Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle,...

12
Le glaive d'Ajax J. Starobinski avait donné pour titre à un article publié voici une vingtaine d'années: L'épée d'Ajax 1 , mais il ne traitait pas vraiment le sujet qu'il semblait annoncer, ce que je vais pour ma part tenter de faire sous un intitulé synomyme : Le glaive d'Ajax. Je crois en effet qu'à l'instar des peintres de vases 2 , Sophocle dans son Ajax ne traite pas le glaive du héros comme un simple accessoire, disons comme un moyen, mais en fait un élément central, presque un personnage, objet d'un véritable dialogue - du moins intérieur-, ainsi qu'on a pu le dire du tombeau d'Agamemnon dans les Choéphores d'Eschyle 3 , et ce pour des raisons assez voisines, tenant essentiellement à la magie tragique. Rappel de la légende Ajax, fils de Télamon, roi de Salamine, est un des grands héros de la guerre de Troie, côté grec. C'est le grand Ajax, dont l'Iliade rapporte les exploits, il est le guerrier le plus vaillant après Achille, et il affronte plusieurs fois Hector. Les éléments de la légende qui nous interressent ici figuraient dans les épopées aujourd'hui perdues de la Petite Iliade et de l'Ethiopide: au départ pour Troie, le héros adopte une attitude impie, il efface de son bouclier l'image d'Athéna, pour montrer qu'il n'a pas besoin de l'aide des dieux, mais il encourt l'hostilité de la déesse; après la mort d'Achille, la question se pose de savoir à qui attribuer ses armes; pour y répondre, les Argiens s'adressent aux prisonniers troyens qui désignent comme adversaire le plus dangereux Ulysse, et non Ajax; Ulysse devient ainsi l'attributaire; Ajax, fou furieux, massacre le bétail de l'armée avant de se suicider de sa propre épée. Quittant l'épopée, la légende se trans- forme, ainsi qu'on le voit chez Pindare 4 : ce sont les Grecs eux-mêmes qui désignent Ajax, lequel apparaît alors la victime d'une injustice; à travers ce changement, le personnage évolue, il s'enrichit, il y gagne en profon- deur. C'est cette version que la tragédie - Eschyle et Sophocle- va retenir 5 .. Je reviendrai plus loin sur Eschyle 1 RMM, 1973, pp. 433-465. 2 Se reporter au LIMe, art. Aias 1. 3 K. Reinhardt, in Eschyle, Euripide, Paris, 1972, pp. 125-126. 4 Néméennes, v. 23 sqq. 5 Cf. F. Jouan, "Ajax d'Homère à Sophocle", IL, 1987,2, pp. 67-73. 59

Transcript of Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle,...

Page 1: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

Le glaive d'Ajax

J. Starobinski avait donné pour titre à un article publié voici une vingtaine d'années: L'épée d'Ajax 1, mais il ne traitait pas vraiment le sujet qu'il semblait annoncer, ce que je vais pour ma part tenter de faire sous un intitulé synomyme : Le glaive d'Ajax. Je crois en effet qu'à l'instar des peintres de vases2, Sophocle dans son Ajax ne traite pas le glaive du héros comme un simple accessoire, disons comme un moyen, mais en fait un élément central, presque un personnage, objet d'un véritable dialogue -du moins intérieur-, ainsi qu'on a pu le dire du tombeau d'Agamemnon dans les Choéphores d'Eschyle3, et ce pour des raisons assez voisines, tenant essentiellement à la magie tragique.

Rappel de la légende

Ajax, fils de Télamon, roi de Salamine, est un des grands héros de la guerre de Troie, côté grec. C'est le grand Ajax, dont l'Iliade rapporte les exploits, il est le guerrier le plus vaillant après Achille, et il affronte plusieurs fois Hector. Les éléments de la légende qui nous interressent ici figuraient dans les épopées aujourd'hui perdues de la Petite Iliade et de l'Ethiopide: au départ pour Troie, le héros adopte une attitude impie, il efface de son bouclier l'image d'Athéna, pour montrer qu'il n'a pas besoin de l'aide des dieux, mais il encourt l'hostilité de la déesse; après la mort d'Achille, la question se pose de savoir à qui attribuer ses armes; pour y répondre, les Argiens s'adressent aux prisonniers troyens qui désignent comme adversaire le plus dangereux Ulysse, et non Ajax; Ulysse devient ainsi l'attributaire; Ajax, fou furieux, massacre le bétail de l'armée avant de se suicider de sa propre épée. Quittant l'épopée, la légende se trans­forme, ainsi qu'on le voit chez Pindare4 : ce sont les Grecs eux-mêmes qui désignent Ajax, lequel apparaît alors la victime d'une injustice; à travers ce changement, le personnage évolue, il s'enrichit, il y gagne en profon­deur. C'est cette version que la tragédie - Eschyle et Sophocle- va retenir5 .. Je reviendrai plus loin sur Eschyle

1 RMM, 1973, pp. 433-465. 2 Se reporter au LIMe, art. Aias 1. 3 K. Reinhardt, in Eschyle, Euripide, Paris, 1972, pp. 125-126. 4 Néméennes, v. 23 sqq. 5 Cf. F. Jouan, "Ajax d'Homère à Sophocle", IL, 1987,2, pp. 67-73.

59

Page 2: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

Rappel du drame de Sophocle

Le drame de Sophocle s'intitule exactement Ajax mastigophoros, Ajax porte-fouet, titre qui s'éclaire à la lecture du vers 242 où Tecmesse rapporte que le héros fouette un bélier. Nous en ignorons la date. Les dif­férentes méthodes utilisées pour établir une datation (allusion à des faits de l'époque, procédés stylistiques, etc ... ) concourent à situer cette pièce autour du milieu du siècle, donc durant le premier tiers de la carrière de Sophocle.

Le drame intervient après la crise de folie d'Ajax qui a cru se venger des Atrides, alors qu'il ne s'en prenait qu'à leur bétail, il est revenu à son baraquement, sanglant, avec ses victimes dérisoires.

Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, la tra­gédie est à deux temps: du début jusqu'au vers 865, il s'agit de la folie, du désespoir et de la mort d'Ajax; du v. 866 à la fin (v. 1420), il s'agit du corps et des funérailles d'Ajax.

De façon un peu plus détaillée, mais en nous en tenant aux parties dialoguées retenons :

Le Prologue (v. 1 - 133) : Ulysse, à la recherche de l'auteur du massacre du bétail, arrive à la baraque d'Ajax. Athèna apparaît et explique à Ulysse que c'est elle, qui, pour protéger les Atrides et les Argiens, a jeté la folie dans le coeur d'Ajax, lui faisant confondre animaux et humains. Pour en convaincre Ulysse (et les spectateurs), elle appelle Ajax et nous le fait voir en "action". Notons qu'Ulysse est "gêné" de voir ainsi Ajax comme un pantin.

Le 1er épisode (v. 201-595) met en scène Tecmesse la captive d'Ajax (faisant fonction d'épouse), leur petit Eurysacès (muet) et le héros, ayant retrouvé sa lucidité, mais en même temps ayant atteint le désespoir .. Malgré l'amour et la tendresse familiale, Ajax a décidé de se tuer.

Le 2éme épisode (v. 646-692) nous fait voir un Ajax apparamment apaisé, et ayant choisi de vivre. Ces cinquante vers constituent ce que l'on appelle traditionnellement le "discours mensonger", le "discours trompe­ur" d'Ajax, ou le "revirement". J'y reviendrai précisement

Le 3ème épisode (v. 719-1184) est d'une structure complexe, et c'est en son milieu que s'emboîtent, si je puis dire, les deux temps de l'oeuvre:

v. 729-814: un messager apprend aux compagnons d'Ajax, les Salami­niens formant le choeur, qu'un oracle a révélé que c'est là le seul jour où Ajax court un danger de mort. Après ce jour, il n'aura plus rien à craindre d'Athéna. Il faut donc toujours l'avoir à l'oeil. Or Ajax s'est éloigné. Le choeur et Tecmesse vont partir à sa recherche.

v. 815-865: changement de décor. Nous sommes au bord de la mer. Ajax prépare son suicide et se suicide sur scène. Avons-nous là un nou­veau "revirement"?

60

Page 3: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

v. 866-973: le choeur, Tecmesse et le petit garçon découvrent le ca­davre d'Ajax. A partir de là, comme je l'ai récemment souligné6, il est notable que resteront sur scène jusqu'à la fin le cadavre -certes recouvert­et, à partir du v.1163, le petit Eurysacès.

v. 974-1162: c'est l'arrivée de Teucros, frère d'Ajax, lequel découvre le drame, puis celle de l'Atride Ménélas qui veut s'opposer à l'enseve­lissement du héros.

v. 1163-1184: Teucros va laisser auprès du cadavre Tecmesse et son fils, en posture de suppliants, le temps de prendre les dispositions qui s'imposent.

L'exodos (v.1223-1420): l'opposition violente des Atrides aux rites fu­néraires s'exacerbe dans un débat auprès du cadavre, entre Teucros et Agamemnon (v. 1223-1315); l'intervention d'Ulysse, l'ennemi juré, est pleine de noblesse, puisqu'il convainc Agamemnon d'abandonner la partie (v. 1316-1401). Teucros, aidé de l'enfant, rend alors au héros les honneurs funèbres (v.1402-1420).

Le discours mensonger. Le double retournement. Rappel de la critique. Position du problème.

Le glaive d'ajax sur lequel il se jette et la mort du héros dans sa gé­nèse, sa préparation et sa réalisation constituent le sujet de cet article, ce qui signifie qu'est au centre de mes préocupation cette question évoquée il y a un instant du prétendu "discours mensonger" d'Ajax et de son ou ses "revirements" (v. 646-692 et 815-865). L'ennui, avec ce genre de sujet, c'est qu'il a déjà entraîné une surabondance de commentaires, et que l'on se sent un peu naïf ou prétentieux d'avoir l'impression d'avoir un point de vue un peu nouveau.

Dans l'ensemble donc, quels sont ces commentaires, quel est le pro­blème? Je m'en tiendrai bien sûr à l'essentiel, et il n'est pas question ici de faire un point complet de la critique.

Des travaux récents, dans leur titre-même, rendent bien compte du problème, et en continuent en quelque sorte le questionnement déjà an­cien; je cite: Moore, en 1977, "The dissembling specch of Ajax", YCS ; Albert Machin, en 1981, Hème partie de son livre sur Sophocle, chap 2 : "Ajax, mensonge ou revirement ?"7 ; Stevens, en 1986,"Ajax in the Trugrede", CQ ; G. Crane, en 1990, "Ajax, the unexpected and the decep­tion speech", CP. Dissembling speech, mensonge ou revirement, Trugrede, deception speech; la question est donc: le revirement apparent des v. 646 et suivants, Ajax semblant avoir renoncé à se tuer, est-il sincère ou mensonger? Dans l'ensemble, à la thèse du mensonge pur et simple (thèse de Pohlenz, en 1930, mais encore de Kamerbeek8), mensonge

6 "Les enfants tragiques", in Enfants et enfances dans les mythologies, ed. D. Auger, Université de Paris X - Nanterre, 1995, pp. 105-12l. 7 Cohérence et continuité dans le théâtre de Sophocle, Hauteville, Québec, 1981. 8 M. Pohlenz, Die giechische Tragodie, Leipzig-Berlin 1930, 2e éd 1954, p. 174; J.C. Kamerbeek, The plays of Sophocles. Commentaries, Leiden, 2eéd. 1963, p. II et comment aux v.667-677.

61

Page 4: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

destiné à Tecmesse et aux Salaminiens, mensonge créateur de surprise et de suspens pour le spectateur etc ... , à cette thèse sont préférées aujour­d'hui des positions plus nuancées: soit on accepte encore plus ou moins l'idée de mensonge, mais en lui adjoignant les idées d'ambiguité, d'incom­préhension, liées aux mouvements d'un débat intérieur (position de Machin, de Starobinski, cités plus haut, mais déjà Jebb au XIXe s, Reinhardt, en 1933, et G.M Kirkwood en 1958,9 soit on croit à la totale sincérité du héros (positions de Bowra, de Kitto et de Knox ainsi que de Stevens et Crane déjà cités10) : ces deux derniers points de vue, et surtout le dernier donnent au héros, proche de mourir, une richesse, une profon­deur et une dignité, que le mensonge pur et simple, dans sa trivialité, lui interdit.

Mes réflexions personnelles me conduisent à croire à la sincérité, à l'authenticité du héros. D'une certaine manière, je n'ai jamais compris la thèse du mensonge, considérant comme Knox qu'il s'agit d'un faux problè­me, le personnage de théâtre tragique (en dehors de situations spécifi­ques proches de la comédie), et dans un monologue à un moment crucial, ne pouvant par essence être taxé ni de mensonge ni d'insincérité, ou alors il se ment à lui-même, il est insincère envers lui-même, mais il reste authentique et vrai. 11

Rappel de la problématique scénique de la ''Mort Tragique" Je crois qu'il faut resituer la mise en scène la sophocléenne d'Ajax

dans l'histoire de la tragédie, et plus précisément autour de cette ques­tion fondamentale de "la mort sur scène", sur laquelle je me suis ré­cemment penché.12

Quelques rappels : 1 - Eschyle a créé, avant Sophocle, une trilogie consacrée à Ajax: "Le

jugement des armes ou Ajax, Les femmes de Thrace, Les Salaminiennes."Il aurait été intellectuellement tentant de soutenir le contraire: Sophocle avant Eschyle traitant Ajax, dans la mesure où nous n'avons aucune datation assurée ni pour l'oeuvre de l'un, ni pour l'oeuvre de l'autre, mais les témoignages antiques sont formels; la tragédie de Sophocle s'inspire d'Eschyle, et même: Sophocle innove par rapport à Eschyle (scolie à Ajax 815)

9 R.C. Jebb, The plays and Fragments, éd. comment, Cambridge, 1883-1896, comment .. ad loe. ; K. Reinhardt, Sophokles, Francfort, 1933, 3e éd. 1947, pp. 33-36; G.M. Kirkwood, A Study of Sophoelean Drama, New-York, 1958, pp. 160-161. 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto, Form and Meaning in Drama, Londres, 1956, p. 108, pp. 188-190; B.M.W. Knox, "The Ajax of Sophocles", HSCP, 65, 1961, p. 72. 11 Un point en tout cas recueille l'unanimité: ces revirements concourent à l'intérêt et au suspens, sans qu'il soit besoin d'étayer cette tenue en haleine du spectateur par l'idée que des versions de la légende sans suicide ont existé, ce que rappelle Kamerbeek (op. cit). 12 Article sur ce sujet à paraître dans les Actes des travaux du groupe de recherche "Mythe et psyché" (Centre de Recherche Imaginaire et cCréation de l'Université de Savoie), ed. M.­C. Guhl.

62

Page 5: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

En tout cas donc, Sophocle conçoit son Ajax en écho à la trilogie eschy­léenne.

2 - Qu'est-ce qui caractérisait la mise en scène eschyléenne, eu égard à la mort du héros? Eschyle, comme je l'ai montré est l'inventeur de la mort "hors scène" (Philostrate, Vie d'Apollonios de Tyane, VI, chap 11), et ceci dans une volonté non d'exclusion, non de réduction, mais au contraire d'amplification; Eschyle a trouvé là le procédé permettant d'amener sur la scène du théâtre le fantastique, le monstrueux, le teratôdes étranger a priori à la tragédie (Aristote, Poétique, 1453b.). Or c'est bien ce qu'il a mis en oeuvre pour la mort d'Ajax; je renvoie là à mon Eschyle, poète cosmique, p. 111-112 13; "Ajax enfant avait été rendu invulnérable par Héraclès qui l'avait enveloppé dans sa peau de lion, mais ses aisselles avaient échappé à ce don miraculeux; aussi Ajax, aux dires d'un messa­ger s'exprimant dans Les Femmes de Trace (f. 292 a-b), chercha désespé­rement à se tuer, mais dans son acharnement il n'y parvenait pas, puisque l'épée "fléchissait" sur sa peau, jusqu'à ce qu'une divinité - peut­être Athéna - lui indiquât où il devait frapper". C'est alors le suicide acrobatique dont témoigne l'iconographie, et en particulier l'iconographie étrusque14 ; cet acharnement de mort, suivi du suicide acrobatique, était évidemment in-représentable sur scène. Eschyle, dans son goût pour cette alliance entre le merveilleux et la sauvagerie, a alors usé du procédé du récit de messager.

3 - Après cela, comme nous le dit la scolie à l'Ajax de Sophocle v.S15 déjà citée, Sophocle "plaça l'action à la vue" (. .. ), "voulant sans doute . " Innover.

Mettons-nous là, si c'est possible, dans l'esprit de Sophocle; comment innover? cela revient à se demander; comment faire pour représenter, avec intérêt, sur scène le suicide d'Ajax - dès lors nécessairement non acrobatique. Comment rendre intéréssant et possible sur scène ce suicide presque ordinaire? Comment réaliser cette "chronique d'un suicide attendu"? Il veut se tuer; il va se tuer; il se tue; il s'est tué, pauvreté des faits et de l'acte en soi. Il s'agit là pour Sophocle d'un véritable exercice dramaturgique (le théâtre de Sophocle est souvent, je trouve, un laboratoire.). L'enjeu est de taille ici, et bien tentant, car d'un autre côté il va s'agir aussi de faire voir - non plus l'extraordinaire - mais simplement l'inconnaissable; que se passe-t-il quand on se suicide? que se passe-t-il dans la tête de l'homme, dans l'être de l'homme, juste avant qu'il se suicide? Moments ultimes qu'a connus Ajax, comme on le sait par son mythe, le héros ayant trouvé, accepté et accompli son destin.

L'intérêt d'un suicide attendu

Dès le Prologue, lorsque Athéna fait venir devant Ulysse et les specta­teurs Ajax en proie à sa folie, nous savons que c'est une sorte de jeu d'ombres qui se joue devant nous, jeu d'ombres par lequel le monde in-

13 Paris, les Belles Lettres, 1987. 14 LlMC, art. Aias 1, nO 133, et même nO 117.

63

Page 6: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

térieur est, presque impudiquement, rendu extérieur. Après cette pre­mière apparition du héros, qui est une première ouverture sur son inté­riorité (puisque en fait il est absent, il n'est pas là), le dialogue entre Athéna et Ulysse (v. 118-133) vient comme tout refermer et commenter ainsi, dans la bouche d'Ulysse: "Je vois bien que nous ne sommes rien d'autre que des fantômes, nous tous qui vivons, ou une ombre légère" (v. 125-126).

Ce fantôme, cette ombre légère quasi-volatile, nous les retrouvons à chaque fois dans les monologues d'Ajax (et même déjà dans les longues tirades des v. 430 à 480, 545 à 582), nous révélant les subtilités, les variations, les facettes mobiles d'une psychologie blessée. Nous avons là une des clefs utilisées par Sophocle pour susciter l'intérêt pour ce suicide attendu, l'autre clef, liée à la première d'ailleurs, étant le suspens pro­prement dit de ce premier "to be or not to be" qui nous interpelle précisé­ment, ce suspens tout intérieur étant lui-même renforcé par l'arrivée et les révélations du messager(v. 719-814), qui suscite une nouvelle pulsion d'angoisse, et une nouvelle action: trouver Ajax, tout ceci dans une re­cherche scénique très élaborée.

Mais souligner ainsi l'utilisation de ces deux procédés - si l'on peut user de ce mot -, je veux dire: une psychologie sondée jusqu'aux reins et au coeur, et une dramaturgie du suspens n'a rien en soi d'original; tous les commentaires que j'ai évoqués précédemment l'ont, dans des pers­pectives diverses, mis en lumière. Il m'incombe donc, à présent, d'en venir au glaive d'Ajax .

. Le glaive d'Ajax Et je vais prendre, pour ce faire, les textes concernés: soit v. 646 à

692, v. 815 à 865 (et plus précisement 815-834) et v. 898-899. Lorsque au vers 646 nous retrouvons Ajax, il est clair que nous som­

mes préparés à l'idée de son suicide: dès le début du drame, Tecmesse l'a décrit "comme allant accomplir un malheur" (v. 326). Plus loin dans· son dialogue avec Tecmesse, il exprime le voeu de mourir (v. 391). Au cours de sa première grande tirade, il exprime l'idée qu'atteint du déshon­neur, il doit trouver quelque chose qui le rachète (v. 470-472). Enfin dans sa deuxième grande tirade (où il prend Eurysacès dans ses bras), il évoque clairement à partir du v. 561 son départ de cette terre: son fils sans lui; le rôle de Teucros son frère, qui recueillera ses volontés, prendra soin de son fils et de leurs parents ; il évoque même ses funérailles au cours desquelles ses armes seront ensevelies avec lui (v. 577) ; enfin le vers 582, est plein d'un féroce sous-entendu; "Assez de lamentations, il faut trancher dans le vif', signifie-t-il.

V. 646-657 TRADUCTION 646 647

Le temps dans sa longueur incalculable Fait sortir (de l'ombre) toutes les choses invisibles et

cache tout ce qui était apparent

64

Page 7: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

648

649

650

651

652

653 654 655 656 657

Et il n'est rien auquel il ne faille s'attendre, mais sont pris (en faute)

Et le (plus) terrible serment et les pensées pleines de fermeté.

Pour moi en effet qui faisais preuve d'une terrible vigueur tout à l'heure,

Tel un acier trempé, j'ai efféminé (femellisé) ma bouche (mes propos)

De par l'action de cette femme (il montre Tecmesse) : j'ai pitié de la laisser

Veuve chez des ennemis, et l'enfant orphelin. Eh bien! je vais aller me baigner aux plages du rivage Afin de me purifier de mes souillures Et d'échapper à la lourde rancune de la déesse; Quand je serai parvenu à un endroit sans trace de pas

(jamais foulé), ...

COMMENTAIRE Jusque là, malgré notre surprise, nous n'avons aucune raison de

douter: Ajax a effectivement décidé de ne pas se tuer, et la méditation sur le changement (v. 646-647) est, je dirais, optimiste, quand bien même elle contient l'idée de l'instabilité et de la non-maîtrise du déroulement des choses.

De même les vers 654 à 657 sont à prendre exactement pour ce qu'ils disent, quand bien même ils préparent la suite; il va se laver de tout ce sang, mais dans un lieu solitaire: la communication avec les éléments est propice aux grandes décisions, aux grands événements, et la communi­cation avec le cosmos appelle à s'y noyer, à s'y confondre.

V. 658-668 658 659 660 661 662 663 664 665

666 667 668

TRADUCTION Je cacherai ce glaive mien, la plus odieuse des armes, Ayant creusé la terre, où personne ne le verra; Mais lui, puissent la Nuit et Hadès le garder en bas. Car moi, depuis que ma main a reçu ce don D'Hector, l'homme le plus malfaisant, Je n'ai plus rien eu de bien de la part des Argiens ; Il est vrai, ce proverbe qui a cours chez les mortels : "C'est un non-don, le don que nous font les ennemis, et

non profitable" Aussi à l'avenir je saurai céder aux dieux, Et nous apprendrons à respecter les Atrides. Ils sont les chefs, en sorte qu'il faut leur céder,

n'est-ce pas?

COMMENTAIRE Le vers 658 est crucial. Le passage par ce glaive (tod'egchos) va tout

changer, va tout décider. Au départ, ce glaive qui symbolise le meurtre, la

65

Page 8: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

mort et le malheur, le malheur d'Ajax, sa folie furieuse (dans la tragédie, dès le v. 95, cet egchos est évoqué par Athéna, tout sanglant qu'il est du sang du bétail argien), Ajax veut effectivement le cacher, l'enterrer, le rendre aux puissances maléfiques, aux puissances de mort, Nuit et Hadès; la nuit, Hésiode nous en a dit la descendance angoissante15 ; Hadès, pas de commentaires!

Mais Ajax tenant ce glaive sanglant, le nommant16, le regardant, le montrant, en fait aussitôt comme un personnage; ce personnage est doté d'une histoire: "depuis que ma main a reçu ce don d'Hector ..... ". Nous sommes là renvoyés au chant VII de l'Iliade (v.303 sqq.) Hector a provo­qué à un combat singulier les Achéens; ceux-ci tirent au sort lequel d'entre eux l'affrontera: c'est Ajax. Ils vont se battre jusqu'à la nuit, mais aucun ne l'emporte, et il faut qu'on les sépare. Hector dit alors: "Allons, échangeons tous deux des présents entre tous fameux, pour que l'on parle ainsi chez les Achéens et les Troyens: "Comme ils ont combattu pour la querelle qui dévore les coeurs, ils se sont aussi séparés, après un amical accord." Ayant ainsi parlé, il donna un glaive clouté d'argent, qu'il apporta avec le fourreau et le baudrier bien taillé. Ajax donna un ceinturon d'une pourpre éclatante."17

Voici donc Ajax aux prises avec ce personnage mythique, magique qu'est son glaive, et sa puissance de malfaisance le pénètre :"Depuis que ma main a reçu ce don d'Hector, l'homme le plus malfaisant, je n'ai plus rien eu de bien de la part des Argiens". Ce don d'un ennemi était maudit, et Ajax, ayant accepté, était entré sous le pouvoir de sa puissance maléfique. 18

A partir de là, la poursuite de la méditation sur le changement des choses va prendre une autre tournure. Le toigar du v. 666 ("Aussi à l'avenir ... ") est sarcastique; il n'y a aucune logique directe avec le vers précédent; par contre c'est l'effet du "mauvais don" que lui, Ajax, aille céder aux Atrides! Autant dire que c'est impossible. La méditation est comme polluée, contaminée par la malfaisance du glaive.

15Théogonie, v. 211-232. 16 C"est là pleinement une klèdon, comme l'a souligné J.M. Mathieu lors d'une discussion sur le texte. D'autant plus klédon que le destin d'Ajax, révélé par l'oracle, est en marche; la klèdon est un des instruments du destin, un moyen à la fois de le révéler et de l 'intérioriser. 17 Trad. L. Bardollet, éd. Bouquins, Paris, 1995. 18 Cet échange sera également maudit pour Hector, puisque c'est avec le ceinturon reçu que son corps sera accroché au char d'Achille.

66

Page 9: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

COMMENTAIRE V.669-692 C'est comme pour se convaincre de la nécessité de céder (aux dieux, ou

aux Atrides, est-ce la même chose?)19 qu'Ajax alors contemple que dans le cosmos tout cède à plus fort que soi. La méditation devient une médita­tion sur l'instabilité universelle des choses, des êtres et des sentiments. Sur cette terre rien n'est sûr, rien n'est fiable. Ceci mène à une sorte d"'à quoi bon?". Implicitement, derrière les propos des v. 682-683, se cache l'idée que seule la mort est un "refuge sûr". Et d'un autre côté, ce cosmos qu'Ajax a convoqué l'invite justement à se perdre en lui, à se donner à lui, à lui céder. N'est-ce pas là "être raisonnable"? Il s'agit alors d'un abandon qui lui apporte effectivement la paix.

Au vers 684, tout est arrêté. Il est en paix, et cette paix qu'il a trouvée est relayée par le "je vais aller où il faut que je me rende" du vers 690 et par le "sauvé" du vers 692.

Entre ces vers, on retrouve (en termes certes ambigus que les autres ne comprennent pas) l'adieu, les instructions liées à son départ, des vers 561 et suivants. Mais d'une certaines façon, ce qui était désespoir est devenu apaisement. On peut même dire que la malédiction du glaive a comme basculé en bénédiction.

Avant de quitter ce passage, je conclus donc qu'il n'y a pas de men­songe. Il y a double revirement. Le premier revirement était ordinaire, humain, et Ajax s'en étonnait presque. Mais la résolution définitive de mourir n'est en fait le résultat d'aucune logique, d'aucune évolution psychologique même, elle est le résultat d'une magie, de la magie scé­nique de ce glaive vivant, présent, et montré. C'est bien pourquoi Ajax voulait le cacher.

V. 815-834 Pas étonnant qu'au vers 815 nous retrouvions Ajax avec son glaive

planté dans le sol et dressé vers le ciel, symbole de ce passage cosmique vers l'au-delà qu'il va lui permettre de franchir, et qu'Ajax le désigne d'un mot, sphageus, le "sacrificateur", qui va faire de lui comme un assistant.

815 816 817 818 819 820

TRADUCTION Le sacrificateur est dressé; ainsi il sera le plus coupant, Si l'on a le loisir de faire des calculs Lui, don d'Hector, le plus détesté de mes hôtes, Le plus odieux à voir. Il est fiché dans la terre ennemie de Troade, Nouvellement aiguisé à la pièce mangeuse du fer;

19 Lors d'une réunion de notre Groupe de Recherche sur ce texte, il a été souligné à juste titre que les v. 666-667 comportent un chiasme amer: "céder aux dieux", "respecter les Atrides", chiasme résolu au vers suivant: il faut céder aux chefs.

67

Page 10: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

821 822

823 824 825

826 827

828 829 830

831

832

833 834

Je l'ai fiché, en ayant pris grand soin,20 Afin qu'il ait l'extrême bienveillance envers moi que je

meure vite. Voilà, je suis paré. Dans tout cela Toi, le premier, Zeus, c'est normal, protège-moi. Je ne te demanderai pas d'avoir en part une grande

faveur. Pour moi envoie un messager qui apporte à Teucros La mauvaise nouvelle, afin qu'il soit le premier à me

relever Une fois tombé autour de cette épée pleine de sang frais, Et que, vu d'abord par un de mes ennemis Je ne sois pas jeté en pâture aux chiens, proie pour les

oiseaux. Voilà, Zeus, tout ce que je te demande; et j'appelle en

même temps L'escorteur, Hermès Chthonien, qu'il m'endorme facilement, Et que d'un saut sans convulsions et rapide Je me déchire le flanc à cette dague.

COMMENTAIRE Soit par un changement de décor par rapport à la scène qui précède

(Tecmesse, le messager), soit par une ruse de mise en scène, nous sommes au bord de la mer, dans une solitude totale.

Le premier mot, c'est ce sacrificateur, cet égorgeur droit dressé, le sphageus. C'est un nom de fonction humaine: sacrificateur, égorgeur, qui bien sûr dégénèrera pour désigner le couteau lui-même (cf. Andromaque, v. 1134, dans une liste d'armes)21. Ici l'occurence est très riche: c'est le glaive, mais dans une personnification magique, quasi-religieuse; c'est cet assistant de sacrifice qui, comme Hermès, va faire passer Ajax dans la paix de la mort (v. 832-834)

Du v. 817 au vers 822, on voit qu'Ajax a fait de ce don de malheur, fi­ché dans une terre ennemie, un allié; c'est comme s'il dialoguait avec lui, il l'a amadoué. C'est son talisman magique, grâce à qui il est en paix déjà: "Voilà, je suis paré." Nous sommes renvoyés là à l'iconographie attique de cette séquence, et en particulier au lécythe n° 105![2, qu'il paraît difficile, malgré les datations admises, de ne pas mettre en rapport avec le drame de Sophocle, dans la présence scénique du glaive.

20 Le verbe grec peristellô s'applique en particulier aux soins funéraires. 21 Voir Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, ad loc. 22 Cf. LIMe, loc.cit. On y voit Ajax à genoux, face au glaive fiché dans le sol, les bras tendus vers le ciel.

68

Page 11: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

A partir du v. 823, méditation et prière sur la mort, avant la mort, dans l'ensemble dans une façon et selon un processus tout à fait clas­sique

V. 823-825 : prière à Zeus. V. 826-830: le héros se préoccupe de l'avenir de son corps, dans une

sorte de vision anticipatrice de la scène future (cf. v. 898-899). Ce sera bien effectivement tout le sujet et l'action ultérieure de l'oeuvre, autour de son cadavre.

V. 831-834: ces vers sont tout à fait remarquables par le vocabulaire utilisé. Le héros invoque Hermès escorteur, puisqu'il s'agit d'un passage, du passage: "J'appelle aussi Hermès Chthonien, l'escorteur, qu'il m'endorme (c'est le sommeil de la mort, cf Hippolyte v. 1387; Hécube v. 473), moi qui d'un saut sans convulsions (les convulsions de la mort -cf. Agamemnon v. 1293, même mot, même contexte) et rapide me serai déchiré le flanc à cette dague". Les termes sont extraordinairement choisis: l'épée est effectivement amadouée, et, avec l'aide d'Hermès, l'action - redoutable - qui reste à accomplir (que les mots réalistes: convulsions, rapide, évoquent bien) sera douce, une formalité, un som­meil, comme la paix future qui va en résulter.

A partir du v. 835, il s'agit d'une prière et d'une méditation très clas­sique : émotion, dignité, regret, malédiction aux ennemis, etc ... ; v. 835-844 : thème de la vengeance contre les ennemis; v. 845-851 : Ajax songe à ses vieux parents; v. 852-855: Thanatos sera son compagnon à jamais; v. 856-865 : adieu au monde. D'une certaine manière, ce schéma si classique est signe de son apaisement, de sa noblesse retrouvée, et même, comme Antigone allant à son tombeau de pierre, il atteint une sorte de sainteté.

Et là, ayant évoqué que ses prochaines paroles seront pour les morts (dernier mot est: "je parlerai"), il accomplit sur la scène le saut "sans convulsions" .

******

Sophocle a pleinement réussi à donner à ce "suicide attendu" une in­tense et transcendante puissance, et cela par la magie même de la mise en scène. Dans le monde intérieur que dévoile la tragédie, le glaive est un instrument magique, et nous assistons en quelque sorte en acte, à ce qu'est un suicide en essence. En voyant l'acte du suicide, nous voyons aussi tangiblement ce qu'est le passage de la vie à la mort. Nous voyons le chemin, le chemin intérieur.

La suite de l'oeuvre confirme pleinement la valeur symbolique de la mise en scène, puisque ce cadavre blotti dès lors sur l'épée, va rester jus­qu'à la fin le centre scénique: recouvert d'un voile par Tecmesse, au v. 916 ; découvert par Teucros au v. 1003 ; rien n'indique à quel moment il sera dégagé de l'épée.

69

Page 12: Le glaive d’Ajax - unicaen.fr · Pour m'en tenir à une présentation simple, donc superficielle, ... 10 C.M. Bowra, Sophoclean Tragedy, Oxford, 1944, pp. 39 sqq.; H.D.F. Kitto,

Toujours est-il que du vers 658 jusqu'à la fin, le cheminement secret de l'oeuvre passe par le glaive, qui, ayant bu le sang du héros, en fait ce cadavre apaisé, qui sera finalement enseveli selon les rites.

Le changement d'Eschyle à Sophocle nous permet de qualifier ainsi l'oeuvre du second: Le glaive d'Ajax, ou la mort sauvage apprivoisée.

70

Bernard DEFORGE Université de Caen