tout dabord institues par le code des Territoires

    dOutre-Mer de 195249 qui subordonnait la validit du

    licenciement lexistence dun motif lgitime50 et au respect

    dun pravis, sauf en cas de faute lourde51. Ces rgles seront

    par la suite, ramnages et compltes par le Code du travail

    de 1961 dans un premier temps, et par le nouveau Code du

    travail de 1997 dans un second temps.

    Ainsi, que lon se situe sur le terrain du droit franais ou

    sur celui du droit sngalais, le constat est globalement le

    mme : tout licenciement pour motif personnel doit, dune part,

    reposer sur un motif inhrent la personne du salari (TITRE

    1) et dautre part, respecter une certaine procdure (TITRE 2).

    49 Loi du 15 dcembre 1952 portant code du travail des Territoires

    dOutre-Mer, J.O. Afrique-Occidentale Franaise (AOF), 27 dcembre 1952,

    p.1845.

    50 Aux termes de larticle 42 al. 2, du Code du travail des Territoires

    dOutre-Mer, Les licenciements effectus sans motif lgitime, de mme que les

    licenciements motivs par les opinions du travailleur, son activit syndicale, son

    appartenance ou sa non-appartenance un syndicat dtermin, en particulier,

    sont abusifs .

    51 Toutefois, en cas de faute lourde, lemployeur pouvait procder au

    licenciement sans respecter le dlai de pravis : article 40 al. 2, du Code du

    travail des Territoires dOutre-mer

  • 44

    TITRE I : LEXIGENCE DUN MOTIF INHERENT

    A LA PERSONNE DU SALARIE EN DROIT

    FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS

    Comme il a t affirm plus haut, en France, comme au

    Sngal, tout licenciement personnel doit reposer sur un motif

    inhrent la personne du salari.

    Malgr tout, on ne peut sempcher de faire un constat :

    la notion de motif personnel na malheureusement fait lobjet

    dune dfinition ni lgale, ni jurisprudentielle encore moins

    conventionnelle.

    Face cette situation, une bonne partie de la doctrine en

    France a tent de proposer une dfinition eu gard la

    dfinition lgale du motif conomique. Ainsi, se fondant sur

    larticle L 1233-352 du Code du travail qui prsente le motif

    conomique comme un ou plusieurs motifs non inhrents la

    personne du salari 53, certains auteurs ont estim, travers

    un raisonnement a contrario, que le motif personnel sentend de

    tout motif inhrent la personne du salari. En dautres

    termes, tout motif invoqu pour justifier le licenciement qui ne

    rpond pas la dfinition du motif conomique devrait tre

    rang dans la catgorie de motif personnel de licenciement. Il en

    est ainsi de linsuffisance professionnelle, de linaptitude

    physique, de la maladie du salari ou bien de la faute commise

    par ce dernier. Il sagit donc dune catgorie ouverte rpondant

    une dfinition par dfaut.

    52 Cet article constitue lquivalent de larticle L321-1 de lancien Code

    du travail franais.

    53 Article L1233-3 Code du travail franais.

  • 45

    Cependant, mme sil est avr quen France, comme au

    Sngal tout licenciement personnel doit reposer sur un motif

    inhrent la personne du salari, il ne faut tout de mme pas

    en dduire que les deux droits seraient parfaitement identiques.

    Cest loin dtre le cas dailleurs. En effet, aussi bien des

    ressemblances que des diffrences sont notes en la matire. Si

    dans un premier temps, on dcle une convergence dans la

    reconnaissance de deux catgories de motif inhrent la

    personne du salari (Chapitre1), il en est tout autrement

    sagissant du mcanisme de justification de ce motif, domaine

    dans lequel on note plutt une divergence de taille (Chapitre2).

  • 46

    CHAPITRE 1 : CONVERGENCE DANS LA

    RECONNAISSANCE DE DEUX MOTIFS INHERENTS

    A LA PERSONNE DU SALARIE

    De faon gnrale, le motif inhrent la personne du

    salari recoupe deux branches distinctes : le motif personnel

    disciplinaire et le motif personnel non disciplinaire. Le premier

    a souvent trait la faute commise par le salari alors que le

    second prend corps en dehors de toute faute du salari. Cette

    summa divisio a sans doute inspir les lgislateurs franais et

    sngalais qui ont, tous deux, jug utile de reconnatre, dune

    part, le motif personnel disciplinaire (Section 1) et dautre part,

    le motif personnel non disciplinaire (Section 2).

    SECTION 1 : LA RECONNAISSANCE DU MOTIF

    PERSONNEL DISCIPLINAIRE

    Le motif personnel disciplinaire est intimement li au

    pouvoir disciplinaire. En effet, lemployeur, tant rput chef

    dentreprise, est logiquement investi dun triple pouvoir qui,

    selon un auteur54, est directement inspir de la trilogie des

    fonctions de Montesquieu, savoir, la fonction excutive, la

    fonction lgislative et la fonction judiciaire. Il sagit donc

    prcisment du pouvoir de direction, du pouvoir rglementaire

    et du pouvoir disciplinaire. Le premier rime avec la fonction

    excutive tandis que les deux derniers sapparentent

    respectivement aux fonctions lgislative et judiciaire.

    Le pouvoir de direction, considr comme le pouvoir de

    base55, sentend de la facult de commander de lemployeur,

    54 Emmanuel DOCKES, HyperCours Droit du travail : Les relations

    individuelles de travail, Dalloz 2008, 3me dition, p. 81.

    55 On saccorde ici considrer que le pouvoir de direction constitue le

    pouvoir de base alors que les deux autres pouvoirs de lemployeur, savoir, le

  • 47

    laquelle facult lui autorise prendre des dcisions de gestion

    de lentreprise.

    Le pouvoir rglementaire, son tour, permet

    lemployeur dlaborer des rgles internes lentreprise.

    Le pouvoir disciplinaire, qui seul nous intresse ici,

    pourrait, quant lui, tre dfini comme la facult offerte

    lemployeur de sanctionner les fautes commises par le salari

    dans lexcution de sa prestation de travail56. En dautres

    termes, il constitue le droit pour lemployeur, de punir le

    salari qui dsobit aux ordres 57.

    En France, ce pouvoir de lemployeur a bien fait lobjet

    dune rglementation lgale. Il sagit prcisment de la loi du 4

    aot 1982 sur les droits et liberts des travailleurs58. Ce texte,

    qui a vocation instituer un rgime disciplinaire applicable

    lensemble des entreprises et tous les salaris peu important

    leur statut et leur anciennet, avait, en quelque sorte pour

    finalit de mettre un terme la situation qui prvalait. En effet,

    avant ladoption de cette loi, le climat se caractrisait par

    labsence dun vritable contrle judiciaire sur lexercice du

    pouvoir disciplinaire59 puisque la thorie jurisprudentielle de

    pouvoir rglementaire et le pouvoir disciplinaire ne constituent que des

    dclinaisons.

    56Dfinition donne par le Lexique des termes juridiques, Dalloz 2000,

    12me dition, p. 403.

    57 E. DOCKES, ouvrage prcit, p. 108.

    58 Loi n 82-689 du 4 aot 1982 concernant les liberts des travailleurs

    dans lentreprise, JOF, 6 aot 1982.

    59 Il faut dire quavant ladoption de cette loi, la tendance dominante de

    la Cour de cassation tait de rduire, autant que possible, le pouvoir du juge

  • 48

    lemployeur seul juge sappliquait dans tous les domaines du

    droit du travail, ce qui ntait pas sans prsenter des abus.

    Cest prcisment en rplique cette situation que la loi du 4

    aot 1982 a vu le jour. A travers son adoption, le lgislateur

    met en place un vritable droit disciplinaire, lgitimant et

    encadrant strictement le pouvoir disciplinaire de lemployeur.

    Mme si son caractre incomplet a t trs tt dcri par

    bon nombre dauteurs60, cette loi a tout de mme le mrite de

    constituer la rfrence principale, et partant, le socle du droit

    disciplinaire en France, ce qui est salutaire plus dun titre.

    Cest dailleurs, ce qua tent de dfendre Madame TOUTAIN.

    Pour elle, Ce texte, en introduisant des dispositions relatives au

    droit disciplinaire vient donc combler un vide juridique

    particulirement dfavorable aux salaris. Il constitue une

    avance essentielle pour la reconnaissance de la citoyennet du

    salari dans lentreprise puisque la loi organise enfin une

    procdure disciplinaire garantissant les droits de la dfense Le

    pouvoir disciplinaire du chef dentreprise demeure, mais soumis

    un contrle strict. Lentreprise nest plus le lieu clos o un

    homme, fut-il chef dentreprise, peut tre la fois juge et partie.

    En crant ainsi des rapports plus quilibrs entre salaris et

    employeurs, ce texte contribue promouvoir dautres relations de

    face au pouvoir de lemployeur. Ainsi, pour les sanctions autres que le

    licenciement, il tait prcis que les juges du fond ne peuvent substituer leur

    apprciation celle de lemployeur dans lexercice de son pouvoir disciplinaire

    (Cass. Soc. 9 juil. 1981, Juri. Soc. 1981 n 42, p. 100). En dautres termes, la

    jurisprudence considrait, de faon gnrale, quen dehors du cas de

    dtournement de pouvoir, les juges ne pouvaient substituer leur apprciation

    celle du patron en annulant ou en modrant une sanction.

    60 Voir sur ce point F .VENIN, Lamnagement du pouvoir disciplinaire de

    lemployeur, Dr. Soc. 1983, p.46 ; J.C-JAVILLIER, Lexercice et le contrle du

    pouvoir disciplinaire, Dr. Soc 1983, p. 539.

  • 49

    travail et amliorer le bon fonctionnement de lentreprise 61.

    Pour cette parlementaire, ladoption de cette loi et son entre en

    vigueur ne peuvent tre que bienvenues tant donn quelles

    comblent bon nombre de lacunes eu gard la situation

    antrieure, lesquelles lacunes taient, sans conteste,

    dfavorables au salari.

    Contrairement au droit franais, le droit sngalais,

    contre toute attente, ne propose pas une rglementation lgale

    du pouvoir disciplinaire. On a pu esprer, lors de lexamen du

    projet de loi devenu la loi n97-17 du 1er dcembre 1997

    portant nouveau Code du travail, que le lgislateur allait mettre

    en place un rgime lgal du pouvoir disciplinaire de

    lemployeur. Mais il en est tout autrement. Mis part quelques

    articles du nouveau Code du travail qui font rfrence la

    notion de faute lourde du salari et aux diffrentes

    consquences qui y sont attaches, aucune autre loi

    particulire ne rglemente ce pouvoir dont dispose lemployeur.

    Du ct de lOHADA, le constat demeure le mme ; la

    lecture de lavant-projet dacte uniforme portant sur le droit du

    travail de lOHADA ne laisse, elle aussi, entrevoir aucune

    rglementation globale du pouvoir disciplinaire de lemployeur.

    Pour un auteur, cette carence tmoigne du fait quen

    matire disciplinaire, le droit du travail sngalais na

    pratiquement pas volu, ce qui, selon lui, est plus que

    regrettable62. Dailleurs, nous ne pouvons que partager cet avis.

    61 Voir les dveloppements de G. TOUTAIN, rapporteur de la

    Commission des affaires sociales lAssemble nationale lpoque, Document

    Assemble Nationale n 834, p. 13 et s.

    62 P.M. NDIAYE, La sauvegarde de la libert du travail et le droit

    sngalais, EDJA 1999, p. 153.

  • 50

    En effet, il nous semble trs dommage de constater que jusqu

    prsent, le lgislateur sngalais, tout comme celui de lOHADA,

    naient pas jug utile de proposer une rglementation lgale

    affrente au pouvoir disciplinaire de lemployeur, et ce, malgr

    toutes les rformes, innovations et retouches qui ont pu tre

    apportes au droit du travail sngalais ces dernires annes ;

    comme si ce domaine tait rserv, voire intangible. Pourtant,

    nul doute que ce dit pouvoir est rput tre, linstar du droit

    du licenciement, un pan non ngligeable du droit du travail,

    perptuellement sujet larbitraire de lemployeur.

    Il nous semble donc quil serait plus judicieux que le

    lgislateur sngalais et celui de lOHADA sinspirent du droit

    franais et jugent utile de mettre en place un vritable rgime

    lgal du pouvoir disciplinaire. Un tel mimtisme aurait, non

    seulement le mrite doffrir des garanties procdurales au

    salari, mais aussi dattnuer, un tant soit peu, les risques

    darbitraire de lemployeur63 ; le tout ancr dans la seule et

    63 Cependant, il ya lieu de relever, malgr tout, que le droit du travail

    sngalais na pas manqu de poser quelques barrires ayant pour objet de

    limiter larbitraire de lemployeur. En effet, on remarque tout dabord, que le

    danger de larbitraire patronal se trouve considrablement attnu travers

    larticle L5 du nouveau Code du travail sngalais qui, dispose, en son alina 3

    que : les opinions que les travailleurs, quelle que soit leur place dans la

    hirarchie professionnelle, mettent dans lexercice du droit dexpression, ne

    peuvent motiver une sanction ou un licenciement . De plus, on remarque que la

    Convention Collective Nationale Interprofessionnelle apporte de srieuses

    limitations relativement au pouvoir sanctionnateur de lemployeur. En son

    article 16, elle numre limitativement les sanctions disciplinaires applicables

    au personnel, pose des conditions prcises relatives lavertissement et la

    mise pied du travailleur et enfin, institue une procdure contradictoire et

    assigne forme et destination la sanction prononce. Cet article est dailleurs

    formule comme suit : Les sanctions disciplinaires applicables au personnel

    sont les suivantes :

    -lavertissement verbal ou crit,

  • 51

    unique finalit du droit du travail, savoir la protection du

    salari, maillon faible dans la relation de travail.

    A partir du moment o le motif personnel disciplinaire ne

    sapprcie que par rapport la faute commise par le salari,

    nous essaierons tout dabord, dapprhender la faute comme

    fondement du motif personnel disciplinaire (I). Cest seulement

    aprs que nous nous intresserons aux chelles de gradation

    des fautes proposes par les droits franais et sngalais (II).

    -la rprimande,

    -la mise pied dun trois jours,

    -la mise pied de quatre huit jours,

    -le licenciement,

    Lavertissement et la mise pied dun trois jours ne sauraient tre

    invoqus lencontre du travailleur si, lexpiration dun dlai de 6 mois suivant

    la date dintervention de lune ou lautre de ces sanctions, aucune autre sanction

    na t prononce.

    Il en est de mme lexpiration dun dlai de 1 an en ce qui concerne la

    sanction de mise pied de quatre huit jours.

    Ces sanctions sont prises par le chef dtablissement ou son reprsentant

    aprs que lintress, assist sur sa demande dun dlgu du personnel, aura

    fourni des explications crites ou verbales.

    La sanction est signifie par crit au travailleur et ampliation de la

    dcision est adresse linspecteur du travail du ressort .

  • 52

    I-LA FAUTE, FONDEMENT DU MOTIF

    PERSONNEL DISCIPLINAIRE EN DROIT FRANAIS

    ET EN DROIT SENEGALAIS

    De faon gnrale, les licenciements pour motif personnel

    sont des licenciements disciplinaires, cest--dire, des ruptures

    du contrat de travail qui sanctionnent une faute commise par le

    salari. Cest dire donc quaucun licenciement disciplinaire nest

    possible sans une faute pralable du salari. Autrement dit, la

    mise en uvre de ce type de rupture suppose ncessairement

    lexistence dune faute sur la base de laquelle la sanction est

    prononce.

    Ds lors, on serait tent de sinterroger sur ce que

    renferme cette notion de faute.

    Cependant, il faut dores et dj relever que ltude de la

    faute comme fondement du licenciement disciplinaire, voire du

    motif personnel disciplinaire se heurte un obstacle majeur,

    lequel est visible aussi bien en France quau Sngal. Il sagit

    prcisment de labsence de dfinition lgale de la faute qui est

    mme de justifier cette sanction ultime quest le licenciement.

    En effet, en France, la loi du 4 aot 1982 sur les droits et

    liberts des travailleurs, bien que constituant la rfrence

    principale en matire disciplinaire, na pourtant pas jug utile

    de donner une dfinition de la faute susceptible dentrainer la

    mise en uvre du licenciement disciplinaire. A la place, il est

    seulement propos une disposition gnrale sur la faute. Ainsi,

    selon larticle L1331-2 du nouveau Code du travail, constitue

    une sanction toute mesure, autre que les observations verbales

    prises par lemployeur la suite dun agissement du salari

    considr par lemployeur comme fautif, que cette mesure soit de

    nature affecter immdiatement ou non, la prsence du salari

  • 53

    dans lentreprise, sa fonction, sa carrire ou sa rmunration .

    Cet article consacre donc, non pas une dfinition de la faute,

    mais plutt une sorte de dlgation indirecte de pouvoir

    lemployeur.

    Critique en France, la situation lest aussi au Sngal,

    mais semble-t-il, un degr moindre. En effet, il est certes

    vident que le droit du travail na apport aucune contribution

    la dtermination des fautes susceptibles dentrainer des

    sanctions disciplinaires ; que les conventions collectives du

    secteur priv64 ne contiennent pas non plus, de dfinition

    prtablie de la faute et quenfin, les rglements intrieurs, eux,

    procdent souvent une numration des comportements

    considrs comme fautifs plutt qu une dfinition gnrale de

    la faute.

    Mais, face cette absence de dfinition lgale,

    conventionnelle et rglementaire de la faute en droit du travail

    sngalais, le recours au droit commun et mme la

    jurisprudence sest heureusement avr fructueux. En effet, le

    mrite revient au Code sngalais des obligations civiles et

    commerciales (COCC)65 qui a su proposer une dfinition claire

    de la faute au sens gnral du terme. Ainsi, aux termes de

    larticle 119 de ce texte, la notion est prsente comme tout

    manquement une obligation