Le Délit

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le délit Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill delitfrancais.com le seul journal francophone de l’Université McGill Le mardi 17 janvier 2012 | Volume 101 Numéro 13 Ad nauseam depuis 1977 LE DÉLIT ET SA DAME DE FER vous souhaitent BON RETOUR

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Édition du 17 janvier 2012.

Transcript of Le Délit

Page 1: Le Délit

le délitPublié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

delitfrancais.comle seul journal francophone de l’Université McGill

Le mardi 17 janvier 2012 | Volume 101 Numéro 13 Ad nauseam depuis 1977

LE DÉLIT ET SA DAME DE FERvous souhaitent

BON RETOUR

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rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318Rédactrice en chef [email protected]

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Mathieu MénardCollaborationEmilie Blanchard, Jonathan Brosseau, Camilia Elaqchar, Sofia El Mouderrib, Laure Henri-Garand, Alexie Labelle, Annick Lavogiez, Annie Li, Simone Lucas, Thomas Simmoneau, Isabelle Sokolnicka. CouvertureImage: Victor Tangermann Montage: Victor Tangermann et Xavier Plamondon

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

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Photocomposition Mathieu Ménard et Geneviève Robert

The McGill [email protected]

Joan MosesConseil d’administration de la Société des publications du Daily (SPD)Anabel Cossette Civitella, Marie Catherine Ducharme, Alyssa Favreau, Joseph Henry, Tyler Lawson, Anselme Letxier, Joan Moses, Mai Anh Tran-Ho, Aaron Vansintjan, Debbie Wang

le seul journal francophone de l’université McGill

le délit

Du 11 au 16 janvier, Le Délit était à Victoria pour la conférence annuelle de la

Canadian University Press (CUP) où les journaux universitaires-membres profitaient de l’occasion pour assister à des conférences de qualité, à des tables rondes diver-sifiées, ainsi que pour réseauter avec les quelque 360 jeunes jour-nalistes participants.

Il est facile de sauter rapide-ment aux conclusions lors de ce genre de rassemblement dit «bi-lingue». L’anglais était tellement prédominant lors de la conférence nationale qu’on aurait pu oublier son désir de s’ouvrir aux franco-phones. En fait, avec à peine 16 participants francophones à la conférence, des employés de la CUP qui ne parlent pas français, un contenu majoritairement en anglais, ainsi que des aspirants au poste de président unilingues, il aurait été difficile de faire autre-ment que d’avoir de sombres pressentiments.

D’ailleurs, la séance plénière à la fin du congrès aurait dû ser-vir majoritairement à discuter les priorités de l’organisation face à l’amélioration du bilinguisme, ainsi que la place de la Presse universitaire canadienne en tant qu’entité logique de la CUP. Malheureusement, la plénière a été annulée à cause d’événements hors du contrôle de l’organisation. Nous ne verrons pas les couleurs des décisions avant un moment.

«Tant que la PUC est dépen-dante financièrement de la CUP, on ne peut pas leur en vouloir de ne pas apprécier l’apport bilingue de la PUC» expliquait la directrice nationale francophone de la PUC. D’un point de vue uniquement fi-nancier, il est vrai que les journaux francophones dépendent de leurs collègues anglophones. Pourtant, il faut comprendre que la plupart des journaux francophones sont de petite taille, avec juste assez de budget pour survivre, alors que la réalité des anglos est différente. Ils ont généralement un plus grand lectorat (que ce soit au Québec ou ailleurs au Canada) et une possi-bilité de publicité plus grande.

En fait, la discussion entou-rant la cause du bilinguisme au sein de cet organisme pancana-dien rappelle étrangement ce qui est dit au sujet de l’indépendance du Québec. L’argument financier est avancé de manière à quantifier la valeur de la présence du bilin-

guisme, alors qu’un malaise bien plus profond subsiste: la peur de devoir comprendre et apprivoi-ser une autre culture. À entendre beaucoup de récalcitrants à la bi-linguisation, le débat soulève sim-plement à quel point les traduc-tions en français ne sont là que pour bien paraître, et que chaque solitude attend avec impatience sa dissociation de l’autre. Les fran-cophones ne sont que des trou-ble-fête qui viennent réclamer des exubérances. Parler deux langues, et puis quoi encore!?

Discutons minoritéQue ce soit pour parler du

français en situation minoritaire ou pour discuter de l’avenir des journaux francophones, les confé-rences en français lors du congrès de la CUP, malgré leur nombre limité, étaient toutes pertinentes. Elles ont d’ailleurs attiré des fran-cophones, mais aussi des anglo-phones bilingues du Québec et d’ailleurs.

La conférence qui m’a allu-mée au point de remettre mes plans de carrière en question touchait la survivance du fran-çais dans les journaux en milieu minoritaire. Étienne Alary parlait de son expérience de rédacteur en chef au journal Le Franco le seul journal provincial hebdomadaire de l’Alberta. La comparaison avec Le Délit saute aux yeux, et il n’en faut pas moins pour tout de suite ressentir l’appartenance à une culture qui survit parce qu’elle se bat.

Le Franco n’a que huit em-ployés. Le rédacteur en chef fait office de distributeur, de jour-naliste et de concepteur graphi-que. Il possède un tirage de 4000 exemplaires (Le Délit imprime à 6000 exemplaires). Tout soubre-saut de l’économie peut se faire sévèrement sentir. Le Franco a même déjà failli couler, mais la communauté francophone d’Al-berta ne pouvait se résoudre à le laisser dans le pétrin. Le journal a donc repris les flots avec, pour appui, des donations généreuses.

Être francophone en milieu minoritaire prend une tout autre signification hors du Québec. Que ce soit lors d’une conféren-ce pancanadienne à Victoria, ou dans le cas des journaux franco-phones en milieu minoritaire, la cause du français rallie ses défen-seurs au point de s’en faire un objectif de vie. Le Délit est un fier bastion de cette cause. Très heu-reux d’être à nouveau de retour, pour une session de catapultage linguistique. x

Issue de languageAnabel Cossette CivitellaLe Délit

2 Éditorial xle délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

É[email protected]

Volume 101 Numéro 13

Page 3: Le Délit

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Page 4: Le Délit

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Le rapport Jutras confirme l’usage de la violence par la sécuritéLa principale se donne un mois pour réagir.

CAMPUS

Le doyen de la Faculté de Droit Daniel Jutras a publié son rapport sur les événe-

ments du 10 novembre dernier. Le document tente de faire la lumière sur le déroulement de la journée d’action contre la hausse des frais de scolarité qui s’était terminée par l’occupation du bureau de la principale et par l’intervention de l’escouade anti-émeute sur le campus.

Procédures disciplinairesDans les jours suivant le 10

novembre, Le Délit avait interro-gée la principale sur les poten-tielles procédures disciplinaires à l’encontre des employés de l’université ayant fait usage de la force envers des étudiants. Malgré les nombreux témoignages ayant alors été publiés dans la presse, la principale se bornait à répéter «Je n’ai aucune preuve de cela, [...] nous verrons les conclusions de l’enquête.»

Même son de cloche du côté de Jim Nicell, vice-principal ad-joint (services universitaires) en charge notamment des services de sécurité, qui expliquait qu’il «ne ferait aucun commentaire dans la presse à propos des événements [du 10 novembre]». Il ajoutait: «Je vous demande de comprendre qu’un processus est en place [...] par conséquent je vous demande de faire preuve de patience en attendant les conclusions de l’en-quête.»

Stephen Saideman, profes-seur au département de sciences politiques écrivait sur son blog «Je comprends le désir d’éviter de jeter la pierre mais, hum, [cette affaire] fut un désastre pour l’université et la pierre devrait être jetée.»

Les attentes étaient donc grandes le 15 décembre, jour de la publication du rapport Jutras. Moins d’une heure après sa mise en ligne, Heather Munroe-Blum a convoqué la presse étudiante,

locale et nationale. Expliquant qu’elle n’avait «eu le temps de lire le rapport qu’une seule fois et très rapidement», la principale s’est limitée à des considérations générales et a refusé de commen-ter les principales conclusions de l’enquête.

Le rapport confirme que la sécurité a usé de force physi-que contre deux des occupants du 5e étage pour les évincer des bureaux de la principale, l’un d’eux ayant été traîné au sol par les pieds. Le doyen n’a recueilli «aucune preuve de coup de poing ou de pied ni de la part des occupants, ni des gardes de sécurité.»

À nouveau, la principale a refusé d’indiquer si des mesures disciplinaires seraient prises. Elle a déclaré vouloir «réserver [ses] réactions à la communauté mc-gilloise.» Ayant tenté de joindre Jim Nicell, Le Délit a été informé par les relationnistes de presse de l’université qu’il «n’y aura[it] pas d’autres réactions.» À nouveau, on invite à la patience. Prochain rendez-vous: le Sénat du mercredi 18 janvier, où le rapport sera pré-senté. Les débats seront retrans-mis en ligne.

On en saura alors peut-être plus sur ce que Heather Munroe-Blum a voulu dire en déclarant: «Si responsabilité doit être éta-blie, c’est un processus à part entière.»

Suite à la publication du rap-port, Stephen Saideman écrivait «J’aimerais vraiment que McGill vire [...] au moins quelques uns des gens de la sécurité, juste pour montrer qu’il y a des conséquen-ces quand on fait usage de la force contre des manifestants relative-ment pacifiques. [...] Les individus devraient être punis. Bad events

followed by no accountability is just a recipe for more bad events.»

Des faits établis mais des re-commandations timides

Long de soixante pages, le rapport a été rédigé à partir de 150 témoignages écrits et quaran-te-cinq heures d’entrevue. Parmi les personnes qui ont accepté de témoigner, on compte cinq des occupants mais aussi des em-ployés du bureau de la principale et du vice principal exécutif. Le doyen a également eu accès aux

enregistrements des caméras de surveillance ainsi qu’aux conver-sations radios des personnels de sécurité.

On apprend qu’en l’espace de trois minutes, le centre de contrôle a reçu six appels d’em-ployés se trouvant au cinquième étage. Un bouton de panique a également été activé. Le rapport confirme que suite à ces appels, la sécurité a bien contacté le SPVM. La présence des policiers à vélo n’a cependant pas été expliquée et il semblerait qu’ils

n’aient pas été appelés par l’uni-versité.

Le doyen Jutras corrobore le témoignage initial des occupants qui affirmaient n’avoir brutalisé personne. Le rapport confirme qu’il n’y a pas eu de contact phy-sique entre les occupants et les employés, mais que toutefois, «la porte avait heurté le bras d’une des employées», provoquant une ecchymose.

Quant aux recommanda-tions, très générales, elles préco-nisent la révision des procédu-res des services de sécurité ainsi que la clarification des droits des étudiants à manifester pacifique-ment sur le campus de l’univer-sité. x

Avec la collaboration de Erin Hudson du McGill Daily.

Emma Ailinn Hautecoeur et Anthony LecossoisLe Délit

4 Actualités x le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

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«Le rapport confirme que la sécurité a usé de force physique contre deux des occupants.»

Retrouvez le rapport

Jutras annoté

et expli-qué sur

delitfran-cais.com

Le vice-principal à la sécurité refuse de donner tout commentaire sur le dossier.

Photo: Victor Tangermann

Page 5: Le Délit

5Actualitésx le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

MUNACA: retour de force«Maintenant nous savons que nous faisons une différence.»

CAMPUS

L’Assemblée générale qui a mis fin à la grève des employés de soutien de

l’Université McGill a eu lieu le 6 décembre 2011. Après quelques jours d’ajustement et des vacan-ces bien méritées, les membres de MUNACA sont maintenant de retour au chaud et au travail.

Sur les 1700 membres esti-més du syndicat, 1263 ont voté à l’Assemblée générale. MUNACA a obtenu une échelle salariale qui assurera une augmentation de salaire variant de 8,6 à 16% selon la situation du salarié sur l’échelle actuelle. De plus, ils ont mainte-nant un pouvoir décisionnel accru sur la contribution de l’université aux plans de retraites et avantages.

Cette échelle salariale ne pro-fite qu’à 75% des 1700 et quel-ques membres de MUNACA qui n’a pas encore atteint son plafond salarial, pourcentage qui coïncide

étrangement avec 72% qui a voté en faveur de l’entente proposée par la conciliatrice du gouverne-ment québécois Claire Tremblay. Toutefois, cela ne signifie pas que les 25% restants ne sont pas de ceux là.

Des 325 membres de MUNACA qui ont l’ancienneté, 40 % travaillent dans les biblio-thèques. Francisco Uribe, qui tra-vaille au service des prêts entre bi-bliothèques, dit que l’atmosphère a changé dans les six dernières années, et il n’a pas ressenti de tensions entre les employés lors du retour au travail. Uribe a écrit une lettre, dont une partie a été publiée dans la Gazette, pour ex-primer l’expérience positive qu’a amené la grève dans la vie des em-ployés de soutien. Lui a voté non à l’entente par principe. Il a estimé que «quand l’offre est venue, nous ne pouvions simplement pas la refuser». Ceci semble être un sen-timent partagé, bien qu’à l’Assem-blée générale, plusieurs se soient

indignés du fait qu’ils acceptaient la toute première et unique offre que l’université faisait après tant de temps à résister toute conces-sion.

«Essayer de garantir notre pouvoir décisionnel total sur les pensions est une cause perdue. Elles sont coupées partout dans le monde» dit Francisco Uribe. Patrick Leblanc, porte-parole francophone pour MUNACA depuis le début du conflit syn-dical pense que les retraites et leur indexation pourraient être la première cible des prochai-nes négociations qui auront lieu dans 4-5 ans. Pour ce qui est de l’échelle salariale, les membres de MUNACA auront en effet atteint la parité avec les autres univer-sités montréalaises dans 5 ans. En Assemblée générale, certains membres ont exprimé un doute quant à savoir si l’échelle salariale serait garantie dans le prochain accord collectif, et le comité a af-firmé pouvoir le garantir.

Selon ce qui se dit sur le cam-pus, on voit le «fléchissement» des membres du syndicat comme étant un signe de l’affaiblissement moral et physique des troupes. Pour la plupart, accepter l’entente avec l’université était une question de viabilité financière. S’ils avaient dé-cidé d’attendre une deuxième ou troisième proposition de la part de l’université, il aurait tout de même été impossible de savoir combien il leur aurait fallu de temps pour y arriver. «Cela aurait pu prendre deux semaines comme ça aurait pu prendre trois mois» dit Uribe, qui lui-même est à présent endet-té. Les fonds de secours ne sont pas de l’argent donné. Beaucoup dans le groupe de piquetage de Francisco n’étaient pas prêts à em-prunter plus pour gagner un mai-gre pourcentage d’augmentation qui n’aurait pas compensé les frais engendrés par la grève. Lui a perdu 25% de son salaire en faisant une grève qu’il n’était pas en mesure de continuer.

Sylvie Bosher, du McGill Writing Center, quant à elle, aurait été heureuse de rester sur les lignes de piquetage pour trois autres mois. «J’étais vraiment dé-çue que nous ayons cédé» dit-elle. Les douze personnes de son grou-pe de piquetage ont voté contre l’entente. Lors de l’assemblée qui a duré plus de quatre heures, il y a eu beaucoup de questionnement quant à la légitimité du président du syndicat de Kevin Whittaker, qui selon certains incitait plutôt que recommandait à ses mem-bres de voter oui. Un membre de MUNACA qui a souhaité gar-der l’anonymat dit avoir, dans le doute, vérifié avec l’avocat la léga-lité de ce geste. Même si celui-ci était légal, Whittaker a cependant été obligé de changer de ton au

milieu de l’assemblée, passant de moins pressant à plus suggestif pour calmer les ardeurs.

Sylvie Bosher a eu l’impression que c’était l’Alliance Canadienne de la Fonction Publique (AFPC) qui a fait pencher la balance lors du vote à la table des négociations. Cependant, Whittaker affirme que le négociateur en chef de l’AFPC n’a pas voté. La recommandation de l’entente auprès des membres de MUNACA a été ratifiée par les huit représentants de MUNACA sans toutefois faire l’unanimité. Comme l’a répété à plusieurs reprises le pré-sident, «c’est le mieux qu’on ait pu obtenir à ce moment ci» .

Comme en témoigne le pré-sident, le retour au travail a été de façon générale assez angois-sant pour tous les membres qui

ne savaient pas tout à fait à quoi s’attendre. Il n’y a cependant eu que quelques réelles difficultés. La charge de travail est plus grande, mais ils font ce qu’ils peuvent pen-dant les heures de travail. Sylvie, elle, éprouve une certaine solitude à son retour. Au centre d’écriture, elle est la seule employée de sou-tien. Comme la coordinatrice du département d’études asiatiques qui est dans la même situation, elle a ressenti le besoin d’aller «communiquer avec d’autres membres de MUNACA» sur ses heures de repos. L’expérience de la grève a été très positive pour elle et pour Uribe. Peut importe l’issue et les bénéfices qu’ils en re-tiennent, ils n’ont pas seulement fait la grève pour eux, mais pour tous les autres. x

Emma Ailinn HautecoeurLe Délit

Photo: Victor Tangermann

Photo: Victor Tangermann

Photo: Victor Tangermann

Page 6: Le Délit

Les opt-outs recommencentLETTRE OUVERTE

Malgré le soutien incroya-ble que les étudiants ont témoigné le semes-

tre dernier au GRIP, à CKUT, et à l’autogestion des opt-outs, le GRIP risque encore une fois de perdre des fonds importants et d’être af-fecté dans sa capacité à servir adé-quatement la population étudian-te. L’intégrité et la survie du GRIP méritent une révision de la propa-gande opt-out qui a envahi le cam-pus depuis plusieurs semestres.

Le premier mythe que fait cir-culer la campagne opt-out est le sou-tien du GRIP au Hezbollah. Nous

sommes heureux de vous l’affir-mer: le GRIP n’a jamais collaboré ni financé, directement ou indirecte-ment, le Hezbollah! En fait, de 2006 à 2009, Tadamon!, un groupe de travail du GRIP, a lancé une cam-pagne pour le retrait du Hezbollah de la liste d’entités terroristes du Canada. Cette campagne avait pour but de réduire le profilage racial des Libanais au Canada, et de criti-quer la conduite du gouvernement canadien dans sa guerre contre le terrorisme, et surtout pas d’approu-ver les activités du Hezbollah. Les centaines de tracts opt-out désinfor-maient les étudiants en présentant cette campagne, totalement hors de son contexte.

Les tracts rapportent aussi le soutien de GRIP au Chaotic Insurrection Ensemble, une fan-fare performant lors de plusieurs manifestations à Montréal. La campagne dépeint le groupe tel un gang agressif et conflictuel, et semble critiquer les principes anarchistes qu’utilise le Groupe. Pourtant, ces principes aux-quels adhèrent plusieurs autres groupes étudiants à McGill, tels que Greening McGill, Campus Crops, et le GRIP lui-même, ne sont autres qu’une organisation non hiérarchique des pouvoirs décisionnels tels que tous les membres du groupe prennent collectivement toute décision.

Autre mythe: est-ce que le GRIP est contre la journée du Canada? Le GRIP porte un re-gard critique sur cette célébration nationale. Le GRIP critique toute forme de discrimination et sou-tient plusieurs groupes de solida-rité avec les populations indigène et immigrante, très marginalisées dans la société canadienne, cela ne veut pas dire que le GRIP souhaite la fin du pays!

À moins que vous ne croyiez pas à l’existence d’un groupe qui donne une voix à ceux qui n’en ont souvent pas, ne reprenez pas vos 3,75 dollars ce semestre. Il y a plusieurs opportunités ce semes-tre pour découvrir ce qu’est vrai-

ment le GRIP, et la vie étudiante et communautaire qui l’entoure. Cela vous permettra aussi de sui-vre quelque chose de plus inté-ressant que le dernier débat sur la campagne Opt-Out! Cette semai-ne, il y a plusieurs ateliers dans le cadre de la semaine pour (la réclamation de) l’éducation. C’est aussi votre dernière chance pour contribuer à Study in Action, une conférence annuelle promouvant la recherche étudiante et com-munautaire. La semaine annuelle contre l’apartheid israélien s’ap-proche en Mars – participez à ces événements et conversations controversées pour faire avancer le débat! x

Camillia Elachqar et Simone Lucas

6 Actualités x le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Tanné de voir des fautes?Le Délit a un poste de correcteur vacant.

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QPIRG sous le feuLa validité du dernier référendum est contestée de toutes parts.

CAMPUS

Le référendum de cet autom-ne portant sur l’existence de CKUT (la radio commu-

nautaire du campus) et du GRIPQ (le Groupe de Recherche d’Inté-rêt Public du Québec, QPIRG en anglais) vient d’être sérieusement remis en question.

Morton Mendelson, pre-mier vice-principal exécutif ad-joint (études et vie étudiante), a signifié par courrier à CKUT et au GRIPQ qu’il considérait que la question n’avait pas été posée clairement et que donc qu’il «n’avait pas les garanties suffisantes» pour entamer les négociations sur le MOA, le Memorandum of Agreement, ce contrat qui permet notamment le reversement des cotisations étudiantes collectées par McGill au nom de ces organisations.

Simone Lucas, membre du conseil d’administration du GRIPQ (photo ci-contre et voir sa lettre ouverte ci-dessous) rap-pelle que 24% de participation est un taux remarquable pour un référendum. «Pour proposer cette question au référendum, nous l’avons faite approuver par

la signature de 500 étudiants ve-nant de sept facultés différentes et CKUT l’a soumise au conseil législatif de l’AÉUM.»

Morton Mendelson reproche en particulier à CKUT et au GRIPQ d’avoir lié la question de leur exis-tence à celle des procédures d’opt-out. L’opt-out est la possibilité pour les étudiants d’obtenir le rembour-sement de certains frais optionnels. En 2007, l’administration avait im-posé unilatéralement la mise en pla-ce de ce système en ligne. Depuis, le nombre d’étudiants demandant le remboursement a explosé.

Marginal auparavant, il re-présentait le semestre dernier plus de 11% des étudiants.

Simone Lucas explique: «Nous ne pouvons pas fonction-ner dans ces conditions, financiè-rement mais aussi compte tenu de l’énergie que ces campagnes nous prennent chaque semestre. C’est pour cela que les deux questions sont liées.»

Morton Mendelson s’est notamment appuyé sur les édi-toriaux du McGill Daily et du McGill Tribune qui selon lui re-mettait en cause la clarté de la question posée. Il demande la te-nue d’un nouveau référendum. L’AÉUM, par la voix de sa prési-dente, s’est dite troublée qu’une décision à 72,3% et 65,6% pour CKUT et le GRIPQ respective-ment, ne soit pas respectée par l’administration. Elle y voit une remise en cause «par extension du processus démocratique de l’AÉUM».

Les parties sont toujours en négociation.

Plus centrée sur le GRIPQ, la deuxième attaque est venue de Zach Newburgh (président 2010-1011 de l’AÉUM, ancien président de Hillel Montreal et initiateur des campagnes QPIRG Opt-Out!) et de Brendan Steven, un membre actif du parti conser-vateur à McGill. Ils ont présenté une requête en annulation de-vant la commission judiciaire de l’AÉUM.

Cet organe composé par des étudiants en droit devra statuer sur la constitutionnalité de la question référendaire. En parti-culier, messieurs Newburgh et

Steven se rapportent à l’article 25 de la constitution de l’AÉUM qui interdit que deux questions soient posées simultanément. Il estime que l’argumentaire du GRIPQ selon lequel les métho-des d’opt-out engagent l’existence même de l’organisation n’est pas valable puisqu’à la session der-nière la proportion d’étudiants demandant un remboursement s’inscrivait légèrement au-delà de 11%.

Messieurs Newburgh et Steven contestent également les décisions prises par Rebecca Tacoma, étudiante et responsa-ble, salariée, d’éléctions mcgill lors du référendum, en sa qualité de directrice générale des élec-tions. Tout au long de la cam-pagne Zach Newburgh lui avait signalé via vingt-quatre courriels des infractions qu’il relevait (acte de campagne par des person-nes ou des entités étrangère à l’AÉUM, courriers non-sollici-tés, etc.)

Enfin, leur requête conteste dix signatures parmi les cinq cent nécessaires pour la validation de la question référendaire. Selon leurs recherches, dix des signa-taires ne seraient pas membres de l’AÉUM. Zach Newburgh expli-

que avoir fait le recoupement des signatures avec la liste des mem-bres de l’Association en novem-bre.

À l’époque, Zach Newburgh avait demandé la liste intégrale des membres de l’Association sans en expliquer le motif ce qui avait provoqué un certain émoi chez certains élus et membres de l’Association.

La commission judiciaire de l’AÉUM annoncera mercredi la date des auditions. x

Anthony LecossoisLe Délit

Simone Lucas, membre de GRIPQPhoto: Victor Tangermann

«L’AÉUM voit une remise en cause de son processus démocrati-que.»

Page 7: Le Délit

7Actualitésx le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Fausse alerte ou concur-rence véridique, le HuffPost (c’est le surnom donné à

la plate-forme d’actualités web) apporte un nouveau modèle de gestion au Québec. Le site recrute des blogueurs du milieu culturel et politique, dans le cas échéant, du Québec, pour produire du contenu sur une base bénévole. Les quatre journalistes perma-nents, les deux contractuels et les pigistes seront toutefois rémuné-rés. Le Huffington Post, fondé par Arianna Huffington aux États-Unis, a récemment été racheté par la firme AOL pour 315 millions de dollars. Le site avait déjà fait son entrée au Canada et en France en 2011.

Au Québec, il est difficile de trouver un équivalent, sinon peut-être le site canoe.ca, dont l’ex-rédacteur en chef du site de nou-velles est maintenant le rédacteur en chef et éditeur du HuffPost Québec. Patrick White note ce-pendant que le Huffington Post adopte une stratégie médiatique complètement différente qui mise sur «une intégration totale des médias sociaux dans toutes ses opérations et une stratégie très poussée d’utilisation de mots-clés (tags) dans les textes, vidéos et photos afin d’apparaître très haut dans les moteurs de recherche».

La publication de contenu par des auteurs non-rémunérés

avait déplu à plus d’un, notam-ment au journal Voir, dont le site web comporte une plate-forme similaire de blogueurs assez sui-vis. Simon Jodoin, directeur du développement des nouveaux médias, a réagi sur son propre blog sur voir.ca pour exprimer la consternation et la surprise de toute l’équipe éditoriale quant à la participation de Françoise David et d’Amir Khadir aux blo-gues de l’entreprise lucrative. Ceux-ci pensaient y trouver un nouveau porte-voix pour la gau-che au Québec.

Les deux chefs de Québec Solidaire ont cependant changé d’idée par la suite. Ils ont annoncé par communiqué le 22 décem-bre qu’ils s’abstiendraient de toute collaboration directe avec le journal en ligne, bien qu’ils aient affirmé qu’«il n’avait jamais été question [...] de produire du contenu original ou exclusif pour ce média». Cette abstention est venue au «grand soulagement» de monsieur Jodoin.

Du fait de la sortie en force du Voir pour dénoncer le modèle controversé, certains des blo-gueurs qui avaient été appro-chés se sont rétractés ou sont «en réflexion» selon Simon Jodoin. C’est le cas de Normand Baillargeon, auteur du Petit Cours d’autodéfense intellectuelle. Le pro-fesseur Baillargeon avait d’abord donné son accord, «ayant en mémoire le Huffington Post des États-Unis», qu’il considère

comme une source de nouvelles «libérale et sérieuse». Il ignorait que le site avait été vendu pour en faire un géant Internet. Il tient à souligner cependant «que le Huffington Post Québec n’a rien à se reprocher». Normand Baillargeon a commencé la se-maine dernière un blog sur voir.ca, qui a lancé une vingtaine de nouveaux blogues, pour lesquels tous les revenus seront redistri-bués à leurs auteurs.

Certains avaient perçu la réaction du Voir comme un signe que le journal craignait la concur-rence du futur site d’actualités. Normand Jodoin affirme que voir.ca ne se sent en aucun cas menacé par le Huffington Post. Le site, principalement culturel, a une spécificité implantée, une émis-sion de télé. Il a une niche parti-culière, ce qui fait sa force, pense le directeur.

Il est difficile de savoir si le journal en ligne sera assez acha-landé pour dérober les revenus publicitaires à d’autres sites d’in-formation ou journaux en ligne. C’est pourtant ce qu’affirme mon-sieur White. Martin Lessard, spé-cialiste en stratégies web et médias sociaux met de l’avant la partici-pation citoyenne comme nouveau moyen d’attirer des visites sur les sites d’information en ligne et donc maximiser les revenus pu-blicitaires. Il pense qu’à la venue du HuffPost les autres journaux en lignes «vont peut-être devoir s’adapter en trouvant des moyens

d’inclure les citoyens dans l’écri-ture de nouvelles». C’est ce que fera le HuffPost en mettant l’ac-cent sur les opinions, les blogues et les médias sociaux.

Par contre, monsieur Lessard ignorait que le contenu non-éditorial du HuffPost serait soumis aux mêmes étapes d’édi-tion et de vérification des faits et que leur centaine de blogueurs sont des «citoyens» choisis pour

leur expérience singulière. Les canaux de participation seront les mêmes que dans les autres journaux, à l’exception de la section Contact, où les lecteurs pourront envoyer des lettres, des exclusivités, des photos ou des vidéos. Il reste à voir si ce mé-lange de journalisme citoyen et professionnel sera aussi lucratif au Québec qu’aux États-Unis ou ailleurs. x

Confusion autour du HuffPost QuébecLa venue du Huffington Post au Québec, prévue pour début janvier, a suscité des critiques de la part de certains médias.

MÉDIAS

Emma Ailinn HautecoeurLe Délit

La fondatrice du HuffPost, Arianna HuffingtonPhoto: World Economic Forum

NouvEllE cHroNiquE, nouvelle année. Même thème: l’avenir. Et quoi de mieux qu’un début de janvier pour spéculer sur les saisons à venir? Avec un Canada (et un Québec!) pris en otage par notre meilleur ami, ce

charmant monsieur Harper, je me contente de me concentrer sur la scène politique québécoise.

Pourquoi? Parce qu’en rai-son d’une écœurantite aiguë, les décisions de Stephen Harper ont cessé de faire écho à mes oreilles. Mais d’abord et avant tout parce que c’est une année d’élections au Québec. Alors voici mon diagnos-tic des trois partis principaux.

Les Libéraux. Grandes vedet-tes de la télé-réalité québécoise 2011 sur la saga de la construction, ils ont un chef calme, détendu, mais peu éloquent. À mon avis, les libéraux sont tels des napperons sur une table. Parfois sales, parfois propres, on les garde jusqu’au jour où on en trouve de plus beaux. D’ici-là, on les utilise par nécessité et stabilité. À la grande surprise de

tous, ils survivent aux sondages. La raison est simple et miraculeuse: ils offrent la seule option fédéra-liste québécoise, tel qu’entendu dans le temps des fêtes: «Je ne suis pas souverainiste, donc je vote Charest.» Amen.

Les Péquistes. Go Pauline! Go Gilles! Qui sait? Aurons-nous droit à une volte-face par laquelle le Parti Québécois troquera Pauline pour Gilles? Un petit conseil pour celle-ci: retour à la réalité exige, il serait temps de laisser sa place à un ou une autre. Implosion, défections, démissions et élections ne font pas bon ménage. Certes, il faut savoir mettre l’orgueil dans sa sacoche en se rappelant les sages paroles de Bernard Landry dans La Presse: «Le parti avant les individus, et le pays avant le parti.»

Les Caquistes Coalisés. La palme d’or du parti le plus attendu aux élections 2012 revient cer-tainement à la Coalition Avenir Québec. L’intrigue de cette soirée électorale où je serai nez à nez avec ma télévision des années 90 de-meure entre les mains de celle-ci. Les spéculations à son sujet sont plutôt difficiles à émettre en raison des incertitudes et des «on verra», caractéristiques primaires de son aura politique. Chose certaine, la CAQ risque de faire fureur sur la planche de serpents et échelles. Ceci dit, on ne peut nier la popu-larité de ce parti, qui se dit être partisan du changement politique québécois. Ne le somme-nous pas tous?

Bref, si la politique n’était qu’un jeu de hasard, je poserais

mon vote électoral après avoir chanté «ma p’tite vache a mal aux pattes…». Heureusement, comme nous avons pu le voir le 2 mai dernier au niveau fédéral, la politique n’est pas une simple comptine d’enfants. Si nous voulons préserver du mieux que nous pouvons notre société distincte en évitant de la transformer en Harperland II, il est primordial de se faire une idée claire et nette des partis politiques de notre province.

Sur ce, je souhaite à tous une année politique remplie de rebondissements, de discours enflammés (gardons espoir), de débats constructifs et d’un peu de charisme à tous nos chefs politiques, car Dieu sait qu’ils en auront besoin! x

Charisme, éloquence et électionsAlexie Labelle | Au-delà du présent

CHRONIQUE

Page 8: Le Délit

x le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com8

Jeunesse unie, Parlements conquisLe cynisme est présent dans la plupart des sociétés occidentales, mais des jeunes se lèvent encore pour prendre d’assaut les institutions démocratiques et les rendre à leur image le temps d’une simulation.

Société[email protected]

La génération du lectorat du Délit est souvent mise à mal. On lui impute différents préjugés: peu d’implica-

tion citoyenne, individualisme, manque d’appréciation de la chose publique. Aux dires de nombreux commentateurs, la situation de la jeunesse tant québécoise qu’occidentale est peu reluisante.

Aujourd’hui, les intérêts des jeunes peuvent être satisfaits par une multi-tude d’implications différentes. Les plus populaires restent toujours l’engagement international, notamment avec Amnistie internationale ou différents groupes de cette consonance. Dans les démocra-ties, notamment en Occident, des jeunes engagés se tournent vers les partis poli-tiques pour exprimer leur vision d’avenir et leur action est extrêmement louable et importante pour la revitalisation de l’ac-tion politique.

Cependant, il existe un phénomène peu connu de la population et qui com-mence à faire son bout de chemin parmi les cercles de jeunes impliqués dans dif-férents milieux. Il s’agit des simulations parlementaires. Ces événements gagnent en popularité à travers le Québec, mais aussi un peu partout dans le monde. Les jeunes s’unissent malgré leurs différences idéologiques et politiques le temps d’une simulation et ils prennent d’assaut leur parlement national pour y faire vivre la démocratie dont ils rêvent malgré ce que certains qualifient de cynisme ambiant.

Au Québec, depuis quelques années, les simulations parlementaires sont tel-lement populaires qu’il y a des listes d’attentes et la qualité des participants augmente d’année en année. Le Québec est choyé pour avoir deux simulations parlementaires au Salon bleu de l’Assem-blée nationale: le Parlement étudiant du Québec (PEQ) et le Parlement jeunesse du Québec (PJQ).

Parlement Étudiant du Québec (PEQ)Il s’agit de la simulation parlemen-

taire qui se rapproche le plus de la réa-lité partisane actuelle. Il y a le caucus des Rouges (centre-droit) et le caucus des Bleus (centre-gauche). Chacun des cau-cus est composé de 62 députés. Les mem-bres sont liés par la ligne de parti et doi-vent être solidaires avec leur caucus.

Le Premier ministre de la dernière simulation (sous le gouvenement du cau-cus des Rouges), Kevin-Alexandre Lavoie, indique que chaque parti alterne entre le pouvoir et l’opposition durant la semaine (2 jours au gouvernement et 2 jours à l’opposition officielle). «Le chef du cau-cus a l’entière discrétion de choisir son conseil des ministres et d’octroyer les postes d’officiers dans son caucus. Le chef pour l’année suivante est toujours élu à la dernière soirée de la simulation. C’était la 26e édition du PEQ cette année.»

Cette année, les rouges ont présen-té les idées suivantes. Le premier projet de loi du caucus des Rouges touchait à la privatisation du transport en commun de Montréal et Québec. Le deuxième visait une réforme de l’aide sociale. Le troisième voulait réformer le processus d’accréditation des associations étudian-tes. Finalement, un livre sur la réforme de la fiscalité au Québec a été présenté dans le but d’introduire un taux d’imposition unique (flat tax) et d’assurer un filet social avec un revenu minimum non imposable.

Les bleus ont présentés les idées sui-vantes. Dans un premier temps, un projet de loi sur les marchés non-concurren-tiels avec la création de nouvelles socié-tés d'État, notamment Pétro-Québec. Le deuxième projet concernait la création de l'Agence de protection et de valorisation du secteur bioalimentaire du Québec. Le dernier portait sur le Conseil des arts et des lettres du Québec avec, au program-me, une augmentation considérable de l'investissement pour la culture.

Parlement Jeunesse du Québec (PJQ)À la différence du Parlement Étudiant

du Québec, cette simulation est non par-tisane malgré la séparation des groupes parlementaires entre le gouvernement et l’opposition officielle. En effet, les nou-veaux participants sont aléatoirement choisis pour être dans le gouvernement ou dans l’opposition. Il n’y a aucune ligne de parti et les députés votent selon leur âme et conscience sur les ébauches de loi présentées par les ministres.

Il existe plusieurs postes pourvus par les anciens qui sont choisis par le comité exécutif qui organise la simulation chaque année. En effet, les postes de ministres à déclaration, porte-parole de l’opposition à

déclaration, les whips, les leader-adjoints et les présidents des quatre commissions sont des postes normalement attribués à des participants de deuxième année. Les postes de porte-parole de l’opposition pour les projets de lois présentés par les ministres sont attribués à des participants de troisième année et les quatre postes de ministre à projet de loi sont donnés à des participants de quatrième année.

Cette année, le Parlement Jeunesse du Québec s’est penché sur quatre projets de loi. Le premier concernait la représentati-vité des syndicats auprès des salariés. Le deuxième visait une décentralisation de l’éducation et une abolition des commis-sions scolaires. Le troisième projet de loi

Assemblée législative de la Colombie-BritanniquePhoto: Stephen Rees

Assemblée nationale du QuébecPjoto: OZniOH

Francis L. RacineLe Délit

Page 9: Le Délit

9Société

présenté songeait à repenser la coopéra-tion internationale pour abolir le critère de « bonne gouvernance » lors de l’étude des dossiers d’aide. Et, finalement, le qua-trième concernait l’itinérance chronique à Montréal; et les moyens pour enrayer ce phénomène.

La prochaine simulation du Parlement Jeunesse du Québec aura lieu au mois de décembre 2012 et encore une fois, plusieurs projets de loi seront pré-sentés dans le cadre de la 63e législature du Parlement jeunesse du Québec.

Les deux simulations parlementai-res présentées ci-haut ne sont pas des exceptions. En effet, il existe bien d’autres simulations parlementaires dans le reste du Canada.

Parlement jeunesse pancanadienLe Parlement jeunesse pancanadien

(PJP) est un des rendez-vous des jeunes politiciens d’expression française et ori-ginaires de partout au Canada. Cet évé-nement est organisé par la Fédération de la jeunesse canadienne-française. Il s’agit

d’une simulation de plus de 100 jeunes âgés de 16 à 25 ans qui débattent de 3 à 4 projets de loi. Le PJP est non partisan; les députés peuvent voter selon leur âme et conscience.

Le PJP a pour mission de contribuer au développement politique, langagier et culturel de la jeunesse francophone. Le succès du PJP s’est traduit par une mul-tiplication des simulations parlementai-res dans les différentes provinces où une population francophone peut soutenir un tel événement.

Parlement jeunesse francophone de Colombie-Britannique

Une des simulations qui est née du PJP est le Parlement jeunesse franco-phone de la Colombie-Britannique. Il s’agit d’un parlement jeunesse simulé et non partisan qui a lieu à chaque année dans la législature de Victoria. Les parti-cipants deviennent alors un député ou un ministre de Colombie-Britannique. Ainsi, les jeunes francophones de Colombie-Britannique peuvent se regrouper et faire vivre la langue française dans la législa-ture de Victoria.

Parlement jeunesse francophone de Saskatchewan

Le Parlement jeunesse francopho-ne de Saskatchewan est un rendez-vous

politique, journalistique et social de la francophonie saskatchewannaise dans la législature de Régina. Les participants au volet politique ont la chance de prendre part à ce parlement non partisan où le parti au pouvoir et l’opposition débattent de projets de loi provinciaux déposés par les jeunes, le tout, dans la Chambre d’as-semblée législative à Régina

Parlement jeunesse francophone de l’Ontario.

Le Parlement jeunesse francophone de l’Ontario est une activité provinciale à grand déploiement initiée en 2007 par Jean-Marc Lalonde, président de l’As-semblée des parlementaires de la fran-cophonie - section de l’Ontario (APF), député de Glengarry-Prescott-Russell. Le Parlement jeunesse offre une occasion unique aux élèves francophones de 11e et de 12e année de vivre au rythme des acti-vités de l’Assemblée législative de l’Onta-rio, à Toronto avec des jeunes de partout en Ontario français.

L’objectif principal est de stimu-ler l’intérêt et l’engagement des jeunes à l’égard de la politique et du fonction-nement de l’appareil gouvernemental en Ontario. Les enjeux débattus lors de la si-mulation porteront sur des sujets chauds qui retiennent tout particulièrement l’at-tention des jeunes Ontariens.x

Le Délit: Pouvez-vous nous décrire les grandes lignes de votre simulation?

Thibaut Roblain: Première remarque, l’assemblée dans laquelle nous sommes est tout comme l’Assemblée nationale du Québec, soit une chambre législative d’une entité fédérée. On l’appelle la Communauté française ou depuis le changement de nom la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est l’en-semble des francophones en Wallonie et à Bruxelles. Ce parlement produit des décrets, qui ont la même valeur de loi mais ont un nom différent. Nous avons un partenariat avec le Parlement Jeunesse du Québec grâ-ce auquel nous envoyons une délégation de belges au Québec et eux viennent à notre Parlement jeunesse avec une délégation. Ce faisant, nos simulations s’influencent gran-dement l’une et l’autre. J’étais justement le chef de la délégation belge au dernier Parlement Jeunesse du Québec en décem-bre dernier.

LD: Comment fonctionne votre PJ en comparaison avec le système politique au Québec et le PJQ?

TR: Nous en sommes donc à la XVIe législature du PJ. Au début, le PJ ressem-blait au PJQ mais des différences se sont imposées au fil du temps: notre PJ est adap-té à notre système parlementaire, c’est-à-dire avec des coalitions de groupes politi-ques, le décorum européen, et le système législatif sans vote de principe. Ce qui est assez amusant, c’est de voir que nous avons des concepts au PJ qui n’existent pas dans

le vrai Parlement: en Belgique, il n’y a pas d’Opposition officielle, donc pas de shadow cabinet. Pourtant, pour la simulation, nous avons nos porte-parole, nous nous levons pour parler (normalement, on ne parle de-bout qu’à la tribune, pas de sa place), nous avons un chef de l’opposition, mais notre Premier ministre s’appelle un Ministre-Président. Nous faisons aussi un triangle de communication (sans masse d’arme) à la britannique, car ça n’existe pas chez nous. Il est moins rigoriste concernant le proto-cole et délaisse les formalités des serments au profit du débat et de la découverte. En résumé, le PJ est un melting pot assez sym-pathique entre le parlementarisme belge et nos influences britanniques, du Québec et des coutumes du Parlement Jeunesse du Québec

LD: Quelles sont les grandes caracté-ristiques de votre simulation?

TR: Le PJ dure six jours dont la pre-mière journée seulement à l’auberge. Il n’y a pas de débat de principe. Le français est la seule langue autorisée. Nous évitons de par-ler de la vraie politique mais nous sommes fictivement dans un Etat où tout va bien, où le français est la seule langue, où il n’y a aucun problème de séparatisme, etc. Notre premier but est de faire découvrir la démo-cratie, ses rouages, d’apprendre aux jeunes à s’exprimer, à prendre position, et ce, dès dix-sept ans: nos débats sont certainement un peu moins «intenses» intellectuellement car il y a plus de débutants. Nous devons

faire un compromis entre qualité des dé-bats et découverte initiatique pour les néo-phytes. C’est extrêmement important pour nous! Il y a quatre décrets et donc quatre ministres. Et nous avons en fin de PJ une résolution: le PJ invite une personne sur un sujet précis puis nous votons un texte ou le Parlement s’engage à prioriser le sujet en question (acte purement politique mais cela permet un débat sur un sujet autre que les quatre projets).

LD: Quels seront les sujets de décrets pour cette année?

TR: Premièrement, il y a un projet de décret sur les mères porteuses consistant à les rendre possibles d’une manière très libérale: une quasi location d’utérus. Puis un projet de décret sur le chômage concer-nant les allocations qui y sont dédiées et votre bien-être social. Ce projet prévoit une allocation pour les indépendants mais un durcissement des conditions pour son obtention pour les salariés et une limitation de sa durée, car en Belgique, on peut passer sa vie au chômage. Le troisième projet de décret concerne l’immigration; c’est-à-dire de nouvelles conditions pour arriver chez nous. Et finalement, un projet de décret sur les collaborateurs de justice; donc sur le statut des personnes condamnées qui donnent des informations importantes à la justice. Réductions de peine, voire sup-pression de l’infraction selon l’importance! D’autres mesures aussi punissant la non-information, etc.

LD: Il y a une délégation de Québécois qui part en Belgique pour votre simu-lation; y a-t-il d’autres délégations étrangères qui participeront à votre simulation?

TR: Oui, il y a plusieurs délégations. Il y aura certainement les cinq québécois. Il y aura aussi un membre d’un parlement jeunesse du Congo, ainsi qu’un Suisse du Jura suisse, un membre de la simulation de Roumanie, un représentant italien du Val d’Aoste et finalement un membre de la simulation parlementaire du Maroc. x

Propos recueillis par Francis L. Racine

Parlementer à la Belge, en français bien sûr!Le Délit s’est entretenu avec le Président de l’Assemblée du Parlement Jeunesse de la Communauté française de Belgique et ancien chef de délégation belge au Parlement Jeunesse du Québec de décember dernier, Thibaut Roblain.

Queen’s Park, Législature de la province de l’OntarioPhoto: Scanzon

Page 10: Le Délit

Les fêtes ne sont pas uniquement pour vous et moi. Les rencontres en famille et entre amis sont de véritables bars ouverts pour les organismes aérogènes contenus dans vos divers mucus des voies respiratoires. Moins ap-pétissants qu’une tourtière, le rhu-me, la grippe et la gastro sont des infections communes et répan-dues en hiver qui, puisque souvent d’origine virale, ne se traitent pas.

Les présentationsLaissez-moi tout d’abord

vous présenter le rhinovirus, un tout petit agent infectieux com-posé d’un minuscule bagage géné-tique. Son lieu de prédilection se trouve dans nos voies respiratoires supérieures, à une température idéale de 33 degrés Celsius. La sé-crétion de mucus dans ces régions est un moyen de défense efficace puisqu’il permet de transporter le rhinovirus (grâce au reniflement et à la toux) vers l’estomac où il est détruit, ou vers l’extérieur, ce qui se traduit en un mode de pro-pagation dans nos populations. Les symptômes inflammatoires

consistent en une toux, des cépha-lées (maux de tête), ainsi qu’en congestion des voies nasales due à l’enflure des tissus. Un rhume est rarement accompagné de fièvre ou de fatigue majeure, mais nécessite tout de même du repos durant les 5 à 7 jours qu’il perdurera. Les éternuements et le mal de gorge sont des signes avant-coureurs des autres symptômes, un signe qu’il faut commencer à boire beaucoup d’eau! L’eau liquéfie les muqueu-ses les aidant ainsi à se décrocher des parois des voies respiratoires et aurait des propriétés démontrées bénéfiques au niveau du soutient du système immunitaire.

Le virus de l’influenza quant à lui implique une fièvre soudaine allant de 38 à 40 degrés Celcius, des douleurs musculaires sévè-res dans les jambes et le dos, une fatigue générale ainsi qu’une toux intense. Les modes de propaga-tions sont les mêmes que ceux du rhume puisqu’il s’agit également d’une infection des voies respira-toires. Une grippe dure toutefois plus longtemps, il faut compter plus de 10 jours avant une guéri-son complète dans le cas ou il n’y a pas de complications telles qu’une pneumonie ou qu’une bronchite.

Le troisième groupe de vi-rus, et non le moindre, est celui causant les deux tiers des infec-tions gastro-entérites. Il s’agit de Rotavirus, Norovirus, Adenovirus et de quelques autres. Ils peuvent causer des diarrhées et des vomis-sements: selon la souche du virus, il peut y avoir prédominance d’un symptôme sur l’autre. La propaga-tion s’effectue par voie orale-fécale ou respiratoire. La principale com-

plication reliée aux symptômes de la gastro est la déshydratation.

La préventionPour prévenir la propagation

de ces virus (et de bien d’autres d’ailleurs), l’Agence de Santé Publique du Canada propose un moyen à tout casser, efficace et tris-tement peu employé: se laver les mains! Un lavage de 20 secondes avec du savon élimine pratiquement la totalité des microorganismes logés sur nos mains. Dans le cas de la gas-tro, il est important qu’un lavage des mains soit fait après chaque visite à la toilette. Nos mamans nous l’ont

appris, et pourtant des études en 2008 ayant examiné la population bactérienne et virale d’origine fécale sur les mains de participants choisis au hasard révèlent qu’en moyenne 80% des examinés portait au moins 2 types de ces indésirables. Puisque les mains sont souvent portées à no-tre visage, tousser dans notre coude plutôt que sur celles-ci résulte du gros bon sens.

Les médicamentsChaque symptôme peut être

contrôlé par un médicament en vente libre (MVL). Par contre, ce ne sont pas des médicaments qui com-

battent le virus, mais qui soulagent les conséquences physiologiques des infections. Voici un tableau qui résume les symptômes et les MVL qui les soulagent:

Un doute à savoir s’il vous est nécessaire de voir un médecin? Faites un détour par votre pharma-cie, vous vous éviterez peut-être une trop grande inquiétude ou des heu-res d’attente en clinique ou à l’hôpi-tal! L’important est de vous informer adéquatement. Que ce soit avec un professionnel de la santé ou par internet (par le site de Santé Canada par exemple), restez informé et sur-tout à l’écoute de vos symptômes. x

Rhume, grippe, gastroSofia El Mouderrib | Science ça

SCIENCE

Une fin juteuseUne épidémie de gastro met abruptement fin au congrès annuel de la Canadian University Press.

JOURNALISME ÉTUDIANT

Habitués à écrire les nou-velles, les 360 journa-listes qui étaient à la

conférence nationale de la Presse universitaire canadienne (CUP-PUC) à Victoria ne s’attendaient certainement pas à tomber sous le feu des projecteurs le 15 jan-vier dernier lorsqu’une épidémie de gastro (noro-virus) s’est pro-pagée au point où l’organisation a dû annuler les activités de fer-meture de l’événement, ainsi que la séance plénière prévue pour la dernière journée.

Au nombre des journaux étudiants présents, Le Délit, The McGill Daily, The Link et The

Concordian étaient présents pour représenter la région de Montréal, ainsi que Le Collectif et La Rotonde pour représenter le côté franco-phone.

Dans une atmosphère sur-voltée, après quatre jours de conférence enrichissante et sti-mulante, les étudiants universitai-res se réunissaient pour le dernier souper et fêter la fin de NASH74, le nom donné à l’événement. Malheureusement, le virus de la gastro en a décidé autrement. Vers 17 heures, quelques personnes ont commencé à se sentir indis-posées. Dès 22 heures, au moins onze personnes étaient envoyées à l’hôpital pour déshydratation. Vers 3 heures du matin, c’était les mesures de guerre: quelques

jeunes journalistes francophones du Collectif et du Délit ont tenté de commander une pizza pour se sustenter. Qui peut se targuer d’avoir reçu la réponse: «Nous ne livrons pas à votre hôtel, vous avez été mis sous quarantaine» dans sa vie? Piégés. En tout cas, c’est l’impression qu’ils en avaient.

Au départ, difficile de croire qu’un virus aussi commun était pour jeter par terre aussi rapide-ment et efficacement quelque 70 jeunes personnes dans la fleur de l’âge. Pourtant, lorsque les activi-tés du soir ont été annulées, les organisateurs et les participants ont vu rouge. La nuit allait être longue. Le noro-virus se propage notamment par la salive, et agit très rapidement. Les effets sont

vomissements et diarrhée aiguë, mais pour une courte période de temps.

Rapidement, presque autant que la transmission du virus, l’imagination a fait son œuvre et l’histoire entre les griffes des journalistes s’est vite transformée en un mix de récit épique et de récit d’horreur.

Je regardais derrière moi. Je l’ai vu; il s’est penché avec exagération et une étrange substance a semblé sortir directement de ses entrailles. Il a crié et s’est écroulé. La Bête frappe encore, et de plus en plus proche. Qui sera le prochain?

Les attaques se font de plus en plus sournoises. La transmission du virus est rapide, inévitable, et frappe sans discrimination de l’âge, du sexe,

de la race, mais surtout, de la langue. Les francophones étaient sans voix lorsqu’un des leurs est tombé pour la première fois, près de dix heures après le début des activités démonia-ques de la Bête. Un peu à la manière de l’Assimilation, les francophones se sentent violés dans leur âme par les événements.

Ils sont tenus captifs sur cette île, sans ressource autre que leurs appa-reils technologiques. La Bête les aura s’ils ne sont pas en groupe.

Au moment de mettre sous presse, l’intoxication alimentaire n’était plus une cause plausible. Certains membres du personnel des cuisines de l’hôtel Harbour Towers semblaient avoir été ma-lade, mais les hypothèses ne sont pas confirmées.x

anabel Cossette CivitellaLe Délit

10 Société x le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Lyndsay Cameron / Le Délit

Page 11: Le Délit

Arts&[email protected]

11Arts & Culturex le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Dans la cour des grandsCINÉMA

Prends ça court! présente Québec Gold 11, une sélection des neuf court-métrages québécois les plus remarqués de l’année.

Québec Gold 11Où: Cinéma Ex-Centris 3536 Boul. St-LaurentQuand: Jusqu’au 19 janvier

L’événement ratisse large en cherchant à combler tous les goûts cinéphiles, à com-

mencer par la danse contemporaine pour terminer par le gore. Il vient donc clore une bonne année pour les amateurs de court-métrages.

D’abord, Ora de Philippe Baylaucq. On a déjà beaucoup décrit la technique innovante de Philippe Baylaucq pour filmer la danse chorégraphiée par José Navas avec une caméra thermographique. Cette dernière donne au film des allures de documentaire animalier. L’introduction montre des cellules qui se divisent, puis des créatures aux reflets chatoyants se fondent dans un univers de fonds sous-ma-rins avec des effets sonores d’océan et de ruissellement. On note au pas-sage un clin d’œil au Pas de deux du grand Norman McLaren avec ses effets stroboscopiques.

Hope, du réalisateur promet-teur Pedro Pires, un collaborateur de Robert Lepage, est inspiré de la célèbre pièce de théâtre Jimmy, créa-ture de rêve de Marie Brassard. On y découvre un général qui, proche de la mort, rêve d’un barbier androgyne dans un salon de coiffure où les clients sont des cadavres. L’œuvre muette est tournée au ralenti, dans des tons sépia et dans une esthé-tique des années 50 qui témoigne de l’immense talent de Pedro Pires à la réalisation comme à la direc-tion photo. La remarquable trame musicale originale de Robert Lepage alterne entre drones à la Godspeed You! Black Emperor et clarinette jazz.

Trotteur est une collaboration entre Arnaud Brisebois, (son pre-mier film et scénario) et Francis Leclerc, réalisateur confirmé (Un

Été sans point ni coup sûr). Le synop-sis est bien sûr inspiré de la légende d’Alexis le Trotteur, selon laquelle l’homme, risée du village, affronte en duel une locomotive dans une course sous la neige. Le résultat est un élégant film onirique, embrumé, jouant avec de forts contrastes de noir et blanc, comme la fumée de la locomotive qu’on croirait dessinée au fusain. Les acteurs sont maquil-lés de façon à leur donner un air de personnage de bande dessinée. Une autre bande sonore marquante accompagne le film: celle de Luc Sicard avec, au violoncelle, nul autre que Claude Lamothe.

La Ronde est le quatrième court-métrage réalisé par Sophie Goyette, produit par micro_scope (Incendies, Monsieur Lazhar) et présenté entre autres au Festival de Locarno. Vingt-trois minutes pour décrire l’errance d’une jeune femme à la suite d’un événement décisif. L’ambiance du film est particulière; l’action se dé-roule à l’extérieur pendant toute une nuit, et ce dans une banlieue ensom-meillée. Les objets du quotidien sont transformés en poésie nocturne, du plat congelé aux néons d’un terrain de football. Le film s’avère un peu trop chargé, multipliant les scènes et les rencontres de courte durée, comme si la réalisatrice avait voulu faire un long-métrage dans un court.

Ce n’est rien est un film de Nicolas Roy qui avait été sélectionné en compétition officielle à Cannes pour la palme du meilleur court-métrage. La caméra suit l’acteur Martin Dubreuil, dont la perfor-mance est convaincante, en père vi-vant un drame familial, pris entre sa fille et son propre père. Les thèmes lourds, la caméra réaliste, l’écono-mie de mots, la désolation et les tons mornes et gris sont dans la même lignée des films québécois encensés par les festivals internationaux.

Sur une note plus joyeuse, Nostradamos est le court-métrage ayant gagné le concours du Festival du DocuMenteur de l’Abitibi-Té-miscamingue, réalisé par le trio Bradley-Lampron-Tremblay. La ville d’Amos y est présentée comme la planche de salut lors de la fin du monde prochaine. On y fait la ren-contre d’un agent immobilier faisant fortune grâce à l’immigration mas-sive, un employé du Refuge Pageau projetant de construire une arche de Noé et un maire hilarant dans son sérieux implacable (chapeau à Ulrick Chérubin!). D’heureux mo-ments de folie en perspective…

Sang froid de Martin Thibaudeau, une production de Kino Kabaret Montréal, avait rem-porté le prix du meilleur court mé-trage canadien au Worldwide Short Film Festival à Toronto. En quatre minutes, il aborde les problèmes de communication entre parents et enfants. Par le biais des regards échangés, de prises de vue à hauteur d’enfant, le réalisateur construit ha-bilement une tension dramatique entre mère et fils.

Pour clore, The Legend of Beaver Dam, une comédie musicale hard rock gore à la tournure imprévisible de Jérôme Sable, saura plaire aux amateurs du genre. Il a fait partie du Toronto International Film Festival 2010 et du dernier Sundance. Il met en scène un moniteur et ses scouts autour d’un feu de camp, qui sera le théâtre d’un affrontement dégou-linant. Parions que l’efficace chan-son «Stumpy Sam», au cœur du film, tournera longtemps dans vos têtes. x

Annie LiLe Délit

Image tirée du film Hope du réalisateur Pedro Pires

Image tirée du film Ora du réalisateur Philippe Baylaucq

Image tirée du film Nostradamos du trio de réalisateurs Bradley-Lampron-Tremblay

Image tirée du film The Legend of Beaver Dam du réalisateur Jérôme Sable

Le mythique Alexis le Trotteur. Image tirée du film Le Trotteur du réalisateur Francis Leclerc.

Page 12: Le Délit

Passer de la pièce de théâtre au cinéma est un exercice difficile, même pour un réalisateur de la trempe de Roman

Polanski. Son dernier film, Carnage, est l’adaptation de la pièce de 2007 acclamée partout dans le monde, Le Dieu du carnage, de Yasmina Reza. Transposée à New York, l’histoire expose la rencontre de deux cou-ples dont les enfants ont eu une dispute, se persuadant qu’ils régleront ce différend de façon calme et civilisée. Très vite, Christoph Waltz (bon com-me d’habitude) et Kate Winslet (correcte), s’irritent des manières de l’autre couple qui les a convoqués. Ces derniers, incarnés par Jodie Foster et John C. Reilly, sont à leur tour plongés dans un conflit qui, comme

on peut s’y attendre, ne fera que s’enveni-mer. Mais jusqu’à quelle limite?

Entre gag et bonne réplique, Polanski mène un scénario aux scènes prévisibles toutefois divertissantes, ainsi que des acteurs, eux aussi, sans surprise. Le film demeure bien ficelé, peut-être trop, et les personnages sont ainsi cloîtrés dans des rôles aux caractères excessivement déli-mités, ce que le scénario original impose. Le genre est en tous cas assez peu évident pour une production de cette envergure, et on ne peut qu’apprécier la prise de ris-que des quatre acteurs. x

Le combat du peuplerÉvolution: Bilan et perspectives du printemps arabe.

DOCUMENTAIRE

«Un an déjà qu’un vent de démocratie souffle sur la Tunisie ainsi que le monde

arabe et déstabilise les systèmes totalitai-res en place.» Voilà comment le Collectif Tunisien au Canada introduisait son évé-nement «rÉvolution», qui se déroulait dimanche dernier au Cinéma du Parc. Le plus étonnant tout d’abord, c’est qu’on avait le sentiment que ce véritable vent de démocratie avait trouvé refuge au sein de la population tunisienne expatriée au Québec, et cela alors que le pays traverse encore une période de transition difficile. En effet, l’heure était à la réjouissance, beaucoup de jeunes se trouvaient parmi la centaine de personnes venues assister aux projections, aux expositions et aux conférences qui évoquaient, on l’aura compris, la révolution de jasmin. La pre-mière conférence, intitulée «Défis socio-économiques et modèle d’avenir» a tout de suite mis l’accent sur le fait que la Tunisie est en plein processus révolution-naire encore aujourd’hui et que beau-coup reste à faire pour qu’elle devienne un pays stable et économiquement soute-nable. De nombreuses personnalités tel-les que Mohamed Balgouthi, Mohamed Mabrouk, Nancy Neamtan ou encore Fathi Chamkhi ont mené une discus-sion tournée vers l’espoir et la volonté du peuple tunisien, tout en précisant que les répercussions de la chute du prési-dent Ben Ali posent de graves problèmes démographiques, sociaux et économiques dans l’immédiat. De nombreuses régions, notamment l’Ouest rural, restent très pauvres et la dette souveraine pèse forte-ment sur les ménages les plus démunis. En effet, environ 18,5% du PIB est consa-cré au remboursement de la dette et la Tunisie continue à emprunter à des taux d’intérêts élevés pour parvenir à rem-bourser. La corruption, quant à elle, a été

de qualifiée de «goutte d’eau dans l’océan de problèmes que le gouvernement doit résoudre actuellement», rappelant ainsi que la Tunisie traverse une période extrê-mement difficile. Cependant, certains in-dicateurs soulignent que ce cercle vicieux peut être arrêté.

Les interlocuteurs de cette conféren-ce ont effectivement insisté sur le fait que l’investissement étranger reprend petit à petit malgré tout et que les exportations offshores ont augmenté de 15% en 2011. En plus de cela, la famille Trabelsi et le président Ben Ali lui-même détiendraient l’équivalent de vingt milliards de dollars d’avoirs à l’étranger qui appartiennent de droit à la population tunisienne et de-vraient lui être retournés. La situation est donc très complexe et il est évident que toute révolution est synonyme de vio-lence, de haine et de tragédies humaines, mais que l’espoir et le dévouement démo-cratique conduiront vers une évolution et une Tunisie juste et autonome dans le futur.

C’est donc après cette conférence animée qu’aurait dû être projeté le do-cumentaire Al Sharara (2011) réalisé par Mongi Farhani à propos de la première étincelle qui a déclenché la révolution à Sidi Bouzid. Des problèmes qualifiés de «hors de contrôle» par le comité organi-sateur nous ont privés de cette projection tant attendue. Le film a été remplacé par un autre documentaire intitulé Le Combat de la dignité (2008). Ce court-métrage, fil-mé clandestinement dans le bassin minier dans la ville de Redeyef pendant le sou-lèvement populaire du 7 avril 2009, met en perspective la répression incessante du régime. À la sortie du film, son réalisateur a été obligé de s’exiler en France pour ne pas être persécuté par les autorités tuni-siennes. Le témoignage de Leila Khaled, dont l’époux et le fils ont été incarcérés à la suite de cette manifestation, est très émouvant et illustre le désarroi d’une po-pulation au bord du gouffre. Les condi-

tions de leur détention, les tortures et les séquelles sont la marque d’un régime autoritaire sans pitié, malheureusement peu médiatisé avant janvier 2010. À la fin du documentaire, madame Khaled évo-que même la possibilité d’un changement en ajoutant que «2010 sera l’année de la jeunesse». Il est donc évident que la révo-lution tunisienne n’est pas survenue par hasard et que le fait que le régime autori-taire ait fermé les yeux sur le malheur de son propre peuple est à l’origine même de sa chute.

La discussion autour de la «rÉvolu-tion», consacrée à un des événements ma-jeurs du XXIe siècle, a donc eu le mérite de rassembler de nombreux tunisiens et autres intéressés pour apprendre, discu-ter et former sa propre opinion. Les petits stands dans le cinéma et les expositions d’artistes talentueux ont également donné une ambiance festive à ce rassemblement, histoire probablement de saluer et de se réjouir d’un succès démocratique encore embryonnaire mais tout de même pro-metteur. x

Thomas Simmonneau Le Délit

Gracieuseté de Sony Pictures Classics

Entre adultes consentantsRoman Polanski réunit une distribution de premier choix dans une adaptation de Carnage.

CINÉMA

Florent ContiLe Délit

12 Arts & Culture x le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Carnage AMC Forum2313 rue Sainte Catherine Ouest Depuis le 16 décembre

Région de Kasserine, TunisiePhoto: Sarra Guerehani

Page 13: Le Délit

Pour la plupart des étudiants en scien-ces politiques, en économie voire même en sociologie, il va sans dire

que Margaret Thatcher, alias The Iron Lady (la Dame de Fer), est un incontournable. Elle est connue notamment pour ses réfor-mes politiques, économiques et sociales au Royaume-Uni, pour ses féroces croisades contre le socialisme et l’Union Européenne, et pour les manifestations populaires à l’en-

contre de ses réformes. Aujourd’hui encore, les britanniques sont divisés entre admira-teurs et détracteurs.

La particularité de ce film vient du fait que Margaret Thatcher est toujours en vie. Cependant, loin d’être une œuvre biographique comme a pu l’être The Young Victoria ce film raconte l’histoire d’une vieille dame aux prises avec des problèmes de démence qui revoit les scènes de son passé à travers différents objets, musiques, vidéos ou même conversations en essayant de surmonter le deuil de son

époux Denis Thatcher. Meryl Streep, qui incarne Margaret Thatcher, réussit un tour de force pour nous transmettre toute la douleur liée à la perte d’un être cher, et à la poursuite de sa vie dans une solitude exiguë. La solitude et le deuil de Margaret Thatcher sont jumelés à une aggravation de la démence dont elle est victime et aux apparitions hallucinées de son défunt mari qui concordent avec les flashbacks sur sa vie précédente en tant que Dame de Fer de l’Occident.

C’est ainsi que la première femme ayant occupé le poste de premier ministre d’une nation occidentale est dépeinte avec énormément de plomb dans l’aile. Celle qui a fait trembler les fondements de la société britannique se montre fragile, frêle, voire même impuissante face à l’âge, tout en gar-dant son tact naturel.

L’approche empruntée par Phyllida Lloyd (réalisatrice) est touchante et surtout réaliste. Elle mène l’auditoire à saisir l’aspect éphémère de la grandeur d’un individu étant donné que le temps et la vieillesse sont les seuls gages d’égalité entre les individus. La trame narrative montre que les grands moments de la vie de la Dame de fer ont été poignants, forts et intenses. On passe de la jeunesse de madame Thatcher dans l’épicerie familiale et son entrée à Oxford, à sa première élection en tant que membre du Parti Conservateur et à son ascension vers le poste de premier ministre. Puis, des défis de l’implantation de ses politiques rigoureuses qu’elle considère «the medecine for the patient’s condition», à la victoire britannique lors de

la guerre des îles Falkland (Malouines) qui aurait pu être davantage élaborée. Le film se clôt sur la chute de madame Thatcher, lorsque celle qui avait toujours préféré la compagnie des hommes a été trahie par ces derniers, assoiffés de pouvoir.

La pièce maîtresse du film est sans aucun doute la performance époustouflante de Meryl Streep (lauréate des Golden Globes en tant que meilleure actrice dans un film dramatique) En effet, Meryl Streep livre une performance touchante et saisissante d’une Margaret Thatcher vieillissante, qui nous fait ressentir toute la fragilité d’une femme qui fit trembler les fondations du Royaume-Uni. On sent une profonde appropriation et connaissance du personnage par Meryl Streep. Par ailleurs, son interprétation de la Dame de Fer nous présente un côté plus humain et sensible de cette femme considérée comme froide et insensible à cause de ses politiques publiques.

Somme toute, si vous attendiez un récit biographique de la vie de Margaret Thatcher vous allez être déçu; et si vous vous informez davantage vous trouverez peut-être l’erreur historique qui s’est glis-sée dans un des flashbacks.

Le Délit vous conseille d’aller voir le film en anglais pour voir le jeu de Meryl Streep, américaine, interprétant une femme à l’accent britannique prononcé. x

Thatcher, réalisteThe Iron Lady est présenté avec quelques points de rouille.

CINÉMA

Francis L. RacineLe Délit

13Arts & Culturex le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Gracieuseté de Alliance Film Medias

The Iron Lady Dans tous les bons cinémasDepuis le 30 décembre 2011

Le scénario du film historique réalisé par David Cronenberg est tiré de la pièce The Talking Cure, elle-même

inspirée du livre de John Kerr A Dangerous Method  : The Story of Jung, Freud and Sabina Spielrein. Le livre de John Kerr se penche

sur la relation entre Sigmund Freud, Carl Jung et Sabina Spielrein, une patiente russe. Tout commence quand Spielrein est traitée par Jung pour hystérie. Ce dernier, alors un grand admirateur de Freud, utilise la psycho-thérapie pour soigner ses patients. Ceux-ci se tournent dos au thérapeute pour pouvoir parler plus librement. Selon certains, il s’agit

là de la «méthode dangereuse», inquiétante puisque nouvelle et mal connue. Toutefois, d’après le film, la dangereuse méthode pour-rait référer aux relations intimes qu’entrete-naient les thérapeutes avec leurs patientes.

Il est fortement recommandé d’avoir certaines connaissances sur la vie de Jung et de Freud, ainsi que sur leurs travaux. Malheureusement, pour rendre le film plus alléchant, l’accent est mis sur la relation amoureuse Jung-Spielrein, et très peu sur la grande amitié Jung-Freud. Il ne se s’agit donc plus d’un ménage à trois, mais plutôt d’un tango. Le film parlant de psychanalyse, le réalisateur fait de nombreux gros plans et toute l’attention est portée sur les acteurs.

L’étoile du film va à Viggo Mortensen pour son interprétation de Freud. Mortensen joue un Freud pragmatique, scientifique, intellectuel et légèrement froid. Son accent autrichien est très juste. C’est donc sans sur-prise que Mortensen a obtenu une nomi-nation à la cérémonie des Golden Globes de dimanche dernier. Michael Fassbender (X-Men: First Class) interprète Carl Gustav Jung de manière à souligner les différen-ces entre lui et Freud. Il a un contact plus personnel avec ses patients et croit, contrai-rement à son mentor, qu’il est possible de

traiter un patient et l’aider à se trouver une nouvelle vie et passion.

Le prix citron va à Keira Knightley (Pirates of the Caribbean). Elle parle avec un accent russe approximatif; pour les histoires se déroulant dans un pays allophone, la règle devrait être la même: soit tous les acteurs adoptent un accent, soit personne n’en prend un. Son interprétation du personnage hystérique est parfois stéréotypée, voire même exagérée.

Finalement, la musique du film est cel-le du canadien Howard Shore (The Lord of the Rings), avec Lang Lang comme pianiste soliste. Les mélodies, inspirées de Richard Wagner, sont très courtes et quasi-inaudibles durant le film. Voilà un clin d’œil intéressant puisque Freud, Jung et Spielrein étaient des amateurs du compositeur allemand.

A Dangerous Method est un film pro-metteur avec une belle cinématographie, mais qui comporte des faiblesses impos-sibles à ignorer. À voir avec des bases en psychanalyse. x

Emilie Blanchard Le Délit

A Dangerous MethodCinéma Banque Scotia 977 rue Sainte catherine OuestÀ l’affiche depuis le 13 janvierGracieuseté des films Seville

La véritable méthode dangereuseA Dangerous Method conte les relations entre les pères de la psychanalyse et une patiente russe.

CINÉMA

Page 14: Le Délit

Le mytheMoi, dans les ruines rouges du siècle, une pièce écrite par Olivier Kermeid.

THÉÂTRE

Jonathan Brosseau-RiouxLe Délit

Le siLence au temps des fêtes n’existe ainsi qu’à l’extérieur, et seulement lorsqu’il y a suffisamment de neige pour absorber le bruit des voitures sur la chaussée glissante. Le silence

peut aussi être angoissant, dans la mesure où il représente plus souvent l’absence, ou le vide d’un non-être. En Art, le silence occupe une place des plus étrange: l’objectif étant de remplir un certain canevas (une toile, une page blanche, un écran) –voilà, pour la postérité, la définition de l’Art la plus vague et inutile que l’on ait jamais écrite– l’idée du silence, ou de l’absence, est toujours difficile à conceptualiser. À cet égard, les arts dits de performance (la musique, le théâtre, la danse et, de manière plus ambiguë, le cinéma), en étant ancrés dans le temps, ont définitivement l’avantage sur les autres formes d’expression artistique (littérature, arts plastiques), pour lesquelles une œuvre, une fois terminée, parait détachée de la chronologie.

Pour beaucoup, c’est le musicien John Cage (1912-1992), avec la pièce 4’33’’, qui a le mieux réussi à cerner l’essence du silence. Dans l’essai No Such Thing as Silence  : John Cage’s 4’3’’ paru en 2010, le musicologue Kyle Gann explique que cette pièce silencieuse en trois mouvements, qui consiste essentiellement en un musicien assis devant son instrument, comptant les mesures en silence pendant quatre minutes et trente-trois secondes, n’est pas issu d’un désir de provocation –la première représentation par le pianiste David Tudor en 1952 suscita l’ire des spectateurs, et souffre depuis ce temps du jugement souvent réservé à l’art contemporain: c’est n’importe quoi– mais apparaît plutôt comme le point culminant d’une longue réflexion. Pour John

Cage, qui a fortement été influencé par la philosophie zen, l’idée du silence est étroitement liée à sa vision du monde: le silence permet l’expérience d’un certain absolu, c’est-à-dire de l’univers tel qu’il existe réellement. Plus concrètement, la pièce 4’33’’ est constituée des sons que révèle le silence, c’est-à-dire le bruit des chaises grinçant sur le plancher, les soupirs énervés des spectateurs, et autres bruits habituellement sans importance.

Une telle œuvre est impossible en littérature, du moins dans la prose. Le silence en musique est créé par l’arrêt, l’absence de son, tandis que l’écriture se défini précisément par l’application d’un signe sur une page, le vide n’étant que l’espace nécessaire à la

distinction de deux signes. Certes, le silence littéraire est représenté par la ponctuation, mais cette ponctuation ne crée un véritable silence que lorsqu’un texte est lu à voix haute. En lecture dite normale, le silence se perçoit justement par l’ajout de mots, par l’effet de style. De manière tout à fait naïve, l’équivalent de l’œuvre de Cage serait en fait un livre aux pages absolument blanches. Laurence Sterne (1713-1768), dans le roman Vie et opinions de Tristam Shandy, gentilhomme (1760), a inséré dans son texte une page complètement noire, pour aucune raison apparente, mais le roman à page blanche n’a pas (à ma connaissance) encore été créé. Le meilleur moyen d’écrire le silence reste encore les trois petits points… x

John Cage et le silence Laure Henri-Garand | Chemin de croix

CHRONIQUE LITTÉRAIRE

Il n’est pas bien difficile de comprendre pourquoi le cœur de Marie-Thérèse

Fortin a fondu devant Moi, dans les ruines rouges du siècle.Tous connaissent l’apostolat du Théâtre d’Aujourd’hui: pro-mouvoir le théâtre québécois contemporain. Et justement, c’est dans l’extraction de cet-te dramaturgie francophone, éveillée à l’Autre dans les der-nières années, que s’aligne la pièce d’Olivier Kemeid.

En effet, si son œuvre trai-te en apparence de la vie d’un Montréalais trentenaire, elle

puise plutôt dans les racines d’un passé tourmenté au sein de la désagrégée Union des Républiques socialistes sovié-tiques. Le rôle principal, rendu par son bon ami Sasha Samar, a fait jaser comme jamais la vie personnelle d’un acteur ne l’avait fait auparavant.

Né en 1969 dans une ville minière d’Ukraine, Sasha Samar habite seul avec son père. C’est un enfant sportif, au point d’en-trer dans l’équipe nationale de natation en vue des Jeux olym-piques de Moscou. Victime d’un souffle au cœur, il arrête la com-pétition et voit sa vie boulever-sée par une rencontre messia-nique avec le théâtre. Alors, ses

drames familiaux s’emmêlent avec le cours de l’Histoire: acci-dent nucléaire de Tchernobyl, service militaire au Kazakhstan, démantèlement de l’URSS. sDans l’exposé de la vie hors des planches de ce comédien, vous aurez compris que l’on retrou-ve la trame centrale de la pièce montée par Olivier Kemeid. Après avoir méticuleusement couché sur papier le récit de vie de son compagnon, il a décidé d’en faire une pièce de théâtre et de donner l’opportunité à Sasha Samar de jouer sa propre vie sur scène. Malheureusement, ce scénario des plus intéressants ne donne qu’un résultat peu relui-sant.

Tout d’abord, le ton donné au sujet par l’auteur est franche-ment déplacé. Tanguant de ma-nière schizophrénique entre tra-gique et comique, le script, bien que pratiquement biographique, réussit à confondre le spectateur dans une anarchie de sentiments. Certes, le verbe se vaut à quel-ques endroits, mais cela ne sau-rait passer sous silence l’absence d’évolution psychologique chez les personnages, tout comme la piètre danse des moments d’in-tensité.

La mise en scène offerte est aussi désordonnée. On peut cependant reconnaître l’évidente qualité technique de cette der-nière. La scénographie frappe

par sa simplicité et pourtant, au fur et à mesure que l’histoire se, déroule on aperçoit ses détails et ses élégants rappels histori-ques. La musique, sans être un élément principal, intervient au bon moment. Les mouvements et déplacements des acteurs sont réussis et dynamisent ce que lais-se en rester le décor immobile.

Le jeu des acteurs est franc. Sasha Samar est certainement celui qui se démarque le plus, car il a su à quelques reprises transmettre une sensation de chaleur aux spectateurs. Le «je-suis-un-père-détruit-qui-geint» de Robert Lalonde, dans le rôle de Vassili, est éreintant à la lon-gue. Annick Bergeron, Sophie Cadieux et Geoffrey Gaguère, qui complètent la distribution, cari-caturent leur personnage, mais cela semble être fait à la demande du metteur en scène. Alors, il est difficile de les critiquer.

Plein de belles choses en perspectives, mais un résultat dé-cevant. Il serait possible d’expli-quer ce résultat par un manque de recul de l’auteur/metteur en scène, face au périple romanes-que de son complice. Créer un mythe nécessiterait ainsi de la distance, et c’est probablement ce que pensait la salle en ovation, debout à la tombée du rideau, au Théâtre d’Aujourd’hui. x

14 Arts & Culture xle délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Moi, dans les ruines rouges du siècleThéâtre d’Aujourd’hui3900 rue Saint Denis Jusqu’au 4 février 2012

Crédit photo: Stéphanie Capistran-Lalonde

Page 15: Le Délit

La verte féeSÉRIE «HISTOIRE OCCULTE», 1 DE 4

15Arts & Culturex le délit · le mardi 17 janvier 2012 · delitfrancais.com

Isabelle SokolnickaLe Délit

«Le premier verre vous montre les choses comme vous voulez les voir, le second vous les montre comme elles ne sont pas; après le troisième, vous les voyez comme elles sont vraiment.»- Oscar Wilde

Gracieuseté de Futuropolis

L’insoutenable n’est pas là où on le croit Annick Lavogiez | Déambulations

CHRONIQUE BD

Ce n’eSt paS de manIè-re innocente que l’on s’attelle au fond de son lit à la lecture d’un récit sur la mort, particulièrement en ce début d’année, période de renouveau et d’enthousiasme, parfois démesuré, s’il en est.

Avec un peu d’appréhen-sion sans doute, on s’attend à une bonne dose de tristesse, de douleur, peut-être un brin d’espoir mais surtout à un cer-tain lot d’insoutenable. D’autant plus lorsqu’il est question de

soins palliatifs, sujet particuliè-rement difficile à aborder de par les débats qu’il entraîne. Sylvain Ricard (récit) et Isaac Wens (des-sin et couleur) ont choisi d’allier dessin et paroles pour explorer ce qui est souvent considéré comme l’inexprimable, l’incom-préhensible, l’inacceptable: la mort d’un être aimé.

Les premières pages de La Mort dans l’âme (Futuropolis) mettent en scène le souvenir d’un moment heureux entre un père et son fils. Une image mar-quante et positive s’inscrit dans l’imaginaire du lecteur: un sou-rire, posé sur l’innocence d’un visage d’enfant, symbole même de la vie. Nous sommes rapide-ment projetés dans le présent: un vieil homme est accueilli dans une maison de soins pal-liatifs (le père de cet enfant qui pourrait bien avoir perdu son sourire pour toujours).

Dans un rythme réaliste et lent, le lecteur partage les der-niers instants de la vie de ce vieil homme dont on ne sait pas grand-chose –d’où il vient, qui il est, ce et ceux qu’il a aimé de

son vivant, tous ces détails sont éclipsés; comme si, face à la mort, plus rien n’avait d’impor-tance que son imminence.

On évolue pendant une centaine de pages couleur sépia dans ce «mouroir pour vieux» en suivant les réactions des deux personnages principaux, le père et le fils, face à la mort qui fraie son chemin entre les médica-ments du patient et le Tour de France, qu’il suit activement comme sa dernière course.

Le problème de cette thé-matique, relevant de l’indicible, c’est qu’en essayant de l’expri-mer, l’auteur prend le risque de tomber dans la pédagogie, le rationnel, et donc dans une dis-tance froide. Lors de la première lecture, il semble que Sylvain Ricard ne rate pas cette triste chute.

Le flot de parole de cet album épuise tant il cherche à expliquer, voire à justifier la co-lère du fils, la douleur du père. Ricard finit même par évoquer avec maladresse l’euthanasie en l’analysant froidement. On au-rait aimé davantage de silences à

travers une certaine acceptation réservée de la peur et de la fin.

Pourtant, il apparaît ra-pidement que les dessins, sobres et délicats, d’Isaac Wens rétablissent un certain équi-libre dans l’album, créant une proximité émotionnelle avec le lecteur par les tons sombres utilisés à chaque page. Face aux dessins, on en vient ainsi à se demander si, réflexion faite, ce n’est pas cette opposition entre la froideur des discours et la beauté malgré tout chaleureuse des dessins qui fait la réussite de l’album.

Seul véritable bémol au succès de cette bande dessinée, la fin semble trop traditionnelle, ce qui la rend décevante. C’est en effet un épilogue qui met en scène le fils, lui-même devenu père, sur une calme plage, pro-fitant de sa vie de famille, que Ricard et Wens nous servent sans complexe. Il aurait peut-être été plus douloureux de finir sur une image de mort, mais celle-ci aurait été plus intéres-sante et originale, car elle aurait touché la question du soulage-

ment, pour celui qui part, si ce n’est pour celui qui reste. Ceux qui restent vivront, nous le sa-vons. Le visage de la mort ne finit jamais de hanter les vivants, même si la vie continue. À la fin, ce n’est peut-être pas la mort en elle-même qui est insoutenable, mais notre volonté incessante de l’atténuer par le biais du visage souriant d’un enfant. x

Dans cette série «Histoire occulte», Le Délit fouille les recoins obscures du passé, pour dénicher une histoire ignorée par les érudits de l’académie.

Elle fait rêver, elle fait peur, il faut la boire selon un rituel… L’absinthe, source

de folie ou muse? On ne sait pas trop. En fait, les recherches scientifiques montrent que l’ab-sinthe ne rend ni fou ni artiste: la thuyone, l’acore et la muscade –les ingrédients présumés psy-chotropes– sont présents en trop faible quantité pour avoir un réel effet sur nos capacités cognitives.

L’absinthe ce ne sont que des herbes que l’on laisse macé-rer et que l’on distille par la suite: de l’anis vert, du fenouil, de la mélisse, de l’hysope, de la grande et de la petite absinthe. Rien d’exceptionnel en soi. Pourtant, de Rimbaud à Hemingway, de Toulouse-Lautrec à Van Gogh, de Gauguin à Manet, de nombreux grands créateurs du siècle ont vu en cette boisson une égérie aux pouvoirs multiples.

Dans les années 1900, un véritable rituel de «l’heure verte» se répand dans les cafés

des grands boulevards parisiens; un équivalent anisé de notre 5 à 7 québécois. Elle plaît aux ar-tistes, elle plaît aux bourgeois. La France entière adopte à la Belle Époque l’absinthe comme bois-son nationale.

L’absinthe est chic, l’ab-sinthe a du style, la boire est un art: on verse de l’eau froide sur une cuillère en argent conte-nant un morceau de sucre; l’eau sucrée s’écoule dans un verre en cristal rempli d’absinthe.

Mais alors que les distille-ries d’absinthe ne cessent de se multiplier (particulièrement en France au début du 20e siècle), les viticulteurs se rongent les sangs: incapables de faire face à cette nouvelle compétition, la vente de leur production est en chute libre. Les producteurs de vin français se mobilisent alors avec la Ligue Nationale contre l’alcoolisme et organisent des campagnes contre la fée verte.

Il leur faut bien trouver un coupable qui ternira pour de bon la réputation de l’absinthe: on pointe alors du doigt un cas (le seul) de Jean Lanfray qui en 1905 boit deux onces d’absinthe, puis tue sa femme, ses enfants et se suicide. L’affaire est close: l’absinthe rend fou, elle est dan-

gereuse, en boire est une maladie. La boisson est bannie dans un certain nombre de pays d’Eu-rope ainsi qu’aux États-Unis. En France, c’est depuis 1910 jusqu’à tout récemment que l’absinthe était illégale.

Après neuf décennies de châ-timent, le crime n’est plus: seul le taux de thuyone dans l’absinthe est à présent régulé au Canada et aux États-Unis, tandis que la pro-hibition a été entièrement levée en 2005 pour la Suisse, et en avril 2011 pour la France.

Si la science ne trouve rien et que la loi ne condamne plus, pourquoi alors l’absinthe garde-t-elle son aura mystérieuse? Pourquoi demeure-t-elle démo-nisée?

Ce n’est peut-être au fond pas vraiment une liqueur comme les autres… N’a-t-elle pas ins-piré, depuis l’Antiquité les pen-seurs et les créateurs? N’a-t-elle pas de pouvoir aphrodisiaque, enchanteur? N’y est-elle pour rien dans la floraison des mou-vements impressionniste, surréa-liste et moderniste?

Dans son essence bohé-mienne, sa couleur brumeuse et son goût épicé se cache néces-sairement une entrée vers un monde d’idées inexploré. x Crédit photo: Isabelle Sokolnicka

Page 16: Le Délit

“ My job is constantly evolving, but I was given the training to deal with whatever comes my way. Updating our technology, repairing heavy machinery, solving problems. It’s all in a day’s work.”Lieutenant (Navy) AMY O’RIELLY

« Mon métier est en constante évolution mais heureusement, j’ai été entraînée pour faire face à l’inattendu. En une seule journée, je peux effectuer la mise à niveau de nos technologies, résoudre une variété de problèmes ou même réparer de la machinerie lourde. »Lieutenant de vaisseau AMY O’RIELLY

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