LE FIL. Janvier / Février 2012

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IL PLEUT DES bOMbES SUR LE SUD DU SOUDAN EN AUSTRALIE, LES AbORIGèNES RéSISTENT AUX MENACES CONTRE LES HOMELANDS LA VIE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS POUR TOUS CEUX QUI PRENNENT LES DROITS HUMAINS À CŒUR JaNVIER / FéVRIER 2012 VOLUME 42 N° 001

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Le magazine d'Amnesty International en français. Pour tous ceux qui ont la passion des droits humains.

Transcript of LE FIL. Janvier / Février 2012

IL PLEUT DES bOMbESSUR LE SUD DU SOUDANEN AUSTRALIE, LES AbORIGèNES

RéSISTENT AUX MENACESCONTRE LES HOMELANDS

LA VIE DES TRAVAILLEURS MIGRANTS

POUR TOUS CEUX QUI PRENNENT LES DROITS HUMAINS À CŒURJaNVIER / FéVRIER 2012 VOLUME 42 N° 001

LIBÉREz LELAURÉAT DU PRIXnOBEL ET SOnÉPOUSE !

ChInE LIU XIAOBO ET LIU XIA

L’étudiant en droit et blogueur Maikel NabilSanad (26 ans) est détenu à la prison d’El Marg,au nord du Caire. Il a entamé une grève de la faim.

Le 10 avril 2011, il a été condamné à troisannées d’emprisonnement pour avoir publique-ment insulté l’armée sur le réseau socialFacebook, et pour avoir « répandu des mensongeset des rumeurs sur les forces armées » sur sonblog. Il avait évoqué dans celui-ci les jourspassés dans u ne caserne avant l'incorporationpour le service militaire. Il y parlait de sonobjection de conscience au service militaire, etavait raconté son arrestation, son placement endétention et les tortures qu’il avait subies auxmains de l’armée après avoir participé en février2011 à une manifestation. Il avait égalementcritiqué le recours à la force contre lesmanifestants pacifiques de la place Tahrir.

Il a été condamné sans avoir été défendupar un avocat. Le 23 août 2011, il a entamé

une grève de la faim pour protester contre sadétention.

Le 11 octobre 2011, une juridiction militaired’appel a ordonné que Maikel Nabil Sanad soitrejugé. En tant que civil, il refuse d’être jugé parun tribunal militaire. C’est pourquoi il ne s’estpas présenté à la première audience le 18 octo-bre. Ses avocats et sa famille n’étaient pasprésents non plus. La cour a ordonné soninternement en hôpital psychiatrique durant 45 jours. Au moment de la rédaction de cetappel, le jeune homme avait été de nouveautransféré en prison, dans l’attente d’une nouvellecomparution. Basma Abd el Aziz, une psychiatrequi s’était interrogée sur son placement enhôpital psychiatrique, a reçu un avertissementdu ministère de la Santé lui indiquant qu’elles’exposait à une enquête administrative.

Le droit international interdit que des civilssoient jugés par des juridictions militaires.

Toutefois, quelque 12 000 civils égyptiens ont étépoursuivis devant des tribunaux militairesdepuis l’éviction du président Hosni Moubarak.

Veuillez solliciter auprès des autorités égyptiennes la remise en liberté immédiate et sans condition de Maikel nabil Sanad. Demandez-leur de ne plus traduire des civils devant des tribunaux militaires. Envoyez vos appels au directeur de la justice militaire :

Major-General Adel al-MorsiDirector of Military JudiciaryMilitary Judicial DepartmentCairoÉgypte Formule d’appel : Dear Major-General, /Monsieur,

Un BLOGUEURÉTUDIAnTEMPRISOnnÉ

Un JOURnALISTEPRIS POUR CIBLEPAR LA POLICEAnTIÉMEUTES

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ÉGyPTE MAIKEL nABIL SAnAD

GRèCE MAnOLIS KyPREOS

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Liu Xiaobo (à gauche), éminent homme de lettreschinois et lauréat 2010 du prix Nobel de la paix,purge actuellement une peine de 11 ans d’emprison-nement pour « incitation à la subversion de l'État ».Jugé lors d’un procès qui a duré deux heures, le 23 décembre 2009, il a été condamné deux joursplus tard pour six articles écrits entre 2005 et 2007et pour avoir participé à la rédaction de laCharte 08, avoir cherché à recueillir des signa-tures pour celle-ci et l’avoir publiée sur Internet.Son épouse, la poétesse et artiste Liu Xia, a étéillégalement assignée à domicile à Pékin. Tousdeux sont des prisonniers d’opinion.

La Charte 08 est un manifeste réclamant uneréforme démocratique et la protection effective desdroits humains universels en Chine. Le tribunal aestimé que ce texte était « calomnieux » etconstituait une incitation à la subversion. Dans lessix articles également invoqués à l’appui de sacondamnation, Liu Xiaobo critiquait la corruption,la censure et le régime de parti unique ; il plaidait

en faveur d’une démocratie pluraliste. Le tribunala estimé qu’il s’agissait là de « propagation derumeurs, [de] diffamation et [de] dénigrement »,autant d’actes dépassant les limites de la libertéd’expression et constituant une infraction pénale.

Liu Xiaobo est détenu à la prison de Jinzhou,dans la province du Liaoning, dans le nord-est de la Chine. À l’expiration de sa peine, il resteraprivé de droits politiques durant deux annéessupplémentaires.

Son épouse, Liu Xia, a été placée arbitraire-ment en résidence surveillée après l’annonce, le 8 octobre 2010, de l'attribution du prix Nobel de lapaix à Liu Xiaobo. Liu Xia a réussi à contacter unami par Internet en février 2011. On est sansnouvelles d’elle depuis. Elle a dit à cette occasionque son moral était très bas, qu’elle ne pouvait passortir et que toute sa famille était retenue en otage.

Selon des informations non officielles, Liu Xiaet Liu Xiaobo ont été autorisés à se voir deux foisdepuis le mois de janvier 2011.

Veuillez écrire aux autorités chinoises pour demander la libération immédiate et sans condition de Liu Xiaobo. Réclamez également la levée des mesures de surveillance frappant Liu Xia, et de toutes les restrictions à sa liberté de mouvement et à sa liberté d’expression. Envoyez vos appels au Premier ministre :

Premier Wen JiabaoThe State Council General Office2 Fuyoujie, XichengquBeijingshi 100017République populaire de Chine

Fax : +86 10 65961109 (via le ministèredes Affaires étrangères)Formule d’appel : Dear Premier, /Monsieur le Premier ministre,

Le journaliste Manolis Kypreos a perdu l’ouïeaprès qu’un policier grec eut lancé une grenadeassourdissante contre lui, le 15 juin 2011. Ilréalisait un reportage place Syntagma, à Athènes,sur les manifestations contre les mesuresd’austérité imposées par le gouvernement.

Manolis Kypreos a raconté à AmnestyInternational ce qui lui est arrivé : il a vu la policepulvériser des produits chimiques, matraquerdes manifestants pacifiques et lancer sur euxdes grenades assourdissantes. Le chef d’uneunité de la police antiémeutes lui a demandépourquoi il prenait des photos. Il s’est expliqué eta montré sa carte de presse. Le responsable l’aalors injurié et l’a désigné à un policier, qui alancé une grenade assourdissante dans sadirection. Le projectile a explosé à 50 centimètresenviron de Manolis Kypreos, qui est tombé parterre. Lorsqu’il s’est relevé, il n’entendait plus rien.

Alors qu’il se rendait à l’hôpital, lejournaliste est intervenu pour protéger un jeunemanifestant brutalisé par la police. Cela lui avalu d’être frappé à son tour.

Le handicap physique dont souffredésormais Manolis Kypreos et le traumatismepsychologique subi ont mis de fait un terme à sacarrière de journaliste. « Lorsque j’étais enreportage dans des zones de conflit et que je metrouvais pris dans une fusillade, je me suissouvent dit : “C’est un beau jour pour mourir !”Mais je n’aurais jamais pensé que je me feraiscette réflexion en travaillant à Athènes. »

Les autorités grecques ont ouvert uneinformation judiciaire dans cette affaire. ManolisKypreos a également entamé une action civilepour obtenir des réparations et des dommages-intérêts de la part de l’État.

Veuillez écrire aux autorités grecques pour leur demander de conduire une enquête exhaustive et impartiale dans l'affaire Manolis Kypreos. Invitez-les à prendre des mesures disciplinaires contre les personnes dont la responsabilité est établie, et à indemniser de manière appropriée la victimepour sa perte d’audition. Demandez au gouvernement de veiller à ce que le maintien de l'ordre lors des manifestations s'effectue dans le cadre des normes internationales en la matière. Envoyez vos appels au ministre de la Protection des droits du citoyen :

Christos PapoutsisMinister of Citizens’ ProtectionMinistry of Citizens’ Protection4 P. Kanellopoulou Street10177 Athens - GrèceFormule d’appel : Dear Minister, /Monsieur le Ministre,

Un OBJECTEUR DE COnSCIEnCEMEnACÉD'EMPRISOnnEMEnT

Christi Cheramie a été condamnée en 1994 à la réclusion à perpétuité sans possibilité delibération conditionnelle. Elle avait 16 ans.Condamner une enfant à une telle peine estcontraire au droit international. Aujourd’hui âgéede 33 ans, Christi Cheramie a passé plus de lamoitié de sa vie en prison.

Christi Cheramie a été déclarée coupable demeurtre sans circonstance aggravante. Lavictime était la grand-tante de son fiancé. Ellepersiste à affirmer que ce dernier, alors âgé de18 ans, serait l’auteur de l’homicide. Elle aplaidé coupable juste avant le début de sonprocès (devant un tribunal pour adultes), car elle craignait d’être condamnée à mort si laprocédure allait à son terme. En raison de cechoix de défense, elle ne peut faire appel de sadéclaration de culpabilité ni de sa condamnation.En 2001, elle a cherché, en vain, à faire retirer sareconnaissance de culpabilité. Elle a fait valoirqu'elle n'avait pas compris la procédure à l'époque.

L’enfance de Christi Cheramie a été marquéepar des violences sexuelles. À l’âge de 13 ans,elle a été internée en hôpital psychiatrique à lasuite d’une tentative de suicide.

Une surveillante de prison décrit ChristiCheramie comme une « détenue modèle […] quimérite une deuxième chance dans la société ».Elle a obtenu un diplôme de fin d’étudessecondaires et un diplôme d’études agricoles.Elle donne des cours dans ce domaine au seinde son établissement pénitentiaire. Les plusproches parents de la victime ont déclaré qu’elleméritait une deuxième chance.

Les États-Unis sont le seul pays, àl’exception de la Somalie, à ne pas avoir ratifié laConvention des Nations unies relative aux droitsde l’enfant, qui interdit de condamner àl’emprisonnement à vie sans possibilité delibération des personnes âgées de moins de 18 ansau moment de l'infraction commise.

Veuillez écrire au gouverneur de la Louisiane pour lui demander d’octroyer sa grâce à ChristiCheramie. Engagez-le à prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit promulguéeau niveau de l’État une loi, à effet rétroactif, supprimant la peine d’emprisonnement à vie sans possibilité de libération conditionnelle pour les personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits. Veuillez envoyer vos appels au gouverneur de la Louisiane :

Bobby JindalGovernor of LouisianaPost Office Box 94004Baton RougeLA 70804-9004, États-UnisFax : +1 225 342 7099Courriel via un formulaire de contact :http://www.gov.la.gov/index.cfm?md=form&tmp=email_governor Formule d’appel : Dear Governor, /Monsieur le Gouverneur,

UnE MInEURECOnDAMnÉE à LARÉCLUSIOn à PERPÉTUITÉSAnS POSSIBILITÉ DE LIBÉRATIOnCOnDITIOnnELLE

TURqUIE hALIL SAVDA

DES MILITAnTSPACIFIqUES DESDROITS hUMAInS En PROIE à LARÉPRESSIOn

© Amnesty International

Halil Savda, objecteur de conscience et défenseurdes droits humains, risque à tout moment d’êtreemprisonné pour avoir exprimé librement sonsoutien aux objecteurs de conscience. Il a été arrêtéà plusieurs reprises depuis 2004 en raison de sonrefus d’effectuer son service militaire ; au total, il apassé environ 17 mois en détention. En 2008, HalilSavda a été déclaré « inapte » au service militaire.

Il exprime régulièrement en public sonopposition au service militaire obligatoire. Il estégalement le propriétaire déclaré du site InternetSavaş Karşıtları (Opposants à la guerre) enTurquie. Il est actuellement poursuivi dans troisaffaires pour avoir enfreint l’article 318 du Codepénal turc, qui sanctionne le fait de « provoquerl’hostilité publique envers le service militaire ».En novembre 2010, la Cour d’appel suprêmeavait déjà confirmé une condamnation prononcéecontre lui en application de l’article 318. HalilSavda risque à tout moment d'être incarcérépour une durée de 100 jours.

Halil Savda aurait été victime de mauvaistraitements en détention en 2007. Selon le récitqu’il a fait à Amnesty International, quatre agentsl’auraient frappé à coups de pied et de poings ;on lui aurait enfoncé un chiffon sale dans labouche et on l’aurait laissé nu pendant trois joursdans une pièce dépourvue de chaise et de lit, oùil aurait été contraint de dormir à même le sol enciment, sans couverture. Aucune enquête dignede ce nom n’a été menée sur ces faits.

La Turquie est l’un des deux seuls Étatsmembres du Conseil de l’Europe qui ne reconnaîtpas le droit à l’objection de conscience – l’autreest l’Azerbaïdjan. Dans le pays, le service militaireest obligatoire pour tous les hommes âgés de 20à 41 ans. Il n’existe pas de service civil deremplacement et les objecteurs de consciencecontinuent d’être poursuivis en justice.

Veuillez écrire au Premier ministre de la Turquie pour demander que halil Savda puisse continuer librement de publier des articles et de prendre la parole en public pour défendre les objecteurs de conscience sans craindre de subir des actes d'intimidationou des poursuites judiciaires. Demandez aux autorités de mettre immédiatement un termeaux poursuites contre les objecteurs de conscience et d’instaurer un service civil de remplacement, conformément aux normes européennes et internationales. Envoyez vos appels au Premier ministre :

Mr Recep Tayyip ErdoğanOffice of the Prime MinisterBaşbakanlık06573 Ankara - TurquieFax: +90 312 422 18 99Formule d’appel : Dear Prime Minister, /Monsieur le Premier ministre,

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zIMBABWE FEMMES DU zIMBABWE, DEBOUT ! (WOzA)

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Depuis février 2003, des militantes de l’organi-sation Femmes du Zimbabwe, debout ! (WOZA)sont fréquemment interpellées alors qu’ellesmanifestent pacifiquement en faveur du respectdes droits humains et des droits sociaux etéconomiques au Zimbabwe. Un grand nombred’entre elles ont été arrêtées arbitrairement etdétenues dans des conditions épouvantables. Engarde à vue, certaines ont subi des mauvaistraitements allant jusqu’à la torture, ont étéprivées de nourriture et de soins médicaux et n’ontpu contacter un avocat.

Le 21 septembre 2011, 12 militantes deWOZA ont été arrêtées lors de l’intervention brutalede la police pour disperser une manifestationpacifique organisée pour la Journée internationalede la paix. Dix d’entre elles ont été libérées sansinculpation, mais deux dirigeantes du mouvement,Jenni Williams et Magodonga Mahlangu, ont étéinculpées d’« enlèvement » et de « vol ». Elles nientces accusations. Leur demande de remise en liberté

sous caution a été rejetée. Leur incarcération a duré13 jours. On a refusé de leur délivrer des médica-ments dont elles avaient besoin.

La police antiémeutes a frappé une quaran-taine de militantes de WOZA lors d’une mani-festation le 10 mai. Le 28 février, sept membres deWOZA et de l’organisation partenaire Hommes duZimbabwe, debout ! (MOZA) avaient été arrêtés àBulawayo. Ils auraient été torturés au poste depolice central de Bulawayo avant d’être libéréssous caution deux jours plus tard, avec l’obliga-tion de se présenter deux fois par semaine à la police.

Le traitement infligé aux membres de WOZA etde MOZA montre que le gouvernement zimbabwéenne tolère aucune manifestation publique pacifiqued’opposition aux politiques gouvernementales. Ilpermet aussi de constater que des lois répressives,en particulier la Loi relative à l’ordre public et à lasécurité et la Loi relative aux infractions diverses,sont utilisées pour justifier des arrestations et desplacements en détention arbitraires, et ouvrent la

voie à d’autres violations des droits humains parla police.

Veuillez écrire aux autorités zimbabwéennes pour faire part de votre préoccupation face aux multiples arrestations arbitraires, manœuvres d'intimidation, actes de harcèlementet mauvais traitements infligés aux militants de WOzA et de MOzA. Demandez-leur de respecter les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion des membres de WOzA et de MOzA. Envoyez vos appels au responsable adjoint de la police nationale (section criminelle) :

Deputy Commissioner-General (Crime)Innocent Matibiri zimbabwe Republic Police P. O. Box 8807, Causewayharare, zimbabwe Fax : +263 4 253 212Formule d’appel : Dear DeputyCommissioner-General, / Monsieur,

© Amnesty International Ltdwww.amnesty.orgIndex : NWS 21/001/2012ISSN : 1472-443XAILRC-FR pour la version française47, rue de Paradis - 75010 Paris Imprimé sur papier recyclébanbury Litho - Oxon - Royaume-Uni.

Tous droits de reproduction réservés.Cette publication ne peut faire l’objet, en toutou en partie, d’aucune forme de reproduction,d’archivage ou de transmission, quels que soient les moyens utilisés (électroniques, mécaniques, parphotocopie, par enregistrement ou autres), sansl’accord préalable des éditeurs.

Photo de couverture : Dans l’état du Kordofanméridional, au Soudan, on n’est prévenu d’unbombardement aérien que par le vrombissement desavions des forces armées du Soudan. À Kurchi, unhomme guette un Antonov qui vole au-dessus de lui(août 2011). © Carsten Stormer

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LE FIL voussouhaite labienvenueComment inciter les gens à l’action ? Cette question se pose de nouveau à chaquenuméro du FIL.

Agir, cela suppose de ladétermination et del’optimisme, et ce n’est pastoujours facile. Pour lesmilliers de personnes qui ont

fait campagne pendant desannées pour sauver Troy Davis,son exécution en septembre a été un coup terrible. Mais on ne peut pas choisir derenoncer. Et nous savons quecette campagne a sensibilisél’opinion publique et qu’elle a renforcé le mouvement enfaveur de l’abolition de la

peine capitale. L’impulsionainsi donnée peut contribuer à sauver d’autres condamnésà mort.

Militer, c’est le meilleur moyende concrétiser la solidarité et l’espérance. Nous vousdemandons de lireattentivement les quelques

lignes qui figurent sous le titre« Agissez » à la fin des articles.Ce qu’il en adviendra estlittéralement entre vos mains.

bien à vous,L’équipe du FIL

Des sympathisants d’AmnestyInternational au Royaume-Uni lors de la journée mondiale d’action pourl’Égypte, à Londres (février 2011).

© Amnesty International

SOMMAIRE

1LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

SUIVEZLE FIL

AGISSEZAPPELS MONDIAUX LISEZ, DIFFUSEZ, AGISSEZ VOIR L’ENCARTFAITS NOUVEAUX PAGE 21

NOTRE ACTUALITéNouvelles des équipes et campagnes régionales d’Amnesty

International. Envoyez une CARTE POSTALE demandantla sécurité d'occupation pour les habitants

des bidonvilles du Caire.

PAGE 2

LE VOYAGE D’UN MIGRANT Chaque jour de la vie d’un migrant l’expose au

danger et aux difficultés. Trois campagnes àmieux connaître. RObERT GODDEN,

GIORGOS KOSMOPOULOS et SARAH SHEbbEARE.

PAGE 8

« LA LUTTE POUR LA jUSTICE NES’ARRêTE PAS AVEC MOI »

Quel effet a eu l’exécution de Troy Davis sur notrecampagne pour l’abolition de la peine de mort ?

ROSEANN RIFE

PAGE 13

AUSTRALIE : LES TERRES ANCESTRALESDES AbORIGèNES MENACéES

Soutenez les peuples Alyawarr et Anmatyerr quiluttent pour préserver leurs homelands et leur

mode de vie traditionnel. SARAH MARLAND

PAGE 16

LA MORT VENUE DU CIELLes autorités soudanaises bombardent des civils au Kordofan méridional. Selon KHAIRUNISSA DHALA,il est temps que la communauté internationaleintervienne pour faire cesser ce massacre.

PAGE 4

VIVRE EN ENFERDes témoignages effrayants sur la vie à Yodok,un des camps de prisonniers politiques deCorée du Nord.

PAGE 14

ENTRETIEN DU FIL Les habitants de République centrafricaine ont traversé desdécennies de conflits et de violences. LEWIS-ALEXIS MbOLINANI,défenseur des droits humains, s’entretient avec LE FIL.

PAGE 18

VAGUE D’EXéCUTIONS EN IRANEn Iran, ceux qui enfreignent la législation sur les stupéfiantssont de plus en plus souvent exécutés. ANN HARRISON

PAGE 12

Moyen-Orient et Afrique du Nord

Expulsions forcées enÉgypteDes habitants de certains bidonvillesd’Égypte dont les conditions de viesont dangereuses risquent d'êtreexpulsés sans avoir été consultés ausujet de leur relogement. Un grandnombre d’entre eux pourrait seretrouver sans abri. En septembre, à l’occasion du premier salon du livrearabe, Amnesty International a faitvenir au bord du Nil les enfants decinq bidonvilles, qui ont présenté desspectacles de théâtre et de danse, et a sensibilisé l’opinion au problèmedes expulsions forcées en Afrique aumoyen de publications et de photos. http://tinyurl.com/bidonvillesegypteUtilisez la carte postale de l’encart pour exhorter le Premier ministre égyptien à empêcher les expulsions forcées.

Asie et Pacifique

Recul du Japon à proposde la peine de mortLe ministre japonais de la Justice,Hideo Hiraoka, qui avait annoncéqu’il n’approuverait plus d’exécutions,subit des pressions visant à lui fairesigner des ordres d’exécution. HideoHiraoka s’est engagé à suspendre lesexécutions tant qu’un examen durecours à la peine de mort au Japonn’aurait pas été mené. Cet examenest toujours en cours, et pourtant leministre a annoncé en octobre qu'iln'avait pas l'intention d'abolir la

peine capitale. À l’heure actuelle, il ya dans les prisons japonaises 126 condamnés à mort.http://tinyurl.com/pmjapon

Afrique

Des journalistesougandais assaillisDe plus en plus souvent, lesjournalistes ougandais sont harceléslorsqu’ils expriment des opinionsconsidérées comme critiques à l’égarddu gouvernement. Par ailleurs, lesmanifestations publiques ont étéinterdites et quatre militants politiquesont été inculpés de trahison, uneinfraction passible de la peine de mort,pour avoir organisé des protestations.« Dans le climat instauré par lesautorités ougandaises, il est de plus enplus difficile pour la population decritiquer librement les responsablesgouvernementaux, leurs politiques etleurs pratiques », a déclaré GodfreyOdongo, d’Amnesty International.http://tinyurl.com/journalistesougandais

2LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

Amériques

Succès dans une luttepour les terres ancestrales

La communauté indigène desSawhoyamaxa au Paraguay va bientôtpouvoir revenir sur ses terresancestrales, les autorités ayant convenude racheter un terrain de 14 404 hectares.Quatre-vingt-dix familles sawhoyamaxas,qui vivaient dans des conditionsprécaires le long d’une grand-routeproche de leurs terres ancestrales, ont mené une bataille juridique pourrevenir sur une partie de ces terres.Cette communauté se mobilise depuisdes années avec l’aide de groupeslocaux et internationaux, notammentAmnesty International.http://tinyurl.com/landwin

Europe et Asie Centrale

La Finlande doit enquêtersur les « restitutions »Le ministère finlandais des Affairesétrangères a publié des informationsrévélant que plus de 100 atterrissagesd’aéronefs liés aux programmes de « restitution » et de détention secrète de la CIA avaient eu lieu en Finlande.Cependant, le ministère a déclaréavoir demandé des éclaircissementsaux États-Unis au sujet d’un seul vol.Amnesty International demandeinstamment à la Finlande de menerune enquête plus poussée afin dedéterminer si des vols de « restitution »américains ont atterri dans le pays.http://tinyurl.com/volsfinlande

Soulèvement en Syrie

Un militant syrien tuéLe militant Ghayath Mattar aurait ététué en détention après son arrestationle 6 septembre par les forces desécurité syriennes. Son corps a étéremis à sa famille le 10 septembre.Quatre autres militants syriensinterpellés au même moment courentun grave danger. Agissez en leurfaveur à l’adresse www.eyesonsyria.org

La prison centrale deMonrovia, au Liberia, esttellement surpeuplée quecertains prisonniersdorment dans un hamacconfectionné avec des sacsde riz vides et fixé auxbarreaux et aux fenêtres deleur cellule. AmnestyInternational a exhorté lesautorités à améliorer lesconditions désastreusesconstatées dans quatre des15 prisons du pays.

http://tinyurl.com/liberia-prisons

Nouvelles des équipes et campagnes régionales d’Amnesty International

ActualitéNotre

22 journalistes et professionnelsdes médias tués en Russieentre 2000 et 2010.(Source : Comité pour la protection desjournalistes)

http://tinyurl.com/8a3xovs

Des centaines de milliers depersonnes ont participé à notremarathon annuel d’écriture delettres. Rendez-vous sur www.amnesty.org/50

Écrire pour les droits3-17 décembre 2011

Vous pouvez faire changer les choses

NOTRE ACTUALITé

3LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

En août 2009, le gouvernement de l’étatnigérian de Rivers a expulsé de forcejusqu’à 17 000 habitants de Njemanze,l’un des quartiers informels situés aubord de l’eau à Port Harcourt.

Les habitants les plus âgés ont éténombreux à regagner leur village.Mais, sachant que, là-bas, ils n’aurontpas de travail, de nombreux jeunessont restés en ville. Que sont-ilsdevenus deux ans après l’expulsion ?Pour le savoir, nous nous sommesrendus à Port Harcourt.

Nous avons rencontré un groupe dejeunes femmes dans un quartier du bordde l’eau. Nous avons constaté que leursituation est terrible. Elles partagent deminuscules pièces dans des maisonsvouées à la démolition. Elles sont souvent

enceintes ou ont des enfants en bas âge, mais n'ont pas les moyensde se procurer de la nourriture ou des médicaments essentiels.

avant l’expulsion de 2009, toutes ces jeunes femmes vivaientavec leurs parents, étudiaient et aidaient leur famille grâce à desemplois informels. « avant, nous étions libres […] et nous avionsde quoi manger avant d’aller nous coucher », nous a dit l’uned’elles. Leur vie à Njemanze était sans doute difficile, mais ellesvivaient dans la dignité. après l’expulsion, elles se sont retrouvéessans rien. Désormais, il leur est même difficile de faire un repas par jour.

De nombreuses femmes n’ont pas d’autre choix que de seprostituer pour survivre. Elles envoient une partie de l’argent à leurfamille. Elles sont harcelées par des bandes criminelles qui leurextorquent l’argent qu’elles gagnent. Ces mêmes bandes, ainsi qued’autres hommes, entrent dans leur logement pendant la nuit pourles violer. Lorsque ces femmes sont arrêtées, les policiers exigent del’argent, qu’en général elles n’ont pas, ou des rapports sexuelsavant de les laisser partir.

Nous avons demandé à ces femmes ce que peut faire amnestyInternational. Elles ont répondu qu'avant tout, elles voulaient quenous racontions leur histoire. Elles ont également décidé deprotéger leurs droits et de mettre en place un réseau d’alerte quiinterviendra lorsque l’une d’entre elles sera arrêtée.

Nous allons continuer à parler aux jeunes femmes de Njemanze.Parallèlement, nous rassemblons des informations sur les faits quenous avons constatés et nous ferons des recommandations auxautorités nigérianes sur ce qu’elles doivent faire. Les autoritésdoivent savoir que lorsqu’elles détruisent des maisons, ellesdétruisent aussi des vies.

En première ligneLa vie après l’expulsion : les jeunes femmes de

NjemanzeASTER VAN KREGTEN,chercheuse

Peine de mort

Des exécutions contrairesau droit internationalLe 21 septembre, jour de l’exécutionde Troy Davis par les États-Unis,l’Iran a pendu en public AlirezaMolla-Soltani, 17 ans, en dépit desgaranties internationales qui interdisentl’exécution de mineurs. Le même jour,la Chine a exécuté le ressortissantpakistanais Zahid Husain Shah pourtrafic illicite de stupéfiants, alors queles infractions à la législation sur lesstupéfiants ne peuvent pas êtreconsidérées comme les « crimes lesplus graves » auxquels le droitinternational limite le recours à lapeine de mort. http://tinyurl.com/peinemorttroy

Collection Global Ethics

The Human Right to HealthEn février 2011, Amnesty Internationalpublie un nouveau livre dans sacollection Global Ethics. The Human

Right to Health porte sur des débats etidées d’actualité en matière de droit àla santé. Ce livre étudie la notion dedroit humain, détermine si elle peuts’appliquer à la santé et définit lescontextes politiques et culturels quenous rencontrons dans nos effortspour améliorer la santé des habitantsde régions extrêmement différentes.L’auteur, Jonathan Wolff, est professeurde philosophie à l’University CollegeLondon (Royaume-Uni). The Human

Right to Health est disponible enanglais uniquement.http://tinyurl.com/Health-Feb2012

2 ans½de prison pour troismilitants d’oppositionazerbaïdjanais, organisateursde manifestations pacifiquesen faveur de réformes.

CourrierVous souhaitezque vosopinions et voscommentairessoient publiéssur cette page ?Adressez uncourriel à[email protected]

© Glenna Gordon

Ci-dessus : Aster parleavec des femmesexpulsées de Njemanze.

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(« … Les femmes ont vraiment une place, les femmesont vraiment un visage et le monde ne fonctionnevraiment pas bien sans la contribution desfemmes, dans toutes les sphères de la société. »

Leymah Gbowee, l’une des trois femmesayant reçu le prix Nobel de la paix en 2011 )

4LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

LA MORT VENUE DU

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Le conflit continue au Kordofan méridional,l’état soudanais qui jouxte le Soudan du

Sud, indépendant depuis peu. Des hommes,des femmes et des enfants non armés sonttués, mais le reste du monde détourne lesyeux. Reportage de KHAIRUNISSA DHALA,

chargée de campagne.

SUD DU SOUDAN

5LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

LE CONFLIT S’éTENDLe 5 juin, des affrontements ont éclaté entre lesforces armées du Soudan et l’Armée populaire delibération du Soudan-Nord (APLS-Nord), ungroupe armé d’opposition, à Kadugli, capitale duKordofan méridional, et à Um Durein. Ils se sontrapidement propagés dans d’autres villes etvillages et, le 1er septembre, ils ont atteint l'Étatvoisin du Nil bleu.

Les tensions s’aggravaient entre le parti duCongrès national (PCN), au pouvoir au Soudan, etle Mouvement populaire de libération du Soudan(MPLS), au pouvoir au Soudan du Sud, qui adepuis peu obtenu son indépendance, tandis quele gouvernement tentait de désarmer l’APLS. Enmai, les résultats des élections au gouvernorat duKordofan méridional avaient été contestés. Cesélections ont été remportées de justesse par lecandidat du PCN Ahmed Haroun, recherchédepuis 2007 par la Cour pénale internationalepour des crimes de guerre et des crimes contrel’humanité commis au Darfour.

Lorsque le Soudan du Sud est devenu un Étatindépendant, le 9 juillet 2011, le MPLS en activitéau Soudan est devenu le MPLS-Nord, tandis quel'APLS est devenue l'APLS-Nord.

Situé à la frontière du Soudan du Sud, leKordofan méridional abrite de nombreux habitantsd’ethnie nouba. Pendant la guerre civile de 22 ansqui s’est achevée en 2005, les Noubas ont pris lesarmes contre le gouvernement soudanais.

En août 2011, Amnesty International etHuman Rights Watch ont passé une semaine auKordofan méridional afin d'y mener une enquêtesur l’impact du conflit. L’équipe n’est pas parvenueà se rendre en première ligne ou dans des zonescontrôlées par les forces armées du Soudan, maisa interrogé de très nombreuses personnesrescapées des combats dans ces régions.

L’ARRIVéE DE LA FAIMZenab Al Ameen Hamis et ses 10 enfants ont fuiSerifiya à la fin du mois de juin, après l’attaque duvillage par l’armée soudanaise et les milices qui luisont alliées. « J’ai emmené mes enfants en laissanttous mes biens derrière moi, a expliqué Zenab. J’avaiscinq tukuls (huttes) et deux entrepôts de sorgho.Tout a brûlé. Ils m’ont volé mon bétail. J’attends icide recevoir des bâches en plastique. Nous avonsreçu du sorgho, mais nous n'en avons plus. »

Plus de 200 000 habitants du Kordofanméridional ont dû quitter leur foyer par peur desbombardements aériens des forces armées duSoudan, des combats entre ces dernières etl'APLS-Nord et des menaces d’arrestation etd’exécutions extrajudiciaires de Noubassoupçonnés de soutenir le MPLS-Nord.

Les personnes déplacées dans des zonescontrôlées par l'APLS-N vivent souvent dans lesmonts Nouba ou aux alentours. Elles ne possèdent

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Assis sur des rochers surplombant la verdureluxuriante qui s’étend autour des montsNouba, au Kordofan méridional, on en

oublierait presque qu’un conflit armé interne faitrage dans la région. Mais l’illusion est de courtedurée. Les personnes rassemblées là entendentsoudain le ronflement reconnaissable d’un avionAntonov et, avant même que l’avion n’émerge desnuages, elles courent s’abriter dans les grottes quileur servent désormais d’habitation.

Quelques minutes plus tard, trois explosionsretentissent de l'autre côté de la montagne. De cecôté-ci, aujourd’hui, tout le monde est sain et sauf.Cependant, comme le gouvernement soudanaisutilise pour ces bombardements des bombes quine peuvent pas viser de cible précise, il se pourraitque la chance tourne dès demain.

Le 26 juin 2011, Hawatef Kober et ses deuxfilles adolescentes, Iqbaal et Maryam Musa Al Rahima, sont descendues de la montagne.Depuis un mois, elles avaient trouvé refuge dansdes grottes à une heure de leur maison, qu’ellesne quittaient que pour descendre chez elleschercher de l’eau et de la nourriture. « Les avionsqui passaient au-dessus de nos têtes trois ouquatre fois par jour nous faisaient peur, nous a dit Hawatef.

« J’étais à la maison quand les avions sontarrivés. Il était 4 heures de l’après-midi. Mes fillesétaient parties chercher de l’eau au puits. Après lebombardement, des voisins ont ramené Maryam à la maison. Elle était morte : elle avait été touchée à la tête et une partie de son crâne avait étéemportée. Un voisin m’a dit d’aller au cimetière,car mon autre fille, Iqbaal, y avait été emmenée.J’y suis allée, mais ses blessures étaient siaffreuses que je n’ai même pas pu regarder. »

Ce jour-là, les six bombes qui ont explosé prèsdu marché de Kurchi ont fait 13 morts, pour laplupart des femmes et des enfants, et plus de 20 blessés.

Quelques jours auparavant, le 19 juin, auvillage d’Um Serdiba, Mahasin, mère de 10 enfantset enceinte du 11e, faisait des plantations non loinde chez elle. Son mari Angelo al Sir nous a racontéla suite. « Nous avons entendu un avion, unAntonov, décrire des cercles au-dessus de nous. Il y a eu une explosion et ma femme a été tuée surle coup, décapitée.

« Yasser, mon fils de neuf ans, était dans lacuisine où il aidait sa grande sœur Amal à préparerle repas. Il a été touché à la tête [par des fragmentsde bombes]. Il est sorti en courant. Il criait : "Papa,papa, je suis blessé". Ma fille Amani, qui n'avaitpas encore deux ans, était dehors [dans la cour].Elle a été touchée à la poitrine par des fragmentsqui sont ressortis par le dos. Son cousin Musaab[Al Fakih], quatre ans, a été tué à côté d’elle. »

Yasser et Amani sont morts avant qu’Angelopuisse les faire soigner. Plusieurs autres personnesont été tuées ou blessées lors de cette attaque.

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plus guère que les vêtements qu’elles ont sur ledos et quelques bâches en plastique qui serventd’abri. Les bombardements créent un climat depeur constante. Un grand nombre de cesdéplacés a dû abandonner ses champs à unmoment essentiel pour les récoltes.

Le gouvernement soudanais a bloquédélibérément ou a sérieusement restreint l’aidehumanitaire dans la région, en violation du droitinternational humanitaire. Le Programmealimentaire mondial, qui a apporté de l’aide à larégion de Kauda, s'est retiré en juin (ainsi que laplupart des ONG internationales), après le débutdes combats. Les vivres qui restaient entreposésont été distribués par des organisations localespendant 60 jours. Cependant, ces stocks se sontamenuisés et de nombreuses familles ne surviventque grâce à de la soupe faite de baies et de feuilles.

L’INACTION DE LA COMMUNAUTéINTERNATIONALE Alors que le conflit au Kordofan méridional et dansl'État du Nil bleu se poursuit et ne semble pas sediriger vers un apaisement, la communautéinternationale fait très peu d’efforts pour y mettreun terme.

Le 15 août, le Haut-Commissariat aux droitsde l’homme a publié un rapport qui s’appuie surdes recherches menées par les observateurs desdroits humains de la Mission des Nations unies auSoudan avant la fin de leur mandat le 9 juillet. Lerapport décrit des exécutions extrajudiciaires, desdestructions et des pillages massifs de biens civils,qui pourraient constituer des crimes de guerre etdes crimes contre l’humanité.

Le Conseil de sécurité des Nations unies s’estréuni peu après la publication du rapport, mais n’acondamné ni les bombardements aveugles etautres atteintes aux droits humains ni les entravesapportées au travail des organisations humanitairesau Kordofan méridional. Ensuite, en septembre,lors de la session du Conseil des droits de l'hommedes Nations unies sur le Soudan, la communauté

Ci-dessus : Marcela Teimas Suleiman, huit ans, a eu lepied mutilé lorsqu’une bombe des forces arméessoudanaises a frappé son village de Kurchi, au Kordofanméridional, le 26 juin. Ses petites sœurs Makalina,quatre ans, et Breskela, trois ans, ont été tuées lors del’attaque, ainsi que 11 autres civils, dont la plupartétaient des enfants et des femmes.

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linternationale n’a pas pris position ni demandé lavenue d’observateurs indépendants des droitshumains au Kordofan méridional et dans l’État duNil bleu. Tant qu’aucune action n’est entreprise,les civils continueront à supporter lesconséquences du conflit.

AGISSEZ Demandez au ministre des affaires étrangères de votre pays d’intervenir auprès du Conseil de sécurité des Nations unies pour qu’il condamne les bombardements aveugles et autres violations des droits humains commis par le gouvernement soudanais au Kordofan méridional etdans l’état du Nil bleu et exige la fin de ces crimes.

Priez le ministre de demander que les organisations humanitaires puissent venir librement en aide à la population civile et que des observateurs indépendants suivent la situation des droits humains au Kordofan méridional et dans la région du Nil bleu.

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CONTEXTELe Soudan est un pays au passé tumultueux.Depuis son indépendance en 1956, il asouffert d’années de conflits armés internes,dont une guerre entre l’Armée populaire delibération du Soudan du sud (APLS) et legouvernement, qui a duré 22 ans.

Le conflit entre le nord et le sud du Soudans’est achevé en 2005 avec la signature del’Accord de paix global entre le parti duCongrès national (PCN) au pouvoir etl’ancien groupe d’opposition du sud, leMouvement populaire de libération duSoudan (MPLS). Dans le cadre de cetaccord, la population du sud du Soudans'est exprimée le 9 janvier 2011 parréférendum afin de décider si la régiondevait se séparer du Soudan. La réponse aété un « oui » franc et massif et, le 9 juillet2011, le Soudan du Sud est devenu la plusjeune nation du monde.

Le référendum et la création d’un Étatindépendant se sont relativement biendéroulés, mais ce processus a créé certainsproblèmes, et en a laissé d’autres ensuspens. Lorsqu’un seul pays existait, leSoudan du Sud détenait la majorité dupétrole, mais dépendait du nord du Soudanpour le transporter. Les deux pays ne sonttoujours pas parvenus à s’entendre en cequi concerne le partage des bénéfices.

Ils n’ont pas non plus été capables dedéterminer d’un commun accord le tracéexact des frontières qui séparent lesterritoires, ce qui a conduit à un conflitarmé dans la région d’Abyei, revendiquéepar les deux parties. Les affrontements quiont eu lieu dans la ville d’Abyei en mai2011 ont causé le déplacement de plus de110 000 personnes vers le Soudan du Sud.

Page 4 : Des enfants déplacés s’abritent dans descavernes à Labu, au Kordofan méridional (août2011). Plus de 200 000 personnes ont dû fuir leurfoyer par peur de subir les bombardements aériensdes forces armées soudanaises.En haut : La famille Al Sir a subi de plein fouet lesattaques lancées par les forces armées soudanaisescontre leur village, Um Serdiba. Le 19 juin 2011,ces enfants ont perdu leur mère, un frère, une sœuret un cousin. Un autre adulte de la famille a été tuéet cinq enfants ont été blessés lors du même raid. À gauche : Une femme brûlée à la suite d’unbombardement contre le village de Dalami, auKordofan méridional (août 2011).

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TROIS CHaRGéS DECaMPaGNE D’aMNESTYEXPLIQUENT POURQUOINOUS DEVONS LUTTERPOUR LES DROITS DES MIGRaNTS

DES MIGRANTS NéPALAISEXPLOITéSRobert Godden« j’ai reçu mon contrat à l’aéroport. Comme il était en anglais, l’intermédiaire me l’a traduitoralement. Il disait que je serais payé 1 250 ringgitsmalaisiens (417 USD) par mois pour huit heures detravail par jour, plus des heures supplémentaires,que je serais logé gratuitement et que j’aurais unjour de repos par semaine. En réalité, mon salairemensuel était de 450 ringgits (150 USD) et jetravaillais 12 à 16 heures par jour, sans paiementpour les heures supplémentaires ni jour de repos. »

T.P., décembre 2010

Nombre de Népalais qui partent chercher dutravail à l’étranger vivent la même expérience queT.P. Comme lui, la plupart des personnes que nousavons rencontrées venaient de petits villages dezones rurales où il n’y a pas d’usines et où lesemplois sont rares. En 10 ans, le nombre demigrants partis en quête de travail est passé de 55 000 à 300 000 par an.

Alors que le secteur du recrutement, en pleineexpansion, a récolté d’importants bénéfices, laprotection des droits des travailleurs migrants reste

médiocre. Les organismes administratifs, regroupésà Katmandou, la capitale, sont insuffisammentfinancés et n’ont pas les moyens de faireappliquer la réglementation. Les voies de recourssont difficilement accessibles. Le secteur durecrutement peut ainsi agir en toute impunité.

Beaucoup de futurs migrants croient lesintermédiaires qui promettent des salaires élevéset de bonnes conditions de travail dans des Étatscomme ceux du Golfe ou la Malaisie. Ilsempruntent alors des sommes importantes, enmoyenne autour de 1 400 USD, à des tauxd’intérêt élevés, pour payer les frais liés aurecrutement. Souvent, ils ne découvrent la véritéqu’à la réception de leur première paye. Il est alorstrop tard : ils sont couverts de dettes, leurs papiersont été confisqués et ils peuvent difficilement fairemarche arrière.

LE VOYAGE D’UNMIGRANT

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DROITS DES MIGRANTS

Malgré tout, T.P. serait prêt à repartir travaillerà l’étranger. « Pour financer mon premier voyage,j’ai hypothéqué mon terrain à un taux d’intérêt de12 %. Je n’ai toujours pas remboursé le prêt. Jeveux repartir à l’étranger car j’ai besoin d’argentpour ma famille, pour l’éducation de mes enfants. »

Dans le district de Kailali, au Népal, ils sontnombreux à vouloir partir, malgré les risques. Il esttemps pour les autorités népalaises d’appliquer lalégislation sur la protection des droits destravailleurs migrants et de veiller à ce que lesplaintes contre les recruteurs fassent l’objetd’enquêtes en bonne et due forme. AmnestyInternational fera pression sur les autorités pourune réglementation satisfaisante des procéduresde recrutement, afin que T.P. et d’autres puissenttravailler à l’étranger sans crainte d'être exploités.http://tinyurl.com/nepal-migrant-wrks

DROITS DES MIGRANTS

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À ma grande surprise, Miguel rêve toujoursd’aller aux États-Unis pour travailler ; il projetait demonter dans le prochain train de marchandisespartant vers le Nord. Beaucoup d’autres le suivront.

Témoignez de votre solidarité avec le personnel des refuges et les migrants en glissant une brosse à dents, unsavon et une paire de chaussettes dans une enveloppe à bulles que vous enverrez à l’un des premiers refuges que les migrants peuvent trouver dans le sud du Mexique, sur leur route vers le nord : « La 72 » Hogar Refugio para Personas Migrantes, Calle S/N, Colonia Estación Nueva Tenosique, Tabasco, Mexique.Pour visionner Los Invisibles et passer à l’action, rendez-voussur : youtube.com/invisiblesfilms

PIéGéS ET DéTENUS EN GRèCEGiorgos Kosmopoulos« Alors que je vivais [en belgique] depuis delongues années, on m’a soudain renvoyé au Maroc.j’essaie de retourner là-bas. Ma femme a accouchéil y a quelques mois et je n’ai pas encore vu monbébé. je ne sais pas si j’y arriverai ; je suis détenudans cet endroit horrible depuis plusieurssemaines déjà et personne ne me dit ce qui va m’arriver. »

M.M., originaire du Maroc, mai 2011

En mai 2011, nous avons visité quatre centres dedétention à la frontière entre la Grèce et la Turquie.Environ 90 % des migrants et des demandeursd’asile arrivés en Europe en 2010 sont passés parla Grèce, ce qui constitue indiscutablement unproblème épineux pour les autorités.

Pénétrer dans ces installations, c’était seretrouver à une autre époque. Les cellules, sales etsurpeuplées, sentaient si mauvais que les gardesportaient des masques chirurgicaux. Dans unecellule de Tychero, les femmes et les enfantsavaient à peine la place d’étendre les jambes. Desenfants non accompagnés partageaient une celluleavec des hommes et dormaient sur des cartons àmême le sol. Les centres de détention de Tycheroet Soufli n’avaient pas de cour en plein air.

Des détenus m’ont raconté que parfois ilsmanquaient de savon et d’autres produits de base,que la nourriture était médiocre et insuffisante etque les demandes de voir un médecin n’étaientpas toujours satisfaites. « Nous n’avons rien fait demal, disaient-ils. Pourquoi sommes-nousemprisonnés dans de telles conditions ? »

Les mineurs non accompagnés attendaientque de la place se libère au centre d’accueilspécial. J’en ai rencontré certains qui étaientdétenus depuis deux mois. À Fylakio, leur celluleétait sombre, mal aérée et manquait de lits. Lestoilettes débordaient et puaient.

Des conditions si épouvantables sontfortement dissuasives. Une personne qui déposeune demande d’asile risque d’être détenue jusqu’àsix mois. Un Turc détenu depuis 188 jours etplusieurs autres détenus protestaient par unegrève de la faim contre la durée de leur détention.Ils avaient fui leur pays en quête de refuge, desolidarité et de droits humains. « L'Europe est faitepour ça, non ? » disaient-ils.

La détention systématique des demandeursd’asile et des migrants en situation irrégulière doitcesser, et aucun mineur ne doit être détenu. Il fautexhorter les autorités grecques à agir immédiatementet à aligner les conditions dans les centres dedétention sur les normes internationales.

Intervenez auprès des autorités grecques en signant unelettre sur http://tinyurl.com/migrant-rights-greece

TERRORISéS AU MEXIQUESarah Shebbeare« j’ai été passé à tabac en dernier, et ils m’ontvraiment frappé fort… je demandais à Dieu dem’aider, et ils disaient que Dieu, c’était eux… Ils ont frappé un garçon de 18 ans à la tête. Mabelle-sœur, infirmière, connaissait les gestes depremier secours. On a essayé de le réanimermais il était trop tard, on n’a pas pu arrêterl’hémorragie. Il est mort dans nos bras. j’ai cru que c’était le dernier jour de ma vie. »

Miguel angel, septembre 2011

Nous avons rencontré Miguel Angel et sa belle-sœur Laura, deux Honduriens, dans un refugepour migrants de l’État de Mexico. Le récit qu’afait Miguel de son enlèvement par une bandecriminelle, quelques jours plus tôt, m’a choquée.

Pourtant, chaque année, des milliers depersonnes vivent des expériences similaireslorsqu’elles traversent le Mexique dans l’espoird’entrer aux États-Unis. Nous en témoignons dansle film Los Invisibles, qui relate le sort de migrantspassés à tabac, enlevés, violés et même tués.

Miguel et Laura ont réussi à échapper à leursravisseurs et à rejoindre un refuge où on s’estoccupé d’eux. Ils ont repris des forces grâce àune infirmière qui y travaillait bénévolement entreses gardes à l’hôpital local. On leur a offert un lit,de la nourriture et des vêtements.

C’est en grande partie grâce à ce réseau delieux d’accueil et d’aide humanitaire, grâce auxprêtres et laïcs qui les font fonctionner, qu’uncertain nombre de migrants échappent, au coursde leur voyage, à la mort par épuisement ouinanition, ou sous les coups.

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À gauche : Des ouvriers font une pause sur unchantier de Doubaï, Émirats arabes unis, où latempérature peut atteindre ou dépasser 45°C. Denombreux migrants venus du Népal sont enrôlés surce genre de chantiers alors qu’on leur avait promisun autre emploi.En haut : Des demandeurs d’asile et des migrants au centre de détention de Fylakio, dans la régiongrecque d’Evros, en Thrace (octobre 2010).Ci-dessus : Une migrante avec son fils au centred’accueil Hermanos en el Camino, qui offre auxmigrants de la nourriture et un lit avant qu’ilsreprennent leur voyage vers le nord. Oaxaca,Mexique (juillet 2011).

© Amnesty International (Photo: Ricardo Ramírez Arriola)

RéGULIèREMENT EXPLOITéS, VICTIMES © Marc Silver

DE VIOLENCES, SANS ACCèS À LA jUSTICE

MObILISEZ-VOUS POUR LES DROITS DES MIGRANTSwww.amnesty.org/migrants

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En Iran, le nombre d’exécutions de personnes accusées d’avoir enfreint lalégislation sur les stupéfiants est monté en flèche depuis octobre 2010,date à laquelle des représentants du pouvoir judiciaire ont annoncé une

lutte sans merci contre le trafic de stupéfiants. Les arrestations de trafiquants de drogue ont explosé ces dernières années en même temps que les saisies dedrogue augmentaient, notamment dans le contexte d’une mobilisationinternationale visant à endiguer le flux de stupéfiants venant d’Afghanistan.

Dans un nouveau rapport, Addicted to death: executions in Iran for drugs

offences, Amnesty International montre qu’il s’agit souvent d’exécutionsmassives pratiquées en secret dans certaines des prisons surpeuplées du pays.Dans bien des cas, les peines ont été prononcées lors de procès iniques, lescondamnés n’ayant pas été autorisés à consulter un avocat et n’ayantvraisemblablement pas le droit de faire appel de leur condamnation à mort.

Les autorités n'ont jamais reconnu l’exécution, en septembre 2011, de HajBasir Ahmed, un ressortissant afghan. « [Il] nous a téléphoné de la prison deTayebad en Iran pour nous dire qu’il allait être exécuté dans moins de deuxheures. À ma connaissance, il n’a jamais comparu devant un juge, a expliqué unproche de Haj Basir Ahmed. Nous n’avons pas pu faire revenir son corps, car lesIraniens nous demandaient 200 millions de rials, que nous n’avions pas lesmoyens de payer. »

LES PERSONNES DéFAVORISéES SONT PLUS EN DANGERCeux qui risquent le plus d'être exécutés pour des infractions relatives auxstupéfiants sont issus des secteurs les plus défavorisés de la société. Il s’agit par

exemple de membres de minorités ethniques qui souffrent de discrimination sur les plans juridique et pratique, ou d’étrangers quiviennent souvent de pays où les perspectives économiques sont limitées. Des femmes ont parfois recours au trafic de droguespour nourrir leur famille, et certaines personnes ont pu être incitées à transporter des stupéfiants, parfois à leur insu. En revanche,les gros bonnets de la drogue échappent souvent aux arrestations et aux poursuites.

« Alors que le juge nous avait dit que Yousef serait condamné à six ou sept mois de prison, le ministère du Renseignement a demandé son exécution, a souligné Mahmoud Islamdoust, le père de Yousef. Mon fils a été torturé par [des représentants du]ministère du Renseignement pendant une cinquantaine de jours. »

L’Iran continue d’enfreindre l’interdiction de l’exécution de mineurs délinquants, inscrite dans le droit international. Deuxmineurs – Vahid Moslemi et Mohammad Nourouzi, tous deux afghans – ont peut-être été exécutés pour des infractions à lalégislation sur les stupéfiants avec 20 autres personnes, le 18 septembre 2011, dans les prisons d'Evin et de Rejai Shahr.D’après les informations dont dispose Amnesty International, d’autres mineurs délinquants seraient dans le couloir de la mort,et certains d’entre eux auraient déjà été exécutés.

Il y a 20 ans, les autorités ont intensifié les exécutions pour infractions présumées à la législation sur les stupéfiants dans le cadre d’une « guerre contre la drogue » destinée à éradiquer le trafic de stupéfiants dans le pays. Pourtant, on estime lenombre actuel de toxicomanes et d’utilisateurs dans le pays à deux millions de personnes. L’opium afghan est consommé engrandes quantités en Iran, qui est le plus grand marché du monde pour l’opium, ainsi que pour d’autres drogues illégales. Il est également un pays de transit important pour le trafic vers d’autres régions du monde, notamment en direction del’Europe et, de plus en plus, de l’Afrique. Depuis peu, des quantités encore plus importantes de drogues de synthèse, parexemple de la méthamphétamine, sont fabriquées en Iran et revendues à l’étranger, surtout dans les pays asiatiques.

Le problème monumental de la drogue en Iran ne peut pas être résolu en généralisant l'application de la peine de mort.Rien ne prouve clairement que ce châtiment ait un effet substantiel sur la diminution du trafic et de l’abus des stupéfiants ;même au sein des pouvoirs publics, certains doutent de son efficacité. Les autorités sont devenues dépendantes de la peinede mort, qu’elles considèrent comme une panacée apte à soigner tous les maux de la société. Cependant, le problème de ladrogue en Iran ne cesse de s’aggraver.

VAGUED’EXéCUTIONSEN IRANEN IRAN, ON EXéCUTE EN SECRET DENOMbREUX AUTEURS D’INFRACTIONS À LA LéGISLATION SUR LES STUPéFIANTS. LES AUTORITéS PRéTENDENT QUE CECHÂTIMENT DRACONIEN éLIMINERA LATOXICOMANIE QUI SéVIT DANS LE PAYS.MAIS ELLES ONT TORT, AFFIRME LADIRECTRICE DE PROGRAMME ADjOINTEPAR INTéRIM ANN HARRISON

AGISSEZExhortez le Guide suprême iranien à commuer toutes les condamnationsà mort, y compris celles qui punissent des infractions à la législationsur les stupéfiants, à ordonner la révision de la loi relative auxstupéfiants afin de supprimer l’application obligatoire de la peine demort pour les infractions de ce type et à veiller à ce qu’aucun coupableprésumé de ce type d’infraction, une fois arrêté, ne subisse de tortureou d’autres mauvais traitements et à ce que tous les procès soientconformes aux normes internationales d’équité des procès. Tous lesaccusés doivent disposer de toutes les possibilités de se défendre etdoivent avoir le droit de faire appel de leur condamnation et de leur peine.

Vous pouvez également agir en ligne. Rendez-vous surwww.amnesty.org/fr/death-penalty/iran

Veuillez écrire au Guide suprême de la République islamique d’Iranayatollah Sayed ‘ali KhameneiThe Office of the Supreme LeaderIslamic Republic Street – End of Shahid Keshvar Doust Street, Tehran, République islamique d’Iran

Courriel : [email protected] d’appel : Your Excellency, / Monsieur,

12LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

AbOLISSONS LA PEINE DE MORT

Lutter pour l’abolition de la peine capitale ne va pas sans difficulté. Cette question estintrinsèquement liée à la vie, à la mort et

à la justice. Les nombreuses personnes qui consacrent du

temps à cette action tissent souvent de puissantsliens affectifs avec des condamnés à mort et leurfamille. Après l’exécution de Troy Davis enGéorgie, aux États-Unis, le 21 septembre, desmilitants ont partagé la peine de sa famille et deses amis. Il est difficile de ne pas se découragerlorsqu’une mobilisation impressionnante ne suffitpas pour empêcher un État de tuer.

Depuis cette exécution, on nous demandesouvent ce que cela nous fait de ne pas avoir pusauver la vie de cet homme, après tant d’annéespassées à le défendre. Certes, le dénouement a ététragique. Mais les efforts que nous avons fournis pourlui n’en ont pas moins eu un impact considérable.

Nos membres dans le monde entier ontparticipé à plus de 300 rassemblements silencieuxou événements divers dans la semaine qui aprécédé l’exécution. À la une des journaux dumonde entier, le cas de Troy Davis a mis enévidence le défaut le plus cruel de la peine demort : son caractère irrévocable. Grâce au bruitfait par cette affaire, les abolitionnistes ont pus’adresser avec force aux médias, aux autorités etau grand public.

Selon de nombreux témoignages de membres,le très grand intérêt suscité par cette exécution aamené l’opinion, dans bien des pays, à remettreen cause la peine capitale. Il s’agit d’une véritableavancée pour le combat en faveur de l’abolition.

UN IMPACT DANS LE MONDE ENTIER Les doutes qui pèsent sur la culpabilité de Troy Davis ont attiré l’attention de nombreusespersonnes à Taiwan. Les militants ont comparécette affaire au cas de Chiou Ho-shun. CommeTroy Davis, Chiou Ho-shun a passé plus de vingtans dans le couloir de la mort, et des doutesplanent sur les éléments retenus contre lui.

Chiou Ho-shun et ses coaccusés disent n’avoirpu communiquer avec personne pendant lesquatre premiers mois de leur détention. Ils affirmentqu’on les a torturés pour leur faire « avouer » lescrimes de meurtre et d’enlèvement, « aveux » surlesquels ils sont revenus. À la suite d’une enquêteofficielle, en 1994, deux procureurs et 10 policierstravaillant sur l’affaire ont été reconnus coupablesd’avoir extorqué des « aveux » sous la torture.

Au Japon aussi, ce sont les réactions del’opinion internationale qui ont fait avancer le débatpublic. Iwao Hakamada a été reconnu coupable dumeurtre de quatre personnes à l’issue d’un procèsinique et a « avoué » au bout de 20 joursd’interrogatoire par la police en l’absence d’unavocat. Il est ensuite revenu sur ses « aveux » et a déclaré pendant son procès avoir été frappé etmenacé par la police. Iwao Hakamada, atteintd’une maladie mentale après avoir été détenu àl'isolement pendant presque 30 ans, peut êtreexécuté d’un jour à l’autre.

À l’occasion du 50e anniversaire d’AmnestyInternational, nos membres travaillent égalementsur deux cas de travailleurs migrants en Arabiesaoudite, où les étrangers sont particulièrementvulnérables et souvent jugés de façon inéquitable.Le Nigérian Suliamon Olyfemi a été condamné àmort pour meurtre en 2004 à l’issue d’un procèsinéquitable qui s’est tenu en arabe, une langue qu’il ne maîtrise pas ; il n’a pas pu bénéficier del’assistance d’un interprète et n’a pas eu accès à unavocat. Siti Zainab Binti Duhri Rupa aurait avouéavoir tué son employeur en 1999 ; elle souffre detroubles mentaux et n’a à aucun moment étéassistée par un avocat.

LE COMbAT CONTINUELes militants mettent souvent l’accent sur lenécessaire respect des normes internationales enmatière d’utilisation de la peine de mort, mais cesont les cas individuels, les noms et les visagesdes condamnés à mort, qui captent l’attention de l’opinion publique.

Dans les pays où les médias sont vigilants etoù la justice s’exerce dans la transparence, noussommes en mesure de suivre les affaires de prèset d'élaborer des stratégies. Aux États-Unis, enInde et à Taiwan, nous avons travaillé avec et pourdes condamnés à mort pendant des années, voiredes décennies.

Mais nous devons aussi nous rappeler etrecenser les inconnus qui ont été exécutés. Dansde nombreux cas de condamnations à mort, enCorée du Nord, par exemple, aucune informationn’est relayée par les médias, aucun avocat nes’efforce de former un recours, et les personnesexécutées n’apparaissent dans nos rapports quesous forme de chiffres.

Amnesty International s’oppose à la peinecapitale pour tous les crimes, en toutes circonstanceset dans tous les pays. Nous continuons à nous battreau nom de tous ceux qui risquent d’être exécutés,même lorsque nous ne connaissons pas leur nom.

Troy Davis le savait. Peu avant sa mort, il adéclaré : « La lutte pour la justice ne s'arrête pasavec moi. Cette lutte vaut pour tous les Troy Davisqui m’ont précédé et tous ceux qui viendrontaprès moi. »

Les personnes qui œuvrent pour l’abolitiondans le monde entier ne doivent pas s’arrêter à la peine et à la colère éprouvées lorsqu’unepersonne est exécutée ; elles doivent égalementconstater que leurs efforts portent leurs fruits. Il existe manifestement un courant mondialfavorable à l’abolition. Ensemble, nous sommesforts, et nous l’emporterons.

« LA LUTTE POUR LA jUSTICE NE S'ARRêTE PAS AVEC MOI »

13LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

Venus de France, des militants d’AmnestyInternational arborant des portraits de Troy Davisprotestent contre la peine de mort aux États-Unis(juillet 2008).

Ainsi parlait Troy Davis, exécuté en septembre auxÉtats-Unis. La campagne pour sauver Troy permettrad’aider d'autres condamnés à mort : ROSEANN RIFE,responsable des projets spéciaux chez AmnestyInternational, en est convaincue.

© Laurent HINI

Environ 50 000 hommes, femmes et enfants seraient incarcérés dans le camp pour prisonniers politiques de Yodok, en Corée du Nord. Ils sontpour la plupart détenus sans jugement. Quel est le motif de leur présenceà Yodok ? Peut-être ont-ils critiqué le gouvernement ou parlé à un Coréendu Sud. Il se peut qu’ils aient regardé une émission sud-coréenne à latélévision ou écouté la radio de ce pays. Certains d’entre eux sontd'anciens représentants du gouvernement qui n’ont plus les faveurs dupouvoir. D’autres ont simplement des liens familiaux avec une personneappartenant à une de ces catégories.

À Yodok, ils se voient imposer des travaux forcés, ils sont brutalisés etcontraints d’aller à la limite de leurs forces, mentales comme physiques.Certains naissent à Yodok, d’autres y laissent leur vie. Seuls de raressurvivants peuvent raconter leur histoire.

VIVRE EN ENFER

CORéE DU NORD

14LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

Fond de page : Photo satellite du camp 15 pourprisonniers politiques de Yodok (PPC15), dans lecentre de la Corée du Nord, prise le 7 avril 2011.Cette photo a été prise à la demande d’AmnestyInternational afin de faire pression sur le pouvoirnord-coréen pour qu’il ferme Yodok et d’autrescamps similaires.À gauche : Shin Sook-ja, avec ses filles Oh Hyewonet Oh Gyuwon. Selon d’anciens codétenus, cettephoto a été prise à Yodok et envoyée au mari de ShinSook-ja, Oh Kil-nam, en 1991. Vous trouverez sontémoignage en page suivante.

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‘‘ Il n’y a pas eu de procès. Un jour, mon gardien de cellule m’a dit : « Prépare-toi !Tu vas partir. » je lui ai obéi. je leur ai demandé oùj‘allais. Ils ne m’ont pas répondu.

Et on m’a emmené à Yodok.’’ancien prisonnier, 1994-97

‘‘ j’ai vu trois exécutions. Ils ont exécutédes détenus qui avaient essayé de s'échapper.Tous ceux qui tentaient de s’évader étaientrattrapés. Ils étaient interrogés pendant deuxou trois mois, puis exécutés.’’Kim, ancien prisonnier, 1997-2000

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CORéE DU NORD

15LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

‘‘ j’étais suspendue par les bras pendant une demi-heure,puis redescendue, et cela jusqu’à cinq fois par jour.D’autres fois, ils me mettaient un sac de plastique noir surla tête et me plongeaient dans l’eau pendant de longuespériodes. Pendant cinq mois, j’ai été torturée. À la fin, j’ai « avoué » ce qu’ils voulaient entendre.’’Lee, torturée pour avoir quitté la Corée du Nord sans autorisation et envoyée à Yodok de 1997 à 2000.

‘‘Aucun jour ne passe sans que je regrette profondément les souffrances que subit par ma faute ma famille, restée en Corée du Nord. Elles ont tant souffert pour un crime qu’elles n’ont pas commis.je veux savoir où elles sont, ce qui leur est arrivé, avoir de leurs nouvelles. je rêve qu’elles soient libérées et que nous soyons réunis.’’

‘‘Nous n’étions pas traités comme des êtres humains ; nous étions forcés à travailler durementavec des objectifs difficiles et, si nous n’arrivions pas à les atteindre, nous étions punis par desrestrictions sur notre régime alimentaire, déjà insuffisant. Si nous étions malades, nous n’avionspas de repas car nous n'étions pas productifs. étant donné que les toilettes étaient bondées, quenous manquions de temps et qu’on nous imposait par la force d’atteindre nos objectifs de travail, il était fréquent que nous urinions ou déféquions pendant notre travail.’’Kim et Lee, anciens prisonniers, 1997-2000

‘‘ [L]es agents de sécurité avaientdes esclaves sexuelles sélectionnéesparmi les détenues, [qui] recevaientplus de nourriture et à qui on assignaitdes tâches relativement faciles.’’ahn, ancienne prisonnière, 1980-82

‘‘Les enfants de ma classe ont reçu l’ordre decreuser le sol et de déplacer les déblais jusqu’à unchantier situé à 200 m de là. Nous avions peur que tout s’écroule, à mesure que l’excavation grandissait. Les professeurs qui nous surveillaient ont dit auxenfants de continuer à creuser.Au bout de trois jours, la colline s’est effondrée. Trois enfants ont été tués et trois autres grièvementblessés. Les professeurs ont reproché aux enfantsd’avoir fait preuve de négligence.’’

‘‘ L’expression « prisonnier politique » est absente du vocabulaire en Républiquepopulaire démocratique de Corée et, par voiede conséquence, il n’existe pas de camps deprisonniers politiques dans le pays. Il existedes établissements de réinsertion, appelés « prisons » dans d’autres pays. Les personnescondamnées à des peines de redressementpar le travail pour des crimes contre l’état ou d’autres infractions spécifiées dans laConstitution purgent leur peine dans lesétablissements de réinsertion en question.’’Réponse de la Corée du Nord à l’examen par les Nations unies de son bilan enmatière de droits humains devant le Conseil des droits de l'homme, décembre 2009

AGISSEZécrivez aux autorités nord-coréennes, en les exhortant à fermer immédiatement le camp de Yodok et à libérer tous les prisonniersd’opinion qui y sont détenus. Voir http://tinyurl.com/7hsnwch

Oh Kil-nam, qui a demandé l’asile au Danemark en 1986 après avoir été envoyé en allemagnepar les autorités nord-coréennes. Sa femme et ses deux filles (photo à gauche) ont étéinternées à Yodok en 1987. Il semblerait qu’elles se trouvent dans la zone de contrôle total du camp, où elles pourraient demeurer toute leur vie. Oh Kil-nam vit maintenant à Séoul.

Kang Cheol-hwan, ancien enfant prisonnier, 1977-87

DROITS DES AUTOCHTONES

16LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

Les Aborigènes vivent en Australie depuis desmillénaires ; leur culture perdure sansdiscontinuer depuis plus longtemps que toute

autre au monde. Outre leurs propres lois etcoutumes, ils entretiennent avec la terre unerelation toute particulière. Rosalie Kunoth-Monks,une ancienne des peuples alyawarr et anmatyerr,l’explique en ces termes vibrants :

« Toutes les composantes de notre identitésont liées à la terre. La terre est au centre d’uncercle. La langue dérive de cette terre. Danscette région, ce sont les langues alyawarr etanmatyerr. Ce cercle englobe la généalogie, lesgroupes familiaux. Il englobe nos terres sacrées.Il englobe notre droit, tant notre loi que notrecoutume. Si vous rompez l’une de ces branchespour la séparer de la terre, vous anéantissez lalignée d’un peuple. »

Le gouvernement fédéral australien et legouvernement du Territoire du Nord mettentactuellement en péril l’avenir des terres ancestrales.Les politiques gouvernementales entraînent ladiminution du financement qui leur est accordé enfaveur d’agglomérations plus importantes, ainsi queleur déplacement en bas de la liste des priorités enmatière de services essentiels, notamment dans lesdomaines de la santé, de l’éducation, du logementet de l’entretien des infrastructures. Cette évolution

contraint les habitants des homelands à partirs'installer dans des agglomérations pour avoir accèsaux services de base.

De plus, les autorités prennent des décisionsqui affectent les communautés sans les consulteret sans avoir obtenu leur consentement préalable,libre et éclairé. Les politiques ainsi adoptéesconstituent donc à l’égard des Aborigènes unevéritable discrimination fondée sur leur culture etleur lieu de résidence.

LA RéPéTITION D’ERREURS DU PASSéAu siècle dernier, pendant des dizainesd’années, la politique menée par le gouvernementaustralien a consisté à expulser les Aborigènes et

les populations des îles du détroit de Torrès deleurs terres ancestrales pour les envoyer vers desmissions, des villes et des agglomérations, dansle cadre d’un processus dit « d’assimilation ».

Dans les années soixante, de petits groupesd’Aborigènes, généralement des familles etautres ensembles de personnes étroitementliées, commencèrent à retourner vers les terreset les points d’eau traditionnels de leursancêtres et à y fonder des communautés. Ce mouvement est connu sous le nom demouvement des homelands. Actuellement, untiers des Aborigènes du Territoire du Nord vitdans environ 500 homelands.

Des études montrent que la vie sur ces terresancestrales apporte de réels bienfaits. Lespeuples alyawarr et anmatyerr des homelands

« LA TERRE NO

Le gouvernement australien supprime des services de manièresystématique dans de nombreuses communautés du Territoire du Nord,mettant en péril le lien qui attache les Aborigènes aux homelands, ou terresancestrales. La survie et la dignité des communautés en danger dépendentde la défense de leurs homelands. Reportage de SARAH MARLAND, chargéede campagne d’Amnesty International en Australie.

« Mes peintures sont des“cartes” de notre pays.je ne peux pas peindre si je ne suis pas sur materre. Mon art existegrâce au lien que

j’entretiens avec les terres de mes ancêtres.j’aimerais que mes petits-enfants aient la

chance de vivre sur leur terre, pour connaîtreses histoires. »Kathleen Ngal, (photo ci-dessus), ancienne d’anmatyerr et artisterenommée, Camel Camp, Utopia

Jellalonia Jones, Rianna Ross et Christalin Jones,habitantes d’Utopia.

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DROITS DES AUTOCHTONES

17LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

US MAINTIENT »

d’Utopia se trouvent à 260 km au nord-estd’Alice Springs, dans le Territoire du Nord.Utopia est le lieu de vie d’environ 1 400 personnesréparties dans seize communautés séparées pardes distances de plusieurs centaines dekilomètres. Les études montrent que leshabitants d’Utopia sont en meilleure santé, sontplus heureux et vivent plus longtemps.

Cette conclusion est particulièrement vraie etde plus en plus claire concernant la santé : on apu constater que les Aborigènes des communautésinstallées sur les homelands étaient en bienmeilleure santé que ceux des grandesagglomérations. Les personnes qui fondent unefamille sur ces terres peuvent conserver les liensspirituels et économiques qui les y attachent etbénéficier d’un certain degré d’autonomie etd’une capacité d’action de la communauté.

Pour ces communautés, l’orientation priseactuellement par les pouvoirs publics annoncepeut-être un retour à l'ère de l'assimilation.

Les enseignements tirés du passé et lesobligations au regard du droit international

devraient inciter le gouvernement australien àencourager les communautés à vivre sur lesterres de leurs ancêtres au lieu de porter atteinteà ce mouvement.

Depuis trois ans, Amnesty Internationalrassemble des informations sur les violations desdroits humains commises par le gouvernementaustralien et celui du Territoire du Nord enversles communautés aborigènes, notamment sur lesinfractions au droit fondamental des peuplesindigènes à disposer des terres de leurs ancêtres.En août 2011, nous avons publié le rapport The

land holds us: Aboriginal Peoples’ right to

traditional homelands in the Northern Territory,disponible sur www.amnesty.org.au/indigenous-rights/comments/26216

AGISSEZadressez un message de soutien aux peuples alyawarr et anmatyerr des homelands d’Utopia en envoyant, après l’avoir remplie, la carte figurant dans l’encart. Le gouvernement australien verra ainsi que des femmes et des hommes du monde entier estiment qu'il ne devrait pas abandonner les homelands.

« Mes grands-parents m'ont enseigné la médecinetraditionnelle du bush. Pour continuer à lapratiquer, j’ai besoin de vivre sur les homelands.

Nous savons que les gens d’ici sont en meilleuresanté que les autres. Nous vivons plus vieux, avonsmoins de problèmes cardiaques et de diabète,mangeons mieux et faisons plus d’exercice.

Si les gens doivent partir en ville, nous perdronsnotre médecine. Comment les jeunes enfantspourront-ils la connaître ? »Joycie Jones Petyarr, praticienne de santé, Utopia

« je vis ici, j’ai grandi ici :c’est mon pays.

C’est un endroit à part,je ne veux aller nulle partailleurs. j’aime mon pays,j’y resterai pour toujours.Tous ceux qui reposent

en-dessous sont ma famille. C’est une seule terre,une seule famille. »Motorbike Paddy Petyarr, ancien d’anmatyerr et kwertengel, ou « intendant », de sa terre, Utopia

Arrière-plan : La route Rouge qui relie Alice Springsaux Utopia Homelands, dans le Territoire du Nord,en Australie.Ci-dessus : Camp de femmes à Rocket Range,Territoire du Nord.

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ENTRETIEN

18LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

«Dans le sud-est du pays, presque tout le monde est victime de l'Armée derésistance du seigneur (LRA), affirme

Lewis-Alexis Mbolinani (en haut à gauche, avecune cravate, sur l’illustration). Lors de leurs attaques,ils incendient des maisons et des greniers. Ilstuent et enlèvent des gens. Des humiliations entout genre sont perpétrées. La population estconfrontée à énormément de violence. »

La situation en matière de droits humains enRépublique centrafricaine est terrible. Le pays,ravagé par un conflit impliquant un grand nombrede pays différents, est dans une situation explosiveet instable. Des atteintes aux droits humainscontinuent d’être commises en nombre incalculablepar les différentes parties à ce conflit qui déchirele pays. Des dizaines de milliers de Centrafricainsont été contraints de fuir vers les pays voisins. La République centrafricaine compte en outreplusieurs centaines de milliers de personnesdéplacées à l'intérieur du pays.

C’est depuis 2008 que la LRA cause le plus de souffrances dans l’est de la Républiquecentrafricaine. Elle a mené des incursions dansl’est du pays, notamment à partir de la Républiquedémocratique du Congo (RDC) voisine, ou parfoisdu Soudan du Sud. La LRA n’a pas de programmeclair. « Normalement, une force rebelle a desobjectifs spécifiques et cherche à sécuriser sonpouvoir, déclare Lewis-Alexis. Quels sont lesobjectifs de la LRA ? Ils disent être une armée delibération envoyée de Dieu, mais quel est ce Dieuqui ne fait que tuer ? C’est tout un phénomène de

destruction,d’exterminationdes peuples. »

En juillet 2010, deschercheurs d’AmnestyInternational ont rencontré etinterrogé des dizaines de victimesd’atteintes aux droits humainscommises par la LRA, notammentdes personnes enlevées et internéesdans des camps de la LRA. Les faitsrelatés par les victimes comportaient mutilations,traitements cruels, torture et notamment viol,esclavage sexuel, pillage, attaques directes etintentionnelles contre des civils et recrutementforcé d’enfants contraints à combattre comme soldats.

SOUTIEN AUX VICTIMESLe défenseur des droits humains Lewis-Alexis estcoordonnateur de l’ONG Jeunesse unie pour laprotection de l’environnement et le développementcommunautaire (JUPEDEC). Cette ONG agit enfaveur de la santé et de l’éducation dans le sud-est de la République centrafricaine et aide lesvillageois à construire des centres, des salles declasse et des ponts et à mettre en œuvre desinitiatives génératrices de revenus.

La JUPEDEC met également sur pied desprogrammes d’aide aux enfants soldats de retourdes camps de la LRA. « Les enfants sont

La Lord's Resistance Army (LRA, Armée de résistance du Seigneur) terrorise lapopulation civile de la République centrafricaine. Ses membres tuent de sang-froid, forcent des enfants à devenir soldats, violent des femmeset des fillettes et ont expulsé des milliers de personnes de leur village. Le défenseur des droits humainsLEWIS-ALEXIS MbOLINANI explique au chercheurGodfrey byaruhanga, d’Amnesty International,comment la société civile peut apporter un remède à cette situation effrayante.

RéSISTER AU RèGNEDE LA TERREUR

endoctrinés et poussés à revenir dans leur village pour y commettre des massacres, pour tuer leurs propres parents et d’autres villageois,explique Lewis-Alexis. Ils se sentent coupables.Nous sensibilisons l’opinion à la situation difficiledes enfants soldats, pour qu’ils soient bienaccueillis lorsqu’ils reviennent et qu’ils se rendent. »

Selon lui, il est également difficile pour lesfemmes de rentrer chez elles après avoir été enlevéespar la LRA. « Des femmes sont violées par desmembres de la LRA et tombent enceintes. Lorsqu’ellesrentrent, elles sont complètement rejetées. Cesfemmes et ces jeunes garçons, qui ont passé desmois ou des années avec la LRA dans la brousse,en reviennent traumatisés et très probablementcontaminés par le VIH ou malades du sida. »

La JUPEDEC aide également les personnesdéplacées à l’intérieur de leur propre pays. « Les

gens sont forcés d’abandonner leur village à causedes massacres. Dans le sud-est, on comptedésormais au moins 28 000 personnes déplacées.Elles sont confinées dans les centres urbains. Oùvont-elles aller pour trouver à manger ? Le manquede terres cultivables est un problème grave. Lacommunauté internationale distribue des aliments,mais les personnes déplacées ne peuvent riencultiver. » La JUPEDEC les aide à se procurer dessemences et des outils afin qu’ils produisent leurpropre nourriture.

UN PRObLèME RéGIONALLewis-Alexis pense que la société civile peutcontribuer à faire face aux conséquences de laviolence de la LRA. « La société civile a aidé lesautorités et la communauté internationale à mieuxcomprendre la situation. Le HCR (l’agence desNations unies pour les réfugiés) agit pour protéger

les réfugiés et les personnes déplacées. L’UNICEFest également présente, les ONG internationalestravaillent actuellement sur le terrain et lesservices aériens d'aide humanitaire des Nationsunies (UNHAS) font un travail vraiment remarquable.Il existe dans ces circonstances un fort besoin derenforcement des capacités de la société civile,notamment pour ce qui est de la prévention desconflits et de la protection des civils. »

Selon Lewis-Alexis, la protection des civils estune priorité. « Nous appelons l’Union européenne,l’Union africaine et les gouvernements qui nousécoutent à nous aider à établir un système, unmécanisme solide visant à garantir la coordination

et la sécurité de la population civile. »Lewis-Alexis a dû faire face à des

réactions hostiles après ses critiques publiques contre les carences du

gouvernement de la République centrafricaine en ce qui

concerne la protection des civils, et il a été arrêté en décembre 2009, accusé

d’être un agent de la LRA.

Les poursuites engagées contre lui ont étéabandonnées en septembre 2010.

Quel est l’avenir du pays ? Lewis-Alexis pensequ'une approche globale est nécessaire pourrésister à la LRA. « La LRA est un problèmerégional qui ne peut plus être envisagé pays parpays, soit en Ouganda, soit au Soudan, soit enCentrafrique, soit au Congo, explique-t-il. Il faut y faire face de manière coordonnée. Lorsque nousnous réunissons entre représentants de la sociétécivile, nous partageons nos connaissances : quefont-ils en République centrafricaine ? Que font-ilsau Soudan ? Que pouvons-nous faire en attendantune réaction du gouvernement, de la communautéinternationale ou des autorités locales ?

« Aujourd’hui, nous prions pour que la LRAquitte notre pays. Nous voulons la paix,simplement la paix. »

Le rapport République centrafricaine. Après des décennies

de violence, il est temps d’agir est disponible à l’adresse http://tinyurl.com/cgteo6b

ENTRETIEN

19LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

Des victimes d’atteintes aux droits humains en République centrafricaine. Photos © Amnesty International

En octobre, nous avonsfêté la libération des prison-niers d’opinion Zarganar (enhaut à gauche), Su Su Nway(au milieu à gauche) et ZawHtet Ko Ko (en bas à gauche).Ils faisaient tous les troispartie des 240 prisonnierspolitiques au moins qui ont été libérés à l’occasion d’uneamnistie de masse au Myanmar.Les lecteurs du FIL ont faitcampagne pour la libérationde Zarganar et Su Su Nwaylorsque leur cas a figuré dansles appels mondiaux, respec-tivement en 2009 et en 2010.

Toutefois, les libérationsobtenues jusqu’à présent nesont pas suffisantes. « Denombreux prisonniers [politi-ques] sont encore en prison, ycompris des personnes malades,âgées ou hospitalisées, adéclaré Su Su Nway. Tous lesprisonniers politiques méritentd’être libres. »

Zarganar, humoriste etmilitant, a déclaré : « La libé-ration de tous les prisonnierspolitiques […] est ma prioriténuméro un. »

Selon Benjamin Zawacki,chercheur d’amnesty Interna-tional sur le Myanmar : « Si lesautorités du Myanmar sou-haitent réellement se montrerdéterminées à mener à bien

des réformes, ceci ne doit être qu’une première étape vers lalibération rapide de l’ensemble des prisonniers politiques. » Unepétition de 30 750 signatures d’habitants de 77 pays, demandantla libération de tous les prisonniers d’opinion, a été remise auxautorités du Myanmar par amnesty International le 11 novembre2011. Nous suivons l’évolution de la situation.

DES PRISONNIERSLIbéRéS AU MYANMAR

© Katrin Koenning/Amnesty International

© Susanne Keller

© Reto Andreoli

© Ernest Lee

20LE FIL [ jAN/FéV 2012 ]

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APPELS MONDIAUXFAITS NOUVEAUX

Des milliers de sympathisants et demilitants du monde entier se sontrassemblés dans la rue en 2011, par solidarité avec les hommes et lesfemmes du Moyen-Orient et d’Afriquedu Nord qui exigeaient des changementspolitiques et sociaux dans leur région.Des Journées mondiales d’action pourl’Égypte, la Syrie et la Libye ont eulieu au Royaume-Uni, en Suisse, auBangladesh, en Australie, en Corée du Sud et aux États-Unis. Pour savoir ce qui est prévu en 2012,suivez @Amnestyonline sur Twitter.

© Amnesty International

© Amnesty International

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Royaume-Uni

Bangladesh

États-Unis

LES CaMPaGNES D'AMNESTYINTERNATIONAL S’EFFORCENTD’OBTENIR La JUSTICE, La LIBERTé ETLa DIGNITé POUR TOUS ET DE MOBILISERL’OPINION PUBLIQUE POUR UN MONDEMEILLEUR, QUE CE SOIT LORS DECONFLITS TRèS MéDIaTISéS OU DaNSDES ENDROITS OUBLIéS DE La PLaNèTE.

QUE POUVEZ-VOUS FAIRE ?

Dans le monde entier, des militants font la preuve qu’il est possible de résister aux forces qui bafouent les droits humains. Rejoignez ce mouvement mondial. Combattez les marchands de peur et de haine.

n adhérez à amnesty International et participez, au seind’un mouvement mondial, à la lutte contre les atteintesaux droits fondamentaux. Vous pouvez nous aider à changer les choses.

Ensemble, nous pouvons faire entendre notre voix.

Je désire recevoir des renseignements complémentaires sur les conditionsd’adhésion à amnesty International.

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ADRESSE

PAYS

ADRESSE éLECTRONIQUE

Veuillez retourner ce formulaire au bureau d'amnesty International devotre pays.

Vous trouverez la liste complète des bureaux de l’organisation dans lemonde à l'adresse ci-dessous : www.amnesty.org/fr/worldwide-sites

S’il n’existe aucun bureau d’amnesty International dans votre pays,vous pouvez adhérer en tant que membre international et rejoindre lacommunauté en ligne des membres internationaux.

Pour ce faire, rendez-vous à l’adresse suivante : www.amnesty.org/fr/joinoù vous aurez la possibilité de consulter des informations relativesà l’adhésion et de vous inscrire en ligne (en anglais, arabe, espagnol et français).

Ou bien écrivez à cette adresse :Online Communities Team, amnesty International, Peter BenensonHouse, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni

Pour devenir membre international, vous devez vous engager à respecter le Code de conduite des membres internationaux.Ce Code est disponible (en anglais, arabe, espagnol et français)à l’adresse suivante : www.amnesty.org/fr/code-of-conduct

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« NOUS VOULONSLA PAIX, SIMPLEMENT

LA PAIX »LEWIS-ALEXIS MbOLINANI, DéFENSEUR CENTRAFRICAIN

DES DROITS HUMAINS (PAGE 18)

SÉCURITÉ D’OCCUPATIOn POUR LES hABITAnTS DE DUWAyqA, AU CAIRE

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Amnesty International, International Secretariat, Peter Benenson House, 1 Easton Street, London WC1X 0DW, Royaume-Uni. amnesty.org In

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Photo : Des enfants du quartier informel de Duwayqa, au Caire, en Égypte (septembre 2011). © Xander Stockmans

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A 50 AnS Participez à cet anniversaire surwww.am

nesty.org/50

Monsieur le Premier Ministre,

Des habitants respectés du quartier informel de Duwayqa, à Manshiyet Nasser(Le Caire), cherchent à obtenir des informations sur les projets des autoritésconcernant leur secteur. Ils souhaitent que la sécurité d’occupation de leurterrain leur soit garantie, que leurs conditions de logement soient amélioréeset que la démolition de leurs habitations soit évitée.

Bien qu’ils ne vivent pas dans une zone désignée « à risque », ils n’ont puobtenir aucune information sûre quant à l’éventuelle évacuation ou rénovationde leur secteur.

Je vous prie instamment de veiller à ce que :

n les habitants de Duwayqa et de tous les quartiers informels bâtis sur des terres appartenant à l’État obtiennent une sécurité d'occupation, mêmepartielle, de manière à être protégés contre les expulsions forcées ;

n les habitants des quartiers informels, qu’ils vivent dans des zones « à risque »ou non, puissent accéder librement à toute information sur les plans des pouvoirs publics afin de participer activement à tout projet de développement.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier Ministre, l’expression de ma hauteconsidération.

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Pays

Je m’appelle

et, avec les peuples alyawarr et anmatyerr, je demande au gouvernement de ne pas abandonner

les homelands.

Signature

Nom

Courriel

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vos coordonnées nous permettront de vous envoyer des photos de la remisede votre message aux habitants d’utopia.

Amnesty International Australie – août 2011 – Index : ASA 12/004/2011

Pays

Couverture :en haut : utopia.en bas : violet Petyarr, de Mosquito Bore (utopiahomelands), dessine dans le sable en racontant unehistoire à ses petits-enfants. © Amnesty International.Crédit photo : April Pyle

Sur Cette PAge :en haut : Leevina Kngwarraydans son homeland. en bas : Soleil levant sur lesutopia homelands.© Amnesty International.Crédits photo : April Pyle