LE DEVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DU JEUNE ENFANT · 2017. 2. 20. · Le bébé n’a de lui-même,...
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LE DEVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DU JEUNE
ENFANT
Emmanuel Frantz-Mercadal, ostéopathe DO
Nathalie Lamouche, psychomotricienne
Résumé :
Nous abordons les conditions favorisant un bon développement psychomoteur chez le jeune
enfant et particulièrement la relation que ses parents construisent avec lui dans un
environnement adéquat. Le respect de l’évolution tonique de l’enfant, de sa maturité
neurologique et le fait de faciliter la découverte de son corps, lui permettent d’acquérir un
épanouissement et une aisance corporelle. Nous décrivons par paliers d’âge la situation de
l’enfant dans ses acquisitions motrices, dans la conscience qu’il a de son corps et dans sa
capacité relationnelle.
Mots Clés :
Développement psychomoteur, Maturation neurologique, Sécurité affective, 0-3 ans,
Motricité globale, Motricité fine, Construction corporelle, Tonus, Éveil.
Abstract :
This paper aims to present the factors toward an optimal psychomotor development of the
young child: parent/child relationship and correct environment. Respect of the tonic
development of the child, of its neuronal maturation and facilitating body discovery will
2
allow the child to thrive and acquire physical ease. We describe the child’s situation for each
age milestone in motor control, body perception and interrelating capacities.
Keywords
Psychomotor development, Neuronal maturation , 0-3 years, Global motricity, Specific
motricity, tone, awakening.
INTRODUCTION
Un enfant grandit et se développe de manière harmonieuse si son environnement lui apporte à
la fois un climat affectif rassurant et des stimulations adaptées. L’intégrité physique et
particulièrement celle de son système nerveux, est la condition première d’un développement
psychomoteur normal.
L’enfant grandit également, soutenu par la pertinence de la prise en charge des professionnels
de la petite enfance et de leur connaissance des étapes normales de son développement.
L’ostéopathe, acteur de plus en plus présent dans ce domaine, doit avoir une connaissance
spécifique de ces patients si particuliers.
Qui faire intervenir ? Le traitement ostéopathique respecte-t-il toujours l’équilibre psycho-
émotionnel de l’enfant ? Des questions auxquelles nous allons tenter d’apporter des éléments
de réponse.
L’étude des conditions nécessaires à un bon développement et des différentes étapes de vie du
jeune enfant ( jusqu’à trois ans), vont permettre à l’ostéopathe de mieux comprendre son
patient, d’adapter son traitement et ainsi de mieux appréhender les éléments qui perturbent
son évolution.
3
STABILITE ET SECURITE AFFECTIVE
Le sentiment de sécurité interne d’un enfant se construit peu à peu, grâce à la relation avec sa
mère, à ce lien bien particulier d’attachement. C’est parce qu’il va vivre une relation
chaleureuse, fiable et stable avec ses parents, que l’enfant va acquérir un sentiment de
protection et de sécurité dans son corps, puis plus tard dans la vie 1. Ce lien est le moteur du
développement de l’enfant. Il lui permet de déployer ses capacités communicatives par les
outils sensoriels et moteurs. Cela le conduit pas à pas vers l’ouverture au monde dans un
processus d’autonomie.
Ses parents jouent un rôle primordial dans sa construction affective, et les professionnels
intervenant dans le système de garde à leurs mesures aussi. C’est parce qu’un bébé va vivre
une succession de moments qui se répètent quasiment à l’identique chaque jour, dans le même
ordre, qu’il va pouvoir anticiper le moment à venir et ainsi se mettre à penser 2.
L’univers du bébé est tout d’abord sensoriel. Le bébé trouve et retrouve, reconnaît sa mère par
les sens. C’est elle qui donne un sens à l’environnement en lui prêtant ses propres qualités
sensorielles. Elle « mamaïse » l’espace 3. L’espace de vie, empreinte affective et protectrice
des parents, va permettre à l’enfant d’évoluer dans un environnement rassurant.
Le nouveau-né est dans un univers chaotique. Il est soumis à des sensations internes qu’il ne
comprend pas, comme la faim, mais aussi à des sollicitations sensorielles externes. Les
parents donnent sens à ces émotions en y mettant des paroles. Ils lui permettent ainsi de
mieux comprendre son monde interne et de rendre cohérent son environnement. Ce processus
participe à l’élaboration du sentiment de sécurité interne de l’enfant et à la confiance qu’il
aura en lui-même.
4
INTEGRITE CORPORELLE ET DEVELOPPEMENT
MOTEUR DE L’ENFANT
Le développement moteur de l’enfant dépend principalement de ce que l’on appelle la
maturation neurologique. C’est en fait la prise de contrôle peu à peu de la motricité volontaire
par le démarrage du système nerveux pyramidal sur la motricité anarchique du nouveau-né
4. En effet, le nouveau-né arrive avec un système nerveux immature qui se traduit par une
motricité non contrôlée et des réflexes archaïques. Ces réflexes sont signes de bonne santé, et
doivent disparaître dans les premiers mois de la vie. Ces derniers, en particulier le réflexe de
Moro*, peuvent mettre l’enfant dans un état corporel inconfortable voire d’insécurité 5. Pour
l’éviter, il suffit de prévenir le bébé par le regard et la voix avant de le prendre, et de soutenir
son axe par la tête et le bassin 6.
À la naissance, l’enfant a un capital neuronal maximum. L’évolution neurologique, ou
maturation neurologique, va se porter sur le lien synaptique, et sur la myélinisation. En début
de vie, seuls les circuits neuronaux permettant à l’enfant de vivre et assurant les fonctions
vitales, sont en place (système respiratoire, système cardiaque, etc). Les autres circuits vont se
développer grâce au processus de myélinisation 4. Il se fait dans deux sens bien précis et
* Les mots précédés d’un astérisque sont définis dans le glossaire
5
permet l’évolution du tonus. Le bébé naît avec une hypotonie axiale et une hypertonie des
membres, ce qui explique son attitude en grenouille à la naissance. Le tonus axial s’installe
peu à peu par la tenue de la tête, la station assise, puis la station debout, suivant la loi céphalo-
caudale*. Parallèlement, le tonus progresse du centre du corps vers la périphérie et la motricité
fine suivant la loi proximo-distale*. Cette progression du tonus, bidirectionnelle, est identique
pour tous et programmée de manière génétique. Mais le rythme des acquisitions varie d’un
enfant à l’autre. C’est ce qui explique les écarts d’âge pour l’apprentissage de la marche par
exemple 5.
Le développement moteur suit la même séquence chez tous les enfants, et est intimement lié à
la maturation du système nerveux. Rien ne pourrait faire marcher un enfant tant que son
système nerveux n’est pas prêt. C’est également ce qui nous amène à respecter le temps
nécessaire pour la maturité neurologique et psychologique.
La structuration du cerveau dépend de l’interaction avec l’environnement. Les gènes
déterminent un potentiel, et c’est la rencontre avec l’environnement qui permet l’expression
de ce potentiel. En effet, il existe des circuits neuronaux qui s’activent sur l’influence de
stimulations. Les apprentissages se font de manière privilégiée à des périodes particulières du
développement ; c’est la notion de périodes « sensibles » 4.
DEVELOPPEMENT PSYCHOMOTEUR DE L’ENFANT
DE 0 Á 3 ANS
De la naissance à deux ans, l’enfant est dans une période d’expérimentation sensorielle et
motrice : c’est la sensori-motricité 7. L’intelligence sensori-motrice est vécue, nullement
6
réflexive 7. Elle repose sur les informations fournies par les sens et le corps en action, par
les perceptions et les mouvements.
Elle s’intrique dans le développement psychomoteur, et se construit de manière progressive,
par étape, les unes étant les bases des autres.
DE 0 A 9 MOIS
A la naissance, le bébé est en symbiose et dans un état de dépendance absolue vis-à-vis de sa
mère. Tout est flou et confus, il ne différencie pas ce qui vient de lui de ce qui vient de sa
mère. Il est dans un univers sensoriel et parcellaire 8 .
Lors de son premier mois de vie, le bébé n’aime pas être nu 9. Dénudé, il pleure, s’agrippe
et se contracte. Il a grandi neuf mois dans une « bulle liquide », et se retrouve maintenant dans
un espace immense. Il a besoin d’être enveloppé. Il est soumis à des expériences corporelles
qui peuvent être angoissantes : angoisse de chute, absence d’orientation corporelle, angoisse
de morcellement 8. Pour lutter contre ses angoisses, le bébé a besoin d’être porté et rassuré
par un corps à corps, de se sentir tenu physiquement et psychiquement. Le contact corporel,
mêlant les sensations tactiles, thermiques et kinesthésiques, est un moyen communicatif de
base dans la dyade mère/enfant. La mère transmet à son enfant ses états de tension ou de
détente, par des modifications toniques traduisant ses affects. En réponse, l’état tonique du
nourrisson varie, le bébé communique ses émotions et son état interne : c’est le « dialogue
tonique » 10.
Le bébé n’a de lui-même, comme du monde qui l’entoure, qu’une conscience fragmentée. Les
différentes parties de son corps sont sans rapport entre elles. Le bébé vit un premier sentiment
de rassemblement corporel avec la coordination main/bouche. Au fur et à mesure de
7
l’évolution de ses coordinations motrices, le bébé va se dégager progressivement de son
angoisse de morcellement 10.
Durant la première année, le nourrisson va découvrir peu à peu son corps.
Les premiers jeux du bébé sont les jeux du corps. Il joue avec sa voix, sa bouche, découvre
ses mains et plus tard ses pieds. Ces découvertes successives lui font vivre des moments de
rassemblements corporels, l’amènent à prendre conscience de son corps, mais aussi du corps
de l’autre et l’aident à se différencier petit à petit de sa mère.
Motricité globale
La maturation neurologique va permettre à l’enfant de coordonner peu à peu ses mouvements,
et de se déplacer. Il est important de laisser se mouvoir l’enfant au sol, tout danger écarté.
Il va découvrir ainsi des possibilités de déplacements : se retourner, ramper, marcher à quatre
pattes…
Plus l’enfant répète un mouvement, plus il est maîtrisé. L’enfant acquiert peu à peu une
habilité corporelle. Il est essentiel de ne pas forcer le rythme tonique d’un enfant. En effet, il
lui est très fatigant de tenir son axe avant sa maturité neurologique. Si un enfant est mis assis,
il est important de lui fournir un appui dorsal non contraignant lui permettant de se sentir en
sécurité et de se dégager de cette position, comme par exemple un coussin mou. Le but est de
penser l’environnement, de l’aménager en fonction de son développement, et de proposer à
l’enfant des sollicitations indirectes dont il se saisira au moment où il est prêt.
On peut l’inviter à de nouvelles expériences motrices en plaçant des obstacles sur son
passage. Le but est d’accompagner l’enfant dans son développement psychomoteur, à son
rythme, et favoriser la découverte de son corps et la liberté de mouvements.
Il est à ce titre pertinent de s’interroger quant à l’utilisation prolongée de certains objets
courants de puériculture et au nombre d’heures qu’un bébé peut passer immobile dans un
8
« transat », ou pire dans un « maxi-cosy », dont la coque rigide favorisera l’apparition de
déformation crânienne. Rappelons, que le « maxi-cosy » est fait avant tout pour le transport
d’un bébé en voiture, et ainsi résister à un potentiel accident. De même, l’utilisation d’un
« baby-trott », outre le fait qu’il est souvent utilisé avant que l’enfant ne soit capable de tenir
la position debout seul, l’empêche de découvrir par lui même son équilibre, et surtout le fait
de pouvoir assimiler le passage de cette position debout à la position assise. Son utilisation
excessive peut avoir des répercussions sur la qualité de la marche, et peut empêcher l’enfant
de maîtriser le processus dans son ensemble (chutes plus fréquentes, raideur des jambes).
Motricité fine
Parallèlement à l’évolution de la motricité globale, des mouvements plus précis et fins
apparaissent.
L’intérêt de l’enfant se porte sur les objets extérieurs avec l’acquisition de la préhension. La
première phase de cette préhension est le toucher. Le bébé attrape l’objet qu’on lui met dans
la main. Ensuite, vers 6 ou 7 mois, l’enfant regarde ce qu’il attrape, et le porte à la bouche. Il
exerce ainsi la coordination oculo-manuelle 11.
Pour faciliter la préhension, les hochets doivent être légers, faciles à saisir et de petite taille
(morceau de tissus, anneaux, …). Les jeux des premiers mois sont des jeux d’éveil sensoriels
faisant appel aux capacités perceptives de l’enfant ; le toucher, la vue, l’ouïe.
La préhension s’enrichit : l’enfant fait passer un objet d’une main à l’autre, puis il peut
attraper un objet dans chaque main. La préhension s’affine avec la participation de plus en
plus précise du pouce et l’acquisition de la pince (9 mois) 11.
L’utilisation du « portique d’éveil », limite l’enfant dans la qualité de la manipulation de ces
objets ; il ne peut pas les porter à la bouche, les faire tomber, les tourner ni les passer d’une
main à l’autre. De plus, le positionnement du portique peut également limiter l’enfant dans
9
ses mouvements de retournement. Il peut même amener le bébé, lorsqu’il est placé trop loin
au-dessus de sa tête, à une position d’hyper extension cervicale.
Enfin, le portique impose à l’enfant un champ visuel restreint et parfois pendant un long
moment.
DE 9 A 12 MOIS
L’acquisition de la permanence de l’objet
L’enfant se constitue peu à peu une image de sa mère, lorsqu’elle est absente. C’est le début
de la permanence de l’objet, et d’un long chemin dans le processus d’individuation. L’enfant
prend conscience progressivement qu’il est séparé et différent de sa mère 12. La
permanence de l’objet est une étape primordiale au niveau psychique et cognitif. C’est la
certitude que l’objet absent et disparu de son champ visuel, existe toujours. L’objet est
évidemment tout d’abord sa mère. À travers les jeux de « coucou » si importants, le
nourrisson expérimente, vérifie et intègre les notions d’absence et de présence.
L’acquisition de la station assise offre une possibilité accrue d’exploration manipulatoire.
L’enfant développe de plus en plus la manipulation fine. Plus il saisit de petits objets, plus il
développe la maturation de ses commandes motrices et donc son habileté manuelle.
Le mouvement prend sens et se fait dans un but ou une intention ; c’est le début de l’activité
praxique* 11. L’enfant expérimente sur un objet ses derniers mouvements acquis : il secoue,
frotte par terre, frappe, etc.7 Le mouvement prend une valeur de communication à travers
l’apparition d’imitation de gestes simples (au revoir, les marionnettes, les applaudissements).
Cela devient une source de jeux et d’échange avec l’entourage.
Le nourrisson commence à lâcher les objets de manière volontaire, et joue ainsi à les faire
disparaître.
10
DE 12 A 18 MOIS
Maîtrise de son corps
L’occupation constante de l’enfant, dans sa deuxième année, est l’exercice de sa motricité.
C’est la période des grandes acquisitions motrices. Avec l’apprentissage de la marche,
l’enfant va jouer avec cette nouvelle maîtrise du corps.
La marche est une étape primordiale dans le processus d’individuation. Elle aide l’enfant à se
différencier du monde environnant, et unifie la représentation de son corps. Elle lui procure
un sentiment jubilatoire associé à un hédonisme musculaire 13. Il prend plaisir à bouger et à
exercer son équilibre. Il s’enhardit dans ses expériences motrices et part à la conquête de
l’espace. Il vit des notions de perspective, de profondeur, de longueur et de hauteur. Il
découvre l’espace à trois dimensions.
L’enfant a véritablement besoin de grimper, monter les escaliers, courir, pousser, tirer
(cartons, poussettes), et le répète inlassablement.
La nouveauté intéresse l’enfant pour elle-même. Il est dans le concret. Il tâtonne, expérimente
de manière active et curieuse. Il découvre par son corps tout ce qui l’entoure et aussi les lois
physiques qui régissent la vie dans notre système 13. Il a besoin d’exercer des possibilités
d’expérimentations qui sont à la base de la construction du raisonnement.
L’enfant intériorise les premières notions spatiales de dedans/dehors à travers les jeux de
vider/remplir. Il expérimente la notion de quantités par des jeux de transvasement (jeux d’eau
et de sable).
Enfin, ses activités s’enrichissent et s’organisent.
11
DE 18 A 24 MOIS
Dans cette période charnière, l’enfant commence à se détacher de ses perceptions, et de ses
actions présentes. Il a construit une image permanente de l’objet ; il en découle des
représentations mentales qui s’expriment à travers les premiers jeux d’imitation différés* et
l’évolution du langage. L’enfant découvre le langage comme moyen d’expression, mais aussi
comme moyen de maîtrise des objets qu’il désigne.
C’est la période où l’enfant prend conscience de « son unité corporelle », à travers le fameux
« stade du miroir » de Lacan 12,15. Dans un premier temps, l’enfant perçoit son reflet dans
le miroir comme un être réel qu’il tente de saisir. Ensuite, il comprend que le reflet n’est
qu’une image mais il ne la reconnaît pas encore comme étant la sienne. Il accède à l’aspect
virtuel de l’image. Enfin, l’enfant comprend que cette image est la sienne, et qu’elle le
représente. Il entre dans le symbolique. L’enfant se reconnaît dans le miroir lorsqu’il désigne
son image par son prénom. L’enfant se vivait morcelé, il se voit maintenant entier.
Cette étape précède le sentiment d’unité de sa personne qui se traduit par l’acquisition et
l’utilisation du « je », et est fortement structurante pour le développement psychique.
Rappelons que le premier miroir est avant tout le regard maternel, à travers lequel l’enfant se
construit 14.
DE 24 A 36 MOIS
L’intelligence symbolique devient prépondérante. L’enfant sort de l’intelligence sensori-
motrice pour entrer dans l’intelligence pré-opératoire*. Il fait appel à des représentations et
combinaisons mentales. Les jeux symboliques permettent à l’enfant de comprendre le monde
des adultes qui l’entoure ; ils le soutiennent dans le déroulement de sa pensée. Ils lui
permettent surtout d’exprimer ses désirs, ses émotions, ses préoccupations et son agressivité.
12
L’enfant maîtrise ses angoisses en rejouant une situation pénible dans un rôle actif. Il ne subit
plus. Jouer est une expérience créative et soutient l’imaginaire de l’enfant 14.
Les jeux symboliques utilisent comme support les poupées, la dînette, le déguisement, les
voitures, etc.
L’enfant continue son exploration corporelle en lien avec le développement de sa motricité et
de son équilibre. Il s’essaye à de nouvelles expériences motrices et les coordinations se
complexifient comme sauter et pédaler. Ces expériences sont essentielles dans la construction
de son schéma corporel. C’est la conscience et la connaissance qu’a l’enfant de son corps.
Son identité corporelle est le premier point de référence à son orientation spatiale. L’enfant vit
à travers les expériences corporelles les notions simples d’espace, dans toutes orientations
(dessous, devant, en haut, …). Elles sont la première étape dans la conceptualisation de
l’espace. L’acquisition de ces repères spatiaux est un élément nécessaire pour l’accès à
l’écriture plus tard.
L’enfant progresse également au niveau de sa motricité fine. Il la développe grâce notamment
aux jeux d’encastrement, de construction, de manipulation de pâte à modeler. Il accède à
l’activité graphique, tout d’abord par le plaisir du mouvement, de l’impulsion motrice et par le
fait de laisser une trace. A trois ans, l’enfant dessine un rond plus ou moins fermé, traduisant
le sentiment d’unité corporelle. L’important n’est donc pas de faire ce rond, mais de pouvoir
se servir du dessin comme d’une représentation de ce qui l’entoure. Ainsi, l’enfant dessine
« le bonhomme têtard », première représentation de son corps 16.
Dans l’évolution de la grapho-motricité*, le mouvement part de l’axe, il met en jeu
l’ensemble des articulations du membre supérieur, pour s’affiner au niveau distal avec la prise
du crayon. Il est donc intéressant, pour soutenir l’enfant dans la fluidité de son mouvement,
de lui proposer de dessiner sur un plan vertical (tableau) avant de l’inviter au plan horizontal.
13
Le langage prend un véritable essor, le vocabulaire s’enrichit et l’enfant peut maintenant
associer des mots pour construire une phrase. Il prend beaucoup de plaisir à s’exprimer, et
manifeste une curiosité dans les échanges verbaux avec les adultes. La découverte des livres
participe ainsi à son éveil cognitif.
L’enfant a besoin d’être actif et qu’on le soutienne dans ses mouvements d’autonomie. Il
prend plaisir à participer aux petites tâches quotidiennes comme aider à mettre la table. Il est
fier de faire les choses seul, comme se déshabiller sans l’aide de sa mère.
LES STIMULATIONS ET SON ENVIRONNEMENT
Le jeu est vital et signe de bonne santé chez l’enfant. Alors que pour l’adulte il est considéré
comme futile et de l’ordre du divertissement, chez l’enfant, jouer est sérieux. C’est son
travail. Le jeu favorise la croissance psychique de l’enfant et ses apprentissages cognitifs. Il
met en œuvre le corps de l’enfant et son rapport à l’espace.
Enfin et surtout le jeu s’inscrit dans un climat relationnel avec ses parents, puis avec ses pairs.
L’enfant a besoin de répéter les mêmes jeux pour intégrer un apprentissage, maîtriser ses
émotions et s’approprier son espace de vie. L’hyper-stimulation ne laisse pas le temps à
l’enfant de développer sa pensée et elle peut provoquer du stress. Il peut se protéger en
érigeant des mécanismes de défense comme une hypertonie.
Au départ, l’environnement reconstitue un cocon, et progressivement, il favorise l’éveil de
l’enfant. Le jeu lui permet de développer son imaginaire en étant actif. Il est donc important
de l’accompagner dans ce jeu par le regard ou la parole, de lui répondre et de ne pas
l’interrompre. En effet, l’enfant est concentré lorsqu’il joue et a besoin de temps pour sortir de
son jeu. C’est un espace de transition entre lui et sa mère, une aire transitionnelle, processus
semblable au « doudou » 14. Il cherche avant tout l’autonomie dans ses actions, et son
14
environnement doit le lui permettre en toute sécurité. Cette autonomie se manifeste par le
plaisir d’être actif.
SIGNES D’ALERTES
Un bilan psychomoteur permet de dresser un état des lieux sur le développement de l’enfant.
Il se fait à travers l’observation de son activité spontanée et de la relation parents/enfant, et/ou
par une passation de tests.
On observe son tonus à la recherche d’une hypertonie ou d’une hypotonie. On évalue autant le
niveau d’âge des acquisitions, afin de détecter un retard psychomoteur, que la qualité de sa
motricité. On observe également la manière dont il se sert de son corps pour communiquer
avec son environnement, et la richesse de ses jeux. On peut aussi détecter des troubles de la
communication comme un retrait, ou une fuite de la relation, une instabilité ou une
hyperkinésie.
Les troubles psychomoteurs peuvent être d’origine psychique ou neurologique. Ce qui est à
prendre en compte, ce n’est pas tant le retard psychomoteur de l’enfant que sa capacité à
évoluer rapidement lors de la prise en charge. Cet élément de rapidité d’évolution est un
indicateur de l’origine de son trouble psychomoteur.
La prise en charge en psychomotricité est un travail de soutien de la relation parents/enfant à
travers des médiateurs ludiques et corporels. Ce travail aide l’enfant à être bien dans son
corps. La lecture des signaux corporels de l’enfant nous renvoie à son état psychique. Lors de
la détection de troubles psychomoteurs présumés, il est impératif d’adresser l’enfant vers son
pédiatre. Celui-ci permet alors de prescrire un bilan psychomoteur, et/ou de l’orienter vers
une structure de soins adaptée (CAMPS*, CMP* ou service de pédopsychiatrie).
15
CONCLUSION
Les différentes étapes du développement psychomoteur aident à mieux comprendre les
problématiques de l’enfant vis-à-vis de son environnement. Cela permet également d’aborder
l’enfant en respectant son rythme et en suivant son évolution psychique, corporelle et
cognitive.
Il est intéressant de sensibiliser les parents sur le rythme individuel de leur enfant et de
l’importance de lui procurer, dans une ambiance de plaisir et d’échanges, des expériences
sensorielles et corporelles.
Le bébé a autant besoin de la chaleur du corps à corps de ses parents que d’être accompagné
dans ses mouvements d’autonomie.
Il est dans la communication non-verbale, et s’exprime à travers son corps. Il est important
d’être à l’écoute d’éventuels troubles toniques ou de dysharmonie du développement.
Winnicott écrivait « qu’un bébé seul n’existe pas ». On ne peut dissocier l’enfant de son
environnement affectif. Il est primordial d’être à l’écoute des parents pour avoir accès à
l’enfant et de gagner leur adhésion pour le soigner.
Les premières années de vie sont essentielles pour sa construction tant physique que
psychique, d’où l’intérêt des actions de prévention et d’une prise en charge précoce.
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fœtales et néonatales – les cahiers du nouveau né. Paris : Stock ; 1991.
Bernard M. Le corps. Manchecourt : Seuil Points ; 1995.
Glossaire
Réflexe de Moro : se définit par une abduction et une extension des bras suivies d’une
adduction des bras. Il est provoqué par une perte de tenue de la tête, ou par un bruit qui
déclenche alors en plus un réflexe de sursaut. Ce réflexe s’accompagne de pleurs, d’une
extension du tronc et de la tête avec des mouvements des jambes. Il s’agit là d’un réflexe
vestibulaire qui disparaît lorsque l’enfant a 3 ou 4 mois 5.
Loi céphalo-caudale : indique un des deux sens du processus de myélinisation, de la tête vers
les pieds.
Loi proximo-distale : indique un des deux sens du processus de myélinisation, du centre vers
la périphérie.
Activité praxique : séquence motrice qui s’organise dans le temps et l’espace en vue d’un
résultat et d’une intention 11.
Jeux d’imitation différés : ils consistent à reproduire dans le temps, une situation vécue ou
observée.
18
Intelligence pré-opératoire : représentation que l’enfant se fait de ce qu’il évoque. Cette
intelligence symbolique est représentative et chaque objet est évoqué en image. Cette
évocation se fait par les supports du langage de l’imitation différée, du dessin, du jeu
symbolique et de l’image mentale 12.
Grapho-motricité : fait appel à l’aspect moteur de l’écriture. C’est donc l’enchaînement des
mouvements qui la définit.
CAMPS : Centre d’Accueil Médico-Social Précoce.
CMP : Centre médico-psycologique.