Le Dragon d'or - Le Bateau Feu · Le Dragon d'Or Texte : Roland Schimmelpfennig Traduction :...

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THÉÂTRE spectacle créé au bateau feu Le Dragon d'or Roland Schimmelpfenning | Aude Denis C ie Par-dessus bord MeR. 29 et jeu. 30 nov. 2018 | 19 h ven. 1 er déc. 2018 | 14 h 30 et 20 h tarif unique 9 € Le Bateau Feu • place du Général-de-Gaulle • Dunkerque www.lebateaufeu.com • billetterie 03 28 51 40 40 • DOSSIER ARTISTIQUE réalisé par la compagnie

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THÉÂTREspectacle créé au bateau feu

Le Dragon d'orRoland Schimmelpfenning | Aude DenisCie Par-dessus bord

↘ MeR. 29 et jeu. 30 nov. 2018 | 19 hven. 1er déc. 2018 | 14 h 30 et 20 h

tarif unique 9 €

Le Bateau Feu • place du Général-de-Gaulle • Dunkerquewww.lebateaufeu.com • billetterie 03 28 51 40 40 •

DOSSIER ARTISTIQUE réalisé par la compagnie

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«Le Dragon d'Or »de Roland Schimmelpfennig

Compagnie Par dessus bord Création 2017

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Le Dragon d'Or

Texte : Roland SchimmelpfennigTraduction : Hélène Mauler et René ZahndDramaturgie et mise en scène: Aude Denis

Scénographie : Johanne HuysmanLumière : Annie Leuridan

Musique : UsmarRégie générale : Jean Marie DaleuxRégie Lumières : François Boulet

Jeu : Lionel Bègue, Nicolas Cornille, Suzanne Gelée, Hervé Lemeunier, Florence Masure

Administration : Camille Babydurée : une heure trente environ

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Compagnie Par-dessus bord, Création 2017

1... Roland Schimmelpfennig

« Aux côtés de Marius von Mayenburg, Dea Loher ou Falk Richter notamment, RolandSchimmelpfennig est le plus prolixe des auteurs allemands de la nouvelle vague apparue dans les

années 90 après la chute du mur de Berlin et du théâtre des metteurs en scène à dominantehistorique et politique. En dix ans il a écrit une quinzaine de pièces traduites ou en cours de

traduction dans plus de six langues. »

Marion Boudier et Guillermo Pisani, Les cahiers du théâtre

Roland Schimmelpfennig est né à Göttingen en 1967. Il travaille tout d'abord comme journaliste et auteur indépendant à Istanbul, avant de commencer en 1990 des études de mise en scène à l'école Otto Falkenberg à Munich. Ses études achevées, il devient assistant à la mise en scène puis participeà la direction artistique des Münchner Kammerspiele.Pendant la saison 1999-2000, Roland Schimmelpfennig est engagé comme directeur artistique et auteur à la Berliner Schaubühne, puis sera auteur en résidence au Deutsches Schauspielhaus Hamburg. Aujourd'hui, il travaille désormais à la commande comme auteur indépendant.Il a notamment écrit : « Pas de travail pour la jeune femme en robe de printemps » en 1996, « Poisson pour poisson » en 1999, « Une nuit arabe » (qui lui vaut alors une reconnaissance internationale) et « Push up » en 2001, « La femme d'avant » en 2004. Sa pièce « Le dragon d'Or » est créée en 2009 au Burtheater de Vienne dans une mise en scène de l'auteur. Elle reçoit le prix des Journées Théâtrales de Mülheim en 2010.

Roland Schimmelpfennig est l'auteur allemand le plus joué actuellement ; ses pièces sont représentées dans plus d'une quarantaine de pays.

Avec cette pièce « Le Dragon d'Or », Aude Denis poursuit son exploration de l'oeuvre fascinante de cet auteur allemand contemporain. Elle a, en effet, créé à deux reprises (2007 et 2015) « Aujourd'hui en m'habillant », forme déambulatoire adaptée de « Avant-après » de Roland Schimmelpfennig, avec 7 comédiens de l'Oiseau Mouche.

2... genèse de la pièce

La pièce « le Dragon d'Or » a été écrite par Roland Schimmelpfennig à la suite d'une rencontre avec un de ses amis avocat. Ce dernier lui propose d'écrire une pièce sur la situation des immigrantsirréguliers en Allemagne, notamment dans les centres de détention provisoires avant les reconduites à la frontière.Finalement, Roland Schimmelpfennig décide d'écrire sur la situation des immigrés à l'extérieur, dans l'apparence de la liberté : sans papiers, sans couverture sociale et médicale, ils vivent dans la peur d'être découverts dans le métro ou dans la rue... ce qui les conduit le plus souvent à une forme d'invisibilité.Pour Roland Schimmelpfennig, les procédés classiques du théâtre (notamment l'incarnation traditionnelle d'un personnage par un acteur, ainsi qu'une seule et même intrigue unifiée) ne lui permettent pas d'être à la hauteur d'un tel sujet.Il remet donc en cause ces deux aspects traditionnels du théâtre en écrivant une pièce pour 5 acteurset 17 personnages et en 48 tableaux. La fable se démultiplie ainsi en différents points de vue : ceux de ces personnages qui apparemment ne partagent pas grand chose mis à part le fait d'habiter un même immeuble.

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« L'HOMME : Le Dragon d'or. Début de soirée. Une lumière d'été blafarde tombe à traversles vitres sur les tables.

Cinq Asiatiques dans la minuscule cuisine du resto rapide thaï-chinois-vietnamien.LA JEUNE FEMME : Un jeune chinois paniqué par le mal de dents : Ce mal, ce mal, ce mal -

LE JEUNE HOMME : Ne pleure pas.LA JEUNE FEMME : Ce mal -

LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : Il a mal.L'HOMME DE PLUS DE 60 ANS : Le petit a mal.

L'HOMME : Crie pas, mais il crie ; il crie, et comme il crie.LA JEUNE FEMME : ça fait si mal. La dent fait si mal.

L'HOMME DE PLUS DE 60 ANS : Nous sommes dans la minuscule cuisine du restaurantchinois-thaï-vietnamien autour du petit. Crie pas – comme il crie.

LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : Numéro 83 : Pat Thaï Gai : nouilles de riz sautées avecœuf, légumes, poulet et sauce piquante aux arachides, moyennement épicé.

L'HOMME : Mal aux dents.L'HOMME DE PLUS DE 60 ANS : Le petit a mal aux dents.

LE JEUNE HOMME : Touiller, remuer.L'HOMME DE PLUS DE 60 ANS : Le petit.

LE JEUNE HOMME : Devant, deux hôtesses de l'air se sont assises à la table près de lafenêtre. Bonjour.

L'HOMME DE PLUS DE 60 ANS : Crie pas comme ça -L'HOMME : La première hôtesse de l'air dit : bonjour.

L'HOMME DE PLUS DE 60 ANS : La deuxième hôtesse de l'air dit : bonjour.LE JEUNE HOMME : Bonjour.

LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : Il faut sortir la dent.LE JEUNE HOMME : Puis-je déjà vous apporter quelque chose à boire ?

LA JEUNE FEMME : Mon dieu. La dent, mon dieu. Mon dieu. »

Scène 1 – Le Dragon d'Or, R. Schimmelpfennig.

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3... l'histoire d'une dent et d'un immeuble

« Quiconque fera l'expérience de lire l'oeuvre de Roland Schimmelpfennig demeurera sans doutehabité par une sorte d'enigme qui, comme dans le cinéma de David Lynch, incite à y regarder une

deuxième fois. Machine dramatique implacable ou chaos formidablement construit où se tressent letragique et le comique, la mythologie et la culture contemporaine, les genres et les modes

artistiques, ce théâtre traite de l'essentiel, de la vie à la mort en passant par l'amour et les rêves, àtravers les histoires de personnages ordinaires. Ce tourbillon dramatique à lectures multiples très

souvent lié à un univers fantastique, parle de l'homme, en restant ouvert sur le monded'aujourd'hui, ses représentations et ses fictions, mais sans tenir de discours globalisant.»

Marion Boudier et Guillermo Pisani, Les cahiers du théâtre

Au départ, Roland Schimmelpfennig part du banal, de l'anodin. Il met en scène un événement apparemment minuscule : un jeune chinois, travaillant dans la cuisine d'un restaurant « thaï – chinois - vietnamien » souffre d'une intense rage de dent. L'illégalité de la situation (jamais abordée mais citée au détour d'une réplique) l'empêche de se faire soigner.L'histoire principale du « Dragon d'Or » se déploie ainsi apparemment autour de cette situation de crise posée d'emblée. On apprend par la suite que ce jeune chinois est venu en occident pour retrouver sa jeune sœur, disparue. Roland Schimmelpfennig déploie alors son intrigue, à l'instar d'unpolar ; le spectateur attendant la résolution de cette enigme.

Mais cette hyper construction de la fable ne cesse d'être interrompue par des récits parallèles. Les deux histoires (celle du frère et celle de la sœur) ne sont que le révélateur des autres habitants de l'immeuble : deux hôtesses de l'air reviennent de voyage, un couple se sépare, un autre va avoir un enfant, un épicier accumule des provisions dans sa réserve...Cette construction de la fable autour de ce nœud dramaturgique, une rage de dents, va laisser la place à une œuvre kaléidoscopique : l'histoire d'un immeuble et de ses habitants, sous forme de « short cuts », à la manière, notamment, de Robert Altman (Short cuts, 1993). Roland Schimmelpfennig s'emploie ainsi à articuler deux mondes : celui de l'occident et celui de seshabitants clandestins, deux mondes qui semblent se côtoyer sans jamais vraiment se rencontrer, deux mondes que rien ne peut rapprocher.

L'auteur met en perspective cette difficile rencontre (et la brutalité des occidentaux envers ceux qu'ils devraient accueillir) en intercalant entre les scènes une ré-écriture moderne, grinçante et cruelle de la fable : « La cigale et la fourmi » (où le personnage de l'Epicier se confond avec celui de La Fourmi, et celui d'une jeune asiatique exploitée avec celui de La Cigale).

4... dramaturgie du polaroïd

La pièce « Le Dragon d'Or » se construit grâce à deux temporalités : la première presque classique (une nuit) se déroule depuis le moment où l'on découvre la dent cariée du jeune chinois jusqu' au petit matin qui verra la résolution de cette crise. La deuxième temporalité loge tous les autres récits en un jeu d'instantanés quasi photographiques. On peut dire que la dramaturgie de Roland Schimmelpfennig est fondée sur la notion de voyage, de déplacement : voyage de la dent du jeune chinois (de sa bouche à l'océan), voyages des migrants surdes eaux périlleuses ou ceux des vols internationaux. Ici la forme fait sens puisque Roland Schimmelpfennig invite aussi le spectateur à un véritable voyage immobile, à des déplacements continuels de points de vue, de lieux : les scènes se succèdent comme une série de polaroïds. Le spectateur est amené à passer d'une réplique à une autre, à déplacer son regard d'un espace à un autre, d'une situation à une autre dans une grande immédiateté.

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LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : La fourmi engrangea avec zèle des provisions pendanttout l'été, tandis que sa voisine, la cigale, de jour comme de nuit chantait et chantait.

Elle raclait son violon jour après jour, et la fourmi travaillait et travaillait, charriait leslourdes provisions vers sa tanière, tandis que le chant de la cigale flottait sur le pré.

Mais ensuite il y eut l'hiver. Et l'hiver fut froid. Il y eut le gel, et il y eut la neige. Et la cigale netrouvait plus rien à manger. Elle avait faim. Plus de musique. Finalement la cigale se rendit

chez la fourmi, où aurait-elle bien pu aller, et lui demanda à manger.Ne peux-tu pas me donner à manger, s'il te plaît, voilà des jours que je n'ai plus rien mangé.

Pas de réponse.S'il te plaît, j'ai tellement faim.

Pas de réponse, et la fourmi évite le regard de la cigale.La cigale a piteuse allure.

S'il te plaît. S'il te plaît, il me faut à manger.LE JEUNE HOMME : S'il te plaît. S'il te plaît, il me faut à manger.

LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : A présent la fourmi lève les yeux.Je ne te donnerai rien.

De tout l'été pas un jour tu n'as travaillé. Pas un jour.Je ne te donnerai rien.

Quant à moi tu peux mourir de faim.Tu n'auras rien.

De moi tu n'auras rien.(…)

LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : La fourmi dit à la cigale :Tu n'auras rien.

De moi tu n'obtiendras rien.Si tu veux avoir quelque chose, tu dois travailler.

Mais tu ne sais rien faire.Tu n'as rien appris.

(…)LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : La fourmi demande à la cigale ce qu'elle sait faire. Si ellesait faire quelque chose de particulier. Alors que sais-tu faire ? Danser, aha. Eh bien danse un

peu. Allez. Allez vas-y. Allez. Montre un peu. Montre un peu, tu recevras peut-être quelquechose. Tu peux bien me danser quelque chose.

La cigale danse quelque chose.Oui, bien, mais qu'est-ce que je peux en faire.

Que veux-tu que j'en fasse. Très bien, comme tu danses.Mais au fond ça ne m'intéresse pas.

Ne m'intéresse absolument pas.(…)

LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS : La fourmi fait des propositions à la cigale affamée.Le ménage. Tu sais quand même faire le ménage. Si tu veux avoir quelque chose, tu dois le

gagner.Qu'en dis-tu, d'aller faire des ménages.

Va donc faire des ménages.Ou – je viens d'avoir une idée -

Extrait de « Le Dragon d'Or », R. Schimmelpfennig

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5... que se passerait-il si je pouvais être quelqu'un d'autre ?

« Roland Schimmelpfennig use d'une langue originale où se combinent les moyens spécifiques del'écriture cinématographique et un emploi nouveau du monologue-dialogue : il a réussi à inscrirel'espace à l'intérieur même de son texte en recourant – métaphoriquement s'entend – à la caméra

subjective, c'est à dire une caméra insérée dans l'oeil même des personnages, qui construisentl'espace par la parole, au fur et à mesure qu'ils le parcourent. Personnages qui se parlent

continuellement à eux-mêmes comme dans un rêve, commentant leurs actions ou leurs sentiments,ce qui ne les empêchent pas de s'adresser en même temps à leurs interlocuteurs, dans une confusion

assez réjouissante du dedans et du dehors.»Michel Corvin, Anthologie critique des auteurs dramatiques européens.

Une des caractéristique de l'écriture de l'auteur est de proposer à l'acteur d'être à la fois le narrateur de la fable et plusieurs personnages. Le dialogue assume aussi ce qui relève généralement des didascalies : les personnages conversent mais décrivent aussi ce qu'ils voient et entendent, ce qu'ils font et ce que font les autres. Roland Schimmelpfennig invente ainsi une nouvelle forme de choralité.

Par ailleurs, chaque réplique fonctionne comme un plan cinématographique en caméra subjective.Grâce à un effet de gros plans sur les personnages, le spectateur a accès aux actions des personnagesmais surtout à leurs pensées, leurs sentiments, comme s'il entrait dans la tête de chaque personnage. Les dialogues s'effacent presque laissant la place à une parole chorale mais singulière. Tout se passecomme si les personnages étaient côte à côte plutôt qu'ensemble. La forme fait sens ici : les personnages ne font que se croiser, empêchés qu'ils sont par leurs différentes cultures.

Mais une des grandes inventions de cette pièce est de proposer aux acteurs l'inversion des rôles. Chaque acteur est chargé par l'auteur de jouer les personnages qui lui ressemblent le moins. Ainsi les genres, les ages, les apparences physiques sont bousculés dans un jeu à la fois comique et troublant.Le grand père est ainsi joué par LE JEUNE HOMME, la petite fille par LA FEMME DE PLUS DE 60 ANS, les hôtesses de l'air par L'HOMME et L'HOMME DE PLUS DE 60 ANS.Ce procédé permet, par le jeu, de confronter hommes et femmes, ceux qui ont le pouvoir et ceux quine l' ont pas, occident et orient, jeunes et vieux. Il trouble les rapports de force et de pouvoirs pour mieux les mettre en évidence. Il permet aussi, en créant un effet de distanciation, bien souvent comique, de désamorcer la violence de ces rapports. C'est d'ailleurs une des grandes forces de ce texte : être à la fois une pièce drôle et ludique, lyrique parfois, mais profondément politique.

Paradoxalement, cet effet d'étrangeté peut permettre au spectateur de se rapprocher le plus possible de ces personnages. Le fait que les acteurs prennent, de façon récurrente, la place de l'autre conduit les spectateurs à se poser cette question toute simple : Que se passerait-il si je pouvais être quelqu'un d'autre ?

« L'oeuvre traite des immigrés illégaux en Europe ou dans le monde occidental. Mais aussi celaparle de l'incapacité que nous avons les européens occidentaux de nous mettre à la place d'une

autre personne, dans la peau de quelqu'un d'autre. Ce jeu (inverser les rôles) permet auxspectateurs de compléter avec leur imagination. Cela nous aide à entrer dans des lieux, des modes

de pensée – ce qui nous manque quand nous ne faisons que lire les journaux. »Interview de R. Schimmelpfennig

(Goëthe institut, Barcelona)

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6 ...accumulation : une scénographie d'objets pauvres

« A Lampedusa, le cimetière de bateaux des migrants fait face au port. C’est là entre autre queles membres du collectif Askavusa (« pieds-nus » en sicilien) ont récupéré les objets ayant

appartenu aux migrants, qu’ils exposent dans le musée Porto M.Les objets s’alignent par centaines sur les frêles rayonnages : des gilets de sauvetage de toutes

tailles recouvrent l’un des murs de leur orange criard. En face, une carte du monde a étéredessinée avec les habits abandonnés sur les bateaux. Le reste mêle l’ordinaire à

l’extraordinaire dans la plus grande des pagailles : des paquets de semoule, de pâtes, dudentifrice, du parfum, des paquets de lait en poudre, des biberons, des médicaments. « Le plusimportant est que tous ces objets soient saufs, on les garde précieusement et ils ne seront pasdétruits. »explique Annalisa D’Ancona, membre du collectif. Entre ses mains, une partie de la

mémoire de Lampedusa et de celle de ces dizaines de milliers de personnes qui n’en ont peut-êtrejamais atteint les côtes. »

Extrait de l'article de Cécile Debarge, in « RFI, Les voix du monde ».

L'écriture de Roland Schimmelpfennig semble procéder par reprises et accumulation. Afin de décrire un personnage, un lieu, une situation, l'auteur procède par ajouts successifs, d'une scène à l'autre, de détails. Ainsi pour décrire la cuisine du restaurant, on passe d'une description courte « la minuscule cuisine » (scène 1) à une variation sur cette petitesse (scène 3) : « Dans la cuisine du restaurant thaï-chinois-vietnamien Le Dragon d'Or : c'est petit, très petit, pas de place ». Cette description ne cesse tout au long des scènes de s'amplifier, se réitérer, accumulant les détails : « Dans la cuisine du resto rapide thaï-chinois-vietnamien LE DRAGON D'OR : les woks bouillants,les brûleurs à gaz, la friteuse, l'horloge, le calendrier vietnamien. » (scène 6)

Cette accumulation des détails, ces réitérations-variations va bien évidemment permettre à Aude Denis de poursuivre son travail esthétique autour de l'objet pauvre et de l'accumulation.La scénographie du spectacle, épousant l'écriture, verra la pièce commencer dans un espace vide. Peu à peu les objets du texte (ceux de la cuisine des asiatiques comme ceux des différents appartements ou de l'épicerie) viendront envahir l'espace progressivement.Ce sera ainsi l'occasion de donner à voir sur le plateau cette confrontation du vide et du trop plein. Le dénuement de La Cigale confronté au trop plein de la réserve et de l'appartement de l'Epicier. Le vide des migrants, contraints de tout quitter, confronté au trop plein de nos sociétés occidentales.Cette scénographie constituée essentiellement de ces objets pauvres, banals, mais ultra présents dans notre quotidien donnera à voir le vide de nos sociétés occidentales que les biens de consommation ne parviendront évidemment jamais à combler.

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Aude Denis, dramaturgie et jeu

Aude Denis découvre le théâtre accidentellement à 14 ans : sa soeur l’emmène assister à unereprésentation d' "Elvire Jouvet 40"... elle en ressort avec la ferme quoique secrète intention defaire elle aussi du théâtre.A vingt ans elle entreprend des études de communication mais heureusement, elle assisteaccidentellement à la représentation de "Coup de foudre" de Jean Louis Hourdin... elle enressort avec la ferme et avouée intention de faire elle aussi du théâtre... Elle descend donc àParis où elle s'inscrit à la Sorbonne Nouvelle. Elle rencontre alors Anne Françoise Benhamou,Jean Pierre Sarrazac, Michel Corvin, Joseph Danan, Monique et Georges Banu... Elle sepassionne pour ces études de dramaturgie et obtient successivement une licence, une maîtriseet un DEA d'études théâtrales avec mention très bien. Elle suspend là ses travaux derecherche... Parallèlement à ces travaux théoriques, elle est, à partir de 1994, comédienne à Paris et dansla région lilloise. Elle travaille avec Dominique Féret, Dominique Sarrazin, Antoine Lemaire,Claire Dancoisne, Frédéric Tentelier, Marie Liagre, Christophe Moyer et Les fous à réactionassociés avec qui elle crée une quinzaine de spectacles : "La dent noire" d'Yves Reynaud, "Lapeau d’Élisa" de Carole Fréchette, "Mon oncle Vania" d'Anton Tchekhov, "Tambours dans lanuit" de Bertolt Brecht, "Soeurs" de Jon Fosse notamment. Se considérant comme une fille dela décentralisation théâtrale elle a toujours à coeur d'animer des ateliers théâtre afin derencontrer des groupes d'enfants ou d'adultes dont les soeurs n'ont pas forcément l'idée de lesemmener au théâtre.Dès 2007, elle se décide à mettre, à son tour, en scène des textes (ou des formes) de théâtrecontemporain : "La demande d'emploi" de Michel Vinaver, "Mes amours au loin" d'AntoineLemaire et "Aujourd'hui en m'habillant..." déambulatoire avec les comédiens de l'OiseauMouche. En 2013 elle crée la Compagnie Par-dessus bord avec laquelle elle crée deuxspectacles jeune public : « Les trois petits vieux qui ne voulaient pas mourir » de Suzanne VanLohuizen et « A quoi ça sert un livre ? ».Depuis 2015, elle est artiste associée au Centre André Malraux d'Hazebrouck.

Johanne Huysman, plasticienne

D’un enseignement classique aux Beaux-Arts de Calais puis plus conceptuel à l’ERSEP deTourcoing, elle obtient le DNSEP en 1986. Après plusieurs années d’illustrations en toutgenre :publicité, communication, livre pour enfants … cela vire au maquillage d’animauxtaxidermisés, jusqu’à peindre de fausses huîtres … et des trous du cul de cochon ... (de WimDelvoye, tout de même !) En paralléle de ses peintures, installations et expositions, elletravaille avec les compagnies de danse : “La pluie qui tombe” (Nathalie Baldo) Installations,scénographies, créations d'objets et images, sur les spectacles : Il pleut sous mon oreiller, Uncheval (é)perdu, Les Couturiers, Les Décousus, Bouche cousue, et une co-conception pour LeBal des biches. Elle travaille au côté d'Aude Denis pour les scénographies de « Les trois petitsvieux qui ne voulaient pas mourir » et « A quoi ça sert un livre ? ».

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Annie Leuridan, lumièreAnnie Leuridan vit dans le Nord de la France. Elle est scénographe-lumière et paysagiste.Elle crée la lumière de spectacles, de dispositifs plastiques et d'expositions. Son parcours suitles chemins de l'opéra et du théâtre contemporain quand ils visitent différentes formesscéniques -du rapport bi-frontal aux petites formes itinérantes. Pour le théâtre elle a ainsinotamment de nombreuses fois collaboré avec les Fous à réaction associés(Olivier Menu etVincent Dhelin).Elle se consacre aussi à la lumière pour la danse (Mylène Benoit, Nathalie Baldo, Cyril Viallon,Amélia Estevez...) eu égard aux traitements des espaces, volumes, couleurs et rythmes en tantqu' éléments de la narration. La rencontre avec des plasticiens (Isabelle Bonté, Marie-JulieBourgeois, Mathieu Bouvier, Hervé Lesieur, Laurent Pernot, Tomek Jarolim...) la conduit àtraiter la lumière en tant que matière même de l’oeuvre.Elle intervient aussi à l’École des Arts Décoratifs sur la place de la lumière interactive dans lesdispositifs plastiques.Elle travaille aux côtés d'Aude Denis pour la lumière des spectacles « Mes amours au loin » et« Les trois petits vieux qui ne voulaient pas mourir ».

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Administratrice de productionCamille Baby : 03 20 47 81 72

[email protected]

Compagnie Par-dessus [email protected]

Création Automne 2017