1
UNIVERSIT DE STRASBOURG
FACULT DE DROIT, DE SCIENCES POLITIQUES ET
DE GESTION
THSE prsente par Madame NDEYE NDOYE
Soutenue publiquement le 20 avril 2012
Pour obtenir le grade de
DOCTEUR DTAT EN DROIT PRIVE
LE LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN FRANCE ET AU SNGAL
[tude de droit compar]
Sous la direction de Monsieur le Professeur Ren De QUENAUDON
Membres du jury
Philippe AUVERGNON, Directeur de recherche au CNRS,
COMPTRASEC UMR 5114 CNRS/Universit Montesquieu-Bordeaux IV,
Rapporteur.
Alexia GARDIN, Maitre de confrences (HDR) l'Universit Nancy 2,
Rapporteur
Ren DE QUENAUDON, Professeur lUniversit de Strasbourg,
Directeur de thse
2
REMERCIEMENTS
Je remercie vivement le Professeur Ren DE QUENAUDON
pour sa patience hors pair, sa disponibilit et ses conseils,
Je remercie aussi les professeurs Alexia GUARDIN et
Philippe AUVERGNON, qui, malgr un calendrier
universitaire trs charg, ont bien accept de faire partie du
jury de ma thse
3
DEDICACES
JE DEDIE CE TRAVAIL :
A mon pre qui a t prmaturment arrach notre
affection. Tu tenais tellement ce que je finisse cette thse
un jour, au point den faire lune de tes dernires
recommandations sur terre. Le chemin fut long et cahoteux
mais tu mas permis de men sortir car, un moment
donn, tu as constitu pour moi, une vritable source de
motivation et dinspiration.
A ma mre pour son soutien sans faille. Merci de mavoir
accompagn, soutenu et paul avec amour durant toutes
ces annes. Je suis convaincue que sans ton aide et ta
prsence, cette thse naurait pas vu le jour. Alors je te
ddie tout mon parcours.
A Yakhara et Boubacar pour leur aide si prcieuse
A Diatou et Papis pour leur soutien quotidien
A tonton Issakha
A mes tantes, cousines et cousins : Tata Awa Gueye et
famille, Tata Marie, Alimatou, Maguette Ciss, Rokhaya
Ndiaye et famille, Ndeye Seyni, Fary Diouf, Tata Rama et
Tata Adji Rama
A Ibrahima Thioub
A tonton Amadou Samb
A tata Adji Rama
A Sabah
A Fatou et Mathieu
4
A Maria
A tous mes proches et parents
A tous mes amis de Montral et de Strasbourg
5
SOMMAIRE
1re PARTIE : LES CONDITIONS DE REGULARITE DU
LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN
DROIT SNEGALAIS
TITRE I : LEXIGENCE DUN MOTIF INHERENT A LA PERSONNE DU
SALARIE EN FRANCE ET AU SENEGAL
CHAPITRE 1 : CONVERGENCE DANS LA RECONNAISSANCE DE
DEUX CATEGORIES DE MOTIFS INHERENTS A LA PERSONNE DU
SALARIE
SECTION 1 : LA RECONNAISSANCE DU MOTIF PERSONNEL
DISCIPLINAIRE
I : LA FAUTE, FONDEMENT DU MOTIF PERSONNEL DISCIPLINAIRE
II : LA GRADATION DES FAUTES
SECTION 2 : LA RECONNAISSANCE DU MOTIF PERSONNEL NON
DISCIPLINAIRE
CHAPITRE 2 : DIVERGENCE DANS LE MECANISME DE
JUSTIFICATION DU MOTIF INHERENT A LA PERSONNE DU SALARIE EN
DROIT FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS
SECTION 1: DIVERGENCE DANS LA DETERMINATION DU
CARACTERE DU MOTIF JUSTIFICATIF DU LICENCIEMENT PERSONNEL
EN FRANCE ET AU SENEGAL
I : LEXIGENCE DUN MOTIF PRESENTANT UN CARACTERE REEL ET
SRIEUX EN DROIT FRANAIS
II : LEXIGENCE DUN MOTIF PRESENTANT UN CARACTERE
LEGITIME EN DROIT SENEGALAIS
SECTION 2 : DIVERGENCE DANS LA REPARTITION DE LA
CHARGE DE LA PREUVE DE LA LEGITIMITE DU LICENCIEMENT
PERSONNEL EN FRANCE ET AU SENEGAL
I : UNE DIFFERENCE DE PRINCIPE
II : UNE DIFFERENCE ATTENUEE
TITRE 2 : LE NECESSAIRE RESPECT DUNE PROCEDURE DE
LICENCIEMENT PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT
SENEGALAIS
6
CHAPITRE 1 : LA CONSECRATION DUNE PROCEDURE DE DROIT
COMMUN EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS
SECTION 1 : LA MISE EN PLACE DUNE PROCEDURE
CONTRADICTOIRE, PREALABLEMENT A LA DECISION DE
LEMPLOYEUR
I : LINEGALITE DU CHAMP DAPPLICATION DE LA PROCEDURE
CONTRADICTOIRE EN FRANCE ET AU SENEGAL
II : UNE INEGALITE ATTENUEE PAR LE FUTUR DROIT DU TRAVAIL
DE LOHADA
SECTION 2 : LA PHASE POSTERIEURE A LA DECISION DE
LEMPLOYEUR
I : LA NOTIFICATION ET LA MOTIVATION DE LA DECISION
II : LE NECESSAIRE RESPECT DUN DELAI DE PREAVIS
CHAPITRE 2 : LA RECONNAISSANCE DUNE PROCEDURE SPECIALE
SECTION 1 : LA DETERMINATION DES SALARIES CONCERNES
PAR LA PROCEDURE SPECIALE
I : UN CHAMP DAPPLICATION ELARGI EN DROIT FRANAIS
II : UN CHAMP DAPPLICATION RESTREINT EN DROIT SENEGALAIS
SECTION 2 : LINTERVENTION DORGANES SPECIFIQUES AU
COURS DE LA PROCEDURE
I : LINTERVENTION DES REPRESENTANTS DU PERSONNEL
II : LIMMIXTION DE LINSPECTEUR DU TRAVAIL
2me PARTIE : LES SUITES DULICENCIEMENT POUR MOTIF
PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS
TITRE1 : LE REGLEMENT DES LITIGES NES DU LICENCIEMENT
POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT
SENEGALAIS
7
CHAPITRE 1 : LA TRANSACTION, MODE DE REGLEMENT DES
LITIGES EN MATIERE DE LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN
FRANCE ET AU SENEGAL
SECTION 1 : LA VALIDITE DE LA TRANSACTION
I : LA POSTERIORITE DE LA TRANSACTION PAR RAPPORT AU
LICENCIEMENT
II : LEXIGENCE DE CONCESSIONS RECIPROQUES
SECTION 2 : LA PORTEE DE LA TRANSACTION
I : LA RECONNAISSANCE AUTOMATIQUE DE LAUTORITE DE LA
CHOSE JUGEE AUX TRANSACTIONS VALABLEMENT CONCLUES EN
DROIT FRANAIS
II : LEXIGENCE DUNE HOMOLOGATION EN DROIT SENEGALAIS
CHAPITRE 2 : LE RECOURS LARBITRAGE, UNE POSSIBILITE ?
SECTION 1 : LA CONTROVERSE EN DROIT FRANAIS
I : LINARBITRABILITE DE PRINCIPE
II : LARBITRABILITE EXCEPTIONNELLE
SECTION 1 : LACONTROVERSE EN DROIT SENEGALAIS
I : LA DMONSTRATION DE LA LICEITE
II : LA PROCEDURE RETENUE
TITRE II : LES SANCTIONS POUVANT DECOULER DU
LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN
DROIT SENEGALAIS
CHAPITRE 1 : LES SANCTIONS POUR INOBSERVATION DES
CONDITIONS DU LICENCIEMENT POUR MOTIF PERSONNEL
SECTION1 : LINDEMNISATION, SANCTION UNIQUE EN DROIT
SENEGALAIS
I : LES DOMMAGES-INTERETS EN CAS DE LICENCIEMENT
ABUSIF
II : LES DOMMAGES-INTERETS EN CAS DE LICENCIEMENT
IRREGULIER
SECTION 2 : LA RECONNAISSANCE DE SANCTIONS PLURIELLES
EN DROIT FRANAIS
8
I :: LINDEMNISATION, SANCTION PRINCIPALE
II : LEXISTENCE DE SANCTIONS ACCESSOIRES
CHAPITRE 2 : LA QUESTION DE LA NULLITE DU LICENCIEMENT
POUR MOTIF PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT
SENEGALAIS
SECTION1 : LE CHAMP DAPPLICATION DE LA NULLITE EN
FRANCE ET AU SENEGAL
I : LES CAS DE NULLIT CONJOINTEMENT RECONNUS
II : LES CAS DE NULLITE PREVUS UNIQUEMENT PAR LE DROIT
FRANAIS
SECTION 2 : LES CONSEQUENCES DE LA NULLITE EN DROIT
FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS
I : LA RECONNAISSANCE DE LA REINTEGRATION DU SALARIE EN
DROIT FRANAIS ET SENEGALAIS
II : LA POSSIBLE INDEMNISATION DU SALARIE
9
LISTE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
A.j. Actualit juridique
AEF Afrique-quatoriale franaise
Aff. Affaire
Al. Alina
AOF Afrique-Occidentale franaise
Art. Article
Ass. pln. Assemble plnire de la Cour de cassation
Bibl. Bibliographie
BIT Bureau international du travail
Bull. civ. Bulletin des arrts de la Cour de cassation,
c/ Contre
CA Cour dappel
Cah. Prudh. Cahiers Prudhomaux
Cass. Cour de cassation
Cass. Soc. Arrt de la Cour de cassation, Chambre sociale
CCNI Convention collective nationale interprofessionnelle
CE Arrt du Conseil dtat franais
Chambre civile
Chron. Chronique
CJCE Cour de justice des communauts europennes
COCC Code sngalais des obligations civiles et commerciales
Coll. Collection
Concl. Conclusions
CSB Cahiers sociaux du barreau de Paris
CTOM Code du travail des Territoires d'outre-mer
CTS Code du travail sngalais
D. Recueil Dalloz
Dr. Ouv. Revue Droit ouvrier
10
Dr. Soc. Revue Droit social
d. dition
EDJA Edition juridique africaine
Fasc. Fascicule
Ibid. Ibidem
JCPE Juris-classeur priodique, dition entreprise
JCPG Juris-classeur priodique, dition gnrale
JCPS Juris-classeur priodique, dition sociale
JOCE Journal officiel des communauts europennes
JOCE Journal officiel des communauts europennes
JOF Journal officiel de la France
JORS Journal officiel de la Rpublique du Sngal
JSL Jurisprudence sociale Lamy
Jurisp. Jurisprudence
LGDJ Librairie gnrale de droit et de jurisprudence
Obs. Observations
OHADA Organisation pour lharmonisation en Afrique du Droit
Des Affaires
OIT Organisation internationale du travail
Op. cit. Opus citatum
p. Page
Prc. Prcit
Prf. Prface
RJS Revue de jurisprudence sociale
RPDS Revue pratique de droit social
v. Voir
11
RESUME
Le licenciement pour motif personnel, la diffrence du
licenciement pour motif conomique, est intimement li la
personne du salari. Il constitue une notion essentielle en droit
du travail, quon retrouve dans la plupart des tats au monde,
mais souvent, sous une terminologie diffrente. Face ce
constat, on serait tent de se demander si la rglementation du
licenciement pour motif personnel est rellement variable dun
pays un autre. La rponse cette question suppose une
analyse compare des lgislations de certains tats. ce titre,
seuls la France et le Sngal, deux tats qui sont par ailleurs
fortement lis par lhistoire, ont retenu notre attention.
Ltude du droit du licenciement pour motif personnel en
France et au Sngal laisse entrevoir la fois des similitudes et
des divergences. Cette situation se justifierait dailleurs plus
dun titre. En effet, parce que la France a constitu la puissance
colonisatrice du Sngal de 1854 jusquen 1960, le droit
franais a largement influenc le droit sngalais et ce, depuis
belle lurette. Mais, on ne peut sempcher de constater que cet
impact a tendance samenuiser de plus en plus. En effet, il
apparait qu un moment donn, le lgislateur sngalais a pris
conscience du fait que lidal serait, non pas de mettre en place
un droit du travail qui serait en grande partie calqu sur le droit
de son ancienne puissance colonisatrice, mais plutt dlaborer
un droit qui prendrait en compte les spcificits locales et les
ralits nationales. Cette volont du lgislateur est dailleurs
visible aussi bien travers lancien Code du travail sngalais
de 1961 quau niveau du nouveau Code de 1997.
12
Le lgislateur de lOHADA1, de son cot, a su quelque peu
freiner cette tendance. Une analyse minutieuse des dispositions
de lavant-projet dacte uniforme portant sur le droit du travail
laisse supposer un rel rapprochement avec le droit franais
actuel.
Notre tude constitue donc loccasion danalyser cette
volution originale. De faon plus prcise, elle permet, non
seulement de recenser et dexpliquer les divergences notes au
sein des droits franais et sngalais, mais aussi de mettre en
exergue les innovations apportes par lavant-projet dacte
uniforme de lOHADA portant sur le droit du travail.
1 Organisation pour lHarmonisation en Afrique du Droit des Affaires
13
ABSTRACT
The redundancy for personal reason, unlike the
redundancy for economic reason, is intimately linked to the
person of the employee. It is an essential concept in labor law,
found in most states in the world but often under different
terminology. In front of this report, we would be tried to wonder
if the regulations of the redundancy for personal reason are
really variable from a country to another. The answer to this
question requires a comparative analysis of the laws of certain
states. For this reason, only France and Senegal, two States
which are, in addition, strongly bound by the history, held our
attention.
The study of the law of dismissal for personal reason in
France and in Senegal suggests both similarities and
differences. This is justified also in more ways. Indeed, because
France constituted the colonizing power of Senegal from 1854 to
1960, French law largely influenced Senegalese law. But today,
it seems that this impact tends to fade more and more.
Indeed, it appears that at some point, Senegalese
legislators realized that the ideal would be not to establish a
labor law that is largely modeled on the Law of its old colonizing
power but rather to develop a law that takes into account local
and national realities. This assertion is also visible both through
the Senegalese former Labour Code of 1961 than at the new
Code of 1997.
The OHADA legislator, for his part, has curb this trend.
Careful analysis of the provisions of the preliminary Uniform Act
on employment law suggests a real reconciliation with current
French law.
14
Our study is therefore an opportunity to analyze this
original evolution. In a more precise way, it constitutes the
occasion to count and explain the divergences noted within the
French and Senegalese laws, but also to put forward the
innovations brought by the OHADA Law.
.
15
INTRODUCTION
Le contrat de travail, encore considr comme une
convention par laquelle une personne, le salari, met son
activit professionnelle sous la direction et lautorit dune
autre, lemployeur, moyennant rmunration, peut tre conclu
soit pour une dure dtermine, soit pour une dure
indtermine.
Lorsque le contrat est conclu pour une dure
indtermine, les parties ont la possibilit dy mettre fin tout
moment en raison de la prohibition des engagements
perptuels. Ainsi, si linitiative de la rupture mane du salari,
on est en prsence dune dmission. Lorsquen revanche, elle
sapprcie du ct de lemployeur, on parle le plus souvent de
licenciement.
Le licenciement, qui fait aujourdhui lobjet de notre
tude, connat, sur le plan purement thorique, une dfinition
parfaitement claire. En fait, il ne constitue rien dautre que
lexercice par lemployeur, du principe civiliste du droit de la
rsiliation unilatrale du contrat. Cette dernire rgle, qui est
par ailleurs prsente comme tant le corollaire du principe
constitutionnel de la libert dentreprendre, traduit la
dissolution du contrat par acte volontaire linitiative dune
seule partie. Elle fut en effet trs tt pose par la jurisprudence
franaise qui, sur le fondement de larticle 1780 du Code civil, a
dgag le droit de rompre unilatralement les contrats de travail
dure indtermine, estimant que le louage de services sans
dtermination de dure peut toujours cesser par la libre volont
16
de lun ou de lautre des contractants 2. Cette facult fut par
la suite tendue dautres types de conventions telles que la
convention de compte courant3, le contrat de concession
commerciale4 avant de recevoir, bien plus tard, valeur
constitutionnelle5.
Dfini de faon plus prcise comme la rupture du contrat
de travail dure indtermine du fait de lemployeur, le
licenciement peut tre apprhend de diverses manires. Tantt
il est considr comme lexpression du principe selon lequel le
contrat dure indtermine peut toujours cesser par la
volont de lune ou de lautre partie ; tantt, il se prsente,
notamment lorsquil est prononc pour faute, comme la
manifestation du pouvoir disciplinaire dont lemployeur est
investi. Parfois mme, on fait de cette notion, un instrument de
gestion de lentreprise notamment lorsquelle est lcho de
difficults conomiques, de mutations technologiques ou mme
dune rorganisation intrieure de lentreprise.
Toutefois, il faut reconnaitre que ce mode de rupture du
contrat de travail constitue un acte grave, de nature prcipiter
le salari dans la catgorie des travailleurs privs demploi. Il lui
fait perdre son emploi, et partant, sa principale source de
revenus. Ds lors, il peut constituer, selon le contexte de son
diction, lun des actes juridiques les plus violents. De plus, de
2 Cass. Civ., 4 aot 1879, DP 1880, 1re partie, p. 272.
3 CA de Besanon, 25 mai 1925, D.H 1925, p 476
4 Cass. Soc. 7 dcembre 1960, Bull. civ. IV, n1141
5 Dcision consultable sur le site internet du Conseil constitutionnel
franais ladresse suivante :www.conseil-constitutionnel.fr, dcision n 99-
41DC du 9 novembre 1999.
17
par la possibilit dy recourir, lemployeur dtient un moyen
dinfluence et de menace lui permettant de disposer dans les
faits, dun pouvoir qui dpasse de loin, celui que le droit lui
accorde rellement. Cest sans doute eu gard toutes ces
considrations que le Professeur WACQUET faisait remarquer
que la rupture de son contrat entraine le plus souvent, pour le
salari, non seulement la perte dun emploi, du salaire qui assure
sa subsistance et celle des siens, mais une preuve humaine qui
lamne douter de lui, ressentir sa faiblesse aussi bien
physique que morale 6.
Pour cette raison, le licenciement semble nettement se
distinguer des autres modes de rupture du contrat de travail
dure indtermine, du moins en thorie.
Licenciement et dmission : la dmission se prsente,
de faon gnrale, comme la rupture du contrat de travail
dure indtermine linitiative du salari. Elle permet donc
ce dernier de mettre un terme au lien qui lunissait
lentreprise. Elle suppose non seulement une volont srieuse et
non quivoque, mais aussi le respect dun certain dlai de
pravis. Pour distinguer le licenciement de la dmission, on se
rfre principalement la personne linitiative de qui le
contrat de travail prend fin. Si linitiative de la rupture mane
de lemployeur, on parle de licenciement ; si elle provient par
contre du salari, on est plutt en prsence dune dmission.
Cependant, il faut dores et dj rappeler quune telle
dfinition nest quapparemment simple. La pratique montre en
fait, une relle difficult de dterminer les frontires entre le
licenciement et la dmission. En effet, il arrive souvent,
6 P. WACQUET, Le nouveau Code du travail et le droit du licenciement,
AJDA, 2008, P. 866.
18
loccasion dune rupture de contrat de travail dure
indtermine, que le salari prtende tre victime dun
congdiement alors que son employeur, lui, retient la thse de
la dmission. En pareille occurrence, les juges nhsitent pas
vrifier toutes les circonstances qui accompagnent la rupture
du contrat pour dterminer qui en revient linitiative et qui
elle est rellement imputable. Il faut le reconnatre, le
licenciement peut aussi bien maner de la volont de
lemployeur, que du fait de ce dernier. Ainsi, en cas
dinexcution par lemployeur de ses obligations lgales ou
conventionnelles, le salari peut cesser dexercer ses fonctions
en vertu de la rgle exceptio non adim pleti contractus . On
estime souvent quune rupture opre dans de telles
circonstances est imputable lemployeur bien que la dcision
de rompre le contrat soit prise par le salari7.
Cependant, il faut rappeler quen France, les donnes ont
aujourdhui volu car la jurisprudence a dvelopp, depuis
quelques annes dj, la notion de prise dacte de la rupture
par le salari. En effet, de jurisprudence traditionnelle, la
rupture du contrat de travail dure indtermine linitiative
du salari devait tre claire et non quivoque pour tre qualifie
de dmission. Par consquent, lorsque le salari invoquait le
manquement de lemployeur ses obligations contractuelles, la
jurisprudence considrait que la dmission qui en rsultait
ntait pas claire et non quivoque et devrait tre considre
comme un licenciement. Mais, depuis un arrt rendu en date
du 25 juin 2003, la formation plnire de la chambre sociale de
la Cour de cassation franaise a pos deux principes qui
remettent vritablement en cause les solutions antrieures.
7 Cass. Soc., 10 mars 1999, Bull. arrts de la Cour de cassation du
Sngal, ch. Soc., anne judiciaire 1999/1999, arrt n 40 ; voir aussi Cass.
Soc., 22 sept. 1993, RJS 1993, n1075, p. 640.
19
Selon cette dcision, lorsquun salari prend acte de la rupture
de son contrat de travail en raison des faits quil reproche son
employeur, cette rupture produit les effets, soit dun licenciement
sans cause relle et srieuse si les faits invoqus la justifiaient,
soit, dans le cas contraire, dune dmission 8. Cest dire donc
que la prise dacte de la rupture par le salari peut recevoir
deux qualifications : lorsque les manquements reprochs
lemployeur sont tablis, la rupture quivaut un licenciement
sans cause relle et srieuse ; dans le cas contraire, cest la
dmission qui est simplement retenue, peu important le
caractre quivoque ou non de la rupture.
Une conception extensive de la thorie des vices du
consentement permet aussi aux tribunaux de qualifier de
licenciement, la dmission du salari opre en labsence de
toute faute et de toute manifestation de volont de la part de
lemployeur. Cest prcisment le cas lorsque le salari a t
contraint de donner sa dmission et dabandonner ses fonctions
dans un moment dnervement9 ou sous une pression morale10.
De ces considrations, il rsulte que les juges sont tenus
dtre circonspects toutes les fois quun employeur voque une
dmission de son salari devant les tribunaux. Une telle
vigilance pourrait permettre de djouer bon nombre de
tentatives frauduleuses et donc, de redonner la rupture sa
vritable qualification.
8 Cass. Soc., 25 juin 2003, pourvoi n 01-43-578
9 Cass. Soc., 3 juin 1964, D. 1964, p.720
10 Il en est ainsi de lemployeur autoritaire, violant, qui injurie et menace
son salari, le poussant bout pour quil sen aille : Cass. Soc., 13 novembre
1970, B. C., V, numro 603.
20
Licenciement et rupture dun commun accord du
contrat de travail : la rupture du contrat de travail dure
indtermine dun commun accord suppose un consentement
mutuel des parties. Elle se distingue ds lors du licenciement
qui traduit une rupture unilatrale du contrat de travail. Une
telle facult trouve en fait ses racines dans les articles L. 1237-
11 L. 1237-16 du Code du travail franais11 et 97 du Code
sngalais des obligations civiles et commerciales. En effet, si
les conventions lgalement formes tiennent lieu de loi ceux
qui les ont faites , il va sans dire quelles sont appeles
disparatre de leur consentement mutuel. Mais, encore, faut-il
que le consentement exprim par chacune des parties nait pas
t vici par dol, erreur ou violence. En France, la convention
par laquelle lemployeur et le salari dcident, dun commun
accord, des conditions de rupture du contrat de travail qui les
lie doit ncessairement tre homologue par une autorit
administrative, savoir le Directeur rgional des entreprises, de
la concurrence, de la consommation, du travail et de lemploi. A
dfaut, elle est tout simplement prive deffet. Une telle
formalit nest cependant pas obligatoire en droit sngalais o
la jurisprudence a clairement reconnu que la convention de
rupture amiable du contrat de travail na pas tre homologue
par linspecteur du travail pour produire ses effets12. Cette
solution na toutefois pas t retenue par lavant-projet dacte
uniforme de lOHADA portant sur le droit du travail qui reprend
11 Il faut rappeler que ces articles sont issus de la loi franaise n 2008-
596 du 25 juin 2008 portant modernisation du march du travail , JOF du 26
juin.
12 Cass. Soc., 9 fv. 2000, Bull. des arrts de la Cour de cassation du
Sngal, ch. Soc., anne judiciaire 1999/2000, dcision n35.
21
pratiquement les rgles du droit franais. Ainsi, aux termes de
larticle 61 de cet avant-projet, Lemployeur et le travailleur
peuvent convenir des modalits amiables de rupture de la
relation de travail Laccord prendra effet aprs son
homologation par un procs-verbal dhomologation dress par
lInspecteur du travail dans les conditions fixes par le prsent
acte uniforme .
Licenciement et rupture pour force majeure : Si le
licenciement implique une manifestation de volont de la part
de lemployeur de rompre le contrat de travail, il en va
autrement pour la rupture pour force majeure. Cette dernire
notion vise un vnement imprvisible, irrsistible et exclusif de
toute faute de lemployeur. Cest plutt limpossibilit de
continuer la relation de travail qui est lorigine de la fin du
contrat.
Licenciement et mise la retraite du salari : La
retraite peut tre dfinie comme le retrait dfinitif du salari de
la vie active. Elle constitue de faon gnrale, le point de dpart
dune priode dinactivit qui ne sachvera quau dcs du
salari et pendant laquelle, celui-ci peroit une pension dont le
montant, les conditions dacquisition et les modalits de
paiement sont en grande partie, rgis par le droit de la scurit
sociale. Lorsque la rupture est dcide par le salari, on parle
de dpart la retraite. Si, en revanche, elle est prise linitiative
de lemployeur, on est en prsence dune mise la retraite.
Toutefois, il faut noter que la mise la retraite peut, dans bien
des cas, tre requalifie en licenciement, notamment lorsque les
conditions exiges en la matire ne sont pas runies.
Cet expos, bien que sommaire, montre combien il est
difficile de tracer en pratique, les frontires entre le licenciement
et les autres modes de rupture du contrat de travail. Un tel
22
empitement pourrait sexpliquer, dans une large mesure, par le
fait que le travailleur licenci bnficie, en France comme au
Sngal, dun statut lgal et conventionnel lui offrant une
panoplie de droits et de garanties dont ne dispose pas
forcment tout salari perdant autrement son emploi. Pour
cette raison, les employeurs ont tendance luder par tous les
moyens, les charges quentrane cette protection accrue due au
licenciement. Ils dissimulent souvent le licenciement sous le
couvert dautres modes de rupture rputs plus clments. Face
de tels procds, les juges nhsitent pas adopter une
attitude circonspecte afin de djouer les pratiques frauduleuses.
Dans la plupart des cas, ils parviennent requalifier la rupture
intervenue dans ces conditions en licenciement. Sil en tait
autrement, le licenciement risquerait dtre absorb par les
autres modes de rupture du contrat de travail et les rgles qui
le rgissent perdraient, dans ce cas, toute leur efficacit, faute
de ne jamais pouvoir recevoir application.
La notion de licenciement ci-dessus mise en exergue se
prsente sous plusieurs formes. On distingue principalement le
licenciement pour motif conomique et le licenciement pour
motif personnel.
Le licenciement pour motif conomique peut tre dfini,
aux termes de larticle L1233-3 du Code du travail franais,
comme tout licenciement effectu par lemployeur pour un ou
plusieurs motifs non inhrents la personne du salari, rsultant
dune suppression ou transformation demploi ou dune
modification, refuse par le salari, dun lment essentiel du
contrat de travail, conscutives notamment des difficults
conomiques ou des mutations technologiques . Le lgislateur
sngalais, lui, semble moins prcis puisque larticle L60 du
nouveau Code du travail prsente le licenciement pour motif
conomique comme tout licenciement individuel ou collectif
23
effectu par un employeur et motiv par une difficult conomique
ou une rorganisation intrieure . Cest dire donc quest
conomique, tout licenciement qui nest pas prononc pour un
motif personnel. Mais encore, faudrait-il que cette rupture soit
plus ou moins la consquence de difficults conomiques, de
mutations technologiques ou dune rorganisation intrieure de
lentreprise.
Contrairement au licenciement pour motif conomique, le
licenciement pour motif personnel na pas rellement fait lobjet
dune dfinition lgale. On saccorde malgr tout
lapprhender comme tout licenciement qui repose largement
sur la personne du salari ou bien mme sur son
comportement, savoir linsubordination, la malhonntet, les
absences rptes, la faute lourde ou grave, etc. Le professeur
WACQUET abonde dans le mme sens puisquil estime que le
licenciement personnel tient de prs ou de loin la personne du
salari : c'est un fait ou un ensemble de faits se rattachant la
personne du salari qui provoque la rupture du contrat de travail
13. Dailleurs, cest prcisment sur ce dernier type de
licenciement que porte notre tude. Il sagit, de faon plus
prcise, de procder une approche compare de la
rglementation du droit du licenciement pour motif personnel
en France14 et au Sngal15. Rappelons toutefois que ces deux
13 P. WACQUET, article prcit, p. 868.
14 La France se prsente comme un Etat de lEurope de lOuest, bord
louest par lOcan Atlantique, la Manche, la Mer du Nord et le Royaume uni ;
lest, par la Suisse et lItalie ; au nord, par la Belgique, le Luxembourg et
lAllemagne et enfin, au sud, par lEspagne et la Mer Mditerrane. Avec une
population de 65,4 millions au 1er janvier 2010, elle occupe actuellement le
rang de la cinquime puissance mondiale, derrire les Etats-Unis, le Japon,
lAllemagne et le Royaume Uni, avec un produit intrieur brut (PIB) de 2109
milliards de dollars.
24
derniers tats sont fortement lis par lhistoire, notamment par
celle de la colonisation. En effet, le premier a constitu la
puissance colonisatrice du second, et ce, de 1854 jusquen
1960.
Par ailleurs, faut-il le rappeler, le licenciement pour motif
personnel dont il est ici question a connu une histoire et une
volution notable, lesquelles nont pas forcment suivi le mme
cours en France et au Sngal.
En France, lvolution qua connue le droit du
licenciement pour motif personnel ne saurait laisser indiffrent.
En effet, cest trs tt, notamment en 1890 que la loi sur le
contrat de louage et sur les rapports des agents des chemins de
fer avec les compagnies a reconnu que la rsiliation du contrat
de travail par la volont de lune des parties peut donner lieu
dommages-intrts . Une base lgale de labus de droit venait
ainsi dtre difie. Toutefois, il aura fallu attendre jusqu
lentre en vigueur de la loi du 19 juillet 1928 pour que cette
thorie trouvt sa place dans le Code du travail franais. Cette
loi et en outre, le mrite dimposer lemployeur, non
seulement le respect du pravis dusage, mais aussi la mention
du motif allgu. En 1958, le parlement franais vota une autre
loi qui son tour, et pour principal effet de dissocier
15 Le Sngal, lui, se situe lavance la plus occidentale du continent
africain, dans lOcan Atlantique, au confluent de lEurope, de lAfrique et des
Amriques, et un carrefour de grandes routes maritimes et ariennes. Dune
superficie de 196722 km2, il est limit au nord, par la Mauritanie, lest par le
Mali, au sud par la Guine et la Guine Bissau et louest par la Gambie et
lOcan Atlantique. Au mois de juillet 2006, sa population slevait
11.987.121 alors que son produit intrieur brut(PIB) avoisinait le chiffre de
7775 millions de dollars en 2004.
25
clairement le licenciement de la dmission. Elle consacra de
plus la ncessit de notifier la rupture par lettre recommande
ainsi que le respect dun pravis minimum. Cette lgislation fut
par la suite complte par une ordonnance du 13 juillet 1967
qui reconnut son tour, le droit du salari une indemnit
lgale de licenciement. Ladoption de la loi du 13 juillet 1973 va,
quant elle, constituer un tournant dcisif dans le processus
dvolution du droit franais du licenciement pour motif
personnel. Elle subordonne la rgularit de tout licenciement
lexistence dune cause relle et srieuse et au respect dune
procdure plus ou moins rigide. Malgr la rsistance des
employeurs franais la promulgation dune rglementation
aussi contraignante, les organisations syndicales sont
parvenues faire prvaloir leur point de vue. En fait, elles ont
su convaincre le lgislateur de la ncessit de protger les droits
des salaris contre les dcisions arbitraires de leur employeur.
Le droit du licenciement va, par la suite se renforcer
considrablement, notamment avec ladoption de la loi du 4
aot 198216 qui va instituer un vritable rgime disciplinaire
tout en crant une nouvelle catgorie de licenciement, savoir
le licenciement disciplinaire.
Il faut toutefois relever quaujourdhui, les donnes ont
relativement chang puisquon a assist en 2008 la
recodification du Code du travail dont la version originale fut
labore entre 1910 et 1922. Cette recodification, qui a t
opre en fonction de la rgle de la codification droit
constant17, na pas laiss intact le droit du licenciement pour
16 Loi n 82-689 du 4 aot 1982 relative aux liberts des travailleurs
dans lentreprise, J.O.F, 6 aot 1982.
17 Voir nos dveloppements sur les indemnits de licenciement sans
cause relle et srieuse.
26
motif personnel de lpoque. Dans lensemble, le nouveau Code
du travail a eu le mrite de consacrer expressment, lexigence
dune cause relle et srieuse en matire de licenciement pour
motif personnel18. Il contient par ailleurs des articles rputs
beaucoup plus courts, rdigs avec des termes jugs plus
modernes.
Contrairement en France, lvolution du droit du
licenciement pour motif personnel au Sngal est fortement
influence par celle du droit du travail en tant que tel. Une telle
situation exige ds lors quon procde, au pralable, une
prsentation sommaire de la naissance et de lvolution de ce
droit.
La naissance et lvolution du droit du travail au Sngal
sont marques par plusieurs tapes, allant de la ngation totale
de la matire lheure de son harmonisation, en passant par
une relative priode de gestation et damlioration.
La ngation du droit du travail en Afrique noire et
particulirement au Sngal couvre, dans un premier temps, les
pratiques de lesclavage et, bien plus tard, celles du travail
forc.
Lesclavage sanalyse en une forme radicale de travail
asservi consistant en lextradition brutale dun individu de son
milieu dorigine pour sa revente comme une chose. Cette
pratique qui fut en vigueur deux sicles durant, semblait
18 Cest prcisment travers larticle L1232-1 qui prcise que : Tout
licenciement pour motif personnel doit tre justifi par une cause relle et srieuse
. Il faut toutefois relever que la notion de cause relle et srieuse existait bien
avant cette recodification.
27
trouver sa source dans limportant besoin en main-d'uvre
pour la culture de la canne sucre. Cest du moins ce quon
pouvait dduire de lanalyse dun arrt du Conseil dEtat
franais rendu en date du 16 avril 1670, selon lequel il nest
rien qui contribue davantage laugmentation des colonies que le
laborieux travail des ngres 19. Il sinstalla alors une vritable
traite ngrire bord des navires amenant dAfrique, des
cargaisons dbne et dAmrique en Europe, du sucre et du
tabac. En France, lesclavage fut lgalis par le Code noir de
Colbert, lequel se prsentait sous la forme dun recueil dune
soixantaine darticles. Promulgu en 1685 sous le rgne de
Louis XIV, il rassemblait toutes les dispositions rgissant la vie
des esclaves dans les colonies franaises des Antilles, de
Guyane et de lIle Bourbon. On y trouvait aussi les premiers
rudiments dun code du travail inspir par le souci damliorer
le rendement des esclaves tels que le repos dominical, la
limitation de la journe de travail, linterdiction dappliquer la
peine de mort ou demprisonnement sans jugement, etc.
Malgr la parfaite organisation dont il faisait montre,
lesclavage ne russit tout de mme pas faire lunanimit.
Dans un premier temps, il va se heurter bon nombre
dattaques dcrivains, de physiocrates et de philosophes tels
que La Socit des Amis des Noirs, Montesquieu, lAbb
REYNAL, CONDORCET, etc. Mais, cest surtout travers
laction internationale que cette pratique va vritablement
connatre son dclin. En effet, tout va partir dune trs grande
mobilisation de lopinion contre ce systme, laquelle va dabord
dboucher sur une premire abolition de lesclavage sous la
19 P.F GONIDEC, M. KIRSCH, Droit du travail des Territoires d'outre-mer,
Paris, LGDJ, 1958, p. 52.
28
Rvolution franaise20. Mais cette abolition ne dura que
quelques annes puisque Napolon Bonaparte va juger
ncessaire de rtablir cette pratique au courant de lanne
1802. On va assister par la suite la signature de lActe
Gnral de Berlin21 qui va fermer le bassin du Congo
lesclavage. LActe Gnral de Bruxelles, adopt en 188922, se
borne, son tour, dorganiser un contrle gnral de la traite
sur terre et sur mer. Ces deux derniers actes seront finalement
remplacs par la Convention de Saint-Germain-en-Laye23, texte
qui se propose de constater lengagement des puissances
signataires supprimer dfinitivement lesclavage.
En France, lesclavage fut juridiquement aboli en 1848
par le dcret du 27 avril 184824 et la constitution du 4
novembre 1848. En AOF, elle prit fin bien plus tard, avec
lentre en vigueur du dcret du 12 aot 1905, modifi par celui
du 8 aot 192025.
Mais, peine cette forme radicale de travail asservi fut-
elle abolie quon lui trouva dj un succdan : le travail forc.
Selon lOIT, le travail forc couvre tout travail exig dun
individu sous la menace dune peine quelconque et pour lequel ce
20 Il faut noter que cette abolition sest opre en deux temps, dune part
en 1793 et dautre part en 1794.
21 Cet acte est issu de la Confrence de Berlin et fut sign le 26 fvrier
1885.
22 Cet acte fut entr en vigueur le 2 avril 1892.
23 Cette convention fut signe le 10 septembre 1919.
24 JOF du 2 mai 1848.
25 Recueil DARESTE, 1905, 1re partie, p. 57.
29
dit individu ne sest pas offert de son plein gr 26 . De faon plus
gnrale, le travail forc se prsente comme loppos du travail
libre, tel quil dcoule de la libert du travail, principe qui offre
lindividu la possibilit de choisir librement sa profession,
lendroit o il souhaite lexercer et les moyens pour parvenir
ses fins personnelles. Une telle pratique se justifiait lpoque
plus dun titre, notamment par la ncessit de mettre en valeur
les colonies, le dfaut de main-duvre et surtout, le devoir
social de travailler. Malgr tout, le travail forc engendra des
abus dont les consquences nfastes taient tout fait
videntes : dpeuplement massif, dracinement, accroissement
du taux de mortalit, suspicion lgard de tout travail propos
par les Blancs , etc.
Cest sans doute la raison pour laquelle les restrictions
nont pas tard voir le jour. Le travail forc au profit des
particuliers fut interdit, dabord au niveau interne et ensuite
sur le plan international avec la Convention du 25 septembre
192627 relative lesclavage sur toutes ses formes. Le travail
forc dans lintrt gnral va quant lui, continuer dtre en
pratique puisquaucune disposition le concernant ne figurait
dans le pacte de la Socit Des Nations.
Laction internationale va savrer beaucoup plus dcisive
partir de 1927. En effet, cest prcisment durant cette anne
quun rapport sur lOIT fut tabli par la Confrence
internationale du travail et, conformment au processus
dadoption des conventions internationales du travail, un
questionnaire fut adress aux tats membres et les rponses
26 Art 2-1 de la Convention internationale de lOIT sur le travail forc.
27 Cette convention fut tablie par la Socit des Nations. Elle fut signe
Genve le 25 septembre 1926 et fut entre en vigueur le 9 mars 1927.
30
furent consignes par le Bureau International du Travail dans
un nouveau rapport. En 1930, on assista au vote dune
convention et de deux rsolutions28 dont les principes
constiturent un vritable code du travail forc.
Labolition de lesclavage et du travail forc ont ouvert la
voie une nouvelle phase, celle de la naissance du droit du
travail. Etant donn que le code du travail mtropolitain ntait
pas applicable aux Territoires dOutre Mer, la rglementation du
travail manait lpoque, des gouverneurs en raison de leur
qualit de dpositaire de la Rpublique. Un tel statut leur
confrait un pouvoir de rglementation dans bon nombre de
domaines, y compris en matire de relations de travail. Mais, de
cette situation, va natre une rglementation variable,
incomplte, inspire plus par le souci de fournir une main-
duvre stable aux entreprises que par celui de protger les
travailleurs contre les ventuels abus de leur employeur. Il aura
donc fallu attendre jusquen 1946 pour quun code du travail
applicable tous les Territoires dOutre Mer pt voir le jour. Il
sagissait prcisment du Code MOUTET qui na
malheureusement pas eu le temps de faire son uvre. Son
application se heurta une opposition farouche des groupes de
pression de lpoque, si bien quelle en fut suspendue. Il
sinstalla alors un vide qui ne fut combl que cinq annes plus
tard, notamment avec lentre en vigueur de la loi du 15
dcembre 1952 portant Code du travail des Territoires dOutre
Mer. Ce code, dclar applicable aux territoires associs et aux
territoires relevant du ministre de la France dOutre Mer,
tmoignait dune avance capitale dans la naissance du droit du
travail en Afrique noire francophone. Il prnait non seulement
la protection et la promotion des travailleurs, mais aussi la non-
28 Rsolutions n 35 et n 36.
31
discrimination entre travailleurs europens et travailleurs
indignes29 .
Cest seulement au lendemain de leur accession
lindpendance que les territoires en question ont pu lgifrer,
notamment en matire de droit du travail. De ce fait, on
remarque quaujourdhui, ils disposent presque tous, dune
lgislation nationale du travail prsente sous forme de code,
uvre qui, dans la plupart des cas, sinspire fortement du Code
des Territoires dOutre Mer. Le Sngal ne fut pas en reste.
Cest prcisment au cours de cette priode, savoir en 1961,
que le premier code sngalais du travail fut entr en vigueur. Il
prsentait, en ralit, la double particularit de comporter,
linstar des autres tats dAfrique noire, certaines facettes du
code de 1952 et les solutions juridiques qui avaient t jusque-
l dgages, compte tant tenu du contexte socio-conomique et
des ncessits du dveloppement. Mais, comme le droit est
mouvant en ce quil sadapte aux nouvelles ralits sociales, ce
code a eu subir plusieurs modifications relatives, entre autres
la dure du contrat dengagement lessai30, la constitution
et au fonctionnement des syndicats31, la dtermination du
nombre de jours de congs pays32, la procdure en matire
de litiges individuels et de conflits collectifs,33 etc. Cependant, il
faut noter que ces rformes, bien que touchant des domaines
29 Articles 1er et 97 du Code du travail des Territoires dOutre-mer.
30 Loi n 71-06 du 21 janvier 1971, J.O n 4148 du 20 fvrier 1971,
p.154.
31 Lois n 75-96 du 20 dcembre 1975, J.O n 4468 du 22 janvier 1976.
32 Loi n 66-45 du 27 mai 1966 compltant larticle 148, J.O.S du 11juin
1966, p. 639.
33 Loi n 66-42 du 27 mai 1966, J.O n 3825, 11juin 1966, p. 638
32
assez varis, ne semblaient pas totalement rgler le problme.
Cest pourquoi a vu le jour, bien plus tard, le nouveau Code du
travail sngalais, institu par la loi 97-17 du 19 dcembre
1997, uvre juge beaucoup plus adapte.
Mais, force est de reconnatre qu lheure actuelle, cette
uvre lgislative a dj fait son uvre et donc, son avenir
semble compromis. En effet, dans le contexte actuel de
rgionalisation, il savrerait illusoire pour les tats africains de
prtendre assurer leur dveloppement de manire isole. Cest
sans doute la raison pour laquelle la tendance est aujourdhui
la concertation et lharmonisation des politiques. Dans cet
esprit, les tats partageant en commun lusage du Franc CFA
ont dcid de mettre sur pied, lOrganisation pour
lHarmonisation en Afrique, du Droit des Affaires (OHADA). Il
sagit l dun nouvel outil juridique imagin et ralis par les
juristes africains afin de simplifier et dharmoniser le droit des
affaires en Afrique. En ralit, cette organisation vise mettre
un terme linscurit juridique et judiciaire qui faisait de
lAfrique, le continent le moins courtis par les investisseurs
trangers. Selon Madame DRAVO-ZINZINDOHOUE,
linscurit judiciaire sexplique par la vtust des textes en
vigueur qui datent pour la plupart du temps de la colonisation et
qui donc, ne sont plus en adquation avec le tissu conomique
actuel 34. Et, poursuit-elle, mme dans des cas o des
reformes ont t engages, soit elles ont t incompltes, soit
inefficaces du fait dabsences de textes dapplication ou de par
des conflits entre nouveaux textes et anciens abrogs 35.
34 DRAVO-ZINZINDOHOUE C.M.J., La mise en place dun droit uniforme
du travail dans le cadre de lOHADA, Thse de droit public, Universit de Reims,
2009, p. 11.
35 Ibid.
33
Linscurit judiciaire, quant elle, sapprcie au regard de la
manire dont la justice est rendue dans la plupart des tats
africains, laquelle rime souvent avec lenteur des procdures,
corruption, formation insuffisante des juges, manque de
moyens matriels, difficult dexcution des dcisions, etc. Cest
dire donc que cette organisation originale a pour vocation de
pallier les archasmes des droits africains qui sombraient sous
le poids de coutumes varies et de vtusts avres. Pour ce
faire, un trait fut adopt le 17 octobre 1993 Port-Louis (Ile
Maurice) se fixant pour objectif lharmonisation du droit des
affaires dans les tats-parties par llaboration et ladoption de
rgles simples, modernes et adaptes la situation de leurs
conomies, par la mise en uvre de procdures judiciaires
appropries et par lencouragement du recours larbitrage pour
le rglement des diffrends contractuels . Les rgles adoptes
dans ce cadre sont communment appeles actes uniformes, et
sont directement applicables dans les tats-parties. A ce jour,
neuf actes uniformes ont t adopts et sont relatifs, entre
autres, au droit commercial gnral, au droit des socits
commerciales et des groupements dintrt conomique (GIE),
lorganisation des procdures simplifies de recouvrement et
des voies dexcution, lorganisation des procdures collectives
dapurement du passif, au droit de larbitrage, lorganisation
et lharmonisation des comptabilits des entreprises, aux
contrats de transports de marchandises par route. En matire
de droit du travail, un avant-projet dacte uniforme a dj t
labor36. Son adoption, qui est prvue dans un avenir tout
36 Rappelons qu ce jour, lavant-projet dacte uniforme de lOHADA
relatif au droit du travail se prsente sous deux versions dont les dispositions
ne sont pas tout fait identiques. On note dune part, la version officielle de
2006 et la version officieuse de 2010. Dans le cadre prcis de notre tude, nous
nous sommes rfrs exclusivement la version de 2006 car seule cette
dernire version est disponible sur le site internet de lOHADA
34
fait proche, va sans doute constituer une avance incontestable
dans le processus dharmonisation et dadaptation des
lgislations sociales africaines. Outre le fait quil sappliquera
lidentique tous les employeurs et travailleurs ressortissants
ou tablis dans les Etats-parties, il compte apporter bon
nombre dinnovations par rapport la rglementation des
Etats-parties en matire de licenciement pour motif personnel.
A ce titre, on peut noter la mise en place dun systme de
plafonnement du montant des indemnits prvues en cas de
licenciement abusif, la reconnaissance dune procdure
contradictoire permettant au salari de fournir ses explications
avant toute notification de la dcision de licenciement,
llargissement du champ dapplication de la nullit du
licenciement pour motif personnel, etc.37
Dans le cadre prcis de notre tude, nous nous rfrerons
aussi bien la loi 97-17 du 17 dcembre 1997 portant nouveau
Code du travail sngalais qu lavant-projet dacte uniforme de
lOHADA relatif au droit du travail. Toutefois, nous ne comptons
pas nous intresser au licenciement intervenu au cours de la
priode dessai tant donn que ce type de rupture ne soulve
aucune question pouvant intresser notre tude. Il en va de
mme du licenciement des fonctionnaires vu que ces derniers
ne sont pas rgis par le Code du travail38.
Par ailleurs, rappelons que nous nous proposons de
mener notre tude sous langle du droit compar. Ce dernier
concept a fait lobjet de bon nombre de controverses relatives
entre autres, sa mthode, sa fonction et sa position par
37 Ces innovations sapprcient au regard du droit sngalais actuel.
38 Cette situation est valable aussi bien en France quau Sngal.
35
rapport aux autres branches du droit. Toutefois, nous ne
comptons pas nous focaliser sur ces controverses et les dbats
qui ont pu en dcouler. Nous nous contentons, dans le cadre
prcis de notre tude, de considrer le droit compar comme
lapplication, dans le domaine des sciences juridiques, de la
mthode comparative. Cette dernire se prsente son tour,
comme un ensemble de dmarches et de procds senchanant
selon une suite relationnelle, destines amener lesprit juridique
constater et saisir, par un processus ordonn, mthodique et
progressif de confrontation et de comparaison, les
ressemblances, les diffrences et leurs causes 39. Il en rsulte
ds lors que le droit compar ne constitue pas une discipline
part entire, mais une mthode de recherche juridique. Ainsi,
selon Monsieur DAVID, le droit compar est. une simple
mthode, la mthode comparative, applique la science du
droit 40. Une telle mthode, bien que ntant pas lheure
actuelle considre comme une discipline part entire, nen
est pas pourtant moins intressante. En effet, on saccorde
dire quelle permet au juriste de connatre le systme applicable
dans un pays voisin, de le comprendre et mme de suggrer des
amliorations tires de lexprience trangre41. Dautres vont
mme jusqu en faire un instrument permettant la
comprhension des cultures et des peuples trangers 42.
39 L. J. CONTENTINESCO, Trait de droit compar, T1, LGDJ, 1974,
p.24.
40R. DAVID, Les grands systmes de droit contemporain ; D. 10me
dition ; p. 2
41 R. RODIERE, Introduction au droit compar, D 1979, p.33
42 F. ANDRE, Cours de grands systmes de droit contemporain, Paris,
1974.
36
Ltude du droit du licenciement pour motif personnel en
France et au Sngal nous permettra donc de relever les
similitudes et les disparits qui, en la matire, existent entre ces
deux ordres juridiques. Et cest prcisment sur cette
conjonction de similitudes et de disparits que reposera
globalement notre analyse. A terme, elle permettra de raliser
un certain nombre dobjectifs :
Tout dabord, elle offrira loccasion de combler quelque
peu, le vide qui caractrise actuellement le paysage doctrinal
sngalais. En effet, on remarque que le droit sngalais du
travail est peu trait et les rares tudes disponibles datent
souvent de trs longtemps, si bien quelles nont pas pu
embrasser la vague de rformes opres ces dernires annes.
Ensuite, cette tude constituera sans nul doute,
loccasion de dmontrer que le droit sngalais se dmarque bel
et bien du droit franais, et ce, bien des gards. Il sagira donc
de contrer la thse dfendue par bon nombre dauteurs, selon
laquelle le droit sngalais, dans son intgralit, ne constitue
rien dautre quune copie conforme du droit franais.
En outre, lopportunit nous sera offerte, travers cette
tude, de glorifier les avantages du systme franais jug dans
lensemble plus protecteur des droits des salaris afin que le
lgislateur sngalais ou mme celui de lOHADA jugent utile de
sen inspirer.
Enfin, laube de lentre en vigueur de lActe uniforme
de lOHADA portant sur le droit du travail, nous envisagerons
de mettre en exergue les innovations apportes par lavant-
projet actuellement disponible par rapport au droit sngalais
actuel. Nous ne manquerons pas aussi de relater les
insuffisances et les imperfections de ce texte afin que les
37
concerns puissent en prendre conscience et pourquoi pas,
rectifier le tir tant que cela savre possible.
Il serait alors intressant de se demander ds prsent
si, en matire de licenciement pour motif personnel, le droit
sngalais se dmarque rellement du droit franais.
En guise de rponse cette question, on peut affirmer
que le droit sngalais, bien que semblant a priori proche du
droit franais, diffre pourtant sensiblement de celui-ci.
Dailleurs, la comparaison de ces deux droits laisse entrevoir
bon nombre de divergences.
En effet, on remarque tout dabord quen France, la
rgularit du licenciement pour motif personnel est, depuis
1973, subordonne lexistence dune cause relle et srieuse
alors quau Sngal, cest la notion classique de motif lgitime
qui est toujours exige. De plus, il apparait quen matire
disciplinaire, une jurisprudence sngalaise bien tablie admet
la rgle selon laquelle toute faute, mme minime peut justifier le
licenciement, ce qui inclut la faute lgre. Il nen va cependant
pas de mme en France o on exige au moins, une faute
srieuse. En outre, on relve, en matire de procdure, que le
Code du travail sngalais consacre le principe de la notification
directe du licenciement pour motif personnel, sans possibilit
pour le salari vis de fournir ses explications au pralable. Le
droit franais, de son ct, reconnait une relle procdure
pralable de licenciement qui permet au salari dont le
licenciement est envisag dtre entendu, parfois mme avec
lassistance dun conseiller. Enfin, on note quen France, la
nullit du licenciement pour motif personnel vise une large
gamme de motifs prohibs, lesquels touchent entre autres, ltat
de sant ou le handicap, la grossesse, le harclement sexuel, les
caractristiques gntiques, lorientation sexuelle, etc. Elle
38
stend aussi au licenciement effectu en violation du droit de
grve ou dune libert fondamentale43. Tel nest cependant pas
le cas au Sngal. En effet, il apparait nettement que le
nouveau Code du travail sngalais ne reconnait, lheure
actuelle, quun seul cas de nullit du licenciement pour motif
personnel, savoir le licenciement du dlgu du personnel
effectu sans autorisation pralable de linspecteur du travail
ou fond sur une autorisation ultrieurement annule. Les
licenciements discriminatoires de mme que ceux effectus en
violation de certains droits fondamentaux sont considrs
comme abusifs, ce qui ne donne lieu qu de simples
dommages-intrts.
Cet expos, bien que sommaire, montre quel point le
droit sngalais du travail se dmarque du droit franais. Une
telle situation pourrait dailleurs se justifier plus dun titre.
En effet, mme si la France et le Sngal sont intimement
lis par lhistoire, mme si le droit franais a largement
influenc le droit sngalais, et ce, depuis belle lurette, on ne
peut sempcher de constater quaujourdhui, cet impact a
tendance samenuiser de plus en plus. Cest que, un
moment donn, le lgislateur sngalais a pris conscience du
fait que lidal serait, non pas de mettre en place un droit du
travail qui serait en grande partie calqu sur le droit de son
ancienne puissance colonisatrice, mais plutt, dlaborer un
droit qui prendrait en compte les spcificits locales, et qui, de
ce fait, collerait le plus aux mentalits et ralits nationales.
Il faut par ailleurs relever que les donnes conomiques et
financires sont loin dtre identiques en France et au Sngal.
43 Cass. Soc. 13 mars 2001, Bull. civ. V, n 87 ; Cass. Soc. 28 mai 2003,
Dr. soc. 2003, p. 808, obs. P. WACQUET.
39
La France se place au rang des cinq premires puissances
mondiales alors que le Sngal se contente dintgrer le clan des
pays en voie de dveloppement et de surcrot, des pays pauvres
les plus endetts (PPE). Les donnes relatives au chmage sont
elles aussi assez rvlatrices. En France, le taux de chmage
avoisine actuellement 9 %44 tandis quau Sngal, il tourne
autour de 49 %45. A ces facteurs, il faut ajouter linfluence de la
convention numro 158 de lOIT sur la cessation de la relation
de travail linitiative de lemployeur. Celle-ci fut ratifie par la
France depuis 1985, ce qui nest pas encore le cas pour le
Sngal qui na, jusquici, fait preuve daucune ratification.
Pourtant, il semble quune transposition du systme
franais au Sngal pourrait bien tre bnfique pour le salari.
En effet, le droit franais confre au salari des droits et
garanties qui lui permettent de disposer dune quasi totale
scurit dans son emploi. Non seulement il ne perd pas
facilement son emploi, mais si jamais cela savre invitable, il
peut bnficier dun certain nombre de mesures labores par le
lgislateur, ayant pour unique finalit de limiter les
consquences plus ou moins nfastes qui pourraient dcouler
dune telle perte.
Mais, hormis ces avantages, il faut tout de mme relever
que le systme franais nen est pas moins parfait. En effet,
force est de reconnatre que la trop grande difficult pour
lemployeur de prouver le caractre rel et srieux du
licenciement pour motif personnel ainsi que la lourdeur des
rgles de procdure reconnues pourraient vritablement inciter
44 Institut National de la Statistique et des tudes conomiques, 2011
45 Agence Nationale de la Statistique et de la Dmographie du Sngal,
2010
40
les employeurs limiter la conclusion de contrats de travail
dure indtermine, do une aggravation de linscurit dans
lemploi et partant, du travail prcaire.
Par ailleurs, force est de reconnatre que la comparaison
du droit franais et du droit sngalais du licenciement pour
motif personnel ne laisse pas seulement entrevoir des
divergences. Bon nombre de ressemblances sont aussi notes.
En effet, il ne faut pas perdre de vue que la France et le Sngal
saccordent subordonner la rgularit du licenciement pour
motif personnel au respect dun certain nombre de rgles de
fond et de forme. Il sagit entre autres, de lexigence dun motif
de licenciement, de lobligation de motiver et de notifier la
dcision de licenciement au salari, etc. Le non-respect de ces
rgles peut aussi, dans les deux tats, entraner lapplication
dune large gamme de sanctions dont la plus usite se rsume
au versement dindemnits au salari.
De plus, le licenciement suppose, aussi bien en France
quau Sngal, le respect dun dlai de pravis au cours duquel,
les parties sont tenues de respecter les obligations qui
dcoulent du contrat de travail. Il donne aussi lieu la remise
de certains documents. Il sagit, entre autres, du certificat de
travail, du reu pour solde de tout compte.
Il convient alors, pour une bonne analyse de cette tude
comparative, dtudier, dans un premier temps, la rgularit du
licenciement pour motif personnel en droit franais et en droit
sngalais (1re partie) et dans un second temps, les suites du
licenciement pour motif personnel en droit franais et en droit
sngalais ( 2me partie).
41
1re PARTIE : LES CONDITIONS DE
REGULARITE DU LICENCIEMENT POUR MOTIF
PERSONNEL EN DROIT FRANAIS ET EN DROIT
SENEGALAIS
De faon gnrale, la rgularit vise le caractre de ce qui
est rgulier, donc conforme aux rgles prtablies. En dautres
termes, la notion fait rfrence la qualit de ce qui est
conforme au droit, spcialement aux exigences de forme 46
Dans le domaine du droit du licenciement, la notion de
rgularit est souvent utilise de faon stricte, faisant allusion,
dans la plupart des cas, la rgularit de forme, laquelle
renvoie au respect de la procdure qui sous-tend ce type de
rupture du contrat de travail.
Cependant, dans le cadre prcis de notre tude, nous
choisirons dutiliser le terme dans son sens le plus large, ce qui
englobe aussi bien la rgularit de forme que la rgularit de
fond.
Traiter des conditions de rgularit du licenciement
reviendrait donc sintresser aux conditions de fond et de
forme exiges en la matire.
Ces conditions sont dailleurs clairement affirmes
lchelon international, notamment travers la Convention O.I
46 G. CORNU, Vocabulaire juridique, PUF 2007, 7me dition, voir
rgularit .
42
T n 15847. Aux termes de son article 4, ce texte dispose : Un
travailleur ne devra pas tre licenci sans quil existe un motif
valable de licenciement li laptitude ou la conduite du
travailleur A ces dispositions, larticle 11 ajoute : Un
travailleur ne devra pas tre licenci pour des motifs lis sa
conduite ou son travail avant quon ne lui ait offert la possibilit
de se dfendre contre les allgations formules moins quon ne
puisse raisonnablement attendre de lemployeur, quil lui offre
cette possibilit .
Reste maintenant savoir si cette tendance est suivie par
les droits franais et sngalais. En dautres termes, il est
question de savoir si ces deux droits subordonnent la rgularit
du licenciement pour motif personnel au respect dun certain
nombre de rgles de fond et de forme.
La rponse cette question semble vidente. En effet, il
ne fait lobjet daucun doute quen France, tout comme au
Sngal dailleurs, la rgularit du licenciement pour motif
personnel est tributaire du respect de conditions de fond et de
forme.
En France, lessentiel de ces rgles fut apport par la loi
du 13 juillet 197348 qui a eu le mrite dencadrer le droit du
licenciement tant du point de vue du fond que sur le plan de la
forme en exigeant, non seulement le respect dune procdure
assez rigoureuse, mais aussi, la justification dune cause relle
47 Cette Convention de lOIT est relative la cessation de la relation de
travail linitiative de lemployeur. Adopte le 22 juin 1982, elle est applicable
en France depuis le 16 mars 1990.
48 Loi n 73-680 du 13 juillet 1973 modifiant le contrat de travail en ce
qui concerne la rsiliation du contrat de travail dure indtermine, JOF, 18
juillet 1973, p. 7763.
43
et srieuse. Faut-il le rappeler, ladoption de cette loi met fin
une priode de monarchie au cours de laquelle le contrat de
travail pouvait tre librement rsili par les parties, et ce, sous
rserve du contrle judiciaire de labus de droit.
Au Sngal, les rgles de fond et de forme en la matire
furent tout dabord institues par le code des Territoires
dOutre-Mer de 195249 qui subordonnait la validit du
licenciement lexistence dun motif lgitime50 et au respect
dun pravis, sauf en cas de faute lourde51. Ces rgles seront
par la suite, ramnages et compltes par le Code du travail
de 1961 dans un premier temps, et par le nouveau Code du
travail de 1997 dans un second temps.
Ainsi, que lon se situe sur le terrain du droit franais ou
sur celui du droit sngalais, le constat est globalement le
mme : tout licenciement pour motif personnel doit, dune part,
reposer sur un motif inhrent la personne du salari (TITRE
1) et dautre part, respecter une certaine procdure (TITRE 2).
49 Loi du 15 dcembre 1952 portant code du travail des Territoires
dOutre-Mer, J.O. Afrique-Occidentale Franaise (AOF), 27 dcembre 1952,
p.1845.
50 Aux termes de larticle 42 al. 2, du Code du travail des Territoires
dOutre-Mer, Les licenciements effectus sans motif lgitime, de mme que les
licenciements motivs par les opinions du travailleur, son activit syndicale, son
appartenance ou sa non-appartenance un syndicat dtermin, en particulier,
sont abusifs .
51 Toutefois, en cas de faute lourde, lemployeur pouvait procder au
licenciement sans respecter le dlai de pravis : article 40 al. 2, du Code du
travail des Territoires dOutre-mer
44
TITRE I : LEXIGENCE DUN MOTIF INHERENT
A LA PERSONNE DU SALARIE EN DROIT
FRANAIS ET EN DROIT SENEGALAIS
Comme il a t affirm plus haut, en France, comme au
Sngal, tout licenciement personnel doit reposer sur un motif
inhrent la personne du salari.
Malgr tout, on ne peut sempcher de faire un constat :
la notion de motif personnel na malheureusement fait lobjet
dune dfinition ni lgale, ni jurisprudentielle encore moins
conventionnelle.
Face cette situation, une bonne partie de la doctrine en
France a tent de proposer une dfinition eu gard la
dfinition lgale du motif conomique. Ainsi, se fondant sur
larticle L 1233-352 du Code du travail qui prsente le motif
conomique comme un ou plusieurs motifs non inhrents la
personne du salari 53, certains auteurs ont estim, travers
un raisonnement a contrario, que le motif personnel sentend de
tout motif inhrent la personne du salari. En dautres
termes, tout motif invoqu pour justifier le licenciement qui ne
rpond pas la dfinition du motif conomique devrait tre
rang dans la catgorie de motif personnel de licenciement. Il en
est ainsi de linsuffisance professionnelle, de linaptitude
physique, de la maladie du salari ou bien de la faute commise
par ce dernier. Il sagit donc dune catgorie ouverte rpondant
une dfinition par dfaut.
52 Cet article constitue lquivalent de larticle L321-1 de lancien Code
du travail franais.
53 Article L1233-3 Code du travail franais.
45
Cependant, mme sil est avr quen France, comme au
Sngal tout licenciement personnel doit reposer sur un motif
inhrent la personne du salari, il ne faut tout de mme pas
en dduire que les deux droits seraient parfaitement identiques.
Cest loin dtre le cas dailleurs. En effet, aussi bien des
ressemblances que des diffrences sont notes en la matire. Si
dans un premier temps, on dcle une convergence dans la
reconnaissance de deux catgories de motif inhrent la
personne du salari (Chapitre1), il en est tout autrement
sagissant du mcanisme de justification de ce motif, domaine
dans lequel on note plutt une divergence de taille (Chapitre2).
46
CHAPITRE 1 : CONVERGENCE DANS LA
RECONNAISSANCE DE DEUX MOTIFS INHERENTS
A LA PERSONNE DU SALARIE
De faon gnrale, le motif inhrent la personne du
salari recoupe deux branches distinctes : le motif personnel
disciplinaire et le motif personnel non disciplinaire. Le premier
a souvent trait la faute commise par le salari alors que le
second prend corps en dehors de toute faute du salari. Cette
summa divisio a sans doute inspir les lgislateurs franais et
sngalais qui ont, tous deux, jug utile de reconnatre, dune
part, le motif personnel disciplinaire (Section 1) et dautre part,
le motif personnel non disciplinaire (Section 2).
SECTION 1 : LA RECONNAISSANCE DU MOTIF
PERSONNEL DISCIPLINAIRE
Le motif personnel disciplinaire est intimement li au
pouvoir disciplinaire. En effet, lemployeur, tant rput chef
dentreprise, est logiquement investi dun triple pouvoir qui,
selon un auteur54, est directement inspir de la trilogie des
fonctions de Montesquieu, savoir, la fonction excutive, la
fonction lgislative et la fonction judiciaire. Il sagit donc
prcisment du pouvoir de direction, du pouvoir rglementaire
et du pouvoir disciplinaire. Le premier rime avec la fonction
excutive tandis que les deux derniers sapparentent
respectivement aux fonctions lgislative et judiciaire.
Le pouvoir de direction, considr comme le pouvoir de
base55, sentend de la facult de commander de lemployeur,
54 Emmanuel DOCKES, HyperCours Droit du travail : Les relations
individuelles de travail, Dalloz 2008, 3me dition, p. 81.
55 On saccorde ici considrer que le pouvoir de direction constitue le
pouvoir de base alors que les deux autres pouvoirs de lemployeur, savoir, le
47
laquelle facult lui autorise prendre des dcisions de gestion
de lentreprise.
Le pouvoir rglementaire, son tour, permet
lemployeur dlaborer des rgles internes lentreprise.
Le pouvoir disciplinaire, qui seul nous intresse ici,
pourrait, quant lui, tre dfini comme la facult offerte
lemployeur de sanctionner les fautes commises par le salari
dans lexcution de sa prestation de travail56. En dautres
termes, il constitue le droit pour lemployeur, de punir le
salari qui dsobit aux ordres 57.
En France, ce pouvoir de lemployeur a bien fait lobjet
dune rglementation lgale. Il sagit prcisment de la loi du 4
aot 1982 sur les droits et liberts des travailleurs58. Ce texte,
qui a vocation instituer un rgime disciplinaire applicable
lensemble des entreprises et tous les salaris peu important
leur statut et leur anciennet, avait, en quelque sorte pour
finalit de mettre un terme la situation qui prvalait. En effet,
avant ladoption de cette loi, le climat se caractrisait par
labsence dun vritable contrle judiciaire sur lexercice du
pouvoir disciplinaire59 puisque la thorie jurisprudentielle de
pouvoir rglementaire et le pouvoir disciplinaire ne constituent que des
dclinaisons.
56Dfinition donne par le Lexique des termes juridiques, Dalloz 2000,
12me dition, p. 403.
57 E. DOCKES, ouvrage prcit, p. 108.
58 Loi n 82-689 du 4 aot 1982 concernant les liberts des travailleurs
dans lentreprise, JOF, 6 aot 1982.
59 Il faut dire quavant ladoption de cette loi, la tendance dominante de
la Cour de cassation tait de rduire, autant que possible, le pouvoir du juge
48
lemployeur seul juge sappliquait dans tous les domaines du
droit du travail, ce qui ntait pas sans prsenter des abus.
Cest prcisment en rplique cette situation que la loi du 4
aot 1982 a vu le jour. A travers son adoption, le lgislateur
met en place un vritable droit disciplinaire, lgitimant et
encadrant strictement le pouvoir disciplinaire de lemployeur.
Mme si son caractre incomplet a t trs tt dcri par
bon nombre dauteurs60, cette loi a tout de mme le mrite de
constituer la rfrence principale, et partant, le socle du droit
disciplinaire en France, ce qui est salutaire plus dun titre.
Cest dailleurs, ce qua tent de dfendre Madame TOUTAIN.
Pour elle, Ce texte, en introduisant des dispositions relatives au
droit disciplinaire vient donc combler un vide juridique
particulirement dfavorable aux salaris. Il constitue une
avance essentielle pour la reconnaissance de la citoyennet du
salari dans lentreprise puisque la loi organise enfin une
procdure disciplinaire garantissant les droits de la dfense Le
pouvoir disciplinaire du chef dentreprise demeure, mais soumis
un contrle strict. Lentreprise nest plus le lieu clos o un
homme, fut-il chef dentreprise, peut tre la fois juge et partie.
En crant ainsi des rapports plus quilibrs entre salaris et
employeurs, ce texte contribue promouvoir dautres relations de
face au pouvoir de lemployeur. Ainsi, pour les sanctions autres que le
licenciement, il tait prcis que les juges du fond ne peuvent substituer leur
apprciation celle de lemployeur dans lexercice de son pouvoir disciplinaire
(Cass. Soc. 9 juil. 1981, Juri. Soc. 1981 n 42, p. 100). En dautres termes, la
jurisprudence considrait, de faon gnrale, quen dehors du cas de
dtournement de pouvoir, les juges ne pouvaient substituer leur apprciation
celle du patron en annulant ou en modrant une sanction.
60 Voir sur ce point F .VENIN, Lamnagement du pouvoir disciplinaire de
lemployeur, Dr. Soc. 1983, p.46 ; J.C-JAVILLIER, Lexercice et le contrle du
pouvoir disciplinaire, Dr. Soc 1983, p. 539.
49
travail et amliorer le bon fonctionnement de lentreprise 61.
Pour cette parlementaire, ladoption de cette loi et son entre en
vigueur ne peuvent tre que bienvenues tant donn quelles
comblent bon nombre de lacunes eu gard la situation
antrieure, lesquelles lacunes taient, sans conteste,
dfavorables au salari.
Contrairement au droit franais, le droit sngalais,
contre toute attente, ne propose pas une rglementation lgale
du pouvoir disciplinaire. On a pu esprer, lors de lexamen du
projet de loi devenu la loi n97-17 du 1er dcembre 1997
portant nouveau Code du travail, que le lgislateur allait mettre
en place un rgime lgal du pouvoir disciplinaire de
lemployeur. Mais il en est tout autrement. Mis part quelques
articles du nouveau Code du travail qui font rfrence la
notion de faute lourde du salari et aux diffrentes
consquences qui y sont attaches, aucune autre loi
particulire ne rglemente ce pouvoir dont dispose lemployeur.
Du ct de lOHADA, le constat demeure le mme ; la
lecture de lavant-projet dacte uniforme portant sur le droit du
travail de lOHADA ne laisse, elle aussi, entrevoir aucune
rglementation globale du pouvoir disciplinaire de lemployeur.
Pour un auteur, cette carence tmoigne du fait quen
matire disciplinaire, le droit du travail sngalais na
pratiquement pas volu, ce qui, selon lui, est plus que
regrettable62. Dailleurs, nous ne pouvons que partager cet avis.
61 Voir les dveloppements de G. TOUTAIN, rapporteur de la
Commission des affaires sociales lAssemble nationale lpoque, Document
Assemble Nationale n 834, p. 13 et s.
62 P.M. NDIAYE, La sauvegarde de la libert du travail et le droit
sngalais, EDJA 1999, p. 153.
50
En effet, il nous semble trs dommage de constater que jusqu
prsent, le lgislateur sngalais, tout comme celui de lOHADA,
naient pas jug utile de proposer une rglementation lgale
affrente au pouvoir disciplinaire de lemployeur, et ce, malgr
toutes les rformes, innovations et retouches qui ont pu tre
apportes au droit du travail sngalais ces dernires annes ;
comme si ce domaine tait rserv, voire intangible. Pourtant,
nul doute que ce dit pouvoir est rput tre, linstar du droit
du licenciement, un pan non ngligeable du droit du travail,
perptuellement sujet larbitraire de lemployeur.
Il nous semble donc quil serait plus judicieux que le
lgislateur sngalais et celui de lOHADA sinspirent du droit
franais et jugent utile de mettre en place un vritable rgime
lgal du pouvoir disciplinaire. Un tel mimtisme aurait, non
seulement le mrite doffrir des garanties procdurales au
salari, mais aussi dattnuer, un tant soit peu, les risques
darbitraire de lemployeur63 ; le tout ancr dans la seule et
63 Cependant, il ya lieu de relever, malgr tout, que le droit du travail
sngalais na pas manqu de poser quelques barrires ayant pour objet de
limiter larbitraire de lemployeur. En effet, on remarque tout dabord, que le
danger de larbitraire patronal se trouve considrablement attnu travers
larticle L5 du nouveau Code du travail sngalais qui, dispose, en son alina 3
que : les opinions que les travailleurs, quelle que soit leur place dans la
hirarchie professionnelle, mettent dans lexercice du droit dexpression, ne
peuvent motiver une sanction ou un licenciement . De plus, on remarque que la
Convention Collective Nationale Interprofessionnelle apporte de srieuses
limitations relativement au pouvoir sanctionnateur de lemployeur. En son
article 16, elle numre limitativement les sanctions disciplinaires applicables
au personnel, pose des conditions prcises relatives lavertissement et la
mise pied du travailleur et enfin, institue une procdure contradictoire et
assigne forme et destination la sanction prononce. Cet article est dailleurs
formule comme suit : Les sanctions disciplinaires applicables au personnel
sont les suivantes :
-lavertissement verbal ou crit,
51
unique finalit du droit du travail, savoir la protection du
salari, maillon faible dans la relation de travail.
A partir du moment o le motif personnel disciplinaire ne
sapprcie que par rapport la faute commise par le salari,
nous essaierons tout dabord, dapprhender la faute comme
fondement du motif personnel disciplinaire (I). Cest seulement
aprs que nous nous intresserons aux chelles de gradation
des fautes proposes par les droits franais et sngalais (II).
-la rprimande,
-la mise pied dun trois jours,
-la mise pied de quatre huit jours,
-le licenciement,
Lavertissement et la mise pied dun trois jours ne sauraient tre
invoqus lencontre du travailleur si, lexpiration dun dlai de 6 mois suivant
la date dintervention de lune ou lautre de ces sanctions, aucune autre sanction
na t prononce.
Il en est de mme lexpiration dun dlai de 1 an en ce qui concerne la
sanction de mise pied de quatre huit jours.
Ces sanctions sont prises par le chef dtablissement ou son reprsentant
aprs que lintress, assist sur sa demande dun dlgu du personnel, aura
fourni des explications crites ou verbales.
La sanction est signifie par crit au travailleur et ampliation de la
dcision est adresse linspecteur du travail du ressort .
52
I-LA FAUTE, FONDEMENT DU MOTIF
PERSONNEL DISCIPLINAIRE EN DROIT FRANAIS
ET EN DROIT SENEGALAIS
De faon gnrale, les licenciements pour motif personnel
sont des licenciements disciplinaires, cest--dire, des ruptures
du contrat de travail qui sanctionnent une faute commise par le
salari. Cest dire donc quaucun licenciement disciplinaire nest
possible sans une faute pralable du salari. Autrement dit, la
mise en uvre de ce type de rupture suppose ncessairement
lexistence dune faute sur la base de laquelle la sanction est
prononce.
Ds lors, on serait tent de sinterroger sur ce que
renferme cette notion de faute.
Cependant, il faut dores et dj relever que ltude de la
faute comme fondement du licenciement disciplinaire, voire du
motif personnel disciplinaire se heurte un obstacle majeur,
lequel est visible aussi bien en France quau Sngal. Il sagit
prcisment de labsence de dfinition lgale de la faute qui est
mme de justifier cette sanction ultime quest le licenciement.
En effet, en France, la loi du 4 aot 1982 sur les droits et
liberts des travailleurs, bien que constituant la rfrence
principale en matire disciplinaire, na pourtant pas jug utile
de donner une dfinition de la faute susceptible dentrainer la
mise en uvre du licenciement disciplinaire. A la place, il est
seulement propos une disposition gnrale sur la faute. Ainsi,
selon larticle L1331-2 du nouveau Code du travail, constitue
une sanction toute mesure, autre que les observations verbales
prises par lemployeur la suite dun agissement du salari
considr par lemployeur comme fautif, que cette mesure soit de
nature affecter immdiatement ou non, la prsence du salari
53
dans lentreprise, sa fonction, sa carrire ou sa rmunration .
Cet article consacre donc, non pas une dfinition de la faute,
mais plutt une sorte de dlgation indirecte de pouvoir
lemployeur.
Critique en France, la situation lest aussi au Sngal,
mais semble-t-il, un degr moindre. En effet, il est certes
vident que le droit du travail na apport aucune contribution
la dtermination des fautes susceptibles dentrainer des
sanctions disciplinaires ; que les conventions collectives du
secteur priv64 ne contiennent pas non plus, de dfinition
prtablie de la faute et quenfin, les rglements intrieurs, eux,
procdent souvent une numration des comportements
considrs comme fautifs plutt qu une dfinition gnrale de
la faute.
Mais, face cette absence de dfinition lgale,
conventionnelle et rglementaire de la faute en droit du travail
sngalais, le recours au droit commun et mme la
jurisprudence sest heureusement avr fructueux. En effet, le
mrite revient au Code sngalais des obligations civiles et
commerciales (COCC)65 qui a su proposer une dfinition claire
de la faute au sens gnral du terme. Ainsi, aux termes de
larticle 119 de ce texte, la notion est prsente comme tout
manquement une obligation
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