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LE JOURNAL ORL Revue d’information scientifique et technique SEPTEMBRE 2015 – N°25 > SOMMAIRE p. 02 p. 03 p. 05 p. 10 p. 13 p. 15 p. 18 p. 21 p. 25 p. 26 p. 28 p. 30 p. 32 p. 38 NUMÉRO SPÉCIAL L'EXPERTISE EN ORL ET EN CHIRURGIE CERVICO-FACIALE Introduction La responsabilité médicale en ORL Pr Pierre Elbaz ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris L’expertise médicale : une étape clé de la procédure judiciaire M e Caroline Kamkar Avocat associé, Docteur en droit, Lille Généralités Contexte juridique de l’exercice de l’ORL en 2015 Dr Philippe Courtat 1 , Pr Bruno Frachet 2 , Pr Pierre Elbaz 3 , Dr Régis Cauchois 1 1 Médecin spécialiste qualifié, médecin-conseil, Paris, 2 Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris, 3 ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris Spécificités Le point de vue de l’expert en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique Dr Gérard Flageul Chirurgien des Hôpitaux de Paris, Expert agréé par la Cour de Cassation, Paris La perte de chance, le retard diagnostique Pr Jean-Marie Faugère Ancien médecin-colonel des armées, expert ORL près la cour d'appel de Versailles Le syndrome subjectif post traumatique : mythe ou réalité ? Dr Didier Bouccara 1 , Dr Thierry Briche 2 1 Service d’ORL, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris, 2 Ancien Chef de Clinique de l'Hôpital du Val de Grace, Paris, Expert auprès de la Cour d'appel de Paris La simulation… au sens large Dr Didier Bouccara Service d’ORL, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris Discussion d’une antériorité pathologique dans le cadre de l’expertise Dr Philippe Courtat 1 , Pr Bruno Frachet 2 , Pr Pierre Elbaz 3 , Dr Régis Cauchois 1 1 Médecin spécialiste qualifié, médecin-conseil, Paris, 2 Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris, 3 ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris Points de vue Altération de la qualité de vie ou de la difficulté de prouver les doléances Dr Thierry Briche Ancien Chef de Clinique de l'Hôpital du Val de Grace, Paris, Expert auprès de la Cour d'appel de Paris L’indemnisation des victimes : le point de vue de l’assureur Dr Benoît Guimbaud 1 , Me Caroline Kamkar 2 1 Directeur général AmTrust France, 2 Avocat associé, Docteur en droit, Lille L’éthique du médecin-conseil Dr Jacques Grison ORL-CCF, médecin conseil, Paris Quoi de neuf en ORL ? Dr Isabelle de Gaudemar Phnom Penh, Cambodge Le Monde d’Amplifon Sixième conférence O.R.Elles Dr Martine François Service ORL, Hôpital Robert Debré, Paris Un peu de divertissement : Les mots croisés de l'expertise ! Pr Bruno Frachet Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris Éditorial « Da mihi factum, dabo tibi jus. » « Donne-moi les faits, je te donnerai le droit. » L’expertise en ORL se situe à la croisée de deux mondes a priori éloignés que les patients ont pourtant rapprochés : la médecine et le droit. La mission d’expertise constitue une étape clé de la procédure judicaire : elle est au cœur du processus de réparation du dommage et représente un temps important de la responsabilité médicale. Elle vise à établir la réalité et la nature des fautes et, à les distinguer de l’erreur humaine ou de l’aléa survenus au cours des actes médicaux ou dans le choix des moyens mis en œuvre. Elle tente, si besoin, de réparer au mieux. Aléa, réparation, imputabilité, médecin-expert, médecin-conseil, médecin recours, sapiteur, responsabilité médicale, perte de chance… autant de termes et notions de droit qu’il est nécessaire de connaître dans le cadre d’une bonne pratique médicale, a fortiori à une époque de « juridiciarisation » et de sinistralité relativement importante. Rédigé, avec le concours précieux d’un avocat, par des médecins experts -avant tout praticiens- pour des médecins, ce numéro du Journal ORL vise à apporter quelques éclairages sur les grands principes de l’expertise et de la responsabilité médicale et s'adresse à l’ensemble des professionnels de la discipline, susceptibles d’être confrontés un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, à l'expertise médicale. Pr Bruno Frachet, Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris © Feverpitched - iStockPhoto

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LE JOURNAL ORLRevue d’information scientifique et technique

SEPTEMBRE 2015 – N°25

> SOMMAIRE

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NUMÉRO SPÉCIAL

L'EXPERTISE EN ORL ET EN CHIRURGIE CERVICO-FACIALE

Introduction

La responsabilité médicale en ORL Pr Pierre Elbaz ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris

L’expertise médicale : une étape clé de la procédure judiciaire Me Caroline Kamkar Avocat associé, Docteur en droit, Lille

Généralités

Contexte juridique de l’exercice de l’ORL en 2015 Dr Philippe Courtat1, Pr Bruno Frachet2, Pr Pierre Elbaz3, Dr Régis Cauchois1 1 Médecin spécialiste qualifié, médecin-conseil, Paris, 2 Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris, 3 ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris

Spécificités

Le point de vue de l’expert en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique Dr Gérard Flageul Chirurgien des Hôpitaux de Paris, Expert agréé par la Cour de Cassation, Paris

La perte de chance, le retard diagnostique Pr Jean-Marie Faugère Ancien médecin-colonel des armées, expert ORL près la cour d'appel de Versailles

Le syndrome subjectif post traumatique : mythe ou réalité ? Dr Didier Bouccara1, Dr Thierry Briche2 1 Service d’ORL, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris,2 Ancien Chef de Clinique de l'Hôpital du Val de Grace, Paris, Expert auprès de la Cour d'appel de Paris

La simulation… au sens large Dr Didier Bouccara Service d’ORL, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

Discussion d’une antériorité pathologique dans le cadre de l’expertise Dr Philippe Courtat1, Pr Bruno Frachet2, Pr Pierre Elbaz3, Dr Régis Cauchois1 1 Médecin spécialiste qualifié, médecin-conseil, Paris, 2 Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris, 3 ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris

Points de vue

Altération de la qualité de vie ou de la difficulté de prouver les doléances Dr Thierry Briche Ancien Chef de Clinique de l'Hôpital du Val de Grace, Paris, Expert auprès de la Cour d'appel de Paris

L’indemnisation des victimes : le point de vue de l’assureur Dr Benoît Guimbaud1, Me Caroline Kamkar2 1 Directeur général AmTrust France, 2 Avocat associé, Docteur en droit, Lille

L’éthique du médecin-conseil Dr Jacques Grison ORL-CCF, médecin conseil, Paris

Quoi de neuf en ORL ? Dr Isabelle de Gaudemar Phnom Penh, Cambodge

Le Monde d’Amplifon Sixième conférence O.R.Elles Dr Martine François Service ORL, Hôpital Robert Debré, Paris

Un peu de divertissement : Les mots croisés de l'expertise ! Pr Bruno Frachet Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris

Éditorial

« Da mihi factum, dabo tibi jus. »« Donne-moi les faits, je te donnerai le droit. »L’expertise en ORL se situe à la croisée de deux mondes a priori éloignés que les patients ont pourtant rapprochés : la médecine et le droit. La mission d’expertise constitue une étape clé de la procédure judicaire : elle est au cœur du processus de réparation du dommage et représente un temps important de la responsabilité médicale. Elle vise à établir la réalité et la nature des fautes et, à les distinguer de l’erreur humaine ou de l’aléa survenus au cours des actes médicaux ou dans le choix des moyens mis en œuvre. Elle tente, si besoin, de réparer au mieux. Aléa, réparation, imputabilité, médecin-expert, médecin-conseil, médecin recours, sapiteur, responsabilité médicale, perte de chance… autant de termes et notions de droit qu’il est nécessaire de connaître dans le cadre d’une bonne pratique médicale, a fortiori à une époque de « juridiciarisation » et de sinistralité relativement importante.Rédigé, avec le concours précieux d’un avocat, par des médecins experts -avant tout praticiens- pour des médecins, ce numéro du Journal ORL vise à apporter quelques éclairages sur les grands principes de l’expertise et de la responsabilité médicale et s'adresse à l’ensemble des professionnels de la discipline, susceptibles d’être confrontés un jour ou l’autre, d’une manière ou d’une autre, à l'expertise médicale.

Pr Bruno Frachet, Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris

© Feverpitched - iStockPhoto

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La responsabilité médicale en ORL Pr Pierre Elbaz

ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris

La reconnaissance de la responsabilité du médecin peut entraîner une demande de réparation d’un dommage corporel subi par la victime.

Encore faut-il apporter la preuve qu’une faute médicale a été commise, et qu’il existe bien entre le dommage et la faute, un lien de causalité direct et certain : c’est l’imputabilité.

Des dommages peuvent aussi survenir, chez un patient, au décours d’un acte médical ou chirurgical en l’absence de faute ou d’erreur : c’est l’aléa thérapeutique.

Depuis la Loi Kouchner (2002) la victime d’un aléa thérapeutique, peut, sous certaines conditions, demander à être indemnisée par l’Oniam (Office national d’indemnisation des accidents médicaux), en s’adressant à la CRCI (Commission régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales), qui confirme l’aléa et détermine le préjudice.

Des dispositions juridiques et déontologiques, découlent l’ensemble des données et des conditions de l’exercice de la médecine : le libre choix du patient, la liberté de prescription du médecin, le respect du secret professionnel, les obligations contractuelles.

La notion de responsabilité contractuelle a été instaurée par l’arrêt de la Cour de cassation, dit Arrêt Mercier ( 20 Mai 1936) qui précise « qu’il se forme entre le médecin et son patient un véritable contrat comportant pour le praticien l’engagement sinon, bien évidemment, de guérir le malade, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs, et réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science » – on considère désormais le terme de données « actuelles » de la science, le médecin se devant d’entretenir et de perfectionner ses connaissances. L’inexécution d’un tel contrat – dont la nature exacte n’a cependant jamais été définie – constitue en elle-même une faute. L’introduction de cette notion de contrat suppose qu’un accord tacite entre les deux parties soit intervenu. Cet accord repose sur le consentement libre et éclairé du malade.

Pour obtenir ce consentement, l’information émanant du médecin doit être simple, approximative, intelligible et

loyale pour permettre au malade de prendre la décision qu’il estime s’imposer.

Cette information comprend le diagnostic et le pronostic de l’affection en cause, l’évolution en dehors de toute thérapeutique, le traitement et les risques des thérapeutiques proposées.

Depuis 1997, c’est au chirurgien que revient d’apporter la preuve qu’il a exécuté cette obligation : il doit avertir son malade des risques normaux et prévisibles du traitement médical ou de l’intervention chirurgicale proposés.

Aujourd’hui la faute, même légère, peut reposer sur un ensemble très varié de données touchant l’environnement complet de l’acte médical ou chirurgical. Cette faute peut intervenir dans le cadre du contrat médical et porte alors sur les conseils et actes de préparation et de surveillance environnant l’acte principal, le diagnostic, le suivi post opératoire et l’aide morale.

Elle peut également porter sur la nature de moyens employés, la technique utilisée, l’imprudence, la négligence, la maladresse, le mauvais jugement, la carence de surveillance : termes habituellement repris dans les missions confiées aux experts.

La responsabilité du médecin peut dans certain cas être reconnue, pour avoir fait perdre au patient une chance de guérison ou de survie, et ce alors même qu’il n’est pas démontré de relation directe et certaine entre sa conduite, et le dommage évoqué par le patient : c’est la notion de perte de chance.

Il est actuellement difficile tout au long d’une carrière médicale, et il le sera surement de plus en plus, de se mettre à l’abri de toute demande de réparation du dommage corporel.

L’écoute attentive du patient, l’abstention de toute réflexion sur le diagnostic ou sur la thérapeutique d’un confrère, le caractère complet de l’examen, l’explication simple du « pourquoi » et des résultats des examens complémentaires, l’exposé clair du diagnostic et de la thérapeutique, la demande d’un avis complémentaire en cas de doute sont un préalable indispensable.

Un médicament ne doit être prescrit qu’en l’absence

Introduction

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L’expertise médicale : une étape clé de la procédure judiciaire Me Caroline Kamkar

Avocat associé, Docteur en droit, Lille

La place de l’expertise médicale dans la procédure contentieuse s’est progressivement affirmée jusqu’à devenir incontournable. La matière médicale, qui reste très hermétique aux non-initiés, fait que les médecins eux-mêmes s’imposent comme les experts les plus qualifiés.

Dans le cadre d’une procédure judiciaire, aux termes de l’article 232 du code de procédure civile, « le juge peut commettre toute personne de son choix pour l'éclairer par des constatations, par une consultation ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d'un technicien ».

L’expert est donc un « homme de l’art », un praticien désigné par le juge pour lui apporter les éclaircissements qui lui manquaient.

Toutefois, le juge, dont la fonction spécifique est de déclarer que « le droit commence là où se termine celui de l’expert », conserve son indépendance puisque « le juge n’est pas lié

par les constatations ou les conclusions du technicien »1, ce qui implique que les domaines de compétences, médicale et juridique, soient strictement délimités.

L’expertise reste un élément de l’issue du procès sans l’influencer complétement. Le juge devra réserver expressément l’appréciation et la qualification des éléments qui lui sont fournis.

Ce principe reste toutefois à nuancer, puisqu’en pratique, la juridiction aura tendance à suivre les conclusions des techniciens qu’elle sollicite en recherchant dans le rapport d’expertise tous les éléments de preuve de nature à établir sa conviction.

Compte tenu de la place fondamentale réservée à l’expertise lors d’un procès, il est essentiel que le juge puisse compter sur la compétence de l’expert désigné. Seul un technicien conscient des contraintes de l’exercice médical pourra distinguer les différents concepts tels que la faute,

de toute contre-indication (hypersensibilité, pathologie associée, thérapeutique en cours).

La prescription d’une thérapeutique reconnue ototoxique doit être mûrement réfléchie, tout comme celle des gouttes auriculaires.

Le bilan pré opératoire, les délais d’hospitalisation et de surveillance post opératoire posent un problème ambigu médical et économique, du fait de l’importance des dépenses de santé.

Le praticien ne doit néanmoins attendre ni reconnaissance ni soutien de la part des organismes aux économies desquelles on lui demande de veiller.

En chirurgie, le consentement éclairé du patient pour l’acte chirurgical est capital. Une déception, souvent liée à une incompréhension du message médical, porte déjà les germes de bien des litiges.

La possibilité de survenue d’une paralysie faciale dans la chirurgie de l’otite chronique, d’une cophose dans la chirurgie fonctionnelle intéressant de près ou de loin la fenêtre ovale, d’une paralysie faciale dans la chirurgie parotidienne, d’une paralysie récurrentielle dans la chirurgie thyroïdienne, d’une dysphonie après phono chirurgie, de complications méningées et oculaires dans

la chirurgie des sinus, doit toujours être clairement spécifiée.

En matière de chirurgie plastique, l’obligation d’information qui pèse sur le chirurgien est encore plus lourde.

Même la chirurgie carcinologique pose des problèmes : la conséquence fonctionnelle de certaines interventions, la diversité des attitudes des différentes écoles et des différents protocoles soulèvent des problèmes délicats, d’autant plus que la perte de chance, de survie ou de guérison est ici présente.

« La médecine guérit. La Sécurité sociale paye le médecin. Tout le monde a le "droit" d’avoir accès à la santé gratuitement. » Un tel sophisme a tellement été « martelé » dans l’esprit du malade, qu’il s’estime désormais assimilé à un « consommateur » et qui, en tant que tel, n’admet plus ni l’échec, ni les complications et encore moins la mort.

Dans de telles conditions, il faut que le praticien comprenne que son honneur et son intérêt lui ordonnent de rendre à l’acte médical et chirurgical, le sérieux, la gravité, et le respect que des lettres et des chiffres clés ont essayé depuis plusieurs années de lui faire perdre.

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la transgression de la règle, l’aléa, apprécié comme un événement accidentel encore non maîtrisable, ou l’erreur non fautive à laquelle le médecin « normalement diligent placé dans les mêmes circonstances » n’échappe pas.

En effet, la stabilité et l’équilibre du régime de la responsabilité médicale appellent davantage une reconnaissance des concepts qu’une redéfinition : si la faute fait l’objet de toutes les attentions, l’erreur mise en lumière dès 1973 par le Docteur Penneau2 mérite que les experts, puis les juges, s’y attardent.

Le débat se place ici au niveau de la désignation de l’expert par le magistrat et de l’acceptation de sa mission. Il est davantage question d’expérience que de compétence à proprement parler.

Il est normalement attendu d’un expert désigné qu’il n’accepte la mission que si elle relève de son domaine de compétence et d’expérience, et qu’il soit capable de refuser une mission qui en dépasse le cadre afin d’éviter des désignations de sapiteurs à rallonge.

L’expert désigné sollicitera alors l’entier dossier du patient, non seulement le dossier médical mais aussi le dossier soignant et administratif. Il est important que les praticiens constituent les dossiers en ayant conscience qu’ils pourront être communiqués et pourront un jour être amenés à illustrer la qualité de la prise en charge. Indéniablement le dossier médical est aussi un témoin-clé.

L’expertise aura lieu « sur pièces », mais pas seulement. Les parties ne doivent pas ignorer la réunion d’expertise et le débat ouvert et coordonné par l’expert.

Le patient y exprime ses griefs, ses souffrances, ses reproches et ses incompréhensions ; le médecin explique ses choix, ses doutes, ses certitudes et parfois ses erreurs.

La procédure ayant débuté, l’expertise étant avant tout judiciaire, le praticien sera assisté de son avocat avec qui le dossier aura été préparé et qui l’aidera à s’exprimer de la manière la plus efficace.

En effet, à ce stade, cette sphère d’échanges privilégiée ne devra pas être négligée et le médecin devra s’y rendre pour répondre personnellement de ses prises en charge afin d’éviter les regrettables interférences...

L’expert judiciaire devra répondre à sa mission, sans s’en écarter :

« Dire si les soins, investigations et actes annexes ont été conduits conformément aux règles de l’art et aux données acquises de la science médicale à l’époque où ils ont été pratiqués, en particulier et le cas échéant, dans

l’établissement du diagnostic, dans le choix, la réalisation et la surveillance des investigations et du traitement, dans la forme et le contenu de l’information donnée au patient sur les risques courus, en précisant, en cas de survenue de tels risques, quelles auraient été les possibilités et les conséquences pour le patient de se soustraire à l’acte effectué, dans l’organisation du service et de son fonctionnement. En cas d’infection, préciser si toutes les précautions ont été prises en ce qui concerne les mesures d’hygiène prescrites par la réglementation en matière de lutte contre les infections nosocomiales ; dans la négative, dire quelle norme n’a pas été appliquée (...) »

Des réponses claires apportées à ces questions découlera la solution du procès.

La communication pourra être prolongée par le biais de dires adressés à l’expert, si un pré rapport a été adressé aux parties.De surcroît, si le juge n’est pas entièrement convaincu par les conclusions de l’expert, il pourra toujours l’inviter à compléter, préciser ou expliquer ses constatations ou ses conclusions. De même, si l’une des parties n’est pas en accord avec le rapport d’expertise, elle pourra également solliciter du juge qu’il ordonne une nouvelle mesure d’instruction, une contre-expertise. Une nouvelle fois, le juge sera libre de décider s’il fait droit à cette demande ou non.

En effet, la nécessité d’une nouvelle expertise relève du pouvoir souverain du juge et devra être motivée en démontrant notamment les insuffisances de la première expertise.

L’expertise n’est donc pas une parenthèse cloisonnée mais ramenée au cœur du procès comme un moment d’échanges ouvert à l’ensemble des acteurs en quête d’une « vérité » d’abord médicale et finalement juridique.

Ainsi, la place centrale de l’expertise est à la fois rassurante et préoccupante : d’une part, elle rappelle que la question de la responsabilité des médecins n’est pas déconnectée de la pratique et que l’expertise a vocation à restituer la situation de contrainte dans laquelle l’acte a été réalisé, mais par ailleurs, elle met en lumière la place des médecins experts et l’importance de leur compétence, de leur objectivité et de l’exigence de la confraternité.Il est essentiel que le corps médical se saisisse de la question centrale de la qualité de l’expertise dont l’influence est certaine sur l’évolution du régime de responsabilité.

1 Article 246 du code de procédure civile 2 Docteur Jean Penneau, « Faute et Erreur en matière de responsabilité médicale », Thèse, Librairie générale de droit et de jurisprudence, tome 133, 1973.

Introduction Généralités

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Généralités

Contexte juridique de l’exercice de l’ORL en 2015

Dr Philippe Courtat1, Pr Bruno Frachet2, Pr Pierre Elbaz3, Dr Régis Cauchois1 1 Médecin spécialiste qualifié, médecin-conseil, Paris, 2 Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris,

3 ORL, Expert honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris

Nous rappellerons d’abord, avec le plus de simplicité

possible, certains principes généraux :

L’acte fondateur de la responsabilité médicale est l’arrêt Mercier du 20 mai 1936. La responsabilité médicale devient alors contractuelle. Pour information, le médecin mis en cause, le docteur Nicolas, dont le nom n’est pas resté dans l’histoire de l’ORL, a vu sa responsabilité médicale engagée pour des séances de radiothérapie et leurs conséquences loco-régionales, effectuées en 1925 chez Mme Mercier pour « une affection nasale »…

Les termes principaux de cet arrêt méritent d’être rapportés, tant ils restent modernes :

« … il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien l’engagement, sinon bien évidemment de guérir le malade, ce qui n’a d’ailleurs jamais été allégué, du moins de lui donner des soins, non pas quelconques […] mais consciencieux, attentifs, et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science… »

Ainsi, le fondement contractuel de la responsabilité médicale s’est substitué au fondement délictuel ou quasi délictuel. La faute est exigée pour retenir la responsabilité du médecin. L’obligation contractuelle est une obligation de moyens, excluant l’obligation de résultat. Elle se fonde sur l’article 1147 du Code civil.

Sous l’égide de Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé, deux lois en 2002 (4 mars et 30 décembre) vont profondément modifier le Code de la santé publique. Les principes généraux concernant la responsabilité médicale et la prise en charge de la réparation des préjudices sont contenus dans l’article L. 1142-1 de la loi. Cette

loi organise une procédure gratuite pour un règlement amiable, extrajudiciaire et rapide de l’aléa médical. Elle traite sur un même pied les affaires de droit privé et administratif :

• Elle concerne les professionnels de santé, les établissements de soins ;

• Elle couvre la responsabilité encourue au cours d’actes individuels de prévention, de diagnostic et de soins ;

• Elle réaffirme que la responsabilité médicale n’est engagée qu’en cas de faute ;

• Elle impose l’obligation d’assurance et de responsabilité ;

• Elle modifie le délai de prescription en matière de responsabilité médicale ;

• Elle crée trois organismes : la Commission Nationale des Accidents Médicaux (CNAM), l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux (ONIAM) et la Commission de Conciliation et d’Indemnisation des accidents médicaux et des infections nosocomiales (CCI).

Ces différents éléments d’organisation, les modalités d’indemnisation ainsi que leurs conditions sont synthétisés sur les tableaux 1 et 2.

Deux rapports de la Cour de cassation (1996 et 2007) font un vaste point de la jurisprudence de cette Cour en matière de responsabilité médicale. Dans un distinguo juridique parfois subtil, deux grandes catégories de fautes sont retenues :

*Les fautes de conscience médicale qui se subdivisent elles-mêmes entre des fautes afférentes à la conscience

Débutant aujourd’hui, nos jeunes confrères verront en moyenne deux à trois fois leur responsabilité recherchée au cours de leur carrière.

Le contexte juridique de l’exercice ne peut plus être ignoré du praticien. Le but n’est cependant pas de « se prémunir » contre une mise en cause, cette dernière n’appartient pas au médecin. Il s’agit plutôt d’anticiper les situations de façon à pouvoir démontrer, le cas échéant, que la prise en charge d’un patient a été faite selon les bonnes règles.

Il ne s’agira pas, ici, de développer des notions juridiques complexes, parfois abstraites. Nous désirons donner aux praticiens des repères essentiels qui doivent, maintenant, s’intégrer à leur cadastre mental.

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Généralités

morale et des fautes afférentes à la conscience technique.

Parmi les manquements à la conscience morale, nous citerons plus particulièrement :

• les fautes relatives à l’information et au consentement du patient ; cette obligation a été reprise et développée dans le cadre de la loi du 4 mars 2002 ;

• les fautes relatives à l’obligation d’assurer personnellement les soins et le suivi du patient. Dans ce cadre, nous rappelons un arrêt de la Cour de cassation du 9 octobre 1984 dans lequel il est précisé que le médecin est responsable pour « les fautes des personnes qu’il s’est substitué, en dehors du consentement de son patient, pour l’accomplissement d’une partie inséparable de son obligation ».

Dans le cadre des manquements à la conscience technique, la Cour regroupe des fautes par maladresse, imprudence, inattention ou négligence.

*Les fautes de science médicale intéressent le cadre général des données acquises de la science. D’une part en tant qu’objet d’informations à donner au patient et, d’autre part, dans le cadre du domaine d’application proprement dit à la pratique médicale de ces données acquises. Il s’agit alors des fautes concernant le diagnostic, les moyens à mettre en œuvre, le traitement lui-même et son suivi.

À partir de ces éléments, il peut être isolé des concepts pratiques. Ce sont eux qui seront, bien souvent, le pivot des discussions d’une expertise de responsabilité professionnelle.

Tableau 1 : Organisation du dispositif mis en place par les lois de mars et décembre 2002

6 Mois

4 Mois

1 Mois

4 Mois

1 Mois

DEMANDEUR

Avis Après Expertise

Tribunal compétent

Responsabilité fautive

Assureur

Accord

Offre Indemnisation

Accord AccordDésaccord

Désaccord Désaccord

Désaccord

Indemnisation Indemnisation

Acte Médical Non Fautif

ONIAM

Accord

Offre Indemnisation

Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI)

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Le devoir d’information et l’obtention du consentement éclairé. Ils restent au cœur de bien des discussions médico-légales. Certainement est-il dommage, dans une époque saturée de communication, d’entendre répondre, lors d’une expertise, à la question « pourquoi avez-vous mis en cause votre médecin ? », « Parce que je voulais comprendre ». Que l’on ne se méprenne pas, si les explications dans la période préthérapeutique sont essentielles, la qualité de la communication lorsque la complication survient est tout aussi importante pour éviter d’entrer dans des situations conflictuelles. Le manque d’explication est bien souvent ressenti comme un abandon de la part du patient et cela même si la gestion de la complication a été techniquement satisfaisante.

De multiples arrêts de la Cour de cassation ont précisé les contours de la problématique de ce devoir d’information. Il n’est pas possible de rappeler ici l’ensemble de ces arrêts, notamment de 1997 à 2000. Pour des éléments plus approfondis, nous renvoyons au rapport de la Société française d’ORL de 2003 (« L’expertise en ORL et chirugie cervico-faciale »).

Nous rappellerons quelques éléments de pratique quotidienne :

Qui informe ? La réponse est claire, c’est le médecin qui soigne le malade. Ce principe est également rappelé dans tous les codes de déontologie ou d’éthique. La loi du 4 mars 2002 a mis au rang d’obligation légale l’information des usagers du système de santé et le recueil de l’expression de leur volonté (article L. 1111–1 à L. 1111–9 du Code de la santé publique).

Les articles 32–33 et 60 du Code de déontologie médicale incitent le premier médecin traitant à avoir recours à des avis spécialisés. Il ressort de l’analyse de la jurisprudence concernant ce mode de prise en charge pluridisciplinaire d’un patient que chaque médecin consulté garde son entière indépendance et ne peut, en aucune façon, se cacher derrière un rôle de simple exécutant d’une technique sans avoir vérifié personnellement le diagnostic et discuté éventuellement le bien-fondé de l’indication du geste technique qu’il va pratiquer. Finalement, cette simultanéité de la pluridisciplinarité revient à un exercice de la médecine en équipe.

P. Sargos, Président de chambre honoraire à la Cour de cassation, a pu écrire à ce propos : «… dans la pratique, les médecins peuvent se concerter pour délivrer l’information en fonction de leur compétence respectives chacun devant à tout le moins s’assurer qu’elle a été bien donnée ».

Qui apporte la preuve de l’information ? Sans entrer dans un débat juridique qui n’est pas de notre ressort, il convient d’être clair. C’est au médecin qu’il incombera d’apporter cette preuve que l’information a été donnée.

Dans le débat contradictoire d’une expertise, il devra s’appuyer sur les faits consignés dans les éléments de son dossier médical. Il doit donc y avoir, à ce niveau, une anticipation de la part du médecin, sans que cela bien entendu ne nuise à la relation avec le patient.

Comment apporter la preuve de l’information ? Il existe cinq formes juridiques de la preuve : le serment et l’aveu qui n’ont rien à voir avec notre pratique, la preuve orale, la preuve écrite et la preuve par présomption.

Dans notre pratique, la preuve orale reste fragile puisqu’elle dépend entièrement de la qualité du témoin et peut toujours être contestée.

La preuve écrite reste, selon P. Sargos, « la forme la plus sûre de la preuve de l’information ». Depuis la loi du 4 mars 2002, cette exigence est d’ailleurs généralisée. Une tenue claire du dossier médical permettra de confirmer que la feuille d’information éditée par la

Conditions d’indemnisation par l’ONIAMCritères généraux pour tous les types de faits entrant dans le cadre des actes médicaux non fautifs ou affections iatrogènes (décret n° 2003-314 du 4 avril 2003) :

• AIPP � 24%

• Incapacité temporaire de travail de 6 mois consécutifs ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois

• Ou, à titre exceptionnel, en cas d’inaptitude définitive à l’activité professionnelle antérieurement exercée ou lors de troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans les conditions d’existence

Critères spécifiques en matière d’infection nosocomiale contractée dans les établissements de soins, services ou organismes de soins (article L. 1142-1-1 du CSP)

• AIPP � 25%

• Décès

• Ou, en cas des mêmes conditions exceptionnelles que précédemment

Les accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales peuvent entrer dans le dispositif s’ils se sont réalisés à compter du 5 septembre 2001

La prescription en matière de responsabilité médicale :

• Est de DIX ans À COMPTER de la consolidation du dommage

• Pour les mineurs, elle est de DIX ans À COMPTER de la majorité

Tableau 2

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Société Française d’ORL a bien été remise. Est-il utile de rappeler, qu’en aucun cas, cette preuve écrite ne constitue une quelconque décharge de responsabilité ?

La preuve par présomption vient souvent, par ailleurs, renforcer la preuve écrite ; elle repose sur différents éléments auxquels d’ailleurs le médecin a recours sans avoir conscience de leur valeur de preuves éventuelles. Nous citerons :

• le délai de réflexion laissé au patient entre la consultation lors de laquelle est décidé l’acte chirurgical et l’acte lui-même. Ce délai nous semble particulièrement important dans le cadre d’une chirurgie fonctionnelle, non urgente, comme, par exemple dans la chirurgie de l’otospongiose.

• La répétition des consultations préalables. Elle permet de laisser penser que l’ensemble des questions qui pouvaient être posées par le patient, notamment après la lecture de la fiche d’information, ont bien été prises en compte.

• La qualité de la tenue du dossier médical, tant de consultation que de suivi du patient au fur et à mesure des faits avec une datation systématique des informations fournies et de l’accord du patient. Il s’agit d’un véritable traçage de l’information.

• Le courrier daté et signé, adressé au médecin traitant à un autre confrère de l’équipe soignante et qui sera plus volontiers dicté devant le patient.

Quel est le contenu de l’information ? Sur ce sujet, les esprits ont bien évolué. Ainsi, dans les années 1970 se posait la question de savoir s’il fallait dire la vérité aux malades. Nous arrivons de nos jours à nous demander s’il faut aller jusqu’à « la vérité absolue » en ayant eu dans les années 2000 des interrogations sur la vérité médicale ou judiciaire. En pratique, le contenu de cette information se décline à plusieurs niveaux :

• d’abord un niveau technique qui porte sur l’explication du diagnostic finalement retenu après les investigations. À partir de ce diagnostic, le choix de la thérapeutique est expliqué. Il s’agit d’un choix, implicitement cela veut dire que l’ensemble des autres possibilités que celle retenue par le praticien a dû être exposé. L’alternative entre une chirurgie et le port d’une prothèse auditive dans le cas d’une otospongiose en est l’exemple le plus caractéristique dans notre spécialité. La possibilité de porter une prothèse auditive dans une telle pathologie, même s’il ne s’agit pas d’une alternative thérapeutique, ne peut être passée sous silence.

• Puis vient le niveau de la description, avec les termes les plus simples possible du déroulement du geste opératoire. Le recours à des dessins sera certainement, si un problème survient, un élément fort de preuve quant à la qualité des explications qui ont été données.

• Le troisième niveau, souvent intriqué avec le précédent, sera celui de l’explication du rapport bénéfice/risque dans la thérapeutique choisie.

Il s’agit toujours d’un moment délicat. Il n’est pas simple d’employer le terme de cophose dans l’exposition de la technique de l’otospongiose.

Le critère quantitatif du risque a, longtemps, été le seul utilisé. Il se pose inévitablement le problème de savoir à quels seuils fixés cette quantification ?

Il survient alors le problème de définir « le risque exceptionnel ». En médecine, il n’y aura jamais de risque zéro et la fiabilité des statistiques reste incertaine.

C’est pourquoi, le critère qualitatif du risque est maintenant devenu incontournable car « le critère exclusivement quantitatif ne permet pas de tenir compte des particularités du patient » (P. Sargos). Sur ce point, la jurisprudence montre que c’est plus le critère de gravité du risque, et non plus son caractère d’exception qui est plus volontiers prise en compte.

P. Sargos a pu noter « … l’information doit plutôt porter sur les risques qui, par leur gravité, sont de nature à avoir une influence sur la décision du patient d’accepter ou de refuser des investigations ou des soins. Ces risques graves peuvent se définir comme étant ceux qui sont de nature à avoir des conséquences mortelles, invalidantes, ou même esthétiques graves compte tenu de leurs répercussions psychologiques et sociales ».

• Enfin, dans un quatrième et dernier niveau, le praticien doit s’assurer que toutes ces explications ont bien été comprises. Sur ce plan, comme nous l’avons exposé précédemment, le délai de réflexion entre la décision et l’acte chirurgical lui-même est un élément fondamental.

Le risque médical

Un autre concept découlant des principes généraux est celui du risque médical. Nous faisons volontiers nôtre cette définition de J. Hureau qui précise que « le risque, c’est le hasard d’encourir un mal, avec l’espérance si nous y échappons, d’obtenir un bien ».

Généralités

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Sur le plan médico juridique, on distingue deux risques :

Le risque avéré qui est statistiquement évalué. C’est une donnée d’expérience ; il est démontré et ne peut être nul. Il n’a pas de variabilité interindividuelle, dans des conditions identiques de réalisation.

Le risque potentiel est hypothétique. Il peut ne jamais se réaliser comme il peut avoir une probabilité de survenue élevée. S’il est statistiquement mesurable, il reste individuellement imprévisible et aléatoire. Il représente finalement la somme de nos ignorances au moment où l’acte est réalisé.

Le premier relève de la prévention, le second de la précaution.

G. Viney a parfaitement résumé cette bipolarité du risque : « La distinction entre risque potentiel et risque avéré fonde la distinction parallèle entre précaution et prévention ».

L'aléa médical

Plus particulièrement depuis les lois de 2002, le concept d’aléa médical est devenu très présent. Sur un plan formel, on pourrait définir l’aléa comme une incertitude qui rencontre un hasard. Le texte de loi du 4 mars 2002 traite de la réparation des conséquences des risques sanitaires, cependant l’expression d’aléa médical n’est jamais utilisée. Paradoxalement, aucune définition n’en est donnée dans le texte.

Au fil du temps, plusieurs définitions de l’aléa médical ont été proposées. Nous retiendrons les éléments proposés par P. Sargos, orfèvre en la matière. Il précise : « L’aléa thérapeutique peut être défini comme étant la réalisation, en dehors de toute faute du praticien, d’un risque accidentel inhérent à l’acte médical et qui ne pouvait être maîtrisé ».

Il note également : « L’aléa thérapeutique est en réalité le constat de l’impuissance de l’intervention médicale face à un risque non maîtrisable pour l’état des données acquises de la science à la date des soins. Il s’agit même, d’une certaine façon, de la survenance d’un cas fortuit qui est normalement exonératoire de la responsabilité ».

L'erreur et la faute

Il s'agit de deux concepts indissociables.

L’erreur est un terme ambigu qui recouvre finalement des concepts très divers. Dans le domaine médical, on pourrait évoquer l’erreur de jugement, l’erreur de raisonnement. Il s’agit en fait d’une conclusion erronée par rapport à une norme. L’erreur médicale a toujours existé. Si elle est culpabilisante, elle ne peut être identifiée à une faute.

Ainsi, l’erreur de diagnostic n’est, par elle-même, jamais fautive. Cependant, s’il est démontré que l’ensemble des moyens pour arriver au diagnostic a été défaillant, cette insuffisance de moyens sera reconnue fautive.

La faute est un terme juridique ; il n’a pas sa place dans un rapport d’expertise médicale.

C’est l’analyse médicale faite par l’expert à partir des données acquises au moment des faits qui permettra au juge de déterminer l’existence, ou non, d’une faute.

L’expert recherchera la réalité d’une insuffisance de mise en œuvre de moyens, d’une imprudence, d’une maladresse technique, d’un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence et, pour les établissements de soins, des manquements dans l’organisation du service. C’est à partir de cet exposé, qui sera contradictoire, que le juge tranchera.

L’ensemble de ce cadre juridique a, indiscutablement,

modifié la pratique quotidienne de notre exercice. Comme nous l’avons noté en introduction, il nous semble totalement illusoire de vouloir « se prémunir », terme bien guerrier, contre une mise en cause de sa responsabilité. La survenue d’un syndrome de Lyell dans les suites d’une antibiothérapie est imprévisible et n’apparaît pas fautive. En revanche, il faudra être capable de justifier la prescription de cet antibiotique, plutôt qu’un autre dans le contexte clinique du moment. Car c’est à ce niveau que la notion d’imprudence pourrait être retenue. C’est en ce sens que l’anticipation par une mise à jour de ses connaissances et une tenue irréprochable de son dossier sera un élément essentiel devant n’importe quel expert et fera pencher la balance devant le juge. De même, seul un compte-rendu opératoire détaillé et précis (et non un copier/coller standard) permettra d’éviter de se voir reprocher une maladresse technique. L’expertise survient plusieurs mois, voire plusieurs années, après les faits et la mémoire de cet acte spécifique peut alors être bien incertaine…

Nous avons ici beaucoup développé la problématique de l’information et de l’obtention du consentement éclairé. Nous pensons en effet, avec d’autres, que l’honnêteté de cette communication est aussi une démonstration de rigueur et de compétence. L’expérience nous montre que l’intelligence et la qualité dans la communication patient/médecin désamorcent, à elles seules, bien des conflits…

Aux yeux de certains, il peut s’agir là « d’évidences », de redites, mais, comme l’a si finement écrit Paul Valéry, « tout a été dit mais comme personne n’écoute, il faut toujours recommencer ».

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Spécificités

Le point de vue de l’expert en chirurgie plastique, reconstructrice et esthétiqueDr Gérard Flageul

Chirurgien des Hôpitaux de Paris, Expert agréé par la Cour de Cassation, Paris

Depuis une trentaine d’années, le domaine de la médecine a été marqué par une nette augmentation des contraintes et des obligations qui pèsent sur les praticiens.

En fait, les sociétés modernes et démocratiques sont toutes caractérisées aujourd’hui par une inflation des contraintes juridiques et réglementaires, ce que l’on désigne habituellement par le terme de « juridiciarisation ».

Si celle-ci ne se limite pas à la médecine, elle nous oblige à bien connaître le cadre juridique dans lequel s’inscrit notre activité, à être bien informés de l’ensemble de nos devoirs mais aussi de nos droits.

C’est ainsi que nous pouvons exercer notre activité en toute sérénité en sachant que les poursuites judiciaires ne sont pas une fatalité mais qu’elles peuvent être prévenues par une bonne pratique médicale.

Il nous faut souligner d’emblée que, parmi l’ensemble des spécialités médicales et chirurgicales, c’est dans le domaine de l’esthétique que les obligations sont les plus nombreuses et les magistrats les moins indulgents.

Nous avons choisi de limiter aujourd’hui notre propos à deux points qui nous semblent essentiels :

I. Les spécificités de la responsabilité en Chirurgie

Plastique, Reconstructrice et Esthétique.

II. La prévention des poursuites judiciaires : comment

éviter la procédure ?

I. Les spécificités de la responsabilité en Chirurgie Plastique, Reconstructrice et Esthétique

En réalité, du point de vue de la responsabilité, il faut distinguer la chirurgie plastique et reconstructrice de la chirurgie esthétique.

En ce qui concerne la chirurgie plastique et reconstructrice, son statut juridique est exactement le même que celui de toute chirurgie traitant une pathologie quelle qu’elle soit. En revanche, la chirurgie esthétique « bénéficie » d’un statut particulier marqué par un plus grand nombre de contraintes et une bien moins grande indulgence.

Ce statut juridique particulier de la chirurgie esthétique a notamment été précisé par le vaste chapitre spécifique à la chirurgie esthétique inscrit dans la loi du 4 mars 2002 et confirmé par les arrêtés du 11 juillet 2005.

Cette différence de traitement juridique pose donc avec acuité la question des limites entre la chirurgie esthétique et la chirurgie plastique et reconstructrice et donc de la définition même de la chirurgie esthétique.

De ce point de vue, l’unanimité est loin d’être faite.

La définition prônée par l’Administration française et reprise par le ministère des finances à propos de la TVA selon laquelle la chirurgie esthétique est une chirurgie dépourvue de toute finalité thérapeutique nous semble erronée ; notre pratique nous confirme chaque jour que la chirurgie esthétique apporte à nos patients des bénéfices thérapeutiques évidents.

Nous pensons, à ce jour, que la définition la meilleure et la plus simple de la chirurgie esthétique est celle d’une chirurgie intervenant pour modifier les formes « naturelles » du visage et du corps en dehors de tout contexte de pathologie traumatique, congénitale ou carcinologique.

Ce préambule sémantique étant posé, nous pouvons aborder la question de la responsabilité en chirurgie esthétique en précisant ses spécificités par rapport à la chirurgie concernant des pathologies.

Le statut médico-juridique de la chirurgie esthétique se caractérise par les spécificités suivantes :

▪ L’obligation de moyens renforcée

Le contrat passé entre le médecin et son patient comporte pour le médecin une simple obligation de moyens qui consiste à mettre en œuvre tous les moyens permettant de prodiguer aux patients des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science médicale.En effet, il ne saurait être question d’imposer au praticien une obligation de résultat, qui est inconcevable, compte tenu du caractère en partie imprévisible et aléatoire des réactions du corps humain.Ainsi, même dans le domaine de l’esthétique, l’obligation du praticien relative à la réalisation du geste chirurgical demeure une obligation de moyens.Cependant, on sait que la mise en œuvre de ces moyens, en matière d’esthétique, est appréciée par les magistrats plus sévèrement que dans le cadre de la médecine et de la chirurgie de soins : c’est ce qui fait parler, à propos de l’esthétique, d’obligation de moyens renforcée et aussi d’obligation de non-aggravation ou d’obligation négative de résultat.

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▪ L’obligation rigoureuse de prudence et de conseil : étude du rapport bénéfice/risque

Le rapport bénéfice/risque est de plus en plus sollicité pour la mise en cause de la responsabilité d’un praticien.La question qui est ici posée est de savoir si le risque lié aux effets indésirables est acceptable, compte tenu de la pathologie ou de la disgrâce qui est traitée.Cette problématique s’aborde par l’étude du rapport bénéfice/risque. En matière d’esthétique, l’idée dominante est que l’absence « prétendue » de but thérapeutique doit rendre le praticien encore plus prudent dans ses indications.Ainsi, il importe que l’acte envisagé n’implique pas le risque de conséquences préjudiciables disproportionnées par rapport à l’amélioration esthétique recherchée : c’est ce qu’on appelle le principe de proportionnalité

▪ Devoir d’information et d’obtention d’un consentement libre et éclairé

Le médecin doit à son patient une information claire, loyale et appropriée aussi bien sur l’acte lui-même que sur ses suites et les risques inhérents à cet acte.Il s’agit là d’un point essentiel de la responsabilité médicale.C’est la délivrance d’une telle information de qualité qui permet d’obtenir un consentement libre et totalement éclairé du patient.Si en matière de pathologie, l’information peut se limiter aux complications les plus habituelles et les plus graves, dans le domaine de l’esthétique, qu’elle soit médicale ou chirurgicale, le praticien est tenu de délivrer au patient une information totale, ce qui implique qu’il doit signaler non seulement les risques banals et courants mais aussi les risques exceptionnels de même que les risques mineurs.

▪ Établissement d’un devis préalable

L’établissement d’un devis est obligatoire en matière de chirurgie esthétique depuis l’arrêté du 17 octobre 1996.Après plusieurs positions contradictoires, un décret publié le 11 juillet 2005 a réinstauré un délai minimum de 15 jours devant être respecté entre la remise du devis détaillé, daté et signé et l’intervention de chirurgie esthétique.De ce point de vue, il convient de remarquer que l’innovation remarquable de la loi du 4 mars 2002 résulte de l’instauration de sanctions pénales attachées aux manquements par le praticien à l’obligation d’information du patient et à la remise du devis en matière de chirurgie esthétique.

II. La prévention des poursuites judiciaires : comment éviter la procédure ?

Il faut savoir que bien que notre activité se judiciarise, il est possible de se mettre dans les meilleures conditions pour éviter ou tout au moins limiter au maximum le risque de poursuites judiciaires.

En pratique, les règles générales de la prévention des procédures

rejoignent celles d’une bonne pratique médicale. C’est pourquoi il nous est apparu intéressant d’en rappeler ici, même brièvement, les principaux éléments sous la forme de dix recommandations ou règles de bonne conduite prophylactique :

▪ Il convient de se donner les moyens de poser une bonne indication opératoire.

Les chirurgiens, et plus encore dans le domaine de la chirurgie esthétique, doivent être très prudents dans leurs indications opératoires.Il convient notamment de savoir refuser une intervention ou tout au moins de la différer car ce qui est à l’origine des complications juridiques, c’est moins souvent une défaillance technique que le fait d’avoir opéré un patient que l’on n’aurait jamais dû opérer.

▪ Il convient de délivrer une information de qualité et d’obtenir un réel consentement éclairé.

Certes, l’information orale est à la base d’un consentement réellement éclairé mais en pratique, seul l’écrit apportera une preuve indiscutable.Le mieux est de remettre une fiche d’information détaillée, si possible, labellisée par une Société Savante.En échange de la remise de cette fiche d’information, le praticien devra recueillir une signature du patient attestant de la réception du document.Il est absolument indispensable de préconstituer ainsi une preuve écrite de la bonne délivrance de l’information : la valeur dissuasive de la signature est incontestable.Un délai de réflexion raisonnable devra être laissé au patient qui pourra revoir le praticien pour éclaircir les points les points obscurs.Le dossier médical du patient sera le témoin du respect de l’ensemble de ces étapes.

▪ Il convient de connaître ses devoirs pour faire valoir ses droits.

Il est essentiel de connaître « les règles du jeu », de ne pas ignorer ses devoirs pour faire valoir ses droits et ne jamais subir.Il faut savoir que la loi du 4 mars 2002 a profondément modifié les relations entre les patients et les praticiens, transformant une relation classique de type « paternaliste » en une relation de type « consumériste ».Or, si cette loi a imposé des devoirs accrus aux praticiens, elle en impose aussi aux patients : en effet, la signature apposée par le patient en bas du devis et du formulaire de consentement éclairé consacre une réelle responsabilité de ce dernier.

▪ Il convient de savoir réaliser un geste opératoire sans faute.

Pour ce faire, et comme dans tous les domaines de la chirurgie, il faut savoir allier expérience, compétence et prudence.Il convient notamment de se méfier tout particulièrement des nouveautés pleines de promesses, parées de toutes les qualités

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et habituellement très bien présentées dans le cadre de nos congrès !

▪ Il convient d’assurer un suivi post-opératoire personnalisé et de qualité.

Le suivi post-opératoire doit être assuré par le chirurgien et son équipe et ne doit, en aucune manière, être délégué.En pratique, le praticien qui délègue la gestion des suites opératoires augmente considérablement la survenue de complications post-opératoires autant d’un point de vue chirurgical que d’un point de vue juridique.

▪ En cas de problème ou de difficulté post-opératoire, il faut « surinvestir ».

En cas de difficulté à la suite d’une intervention, il convient d’accroître la présence auprès du patient, de consacrer un surcroît de son temps et de son attention.Il faut affronter et assumer tous les aspects d’une complication (humains, techniques ou familiaux).Le praticien qui n’est pas attaqué est celui qui sait gérer ces complications.

▪ Il est essentiel de délivrer une information complète et sans retard à l’égard des problèmes post-opératoires.

L’information ne se limite pas à la période pré-opératoire : elle doit se poursuivre au-delà de l’acte opératoire, a fortiori si celui-ci est grevé d’une complication.Une information de qualité permet de désamorcer, tout du moins atténuer le contentieux. À l’inverse, c’est souvent l’opacification du dossier qui déclenche les poursuites.

▪ Il convient toujours de faire preuve d’humilité.

En cas de problème post-opératoire, il faut savoir reconnaître oralement que les choses ne se sont pas déroulées comme on l’aurait souhaité. Souvent, la reconnaissance de sa défaillance par le praticien le rapproche de son patient.

▪ Il faut préserver et maintenir le dialogue à tout prix.

C’est souvent lorsque l’on cesse de parler, lorsque le dialogue s’interrompt entre le patientet le praticien que la procédure commence.

▪ Il faut être confraternel toujours, encore et malgré tout.

La confraternité constitue un devoir éthique et déontologique qui ne souffre aucune exception.Critiquer un confrère devant un patient, c’est en fait critiquer tous les médecins aux yeux de ce patient et, c’est surtout s’abaisser soi-même.

La question du morphingEn matière de rhinoplastie et/ou de génioplastie, après écoute de la demande formulée par le (la) patient(e) et un examen attentif, il convient de définir le résultat « idéal » adapté au reste du visage, aux désirs et à la personnalité du (de la) patient(e).

Dans certains cas, le résultat escompté pourra être simulé par retouches de photographies ou morphing informatique. L’image virtuelle ainsi obtenue ne constitue qu’un projet qui peut aider dans la compréhension des attentes des patient(e)s. Cependant, on ne peut, en aucune manière, s’engager à ce que le résultat réalisé lui soit en tout point superposable.

Il faut être extrêmement prudent dans l’utilisation d’un tel logiciel de morphing.

Il convient notamment de ne jamais remettre au (à la) patient(e) le projet idéal ainsi défini car on se placerait alors dans une situation d’obligation de résultat pour le moins inconfortable.

Pour certains magistrats, le seul fait d’avoir montré cette image idéale sur un écran suffirait à soumettre le chirurgien à une obligation de résultat.

C’est dire avec quelle prudence de tels outils informatiques doivent être utilisés !

Le point de vue juridiquePar Maître Caroline Kamkar, avocat associé, Docteur en droit, Lille

La loi du 22 décembre 2014 de Financement de la sécurité sociale pour 2015 a précisé que le dispositif de réparation des préjudices subis par les patients au titre de la solidarité nationale (donc, le système d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux) n'est plus applicable aux demandes d'indemnisation de dommages imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique et reconstructrice.

Ainsi, contrairement à la position prise par la Cour de cassation le 5 février 2014, les préjudices subis par les patients à la suite d'une opération de chirurgie esthétique ne peuvent plus être réparés par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam).

Ces nouvelles dispositions s'appliquent aux demandes d'indemnisation postérieures au 31 décembre 2014.

Spécificités

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La perte de chance, le retard diagnostique

Pr Jean-Marie Faugère

Ancien médecin-colonel des armées, expert ORL près la cour d'appel de Versaillese

La responsabilité médicale a connu des évolutions importantes et notamment avec l’arrêt Mercier de la Cour de Cassation du 20 mai 1936 qui a consacré la nature contractuelle de la responsabilité médicale ; l’arrêt Hédreul de la Cour de Cassation rendu le 25 février 1997 (Bull. Civ. I, n° 132) a signifié un revirement en renversant la charge de la preuve au profit du patient, puis dans le cadre de la loi 2002-303 du 04/03/2002 qui a formalisé les droits des malades.

La survenue d’un dommage consécutif à une complication post thérapeutique ou à un défaut de diagnostic n’est pas toujours fautive : ainsi, face à la détresse du patient blessé du fait de l’acte médical, la jurisprudence a progressivement établi des moyens d’engager la responsabilité du professionnel de santé dans un but réparateur. Dans un désir indemnitaire et, en matière médicale, sécuritaire, la justice a mis en avant le principe de responsabilité sans faute conduisant notamment à renforcer le nécessaire consentement éclairé en lui donnant un caractère exhaustif.

Ainsi une information incomplète concernant essentiellement les risques des actes proposés peut-elle faire perdre au patient la possibilité d’un autre choix thérapeutique et, en cas d’accident, le juge considèrera qu’il y aura eu perte de chance d’avoir pu opter pour une autre solution : ce principe peut aussi être invoqué en cas de retard diagnostique, par exemple en matière de cancérologie, s’il est démontré que tous les moyens n’ont pas été mis en œuvre dans des délais cohérents pour établir rapidement un diagnostic et un plan thérapeutique, faisant, par exemple, perdre une chance de survie.

Un arrêt du 14 décembre 1965 rendu par la Cour de Cassation confirme une décision de Cour d'appel ayant décidé du principe de l'indemnisation d'une perte de chance de guérison consécutive à une erreur de diagnostic. Le domaine médical est la principale source des jurisprudences faisant référence à la perte de chance définie par la Cour de cassation comme un « dommage spécifique issu de la disparition de la probabilité d'un événement favorable ».

Il n’y a donc plus de limite à cette notion qui peut être évoquée dès qu'il y a modification substantielle du cours d’un événement. Sachons toutefois que la perte de chance est une construction jurisprudentielle dont la nature « fluctuante » ouvre la porte aux plaideurs, puisque cette notion n’apparaît pas dans le code civil.

Ainsi qu’entend-on par perte de chance ?

On peut s’interroger sur la place d’un concept aussi imprécis de perte de chance en matière de responsabilité médicale, dans un domaine aussi rigoureux que la justice. La perte est la privation d’une possession : la situation est claire pour le dommage infligé à la santé par la maladie ou consécutif à un acte thérapeutique inadéquat. Mais le sens du mot chance introduit les questions de hasard, de sort, de probabilité : admettre un préjudice pour privation d’une probabilité d’une situation plus favorable que celle constatée après un fait dommageable relève d’appréciations susceptibles de forte subjectivité au moment de son évaluation.

En effet, la perte de chance est considérée comme un préjudice résultant de la différence, consécutive à une faute, entre la situation normale « c’est-à-dire celle qui aurait existé en l’absence des faits dommageables et la situation réelle, c’est-à-dire celle qui s’est réellement produite à cause des faits dommageables ».

Le dommage peut ainsi être constitué par des lésions iatrogéniques, des complications post opératoires et il est indemnisable ; la perte de chance de guérison ou du choix thérapeutique est un préjudice qui est aussi indemnisable.

Quelques arrêts faisant jurisprudence nous éclairent :

Cour de Cassation arrêt de la première chambre civile du 14/10/2010 : « La perte de chance présente un caractère certain et direct chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable, de sorte que ni l'incertitude relative à l'évolution de la pathologie, ni l'indétermination de la cause du syndrome de détresse respiratoire aiguë n'étaient de nature à faire écarter le lien de causalité entre la faute commise par le médecin, laquelle avait eu pour effet de retarder la prise en charge de la patiente et la perte de chance de survie ».

Et par ailleurs :

« L’élément de préjudice constitué par la perte d’une chance peut présenter en lui-même un caractère direct et certain chaque fois qu’est constatée la disparition, par l’effet du délit, de la probabilité d’un événement favorable, encore que, par définition, la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine ».

La Cour de Cassation apporte une précision dans un arrêt de la première chambre civile du 21/11/2006 :

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« Seule constitue une perte de chance réparable, la disparition actuelle et certaine d’une éventualité favorable ».

Perte de chance et responsabilité médicale

Pour faire valoir la perte de chance, il faut la démonstration de la responsabilité de l’auteur du fait dommageable par l’existence d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux.

Le juge condamne le professionnel de santé lorsque le praticien a manqué à ses obligations : le patient perd une chance de guérir, de s'améliorer ou d'éviter une intervention ou un traitement à l'origine d'un accident ou d'une complication. « Dans le cadre de cette théorie, peu importe le fait que, si le professionnel de santé avait respecté ses obligations et n'avait commis aucune faute, le dommage serait peut-être quand même survenu. » (MACSF Catherine Lamblot 03/01/2013)

Cette situation peut se produire en cas de :

• retard ou erreur de diagnostic ;

• retard de mise en œuvre d’un traitement ou de transfert vers une structure plus compétente ;

• défaut d’information, le consentement éclairé permettant au patient de renoncer ou de faire un choix différent ;

• attitude attentiste ayant abouti à une aggravation de l’état de santé source de complications.

Dans le domaine médical la perte de chance sera évoquée lorsque le résultat attendu par le patient n’est pas atteint en raison de la survenue d’un fait dommageable : il faut démontrer que la faute est à l’origine du dommage, mais si, en l’absence de faute il est objectivé que le préjudice n’aurait pas existé, la jurisprudence va indemniser la perte de chance de guérison. Pour rappeler les propos ci-dessus, le défaut d’information n’est pas la cause directe de complication mais induit une perte de chance d’éviter le dommage.

De la même façon, un retard de diagnostic peut mettre en jeu le pronostic vital ou à tout le moins être générateur de thérapeutiques plus complexes et/ou de suites compliquées aux résultats moins probants : dans ce cas l’expert devra

démontrer la genèse des atteintes corporelles et décrire les conduites qui auraient pu éviter ces conséquences pour pouvoir évoquer la perte de chance raisonnable.

Deux exemples

Cas n°1 : une patiente de 78 ans consulte son médecin généraliste au mois d’octobre pour une otite externe trainante et reçoit un traitement médical. Elle le reverra ensuite au mois de décembre pour persistance de cette otite qui donne lieu à un nouveau traitement et une demande de consultation spécialisée en janvier. À la suite de la consultation ORL et d’un traitement approprié de 15 jours, la patiente est adressée en milieu hospitalier ou le diagnostic de carcinome épidermoïde du conduit auditif externe est établi. La patiente sera opérée de pétrectomie unilatérale en mars. Elle poursuit son médecin généraliste pour retard de diagnostic… Le retard diagnostic n’a pas été retenu par l’expert en raison du délai laissé par la patiente entre les deux consultations chez son généraliste.

Cas n°2 : un homme de 47 ans effectuant un entraînement de plongée sous-marine en fosse ressent un malaise en fin de séance mais le staff de plongée n’en perçoit pas la gravité et le plongeur rentre à son domicile. Dans la nuit il est pris de violents vertiges et réalise que son oreille droite n’entend plus. Il consulte aux urgences hospitalières et sera dirigé vers le caisson hyperbare à H+17 pour une séance de 2,5ATA pendant 75 minutes et reçoit une corticothérapie par voie générale. De retour à son domicile, il consultera son médecin ORL à J+2 pour constater une surdité de perception de 71 dB qui chutera par la suite pour aboutir à une cophose. Vu en deuxième avis un mois plus tard, il se voit proposer 10 séances de Caisson hyperbare avec oxygénothérapie qui ne change rien à la surdité. Dans sa plainte contre le club de plongée, la victime porte également plainte contre l’APHP pour « retard thérapeutique » entre la première séance de caisson et la série proposée à un mois de l’accident en arguant d’une perte de chance de récupérer l’audition… Le retard de prise en charge initiale a été retenu mais pas le délai thérapeutique entre les deux séances de caisson, la première ayant pour but une re-compression n’a pas eu d’effet et la seconde n’étant qu’une oxygénothérapie hyperbare pouvant être utilisée dans toute cause de déficit sensoriel aigu de l’oreille interne.

Spécificités

Un préjudice est la différence entre la situation normale qui aurait existé en l’absence de dommage et la situation réelle qui résulte de l’événement dommageable.

La perte de chance est la disparition d’une éventualité favorable, d’une occasion de tenter quelque chose.

La perte de chance n’est pas un article du code civil mais une construction jurisprudentielle.

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Le syndrome subjectif post traumatique : mythe ou réalité ?

Dr Didier Bouccara1, Dr Thierry Briche2 1 Service d’ORL, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

2 Ancien Chef de Clinique de l'Hôpital du Val de Grace, Paris, Expert auprès de la Cour d'appel de Paris

Le syndrome subjectif post traumatique : définitions, épidémiologie.Par Thierry Briche

Introduction :

Le syndrome subjectif post traumatique revêt en réalité différentes formes qu’il convient de reconnaître.

Il a de nombreux synonymes ; la psychiatrie démembre ou amalgame plusieurs dénominations : stress post traumatique, commotion post traumatique, névrose post traumatique.

Actuellement le DSM-5 (bible ou totem ?) reconnaît la névrose post traumatique dans les troubles anxieux.

Dans notre pratique de l’expertise, forcément centrée sur nos spécialités respectives, il faut garder, me semble-t-il, un regard transversal à ce propos.Il est bien évident que l’avis d’un confrère psychiatre sera d’une aide précieuse.

Apres un exposé très personnel de la question, un schéma illustrera notre propos.

Exposé de la question :

Plutôt que d’exposer le syndrome subjectif post traumatique, qui apparaît daté dans sa formulation, préférons celui de stress post traumatique/ névrose post traumatique dont l’acronyme anglo saxon est PTSD pour Post Traumatic Stress Disorder.Les travaux canadiens, notamment ceux de l’institut universitaire de santé mentale de Montréal, sont utiles aux lecteurs préférentiellement francophones.

L’expert doit repérer dans son dialogue avec le demandeur un trouble anxieux sévère, en fonction du mode de survenue du fait dommageable. Les conditions de survenues sont stéréotypées, encore qu’il faille savoir être patient et laisser s’exprimer la personne à examiner.Il s’agit pour la victime, de la survenue d’un événement inattendu, éprouvant et qui la met en situation de rencontre avec la sensation de mort imminente.Il va s’en suivre des séquelles qu’il faudra soigneusement recueillir : le flashback, ou la répétition de la scène initiale, qui fait revivre la situation d’effroi.

Il peut s’agir d’un phénomène immédiat et qui va disparaître en moins d’un mois, ou qui va se prolonger au-delà de trois mois, voire (ré) apparaitre des années plus tard.

Il convient alors de bien cerner ces trois situations qui engendrent toujours les mêmes symptômes :

• un sentiment de culpabilité peut ne pas s’exprimer au premier plan, mais il existe ;

• il y aura toujours un mécanisme d’évitement : de lieux, de personne, de situations ;

• une altération cognitive et émotionnelle : la personne sera apparemment stable émotionnellement voire sans affect apparent ;

• une hyperactivité du système nerveux à type d’hyper vigilance et d’insomnie.

Au-delà de trois mois, des troubles significatifs dans la vie professionnelle, sociale et intime se manifesteront : arrêt de travail, isolement social et familial, repli sur soi.Le sentiment de vivre dans un monde figé, sans relief ni joie ni plaisir va engendrer une réaction du milieu familial et ou professionnel de rejet.Sans traitement, l’affection va se pérenniser, s’ancrer dans la personne.

Sur le plan épidémiologique, les femmes seraient plus exposées que les hommes et, les adultes comme les enfants sont concernés. Que l’on soit la victime, un témoin ou l’auteur.Toutes les violences sont potentiellement génératrices de ce symptôme : agression physique, psychique ou sexuelle (parfois

1- Le stress post traumatique n’atteint pas les couches profondes de la personnalité et la résilience est obtenue (en principe) en quelques mois : c’est un état réversible (en principe).

2- L’atteinte des couches profondes de la personnalité va constituer une névrose post traumatique, trouble pérenne, qui impose l’intervention d’un thérapeute spécialisé sous peine de constituer un état pathologique chronique !

Le Surmoi, couche protectrice de la

personnalité

La structure de la personnalité

Le stress post traumatique qui reste superficiel

La névrose post traumatique qui atteint les couches profondes de

la personnalité

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intriquées), mais aussi un simple vol et surtout les traumatismes crâniens légers, ce qui nous concerne particulièrement en pratique expertale.

Cet état de stress post traumatique, ou syndrome psycho traumatique selon Louis Crocq, est la source de travaux incessants. Incessants du fait de la nature des populations étudiées : militaires, civils, victimes de génocides, de bourreaux, de catastrophe naturelle, et l’actualité en est largement pourvoyeuse. À chaque fait divers, son étude.Mais aussi une simple agression entre amis, conjoints ou inconnus… notre pain quotidien des expertises pénales.

En pratique pour l’expert, il convient de toujours signaler qu’une prise en charge compétente est indispensable et passe par la verbalisation, les techniques cognitives comportementales, parfois par la pharmacopée spécialisée.

Les conséquences seront de trois ordres :• Il s’agit d’un stress aigu, résiliant en moins de trois mois.

• Il s’agit d’une affection se prolongeant au-delà de trois mois, la névrose et le recours au psychiatre pour une évaluation à deux ans du fait générateur sera nécessaire. Ce qui est déjà mentionné dans le barème dit du Concours Médical ;

• Il s’agit de l’apparition à distance du fait générateur et il faudra savoir exprimer des réserves dans ses conclusions d’expertises.

Syndrome subjectif post traumatique et expertise : une situation cliniquePar Didier Bouccara

Dans notre spécialité et en situation d’expertise, le diagnostic, l’évaluation et la prise en compte d’un syndrome subjectif post traumatique est une question qui se pose régulièrement. Une des raisons est que certains symptômes typiquement « ORL » peuvent s’inscrire dans le cadre des doléances post traumatiques, sans aucune atteinte identifiée du point de vue anatomique et fonctionnel. Le cas suivant, rencontré dans le cadre d’une expertise judiciaire illustre ces différents points et sera discuté.

Expertise

L’expert ORL a été désigné par la Commission d’Indemnisation des Victimes d’Infractions du Tribunal de Grande Instance de X pour expertiser Monsieur Z. La mission est « habituelle » avec, dans le cadre d’une agression, évaluation de l’état antérieur, des lésions imputées aux faits en cause, des doléances et différents postes de préjudices. La victime et le Fonds de Garantie des Victimes d’Infraction ont été convoqués pour les opérations d’expertise, en juillet 2012.

Au moment des faits en cause, en janvier 2011, Monsieur Z, âgé de 31 ans, travaillait en tant qu’auto-entrepreneur dans le domaine des transports et, depuis les faits en cause, il a cessé son activité et a le statut de demandeur d’emploi.

Monsieur Z ne rapporte aucun antécédent ORL notable, en particulier pas de traumatisme, pas d’exposition au bruit, tant sur le plan personnel des loisirs que sur le plan professionnel. Il signale l’absence d’antécédent d’atteinte auditive familiale. Ses loisirs sont représentés essentiellement par le sport (musculation, course à pieds…) et le cinéma.

Monsieur Z déclare avoir été victime d’une agression. Selon ses dires, il a reçu différents coups de pied et de poing à la tête et à la face, en particulier avec une bouteille. Il a alors constaté une plaie de la face avec un saignement et des douleurs diffuses. Il ne fait pas état de perte de connaissance, ni d’otorragie, ni d’épistaxis. Il a été accompagné au Service des Urgences de l’Hôpital W. Nous disposons du Certificat Médical Initial descriptif qui lui a été remis dans cet établissement et qui mentionne : « TC sans PC. Plaie frontale droite horizontale superficielle à berges nettes de 3 cm de grand axe. Pas de trouble oculo-moteur ». Un traitement antalgique et des soins locaux de la cicatrice de la plaie frontale droite qui a été suturée, ont été prescrits.

Monsieur Z signale qu’il a ressenti secondairement des vertiges et des acouphènes et qu’une semaine après les faits en cause un bilan auditif a été réalisé et a montré une hypoacousie de perception bilatérale modérée sur les aiguës. Un scanner des rochers et une IRM cérébrale et des rochers ont été réalisés durant les semaines suivantes. Ces examens n’ont pas montré d’anomalie. En l’absence d’évolution de ses symptômes, il précise avoir ensuite interrompu le suivi ORL. Dans le même temps, il présentait des troubles de la mémoire et du sommeil qui ont motivé un suivi et un traitement par son médecin traitant, avec différents médicaments anxiolytiques.

Ses doléances lors des opérations d’expertise sont les suivantes :

• une hypoacousie bilatérale, qui s’accompagne d’une difficulté à la compréhension dans le calme et dans le bruit. Les acouphènes initialement présents ont disparu 3 mois après les faits en cause.

• Il persiste des vertiges intermittents, sous la forme d’épisodes d’instabilité brève, irréguliers, de moins en moins fréquents, environ une fois par semaine, sans chute.

• La persistance de céphalées intermittentes diffuses nécessitant la prise d’antalgiques, et des troubles de la mémoire.

• La présence de troubles du sommeil motivant la prise de médicaments : anxiolytiques.

• Il ne fait état d’aucun trouble du goût ou de l’odorat.

Monsieur Z précise quelles sont les conséquences de ces symptômes : du point de vue professionnel il n’a pas pu honorer les contrats qu’il avait après les faits en cause. Il a cessé ses activités d’auto-entrepreneur et des démarches en vue d’un reclassement professionnel sont en cours, étant demandeur d’emploi. Il signale avoir essayé de conduire à nouveau, mais n’avoir pas pu le faire en raison de vertiges. Du point de vue des loisirs il précise avoir arrêté l’ensemble de ses activités sportives, et ses sorties au cinéma.Son examen retrouve la présence de plusieurs cicatrices au

Spécificités

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niveau de la région temporale droite. Il n’y a pas d’anomalie à l’otoscopie, pas de signe vestibulaire spontané et l’examen en vidéonystagmoscopie est normal.Le bilan auditif retrouve une hypoacousie de perception bilatérale modérée sur les fréquences aiguës, sous la forme d’une encoche audiométrique centrée sur la fréquence 6 000 Hz. L’audiométrie vocale, l’impédancemétrie et le réflexe stapédien sont présents des deux côtés.

Lors de la discussion médico-légale sont pris en compte les éléments mentionnés dans le certificat initial, à savoir : un traumatisme crânien sans perte de connaissance et une plaie frontale droite. Les différents symptômes apparus secondairement : vertiges, acouphènes, hypoacousie bilatérale et céphalées ne sont pas rattachés à une atteinte des voies audio-vestibulaires. En effet le traumatisme allégué est un traumatisme crânio-facial sans perte de connaissance, les symptômes auditifs, hypoacousie et acouphènes, et les vertiges ont été décalés dans le temps de plusieurs jours et l’imagerie (scanner et IRM) n’a retrouvé aucune lésion traumatique en particulier pas de fracture des rochers, et enfin il n’a été mis en évidence aucune anomalie focalisée lors des examens réalisés au cours des opérations

d’expertise. Ces symptômes sont à regrouper aux céphalées, troubles du sommeil et de la mémoire ; et s’intègrent dans un syndrome post traumatisme crânien. À distance de 18 mois des faits en cause, les lésions sont consolidées. Dans le cadre de ce syndrome un déficit fonctionnel temporaire partiel et un déficit fonctionnel permanent ont été fixés, à 5 % pour ce dernier, avec des préjudices d’agrément et professionnel.

Commentaires

Quel que soit le type d’expertise, la présence de doléances d’ordre otologique : acouphènes, hypoacousie, vertiges… est relativement fréquente. La démarche de l’expert est basée sur la recherche d’une imputabilité directe et certaine avant de retenir soit une atteinte spécifique ORL, soit un syndrome post traumatique en fonction des mécanismes lésionnels, lésions anatomiques identifiées, symptômes rapportés et données de sa propre évaluation. Les contextes des faits en cause : agression, accident de travail… peuvent générer un impact psychologique à identifier et évaluer en faisant la part des choses avec ce qui revient au syndrome post traumatique. Le recours à l’avis d’un sapiteur psychiatre est parfois nécessaire.

Le point de vue juridique – L’imputabilitéPar Maître Caroline Kamkar, avocat associé, Docteur en droit, Lille

Au-delà de l’évaluation du préjudice, la question centrale de l’expertise est celle de l’imputabilité du dommage corporel au geste chirurgical ou au traumatisme subi.

L’imputabilité conduira le juriste à établir l’existence du lien de causalité et établir le principe de la responsabilité : doit-on considérer l'auteur du dommage comme responsable de l'intégralité du préjudice lorsqu'il n'est pas contestable que la victime présentait une réceptivité particulière au dommage ?

Si le doute a naturellement sa place dans l’analyse de l’expert celui-ci devra s’entourer des éléments médicaux objectifs nécessaires à le dissiper : il fera état des pièces médicales fournies par la victime, certificats initiaux, de son examen clinique complet et très attentif, d’un état antérieur ou d’une prédisposition éventuelle. Le rapport fera état des convictions comme des réserves de l’expert.

Ensuite, le décideur, juriste, le juge ou l’assureur, déterminera la responsabilité ainsi que le préjudice indemnisable.

La question de l'état antérieur de la victime est donc aux confins de la responsabilité et de l'indemnisation.

Elle est surtout au cœur du contentieux de la responsabilité médicale où les définitions (état antérieur, prédispositions pathologiques, antécédents) dans leurs acceptions médicale et juridique se recoupent. Contentieux dans lequel également le fait générateur de responsabilité (l'acte de soins) intervient principalement dans une perspective d'amélioration dudit état antérieur…

Bibliographie :1. État de stress post traumatique : le syndrome aux différents visages

Waddington A, Ampelas JF, Mauriae F, Bruchard M, Zeltner L, Mallat V

L’encéphale 2003, vol 29, n°1, pp 20-27

2. Étude prospective de l’état de stress post traumatique parmi les victimes d’un attentat terroriste. Jehel L, Duchet C, Parterniti S, Consoli S-M, Guelfi J.D

L’encéphale 2001, vol 27, n° 1, pp 393-400.

3. DSM-V mai 2013 traduit en 2015, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux ("Diagnostic and StatisticalManual of Mental Disorders"),

publié par l'American Psychiatric Association.

4. Traumatismes psychiques. Louis Crocq – Masson - juillet 2014

VocabulaireSapiteur : du verbe latin sapere (savoir), personne qualifiée dans sa spécialité qui, à la demande de l'expert judiciaire et avec l'accord des parties au procès,

apporte ses connaissances dans les domaines dans lesquels s'engage l'expertise et qui sont hors de la compétence de l'expert.

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Spécificités

La simulation… au sens large Dr Didier Bouccara

Service d’ORL, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, APHP, Paris

La simulation

Simulation : Action de simuler. Simuler : Faire apparaître comme réelle une chose qui ne l’est pas ; Feindre. (Définitions du Dictionnaire Larousse de Poche 2016).

Lors de ses activités d’expertise, l’expert, sollicité en tant que technicien, cherche à construire son rapport correspondant au mieux à la réalité, en particulier concernant l’imputabilité des faits en cause vis-à-vis des doléances rapportées. La simulation peut prendre différents aspects, plus ou moins sophistiqués, selon le type de pathologie en cause. Le déroulement des opérations d’expertise, reprenant les antécédents, l’état antérieur, les constatations médicales chronologiques et les données de l’examen au jour de l’expertise permet de l’identifier dans un nombre non négligeable de cas. En particulier la discordance entre les symptômes rapportés et les constatations cliniques et paracliniques est souvent un élément d’orientation. Reste un certain nombre de difficultés.

Tout d’abord, faire la part des choses entre les doléances directement liées à un symptôme et celles s’intégrant dans le cadre d’un impact psychologique. Celui-ci dépendra en particulier du profil psychologique préalable de la personne, et des circonstances de faits en cause (agression, accident de travail en conditions difficiles…). Les interactions entre lésions somatiques et impact psychologique peuvent alors justifier un avis spécialisé, avec en particulier un sapiteur psychiatrique.

Une autre circonstance où il est également difficile de démêler le vrai du faux est la simulation de la majoration d’une lésion pré-existante à l’occasion des faits en cause. La disponibilité des pièces antérieures, parfois difficiles à obtenir… est un élément capital pour faire la part des choses.

Notre spécialité comportant de nombreuses atteintes sensorielles, pour lesquelles une

évaluation « objective » est parfois limitée quant à certains symptômes tels que les acouphènes, les troubles de l’odorat, les troubles de l’équilibre… est fréquemment source de ce type d’interrogations. La situation suivante en est une illustration.

Situation clinique

L’expert est sollicité pour une mission par le président de la cour d’assises de A.. L’accusé, Monsieur B., est renvoyé devant la cour d’assises. Il met en avant des troubles auditifs qui ne lui permettent pas de suivre normalement les débats. La mission de l’expert est la suivante :

• examiner Monsieur B. sur le plan auditif ;

• dire si son état est compatible avec sa comparution à l’audience criminelle devant la cour d’assises de A., compte tenu de ses problèmes auditifs allégués ;

• dans l’affirmative, indiquer si un appareillage auditif est nécessaire pour la tenue de l’audience.

S’agissant de son état antérieur, Monsieur B. mentionne du point de vue ORL des antécédents d’intervention de l’oreille droite : tympanoplastie durant l’enfance, en raison d’otites à répétition.

Durant le service national il n’est pas fait état de restriction particulière du point de vue auditif : il a pratiqué le tir avec des protections auditives.

Concernant son état auditif, il signale une gêne auditive depuis environ dix ans du côté droit, utilisant le téléphone du côté gauche. Il fait état de consultations ORL régulières pour ablation de bouchons de cérumen, sans notion de proposition d’appareillage auditif par les praticiens consultés. Il précise que son audition aurait diminué depuis son incarcération il y a plusieurs mois. Il ne fait état ni d’acouphènes ni de troubles de l’équilibre.

Durant les opérations d’expertise, Monsieur B. répond de façon adaptée aux questions, ne faisant pas ou peu répéter, en situation calme.

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L’examen clinique ORL retrouve une cicatrice rétro-auriculaire droite et des tympans cicatriciels, sans signe inflammatoire local.

L’audiométrie trouve une hypoacousie mixte bilatérale (Figure page suivante). La vocale montre une altération de la compréhension des deux côtés plus marquée à droite. La tympanométrie est « aplatie » des deux côtés. Ces éléments audiométriques n’étant pas concordants avec les données cliniques, une étude des potentiels évoqués auditifs (PEA) est réalisée. Elle montre du côté droit l’absence de tracé reproductible, et du côté gauche un tracé reproductible avec seuil électrophysiologique de l’onde V mesuré à 30 dB.

L’expert ne disposant d’aucun élément médical ORL antérieur, et ne pouvant en disposer du fait des délais très brefs de la remise de son rapport, conclut à l’existence de séquelles d’otites de l’enfance, ayant motivé une intervention à droite, tympanoplastie, sans aucun élément évolutif à l’examen : il s’agit de séquelles. Du côté gauche il existe une discordance entre les tests subjectifs et objectifs. L’étude des PEA est en faveur de

seuils auditifs moins altérés que ceux relevés en audiométrie. Ceci est compatible avec l’observation clinique : Monsieur B. est capable de mener une conversation dans le calme.

L’amélioration de l’état auditif de Monsieur B. est probablement possible. Elle nécessite un complément de bilan médical par imagerie afin de discuter de la réhabilitation auditive la plus adaptée : intervention chirurgicale, prothèse auditive en conduction aérienne ou osseuse. Ces différentes procédures pourraient améliorer partiellement son audition.

Au jour des opérations d’expertise son état auditif apparaît compatible avec la participation à l’audience sous réserve de l’utilisation d’un microphone par les intervenants et du respect du silence.

Intérêt des examens objectifs de l’audition

Lors d’une expertise il est nécessaire d’observer une concordance entre les données cliniques et audiométriques. L’évaluation des seuils auditifs, peut donc justifier l’utilisation de tests objectifs dans certaines situations.

Le point de vue juridique

Par Maître Caroline Kamkar, avocat associé, Docteur en droit, Lille

La force juridique de l'expertise est un débat sans fin : s'agit-il de simples avis techniques donnés au Juge ou bien les conclusions d'expertise ont-elles, au contraire, valeur de preuve ? En droit pénal, cette question est d’autant plus essentielle qu’elle affronte la question fondamentale des droits de la défense.

En théorie, l'Expert ne donne que des avis. Le Juge d'Instruction, puis la juridiction de jugement sont donc entièrement libres de suivre ou de ne pas suivre l'avis sollicité. L'Article 427 du Code de Procédure Pénale énonce le principe selon lequel le Juge doit décider d'après son intime conviction en ne fondant sa décision que sur des preuves qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui... et en l’espèce audible par l’ensemble des acteurs du procès !

L’expertise garantit ces principes de droit et établit scientifiquement leur respect comme le rappelle l’article 158 du code de procédure pénal aux termes duquel, « la mission des experts qui ne peut avoir pour objet que l'examen de questions d'ordre technique est précisée dans la décision qui ordonne l'expertise ».

Précisément comme pour la réalisation d’un geste technique ou l’élaboration d’un diagnostic, la question de l’erreur est centrale car de l’erreur d’appréciation de l’expert découlera l’erreur de droit autrement nommé l’aléa judiciaire.

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Spécificités

Test Indications Limites

Otoémissions acoustiques provoquées

Validation de seuils auditifs inférieurs ou supérieurs

à 40 dBPas d’évaluation des seuils

Produits de distorsions acoustiques

Approche objective des seuils avec une variabilité des réponses

Pas d’évaluation certaine des seuils

Potentiels évoqués auditifsÉvaluation précise des seuils pour les

fréquences aiguësPas de mesure des seuils pour les

fréquences graves

Étude du réflexe stapédienRapidité de réalisation et de réponse

en cas de simulation de cophosePas de mesure des seuils

Tableau : Tests auditifs objectifs en expertise : seuls des examens non invasifs sont utilisables

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Discussion d’une antériorité pathologique dans le cadre de l’expertise

Dr Philippe Courtat1, Pr Bruno Frachet2, Pr Pierre Elbaz3, Dr Régis Cauchois1 1 Médecin spécialiste qualifié, médecin-conseil, Paris, 2 Service ORL, Hôpital Rothschild, Paris, 3 ORL, Expert

honoraire agréé par la Cour de cassation, Paris

Il y a lieu de s’accorder sur deux notions différentes de par leurs conséquences sur le plan du raisonnement médico-légal :

• La prédisposition peut être considérée comme un état anatomopathologique muet lors de la survenue des faits. Elle possède un risque évolutif spontané d’expression clinique possible, mais non certain. Cette notion de prédisposition est souvent confondue, à tort, avec un état antérieur latent dont le risque évolutif est certain mais dans un délai et selon des modalités imprévisibles.

Sur le plan otologique, nous citerons volontiers l’exemple des problèmes soulevés par la constatation d’une déhiscence d’un canal antérieur. Il s’agit également du problème d’appréciation, qui ne pourra être que théoriquement statistique, du déficit auditif lié à l’âge.

• L’état antérieur ou intercurrent connu peut être défini comme un état anatomopathologique déjà cliniquement exprimé lors des faits. Le raisonnement diffère alors du cas précédent, nous ne cherchons plus à déterminer un risque évolutif en puissance, mais à définir la potentialité évolutive de la pathologie antérieure elle-même :

*Soit cet état devait a priori rester stable, indépendamment d’un fait extérieur. Il peut s’agir, par exemple, de séquelles fixées d’otite de l’enfance. Le raisonnement dans l’évaluation médico-légale est alors simple.

*Soit cet état pouvait être spontanément évolutif. Nous pouvons, par exemple, évoquer le syndrome pressionnel, l’otospongiose. Le raisonnement dans l’évaluation médico-légale rejoindra dès lors celui

fait dans le cas de la prédisposition. L’expert devra, par conséquent, amener son rapport sur la notion de risque potentiel ou avéré, qu’il soit statistiquement démontré ou pas.

L’expert exprimera, en partie, son évaluation en s’appuyant sur un barème. Nous avons, dans le rapport du Congrès de la Société Française d’ORL de 2003 (« L'expertise en ORL et chirurge cervico-faciale. La responsabilité juridique »), expliqué les modalités d’emplois et les finalités des différents barèmes existants. Nous n’y reviendrons pas.

L’évolution des esprits, en douze ans, sur le plan médico-légal amène à préciser deux notions :

Le chiffre essentiel dans un barème est le zéro, et nul autre, comme nous l’avons bien souvent soutenu. Ce chiffre ne peut être considéré comme une valeur absolue et universelle de mesure de norme. Il doit être, au contraire, interprété comme une variable d’ajustement exprimant la « normalité » spécifique à chacun, antérieurement au fait dommageable. Le « 0 % » d’AIPP (Atteinte à l'intégrité physique et psychique), sur le plan auditif, n’est pas interprétable de la même façon chez un sujet jeune et âgé. Chacun des deux se considérait pourtant comme « normal » avant l’accident…Le taux d’AIPP apprécie un déficit fonctionnel. Mais il fixe, dans l’absolu figé d’un chiffre, une situation clinique mouvante.

Ainsi, le handicap résultant de ce taux est situationnel. Chaque spécialiste ORL sait bien qu’un même déficit auditif (donc un même taux d’AIPP) n’entraînera pas la même gêne lors d’une conversation dans une pièce calme que dans une ambiance bruyante de restaurant… Ainsi, un élément descriptif situationnel global semble,

Il est habituel d’évoquer, lors de l’expertise, la notion d’état antérieur. Celle-ci nous apparaît cependant être relativement floue et limitative : un état pathologique intercurrent au fait traumatique soulèvera les mêmes difficultés d’appréciation sur le plan médico-légal. Les réflexions que nous faisons ici par rapport à cette notion d’antériorité ne sont pas limitées à la seule expertise en responsabilité professionnelle. Il est cependant impossible de prendre en compte l’ensemble des domaines intéressant notre spécialité. Nous nous attacherons au problème le plus complexe, celui du déficit auditif.

L’expérience nous montre que bien des situations conflictuelles en expertise seraient évitées si chacun fondait son raisonnement sur une sémantique précise et admise de tous.

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Spécificités

bien souvent essentiel, pour que le « taux d’AIPP » soit justement réparé dans la réalité du déficit fonctionnel qu’il n’enferme pas à lui seul.

Il est pertinent d’appliquer ces différentes notions au problème de l’appréciation, puis de l’évaluation du déficit fonctionnel d’une hypoacousie.La longue expérience des auteurs dans le domaine de l’expertise nous a appris que, parfois, un grand vertige (certainement le comble pour un ORL) pouvait survenir face à cette « toute-puissance » de celui qui « sait », puisqu’il est expert…Dégagée du versant thérapeutique, l’expertise médico-légale favorise le raisonnement pur et abstrait, cela ne dispense pas du bon sens clinique, salvateur.Avant d’utiliser ces notions d’état antérieur, de taux d’AIPP, il convient d’assimiler les limites de nos mesures en audiologie médico-légale.Le spécialiste qui manipule constamment des « décibels » devrait savoir que le décibel (dB) n’est autre qu’une unité de grandeur sans dimension, définie comme dix fois le logarithme décimal d’un rapport entre deux puissances. Unités logarithmiques, les décibels s'additionnent donc quand les grandeurs se multiplient. Tous les champs de l'ingénierie peuvent utiliser le décibel.Ainsi, il nous a toujours semblé bien présomptueux de penser que l’audiométrie tonale pouvait, à elle seule, être représentative de la réalité de la capacité auditive d’un sujet. Le tableau 1, proposé lors de la refonte du barème du Concours Médical en 2000 et identique à celui du barème de la Société de médecine légale (la partie ORL émanant des mêmes auteurs), est indicatif et il sert de base à une première appréciation.Il doit, impérativement, être confronté aux résultats de l’audiométrie vocale. Cette audiométrie doit être réalisée au casque mais également en champ libre avec et sans prothèses auditives. Dans le même barème de droit commun, nous avons expliqué, à titre indicatif comment le taux d’AIPP brut de l’audiométrie tonale pouvait être modulé, par rapport au pourcentage de discrimination (tableau 2).C’est seulement lorsque l’ensemble de ces explorations est effectué que nous pouvons prétendre nous rapprocher de la réalité du déficit fonctionnel résultant de l’hypoacousie. La nouvelle version de la partie ORL du barème, qui paraîtra très prochainement, proposera une approche plus fine de ces problèmes.

Malheureusement, dans ce court article, nous ne pouvons pas développer le raisonnement médico-légal qui va aboutir à l’acceptation, ou non, de l’aggravation (et

dans quelle proportion) de la prédisposition ou de l’état antérieur. Nous supposerons donc l’aggravation admise.

L’évaluation médico-légale comporte, en pratique, deux temps :L’appréciation de l’aggravation fonctionnelle auditive elle-même permet d’isoler deux situations :

L’aggravation a porté sur les 2 oreilles (exemple de l’ototoxicité), le raisonnement est alors simple :Le taux binaural d’AIPP antérieur au fait est évalué selon le tableau 1 à double entrée, le taux postérieur est évalué de la même façon. La différence entre ces deux taux correspond au taux effectivement imputable de façon unique, directe et certaine au fait dommageable. Par exemple, si antérieurement au fait dommageable la perte de l’oreille droite était de 45 dB et celle de l’oreille gauche de 30 (soit 10 % d’AIPP) après un mécanisme ototoxique, la perte droite chute à 75 dB et la gauche à 60 dB (soit une AIPP de 40 %), le taux d’AIPP imputable sera proposé à 30 % selon le tableau de référence.

L’aggravation a porté sur une seule oreille, l’alternative est alors la suivante :

• La meilleure oreille a été atteinte. La qualité de la stéréophonie et du décodage binaural sont donc mis en cause par le fait dommageable. La modalité d’appréciation rejoint alors le mécanisme précédent. Le taux d’AIPP antérieur est évalué par rapport aux deux oreilles, le taux post-traumatique est évalué de la même façon. La différence des deux correspond au taux imputable apparaissant sur le tableau 1 à double entrée. Par exemple, si antérieurement au fait dommageable la perte de l’oreille droite était de 45 dB et celle de l’oreille gauche de 30 dB et que, après ce fait, la perte gauche est de plus de 80 dB, le taux d’AIPP imputable sera proposé à 15 % selon le tableau de référence (perte antérieure binaurale de 10 %, perte postérieure au fait dommageable de 25 %).

• La plus mauvaise oreille a été atteinte. De ce fait, on doit considérer qu’antérieurement au fait dommageable, la personne n’avait plus sa qualité de stéréophonie. L’expert doit alors raisonner par rapport à cette seule oreille et ne plus prendre en compte un calcul sur la perte binaurale. Par exemple, si antérieurement au fait dommageable, la perte de l’oreille droite était de 45 dB et celle de l’oreille gauche de 30 dB et que, après ce fait, la perte droite est de plus de 80 dB, le taux d’AIPP imputable sera calculé sur la seule accentuation de l’oreille droite, soit 8 % selon le tableau de référence (déficit

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fonctionnel antérieur pour l’oreille droite de 6 %, postérieurement au fait dommageable, le déficit pour cette oreille est de 14 %).

Le second temps de la discussion médico-légale est celui de l’appréciation de l’amélioration fonctionnelle grâce aux prothèses auditives et des modalités de l’éventuelle prise en charge.

Cette appréciation fait ressortir, avec acuité, les limites, évoquées plus haut, de l’audiométrie tonale.

Il serait, en effet, cliniquement non valide de « corriger » le taux d’AIPP par rapport à une audiométrie tonale avec et sans prothèses.

L’appréciation expertale de l’amélioration se fera grâce à :

• l’interrogatoire : premier temps essentiel, il visera

plus particulièrement à déterminer la durée durant laquelle une prothèse est portée durant une journée habituelle pour la personne, mais également les moments durant lesquels cette prothèse est soit retirée soit n’apporte plus d’amélioration significative.

• Dans un second temps, l’audiométrie vocale en champ libre avec et sans prothèses, y compris avec une appréciation lors d’une audiométrie vocale dans le bruit. Ces tests sont essentiels pour approcher globalement la réalité de l’amélioration fonctionnelle apportée par la prothèse sur le plan du déficit auditif.

Nous avons, dans le barème du Concours médical, indiqué que le taux d’AIPP pouvait être diminué de ¼ lorsque la prise en charge de la prothèse était effective (dans le

Tableau 1 : Taux d’AIPP en fonction de la perte auditive selon le barème de droit commun.

Tableau 2 : Discussion d’une éventuelle majoration des taux d’AIPP obtenus à partir du déficit tonal selon les résultats du pourcentage de discrimination à l’audiométrie vocale (barème de droit commun).

PAM en dB 0-19 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 70-79 80 et +

0-19 0 2 4 6 8 10 12 14

20-29 2 4 6 8 10 12 14 18

30-39 4 6 8 10 12 15 20 25

40-49 6 8 10 12 15 20 25 30

50-59 8 10 12 15 20 25 30 35

60-69 10 12 15 20 25 30 40 45

70-79 12 14 20 25 30 40 50 55

80 et + 14 18 25 30 35 45 55 60

Discrimination 100 % 90 % 80 % 70 % 60 % < 50 %

100 % 0 0 1 2 3 4

90 % 0 0 1 2 3 4

80 % 1 1 2 3 4 5

70 % 2 2 3 4 5 6

60 % 3 3 4 5 6 7

< 50 % 4 4 5 6 7 8

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Spécificités Points de vue

Le point de vue juridique Par Maître Caroline Kamkar, avocat associé, Docteur en droit, Lille

En droit français, tout préjudice est réparé selon le principe de la réparation intégrale, mais « tout le préjudice, et rien que le préjudice » qui devra être certain et susceptible d'évaluation.

Ainsi le préjudice faisant l'objet du droit à réparation est réparable pourvu qu’il soit direct et certain : le préjudice futur est réparable, mais pas le préjudice éventuel.

Le principe de la réparation intégrale est en pratique critiquable et sans doute une utopie pour les dommages qui ne peuvent être réellement réparés et pour les victimes auxquelles il n’est finalement question d’offrir qu’une simple compensation.

En effet, il ne s’agit pas de proposer le rétablissement de l’état antérieur à celui-ci, mais une compensation pécuniaire à l’atteinte qui a été irrémédiablement portée à cet état.

Le juge peut difficilement évaluer ce préjudice de manière isolée et uniquement par une appréciation souveraine ; aussi a-t-il besoin de s’informer du montant des indemnités habituellement accordées dans des cas semblables. Le barème, fatalement arbitraire, garantit l’égalité de traitement des victimes, composante incontournable de la justice.

Le barème rend le préjudice très concret en distinguant la réduction des agréments de la vie provoquée par le préjudice de la perte de revenus qu’engendre éventuellement le handicap apparu.

L’expert, sur la base de ce barème, traduit donc ce préjudice en un déficit fonctionnel temporaire partiel (DFT), indemnisant l’invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle, pendant la maladie traumatique jusqu’à la consolidation et recouvrant les troubles dans les conditions d’existence, ainsi qu’un déficit fonctionnel permanent (DFP), établissant que le dommage subi a une incidence sur les fonctions physiologiques de la victime ; tous deux fixés à 5 % ; enfin un préjudice d’agrément correspondant à « l'impossibilité définitive d'exercer une activité spécifique de loisir » et un préjudice professionnel qui se traduira par une perte de revenus.

Pour conclure, nous dirons que cette problématique de

l’incidence d’un état antérieur ou d’une prédisposition

pathologique sur le plan auditif renvoie l’expert vers les

fondements physiologiques de l’audiologie.

Plus généralement, comment prétendre appréhender

une situation clinique, évaluer avec le plus de justesse possible un déficit fonctionnel sans qu’il puisse être répondu à ces deux questions cruciales : Que mesurent nos explorations ? De quoi rendent-elles compte ? Sans des réponses claires, ambitionner d’aborder la notion de « qualité de vie » apparait bien illusoire et prétentieux.

prix d’achat initial, le renouvellement et les frais futurs). Il s’agit d’une approche par rapport à un appareillage « facile », porté de façon quotidienne environ 6 heures, dans la majorité des circonstances durant, et hors, du travail.

En fonction des deux éléments d’appréciation qui viennent d’être décrits, ce coefficient peut (et doit) être, bien entendu, modulé pour chaque cas.

Nous rappelons qu’un barème est, certes indicatif, mais

qu’il importe, pour éviter toute contestation, que l’expert décrive de façon précise, scientifiquement inattaquable, la manière dont il justifie son évaluation s’il s’écarte du taux indicatif.

« L’intime conviction », « l’évidence » sont, au mieux, des actes de foi. Ce ne sont certainement pas des arguments de démonstration valides, encore moins des preuves. Leur emploi dans un rapport d’expertise ne montrerait que la fragilité des connaissances de celui qui les emploie.

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Points de vue

Altération de la qualité de vie ou de la difficulté de prouver les doléances Dr Thierry Briche

Ancien Chef de Clinique de l'Hôpital du Val de Grace, Paris, Expert auprès de la Cour d'appel de Paris

Notre spécialité recouvre la médecine des sens : odorat, goût, olfaction, audition...L’hédonisme par le plaisir que procure la perception des sens est bien évidemment altéré en cas de survenue d’un dommage concernant un ou plusieurs sens.On comprend dès lors qu’il faut apprécier objectivement la perte subie, l’importance qualitative et quantitative de l’atteinte ressentie, où participent tout à la fois l’histoire personnelle, l’éducation, la symbolique… Comment démêler l’objectif du ressenti ? La survenue du dommage va alors parfois brutalement révéler des doléances qui n’auront que peu de chose en commun avec les données de l’examen objectif.Deux vignettes cliniques illustreront ce propos.

• Albane est une fille brillante, toujours poussée en avant par son milieu familial, entrepreneurial, implanté dans le milieu du vignoble.Asthmatique, elle deviendra une sportive accomplie, se mariera avec un héritier de vieille famille. Très tôt elle se tourne vers l’œnologie, elle effectue un cursus de grande école de commerce et s’installe à l’étranger où elle établit un négoce de spiritueux décrit comme florissant.Cependant, elle développe une polypose naso sinusienne et elle souhaite une solution radicale à cette pathologie qui la gêne.Malgré les conseils d’un ami ORL qui lui recommande l’abstention, car les atteintes tomodensitométriques sont modestes, elle va consulter divers spécialistes dont l’un acceptera de l’opérer. La décision, le bilan pré opératoire et l’imagerie pré lésionnel, tout est bouclé en 15 jours, Albane doit rejoindre sa famille à l’étranger. L’intervention consistera en une éthmoïdectomie radicale avec turbinectomie inferieure.

La suite ne se fera pas attendre : un syndrome du nez vide avec une hyposmie et des céphalées. Ces plaintes vont venir envahir le quotidien, minant la vie de famille, du couple et faisant vendre le négoce et conduisant le chirurgien à l’instance.Lors de l’accedit*, l’imagerie immédiatement pré opératoire frappe par sa normalité, l’imagerie post opératoire objective une vacuité nasale qui respecte le cornet moyen et le méat supérieur.Les tests olfactifs s’avèrent négatifs, alors que la perception du menthol et la présentation de l’ammoniac déclenchent les réactions attendues. La perception de la vanille n’existe plus.L’olfaction rétrograde est décrite comme inexorablement altérée.Objectivement, les fosses nasales sont libres et la zone du méat supérieur intacte. La zone olfactive doit être intacte et n’explique pas une telle atteinte.

Les doléances sont exprimées de manière classique ; la

description des soins post opératoires, déméchage, décrustation, est rapportée comme une scène explicitement sexuelle. Il est verbalisé une insatisfaction envers le chirurgien, ce qui laissera l’expert... perplexe. La Cour absoudra le chirurgien.

• Louis est un infirmier désormais en invalidité. Il a été victime d’un accident de circulation lors de ses études. Il en a conservé une fracture mandibulaire ostéosynthésée mais qui a perturbé un articulé de convenance.Il souhaite retrouver un articulé correct et après deux ans de préparation, une ostéotomie est effectuée.

Cependant la chirurgie va se compliquer d’hémorragie : clips et ligatures seront nécessaires pour la juguler.Par la suite va se mettre en place une dépression globale associée à des douleurs neuropathiques qui seront traitées par des morphiniques. Ces douleurs, à l’évidence neuropathiques, se développeront sur le trajet du nerf trijumeau homolatéral à la fracture. Louis consultera un centre de référence national qui va pratiquer un potentiel évoqué de la nociception. Cet examen, indiscutable sur le plan scientifique, n’est pas admis en pratique médico judiciaire. Hélas pour le plaignant, les douleurs vont se pérenniser, l’entraînant dans une escalade thérapeutique et une véritable toxicodépendance.L’introduction, tardive, des anti neuropathiques, n’empêchera pas le décrochage social et professionnel. Louis vit désormais très modestement, en périphérie d’un bourg. Il a quitté la grande ville hospitalo-universitaire où il travaillait et vit retiré sous la vigilante attention de quelques amis qui, progressivement, consacrent tout leur temps libre à Louis.

Lors de l’accedit, les moulages préparatoires établissent que l’articulé a été préparé de manière correcte, que l’ostéotomie a été conduite selon les canons de la chirurgie maxillo-faciale. La plainte envers le chirurgien tient à l’articulé car s’est installé un trismus, en fait libérable par palpation douce. Les douleurs lui sont imputées avec pour preuve ultime un examen électro physiologique.De plus, l’entourage qui accompagne Louis dans tous ses déplacements, se dit effrayé par l’examen. Cet entourage décrit par ailleurs avec conviction et complaisance, les difficultés de Louis. Louis rend responsable de son état le chirurgien maxillo-facial…

Le collège d’expert va conclure à une discordance entre le ressenti, le vécu, les doléances de Louis avec un examen clinique de l’articulé tout à fait convenable. C’est le traitement inadapté qui a plongé Louis dans une exclusion sociale.

Vocabulaire*Accedit : Réunion contradictoire d'information organisée par un expert judiciaire avec les parties à l'instance avant de finaliser et de déposer au greffe de la juridiction le rapport

d'expertise qui a été ordonnée par le juge. A l'issue de cette réunion, les parties peuvent formuler auprès de l'expert des observations écrites également appelées "dires à expert".

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Points de vue

L’indemnisation des victimes : le point de vue de l’assureurDr Benoît Guimbaud1, Me Caroline Kamkar2

1 Directeur général AmTrust France - 2 Avocat associé, Docteur en droit, Lille

En France, l’assurance de responsabilité civile médicale (RCM) est une obligation à laquelle seule l’AP-HP échappe. Tous les contrats d’assurance de RCM distribués dans l’Hexagone disposent d’une clause conférant à l’assureur, en cas de sinistre, la « direction du procès ». Cette direction du procès a plusieurs conséquences pratiques :

• seul l’assureur est habilité à transiger avec la victime ;

• c’est l’assureur qui définit la stratégie de défense de son assuré ;

• c’est donc l’assureur qui choisit, le cas échéant, les médecins conseils et les avocats en charge de la défense de son assuré.

Si l’assureur occupe une place cruciale dans la solution des sinistres de RCM, il ne peut jouer pleinement son rôle sans son assuré, sans un réseau de médecins conseils de qualité, sans un réseau d’avocats spécialisés.

Défendre les intérêts d’un professionnel ou d’un établissement de santé est avant tout un travail d’équipe. C’est de la qualité de cette équipe dont dépend le sort des sinistres. Car en matière de responsabilité civile médicale rien n’est joué d’avance, tout est discutable, lors de la réunion d’expertise, comme devant le juge.

Rien n’est joué d’avance d’abord sur le fond même du sinistre : les contours de la faute restent flous, car intimement liés à chaque cas d’espèce. Les règles fixées par le législateur ou la jurisprudence ont une portée générale ; et le cas concret qui est l’objet du litige est unique. La notion classique de données acquises de la science s’est paradoxalement complexifiée à l’heure de l’evidence based medecine et des niveaux de preuve. L’aléa thérapeutique a une définition à géométrie variable qui fait le bonheur des CCI, dont les avis s’appuient bien souvent sur l’équité et non sur le droit.

Contrairement à l’avis général qui se propage parfois chez les praticiens, le système français de réparation des accidents médicaux ne penche pas systématiquement en faveur des patients et « l’insécurité judicaire » souvent dénoncée est loin d’être avérée.

C’est en effet oublier la capacité qu’ont les assureurs de peser sur le fond du dossier. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus des trois-quarts des réclamations de RCM

sont clôturées sans indemnisation ; plus de la moitié des décisions de justice exonèrent l’établissement ou le professionnel de santé ; seuls 20 % des avis CCI retiennent une responsabilité à l’encontre des professionnels ou des établissements de santé.

Une bonne partie de ces résultats tient au fait que de nombreux patients s’estiment victimes d’un accident médical par manque d’explications. Prendre la peine d’expliquer l’origine du dommage, si besoin en diligentant une expertise amiable, conduit bien souvent à éteindre purement et simplement la réclamation. C’est dire encore l’importance que joue le réseau des médecins conseils de l’assureur.

Ce réseau joue encore un rôle crucial lorsque le litige fait l’objet d’une expertise ordonnée par une juridiction ou décidée par une CCI. Il convient de disposer de nombreux spécialistes (afin pour le moins de défendre un ORL par un médecin conseil lui-même ORL), voire d’hyper spécialistes (dans le domaine de la cancérologie, des infections notamment).

Les avocats, lorsqu’ils sont spécialistes en droit médical et rompus aux expertises, peuvent également jouer un rôle décisif. Ils permettent notamment, lors de l’expertise, de recadrer les experts afin qu’ils répondent précisément aux questions qui leur sont posées. Une fois le rapport d’expertise déposé, leur rôle est tout simplement déterminant.

Une expertise doit se préparer, elle ne s’improvise pas. Car l’essentiel du litige se joue lors de l’expertise. Une expertise défavorable nécessitera en effet le déploiement de nombreux efforts aux résultats incertains : rédaction d’un rapport critique (si possible par un expert reconnu), demande d’une nouvelle expertise, refus d’un avis CCI, appel d’une décision de justice…

Bien sûr, pour les sinistres où la responsabilité ne fait aucun doute (et il en existe !), il est inutile de se défendre. Il faut transiger, le plus vite possible, le mieux possible. Cette transaction peut cependant présenter bien des difficultés, car sur ce terrain aussi rien n’est définitivement balisé, tout est là aussi discutable.

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L’objet de l’indemnisation versée par l’assureur à la victime est de réparer intégralement son préjudice. Cette réparation intégrale ne pose pas de problèmes particuliers pour les préjudices économiques : la réparation se réalise par un équilibre exact entre, d’une part, la valeur des pertes subies et des gains manqués, et d’autre part, le montant de l’indemnité. Le principe de réparation intégrale devient beaucoup plus utopique, voire un non-sens, pour les préjudices personnels ou extrapatrimoniaux : l’argent ne répare rien réellement mais confère à la victime une indemnisation satisfactoire.

Cette indemnisation satisfactoire pose le problème de la mesure. Quelle est la valeur monétaire d’une surdité, d’une cécité, d’une paralysie ? Pour un préjudice extrapatrimonial donné, à quel niveau d’indemnisation la victime se trouvera-t-elle satisfaite ? L’équilibre rompu sera-t-il exactement rétabli à 1 000€, 10 000€, 100 000€, ou plus ? Finalement, nul ne sait quel est le juste prix. Et à défaut de normes partagées, tout est possible et notamment la recherche indéfinie et illimitée du toujours plus.

Le seul référentiel indemnitaire publié est celui de l’Oniam. Ce référentiel n’est qu’indicatif, et laisse la possibilité à chaque juridiction de disposer de ses propres chiffres (non publiés). Ceci aboutit inévitablement à des disparités très importantes selon les régions.

En effet, l’édiction d’un référentiel indemnitaire opposable se heurte au principe de l’individualisation des préjudices. Mais l’analyse de la jurisprudence et notamment celle des juridictions de première instance révèle que ces référentiels existent et que chaque cour d’appel a le sien ! Ce qui empêche réellement l’adoption officielle d’un référentiel indemnitaire trouve sa cause ailleurs : l’accepter, c’est subordonner l’indemnité à l’évaluation médicale et nier le pouvoir souverain des juges. Cette subordination semble inacceptable dans la tradition juridique française.

Une autre difficulté réside dans l’absence de nomenclatures officielles de postes de préjudices. Certes la nomenclature dite Dintilhac tend à s’imposer devant les juridictions civiles, sans pour autant rester exhaustive. La réparation intégrale n’obéit en effet à aucun cadre susceptible de s’imposer aux parties et au juge. Chacun peut encore librement inventer un poste de préjudice (récemment le préjudice fonctionnel d’agrément, le préjudice d’impréparation…).

Le juge administratif, quant à lui, persiste à maintenir

sa singularité en identifiant seulement six postes de

préjudices (contre une vingtaine pour les juges civils).

Ces postes de préjudices englobent plus ou moins les

postes définis par la nomenclature Dintilhac, mais

obéissent à des règles propres. Cette distorsion des

règles conduit également à des inégalités : un préjudice

subi à l’hôpital ou en clinique ne sera pas indemnisé de

façon équivalente.

À titre d’exemple dans deux dossiers de responsabilité

civile :

Patiente de 56 ans. Retard de prise en charge d’un

phlegmon péri-amygdalien évoluant vers une

médiastinite. Perte de chance évaluée à 90 %.

Déficits temporaires = 3 130 €

Préjudice esthétique = 3 250 €

Prétium doloris = 10 500 €

Déficit fonctionnel permanent = 4 500 €

Créances des tiers payeurs (25 jours de

réanimation notamment) = 105 118 €

Préjudice professionnel = 35 900 €

Indemnisation totale = 146 158,20 €

Patiente de 31 ans sous Néomercazole présentant une

agranulacytose. Retard d’un diagnostic d’une cellulite

de la face évoluant vers un choc septique mortel.

Imputabilité totale.

Préjudices d’affection = 85 000 €

Préjudices économiques = 153 000 €

Prétium doloris = 36 500 €

Créances des tiers payeurs = 46 380 €

Indemnisation totale = 320 880 €

La responsabilité médicale reste encore un territoire

complexe, toujours en évolution, jamais figé. Médecins

et juristes trouvent ici un espace de rencontre,

nécessitant d’intriquer leurs savoirs, d’inventer un

langage commun. Les assureurs, au carrefour de

ces deux mondes, ont choisi leur camp : ils doivent

permettre aux professionnels de santé de mener leur

exercice en toute sérénité.

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L’éthique du médecin-conseilDr Jacques Grison

ORL-CCF, médecin conseil, Paris

L’assistant technique médical d’une société d’assurance, avec une facilité déconcertante, adjuge un taux qui d’un bras, qui d’un œil ou d’une oreille, selon le barème indicatif d’évaluation des taux d’incapacité en droit commun, pèse les membres et les fonctions, voire les vies, de façon mécanique tel Moloch, transformant la chair en monnaie sonnante et trébuchante dans notre « Metropolis ».

Fort heureusement nous ne sommes pas en 2026, le seul problème est l’Humain avec sa dignité et sa dimension morale. Cet humain qui est le Médecin, pivot lexical entre l’Éthique et le Conseil, est connaissance et doute médical, entre philosophie morale et questionnement juridique.

L’Éthique n’est pas uniquement la déontologie, faite de devoirs, de règles, de conseils, trop réductrice. L’éthique, disons-le simplement, est au plus profond de nous ce que nous pouvons donner de meilleur dans ce qui nous occupe pour autrui. L’éthique possède un caractère dynamique et réflexif ; elle est un mouvement de retour de la conscience sur elle-même pour tenter de définir de la manière la plus adéquate ce qui doit être pour chacun son rapport avec l’autre. Elle reste une discipline purement philosophique traversée par différentes tensions au cours des siècles dont les deux piliers complémentaires restent et la recherche de la connaissance et la recherche de la justice dans ses rapports avec les autres hommes. Dans ces deux domaines la raison est à l’œuvre. Dans la recherche de la connaissance, la science se préoccupe du général, l’éthique du particulier. Lorsque nous sommes confrontés à une situation précise – et nous ne sommes jamais confrontés à deux situations identiques, principe des indiscernables de Leibniz – il faut non seulement déterminer le principe de la règle que l’on doit appliquer dans l’action mais ensuite savoir l’adapter à la particularité de ce que l’on doit juger. C’est pourquoi, si la justice est la vertu principale, la qualité fondamentale qu’il faut développer pour y parvenir est la prudence, c’est-à-dire la capacité de délibérer sur des choses particulières afin de trouver le juste milieu, la juste mesure, permettant d’agir

de manière adaptée. Cette capacité de délibérer s’épaule sur le doute, peut-être signe de notre fragilité mais qui est aussi ce qui aiguise notre responsabilité, nous incitant en permanence à la réflexion et à l’interrogation, nous évitant ainsi de prendre mécaniquement des décisions. Raison, connaissance, général, particulier, règle, particularité, juger, justice, délibérer, doute, et autrui, l’autre, toujours l’autre : tous les éléments sont réunis pour que le Médecin Conseil d’assurance détermine les séquelles affectant les victimes blessées de la vie ou d’un acte médical permettant une offre d’indemnisation.

Le médecin-conseil, soumis comme tout médecin à l’éthique hippocratique, base du principe de bienveillance dont le serment – que nous avons tous prononcé au moins une fois – rappelle que le patient confie au médecin sa vie, son corps et ses secrets en conservant toute son autonomie grâce à l’information et au consentement éclairé dont le défaut est à l’origine de la majorité des contentieux entre médecins et patients.

Le médecin-conseil est aussi soumis au devoir de compétence comme ses autres confrères qui se doivent de délivrer des actes consciencieux et conformes aux règles de l’art et aux dernières données acquises de la science, deuxième source de contentieux dans la responsabilité professionnelle.

La connaissance est aussi basée sur le concept de la normalité qui, selon Canguilhem, présente deux axes. Une norme quantitative et objectivable en termes de fréquence et statistique, norme descriptive et factuelle, base de nos barèmes d’évaluation. Une norme qualitative et d’ordre axiologique, prescriptive, principe positif d’appréciation d’un idéal recherché, norme estimée et valorisée à la base de la réflexion de nos juristes et toujours évolutive, source de la nomenclature Dintilhac.

Le normal et le pathologique ne se distinguent pas seulement par le plus et le moins mais encore par l’autre, résumés de façon lapidaire et brillante par Canguilhem : « C’est la vie qui est l’idée qui permet de ressaisir le concept de la norme ».

« Il n’existe pas une seule règle morale pour laquelle on ne soit justifié à exiger une raison »John Locke

« La valeur est dans le Vivant »Georges Canguilhem

Points de vue

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Situation nouvelle ou menaçante, la blessure permet d’inventer de nouvelles normes et de lutter contre ce qui nuit à la vie permettant de créer une nouvelle altérité de la vie sur les trois niveaux organique, existentiel et social. Il faut dans l’écoute, dans l’explication des faits, dans l’évaluation des séquelles, dans l’indemnisation, aider la victime limitée dans sa capacité d’innovations et d’adaptations, à révéler sa capacité à surmonter ou vivre avec cette blessure. Cette blessure, handicap, est une autre manière d’être au monde et par là même, une nouvelle dignité objet de respect. Ricœur nous rappelle : « Est normale la conduite capable de satisfaire aux critères sociaux de vivre

ensemble », ce critère étant celui de l’autonomie.

Le rôle du médecin-conseil de l’assurance, par le biais de l’évaluation et de l’indemnisation, est de permettre à la victime de ne pas rester au stade de la diminution, de l’altération, mais de se vivre autrement.

Pour passer de la bienveillance à la bienfaisance, il faut que la compétence du médecin puisse s’exprimer en toute objectivité, indépendance et impartialité. En sus, le médecin-conseil, pour paraphraser Habermas, a les « compétences spécifiques de prendre les décisions qui

engagent la collectivité ».

Amplifon fête ses 65 ans

Fêtons cet anniversaire ensemble !

65 ans d’expertise auditive au service des personnes malentendantes

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Quoi de neuf en ORL ?Dr Isabelle de Gaudemar, Phnom Penh, Cambodge

Intérêt de la Wii-rééducation dans les troubles de l’équilibre chez les patients parkinsoniens : une approche ludique

http://neuroscoop.net/index.php?pageID=dossier_dispatch&id_dossier=123&id_article=5ca7c9cd14ed54783c8757d84fb5f77b&from=dossier&mi

dn=7353&nuid=2de8db471644b301e374636555e6b703

Les troubles de l’équilibre chez les patients atteints d’une maladie de Parkinson avancée répondent peu aux traitements dopaminergiques classiques, ainsi qu’à la kinésithérapie. Les auteurs proposent une forme de rééducation accessible à un grand nombre de patients, à domicile, et sous une forme ludique (donc motivante).

Ils ont mis en place un protocole rééducatif utilisant la plate-forme Wii Fit. Trois jeux d’équilibre ont été utilisés : reprise de la tête, jeu de billes et ski.

Ce protocole a significativement amélioré l’équilibre chez 10 parkinsoniens sans effet indésirable notable (chutes ou syndromes vestibulaires).

Toutefois ces résultats sont à valider avec un plus grand nombre de patients et un groupe contrôle. De même la facilité d’utilisation chez ces patients présentant des troubles cognitifs reste à être confirmée.

Signily, les emojis pour malentendants

http://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/2015/08/08/32001-20150808ARTFIG00004-signily-les-emojis-pour-malentendants.php

La plupart des personnes malentendantes utilisent SMS et emails pour communiquer, mais il semblerait que le texte soit incapable de traduire efficacement 100 % du vocabulaire de la langue des signes américaine (ASL pour American Sign Language). L’alternative était de se filmer en train de signer mais alors sans pouvoir utiliser les deux mains.

L’application Signily, développée par l'association américaine ASLized, permet depuis peu d'intégrer au clavier d'un iPhone les gestes de l’ASL, moyennant 0,99 $. Signily est pour le moment seulement disponible sur iOS. Figure 1

On peut voir les maladies cardiovasculaires dans le lobe de l'oreille

http://www.lepoint.fr/editos-du-point/anne-jeanblanc/on-peut-voir-les-maladies-cardiovasculaires-dans-le-lobe-de-l-

oreille-20-07-2015-1950057_57.php

Le risque de maladie cardiovasculaire peut être évalué en étudiant les stries du lobule de l’oreille ou signe de Frank. Figure 2 Ce pli, décrit la première fois en 1973, est provoqué par une désorganisation des fibres élastiques et un épaississement des artérioles provoquant une ischémie chronique locale du lobe de l’oreille. Mais aucun travail scientifique n’avait prouvé cette relation jusqu’à cette étude américaine, parue dans le Journal international de médecine (JIM). À partir de 2 000 oreilles photographiées chez 1 000 patients, les lobules ont été classés en fonction des caractéristiques des stries : inclinaison, longueur, profondeur, localisation uni ou bilatérale.

Un signe de Frank bilatéral était présent chez 43 % des patients ayant eu des problèmes cardiovasculaires, et seulement 29 % des patients du groupe contrôle.

Figure 1 : Les emoji pour malentendants

Figure 2 Signe de Frank

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Phot

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Les médecins allemands incitent à arrêter totalement l’éolien

http://www.economiematin.fr/news-eolienne-scandale-sante-allemagne-interdiction-eolien

Une alerte vient d’être lancée par l’assemblée des médecins allemands, réunis en congrès à Frankfort du 12 au 15 mai 2015, au sujet de l’impact néfaste sur la santé de l’implantation d’éoliennes à proximité des habitations. Elle attire l’attention notamment sur les risques liés à l’émission de basses fréquences et infrasons. Les effets de ces fréquences inférieures à 1 000 Hz se propagent sur une distance de 10 km. Leur émission est constante même en l’absence de rotation des pales, sous la seule vibration solidienne générée par le mat. Ces fréquences agiraient sur les otolithes de l’oreille interne entraînant migraines, nausées, vertige…

Dans ses mesures, la France ne prend en compte étonnamment que les fréquences à partir de 125 Hz (code de santé publique). Au Danemark la législation a été renforcée et prend en compte les fréquences émises à partir de 10 Hz.

L’académie de Médecine française préconisait un éloignement de 1 500 mètres entre les habitations et les éoliennes mais, depuis 2006, face aux nouvelles données, elle a réclamé une étude épidémiologique.

Toutefois, les députés français ont voté pour une réduction de cette distance à 500 mètres en mai dernier.

Trop de bruit pourrait augmenter le tour de taille

http://www.leparisien.fr/laparisienne/sante/trop-de-bruit-pourrait-augmenter-le-tour-de-taille-26-05-2015-4804205.php

À chaque augmentation sonore de 5 dB, les habitants de Stockholm en Suède soumis au bruit ont vu leur tour de taille augmenter de 0,21 cm.

Entre 2002 et 2006, des analyses de niveau sonore ont été réalisées au domicile de 5 075 personnes dans la banlieue de Stockholm. Ces mêmes volontaires ont été soumis à un questionnaire médical. L’exposition aux bruits quelle qu’en soit l’origine, accroissait le risque (plus particulièrement chez la femme) de voir augmenter son tour de taille. Cette accumulation de graisse pourrait être due à la sécrétion d’hormones du stress, principalement le cortisol, produit en quantité d’autant plus grande que le niveau sonore est élevé.

Céphalée de tension : une histoire de trapèze

http://www.egora.fr/actus-medicales/196924-cephalee-de-tension-une-affaire-de-trapeze

La physiopathologie des céphalées de tension n’est pas clairement élucidée mais l’hypothèse d’un dysfonctionnement des muscles du cou se trouve renforcée par cette étude. En étudiant le positionnement du cou par rapport aux axes horizontaux et verticaux ainsi que la force des muscles extenseurs et fléchisseurs du cou, les auteurs ont démontré qu’une faiblesse musculaire au niveau des extenseurs du cou avec comme conséquence une tête penchée en avant, entraînait des céphalées de tension. Le trapèze semble être le muscle le plus incriminé et les auteurs de ce travail ont engagé 60 patients dans un programme de renforcement musculaire ciblé sur ce muscle impliqué non seulement dans l’extension du cou mais aussi dans l’abduction de l’épaule.

Il se fait pousser une oreille connectée sur le bras

http://www.egora.fr/sante-societe/insolite/200210-il-se-fait-pousser-une-oreille-connectee-sur-le-bras

L’artiste australien Stelarc, professeur à l’université Curtin de Perth, s’est fait implanté sur l’avant-bras une oreille il y a12 ans. Le corps est pour Stelarc le lieu d'expérimentations souvent radicales. Il est l’objet de performances d'art corporel dans lesquelles il mêle le corps biologique à des composants électroniques ou robotiques.

Il s’est fait insérer une structure en biopolymère dans le bras, cet organe fait partie de son corps ; il souhaite désormais y faire insérer un microphone miniature connecté à Internet qui enregistrerait les bruits ambiants de même qu’un GPS qui permettrait aux internautes de suivre ses mouvements. Avoir une oreille supplémentaire représente pour lui une sorte de progression naturelle d’un corps devenu obsolète. Figure 3

Phot

o N

ina

Sella

rs

Figure 3 Extra Ear, 2006.

Page 32: LE JOURNAL ORL - amplifon.com

32

Sixième conférence O.R.Elles

Dr Martine François, Service ORL, Hôpital Robert Debré, Paris

1 – Paralysies récurrentielles

1.1 – Chez l’enfant

Dr Magali Marro (ORL, Bordeaux)

Les paralysies laryngées chez l’enfant sont la deuxième cause de stridor, après la laryngomalacie. Les formes bilatérales se manifestent par une gêne respiratoire et des difficultés à l’alimentation, d’où un retard pondéral. Les formes unilatérales peuvent provoquer une dysphonie. Le diagnostic repose sur la nasofibroscopie, mais pour éliminer une ankylose, il faut aussi réaliser une laryngoscopie directe afin de vérifier la mobilité des aryténoïdes. Les formes bilatérales sont le plus souvent congénitales, isolées ou associées à une pathologie du tronc cérébral, une myasthénie, etc. Les formes unilatérales sont le plus souvent iatrogènes (chirurgie cardiaque).

Dans les paralysies congénitales, du fait de la possibilité d’une récupération spontanée, il est important de se donner un temps d’observation, éventuellement avec une ventilation non invasive (VNI) ou une trachéotomie d’attente, avant d’envisager des traitements chirurgicaux plus ou moins sophistiqués.

1.2 – Chez l’adulte

Dr Camille Finck (ORL, Liège)

Chez l’adulte, la plupart des paralysies récurrentielles sont acquises, suite à une intervention chirurgicale sur la thyroïde ou le médiastin. La dysphonie des paralysies unilatérales peut s’améliorer avec la rééducation orthophonique. Si le résultat est insuffisant, des interventions chirurgicales – pour augmenter le volume de la corde paralysée ou la médialiser –, sont envisageables, toujours encadrées d’une rééducation orthophonique.

2 - Malformations associées aux surdités

2.1 - UCOPAL ou comment s'y retrouver dans les

surdités syndromiques

Dr Nathalie Noël-Pétroff (ORL, Paris)

Les enfants sourds rencontrés en consultation ORL spécialisée, et encore plus suivis dans les centres spécialisés, sont souvent atteints de poly-pathologies, qu’elles soient d’origine acquise ou génétique. La pathologie de ces enfants peut être bien connue (maladies génétiques identifiées : trisomie 21, délétion 22q11, syndrome CHARGE…), relever d’une maladie orpheline, ou être la résultante de complications successives d’une infection congénitale à cytomégalovirus, d’une drépanocytose, d’une méningite, etc.

Le Dr Nathalie Noël-Pétroff a eu l’idée de visualiser l’ensemble des symptômes dans un tableau organisé, sur une seule page : le tableau UCOPAL [1] : U = « Unité de l’enveloppe extérieure », C = « Cérébral », O = « Œil/Oreille/naso ET Oropharynx », P = « Poumons », A = « Abdomen », L = « locomotion ». Ce tableau facilite ainsi la lecture d’un dossier médical et son utilisation, tout comme il permet de rappeler les différents organes à surveiller par tel ou tel spécialiste, en cas d’atteintes multiples (figure 2.1 et 2.2).

Le sixième rendez-vous des Femmes O.R.Elles s’est déroulé à Bruxelles les 6 et 7 juin 2015 sous la présidence du Dr Martine François (hôpital Robert Debré, Paris) et du Pr Anne-Laure Mansbach (Hôpital des Enfants Reine Fabiola, Bruxelles). Lors de ces rencontres, qui se démarquent des congrès médicaux classiques, ne sont évoqués ni chiffres, ni statistiques, ni cas rarissimes, pour privilégier les échanges sur les pratiques pour des affections courantes tant en France que dans les autres pays européens (cette année la Belgique). Avec une autre particularité : tous les participants, orateurs et auditeurs, appartiennent à la gente féminine. Au fil des rencontres, il apparaît en effet que l’exercice de l’ORL par des femmes présente quelques spécificités.

Page 33: LE JOURNAL ORL - amplifon.com

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Figure 2.1 : Tableau UCOPAL d’un enfant drépanocytaire

Figure 2.2 : Tableau UCOPAL d’un enfant ayant une tubulopathie d’Albright

L AXE MEMBRES EXTREM

U FACE PEAU POIDS TAILLE

C VEGET SENS MOT COGNITIF RELATION

Epilepsie partielleLésions ischémiques

de hémisphère G

Hémiparésie droite (droitière)

Crises de douleurs par accidents vasculaires

Absence de langage oral (mutique) ; expression

signéeParticipation centrale ??

O OEIL AUDITION OROPHARYNX

Ex normal en 2011

Surdité totale bilatérale acquise suite à méningite à l’âge de 2 ans ; appareillée

à 6 ans ; aucun gain

POUMON COEUR ENDOCRINO SANG IMMUNO

EFR normales (écho cœur normale)

Drépanocytose homozygote type SS (sans déficit de G6PD) ; anémie chronique

Complications vasculaires du fait de la drépanocytose

TD GLANDES REIN OGI/OGE/SEINS

Hépatomégalie modéréeHyperéchogénicité des médullaires rénalesMicroalbuminurie et protéinurie surveillée

L AXE MEMBRES EXTREM

U FACE PEAU POIDS TAILLE

C VEGET SENS MOT COGNITIF RELATION

Epilepsie partielleLésions ischémiques

de hémisphère G

Hémiparésie droite (droitière)

Crises de douleurs par accidents vasculaires

Absence de langage oral (mutique) ; expression

signéeParticipation centrale ??

O OEIL AUDITION OROPHARYNX

Ex normal en 2011

Surdité totale bilatérale acquise suite à méningite à l’âge de 2 ans ; appareillée

à 6 ans ; aucun gain

POUMON COEUR ENDOCRINO SANG IMMUNO

EFR normales (écho cœur normale)

Drépanocytose homozygote type SS (sans déficit de G6PD) ; anémie chronique

Complications vasculaires du fait de la drépanocytose

TD GLANDES REIN OGI/OGE/SEINS

Hépatomégalie modéréeHyperéchogénicité des médullaires rénalesMicroalbuminurie et protéinurie surveillée

Référence : 1 – Noël-Pétroff N. Cent syndromes ORL avec surdité, présentés en tableaux organisés UCOPAL. EDP Sciences, Paris 2014, 194 pages.

2.2 – Diagnostic génétique

NGS based test in DNA diagnostics for hearing loss

Dr Manou Sommen (Généticienne, Anvers)

Dans l’état actuel des connaissances, deux tiers des surdités sont reconnues comme d’origine génétique. Le diagnostic génétique permet de répondre aux questions des parents sur l’origine de la surdité de leur enfant, d’apprécier le risque de détérioration de l’audition – en particulier après traumatisme crânien ou administration d’aminosides–, ou encore d’informer les parents sur le risque de malentendance lors d’une future grossesse. Mais la surdité est une pathologie très hétérogène, tant sur le plan du phénotype que du

génotype (il y a plus de 90 gènes connus dont la mutation est responsable d’une surdité isolée non syndromique). Le NGS (next generation sequencing) peut révéler des mutations rares ou de nouveaux variants. Le problème est ensuite de corréler les variants découverts lors de ces examens en laboratoire avec les phénotypes observés.

3 - Le système FM : pourquoi ? Pour qui ? Quand ? Comment ?Virginie Klinck (Audioprothésiste, Bruxelles)

Laura Fauquier (Audioprothésiste, Marseille)

L'intelligibilité d'un enfant malentendant est bien plus affectée par les perturbations extérieures (mauvaise acoustique des

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34

salles, bruit de fond, locuteur distant ou tournant le dos…) que ne l'est celle d'un normo-entendant. La comparaison des audiométries vocales dans le silence et dans le bruit le met bien en évidence. Les systèmes à modulation de fréquence (FM) améliorent l’intelligibilité de la parole en environnement bruyant : à l’école, mais aussi lors des activités sportives, dans les réunions de famille, en voiture.... L’émetteur peut être un microphone posé sur la table du locuteur ou agrafé à ses vêtements, mais aussi, pour les adolescents, un micro directionnel posé sur la table du malentendant, s’il n’est pas trop loin du locuteur. Le récepteur peut être dans un sabot intégré ou clipsé sur la prothèse auditive, ou, pour les adolescents, dans une oreillette I sense ou Amigo star ou bien encore dans un boîtier porté en pendentif communicant avec la prothèse via une boucle d’induction T (figure 3). En France (comme en Belgique), la Sécurité sociale et la mutuelle n’interviennent pas dans le remboursement des systèmes FM, considérés comme des accessoires. Il est nécessaire de passer par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées).

4 – L’appareillage des surdités unilatéralesAnne Doyen (ORL, Bruxelles)

Corinne Essebag (Audioprothésiste, Paris)

Si une surdité unilatérale a peu de conséquence dans le calme, les performances sont plus altérées dans le bruit que pour un sujet normo-entendant, et ce de manière variable d’un patient à l’autre. Chez l’adulte, cela peut avoir des conséquences sur la vie professionnelle. Chez l’enfant, une surdité unilatérale augmente d’environ 15 % le risque de redoublement par rapport aux enfants normo-entendants. Il est donc important de faire préciser la gêne occasionnée par le patient et de lui faire réaliser un essai prothétique dans son environnement habituel. Si l’audition résiduelle est encore exploitable, avec un maximum d’intelligibilité supérieur à 80 %, la solution sera

un appareillage conventionnel de l’oreille atteinte. Mais si le maximum d’intelligibilité est inférieur à 50 %, notamment en cas de cophose ou de surdité sévère-profonde, l’appareillage sera controlatéral par un système BAHA Cros (figure 4.1) ou Cros WiFi (figure 4.2). Enfin, si la meilleure oreille est hypo-acousique, le son transmis sera aussi amplifié : système BiCros WiFi.

5 – Implants cochléaires chez l’enfant

5.1 – Cas particuliers

Pr Anne-Laure Mansbach (ORL, Bruxelles)

L’existence d’une malformation de la cochlée ou d’un nerf cochléaire hypoplasique (figure 5.1) – ce qui n’est pas exceptionnel en cas de surdité de perception profonde–, assombrit le pronostic d’une implantation cochléaire, mais ne la contre-indique pas formellement. En effet, après implantation, certains enfants arrivent à converser sans l’appui de la lecture labiale avec leurs proches. En cas de neuropathie auditive – qui se traduit par des scores d’intelligibilité faibles–, avec OEP présentes et PEA plats, et dans le cas où les prothèses auditives et les systèmes FM ne

Figure 3 : Un système à modulation de fréquence (FM) comporte un émetteur FM et un amplificateur/récepteur FM.

Figure 4.1 : BAHA Cros : la BAHA est implantée du côté cophotique, le son capté par le microphone est transmis par voie transcrânienne sur l’autre oreille.

Figure 4.2 : Système Cros : le son est récupéré par le microphone placé dans un intra ou sur un contour du côté cophosé et ramené sur un appa-reil intra ou contour placé sur l’oreille entendante.

1

Récepteurs intégrés (sabot)

iSense ou amigo star

Récepteurs via boucle d’induction T

ce teur etteur

rei e co hoti ue rei e e te da te

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permettent pas de progrès de langage et de compréhension, une implantation cochléaire peut être envisagée.

5.2 – Implant cochléaire bilatéral

Dr Geneviève Lina Granade (ORL, Lyon)

Les enfants sourds sévères et profonds qui ont reçu un implant cochléaire à un jeune âge peuvent maintenant bénéficier de l’implantation de la deuxième oreille, malgré un délai de plusieurs années entre les deux opérations. Nous avons étudié la perception de la parole avec le deuxième implant, chez 52 enfants pour qui l’intervalle entre les deux implants était supérieur à trois ans et atteignait 13 ans au maximum. La plupart des jeunes obtiennent une perception de la parole de plus de 50 % des mots en liste ouverte. Cette perception est d’autant meilleure que l’intervalle entre les deux implants est court, que l’appareil auditif classique a été porté de façon continue jusqu’à la 2e implantation, quels que soient les restes auditifs, et que le nombre d’électrodes insérées est élevé. Seuls trois jeunes, qui avaient abandonné leur appareil controlatéral dès la première implantation, n’obtiennent pas de bénéfice significatif du deuxième implant. Cette étude incite donc à faire porter l’appareil auditif controlatéral chez les enfants ayant reçu un seul implant, dans la perspective de l’implantation de la deuxième oreille.

6 - Prise en charge des enfants sourdsDr Chantal Ligny (ORL, Bruxelles), Dr Anne Rivron (ORL, INJS Chambéry) et Dr Joëlle Troussier (ORL, CAMSP Grenoble)

Immédiatement après avoir annoncé à des parents que leur enfant est malentendant, il faut leur expliquer quelles peuvent être les modalités de prise en charge. Celles-ci dépendent certes du degré de la surdité et de l’âge de l’enfant, mais aussi de la situation de son domicile, des souhaits des parents...

Certaines démarches administratives sont à faire d’emblée : demande de prise en charge à 100 % auprès de la Sécurité sociale qui couvrira les soins relatifs à la surdité (appareillage, orthophonie) – à l’exception des consultations de psychomotricité en libéral et des entretiens avec un psychologue –, réalisation du dossier auprès de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) pour l’obtention d’une aide financière (AES ou allocation d’éducation spéciale) et enfin suivi et organisation de la scolarité.

Sur le territoire français, la prise en charge pour les enfants d’âge préscolaire peut être faite :

• en libéral,

• dans des structures médicosociales : CAMSP (Centres d’action médicosociale précoce) pour les enfants de 0 à 6 ans, sans accord de la MDPH, et SAFEP (services d’accompagnement familial et d’éducation précoce) pour déficience auditive ou visuelle de 0 à 3 ans, après accord de la MDPH.

La scolarité (figure 6.1) se fait en intégration à chaque fois que cela est possible, éventuellement complétée par le service de

soutien à l’éducation familiale et à l’insertion scolaire (SSEFIS). Une classe d’intégration à petit effectif (CLIS, ULIS) s’avère parfois nécessaire. Il existe également des institutions spécialisées pour malentendants, et des instituts médico-éducatifs (IME) pour les enfants atteints de handicaps associés lourds. En Belgique, prothèses auditives et implants cochléaires sont gérés au niveau fédéral, alors que la prise en charge (orthophonie, scolarité…) est gérée au niveau régional, avec des réévaluations fréquentes (les allocations sont stoppées par exemple en cas d’implantation cochléaire bilatérale).

7 - CMV et surditéNatacha Teissier (ORL, Paris), Ingeborg Dhooge et Julie Goderis (ORL, Gand)

Le suivi longitudinal d’une cohorte d’enfants a montré que près de 1 % des nouveau-nés présentent une infection congénitale à CMV, symptomatique à la naissance dans 10 % des cas. Deux tiers des enfants symptomatiques et 10 % des enfants asymptomatiques vont développer une surdité. En effet, la surdité n’est pas toujours congénitale. Elle peut être

Figure 5.1: IRM montrant à droite (a) et à gauche (b) des nerfs facial et vestibulaire supérieur normaux, (c) l’absence de nerf cochléaire à droite et un nerf cochléaire hypoplasique à gauche.

Figure 6.1: Scolarisation des enfants malentendants en France.

Institutions

spécialisées

SSEFIS (SES) Maternelle – primaire collège - lycée

CLIS et ULIS Maternelle – Primaire – collège - lycée

Classes spécialisées - Programme Education Nationale - adaptées

libre Intégration scolaire

Éducation nationale « spécialisé »

IME

JO 25 - Expertise - Lemonde - ORELLES fig 6.1.pdf 1 25/09/2015 14:50

Page 36: LE JOURNAL ORL - amplifon.com

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progressive ou fluctuante. In fine, elle devient sévère ou profonde. Elle est bilatérale dans plus de 70 % des cas chez les enfants symptomatiques, et dans 43 % chez les enfants asymptomatiques.

Sur un modèle murin, il a été démontré que l’évolution des lésions cochléaires est indépendante de l’infection systémique car le labyrinthe est un milieu clos, ce qui explique l’absence de corrélation entre la charge virale et la surdité chez les enfants infectés. Le mécanisme de l’atteinte cochléaire serait une dérégulation du recyclage du potassium au niveau de la stria vascularis et de la membrane de Reissner, avec à terme une dégénérescence des cellules sensorielles de l’organe de Corti.

Des essais de traitement antiviral au cours des premiers mois de vie sont en cours chez les enfants souffrant d’une surdité due au CMV.

8 – Vertiges chez l’adulteDr Sylvie Imbaud Genyes (ORL, Paris)

Dr Isabelle Bodson (ORL, Liège)

La déhiscence du canal semi-circulaire supérieur (CSCs), décrite par Miror en 1998, est rare, mais doit être connue car son traitement est spécifique. Les symptômes qui amènent à consulter sont une baisse d’audition avec autophonie et des vertiges. Le diagnostic peut être suspecté à la manœuvre de Hennebert (compression du tragus) ou avec un Valsalva nez pincé, qui provoquent un nystagmus torsionnel vertical avec la phase rapide du nystagmus qui bat vers le bas et dans le sens de l’oreille atteinte. La manœuvre de Valsalva à glotte fermée provoque un nystagmus inverse. Le scanner des rochers en coupes fines avec reconstructions dans le plan du CSCS montre la déhiscence (figure 8). La distinction avec

une paroi fine est difficile sur le scanner, mais la présence de potentiels évoqués sacculo-colliques myogéniques avec des seuils abaissés et l’élévation du ratio potentiel de sommation/potentiel d’action sur l’électrocochléographie confirment la déhiscence. Le traitement médicamenteux par bétahistine ou acétazolamide peut améliorer les symptômes. Le traitement étiologique est chirurgical : oblitération de la fenêtre ronde ou plugging du canal semi-circulaire.

9 – Imagerie des surdités de perception de l’enfantDr Isabelle Delpierre (radiologue, Bruxelles)

Dr Monique Elmaleh-Bergès (radiologue, Paris)

La détection par l’imagerie de malformations ou d’anomalies des oreilles, de la base du crâne et de l’encéphale participe au diagnostic étiologique des surdités de perception génétiques ou acquises par la visualisation de certains aspects pathognomoniques ou très évocateurs.

Le scanner permet d’étudier le contenant. Il permet de repérer une anomalie de forme ou de taille de la cochlée, un nombre de tours insuffisant, une anomalie du modiolus, ou un canal du nerf cochléaire trop étroit (� 1,7 mm). Il peut montrer des malformations des canaux semi-circulaires et du vestibule qui peuvent être absents, hypoplasiques ou au contraire trop larges, et faire suspecter une dilatation du sac endolymphatique.

L’IRM permet d’analyser le contenu, c'est-à-dire le labyrinthe membraneux et les nerfs cochléovestibulaires. C’est l’IRM qui montre une fibrose post-méningitique, avant qu’il n’y ait une ossification du labyrinthe, et qui prouve une hypoplasie du nerf cochléaire suspectée sur un canal du nerf cochléaire trop étroit sur le scanner (figures 9.1 et 9.2). Elle doit toujours être associée à une analyse des coupes cérébrales pour la recherche de lésions évocatrices d’une infection à CMV par exemple.

10 – Évaluation des troubles de l’oralité et de la déglutition chez l’enfantLe point de vue de l’ORL (Dr Catherine Blanchet, ORL, Montpellier) et de l’orthophoniste (Michèle Georges, orthophoniste, Bruxelles)

L’oralité est un système très complexe qui fait intervenir plusieurs modalités sensorielles (tact, goût, olfaction) et plusieurs centres de commandes nerveuses au niveau du tronc cérébral et du cortex, auxquels s’ajoutent une régulation neuro-hormonale et le problème complexe de l’émotion et du désir, gérés par le système limbique.

Il faut différencier les troubles de la succion (mauvaise congruence des lèvres autour du mamelon ou de la tétine, tétée trop lente, endormissement au cours des biberons) des troubles de la déglutition (nausées, régurgitations, reflux nasal des liquides, toux, fausses routes, encombrement pharyngé, bavage), tous deux aboutissant à un apport nutritif insuffisant.

Référence : Goderis J, De Leenheer E, Smets K, Van Hoecke H, Keymeulen A, Dhooge I. Hearing loss and congenital CMV infection: a systematic review. Pediatrics.

2014;134:972-82.

Figure 8 : Scanner des rochers en coupe coronale retrouvant une déhis-cence du canal semi circulaire supérieur droit.

Page 37: LE JOURNAL ORL - amplifon.com

37

Chez les enfants plus âgés, il peut apparaître des problèmes de maturation et de praxies avec des difficultés de mastication et de déglutition des morceaux.

Une consultation multidisciplinaire des troubles de la succion-déglutition est organisée à Montpellier. Après recueil de l’anamnèse, l’enfant est examiné par une orthophoniste puis par un ORL avec un examen nasofibroscopique à vide. En fonction de ces premiers examens, seront demandés une consultation auprès d’un neurologue, une endoscopie sous anesthésie générale et un radio cinéma de la déglutition

(figure 10.1). Dans l’expérience de M. George, ce dernier n’est demandé que dans 30 % des cas.

11 – Nutrition et cancers des voies aérodigestives supérieures

Dr Sabrina Delhalle (ORL, Seraing)

Dr Sophie Deneuve (ORL, Lyon)

Les patients souffrant d’un cancer des voies aérodigestives supérieures (VADS) sont souvent dénutris au moment du diagnostic, d’une part à cause de leur intoxication alcoolique +/- tabagique, d’autre part parce que la localisation tumorale entraîne précocement et de manière insidieuse une altération de la déglutition. À cela se rajoutent les effets de la chirurgie et de la radio-chimiothérapie qui ne facilitent pas l’alimentation. Or, la dénutrition a un impact négatif sur la survie. Il est donc important, avant tout traitement, d’évaluer l’état nutritionnel du patient. Le poids est un mauvais indicateur car un patient obèse peut avoir le même poids qu’un patient très musclé, alors qu’il est parfois dénutri. Il faudrait faire des coupes scannographiques axiales de l’abdomen et mesurer les surfaces musculaire et de tissu adipeux. En l’absence de cet examen, l’état nutritionnel est apprécié sur le chiffrage des apports nutritionnels, l’indice de masse corporelle (IMC) (poids en kg/taille en mètres au carré), et les variations récentes de poids. Un IMC � 18,5 – ou < 21 chez un sujet âgé de plus de 70 ans–, une perte de poids récente d’au moins 10 % et une albuminémie < 30 g/L (avec CRP normale) sont des indices de dénutrition. Il faut alors proposer des compléments alimentaires, voire une nutrition entérale.

Figure 9.1 : Coupe tomodensitométrique montrant une hypoplasie du canal du nerf cochléaire droit qui ne mesure que 1,1 mm (normal entre 2,12 et 2,2 mm).

Figure 10.1 : Organisation de la consultation multidisciplinaire des troubles de la succion-déglutition de l’enfant.

Figure 9.2 : Coupe IRM des conduits auditifs interne montrant l’absence à droite de nerf cochléaire.

droit gauche

droit gauche

Interrogatoire des parents

Bilan orthophonique préliminaire

Examen clinique ORLNasofibroscopie (à vide)

Troubles neurologiquesAtteinte respiratoire

Fausses routes salivaires majeures

STOP !!

Radio cinéma

Doute sur une pathologie laryngo-trachéale-

oesophagienne

Endoscopie sous AGRadiocinéma TDM

Nasofibroscopie au cours d’unessai alimentaire

Examen Neuro, respiration, anatomie favorables

Bilan orthophoniquemastication / déglutition

Observation repas

Page 38: LE JOURNAL ORL - amplifon.com

Un peu de divertissement : Les mots croisés de l'expertise ! Par le Professeur Bruno Frachet

38

HORIZONTALEMENT1D : Elle peut donner lieu à une pension.

2N : Dans l’obtention du consentement, l’information doit l’être.

6H : Elle vise à corriger.

8A : Quand elle est là, il n’y a plus qu’à réparer les préjudices temporaires ; en droit ce serait la consolidation.

8N : Pour les victimes d’accidents médicaux, l’office est là.

11G : On y discute uniquement la réparation indemnitaire.

13I : Feuille de route de l’expert.

14P : C’est embarrassant…

15D : Il est en face du défenseur.

16M : C’est ce qui manque…

17B : Sont colligés dans un paragraphe du rapport qui fait partie aussi de toute observation médicale.

19A : Juridiction où cela se gâte pour le praticien.

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S

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Page 39: LE JOURNAL ORL - amplifon.com

VERTICALEMENTA3 : Adjectif d'une conséquence néfaste

sur l'état de santé d'un patient après une action ordonnée ou réalisée par un praticien.

B14 : Si elle n’est pas partielle…

C4 : C’est le beau en expertise.

E3 : Épreuve qui ne doit pas être invasive en expertise.

G1 : Complication qui est par définition imprévisible.

G7 : L’hôpital est un endroit dangereux : la preuve !

I1 : C'est l'arrêt de travail.

J4 : Le fait d’attribuer des conséquences à une action.

L1 : Si elle n’est pas définitive…

N12 : Médecin qui vous aide lors de l’expertise, blessé ou praticien.

O1 : Qui répond à un besoin.

Q5 : État d'une personne qui se trouve empêchée totalement ou partiellement d'accomplir certains actes.

Q16 : Créées par la loi Kouchner, ce dispositif, autrefois dans les régions, permet un règlement amiable et l'indemnisation des victimes d'accidents médicaux, d'affections iatrogènes et d'infections nosocomiales.

S1 : Préjudice qui n'est pas forcément le fort de l'ORL…

S9 : Préjudice fixé par le juge mais décrit le plus précisément possible par l'expert.

39

Page 40: LE JOURNAL ORL - amplifon.com

Solutions

40

A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S

1 R I I N V A L I D I T E F F S

2 L A T T E L O Y A L E

3 I F E T M N X

4 A E O A I P C U

5 T S N M O T I E

6 R T C R E P A R A T I O N L

7 O C H T N U A O C

8 G U E R I S O N T I O N I A M

9 E T O S A R N P A

10 N I N O B E E A G

11 E Q N C I V I L L C R

12 U E O L C I E

13 E L M M I S S I O N T M

14 T L I T N G E N E

15 O D E M A N D E U R S N

16 T L E D E F I C I T

17 A N T E C E D E N T S M I R

18 L E S L C

19 P E N A L I

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À renvoyer par courrier : Amplifon 22 av. Aristide Briand - 94110 Arcueil à l'attention de Liliane Fontanini, par fax au 01 49 85 40 11 ou mail : [email protected] Donnez du son à la vie™

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Imagerie en ORL - actualisation des données Pr. C. VINCENT - Pr. D. CHEVALIER - Dr. F. DUBRULLE, Dr. P. FAYOUX et Dr. G. MORTUAIRE Jeudi 5 Novembre 2015 à Lille

Audiométrie enfant/adulte Dr. N. LOUNDON et Dr. D. BOUCCARA Samedi 21 Novembre 2015 à Paris

Otospongiose : du diagnostic à la prise en charge Prof. D. AYACHE Samedi 28 Novembre 2015 à Paris

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