Le jeudi 17 mars 1994 · 2019. 12. 20. · VOLUME 133 NUMÉRO 039 1ère SESSION 35e LÉGISLATURE Le...

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VOLUME 133 NUMÉRO 039 1 ère SESSION 35 e LÉGISLATURE Le jeudi 17 mars 1994 Présidence de l’honorable Gilbert Parent

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  • VOLUME 133 NUMÉRO 039 1ère SESSION 35e LÉGISLATURE

    Le jeudi 17 mars 1994

    Présidence de l’honorable Gilbert Parent

  • CHAMBRE DES COMMUNES

    Le jeudi 17 mars 1994

    La séance est ouverte à 10 heures.

    _______________

    Prière

    _______________

    AFFAIRES COURANTES

    [Français]

    LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

    EXAMEN DE LA RÉGLEMENTATION

    M. Ghislain Lebel (Chambly): Monsieur le Président, j’ail’honneur de présenter le premier rapport du Comité mixtepermanent de l’examen de la réglementation. Si la Chambredonne son consentement, j’ai l’intention d’en proposerl’adoption plus tard aujourd’hui.

    (1005)

    Monsieur le Président, j’aimerais proposer que le premierrapport, présenté à cette Chambre aujourd’hui, soit adopté.

    (La motion est adoptée.)

    (1010)

    [Traduction]

    M. Nunziata: Monsieur le Président, j’invoque le Règlement.J’avais l’intention de déposer un projet de loi d’initiativeparlementaire mais je suis arrivé en retard à la Chambre. Jedemande le consentement unanime de la Chambre afin de revenirau dépôt de projets de loi d’initiative parlementaire.

    Le vice–président: Y a–t–il consentement unanime pour quenous revenions au dépôt de projets de loi d’initiativeparlementaire?

    Des voix: D’accord.

    * * *

    LE CODE CRIMINEL

    M. John Nunziata (York–Sud—Weston) demande àprésenter le projet de loi C–226, Loi modifiant le Code criminel.

    —Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir présenterun projet de loi d’initiative parlementaire. Les députés saventque les individus reconnus coupables de meurtre au premierdegré sont condamnés à une peine d’emprisonnement àperpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant 25ans et que ceux qui sont reconnus coupables de meurtre au second

    degré sont passibles de l’emprisonnement à perpétuité sanspossibilité de libération conditionnelle avant au moins 15 ans.

    En vertu de l’article 745 du Code criminel du Canada, cespersonnes peuvent demander que soit réduit à quinze ans le délaipréalable à leur admissibilité à la libération conditionnelle.

    Le projet de loi que je dépose aujourd’hui vise à abrogerl’article 745 du Code criminel, de sorte que les personnescondamnées pour meurtre au premier degré au Canada seraienttenues, en vertu de la loi, de purger au moins 25 ansd’emprisonnement et que ceux qui seraient condamnés pourmeurtre au second degré devraient purger intégralement la peineimposée par le tribunal.

    Je suis heureux de constater que le ministre de la Justice setrouve à la Chambre aujourd’hui et je l’exhorte à prendre ausérieux le projet de loi que je dépose aujourd’hui. Le ministresait qu’un nombre important de demandes ont été faites depuisquelques années et que 75 p. 100 d’entre elles ont été acceptées.En fait, lorsqu’un individu commet un meurtre au premier degréau Canada, cela ne signifie plus qu’il devra nécessairementpurger une peine minimale de 25 ans d’emprisonnement.

    J’exhorte les députés à appuyer ce projet de loi.

    (Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour lapremière fois et l’impression en est ordonnée.)

    * * *

    PÉTITIONS

    LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

    M. Ronald J. Duhamel (Saint–Boniface): Monsieur lePrésident, les pétitionnaires font valoir que la Loi canadienne surla santé vise à faire en sorte que les programmes de santé soientuniversels, transférables, accessibles et administrés par uneautorité publique.

    Les signataires font valoir que la Loi canadienne sur la santé,ou si vous voulez le régime d’assurance–maladie, constitue unélément fondamental, un principe de l’identité canadienne. Lespétitionnaires demandent que la Loi canadienne sur la santé soitinscrite dans la Constitution canadienne.

    [Français]

    LA SOCIÉTÉ CANADIENNE DES POSTES

    M. Raymond Lavigne (Verdun—Saint–Paul): Monsieur lePrésident, je me fais un devoir de déposer en Chambre unepétition signée par plus de 2 500 de mes commettants et je mejoins à eux dans cette demande de garder opérationnel le bureaude poste de Verdun.

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  • DÉBATS DES COMMUNES 17 mars 1994

    Le bureau de poste est un endroit où on voit le drapeau duCanada flotter avec fierté et où les gens qui s’y rendent sereconnaissent comme Canadiens, ce qui est essentiel de nosjours.

    * * *

    [Traduction]

    LE CODE CRIMINEL

    M. John Nunziata (York–Sud—Weston): Monsieur lePrésident, je reviens à la charge à propos de l’article 745. Lesdéputés savent que j’ai présenté à la Chambre un grand nombrede pétitions signées par des Canadiens qui demandent augouvernement d’abroger l’article 745. Je dépose aujourd’hui uneautre pétition qui porte des centaines de signatures.

    Voici ce que dit la pétition. Nous, soussignés, citoyenscanadiens, attirons l’attention de la Chambre sur ce qui suit. Lesprévenus reconnus coupables de meurtre au premier degré sontcondamnés à l’emprisonnement à vie, sans possibilité delibération conditionnelle pendant 25 ans; ceux qui sont jugéscoupables de meurtre au deuxième degré peuvent êtrecondamnés à une peine de 15 ans sans possibilité de libérationconditionnelle. Or, l’article 745 du Code criminel permet auxmeurtriers de demander une réduction de la durée de leurdétention même s’ils ont été jugés et condamnés par un tribunaljudiciaire, qui a fixé leur sentence. Les personnes condamnées àla prison à vie pour meurtre au premier ou au deuxième degrésont admissibles à une libération conditionnelle après seulement15 ans de détention, aux termes de l’article 745 du Codecriminel. Par conséquent, les pétitionnaires demandent auParlement de légiférer pour abroger cet article du Code criminel.

    (1015)

    Je dois signaler que cet article permettrait à des criminelsnotoires comme Clifford Olson de demander leur libération dansmoins de deux ans.

    LA LOI SUR L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE

    M. Pat O’Brien (London—Middlesex): Monsieur lePrésident, les signataires de cette pétition signalent que latransformation d’oléoducs en gazoducs présente un certainnombre de risques pour les propriétaires fonciers.

    Les pétitionnaires courent un risque environnemental. Ilsdoivent engager des frais importants pour assister et participeraux audiences de l’Office national de l’énergie. La loi régissantcet organisme ne prévoit pas, contrairement aux loisprovinciales, d’octroi de subventions ni d’adjudication desdépens aux propriétaires fonciers qui interviennent dans laprocédure.

    C’est pourquoi les pétitionnaires exhortent le Parlement àpresser le gouvernement fédéral de modifier immédiatement laLoi sur l’Office national de l’énergie afin de donner à cetorganisme le pouvoir d’accorder des subventions et d’adjugerdes dépens aux propriétaires fonciers qui interviennent dans lesdélibérations de l’office sur des questions d’intérêt publicportant sur la construction et l’exploitation de pipelines.

    Cette pétition est signée par une centaine d’habitants de macirconscription et de deux circonscriptions voisines.

    * * *

    QUESTIONS AU FEUILLETON

    M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader dugouvernement à la Chambre des communes): Monsieur lePrésident, je demande que les autres questions restent auFeuilleton.

    Le Président: Les autres questions restent–elles auFeuilleton?

    Des voix: D’accord.

    * * *

    QUESTION DE PRIVILÈGE

    L’EMPLOI DE CERTAINS TERMES

    Mme Marlene Catterall (secrétaire parlementaire duprésident du Conseil du Trésor): Monsieur le Président, jevoudrais simplement formuler quelques observations au sujet durapport qui vient d’être consigné au compte rendu par lesservices du greffier et soulever la question de privilègerelativement à l’emploi de certains termes à la Chambre,notamment celui de «président» utilisé dans le rapport.

    Nous essayons depuis un certain temps déjà dans cetteenceinte d’utiliser des termes applicables également auxhommes et aux femmes et je crois que l’emploi de motsmasculins de cette façon diminue mon rôle à la Chambre et celuide toutes les autres députées. Cela nuit à ma capacité d’être priseau sérieux dans cette enceinte et de m’acquitter de mes fonctionsen tant que parlementaire.

    Je n’ai pas l’intention de faire une longue déclaration, mais jevoudrais faire valoir quelques points. En employant des termesmasculins, on donne aux députés masculins un statut qu’onrefuse aux femmes siégeant dans cette enceinte. Je sais bien quede nombreux députés jugent peut–être que c’est là l’usagetraditionnel de ces termes et je les comprends. C’est ainsi qu’onen est venu à penser que certains emplois dans la sociétérevenaient aux hommes et d’autres aux femmes, ce qui a retardépendant de nombreuses années l’arrivée d’un plus grand nombrede femmes à des postes de décision dans notre société.

    Nous pouvons tous dire de façon rationnelle que nous savonsexactement ce qu’on entend par le mot «président». Il ne désignepas nécessairement un homme. Cependant, cela vient renforcerles perceptions bien ancrées dans notre société selon lesquellesles postes de responsabilité reviennent aux hommes. Il se peutque nous puissions justifier l’utilisation de ces termes enaffirmant que ce n’est pas là leur signification.

    Toutefois, nous vivons dans une société où, de ce fait, lespetits garçons et les petites filles grandissent en ayant unecertaine perception de leur place dans la société. Je pense qu’entant que Parlement du Canada, il n’est pas digne de notre part demaintenir cette vision des choses.

    Privilège

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  • DÉBATS DES COMMUNES17 mars 1994

    (1020)

    Je reviens donc à mon point initial, c’est–à–dire que l’emploide termes de ce genre m’empêche d’être traitée sur le même piedque mes collègues masculins dans cette enceinte. Je vous invitedonc, monsieur le Président, à prendre en considération cettequestion de privilège et à déterminer les mesures que nousdevons prendre pour nous assurer d’employer des termesneutres.

    M. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell):Monsieur le Président, le point qui a été soulevé est certainementvalable et intéressant, mais je ne crois pas que le député qui adéposé le rapport en question ait fait quoi que ce soitd’antiparlementaire. En fait, notre Règlement actuel est formuléde cette façon.

    J’invite la Chambre à se reporter à la page 5 de l’index de notreRèglement, où un certain nombre de titres de postes sonténumérés. On peut y lire, par exemple, «Ordre et décorum,Président, maintien; Voir aussi Président des comités pléniers»,ainsi de suite.

    Notre Règlement est actuellement rédigé de cette façon. Si laChambre croit que le Règlement doit être modifié sur ce point, jesuis sûr que notre Comité permanent de la procédure se fera unplaisir de remettre cet usage en question, si une demande lui estprésentée à cette fin. Évidemment, il faut tenir compte du fait quela Chambre a déjà renvoyé toute une série d’autres points à notrecomité, pour étude. Cependant, en tant que membre de ce comité,je ne m’opposerais pas à réexaminer cet usage.

    Pour conclure, je ne crois pas que le député qui a fait cetteobservation ait porté atteinte au privilège d’autres députés. C’estplutôt le Règlement qui est rédigé ainsi. C’est peut–être un pointqu’il vaudrait la peine de réexaminer en temps opportun.

    Mme Val Meredith (Surrey—White Rock—SouthLangley): Monsieur le Président, ça me dérange que la Chambretente de contrôler l’emploi que je fais du mot président dans mesinterventions. Je trouve qu’en anglais, je devrais pouvoir utiliserà ma guise les mots que je juge appropriés, que ce soitchairperson, chairman ou chairwoman.

    Mme Catterall: Monsieur le Président, je vous ai demandéd’examiner cette question. Je ne veux pas que vous limitiez votreexamen à la présentation des rapports, et je ne veux pas que lesobservations du député de Glengarry—Prescott—Russelllimitent l’examen que vous ferez de cette question de privilège.Je crois que votre étude devrait porter sur le libellé des projets deloi soumis à la Chambre et sur plusieurs autres choses.

    À titre individuel, les députés sont évidemment libres dechoisir les termes qu’ils préfèrent. Personnellement, la questionde privilège que j’ai soulevée porte sur le fonctionnementgénéral de la Chambre et sur les documents officiels que nousdevons utiliser.

    Le vice–président: Je vais étudier la question. Avant derendre une décision, je chercherai à en aviser les trois députés quiont pris la parole aujourd’hui.

    INITIATIVES MINISTÉRIELLES

    [Traduction]

    LES CRÉDITS

    JOUR DÉSIGNÉ—LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE

    Mme Val Meredith (Surrey—White Rock—SouthLangley) propose:

    Que la Chambre condamne le gouvernement pour son inaction en ce qui touche à laréforme du système de justice pénale et en particulier pour avoir permis que les droitsdes criminels passent avant ceux des victimes.

    —Monsieur le Président, bien que ce soit pour moi unprivilège de lancer le débat en cette enceinte, je trouveregrettable que ce soit pour condamner le gouvernement de nepas avoir introduit de mesures législatives protégeant les droitsdes victimes.

    Depuis des années, le système de justice pénale est organisé defaçon à protéger les droits des criminels. Notre systèmejudiciaire a été édifié en fonction des criminels, dès l’instant oùils sont arrêtés jusqu’à celui où leur peine prend fin. Dansl’ensemble, on ne s’occupe guère des victimes. Si ce Parlement al’intention de protéger la société, il va falloir qu’il reconnaisse etcodifie les droits des victimes.

    (1025)

    En toute honnêteté, je dois dire que certains progrès mineursont déjà été faits à cet égard. On tient maintenant compte, dansune certaine mesure, des déclarations des victimes, mais engénéral les tribunaux n’y attachent qu’une importancesecondaire et donnent la prééminence aux criminels.

    C’est ce qui a été démontré lors de l’audience de Greg Fischer,qui a eu lieu au mois de janvier de cette année, conformément àl’article 745. Il y a seize ans, Brian King, agent de la GRC, étaitkidnappé et assassiné près de Saskatoon. Les deux assassinsavaient comme seul motif le désir de tuer un policier. En janvier1979, Fischer fut condamné à la prison à vie, sans aucunepossibilité de libération avant 25 ans.

    À l’audience pour déterminer si Fischer avait le droit dedemander une libération conditionnelle anticipée, on a beaucoupfait valoir à quel point il s’était amélioré au cours de son séjourde 15 ans en prison. Le sort de la famille King durant ces 15années semblait n’avoir aucune importance. La famille King n’apas été autorisée à s’adresser au tribunal. Il est temps de donneraux victimes de crimes un statut légal devant les tribunaux et lorsdes audiences de libérations conditionnelles.

    Il y a bien sûr d’autres progrès forts valables, par exemple lacréation dans les services policiers de programmes d’aide auxvictimes, mais ce sont là des mesures partielles. Desprogrammes comme ceux–là doivent habituellement comptersur du personnel bénévole.

    N’est–il pas ironique de voir que les criminels reçoivent desavis juridiques de professionnels, des thérapies de psychologuesprofessionnels, de l’enseignement général ou une formationprofessionnelle aux frais des contribuables alors que les victimesde crimes doivent compter sur des bénévoles de leur collectivitéou sur des groupes de soutien bénévoles pour obtenir l’aide dontelles ont besoin pour assumer le traumatisme causé par lecomportement des criminels?

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    Les activités criminelles coûtent cher à tous les membres de lasociété, qu’ils soient ou non les victimes directes du crime. Il estpeut–être facile de voir les blessures d’une victime d’agression,mais on semble oublier que c’est le contribuable canadien quipaye pour le traitement médical de cette victime. De même, laperte d’une victime de vol d’auto ou d’autres biens est évidente,mais tout le monde paye pour ces actes criminels, par letruchement des primes d’assurance plus élevées.

    Chaque année, les automobilistes se plaignent del’augmentation constante de leurs primes d’assurance. Au coursdes cinq dernières années, les primes ont grimpé beaucoup plusrapidement que le taux d’inflation. Le vandalisme, le vol d’autoset les fraudes sont responsables d’une partie importante desprimes que doit payer chaque automobiliste. Non seulement lesconducteurs canadiens subventionnent les activités criminelles,en notre qualité de simples consommateurs, nous devons aussi enpayer le prix.

    Un peu partout au pays, les détaillants perdent des millions dedollars chaque année à cause des vols à l’étalage et des volscommis par leurs employés. Ces pertes sont transmises auxconsommateurs sous forme de prix plus élevés. Les gensd’affaires au Canada sont aux prises avec ces problèmes et ilarrive même que certains doivent se retirer à cause de lacriminalité. En effet, des exploitants de dépanneurs et de postesd’essence situés dans des quartiers où le taux de criminalité estélevé ne trouvent pas de compagnies disposées à les assurer, oualors ils doivent acquitter des primes irréalistes. Il est honteux depenser que des entreprises rentables doivent fermer leurs portes àcause de la criminalité.

    Quelle est la solution? Il faut d’abord faire payer les criminels.Un verdict de culpabilité devrait automatiquements’accompagner d’une restitution à la victime ou à la compagnied’assurance.

    Les coûts du crime pour la société ne s’arrêtent pas à ceux qu’ilimpose directement aux victimes. Les coûts de tout notre régimede justice pénale sont énormes. Le maintien de l’ordre,l’administration de la justice, l’application des peines et deslibérations conditionnelles entraînent des coûts qui serépartissent sur les trois paliers de gouvernement. Pris ensemble,ils sont exorbitants. L’époque étant aux compressionsfinancières, de nombreux gouvernements recourent au principede l’utilisateur–payeur. Or, il est temps d’appliquer ce principedans le cas du système de justice pénale: il faut faire payer lecriminel.

    Si le gouvernement entend vraiment renforcer les lois pourmieux protéger la société, il doit admettre les deux principessuivants: d’une part, la protection de la société est plusimportante que les droits du criminel et, d’autre part, les droitsd’une victime viennent avant ceux d’un criminel.

    (1030)

    Ces principes doivent guider l’élaboration de toute nouvellemesure législative en matière criminelle ou de toutemodification apportée aux lois existantes. Autrement, tout effortpour lutter contre le crime et la violence est voué à l’échec. Les

    problèmes de criminalité qu’affronte notre société aujourd’huine sont pas dus à l’absence de lois. Ils découlent d’un principevoulant que les droits du criminel passent en premier.

    La Charte des droits et libertés a tragiquement fait pencher labalance en faveur du contrevenant. Les gens de robe ont créé uneindustrie en invoquant la Charte pour défendre les causescriminelles. Cette industrie est peut–être rentable pour eux, maiselle a fait bien peu pour protéger les droits et la sécurité de lasociété. De nos jours, des criminels sont régulièrement acquittésà cause de détails techniques soulevés par des avocats quiinvoquent la Charte. Comment cela protège–t–il le Canadienordinaire?

    En fait, la Charte donne une plus grande marge de manoeuvreaux criminels. Récemment, les tribunaux ont interdit le recours àdes méthodes policières non menaçantes comme lesenregistrements approuvés par une partie et le fait d’installer unpolicier banalisé dans la cellule d’un contrevenant. Cesdécisions et beaucoup d’autres du même genre facilitent leschoses pour les criminels, mais pas pour les policiers. Elles setrouvent à accorder une protection constitutionnelle aux droitsdes criminels et peu ou prou de protection à la société dans sonensemble.

    La Charte des droits garantit aussi aux Canadiens le droit devivre, libres et en sécurité. Et pourtant, tous les jours, desCanadiens sont lésés dans ce droit par les éléments criminels denotre société.

    Les Canadiens ordinaires méritent qu’on protège leurs droitsplus que ceux des criminels. Les victimes de la criminalitéméritent aussi qu’on tienne compte de leurs droits. Il faudrapeut–être modifier éventuellement la Constitution, mais nousdevons établir clairement que, lorsque les droits des victimes etceux des criminels entrent directement en conflit, les premiersdoivent avoir la préséance.

    La majorité des Canadiens conviendra, je crois, que lescriminels devraient se voir privés d’une partie de leurs droitslorsqu’ils sont reconnus coupables d’un crime. Tous lessondages montrent que les Canadiens se sentent moins ensécurité qu’auparavant dans leurs localités. Il faut faire en sortede modifier cette perception. Il faut que les Canadiens soientbien assurés que leur protection est la principale priorité de notresystème de justice pénale.

    La critique est facile, mais l’art est difficile. Comme toujours,mon parti est prêt à proposer une solution de rechangeconstructive. Tout d’abord, il faut adopter une loi qui donne auxvictimes de la criminalité une capacité juridique au cours desprocès et des audiences de libération conditionnelle.

    Cela n’empièterait en rien sur les droits des criminels, maispermettrait au tribunal d’avoir une bonne idée des répercussionsqu’ont les activités criminelles sur leurs victimes. J’ose croireque, dans bien des cas et surtout dans le cas des jeunescontrevenants, il serait bénéfique pour les accusés d’entendre ceque leurs gestes ont eu comme répercussions. Même dans un casaussi simple qu’une entrée par effraction, on devrait obliger lecontrevenant à entendre de la bouche de la victime ce que songeste a pu avoir de violent. Les criminels qui ont encore uneconscience reconnaîtront peut–être avoir causé du tort à

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    quelqu’un, pour qui il ne s’agit pas seulement de réclamer à sonassureur la valeur des biens volés.

    Dans les crimes plus graves, il importe que les juges et lesjurés entendent de la bouche de la victime toute la douleur et lasouffrance dont les membres de sa famille et elle–même ontsouffert.

    Certains diront peut–être que cela se fait déjà mais, même siles déclarations des victimes sur les répercussions du crime nesont plus chose rare, elles sont encore à la discrétion du tribunal.

    Il faut adopter une loi qui donne à la victime le droit d’êtrepartie au procès et, aussi, aux audiences de libérationconditionnelle. À l’heure actuelle, la victime peut assister à cesaudiences, mais sa participation, si participation il y a, est à ladiscrétion de la Commission des libérations conditionnelles. Lesmembres de la commission doivent savoir comment le criminels’est comporté au cours de sa détention, mais ils devraient aussientendre ce que son geste a fait vivre à sa victime.

    (1035)

    La deuxième initiative que nous recommandons à la Chambrede prendre, c’est d’adopter une loi rendant le contrevenantcivilement responsable de son acte criminel. Dès lacondamnation du malfaiteur, une ordonnance dedédommagement devrait être émise contre lui. Le contrevenantdevrait dédommager dans la pleine mesure de ses moyens lepréjudice subi par la victime.

    Évidemment, dans certains cas, le coupable ne sera pas enmesure de dédommager pleinement sa victime. Toutefois, s’il esttenu de verser une proportion de son revenu en guise dedédommagement, cela servirait à lui rappeler constammentl’acte criminel qu’il a commis.

    Même si une personne doit purger une peine dans unétablissement correctionnel où elle ne touche qu’un revenuminime, elle devrait quand même renoncer à une partie de sonsalaire afin de verser un dédommagement symbolique.Qu’importe que le montant soit minime, il rappellera aucontrevenant sa responsabilité.

    À l’autre extrême, il y a ceux qui s’adonnent à des activitéscriminelles très lucratives, comme le trafic de la drogue et lescrimes commerciaux, pour n’en nommer que deux exemplesfrappants. Dans de tels cas, le dédommagement devrait allerau–delà de l’infraction pour laquelle les contrevenants ont étéreconnus coupables. Même s’il existe une loi régissant lesproduits de la criminalité, elle n’a pas obtenu les résultatsescomptés.

    Lorsque les trafiquants de drogue et autres criminels quivivent bien de leurs actes illicites sont reconnus coupables, ondevrait saisir les produits de leurs activités criminelles. Mêmes’il est quasiment impossible de dédommager le préjudice subipar toutes les victimes des grands narcotrafiquants, on devraitétablir une formule pour répartir les biens saisis entre lesorganismes d’application de la loi, les établissementscorrectionnels et un fonds d’indemnisation des victimes.

    Il suffirait de quelques bonnes saisies pour compenser lespertes subies par des victimes qui, autrement, auraient peu dechances d’obtenir un dédommagement quelconque.

    À long terme, le dédommagement obligatoire sous formed’indemnité vise deux objectifs importants. Premièrement, lavictime reçoit une indemnité financière. Si cela peut réduirequelque peu le tort qu’elle a subi, ce sera déjà bien.

    Deuxièmement, le dédommagement pourrait aiguiser le sensdes responsabilités des contrevenants. Si les criminels sontforcés à verser une part de leur revenu à leurs victimes, ilsfiniront peut–être par comprendre que le crime ne paie pas.

    En adoptant ces deux initiatives, on ferait un premier pasqu’on aurait dû faire il y a longtemps. Force nous est d’admettreaujourd’hui que le système de justice pénale doit officiellementreconnaître les victimes. Ces deux initiatives prouveraient à lapopulation canadienne que le Parlement canadien est disposé àapporter des changements fondamentaux au système.

    Il serait difficile pour un député de faire abstraction d’unepétition portant deux millions et demi de signatures. Lapopulation exige des changements et demande à être protégée.Quiconque, à la Chambre, ne tiendrait pas compte de cet appel leferait à ses risques et périls.

    J’éprouve beaucoup de respect et d’admiration pour desgroupes de victimes comme «Canadiens contre la violencepartout recommandant sa révocation», mais je trouve honteuxqu’il faille créer de tels groupes. Les dirigeants les plusremarquables de ces groupes sont immanquablement des parentsdont les enfants ont été victimes de crimes violents. Il esttragique que tant de parents se retrouvent dans cette situation.J’aimerais croire que nous, à la Chambre, pouvons prendre desmesures pour que leur nombre n’augmente plus au cours desannées à venir.

    Dans ma réplique au discours du Trône, j’ai dit que je m’étaisdéjà entretenue avec les parents de deux victimes de meurtre. J’aimaintenant parlé aux parents de trois victimes. Ce n’est pas plusfacile d’une fois à l’autre. Étant moi–même mère, je peuximaginer à quel point cela doit être dur de perdre un enfant. Ladouleur doit être encore plus vive lorsque l’enfant a été victimed’un meurtre.

    Nous devons prendre toutes les mesures possibles pour quemoins de parents éprouvent une telle douleur. Mes collèguesréformistes sont déterminés à réaliser une réforme du système dejustice qui porte fruit. Je dois dire que certains projets de loid’initiative parlementaire de députés ministérielsm’encouragent.

    J’espère que les députés de tous les partis s’uniront pouradopter une mesure législative protégeant la société comme elledoit l’être. J’imagine qu’il y a très peu de députés qui jugentnécessaire de prêter l’oreille au lobby des criminels. J’aimeraiscroire que la protection de la société est un but visé par tous lespartis. J’attends encore de voir le gouvernement prendre unengagement en ce sens.

    (1040)

    On nous a fait de vagues promesses de projets de loi sur laviolence contre les femmes et les enfants, mais les actes deviolence contre les femmes et les enfants, et contre les hommesaussi, sont déjà illégaux. Ce qu’il faut, c’est un changementd’attitude. Nous pourrions commencer par reconnaître les droitsdes victimes. Si le gouvernement refuse de reconnaître cesdroits, la société en déduira que les victimes doivent restercachées et muettes.

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  • DÉBATS DES COMMUNES 17 mars 1994

    Rien ne me ferait plus plaisir que de prendre la parole à laChambre pour féliciter le gouvernement d’avoir présenté unprojet de loi reconnaissant que les droits des victimesl’emportent sur les droits des criminels.

    Rien ne me permet cependant de croire que le gouvernementest disposé à proposer une telle mesure. C’est pourquoi jedemande aujourd’hui à la Chambre de condamner legouvernement pour son inaction en ce qui touche la réforme dusystème de justice pénale et, en particulier, pour avoir permisque les droits des criminels passent avant ceux des victimes.

    [Français]

    M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm): Monsieurle Président, j’ai écouté le discours de la députée avec beaucoupd’intérêt et plusieurs des points qu’elle a soulevés, selon moi,concernent des choses qui existent déjà. Cependant, la loi estappliquée par des hommes et des femmes, avec leur bagageintellectuel, avec leurs limites, avec leur façon d’agir ou decomprendre un problème, de telle façon qu’on n’a pasd’uniformité dans l’application de la loi. Comme plusieurs deschoses qu’elle a avancées existent déjà, il faudrait doncpeut–être faire de l’éducation et demander à la magistratured’appliquer uniformément la loi, mais je reviendrai sur ce pointlorsque je reprendrai la parole un peu plus tard.

    La question que j’aimerais poser à la députée a trait à ce quipourrait être fait, sur ce qu’elle a avancé et, entre autres, surl’espèce de dédommagement qu’elle a mentionné qu’on pourraitaccorder aux victimes.

    Si on examine le cas d’une personne qui est condamnée à laprison ou à quoi que ce soit, dans la plupart des cas, il s’agit degens qui reçoivent des prestations d’aide sociale ou qui ont eu letour de cacher leur avoir et qui n’ont aucun actif.

    Dans ces cas–là, est–ce qu’on va rétablir un emprisonnementpour une dette civile? Dans l’affirmative, est–ce que la députéene pense pas qu’on recule de deux siècles; et sinon, qui vadédommager la victime par rapport à ce qu’elle a avancé tantôt?

    [Traduction]

    Mme Meredith: Monsieur le Président, je crois que nousreconnaissons qu’il y a peut–être dans nos prisons des gens quine devraient pas y être, des gens qui sont là en raison de leursituation financière, qui n’avaient pas les moyens de se payer unbon avocat ou qui ont été poussés à commettre des crimesmineurs par leur situation financière. Nous devons reconnaîtrequ’il y a peut–être de meilleures façons de s’occuper du cas deces personnes que de les mettre en prison.

    Lorsque mes enfants brisent quelque chose, je m’attendsencore à ce qu’ils prennent une partie de leur allocation, pasnécessairement la totalité, mais une partie, pour réparer ce qu’ilsont brisé, ce qui leur fait prendre conscience du mal qu’ils ontfait.

    Si les gens qui gagnent un salaire minimum pour un travailqu’ils font en prison, devaient verser une partie de ce salaire àleur victime ou dans un fonds d’indemnisation des victimes, ilsauraient probablement toujours à l’esprit que ce qu’ils ont faitétait inacceptable. Il ne devrait pas nécessairement s’agir d’ungros montant, mais d’un montant suffisant pour leur rappelerque, en société, certaines choses se font et d’autres ne se font pas.

    Je crois qu’en exigeant cela, les auteurs d’actes criminelsseraient plus susceptibles de comprendre le message.

    (1045)

    L’hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureurgénéral du Canada): Monsieur le Président, je veux d’abordremercier la députée d’avoir présenté cette motion qui nousdonne l’occasion de débattre aujourd’hui, à la Chambre, un sujetfort important, soit le système de justice pénale du Canada et lesdiverses questions qui se posent relativement aux valeurs quenous essayons de promouvoir dans les tribunaux criminels.

    Je reconnais que ni le gouvernement ni moi–même, en tant queministre, n’avons le monopole de la sagesse et de la perspicacité.Nous sommes ouverts aux suggestions et écouteronsattentivement toutes celles qui seront faites aujourd’hui, à laChambre, par les députés de tous les partis.

    Je tiens également à dire clairement, dès le départ, que jerejette fondamentalement deux aspects de la motion présentéepar la députée. Premièrement, la députée accuse legouvernement d’inaction, et je parlerai dans quelques instantsdes mesures concrètes que nous comptons prendre.Deuxièmement, elle dit que les droits des criminels passentavant ceux des victimes dans notre société.

    La députée a laissé entendre qu’on aurait tendance à céder auxpressions venant des lobbyistes qui représentent les criminels, etle discours qu’elle a prononcé aujourd’hui porte à croire que cesont les criminels qui font la loi dans notre système de justicepénale et que les droits des victimes ne sont pas respectés.

    Que fait–on jour après jour dans les tribunaux criminels denotre pays? On poursuit les personnes accusées d’avoir commisdes actes criminels, et ces poursuites se font conformément auxvaleurs fondamentales de la société canadienne. Nous rejetons latorture comme moyen d’arracher des aveux. Nous rejetons lafraude comme moyen de présenter des preuves devant lestribunaux.

    Nous avons pour principe dans ce pays que, dans l’applicationde nos lois comme dans toute autre chose que fait legouvernement, il y a des normes de décence, d’intégrité etd’équité à respecter. Jour après jour, dans chaque tribunalcriminel du pays, l’État essaie de prouver la culpabilité del’accusé tout en respectant ces normes d’intégrité et d’équité.

    Depuis l’adoption de la Charte des droits et libertés, ceprocessus est devenu encore plus difficile, mais il reflète ce queles Canadiens attendent de leur système de justice pénale, soitque les gens ne seront pas accusés injustement, que seules les

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    preuves obtenues régulièrement seront présentées pour établir laculpabilité de l’accusé, que le principe du doute raisonnable seraappliqué au moment de décider si l’accusé doit être reconnucoupable ou non et qu’on tiendra compte de tous les critèrespertinents au moment de la détermination de la peine.

    Si on examine certaines causes en particulier, il est tout à faitpossible et même relativement facile de trouver des exemples decas où on n’a pas tenu compte, comme il se devait, des droits de lavictime ou encore où la peine imposée était disproportionnée à lagravité du crime.

    Nous ne devons pas interpréter cet attachement à l’intégrité età l’équité dans le système de justice comme voulant dire quel’État cède aux pressions venant des lobbyistes qui représententles criminels. C’est une description très injuste et inexacte de lasituation, et je la rejette d’emblée.

    Je voudrais aussi faire une mise en garde. Il ne faut pas fondernos critiques à l’égard de l’ensemble du système de justicepénale sur l’horreur que nous inspirent certains genres de crimes.Il ne faut pas oublier que 90 p. 100 de tous les crimes déclarés auCanada ne sont pas des crimes de violence et que, dans la plupartdes cas, il s’agit de crimes contre les biens. Je ne veux pas direque les crimes contre les biens ne sont pas graves, mais il y a desfaits qu’il faut savoir pour bien comprendre le contexte danslequel s’inscrit ce débat.

    En 1991, le taux d’homicide dans notre pays a été de 2,82 pour100 000 habitants. Aux États–Unis, il est quatre fois plus élevé.La proportion de crimes de violence impliquant des armes à feu adiminué au cours des dix dernières années. En 1975, on a utilisédes armes à feu dans 42 p. 100 des vols. En 1991, cette proportionn’a été que de 27 p. 100, ce qui prouve, à mon avis, l’efficacité denos lois sur le contrôle des armes à feu.

    En 1991, 59 000 infractions liées à la drogue ont étécommises au Canada, ce qui représente une baisse de 21 p. 100par rapport à 1981.

    (1050)

    Dans la décennie de 1982 à 1992, le taux de criminalité aaugmenté de 1,5 p. 100 en moyenne par année, ce qui, par rapportà tous les autres pays civilisés, représente une modesteaugmentation compte tenu de toutes les circonstances sociales etde tous les changements sociaux que nous avons connus auCanada.

    Il y a toujours trop d’actes criminels, mais j’invite la députéede même que tous les autres députés à la Chambre à maintenir cedébat dans le contexte des faits de l’expérience canadienne.

    Je vais maintenant passer aux mesures qui ont déjà été prises etque notre gouvernement est en train de prendre pour apporter lesaméliorations nécessaires au système de justice pénale. Notresystème n’est pas parfait. Il laisse à désirer, mais nous avonssincèrement l’intention de prendre des mesures pour l’améliorer.

    Je voudrais cependant parler auparavant de l’importancecroissante accordée ces dernières années à la place de la victimedans le système judiciaire, et de la sensibilité que le systèmemanifeste envers les victimes en s’acquittant de ses fonctionsdélicates.

    En 1988, le gouvernement fédéral et les gouvernementsprovinciaux et territoriaux ont approuvé une déclaration deprincipes fondamentaux de justice envers les victimes d’actescriminels. Ce document sert de guide à tous ces gouvernementsdans leurs relations avec les victimes.

    Plusieurs provinces, de concert avec le gouvernement fédéral,ont donné force de loi à ces principes. Le Code criminelcomporte maintenant un certain nombre de dispositions touchantles droits des victimes et prévoyant notamment l’identificationet la restitution rapide de biens volés; la protection de l’identitédes témoins ou des victimes dans le cas de certains délits, dontles délits sexuels et l’extorsion; l’imposition d’une suramendecompensatoire qui s’ajoute à une autre peine et qui devaitpermettre de recueillir 11 millions de dollars l’année dernière; etl’utilisation de la déclaration de la victime au moment duprononcé de la sentence. Ces mesures, parmi d’autres, ont faitque la victime est maintenant devenue le centre d’attention.

    Je ferai remarquer que lorsque le procureur de la Couronnevient exposer au tribunal la preuve contre l’accusé, il représenteévidemment les intérêts de l’État, mais il se trouve à défendreimplicitement les intérêts de la victime également dans laprésentation de la preuve et dans la poursuite.

    Qu’est–ce que notre gouvernement va faire pour améliorer lesystème de justice pénale au Canada? Nous reconnaissons que cesystème ne réussira pas à lui seul à remédier à la criminalité et àses conséquences au Canada. Nous reconnaissons que nousavons besoin à la fois d’un système de justice pénale efficace etd’une optique globale et intégrée de la part de tous les servicesgouvernementaux pour servir les objectifs de prévention de lacriminalité.

    Je ne parle pas ici de vagues promesses, comme la députée lelaisse entendre, mais de mesures concrètes. Je vais maintenantles aborder. Il s’agit tout d’abord de s’assurer que les loisexistantes sont efficaces et peuvent être appliquéesefficacement.

    Pour ce qui est de la la Loi sur les jeunes contrevenants, j’aidéjà dit clairement que nous avons l’intention de prendre deuxmesures. Premièrement, nous présenterons à court terme unprojet de loi proposant certaines modifications à la Loi sur lesjeunes contrevenants, modifications que nous considéronscomme des améliorations et qui prévoiront, entre autres, despeines maximales plus longues pour les crimes graves avecviolence, ainsi qu’un meilleur échange d’information sur lescontrevenants avec les commissions scolaires, les groupeslocaux et autres, si la sécurité des citoyens l’exige.

    Après ma rencontre de la semaine prochaine avec mescollègues et les ministres de la Justice de toutes les provinces etterritoires du Canada, je proposerai un projet de loi qui reflétera

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    la démarche du gouvernement à l’égard des modifications àapporter à court terme à la loi.

    Deuxièmement, je demanderai à la Chambre de renvoyer toutela loi à un comité du Parlement qui pourra faire un examenexhaustif de la Loi sur les jeunes contrevenants adoptée il y a dixans.

    Le comité pourra entendre à ce sujet l’opinion des Canadienset le témoignage de groupes de victimes, de policiers, decontrevenants, de criminologues, de sociologues et d’autrespersonnes qui parleront de leur expérience par rapport àl’application de la loi durant la dernière décennie. À mon avis, ilsdémontreront que la loi a été dans une large mesure un succès etqu’en principe, elle constitue la bonne méthode. Je suis certainque des améliorations s’imposent, mais je crois aussi que cetexercice confirmera le bien–fondé de la ligne de conduiteéclairée proposée par la Loi sur les jeunes contrevenants.

    En outre, le gouvernement proposera des modifications auCode criminel, relativement à la détermination de la peine, envue d’énoncer de nouveau les objectifs généraux de celle–ci, demettre l’accent sur les sanctions intermédiaires et d’insister surles dédommagements et les mesures non privatives de liberté; ilse penchera aussi sur le problème des contrevenants dangereux.

    (1055)

    Nous devons aussi examiner la partie 24 du Code criminel,afin de nous assurer que nous prenons les mesures les plusefficaces possibles à l’égard des personnes visées dans cettepartie et que nous nous occupons du problème des contrevenantsprésentant de grands risques, c’est–à–dire ceux dont la peined’emprisonnement tire à sa fin et qu’il n’est peut–être pasprudent de remettre en liberté.

    Le gouvernement présentera aussi à la Chambre une autreproposition concernant les souteneurs et le grave problème queposent, dans de nombreuses villes canadiennes, les individussans coeur qui exploitent sexuellement des enfants pour réaliserdes bénéfices commerciaux.

    Nous examinerons aussi le problème de la violence faite auxfemmes. Dans notre pays, la violence familiale est un fléaunational, notamment la violence faite aux femmes. Lesstatistiques rendues publiques ce matin confirment d’ailleurs lagravité et l’ampleur du problème. Nous veillerons à faire adopterà la Chambre des mesures législatives à ce sujet, notamment desdispositions plus sévères au sujet des engagements de garder lapaix auxquels les magistrats ont souvent recours en pareils cas, àprendre des mesures pour retirer le contrevenant du foyer et àfinancer les centres venant en aide aux conjoints victimes deviolence.

    Nous devrons aussi rendre le contrôle des armes à feu plusefficace, en prenant notamment des mesures pour empêcherl’importation illégale d’armes.

    Permettez–moi de parler brièvement du deuxième volet del’optique du gouvernement à l’égard du système de justicepénale. Il consiste à reconnaître que le ministère de la Justice nepeut à lui seul résoudre le problème de la criminalité et de sesconséquences sur la société canadienne.

    Le premier ministre m’a demandé de coordonner les effortsque déploient neuf ministères fédéraux pour résoudre leproblème de la violence dans l’ensemble de la sociétécanadienne. J’ai rencontré mes huit collègues pour commencerce travail, y compris la secrétaire d’État chargée de la Situationde la femme, la ministre de la Santé, le ministre des Affairesindiennes et du Nord canadien et le ministre du Patrimoinecanadien. Nous avons tous des responsabilités qui touchent auproblème de la violence dans la société canadienne.

    Nul doute que ce genre d’optique intégrée et globalecorrespond exactement à la recommandation du comité Horner,formé de députés de tous les partis, en faveur de l’élaborationd’une stratégie holistique pour traiter du crime.

    Il faut déterminer les causes du crime, le rôle de la pauvreté, del’intolérance sociale, le rôle de l’éclatement de la famille et de laviolence familiale elle–même. Il faut voir quel est le rôle desparents qui n’assument plus la responsabilité d’inculquer desvaleurs à leurs enfants, et reconnaître que la prévention du crimepasse parfois autant par le fait de donner un repas chaud à unenfant que d’envoyer un policier faire une ronde.

    Nous devons reconnaître aussi que le travail qu’effectue moncollègue le ministre du Développement des ressources humainespour moderniser nos programmes sociaux et les rendre plusefficaces a autant à voir avec la prévention du crime que lesystème de justice pénale lui–même.

    Je me suis entretenu, d’un bout à l’autre du pays, avec deschefs de police, des conseillers scolaires, des fonctionnairesmunicipaux, des parents inquiets et des adolescents troublés, desgroupes de victimes, des parents d’enfants assassinés et desgroupes communautaires comme la John Howard Society et laElizabeth Fry Society.

    J’en suis venu à la conclusion qu’il y a énormémentd’enthousiasme aux niveaux local et communautaire au Canadaen faveur de la prévention du crime et de la suppression descauses des comportements dont il est question à la Chambreaujourd’hui.

    En discutant avec ces gens–là à Moncton et à Fredericton, àOttawa, dans ma circonscription, Etobicoke, de même qu’àEdmonton et à Vancouver, j’ai constaté qu’au sein des servicesde police, des groupes communautaires et des parents, il y avaitbeaucoup d’énergie à exploiter. Des initiatives sont maintenantprises au niveau local et nombre d’entre elles sont couronnées desuccès.

    À Edmonton, par exemple, la stratégie fondée sur le recours àune police communautaire et visant à faire d’Edmonton une villeplus sûre a eu pour résultat, depuis 18 mois, une réduction de 26p. 100 du taux de criminalité, ce qui est extraordinaire. Imaginezles économies que pareille réduction peut représenter pour legouvernement, sans parler de la diminution des souffranceshumaines. Si cette stratégie était appliquée dans l’ensemble dupays, j’estime que le débat d’aujourd’hui serait tout à fait inutile.

    Cela doit être notre objectif. Le gouvernement est déterminé àétablir une stratégie nationale de prévention du crime. Nouscréerons un conseil national de prévention du crime qui servira àcanaliser les énergies et prendre l’engagement dont j’ai parlé etqui est si évident dans une foule de collectivités du pays.

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    Nous reconnaîtrons officiellement, si nous agissons au lieu dese contenter d’en parler, que la meilleure façon de prévenir lecrime n’est pas d’augmenter le nombre de policiers ni de lesarmer davantage ni d’imposer des peines plus sévères. Si c’étaitla solution, les États–Unis d’Amérique seraient le paradisterrestre! Ce n’est pas la solution.

    (1100)

    Il est évident que notre système de justice pénale doit nouspermettre de traiter efficacement les actes criminels. C’estpourquoi nous apporterons au Code et aux lois les changementsque j’ai mentionnés tout à l’heure. Par ailleurs, nous devonsparallèlement lancer, dans notre pays, une vaste campagne deprévention du crime qui donnera des résultats.

    Le Conseil national de prévention du crime centralisera lesgroupes, les individus et les personnes intéressées—y comprisles groupes de victimes—de partout pour exercer un leadershipdans ce domaine. Nous aurons une mine de renseignements, uninventaire de toutes les mesures prises à divers endroits auCanada, une source de conseils pour les quartiers, lescollectivités et les villes qui veulent faire quelque chose, ainsiqu’un instrument de réflexion innovatrice et constructive pourdéterminer ce que nous pouvons faire au Canada dans le but deréduire le taux de criminalité et de nous attaquer aux racines duproblème.

    Je suis tout à fait opposé aux principes qui servent defondement à cette motion. Tout d’abord, le gouvernement nepropose pas l’inaction, bien au contraire. Nous allons, au coursdes prochains mois, présenter à la Chambre un ensemble depropositions bien précises en vue de modifier la loi et poursuivreactivement, dans le domaine de la prévention du crime, lesobjectifs dont j’ai parlé.

    Je rejette également l’affirmation selon laquelle les droits descriminels passent avant ceux des victimes. Le système, dans saforme actuelle, est sensible aux droits des victimes, et nous enavons des preuves.

    Le système n’est pas parfait et, comme je l’ai dit au départ,nous nous réjouissons des suggestions constructives que nousfont les députés de tous les côtés. J’attends avec impatience lasuite du débat que cette motion a engendré aujourd’hui.J’écouterai avec intérêt les arguments que les députés mettrontde l’avant et je peux garantir à la Chambre que le gouvernementva procéder rapidement à la mise en oeuvre du programme que jevous ai exposé.

    M. Art Hanger (Calgary–Nord–Est): Monsieur le Président,je remercie le ministre de sa déclaration. Elle intéresseassurément beaucoup de Canadiens qui veulent vraiment que leschoses changent dans ce domaine.

    Je voudrais demander au ministre d’éclaircir un pointconcernant les mécanismes de soutien des victimes en regard deceux qui existent déjà pour les contrevenants.

    Quelqu’un qui commet un crime reçoit immédiatement l’aidede toutes sortes de gens. En fait, il n’a même pas besoin d’ouvrirla bouche. En premier lieu, il bénéficie de l’aide juridique et estreprésenté par un avocat, aux frais des contribuables. Il a droit àdes services de counselling. Il est placé dans un systèmed’incarcération qui veille à tous ses besoins, y compris enmatière de santé. On lui offre de participer à des programmes deréinsertion sociale qu’il n’est pas nécessairement tenu de suivrejusqu’au bout. En fait, sa seule peine est d’être retiré de la sociétéet de ne pas pouvoir circuler en toute liberté, à moins d’être libérésous condition.

    Avant d’arriver au terme de sa peine, il a droit, bien sûr, à unelibération conditionnelle, et la Commission des libérationsconditionnelles le traite avec tous les égards, se souciant très peudes conséquences de sa présence dans la société à la suite de cettedécision. Encore une fois, je parle ici de l’opinion de bien desgens à propos du service des libérations conditionnelles.

    Récemment, plusieurs jugements de la Cour suprême ont misla société encore plus en danger et ont ainsi créé d’autresvictimes, parce ces jugements ont en fait empêché les enquêteursde bien accomplir leur travail.

    Où sont les forces ou les organismes en place qui accourentpour aider les victimes, alors que les criminels ont tout ce qu’ilfaut à leur disposition?

    M. Rock: Il est vrai, monsieur le Président, qu’il n’y en a passuffisamment. Nous devons améliorer la façon dont nous traitonsles victimes pour donner à ces personnes les moyens desurmonter le traumatisme qu’elles ont subi et ses conséquences.

    (1105)

    Cependant, ce que dit mon collègue est quelque peu exagéré.La confortable expérience du prévenu, l’aide juridique gratuite,les conseils et la réhabilitation pourraient, à mon avis, êtredécrits de façon plus exacte. Je vais essayer.

    Tout d’abord, l’aide juridique n’est rien d’autre que lareconnaissance par la société du fait que ceux qui sont inculpésd’une infraction pouvant conduire à leur incarcération ont ledroit, même s’ils n’en ont pas les moyens financiers, de sedéfendre de ce dont on les accuse. Je ne pense pas que moncollègue veuille refuser ce droit aux prévenus. J’espère que non.

    Il est clair que, dans notre société, si tous les pouvoirs del’État, tous les mécanismes policiers, tous les pouvoirsd’enquête, toutes les autorités judiciaires avec les ressourcesdont elles disposent—pour ne rien dire de la puissance et de lamajesté des tribunaux—se liguaient contre un individu sansdéfense, il serait certainement condamné. Les valeurs de notresociété font que l’on donne à l’accusé un avocat de l’aidejuridique pour le défendre, s’il ne peut se payer un avocat.

    Deuxièmement, mon collègue a mentionné les conseils et laréhabilitation. Dans notre système de justice pénale, nousessayons de faire différentes choses simultanément. Il est exactque nous essayons de punir, lorsque nous le pouvons. Nousessayons toujours d’obtenir du processus judiciaire un résultat

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    juste, mais nous tentons aussi de réhabiliter les condamnés, car ilest reconnu que, si l’on n’essaie pas de changer l’individu en luioffrant des services d’orientation et de réhabilitation, il court debeaucoup plus grands risques de rechute.

    Si l’on peut réduire ces risques, de même que le coût humain etfinancier qui s’y rattache, en investissant dans la réhabilitation,je pense que c’est bien ainsi. J’imagine que le député ne demandepas que nous abandonnions cette option de notre lutte contre lacriminalité.

    En ce qui concerne les prisons, elles doivent être humaines.Naturellement, nous privons les condamnés de leur liberté. Ladernière fois que j’ai visité une prison, je n’ai pas eul’impression qu’elle était particulièrement confortable.Souvent, elles sont même très inconfortables. Les prisons sont lereflet des valeurs de la société. Nous incarcérons, nous nedésirons pas torturer.

    Les libérations conditionnelles, quant à elles, relèventd’autorités particulières qui doivent tenir compte de toutes lescirconstances, notamment la situation de la victime et le crime ensoi. Je peux garantir au député que c’est ce qui se passequotidiennement aux audiences de libération conditionnelle.

    Faisons–nous assez pour les victimes de crimes? Absolumentpas. Nous devons faire tout notre possible pour répondre à leursbesoins et faire en sorte que leur point de vue soit pris enconsidération à toutes les étapes du processus. Cependant,comme partout, il y a un équilibre à trouver. À l’heure actuelle,les choses sont sensiblement équilibrées.

    [Français]

    M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm): Monsieurle Président, j’aimerais remercier le ministre de nous avoir faitpartager de nouveau sa vision sur le système judiciaire et légalactuel. Je peux même lui dire que je partage ses idées sur sondiscours «philosophique» parce que c’était sur les grandsprincipes.

    Cependant on va voir si cet accord va durer ou perdurer suite àla présentation des modifications que vous avez en tête. Avec lediscours que je viens d’entendre, j’inviterais le ministre àsurveiller, parce qu’il semble vouloir faire ingérence dans desproblèmes locaux de juridiction provinciale. Il ne faudrait pastoujours présenter des projets à caractère national, comme voussemblez vouloir le faire, parce que le Québec a des lois quipourraient entrer en contradiction avec ce que vous avancez. LeQuébec se sent poussé sur certains sujets que vous avez avancés.

    Ma question sera très concrète. Je pense que le problème quenous avons avec la motion présentée par le Parti réformiste estsurtout un problème de perception par la population. Dans lelivre rouge vous aviez touché un point où la perception était trèsnégative, celle concernant les femmes battues et les enfants.

    (1110)

    Vous aviez prévu, dans le livre rouge, d’accroître ou deconsacrer des crédits supplémentaires aux organismes quiviennent en aide aux femmes battues et à leurs enfants. Je penseque cela serait un moyen de démontrer à la population que lesystème ne privilégie pas uniquement les criminels, mais lesvictimes.

    Est–ce que le ministre pourrait nous dire, dans le dernierbudget, quels sont les crédits supplémentaires que legouvernement a accordés à ces organismes et de quelle façon lesorganismes les utiliseront?

    [Traduction]

    M. Rock: Monsieur le Président, permettez–moi d’abord dedire que, s’il y a actuellement en place au Québec desprogrammes ou des mesures touchant précisément les questionsdont j’ai traité dans mon allocution, je serais heureux que ledéputé veuille bien me donner des précisions à ce sujet. J’ignoreà quels programmes précis il fait allusion, mais je serais heureuxde lui donner l’assurance que je suis tout disposé à collaboreravec les autorités locales de tout le pays.

    Par ailleurs, je reconnais que la prévention du crime ne serachose possible que si elle s’exerce au sein de la collectivité. Voilàpourquoi les municipalités et les groupes communautairesauront un rôle important à jouer dans cette lutte contre lacriminalité.

    Le rôle du gouvernement fédéral doit, à coup sûr, consister àassurer la direction et la coordination des opérations. C’est ladémarche que nous allons adopter et qui fera que lescollectivités, d’un océan à l’autre, conjugueront leurs efforts.

    Le député a posé une question concernant le financement desmaisons de refuge et de transition pour femmes battues. Malgréles temps difficiles que nous connaissons sur le plan financier, legouvernement actuel va respecter l’engagement qu’il a prispendant la campagne électorale et débloquera des créditssupplémentaires.

    N’ayant pas en mémoire le montant exact des sommes enquestion, je ne peux pas donner de chiffres au députéaujourd’hui. Chose sûre, nous déciderons de la destination de cessommes de concert avec les provinces, les autorités locales et lesgroupes communautaires, qui sont sans doute les mieux placéspour en faire bon usage.

    J’ignore le montant exact pour le moment, mais je puis vousdonner l’assurance que nous allons respecter notre engagement àcet égard et que nous déciderons de la destination des créditsainsi débloqués en consultant les groupes bénéficiaires.

    M. Myron Thompson (Wild Rose): Monsieur le Président, jeserai bref.

    Tous les députés de ce côté–ci de la Chambre, sansexception—et j’en fais partie—reconnaissent qu’il estnécessaire d’accorder une grande priorité aux gens et à laprévention, surtout quand il est question du crime.

    Je voudrais maintenant en arriver à l’essentiel. Que va faire,finalement, le gouvernement? J’emploie le mot «finalement»parce que je m’intéresse à la question depuis le début des années1970, si ce n’est depuis plus longtemps. Ça remonte au temps oùj’étais maire d’une ville et que le crime était déjà un problèmegrave.

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    Je pense surtout ici au crime avec violence. Quand legouvernement va–t–il enfin annoncer des mesures pour rassurerles personnes âgées très effrayées auxquelles j’ai parlé à uneémission de radio à Calgary, une ville qui, pourtant, n’a pas untaux de criminalité tellement élevé, comparativement à d’autresvilles? Une dame a dit qu’elle vivait seule avec son chat et que,chaque soir, elle craignait que quelqu’un défonce sa porte,l’assomme et lui vole toutes ses affaires. Les gens vivent dans lapeur.

    Dans les collectivités rurales, les commerces et les maisonsprivées sont protégés par différents dispositifs de sécurité. Lescitoyens respectueux des lois se terrent chez eux pour se protégercontre ceux qui traînent dans les rues.

    D’après mes recherches, au cours de cette 35e législature, il vay avoir 80 audiences de libération conditionnelle.

    Si les choses se déroulent comme par le passé, j’ai peur pourbeaucoup de gens. D’après nos recherches, quelque 40 détenusqui ont profité d’une libération conditionnelle ont tué un grandnombre de personnes. L’un d’eux avait dit, avant de tuer quatrepersonnes, que la seule chose qui était plus stupide que lui,c’était un système qui lui permettait de recouvrer la liberté et defaire ce qu’il a fait.

    Les criminels eux–mêmes le disent. Les victimes le disent.Quand le gouvernement va–t–il passer à l’action et s’attaquer auproblème, quand va–t–il s’adresser aux gens qui souffrent,écouter ce que disent les victimes de violence et faire quelquechose pour apaiser leurs craintes?

    (1115)

    Le vice–président: Votre temps est presque écoulé. Soyezbref, je vous prie.

    M. Rock: Je le serai, monsieur le Président. Le député a ditqu’il suivait cette question depuis vingt ans. Je respecte toute sadémarche, mais je prévois que cette question va continuer denous intéresser pendant bien plus de vingt ans encore. Cela faitpartie de la condition humaine.

    Nous allons faire de notre mieux pour équilibrer les intérêtsdont nous avons parlé. Quand le député parle de peur, jecomprends très bien de quoi il parle. Cependant, nous devonsfaire bien attention à ne pas exagérer ou amplifier ces craintes etles rendre pires qu’en réalité.

    Je pense que la chose la plus cruelle que nous puissions faireaux personnes âgées dont a parlé le député, c’est de jouer sur cespeurs et de les aggraver en laissant entendre que le problème estpire qu’il ne l’est en réalité et que la tâche qui nous attend est pirequ’en réalité.

    C’est une tâche importante, bien sûr, mais il est importantaussi de ne pas perdre le sens des proportions. Comme je l’ai dit,nous reconnaissons qu’il est nécessaire de modifier le systèmede libération conditionnelle, surtout pour les personnes quiprésentent des risques élevés. Nous devons faire purger à cespersonnes la totalité de leur peine, leur faire subir ensuite unexamen pour déterminer si elles sont aptes à réintégrer la société

    et, si elles ne le sont pas, trouver un moyen, avec les intervenantsde la santé, de les garder en détention, pour notre propre sécurité.

    C’est une des questions que j’aborderai la semaine prochaine,quand je rencontrerai mes homologues provinciaux. Ensemble,nous allons trouver une solution. Je suis parfaitement au courantdu problème et nous allons en discuter.

    [Français]

    M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm): Monsieurle Président, la motion présentée par le Parti réformiste n’est passimple. Elle peut mener, si nous ne sommes pas vigilants, à desprincipes idéologiques qui ne correspondraient pas à ce que noussommes comme Québécois et Québécoises, ou commeCanadiens et Canadiennes. Cette motion ne demande pas uneapprobation ou une désapprobation, mais une réflexion profondede l’actuel système.

    J’ai eu l’occasion, dans ma pratique de droit, d’entendre desindividus dire, à quelques reprises, dans un excès de colère,devant une injustice frappante dans la cour de justice, ou suite àun jugement irrationnel d’un juge, que le système judiciaire etlégal protège davantage les criminels que les victimes.

    Il ne faut pas sauter trop rapidement à cette conclusion.Beaucoup d’éléments extérieurs dudit système judiciaire et légalpeuvent influencer une sentence, une libération, un jugementd’un juge complaisant ou même, et cela arrive de plus en plus, onn’a qu’à regarder l’actualité, d’un juge dissident ou mêmeréformateur du système.

    Cependant, il faut s’interroger sur les moyens dont dispose lamagistrature pour faire appliquer la loi que nous, législateurs,adoptons en cette Chambre. À titre d’exemple—et je serai brefétant donné que le temps de parole qui m’est alloué n’est que de20 minutes—comment un juge peut–il envoyer dans unpénitencier, sachant qu’ils sont pleins à craquer, un individu quien est à sa première offense criminelle? Si le juge se rend à lademande du procureur de la Couronne et de la victime, l’individusera bel et bien condamné à une sentence pénitentiaire.Cependant, il sortira rapidement de prison, avec conditions, etcela, on en voit chaque jour.

    Un tel jugement ou résultat dans les faits amènentinévitablement des interrogations auprès des justiciables.Pourtant, le juge n’a peut–être pas le choix d’agir ainsi.

    Depuis plusieurs années maintenant, il est d’un communaccord que la violence peut se faire valoir sous plusieurs formes.Ce n’est pas nécessairement que nous soyons une société plusviolente en général, mais plutôt que nous reconnaissonsdavantage la violence et ses diverses manifestations et ce,rapidement. La violence, ce n’est pas un fait nouveau; elle atoujours existé. Cependant aujourd’hui, on en parle plus. Lesvictimes sont plus ouvertes face au système et sont prêtes àporter plainte davantage. Mais ce n’est pas un fait nouveau ensoi.

    La question qui est devant nous est la suivante: Est–ce que lesdroits des criminels surpassent ceux des victimes dans le cadrejuridique actuel? Dans l’affirmative, qu’est–ce que legouvernement peut faire afin de rectifier cette situation?

    Selon moi, cette question soulève des droits concurrentielsentre la victime et le criminel, et je pense que les deux orateurs de

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    tantôt ont très bien circonscrit cette dualité. Autant le Québecque le Canada ont adopté des lois qui mettent en évidencejustement cette dualité.

    Cependant, ce n’est pas d’hier qu’il existe un tel fossé entre lesdroits des parties d’un dossier au criminel, puisque l’Acte deQuébec de 1774 souligne clairement ces interrogations, enintroduisant les lois criminelles d’Angleterre au Canada. L’actementionnant à son article 11: «La clarté et la douceur des loiscriminelles d’Angleterre dont il résulte des bénéfices etavantages que les habitants ont sensiblement ressentis par leurexpérience de plus de neuf années doivent continuer à êtreobservées comme lois dans la province de Québec, tant dansl’explication et la qualité du crime que dans la manière del’instruire et le juger, en conséquence des peines et des amendesqui sont par elles infligées. . .»

    (1120)

    Il ne faut pas perdre de vue qu’à cette époque la peine de mortexistait et la victime, la même victime qu’aujourd’hui, n’avaitcomme consolation que le dernier soupir du condamné.

    Cela étant dit, il faut bien cerner la question soulevée et afind’y répondre le plus clairement possible nous devons, aupréalable, déterminer si cette constatation est fondée etvéridique ou tout simplement fausse, tant sur le plan juridiqueque social.

    Qu’existe–t–il aujourd’hui dans notre système qui pourraitnous aider à faire le partage des choses sans que notreraisonnement ne soit basé sur des sentiments et des cassensationnels qui soulèvent rapidement les émotions?

    Lorsqu’on lit l’actualité dans les quotidiens, ce qui ressort desjournaux, ce ne sont pas les bons coups du système mais lesmauvais. La presse en fait état régulièrement et c’est de cetteperception dont les lecteurs se souviennent.

    Il faut dire que notre société et, par conséquent nos lois,accordent tranquillement—je ne dis pas que le monde est rose etqu’il n’y a rien à faire—depuis les dernières décennies, uneimportance particulière à la question des victimes d’actescriminels, qui a été amenée par le législateur autant du côtéfédéral que provincial.

    Les lois traitant des victimes d’actes criminels dans plusieursprovinces canadiennes et au Québec en sont un exemplefrappant.

    Également, il faut être honnête et mentionner que le Codecriminel renferme des dispositions ayant pour objet d’aider lesvictimes d’actes criminels. Nous pouvons citer à titre d’exempleles dispositions relatives à l’identification des criminels, à laremise des biens dérobés—tantôt, un député disait que ça devaitexister; selon moi, ça existe déjà dans le Code criminel, ilfaudrait tout simplement faire respecter ces dispositions; ilfaudrait vraiment insister auprès de la magistrature pour qu’onapplique la loi actuelle—à la protection des témoins—une loi quiprotège les témoins qui viennent témoigner existe égalementaujourd’hui—à la condamnation à des dommages exemplairesou à une suramende—ce principe existe encore aujourd’hui.Est–ce que la magistrature l’applique dans tous les cas? Ilfaudrait voir.

    Vous savez, le législateur n’est pas ici pour faire des lois pouren faire parce qu’on pourrait en faire beaucoup qui ne seraientjamais respectées. Je pense qu’il y a un principe qui veut que lelégislateur ne parle justement pas pour ne rien dire; s’il apportedes modifications, c’est pour amener un plus et non pas pourlaisser le tout à la discrétion d’une magistrature qui nel’appliquerait pas, de toute façon.

    Est–ce que ce n’est pas assez pour les victimes? Peut–être,mais il ne faut pas mettre en péril tout le système judiciaire pourtenter de corriger une dualité qui existe depuis des tempsimmémoriaux.

    Un autre point qui milite en faveur des droits équilibrés entrela victime et le criminel est la remise en liberté sous caution duprévenu. C’est peut–être à cet endroit–là qu’on le voit de plus enplus dans les journaux, où lorsqu’un juge fait une fauted’appréciation, on l’accentue beaucoup. Encore là, la perceptionque la société a du système judiciaire est négative.

    En effet, selon les règles générales prévues par le code, lepolicier responsable de la détention provisoire d’un prévenuaccusé d’une infraction punissable par acte criminel et passibled’un emprisonnement maximal de cinq ans, doit remettrecelui–ci en liberté, sauf s’il y a des motifs raisonnables de croiresoit que la détention de ce prévenu est nécessaire dans l’intérêtdu public ou que cette détention est nécessaire pour assurer laprésence du prévenu à son procès.

    Naturellement, cette décision de remettre en liberté unprévenu est décidée par un juge de paix. Les critèresd’appréciation jurisprudentiels étant très complexes, je n’ai pasl’intention pour les fins de la présente étude d’en discuter. Unechose est sûre, un juge présumé impartial—et je pense que c’estle cas dans les grandes causes—regarde les faits avant de prendrela décision de remettre un prévenu en liberté.

    Plus encore, dans certains cas, notamment dans les affaires demeurtre et de trafic de drogues fortes, il incombe à l’accusé dedémontrer qu’il ne devrait pas être détenu en attendant sonprocès. Il y a, dans ces deux cas, un renversement de preuveimportant qui, en quelque sorte, aide la victime du côté de sasécurité.

    L’actuel code oblige de plus le juge à rendre une ordonnanced’interdiction relative aux armes à feu à l’égard d’une personnequi est mise en liberté sous caution si cette personne est accuséed’une infraction perpétrée avec violence ou menace ou tentativede violence. Dans bien des cas, le juge demandera de plus unengagement de ne pas troubler la paix.

    (1125)

    Il est bien certain que le juge peut demander à n’importe quelinculpé, prévenu ou accusé de prendre des engagements, et vousdirez que dans bien des cas, ce n’est pas respecté. Ma petiteexpérience à moi, bien que je n’étais pas un criminaliste, medémontre que dans la plupart des cas, les personnes qui sontremises en liberté sous conditions les respectent. Encore, on neles voit pas dans les journaux, car qu’est–ce qu’il a d’intéressantà savoir que quelqu’un respecte la loi? C’est bien plus intéressantde savoir qui ne la respecte pas.

    Sur papier vous me direz que tout cela est bien beau, mais quedans la réalité, il existe des injustices, il existe des victimes quiont peur, des victimes «victimes» du système. À cela, je dois

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    répondre malheureusement oui. Un système parfait où tout lemonde semblerait gagner dans un système juridique équilibré,cela n’existe pas. Le grand problème dans cette question dejustice entre la victime et le criminel est une question, selon moi,de perception dans la société.

    Il est vrai que l’excès de vocabulaire employé par certainsjuges amplifie le déraillement de l’appréciation du systèmejuridique actuel. Heureusement, ces excès de vocabulaire sontsanctionnés autant par une critique virulente de la société que parles pairs de ceux qui commettent ces excès. Les dossiersjudiciaires qui se retrouvent dans les premières pages desjournaux ne sont pas nécessairement représentatifs de la réalitéde tous les jours. Ces articles aident à la mauvaise représentationque les gens se font de la justice.

    Il est de mon avis que l’observation à l’étude est effectivementjuste au niveau de la perception sociale, mais que du côtéjuridique, il faudrait y apporter des nuances. Afin de démontrerla raison pour laquelle je fais cette affirmation, nous devons nousréférer à la Charte canadienne des droits et libertés. Je tiens àrappeler à cette Chambre que cette dernière est la même charteque le Québec n’a pas eu le privilège d’endosser, lors durapatriement unilatéral de la Constitution en 1982, dont l’actuelpremier ministre se souvient sûrement. Je suis donc dans uneposition privilégiée pour la critiquer.

    Penchons–nous un moment sur certaines dispositions de laCharte canadienne des droits et libertés quant aux droits etgaranties juridiques des individus et de ceux des criminels. Ondit que la Charte, c’est la loi suprême dans les procès, dans lesystème juridique. Alors, regardons ce que cette Charte prévoitautant pour les criminels que pour les victimes.

    À l’article 7, on dit que «chacun a droit à la vie, à la liberté et àla sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droitqu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.»L’article 8 accorde «à chacun le droit à la protection contre lesfouilles, les perquisitions ou les saisies abusives.» L’article 9stipule que «chacun a droit à la protection contre la détention etl’emprisonnement arbitraires». L’article 10 dit que «chacun a ledroit, en cas d’arrestation ou de détention a) d’être informé dansles plus brefs délais des motifs de son arrestation ou détention; b)d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et decontrôler, par habeas corpus, la légalité de sa détention.»

    Je pensais qu’en vertu de ces articles, tout individu était bel etbien protégé devant la loi, autant le criminel que la victime.Néanmoins, le législateur a senti l’obligation d’insérer desarticles additionnels relatifs au droit d’un inculpé. Là, c’est toutela série de l’article 11 de cette Charte, où on dit que «tout inculpéa le droit d’être informé sans délai anormal d’une infractionprécise qu’on lui reproche»—il me semble que c’est redondantpar rapport aux articles antérieurs—«d’être jugé dans un délairaisonnable; de ne pas être contraint de témoigner contrelui–même». On y dit aussi que le prévenu est présumé innocenttant qu’il n’est pas déclaré coupable, qu’il ne peut être privé sansjuste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement,sauf s’il s’agit d’une infraction relevant de la Justice militaire,

    de bénéficier d’un procès avec jury, de ne pas être déclarécoupable en raison d’une action ou d’une omission, d’une part,de ne pas être jugé de nouveau pour une infraction dont il a étédéfinitivement acquitté, etc., etc.

    L’article 11 mentionne plusieurs éléments qu’on vient ajouterà ce qui existait déjà pour l’inculpé.

    (1130)

    Je tenais à faire cette lecture, même si les députés de cetteChambre connaissent très bien la Charte canadienne des droits etlibertés, pour faire ressortir le déséquilibre qui existe, il mesemble, dans une loi que l’on dit suprême, entre les droits del’inculpé, du criminel, et les droits de la victime.

    Cette Charte des droits, qui fait l’orgueil du premier ministre,privilégie de toute évidence cette mauvaise perception que nousavons du système judiciaire. Il n’y a absolument rien dans cetteCharte pour protéger la victime, pour assurer la vicitime dusoutien de l’État, afin de l’aider à passer à travers le longprocessus pénal. Il est très long le processus pénal. Il faudraitinvestir à ce niveau, car ce n’est pas la législation qui manque,mais bien de l’argent. Il faudrait augmenter les crédits dansl’administration de la justice. Ce n’est pas en faisant des loisqu’on obtiendra un meilleur équilibre entre la victime et lescriminels.

    Cependant, je pense qu’on aurait dû inscrire dans cette Charte,noir sur blanc, que les droits des victimes seront toujoursprépondérants à ceux de l’inculpé, à ceux des criminels. Enfaisant abstraction de cet équilibre, les justiciables n’entendentparler de la Charte canadienne des droits et libertés que pouraider l’inculpé, que pour remettre en liberté un prévenu ou pourcasser un jugement d’une cour inférieure ayant condamné unaccusé et qui a comme résultat de le remettre en liberté suite à larévision en appel.

    Bien souvent, au niveau de l’appel, il ne s’agit pas de savoir sile crime a bel et bien été commis, mais si tous les éléments de laCharte ont été respectés, et bien souvent au grand préjudice de lavictime. Par la Charte des droits et libertés, nous pouvons faireressortir facilement cette apparence d’iniquité entre la victime etle criminel.

    Cependant, la compréhension néfaste que la population engénéral a face au système est encore plus profonde qu’uneappréciation particulière d’une loi. C’est la raison pour laquelleje crois au système judiciaire que nos ancêtres nous ont donné. Ilne faut pas tout remettre en question pour le plaisir d’un objectifpunitif et excessif. Il faut être rationnel et poursuivre lamodernisation du système, tout en gageant sur l’éducation. Unesociété plus éduquée, une société plus au fait de ses droits est unesociété qui apprécie davantage son système judiciaire.

    En cette 35e Législature, sachant les priorités du ministre de laJustice—et on l’a encore entendu en cette Chambre ce matin—,nous aurons l’opportunité de faire passer des messages. Ilfaudrait sauter sur cette occasion pour privilégier les victimes.Ce sera l’opportunité pour finalement tenter d’améliorer laperception que les justiciables ont de la justice.

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    En terminant, vouloir améliorer le sort des victimes sur le dosuniquement des criminels ne serait pas nécessairement rentablepour le Québec et le Canada. Il faut axer davantage nos forces surl’éducation, la prévention et la réadaptation que surl’alourdissement pur et simple des peines envers les criminels.Est–ce que le Canada désire devenir un pays totalitaire face à sescriminels?

    De ce côté de la Chambre, nous désirons avoir un payssouverain, ouvert sur un juste équilibre entre les droits de lavictime et les droits des criminels. À mon avis, cet équilibre ne seretrouve pas dans la confrontation des droits des uns par rapportaux autres.

    L’hon. Sheila Finestone (secrétaire d’État(Multiculturalisme) (Situation de la femme)): Monsieur lePrésident, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt les remarques sisoigneusement développées par le député, et je trouve qu’il aanalysé la situation d’une façon assez bien éclairée.

    Il ne fait aucun doute que les personnes qui commettent descrimes violents envers les femmes nous amènent à haïr la naturedu crime et la personne qui le commet. Il ne faut pas oublier quele pourcentage de ces actes est bien moindre que ce que l’on peutcroire en lisant les grands titres des journaux et en écoutant lesnouvelles, parce qu’on ne parle jamais de ce qui est bien etnormal dans une société. Mais lorsque des actes criminels sontcommis, ils font les manchettes et cela cause un niveau élevéd’anxiété et d’angoisse, car ce sont des choses très sérieuses.

    Comme mon collègue le ministre de la Justice a démontré uneouverture d’esprit et une volonté de participation et decollaboration avec tous les députés de la Chambre afin deconnaître leurs idées et de nous aider tous à combler les lacunes,s’il y en a, pouvez–vous nous dire quelle démarche vous trouvezla plus importante, comme première étape, dans le but de réglerla situation?

    (1135)

    M. Bellehumeur: Monsieur le Président, je pense que lespersonnes devant moi ont été élues pour administrer, pourlégiférer et qu’elles doivent faire ce qu’elles croient être utile etnécessaire à la suite des négociations qu’elles ont menées, et à lasuite également du livre rouge contenant leur programmeélectoral.

    Je dirai personnellement à ce sujet que, à bien des égards, onveut changer des choses qui existent déjà. Si l’on prend le projetde loi actuellement à l’étude concernant la modification à la Loisur les stupéfiants et la Loi sur les aliments et drogues, il existedéjà une loi intitulée Loi sur les stupéfiants. On veut lamoderniser, la modifier. Pourtant, comme on l’a expliqué enChambre, cette loi–là, dans des cas très pratiques, dans des castrès évidents, n’est même pas appliquée.

    On aura beau adopter n’importe quelle loi, si les lois que nousadoptons ne sont pas appliquées, si on n’a pas la volontépolitique de les faire appliquer, à quoi cela sert–il? Je dis qu’ilfaut d’abord examiner ce que nous avons déjà et voir si on peutfaire appliquer ces lois.

    Un autre sujet qui sera à l’étude bientôt, c’est la Loi sur lesjeunes contrevenants. J’ai eu l’occasion de discuter avec desjuges à plusieurs reprises et ils m’ont dit: MonsieurBellehumeur, l’actuelle loi n’est même pas appliquée; onpourrait référer certains jeunes au tribunal pour adultes, mais onne le fait pas; pourtant la loi nous permettrait de le faire.

    C’est cela ma question. Pourquoi? Parce que le système nenous donne pas les outils nécessaires. Est–ce qu’on va envoyerun jeune dans une prison pour adultes alors que la prison est plusune université criminelle qu’autre chose? Les juges vont préférerdonner une sentence minime pour le remettre en liberté ou faireen sorte que quelqu’un le prenne en charge, le prenne sous sonaile protectrice pour le remettre dans le droit chemin.

    Je pense qu’avant même de regarder de grandes modificationsen profondeur, il faut regarder le système dans lequel on vit.Regardons ce que nous avons déjà et nous pourrons en venir à uneconclusion X. Est–ce que les lois sont appliquées? Est–ce quenous donnons assez de pouvoir aux juges, à la magistrature, pourles appliquer? Peut–être qu’il n’est pas nécessaire de faire degrands changements, mais qu’il faut circonscrire l’applicationde cette loi.

    Même si cela plaisait à ma collègue députée, je ne rentrerai pasdans tous les détails relatifs aux grandes modificationsnationales sur les lois canadiennes. Je dirai simplement qu’àl’heure actuelle, il existe des lois et il faut voir si elles sontappliquées adéquatement.

    [Traduction]

    M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville): Monsieur lePrésident, je remercie le député de m’avoir fait part de sesobservations. Je trouve qu’il explique très bien la Charte desdroits et libertés et certaines des difficultés qu’elle pose, ainsique certaines de nos lois.

    Nous avons un grand nombre de lois, mais les gens trouventque les tribunaux ne se servent pas vraiment du pouvoir qu’ellesleur donnent.

    Je veux ajouter que, même si nous ne sommes pas d’accord surbeaucoup de choses, comme la dette, le déficit et d’autres, jetrouve que s’il y a une question sur laquelle la Chambre doit seserrer les coudes, c’est bien la réforme du système de justicepénale et la nécessité d’une telle réforme. Dans ce domaine, nousdevons coopérer plutôt que nous affronter.

    L’un des problèmes que les gens soulèvent, c’est que lestribunaux donnent souvent des peines très légères pour descrimes très graves. Par exemple, tout récemment, dans la partiesud de ma circonscription, une personne âgée a été attirée hors desa maison et sauvagement tuée. Le principal responsable de cecrime doit purger quatre ans de prison et, de fait, il sortira danspeu de temps, en liberté conditionnelle. Les gens trouventinconcevable que l’homme qui a commis ce meurtre odieux sortebientôt, à cause de circonstances atténuantes. Pourtant, letribunal l’a bien jugé coupable. Les gens trouvent que c’est unvéritable problème. Ce n’est pas que les lois n’existent pas, maison a tout de même l’impression qu’un bon nombre de meurtrierss’en tirent facilement.

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    (1140)

    Parmi les questions que me posent mes électeurs, il y en a unequi revient souvent et qu’ils m’ont demandé de transmettre à laChambre. Quand les criminels sont trouvés coupables, nepourraient–ils pas perdre certains de leurs droits? Par exemple,mes électeurs se demandent s’il n’y aurait pas moyen de les fairetravailler, quand ils sont en prison. Ils soulèvent la question de larestitution. Selon eux, un certain pourcentage de ce qu’ilsgagnent ainsi pourrait servir à indemniser les victimes d’actescriminels. Dans le cas que je vous ai cité en exemple, quand cethomme a été attiré hors de chez lui et tué, ce fut un drameépouvantable pour sa femme. Le travail permet parfois derehausser l’estime de soi. Les gens trouvent que c’est souventune lacune du système, alors que cela pourrait avoir un effetthérapeutique très efficace.

    Je me demande si le député aurait quelque chose à ajouter surles tribunaux, qui sont aussi un élément du problème, et non passeulement les lois.

    [Français]

    M. Bellehumeur: Monsieur le Président, je pense que le débatactuel ne devrait pas porter, je pense, sur des cas d’espèce, ou surtel ou tel cas répugnant. Bien sûr, si on présente un cas bienprécis, épouvantable pour la victime, par rapport à la sentencerendue, on va en arriver à la même conclusion que le Partiréformiste. Mais ce genre de cas sont le fait d’une minorité, ettant et aussi longtemps que nos lois vont être administrées et queles juges seront des hommes, il va y avoir de l’«hommerie»,c’es