Le Coran - Régis Blachère - Que sais-je

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    Regis Blachere

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    QUE SAIS.]E ?

    Le CoranREGIS BLACHERE

    M em ,b Te d e 1 'I n s t itu t

    Treizieme edition94" mille

    ~~~.

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    AVERTISSEMENT

    ISBN2 13052,60 4DepO t legal - I" 6d ition: 1966

    13' edi lion : 2002. mar so Pre sses Unive rs itai re s de France, 19666 . avenue Rei lle, ,5014 Pari,

    La place occupee par le Coran dans Ie developpe-merit de la civilisation islamique justifie une mono-graphie consacree a ce livre. Cette monographieconstitue la premiere partie d'un triptyque dont lesautres volets sont, d'une part L'Islam et d'autre partLa pensee arabe, publies precedemment dans cettecollection par MM . Dominique Sourdel et HenriSerouya.Une large place a dQ etre faite dans cette presenta-tion du Caron a des activites scientifiques nees deconceptions fondamentales en etroit rapport avec leDogme et la Loi de I'Islam. Par la, on a espere isolerce qui appartient en propre a la Vulgate coranique etce qui en a ete deduit par l'exegese, la theologie et laphilo sophie islamiques. On a estime enfin qu'un cha-pitre consacre au Coran dans la vie et la societe mu-sulmanes servirait a mieux faire sentir certains aspectsd'une sociologie religieuse contrastant si netternentavec les grands courants de la civilisation occidentale.

    On a distingue par des majuscules des substantifscomme Revelation, Livre, Priere, Communaute, etc.,parce que ces termes ont pris en arabe nne significa-tion abstraite chargee de valeurs particulieres, plus fa-ciles a suggerer qu'a expliquer, Les citations corani-ques sont directement faites a partir du texte arabe del'edition parue au Caire eo 1342 de l'Hegire (= 1923de I.-C.) ; dans Ie cas d'une double numerotation desversets, Ie second nombre est celui de l'edition alle-mande de Flugel, a laquelle beaucoup d'ouvrages r e -ferent encore en Europe.

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    Le systeme de translitteration des mots arabes etdes noms propres a ete simplifie dans toute la limitedu possible. On a renonce a distinguer les phonemessimples et emphatiques ainsi que certaines guttura-les ; toutefois on a conserve quelques signes doublescomme kh, dh et th, correspondant respectivement auch allemand dans achtung et au th sonore ou sourd del'anglais. Au lieu de Omar, Othman, etc., on a trans-crit 'Umar, 'Uthman, etc., qui rend mieux la pronon-ciation arabe. Les voyelles u et a equivalent aufrancais ou.

    INTRODUCTION

    Rappeler dans leurs grandes lignes ce que furent enEurope, pendant treize siecles, les idees qu'on se fit duCoran, n'est pas simplement repondre a une curiositelegitime. C'est aussi poser, en en evoquant la marged'erreur, un grand nombre des problemes qui anthaute I'esprit des non-musulmans a l'egard d'un livresacre, dent nous mesurons aujourd'hui l'importanceen tant de domaines. Ces idees, a toutes les epoques,n'oot presque jamais ete dissociees de l'image singulie-rement deformee que l'Europe chretienne se donna deMahomet. Par un effort d'abstraction, dont on ne me-connait pas l'arbitraire, on s'efforcera, dans cetteIntroduction, de ramener et de limiter strictement auCoran les faits propres a mettre en evidence ce quicaracterise ce livre religieux.Des que le monde byzantin, dans Ie demier quartdu VII" siecle, sentit que seul un miracle pourrait ren-verser la situation creee par la conquete arabo-. islamique, il s'efforca d'approfondir les causes d'un si

    dramatique bouleversement. La predication de Maho-met fut consideree alors, dans Ies milieux ecclesiasti-ques, comme I 'eeuvre d'un schismatique se disant ins-pire de Dieu, rnais ayant en fait recu son enseignementd'un moine heretique. Bien placees toutefois pour semieux renseigner, du fait de leurs contacts anterieurset de leur imbrication dans l'Etat musulman, les com-munautes chretiennes de Syrie-Palestine et d'Egypteparaissent etre parvenues assez vite a connaitre avecprecision le contenu du Coran et J'enseignement qu'il6 7

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    portait en soi; on peut meme tenir pour certain queles fonctionnaires civils, presque tous d'origine ara-meenne au copte qui se trouvaient au service des Cali-fes de Damas et de I'administration provinciale, pos-sedaient des notions precises sur Ie Livre revere deleurs nouveaux maitres ; pour ces chretiens, le besoinde se donner, sinon une traduction, du moins uneadaptation du texte coranique en tout ou en partie, nes'imposait done pas; cette situation s'est maintenuejusqu'a la conquete ottomane et meme au-dela, Le casdes clercs et des theologiens fixes en territoire byzan-tin dut etre different. Leur ignorance de I'arabe leurinterdisait en effet tout acces direct au message cora-nique ; l'hypothese d'une traduction ecrite et integralen'est certes pas a rejeter ; elle ne s'impose cependantpas car, dans la polemique islamo-chretienne quis'instaura a partir du VIJIC siecle, l'attention des au-teurs byzantins se concentra sur quelques pointsessentiels, comme la christologie, la mario logie,I'ethique sexuelle et I'absence de miracles accomplispar Mahomet; or, sur tous ces points, une informa-tion orale, avec traduction ou paraphrase de passagescoraniques developpant ces differents themes, pouvaitsatisfaire la curiosite des polemistes byzantins etmeme provoquer de leur part des approfondissementsauxquels n'aurait pas forcernent conduit une traduc-tion integrale, mais reduite a elle-meme. Quoi qu'il ensoit, la connaissance qu'eurent du Coran , des IeIX C siecle, soit le theologien Nicetas de Byzance, soit lemoine Barthelemy d'Edesse, nous parait avoir ete pro-fonde; dans leurs refutations, ces auteurs ont sentiavec subtilite les points faibles a leurs yeux des thesesqu'ils combattaient, ce qui implique une comprehen-sion sure du texte coranique mis en cause.En Occident, et plus precisement a Tolede rede-

    venue chretienne depuis 1085, l'etat des sciences cora-niques, dans certains milieux ecclesiastiques, sembleavoir revetu un aspect sinon different, du mains tresparticulier. Le fait est incontestablement l i e a l'an-tagonisme qui dressait d'une maniere permanentel'une contre l'autre la chretiente hispanique et les pro-vinces meridionales de la Peninsule, O U dominaient enprofondeur la culture et la civilisation arabes. Proba-blement sous I'influence de Rome et du Pape, Pierre IeVenerable, a la faveur d'un voyage en Espagneentre 1141 et 1143, concut I'idee de faire traduire enlatin, par Robert de Retines, assiste de moines del'ordre de Citeaux, Ie livre revere des Sarrazins ; l'ini-tiative procedait a la fois de l'esprit de croisade,comme le prouve la lettre que Pierre Ie Venerableadressa a saint Bernard avec une copie de la traduc-tion effectuee, et d'autre part du besoin d'effacer del'esprit de convertis musulmans tout vestige de leur foipremiere. L'interet marque au Coran s'inscrivait, on Ievoit, dans un militantisme ) dont Iezele se continuajusqu'au debut du XIV< siecle, ainsi qu'en fournit lapreuve la ferveur missionnaire de Raymond Lulle(mort a Bougie? en 1315). La version toledane du Co-ran ne parait nullement avoir ete une traduction fideleet integrale du texte ; ce fait semble decouler de quel-ques indications fournies par des editions reprodui-sant Ie travail de Robert de Retines ; en 1543 parexemple, un Alcorani Epitome, existant a Constanti-nople dans la Bibliotheque des Freres Precheurs,montre bien quel type d'ouvrage les missionnaireschretiens avaient eu a leur disposition pendant plu-sieurs siecles. Le XVI siecle ne pousse guere plus loinla curiosite ; sans doute la tendance du temps et enparticulier Ie gout des hurnanistes comme Rabelais auGuillaume Postel, pour l'etude des langues orientales,

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    conduisent-ils Paganini a fournir une edition integralede la VuJgate en 1530 a Venise; toutefois, en 1543, Bi-bliander se borne encore Ii diffuser, pour un publicelargi it est vrai, la version adaptee de Robert de Reti-nes. Peut-etre un pas nouveau est-il franchi avecI'Alcorano di Macometto publie en 1547 par Arriva-bene, qui contient on essai sur Mahomet et surl'Islam, accompagne d'extraits du Coran , d'apres l'ori-gina! seton I'auteur.

    elle ne visait plus en effet a etre un element dans la po-lemique contre l'Islam, mais se presentait eomme unlivre se proposant d'informer honnetement Ie lecteur.A cet egard eUe s'opposait done a one autre ten-dance, encore representee dans la seconde moitie dece siecle, d'abord par la traduction latine, restee ine-dite, du moine franciscain Germain de Silesie, ecriteentre 1650 et 1665, et plus tard par la savante traduc-tion, accornpagnee du texte arabe, publiee a Padoueen 1698 par Ludovico Marracci ; ces deux travaux seplacent en effet dans la ligne meme de l'Ecole tole-dane, puisqu'ils sont une refutation de la religion isla-mique, vue a travers l'enseignement du Coran ; ils s'endistinguent seulement par I'exactitude plus grande ap-portee a la translation du texte original. Des les pre-mieres annees du xvnr siecle, en Angleterre comme enFrance, un nouveau courant apparait, ne sans nuldoute des idees accreditees dans le public par des es-sayistes comme Hadrian Reland au par Ie comte deBoulainvilliers, lequel va jusqu'a se faire l'apologistede l'Islam par hostilite envers Ie catholicisme officiel.On sent que la version de Du Ryer est depassee,En 1734, parait a Londres la remarquable traductionde George Sale, accompagnee d'un Preliminary Dis-course, qui constitue le premier expose vrairnent histo-rique et objectif sur Iemilieu dans lequel se developpa,au VII" siecle, la predication de Mahomet. Le succes del'ouvrage fut immediat ; en quelques annees les reedi-tions se succederent et des traductions en parurent enfrancais et en allemand. Le siecle des Lumieres trouvasa nourriture dans cet expose et cette version d'unlivre religieux seculairement attaque dans la Chre-tiente, A partir de ce moment Iemouvement est donneen Europe occidentale. Des traductions integrales oupartielles, quelquefois helas en vers, paraissent,

    C'est qu'aussi bien, au moment O U parait en Italiele livre d'Arrivabene, l 'attitude, sinon d'un large pu-blic, tout au moins de cercles influents, a Rome, auxPays-Bas, a . Paris et ailleurs, s'est modifiee a l'egard del'Orient. Celui-ci commence a exercer son invincibleattrait sur un monde qui, dans I'ensemble d'ailleurs,continue a . lui etre hostile. Par des sentiers a peinefrayes, l 'orientalisme fait son apparition. Certains deses pionniers sont des diplomates qui mettent a profitleur sejour au Proche-Orient pour approfondir leurconnaissance de l'arabe et du turc, ainsi que de laculture vehiculee en ces langues. L'aide eclairee de Ri-chelieu et de Colbert seconde au attise leurs efforts.C'est dans cette ambiance qu'Andre du Ryer (neen 1580, mort en 1660), consul de France en 1630 auCaire, se distingue par ses travaux en turcologie et parsa traduction du Coran, la premiere faite integrale-ment sur Ie texte arabe et publiee en 1647 en notrelangue; cette version, malgre toutes les imperfectionsqu'eUe offre, connut une vogue durable, ainsi que Iemontrent les reeditions, les contrefacons et les traduc-tions en anglais, en neerlandais et en allemand dontelle fut l'objet pendant plus d'un siecle, Par l'esprit quianima son auteur, elle trancha sur tout ce qU'ODpou-vait lire au milieu du XVII siecle au sujet du Coran ;

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    comme celles d'UlImann (Crefeld, 1840) et de Hen-ning (Leipzig, 1901) en allemand, celles de CI. Savary(paris, 1783), de Kasimirski (Paris, 1840) (refonduel'annee suivante et maintes fois publiee), de Montet(Paris, 1925) en francais, celles de Rodwell (Londres,1861), de Palmer (Oxford, 1880) en anglais; les ver-sions savamment annotees de Bausani (Florence,1955) en italien, de R. Bell (Edimbourg, 1937-1939) enanglais et de 1. Vernet (Barcelone, 1963) en espagnol,constituent, it n'en pas douter, un progres sur toutescelles qui viennent d'etre enurnerees.

    Pendant trois siecles, grace a ces traductions, Ie pu-blic europeen a eu lieu de penser qu'il detenait la cleflui ouvraot un Jardin secret ou il revait de penetrer.Rien n'etait cependant plus fragile que cette illusoiresecurite, Un exemple en est foumi par un esprit dontla lucidite est sans faille: quaod Tocqueville se renden Algerie en 1841, il emporte avec soi la traductionde Savary; illit avec so in cette exquise infidele et toutaussitot il note au passage des reflexions qui prouventcom bien une intelligence aussi avertie decouvrel'abirne existant entre la Vulgate recue en Islam et lasociete qui en est issue. Une traduction du Coran, siparfaite qu'elle soit, si chargee de commentairesqu'elle se presente, ne peut se suffire it elle-rneme, Lemessage recu par Mahomet, comme tous les livres sa-cres, exige une initiation, une mise en garde du lecteurnon musulmao contre lui-meme et contre ses habitu-des intellectuelies. Depuis un siecle, un travail consi-derable a eti: realise pour la connaissance du Coranet des circonstances qui en ont accompagne la reve-lation. Les efforts conjugues du philologue, de l'his-torien des religions et, plus recemment, du sociologue,permettent d'analyser avec precision les elements de

    to ute nature qui caracterisent le Livre sacre de l'Islam.II est possible desormais, grace a N old eke et a sonEcole, d'exposer it un lecteur non averti ce qu'il doitsavoir du Coran pour le comprendre en sa speci-ficite et pour surmonter Ie desarroi provoque parI'approche d'un texte souvent obscur et enigrnat ique,toujours difficile it suivre dans son deroulement qui,on doit y insister, ne correspond plus aux quatre pha-ses successives de l'Apostolat de Mahomet ala Mekkeet a Medine ,

    Apres la magistrale Histoire du Coran que nous de-vons a Noldeke et a son Ecole, apres quelques precisde moindre ambition, destines it servir d'introductiona la lecture du Livre revele itMahomet, on a souhaiterassembler ici tout ce qu'il n'est point permis d'ignorerd'un message dont on a dit qu'il etait une loi et undogme et qui fut en fait un des elements essentielsd'une civilisation en plein renouvellement.

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    C hapitre I

    mencerent a etre fixees graphiquement, que Ie mot pritparfois le sens general d'Ecriture dans I'acception O Unous I'entendons ; comme tres souvent il alterne avecIe vocable kitdb, qui signifie exactement texte ecrit,livre , on a donne abusivement ce dernier sens ausubstantif qur'dn.

    La Vie du Prophete ou Sira contient des donneesprecises, mais quelque peu contradictoires, sur les cir-constances au cours desquelles Mahomet recut sonpremier message divino Comme l'a bien note TorAndrae, ces recits rappellent sur bien des points ce quinous est narre touchant d'autres grands inities. C'estau cours d'une retraite pieuse dans une caverne, surune iipre montagne proche de la Mekke, que Maho-met, vers l'age de 40 ans, conout sa vocation par la vi-sitation d'un messager celeste identifie plus tard avecl'archange Gabriel. Deux passages du Coran permet-tent de preciser ce que fut cette vision O U se combine-rent des representations auditives et visuelles d'unegrande nettete, Tout donne a penser que, durant desannees, ce choc se renouvela, prenant aux yeux des in-times du Prophete des formes emouvantes.vl.es pre-mieres revelations recues se situeraient en 612 de .l'erechretienne, Avee des interruptions plus ou moins.lon-gues dont certaines, au debut, ne furent pas sans trou-bler Mahomet, les messages se succederent pendantvingt annees environ; ils s'acheverent a la mort dufondateur de la religion islamique, survenue le 13 ra-bi' I de I'an 11 de l'Hegire, correspondant au8 juin 632.

    Deja la Vie du Prophete note combien Ie Coran estun reflet des difficultes surmontees, des combats spiri-tuels ou materiels menes par Mahomet au cours de sapredication a la Mekke puis, a partir de 622, a Mediaea u la petite communaute musulmane se transporta

    LA VULGATE CORANIQUE:C ONSTITU TIO N ET STRU CTURE

    Dans les premieres revelations inaugurant la predi-cation de Mahomet', figure deja la racine verbale a la-quelle appartient Ie substantif qur 'an, si defectueuse-ment transcrit jusqu'au XVI I IC siecle sous les formesAlcoran, Alkoran, el Koran, l'Alcoran', Pour ne pascontrarier un usage qui tend a se generaliser enFrance, on adoptera l'orthographe Coran. Comme Iemot qur'dn se presente souvent dans des passages coo'raniques avec Ie sens de recitation a voix haute , ceterme pourrait bien etre un emprunt arabe au syriaquequi connait un vocable tout proche ayant cette signifi-cation. En tout etat de cause, pour Mahomet et leshommes de sa generation, ce substantif tout charge ausurplus d'une musicale sonorite enonce fondamentale-ment l'idee de communication orale , de mes-sage recu de la bouehe d'un archange, de predica-tion religieuse . C'est seulement vers Ia fin deI'apostolat de Mahomet, quand les revelations com-

    I, La fo rm e a ra be , 011 Ie rappelle, est M uham mad ou M oham -med; le s formes Mehmet et M ehemet sont turques ; le termesignifie Loue , D ig ne d e lo ua ng es .2. En fait 0 1 es t un article defini qui, dans la grapnie arabe, pre-cede Ie substantif et se lie graphiquement A lui. 011 volt doneI 'e rr eu r p re se nte e p ar la tr an sc rip tio n l'Alcoran. D 'autre part, unea rtic ula tio n c or re cte d oit d eta ch er a et fl comme dans gitane i),14 1 5

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    lors de l'Emigratien ou Hijra (dont nous avons faitHegire), constituant Ie debut de l'ere musulmane.Cette vue s'est confirmee a mesure que I'islamologie amieux defini la relation ayant existe entre les condi-tions politiques, sociales et religieuses ou s'est deve-lopp:cet apostolat et la forme ou Iecontenu des mes-sages reunis dans ce que nous nommons Ie Coran. IIva cependant de soi que cette vue a pris, a la faveur dela critique philologique et historique, un aspect sou-vent peu en harmonie avec la tradition biographiquerecue de generation en generation dans Ie monde del'Islam. Dans celui-ci s'est naturellement imposee unereconstitution apologetique de l'apostolat de Maho-met; un gout irresistible pour Ie fait circonstancie etdate a conduit a l'elaboration d'un cadre chronolo-gique ; les allusions nombreuses mais souvent vaguesou sollicitees contenues dans Ie Coran en ontfoumi le cadre et Ie detail. L'analyse historique a sansdoute reconnu la valeur de certains reperes, mais a im-pose d'infinies prudences pour tout ce qui touche lescauses occasionnelles des messages recus par Maho-met. Cette divergence de la critique arabo-islamique etde la philologie est particulierernent sensible dansI'ordonnance de ce qui sera la Vulgate coranique. DesIe milieu du siecle demier, des historiens islamologuescomme W. Muir et Th. Noldeke se sont preoccupes deretrouver dans cette Vulgate la succession chronolo-gique des revelations transmises par Mahomet. Cespremieres tentatives ont vite fait eclater l'evidencequ'en l'etat actuel du texte, il est impossible d'aboutira un reclassement serre et totalement objectif. En re-vanche, a la faveur d'une reprise de tout Ie probleme,Noldeke et une elite d'islamologues allemands ontreussi, dans la Geschichte des Qurans, parue de 1919a 1938, a definir une autre methode de recherche;

    abandonnant l'ambition de retrouver une chronologiesans ambiguite des textes coraniques, ces savants reus-sirent a regrouper ceux-ci selon des phases successives,determinees partie en fonction du style, et partie enfonction de themes politiques et religieux developpesdans Ie Coran . Ce regroupement a conserve la grandedivision en revelations a la M ekke et en revelations aMedine (done posterieures a 622) consacree par les au-teurs arabo-musulmans ; a l 'interieur de ce cadre, lestextes coraniques ont H e redistribues en trois groupespour tous ceux qui appartiennent a la periode mek-koise. Les criteres retenus pour l'elaboration de cegroupement sont de trois sortes : les uns sont a predo-minance stylistique et tiennent compte avant tout del'allure breve ou etiree des versets ; les autres concer-nent les circonstances qui ont provoque ou fixe des at-titudes de Mahomet devant ses opposants; d'autresenfin font surtout etat de textes organiques destines astructurer une communaute reclamant une definitiondes rites, des interdictions alimentaires, du droit prive,des rapports avec les patens, les chretiens ou les juifs.Ce regroupement des textes coraniques laisse assure-ment subsister bien des zones obscures et maintspoints discutables, II a toutefois I'avantage de mettreun terme a d'impuissantes recherches pour retrouverune insaisissable chronologie. II pose Ie probleme desthemes de la predication de Mahomet dans un cadregeneral depouille de rigidite. Cette periodisation due a l'ecole allemande a au surplus I'avantage de per-mettre un examen serre des conditions dans lesquelless'est elaboree la Vulgate coranique.

    Plusieurs phases doivent etre distinguees dans laconstitution de cette Vulgate.Au cours de la premiere, qui couvre les vingt an-16 17

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    nees de la predication de l'Islam par Mahomet lui-meme, les messages reveles demeurent entierementconfies a Ia memoire et transmis de bouche it oreille ;ce fait explique que la premiere generation musulmanehesite entre deux textes qui auraient constitue Iedebutde l'Apostolat (Coran, XCVI, 1-5 et LXXIV, 1-7). Amesure que les fragments reveles se succedent, ilsprennent place dans des ensembles de longueur tresvariable qu'on nomme bient6t soura ou sura (d'ounotre francais sourate), terme enigmatique qui figuredeja dans des versets mekkois, La notion de texte ecritexiste sans nul doute dans la conscience des premiersconvertis mekkois (dont le nombre n'exeede pas lacentaine lors de l'Emigration en 622). Elle leur estfournie par ce qu'ils savent soit de la Thora utiliseedans les communautes juives et chretiennes de Me-dine, soit des Evangiles des chretiens du Najran etd'Abyssinie, avec lesquels ils sont en rapports com-merciaux. Pourtant, Ie besoin de fixer par l'ecriture Ienouveau message qui lui est adresse ne s'impose pasimmediatement aux adeptes de Mahomet. Ce fait estd'autant plus etrange que ce message, le premier recuen arabe, se declare lui-meme etre un signe deDieu ou aya (Coran, LXXXI, i9 ; LVI, 79/80 ; XLI,2 /3 etpassim). C'est, semble-t-il, apres l'installation deMahomet it Medine que surgit enfin l'idee de aotersur des materiaux frustes (omoplates de chameaux oumorceaux de euir) les plus importantes revelations re-cues au cours des annees precedentes, Ce besoin paraltd'ailleurs ne se rnanifester qu'episodiquement ; il re-suite peut-etre de ferveur personnelle a I'egard de cer-tains textes contenant des oraisons ou des dispositionsjuridiques senties comme importantes ; IeProphete fa-vorise ce zele sans en faire un devoir. En tout etat decause, cette notation des textes est fragmentaire et

    marquee de divergences; surtout, elle est rudimentairedu fait de la precarite des materiaux et des moyensmis en reuvre. Ces initiatives individuelles evoquentmal pour nous l'angoisse qui n'a pu manquerd'etreindre Mahomet et surtout ses compagnons, de-vant les risques de disparition menacant l'esseneememe des virtualites islamiques, Cette fuite devant la sanction de I'ecriture rebute toute tentatived'explication, Peut-etre ne faut-il pas exc1ure l'idee decertaines influences millenaristes, commeI'a proposeCasanova.La deuxieme phase debute avec la disparitionde Mahomet. Le premier Calife, Abo. Bakr, setrouve devant un monde en effervescence ; en Arabieorientale est matee une dangereuse resurgence du Pa-ganisme : sur les confins syro-palestiniens s'amorceune conquete ou tombent des Croyants de la pre-miere heure. L'inquietude s'empare de certains es-prits concernant la conservation des revelations cora-niques. L'idee s'impose de plus en plus de proceder afa constitution de corpus groupant l'ensemble des re-cueils individuels ; Ie Calife donne lui-meme l 'exern-pie, mais la recension qui s'opere sur son initiativereste d'ordre personnel et ne semble pas avoir jouid'une autorite plus grande que celie reconnue a des

    corpus etablis par d'autres intimes du Prophete. Unpas decisif est franchi une vingtaine d'annees plustard quand, sous le regne du troisieme Calife'Uthman (de 644 a 656) on precede a une nouvellerecension operee sur une base plus large et relative-ment plus systematique; a partir 'd u corpus d'AbuBakr, grossi de fragments disperses ou simplementretenus de memoire, est enfin realisee une Vulgateofficielle, destinee, dans I'esprit du Calife,a supplan-ter toutes les recensions individuelles ; ce desir18 19

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    d'imposer un texte ne varietur se manifeste d'ailleurspar une mesure presque sacrilege: la destruction detous les materiaux sur lesquels, du vivant de Maho-met, des mains pieuses avaient note les revelationsrecueillies de la bouche rneme du Maitre. Cette re-cension 'uthmanienne ne laisse cependant pointd'offrir des cotes bien precaires ; Ie systeme gra-phique dont les scribes ant use reste toujours aussirudimentaire; la reproduction des cinq lectionnairesde base existant dans les metropoles islamiques poseun grave probleme, Fait capital: la fixation ecrite nedispense pas de l'etude par cceur du texte et, parcette voie, des divergences articulatoires ou morpho-logiques d'origine dialectale continuent a se manifes-ter et a s'imposer, Un corps tres important va secreer au sein de la Comrnunaute, celui des qdri' ou lecteurs du Co r an , personnages considerables parleur role religieux au leur personnalite et dontl'autorite croit dans les cites et surtout a Merline, laMekke, Coufa, Bassora et Damas. Le probleme del'unite textuelle de la Vulgate se dramatise en 661, aI'assassinat du quatrieme Calife, Ali, gendre et cou-sin de Mahomet; les criteres concemant la legitimiteau Califat, en suscitant Ie mouvement schismatiquedes Chi'ites, provoquent et attisent les oppositions etles passions religieuses ;" celles-ci sont sans doute al'origine de la veneration portee a une recensioncomme celIe qu'on attribue a Ibn Mas'ud, serviteurde Mahomet, recension qui differait en plusieurspoints de la Vulgate 'uthmanienne et dont l'existenceest encore attestee au X C siecle a Coufa,

    C'est vers ce temps qu'on peut placer Ie debut dela troisierne et ultime phase de I'histoire de la Vul-gate coranique, L'avenement des Umayyades, Ietransfert a Damas de la capitale politique du Califat,

    le role de plus en plus important assume par les cen-tres iraquiens dans la vie spirituelle et intellectuelledu monde islamique conduisent a prendre, a l'egarddu texte recu par Ia Communaute, des mesures dontla hardiesse nous demeure sensible. Sous Ie regne duCalife umayyade 'Abd-al-Malik (de 685 a 705) et surI'initiative du tout-puissant gouverneur d'Iraq, al-Hajjaj, on s'emploie a homogeneiser l'orthographedu Livre sacre ; grace a queiques ameliorations in-troduites dans la graphie, et notamment dans la no-tation des voyelles, Ie dechiffrement de la vulgate ac-quiert plus de precision. En meme temps, semble-t-il,on s'efforce d'abolir les versions entachees d'in-fluences chi'ites, sans d'ailleurs y parvenir complete-ment puisque, on l'a dit, l'une d'elles subsiste encoreau x~ siecle. En depit de ces ameliorations materiel-les, Ie role des qdri' au lecteurs conserve toutel'importance qu'on lui connait deja, car la reformegraphique dont on vient de parler n'aboutit pas aune notation telle que la recitation de mernoire soitdefinitivernent releguee au second plan. Le texte ecritguide Ie recitant, evite les interversions de termes, lesomissions, les confusions; il ne peut suffire a rendrel'integralite de ce qu'articule Ie lecteur. Ce faitresulte du caractere defectif de l'ecriture arabe(v. p, 65). Plusieurs autres facteurs contribuentd'ailleurs a conserver aux lecteurs du Coran leurimportance dans la vie religieuse ; la recitation pu-blique de textes coraniques en certaines circonstan-ces, l'etude du Livre sacre, des I'enfance, par recoursa la memoire sont d 'une essentielle importance. Enpremiere ligne toutefois intervient une particularitederoutante pour nos conceptions: tres tot, probable-ment vers Ie VIII siecle, il est admis que la Vulgatepeut eire recitee en faisant leur place a des variantes,

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    dites qira'at ou lectures , qui portent sur des mo-des d'articulations consonantiques au vocaliques, surde legeres divergences de detail n'entamant generale-ment pas Ie sens du texte, sur des pauses interes-sant la coupe des phrases au des versets. Au milieudu [XC siecle commence a prevaloir l 'opinion que cesysteme se fonde sur sept chaines de savantsd'une autorite reconnue. Cette multiplicite des lec-tures n'est done pas ressentie comme une deficienceou une imperfection de la Vulgate; tout au contraireon est porte, en principe, a y voir un louable laxismeouvrant Ie champ a toutes les virtualites du texte co-ranique. Comme iJ fallait s'y attendre, ce laxismescripturaire est mis a profit par l'exegese de tendanceintellectualiste ou chi'ite (v. p. 84). Tres vite appa-raissent alors aux yeux de legistes ou de tbeologiensetroitement attaches a la doctrine de l' autorite ,les risques que comporte cette pluralite lectionnelleet les abus auxquels eJle peut conduire; non sansraison, ils y decouvrent et y denoneent une menacecontre l'intangibilite de la Vulgate et une source in-tarissable de divergences dogmatiques au juridiques,Au debut du x siecle, deux proces de grandes conse-quences sont intentes a Bagdad centre des docteursdont l'un, Ibn Channabfidh, etait aile jusqu'as'arroger le droit de remanier Ie texte 'uthmanien enfaisant etat de variantes d'origine chi'ite, Finalementun compromis s'etablit ; Ie groupe des Sept lectu-res canoniques est reconnu, mais il est grossi desept autres qui sont tolerees avec plus ou mains dereticence ou d'improbation. Des traites relatifs auxSept lectures canoniques sont composes; celui deI'Andalou ad-Dani (mort en 1053) devient enquelque SOlie c1assique. Ainsi done I'on est admis aparler d'un canon de la Vulgate definitivement etabli

    et adopte au milieu du X" siecle. Ce canon est tresnettement 'uthmanien.Ce canon ne s'etait toutefois pas impose sans ren-contrer certaines resistances. Celles-ci du vivantd'Uthman avaient revetu un caractere specifiquementindividuel; des Compagnons, devoues a Mahometjusqu'au sacrifice de leur vie, comme Ibn Mas'ud,s'etaient sentis leses en constatant que leur recensionparticuliere n'avait pas servi de base a la Vulgate offi-cielle. Des resistances de ce genre paraissent avoir pris,

    des Ie regne d'Ali et sous les premiers Umayyades, untour plus vif du fait de la fermentation religieuse enIraq; la propagande des Kharijites et celie des Chi'itesles exploitent a des fins qui leur sont propres. L'hypo-these d'interpolations au d'alterations, voire d'ampu-tations du texte prend lentement forme et se cherchedes preuves. Les tendances refletees par ces opposi-tions ont pu prendre parfois un tour singulier ; IbnHazm, par exemple, se fait l'echo, d'ailleurs avec repu-gnance, du refus eprouve par une secte kharijite a voirdans la sourate Joseph (Coran, XII), un texte authenti-quement coranique. Plus dangereuse pour I'ordre derEtat musulman apparaissent les critiques des Chi'itesformulees contre la Vulgate uthmanienne ; elles met-tent en cause en effet Ie respect pour le texte sacre, descalifes AbO.Bakr et 'Urnar ainsi que la prob ite desUmayyades; ceux-ci sont en particulier accusesd'avoir intentionnellement, et pour des fins politiques,fait disparaitre de la Vulgate tous les passages au etaitattestee la legitimite califienne d'Ali, gendre de Maho-met; dans les sourates XV et XXIV, leur audace au-rait ete jusqu'a amputer Ie texte coranique de pIu-sieurs dizaines de versets. L'attitude des opposantsfrappe par sa diversite ; certaines sectes chi'ites sont

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    d'une virulence qui effraie les esprits ponderes et pro-ches des realites politiques ; les Imamites se refusent aces attaques outrancieres et, prudemment, s'abstien-nent d'insister sur les falsifications dont aurait souffertla Vulgate. En tout' etat .de cause, les critiques chi'itesf?rmulees contre celle-ci ne sont pas d'ordre dogma-tique mais sont inspirees par des vues _politiques: laprimaute des Alides concernant la legitimite au Cali-fat. Ce fait explique la position en apparence tres pa-radoxale des docteurs chi'ites qui, lorsqu'il s'agit del'unicite divine ou des dogmes fondamentaux del'Islam, referent constamment au texte 'uthmanienadopte comme Vulgate par l'ensemble de la Commu-naute islamique. D'une autre tendance releve une seriede critiques formulees par certains docteurs mu'tazili-tes a l'endroit de passages coraniques contenant desattaques contre quelques ennemis du Prophets ; fide-les a leur foi en l'absolue equite et en l'infinie bonte deDieu, ce s esprits hesitent a voir dans ces textes one re -velation digne de la transcendance divine ; une telleattitude, on Ie voit, tranche par son aspect dogma-tique sur celle des sectateurs kharijites au chi'ites.

    gences marquees avec Ie canon 'uthmanien. Ce temoi-gnage est certes precieux ; il constitue une indicationsur l'allure meme des corans utilises dans les milieuxchi'ites, mais il ne permet pas de mesurer la nature etl'ampleur exactes des variantes presentees par ces re-cueils clandestins. Tout au contraire, la confrontationdes plus anciens corans tend a poser qu'en depit detoutes les resistances signa lees plus haut, I'allure gene-rale prise par la Vulgate 'uthmanienne a correspondutres t6t (peut-etre des la reforme d'Abd-al-Malik ") ala Vulgate recue actuellement dans tout Ie monde del'Islam.Les cent quatorze chapitres au sourates qui for-ment ce texte se presentent en gros selon un ordre delongueur decroissante ; ce classement parait corres-pondre a certaines habitudes propres au monde se-mitique; c'est ainsi que les philologues iraqiens,aux vrrr-ix- siecles, ant egalement mis les pieces lesplus longues en tete de leurs recueils renfermant lesmonuments de l'antique poesie arabe. Ce classementde la Vulgate 'uthmanienne a eu pour consequencede perturber irremediablernent la chronologie destextes reveles a Mahomet; les sourates les plus ion-gues en effet sont celles qui correspondent a la predi-cation a Mediae, entre 622 et 632; les souratesmoyennes et courtes, qui sont en general des textesde la periode m ekkoise, viennent seulement a la fin ;fait exception la premiere sourate dite al-Fdtiha laLiminaire , qui ne compte que quelques versets etqui doit sa place en tete de la Vulgate a son impor-tance dans la liturgie. II est en conseq uence permisde dire que nous lisons Ie Coran selon une chrono-logie inversee, C'est pour une raison purement pra-tique et pour faciliter la lecture-recitation collectivedu Coran en certaines circonstances solennelles, qu'a

    Devant ces critiques, on peut etre tente de deman-der a la paleographie une reponse au probleme de l'in-tegrite absolue de la Vulgate 'uthmanienne, Malheu-reusement, les plus anciens corans qui nous ant eteconserves n'apportent aucun temoignage a I'appui desalterations ou des amputations signalees en milieuchi'ite, Tout au plus peut-on invoquer, avec toute laprudence necessaire, one declaration celebre du biblio-phile iraqien Ibn an-Nadim (mort apres 977), ,qui af-firme avoir vu, a Coufa, deux anciens corans conte-nant des recensions O U I'ordre des textes, des titres desohapitres et Ie nombre des versets offraient des diver-

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    ete introduite ulterieurement une division en trentejuz' au parties , sans aucun rapport avec Ia divi-sion en sourates.La sequence de celles-ci a pose aux theologiens et

    exegetes musuImans une question angoissante. Ons'est demande si cette sequence etait Ie fait de Maho-met ou si elle etait la manifestation de la volonte di-vine. Finalement a prevalu la doctrine affirmant quel'ordre des sourates resulte d'une intuition au se re-trouve l'inspiration d'A llah ou tawqif. Par la se trouvedone a nouveau confirme tout ce que la Vulgate 'uth-manienne offre d'intangible. En dehors de quelquessourates tres eourtes, dont beaucoup soot des orai-sons, voire des incantations, les cent quatorze chap i-tres constituant Ie Coran soot Ie plus souvent formesde revelations juxtaposees (done souvent d'epoquesdifferentes) traitant d'un sujet ideotique ; dans de treslongs textes, comme les sourates II a XI, par exemple,on a des ensembles composites traitant de plusieursproblemes, Du fait de son allure edifiante, le Coranrenferme aussi de nombreux recits sur des prophetesayant precede Mahomet, comme Noe, Morse, Hud,Jesus; dans les sourates de la deuxieme et de la troi-sieme periode de la Mekke, 00 decouvre des ensem-bles en forme d'homelie tripartite avec une introduc-tion sur I'aveuglement des impies, un recit rappelant lesort des nations exterminees par Ie feu du ciel; I'en-semble s'acheve par une admonition et des menaces al'endroit des Mekkois sourds a la parole de Dieu.Dans les textes medinois, ce precede d'edification seretrouve, mais une place considerable est egalementtenue par des revelations touchant l'organisation de laCommunaute ; e'est sur ces passages que s'edifierontles rites et ee qu'on nommera Ia Loi de l'Islam.

    Chaque sourate est divisee en versets ; dans les re-

    velations les plus anciennes ceux-ci se presentent sou-vent dans une suite construite sur une meme c1ausulerimee au assonancee d'un tres grand effet sur I'au-diteur (ainsi Coran, CIX, CXIII, CXIV). A mesuretoutefois que la Predication change de caractere, d'in-tention et de portee, du fait des circonstances, les ver-sets s'allongent; leurs clausules rimees font place ades assonances dont la variete diminue. Cette struc-ture stylistique d'un genre si remarquable n'est passans rappeler Ja forme que, selon la tradition et selondes textes d'une authenticite tres discutable, on trouveavant Mahomet dans les vaticinations des voyants ou kdhin d'Arabie preislamique, Ce rapprochement nedoit cependant pas etre pousse trap loin, car Ie versetcoranique s'impose par une ampleur ou un condense,par une musicalite et une vigueur de l'expressionjamais atteintes avant Ie Coran . On dira de quelle im-portance est ce fait dans la definition des attitudescollectives de l'Islam devant ce message sacre,

    Des une epoque tres ancienne, I'habitude s'est ins-tituee de donner a chacune des sourates un titre tire Ieplus souvent ou du premier verset, ou d'un recitetendu, au d'un element pregnant, ou enfin d'un traitepisodique contenu dans le chapitre, comme c'est Iecas pour la sourate II intitulee La Genisse ; il sembleque, parfois, en fonction de preoccupations theologi-ques ou ethiques, un meme chapitre ait recu des nomsmultiples.

    11est peu de livres religieux d'origine orientale dontla lecture, plus que celie du Co r an , deconcerte nos ha-bitudes intellectuelles. Meme si, comme islamisants,nous nous efforcons de ressusciter I'ambiance O U s'estdeveloppe I'apostolat de Mahomet, nous decouvronsune irreductible distorsion entre cette ambiance et laforme prise par la Vulgate coranique ; devant ce texte

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    herisse de difficultes, riche par ses obscurites meme,surprenant par son style elliptique, souvent allusif,nous nous arretons, quetant l'idee directrice reliantentre eux, en une impeccable logique, des recits au desdeveloppements dont I'enchainement se decouvre mal.Chez Ie lecteur non arabisant, les premiers contactsavec le Coran peuvent souvent aller au-dela de la de-ception et aboutir a I'attitude la plus negative: Ie re-fus. Celui-ci trouve d'ailleurs son apparente justifica-tion dans des souvenirs litteraires, dans des jugementsrecus, dans des comparaisons avec d'autres textes reli-gieux pares d'un prestige ancestral. Dans un cascomme dans l'autre, sied-il a personne de se resigneret ne doit-on pas tenter au contraire de forcer cet her-metisme ? A mieux examiner le probleme, on finit parse convaincre que Ie mystere entourant Ie Coran estloin d'etre aussi impenetrable qu'on I'imagine deprime abord. Si nous sommes en effet rebute par cettelecture, c'est que nous ne savons pas le plus souventpreparer notre approche.La Vulgate coranique ne doit pas etre prise parnous comme un tout dont la lecture peut etre meneedu debut a la fin sans pauses et sans determination dereperes, Tout contact avec elle exige des precautions.En premier lieu, repetons-nous que la Vulgate, dansson canon actuel, ne pennet plus de suivre Ie develop-pernent de l'apostolat de Mahomet (v. p. 26). IIconvient done, tout autant par desir de comprendreque par besoin de ne point voir se distendrel'attention, de retrouver Ie substrat historique,l'ensemble des causes occasionnelles, la serie des eve-nements biographiques qui ont fourni leur cadre a Iapredication de Mahomet. Le Coran est certes un mes-sage revele, une ecriture et une loi. C'est aussi et plusencore un recueil de textes portant edification et ensei-

    gnement. En reliant ces textes aux circonstances quiles ant inspires, se trouve restitue Ie sens et definies leslignes de force d'un apostolat plus qu'aucun autre mi-litant et excJusif. Toute approche de la Vulgate cora-nique reclame done une preparation. Le rec!assementdes sourates propose par Noldeke et son ecole(v. p. 16) prend ici toute son importance. II projettesur la Vulgate une clarte rassurante ; il replace les tex-tes en une perspective intelligible parce que liee au de-roulement plausible de I'Histoire; il rend a Ja de-marche du lecteur occidental sa signification et repondau desir de comprendre sans lequel on ne saurait allerplus avant; l'heterogeneite du style, cessant de derou-ter, devient a son tour source d'explication a un phe-nomene attendu: Ie tour des versets a change parceque s'est modifie le c1imat oil s'affrontent lesCroyants et les Patens. Ainsi qu'on le voit, le regrou-pement par larges periodes depasse les exigences de laphilologie et conduit Iiconsiderer les textes coraniquessous un jour plus avenant, plus sympathique. Par unelogique qui n'a rien de force, Ie lecteur occidental envient Ii se convaincre que la vie est rendue a la Vulgatecoranique : celle-ci ne se presente plus comme une se-quence artificielle et chaotique de textes, mais commeune serie de themes developpes pendant vingt ans parMahomet, selon les exigences de sa predication et sousI'impulsion des circonstances; le tout recouvre alorsson unite psychologique et historique. Bien plus: leselements heterogenes constituant des sourates tres am-pies, comme par exemple Jadeuxierne et les six au septsuivantes, cessent d'apparaitre comme des ensemblesmal lies au lies d'une facon artificielle ; sans grand ef-fort on s'apercoit que ces textes, si developpes et ausurplus d'une primordiale importance pour l'ela-boration de la Loi, se reclassent pour ainsi dire d'eux-

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    meme dans I'ensemble d'une activite militante. Que Ietraducteur du Coran prenne I'initiative de guider sonleeteur par I'insertion de sous-titres 1;\a u besoin s'enfait sentir,et voila celui-ci remis en confiance, rassuresur l'efficacite de sa demarche, persuade que Ie mes-sage religieux qu'il tient entre ses mains va se livrer alui. L'essentiel des eet instant est que le leeteur du Co-ran accepte de se Iaisser guider.. L'experience sembledemontrer qu'adopter Ie classement par periodes pro-pose par Noldeke et repris par certains traducteursrend aisee, voire agreable, la lecture de la Vulgatecoranique.

    Chapitre II

    uM ESSA GE C OR AN IQ UEA LA M EKKESi nous partons de la sourate LIII du canon 'uth-

    manien, nous trouvons une suite de chapitres de plusen plus courts (v. p. 25), qui nous eclairent sur les pre-miers moments de I'Apostolat. Mahomet est inquiet,hesitant sur ses farces, pret au desespoir devant I'am-pleur de sa mission (ainsi Coran , LXXIV, 1-7; XCIII,I-II et XCIV, 1-8). Un groupe plus suggestif,puisqu'il compte vingt-trois sourates, vient ensuite etillustre pour nous l'experience initiale du nouveauprophete. Celui-ci est encore sous le coup de rappeldivin ; la representation du cataclysme qui va empor-ter Iemonde et du Jugement Dernier hante son imagi-nation; I'Heure est proche sans qu'on puisse dire aquel moment elle va s'abattre sur les Hommes; uneimmense panique saisira les Pecheurs et les Riches:8 En ce jour all Ie ciel sera comme airain fondu,9 all les monts seront comme flacons de laine,10 au nul ami fervent n'interrogera un ami ferventII en vue de qui il sera rnis, - au le Coupable aimerait a seracheter du Tourmen t de cejour-hi, en livrant sesfils,12 sa campagne, son frere,13 SOil clan qui lui donne asile,14 et taus ceux qui sont sur la terre pour qu'enfin cela lesauvat.

    (Corul/. LXX.)30 31

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    La terre elle aussi fremira et les morts serontarraches a leur sommeil; ce sera l'heure duJugement:1 Quand la terre sera secouee de son seisme,2 que la terre rejettera ses fardeaux,3 que I'Homme dira : Qu'a-t-elle?,4 ce jour-la elle rapportera ses recits,5 selon ce que lui a revCle ton Seigneur.6 Ce jour-Iii les Humains surgiront des sepulcres, pargroupes, pour que leur soient montrees leurs actions ..7 Qui aura fait Ie poids d'un atome de bien, le verra,8 Qui aura fait le poids d'un atome de mal, Ie verra.

    (Coran, XCIX.)La recompense selon les ceuvres se concretise dansces t~xtes par une hallucinante opposition entre le sortdes Elus et celui des Damnes :

    15 En ce jour, se produira I'Echeante16 et le C iel se fendra et sera beant,17 Les Anges seront sur ses confins et huit d'entre eux, ence jour, porteront le Trone de ton Seigneur, sur leursepaules.18 Ce jour-la vous serez exposes: nul see-ret en vous nesera cache.19 Celui a qui son role sera remis dans sa main droite etqui dira: Voici ! l isez man role !20 Je devinais que je trouverais mOD jugement !H,21 - celu i-la sera dans une vie agreable,22 dans un jardin sublime23 dont les fruits a cueillir seront Ii portee de sa main.24 M an gez, b uvez en paix pour prix de ce que vous avezaccompli dans le s temps revolus ! )25 Celui qu i recevra son role dans sa main gauche et quidira : Ph1t au ciel qu'on De m'eilt pas remis mODrole !.26 que je ne connusse pas ce qu'est mODjugernent !27 PlOt au ciel que cette mort f U t definitive !

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    28 De rien ne m'a servi rna fortune!29 Disparu, loin de moi, est man pouvoir !

    (Coran, LXIX. )Nous retrouvons ici un des aspects constants del'art narratif et de la poesie dans le monde semi-tique en general et plus particulierement chez lesArabes ; l'antithese revient, obsedante, souvent peuvariee dans sa forme, mais d'autant plus puissantesur des esprits pour qui l'evocation verbale se satis-fait d'un mot, d'une epithete (ainsi Coran , LXXX,33-42; LXXXIV, 7-14; LXXXVIII, 1-16; LVI, 1-56; LXXVIII, 17-36). Ce trait est sensible partout,I'evocation des delices paradisiaques au jardind'Eden illustrant mieux que tout autre la simplicitesuggestive du precede :l7 En verite, les Pieux seront dans des jardins et une feli-cite,1 8 jou issan t de ce que Ie Seigneur leur a accorde. Leur Sei-gneur les aura preserves du tourment de la Foumaise,19 Mangez et buvez en paix, en recompense de ce quevous avez fait,20 accoudes sur des lirs alignes ! Nons leur aurons donnecomme epouses, des Houris au x grands yeux. [...23 Us se passero nt, dans ce s jardins des coupes au fonddesquelles ne seront ni jactance, ni incitation au peche,

    Pour les servir, parmi eux circuleront des ephebes it leurservice qui sembJeront perles cachees.25 Usse tourneront les uns vers les autres, s'interrogeant.26 Us diront : Nous etions jadis, parmi les notres, pleinsd'angoisse.27 Allah DOUS a favorises, U nous a preserves du tourmentdu Souffle Torride. (Coran, Lll.)Dans ces memes textes se rencontre un autre themede predication dont la frequence dit assez l'importance

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    qu'il prit dans I'action militante de Mahomet. Dieu estcertes decrit en sa to ute-puissance et en sa transcen-dance; ce n'est cependant pas un demiurge impi-toyable, mais au contraire un createur dont la sollici-tude envers les Humains se manifeste par ses dons, parson soin a doter Ie monde ; le s plantes et le s fruits, lestroupeaux qui fournissent veture, lait et chair sont au-tant de manifestations de cette sollicitude ; dans la sou-rate LV intitulee Ie Bienfaiteur, toutes ses graces repan-dues sur les hommes sont rappelees pour inciter a lagratitude et a la piete envers Ie Seigneur des Mon-des . Parallelement, dans ces textes, est affirme avecinsistance le devoir de charite, Ce qui, par antithese,mene a fa condamnation de la richesse insolente :5 Celui qui donne, qui est pieux6 et declare vraie la Tres Belle Recompense,7 a celui-la Nous faciliterons l'acces a I'Aise Supreme.8 Celui qui est avare, empli de suffisance9 et traite de mensonge la Tres Belle Recompense,10 a celui-la Nous faciliterons l'acces a la Gene Supreme.

    (Coran, XCII.)Non mains important, dans les sourates de cette pe-

    riode, apparait un autre theme, corollaire de l'an-nonciation de I'Heure. C'est I'affirmation de la trans-cendance de la mission qu'assume Mahomet. Dans lasourate LXXXI se trouve formule en termes d'uneparticuliere vigueur ce postulat essen tiel en Islam:15 Non! j'en jure par les [astres] gravitants,J 6 cheminants et disparaissants !17 par la nuit quand elle s'etend !1 8 par l'aube quand s'exhale son souffle 1,19 en verite c'est la, certes, la parole d'un venerable mes-sager,20 doue de pouvoir aupres du Maitre du Trone, ferme,

    21 obei, en outre sur!22 Votre compagnon n'est point possede l23 Certes, il l'a vu, a l'horizon eclatant !24 De l'Inconnaissable, i1 n'est pas avare.25 Ce n'est point la parole d'un demon maudit.26 OU allez-vous?27 Ce n'est qu'une edification pour Ie monde,28 pour ceux qui veulent, parmi vous, suivre la VoieDroite.A maintes reprises, des ce moment, Ie Coran deter-

    mine Ie role devolu au nouveau Prophete. Celui-ci n'apas vu Ie Seigneur, car nulle creature ne peut Ie voir;le message divin est transmis par un archange et Ma-homet est uniquement l'Annonciateur des temps quivont venir. Deja dans Ie texte qu'on vient de citer semanifestent les conditions de la Iutte engagee entreMahomet et Ie Paganisme rnekkois. A plusieurs repri-ses et avec violence Ie Coran denonce l'aveuglement deceux qui ne veulent voir dans les messages transmisqu'une inspiration profane ou demoniaque (Coran,LII, 29-30; LIII, 1-18; LXVIII, 2-6, 51-52).

    Durant cette premiere phase, Ie fait vaut d'etre rap-pele, les textes laissent dans l'obscurite l'affirmationd'un dogme essentiel de l'Islam : l'unicite de Dieu. IIsemble meme que dans la sourate LIII, 19-25, subsisteune trace des hesitations a condamner Ie culte rendu aune triade de deesses mekkoises, mais le texte en saforme presente demeure d'une restitution conjecturale.Bientot toutefois l'unicite divine s'affirme tranchanteet sans appeJ.I Dis: II est Allah, unique,2 Allah le Seul,3 II n'a pas engendre et n'a pas ete engendre,4 N'est egal a Lui personne.

    (Coran , CXII.)34 3 5

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    Ce credo est alors naturellement repris avec la fre-quence qu'impose Ieprix qu'on y attache (C?ran, LII,43 ; LXXIII, 9). Bien entendu, d'autres attn~ut~ sontdonnes a Dieu dans ces memes textes, mars lis neconstituent assurernent pas une dominante dans unsysteme coordonne. .A la suite de ces premiers textes, on peut examinerensemble ooze sourates dispersees dans la Vulgate apartir du chapitre LXX. La se retr0':lvent, bien en-tendu des developpements eschatologiques fort sem-blabl~s a ceux que nous connaissons deja. Une autreserie de themes se developpe cependant, qui attestentun changement d'attitude a l'egard des opposantsmekkois : ceux-ci ont sans doute donne au Prophete lesentiment que I'accord est difficile ; la polemiquecontre eux se fait plus acerbe, plus impatiente ; la rup-ture est evidemment proche:10 Supporte ce qu'ils disent !Ecarte-toi d'eux sans eclat!11 Laisse-Moi avec ceux qui traitent de mensonge ton

    apostolat et qui ont la felicite terrestre l Accorde-Ieurun court repit ! ,12 En verite, Nous detenons des chaines, une foumaise,

    13 un mets qui teste dans la gorge et un tourment dou-loureux.

    3 la moirie ou moins de la moitie de la nuit4 ou un peu plus, - et psalmodie avec soin la Predica-tion!

    (Coran, LXXIII; v . a us si ibid., ClV.)

    (Coran, LXXIII.)Doit-on penser que les convertis de cette premiereheme aient dispose, des ce moment, d'oraisons arre-tees dans leur forme pour etre recitees durant les vigi-les ? On a pu Ie supposer, et c'est pourquoi on a cedeau besoin de rassembler cinq sourates constituant soitdes prieres, soit des conjurations; fa Liminaire [al-Fatiha ), ainsi nornmee parce qu'eUe ouvre notreVulgate, vaut d'etre citee car elle tient dans la devo-tion un role identique au Pater noster:

    1 Au nom d'Allah, Ie Bienfaiteur rnisecordieux.2 Louange a Allah, Seigneur des Mondes,3 Bienfaiteur misericordieux,4 Souverain du Jour du Jugement !5 C'est Toi que no us adorons,

    Toi dont nous demandons J'aide !6 Conduis-nous dans la Voie Droite,7 la Voie de ceux a qui Tu as donne Tes bienfaits,

    qui ne sont ni I'objet de Ton courroux ni les Egares.(Coran, I.)

    Les revelations recues durant cette premiere periodea la Mekke se caracterisent par l'unite du style. Lesversets sont en general de six a dix syllabes ; les clau-sules se succedent souvent sur une rime unique d'unegrande richesse ; a deux ou trois reprises des souratesoffrent des groupes strophiques avec refrain (Coran,LXXVII). Tres souvent des formules sacramentellespar les astres ou des monts sacres commencent lessourates, qui forment alors des incantations (v. p. 34).Tous ces textes se signalent par leur lyrisme, leur tourhallucinant,

    En meme temps se font plus passionnees l'ob-jurgation au repentir, la condamnation des riches et laprescription de l'aurnone (Cora~, XC" 1-21!.~a et la,des versets indiquent que sans etre determme dans ledetail Ie culte du Seigneur de l'Orient et del'Occident commence a recevoir une forme; la devo-tion nocturne y tient une place importante.1 o toi enveloppe d'un manteau!2 Reste en vigile seulement peu de temps,

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    La deuxieme periode de la predication a la Mekkeest representee par vingt-deux chapitres a partir de lasourate XVIII en continuant jusqu'a la sourate LIlLCes textes sont etendus et composites. Un exemple ty-pique de cette allure accumulative se trouve dans lasourate XVIII dite La Caverne. On releve dans cestextes I'emploi frequent de l'appelatif ar-Rahmdn leBienfaiteur , a cote d'autres noms design ant usuelle-ment la Divinite ; ce fait de vocabulaire pourrait biencorrespondre a une conception propre a cette peri ode(Coran, XLIII, 8/9-12113 et surtout XXXVI, 33-44).Partout eclate le divorce definitif entre la jeune Com-munaute et ses adversaires; un passage de la sou-rate XXIII (83/81-92/90) donne Ie ton de la pole-mique. Le dogme de l'unicite divine est confirme(Coran, XXIII, 93/91-94192). Le role d' Avertisseur >devolu a Mahomet fait lui aussi I'objet de multiplesrappels et, dans un passage, recoit sa stricte definition(Coran, XVIII, 93/94-95/96). A l'egard des Incroyants,le Coran ne se borne plus a decrire les consequencesd'un choix entre la Voie Draite et la Voie Tor-tueuse ; la Gehenne devient une menace promise auxPolytheistes mekkois demeures sourds a la predicationde Mahomet (Coran, XLIV, 33/34-59).Au cours de la periode precedente, on ne trouveque sporadiquement developpe Ie theme du Pro-phete prechant dans Ie desert . Tout au contraire aucours de cette seconde periode et a mesure que s'ac-croit l'hostilite des Polytheistes contre Mahomet, cetheme prend une vigueur qu'impose la conjoncture.Pour atteindre a son but, la predication fait referencea des recits ou a des legendes connus en Arabie. Lecadre adopte est assez uniforme : apres un exorde engeneral assez court sur la repentance ou les devoirs dela foi, vient un recit, concernant une tribu ou un

    peuple qui, egare par sa prosperite, se detourne duculte de la Divinite supreme; les noms de ces peuplessont peu nombreux et reviennent inlassablement : cesont les 'Ad d'Arabie meridionale, les Thamitd duWadi-I-Qura au nord de Medine, les Amalecites et lepeuple de Loth , les Egyptiens et Pharaon, enfin, plushaut dans Ie temps, les contemporains de Noe. Acesnations impies Ie Seigneur envoie un prophete dont lacarriere est identique a celie de Mahomet; comme ce-lui-ci, Hud, Salih, MOise, Abraham et Noe avant IeDeluge ont souffert des sarcasmes, ont pati des injureset des menaces proferees contre eux par leurs contri-buies (Coran, LIV, XXXVII, LXXI, XXVI, XV,XXI). Ainsi qu'on peut le voir, Ie theme du Propheteprechant dans Ie desert se developpe ici par refe-rence a la fois a des recits autochtones et a des recitsbibliques, Avec ces derniers, Ie parallele s'institue, ine-vitable; d'une facon generale, Ie Coran suit de trespres la trame biblique; la langue arabe toutefoisconfere a la narration un caractere etrange par son al-lure condensee et par son souci d'evoquer plutot quede decrire, Dans cette prophetologie, les recits surMOIse se presentent avec une notable frequence ; dejacependant une place importante est faite a Jesus et aMarie (Coran, XIX) dont les deux figures se distin-guent, sur certains points essentiels, de ce que nousproposent Ies Evangiles synoptiques. Plus rernar-quable encore est la forme arabe prise par le person-nage d'Abraham ; celui-ci reste dans la perspective dumoment : com me les autres prophetes, il a preche ades sourds et son dechirernent a ete d'autant plus pro-fond qu'il s'est heurte a I'aveuglement de son proprepere (Coran, XIX, 42141-51/50; XLIII, 25/26-38/39).

    Par Ie style, les revelations de cette seconde peri odedifferent profondernent de celles de la periode prece-

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    dente. Non seulement les versets se sont etires (ils onten moyenne de douze a vingt syllabes), mais l'alluregenerale ne traduit plus la meme tension interieure etn'implique plus la meme force hallucinante ; I'insl?ireest domine par son combat contre des adversairesqu'il sent irreductibles ; le deft repond a l'insolence etle rappel d'une meme verite sous des formes a peinedistinctes apparait comme l'argument Ie plus valable.L' etat poetique cedant la place a la diatribe, leseffets purement stylistiques n'apparaissent plus avecautant d'insistance ; un fait le montre d'une faconconstante: les clausules s'achevent Ie plus souvent surdes assonances et la variete de celles-ci est limitee,

    Les vingt-deux sourates qui, dans le reclassement deNoldeke, correspondent a la troisieme et dernierephase de la predication a la Mekke, prolongent cellesde la periode precedente ; rien entre les deux series detextes n'indique un renouvellement fondamental dansles themes, Don plus que dans leur traitement. Ce sen-timent de continuite ne doit cependant pas nous em-pecher de distinguer des nuances dans le detail; tressouvent ces sourates offrent des exemples de revela-tions posterieures a 622, inserees dans des dispositionsrecues au cours des deux ou trois dernieres annees deI'apostolat a la Mekke; un exemple parmi biend'autres nous est fourni par la sourate xvn intituleeIe Voyage nocturne: sur les douze developpementsconstituant cet ensemble se relevent des repetitions et,aux versets 5 et suivants, une menace resultant d'uneaddition posterieure, contemporaine de la ruptureavec les Juifs rnedinois en 624.D'autre part on doit insister sur la frequence, dansles textes de cette troisieme periode, d'une composi-tion en forme d'homelie ; cette construction etait cer-tes deja representee dans les chapitres anterieurs : au

    cours de cette nouvelle phase apostolique, Ie precedese generalise. Un probleme semble toutefois pose. Lastructure de ces homelies est-elle originelle ? Pour lessourates XLVI et VI intitulees al-Ahqdf et les Trou-peaux, la reponse est affirmative. II convient au con-traire d'etre plus prudent pour ce qui touche les autrestextes ; certains indices en effet donnent a penser quela division: exorde edifiant, exemples d'apostolat de-meures sans echo, peroraison menaeante it regard desPolytheistes mekkois, est Ie resultat d'une mise enplace de revelations s'integrant sans effort dans Iecadre triparti. Celui-ci en effet correspond si bien aubesoin nouveau de la predication de Mahomet qu'ilparait resulteren quelque sorte de Ia nature deschoses . Le Prophete de l'Islamest desormais en faced'une situation fort differente de celie qu'il a connuedurant les quatre ou cinq premieres annees de sonapostolat; l'indifferenceet l'ironie dedaigneuse desmarchands mekkois ont fait place aux sarcasmes, puisala malveillance et it l'hostilite ;.vers 619, au momentou Mahomet perd Ie soutien de son onele AbO Talib,puis bientot de Khadija sa propre femme, l'oppositionse dechaine et va jusqu'a mettre Mahomet au ban desclans mekkois ; la jeune communaute doit alms cher-cher ailleurs soutien et protection; Tail, cite voisinede la Mekke, fait mauvais accueil it Mahomet; Me-dine (qui se nomme alors Yathrib et qui est rivalecommerciale de la Mekke) ne se montre point sourdeau contraire a J'appel de la nouvelle religion. 11 e stnormal que la predication coranique se soit adaptee ace monde qui s'ouvre a elle; cette propagande enforme d'homelies convient somme toute mieux a unpublic qui s'est diversifie, Cit et la au surplus, dans Ievocabulaire, nous trouvons trace du rapport etroit quiexiste entre la conjoncture O U se debat Mahomet et la

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    forme du message que ce dernier recoit d'Allah: leCoran utilise frequemment dans les sourates de cettetroisieme peri ode la formule ayyuhd n-nds l 6Gens! , 0 Hommes!; ainsi, la Revelation nes'adresse plus uniquement aux Mekkois mais a ceuxqu'elle n'a pas encore songe a convertir, aux Medinoisd'abord, puis au monde des Nomades. .Cette continuite, liee a nne legere transformationnee des eirconstances, va naturellement se retrouverdans le traitement des themes de predication. Ceux-ciparaissent se classer sous trois rubriques generales: Ierappel des echecs subis par des prophetes dans destemps revolus, l'affirmation que l'Islam en sa veritetranscend ante est la preuve -de l'omnipotence et de lamisericorde divine, le sentiment que la petite commu-naute qui suit Mahomet doh vivre dans Ia piete et laresignation it son destin. Sans doute, comme on levoit, nous ne trouvons rien ici qui ne soit la repetitiond'idees frequemment enoncees au cours de ladeuxieme periode, Toutefois que de nuances decelentdes attitudes modifiees. Les recits sur les prophetesarabes au bibliques tendent parfois a se condenser(Coran, XXIX). A quoi bon donner a ces themes nar-ratifs l'ampJeur qui leur a He deja accordee ? Parfoiscependant Ie theme ressurgit charge de details oud'ajouts qui eo rehausseot l'effet ou en precisent laportee ; tel est, par exemple, Ie rappel de la mission deMorse sous fa forme qu'elle prend dans la sourate VII,1021104-1751176 . Tres remarquable aussi, dans cetordre d'idees, est la narration cootenue dans la sou-rate XII intitulee Joseph, au le heros biblique incarneIe Juste persecute par Ies Mechants jusqu'au jour O U leSeigneur recompense sa vertu et son courage. Durantcette peri ode est plusieurs fois enoncee une idee quin'est peut-etre pas a proprement parler un theme,

    mais qui occupe de plus en plus dans la predicationune place importante ; en rappelant les echecs des pro-phetes dans Ie passe, Ie Coran en vient a fixer en unesuccession chronologique, I'ordre dans lequel cesEnvoyes du Seigneur sont venus precher les hommes.Interessante est done l'enurneration qu'on trouve dansla sou rate VI, 84-9 ; par elle acheve de se preciser unpostulat essen tiel de la prophetologie islamique; lachaine des messages divins se termine en effet par lamention de Mahomet:90 Voila ceux qu'Allah a diriges, Par leur Direction, di -rige-toi, Prophete ! Dis aux In fid ele s : Je ne vous de-

    mande pour cela nul salaire, C'est une Edification pourIe monde, (Coran, VI.)

    En meme temps s'explique I'insistance mise a re-prendre un element thematique inspire par l'expe-rience meme du Prophete de l'Islam ; les Polytheistesmekkois sont promis au meme sort que celui quifrappa les nations impies (Coran, XLVI, 25 /26 -27 /28 ) .La menace est ici claire. Elle revient comme un leitmo-ti v en maints autres passages (ainsi, Co r an , XXX IX ,2/3-6/7). La polemique, durant cette troisieme periode,a da porter plus que jamais sur Ie probleme de la R e -surrection (Coran, XIII, 5-8/7). Le ton des repliquessemble fourni par le passage de la sourate XLV:23/24 Les impies ont dit : IIn'existe que cette Vie Imme-

    diate. Nous mourons et nous vivons et seule la Fata-lite nous fait perir, De cela Us n'ont nulle science.Ils ne font que conjecturer. [...]

    25/26 R eponds-leur : Allah vous donne Ja vie. E ns uite 1 1vous fera mourir, puis Il vous reunira pour Ie Jourindubitable de la Resurrection. Mais la plupart desHommes ne Ie savent pas.

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    Dans un autre texte est affirmee Ia rupture avec Iestenants du Paganisme mekkois :14/15 Ainsi done, appelle it Ia foi! Va droit, comme il t'aete ordonnel Ne suis pas les doctrines pernicieusesdes Infideles l Dis: Je crois en une Ecriturequ'Allah a fait descendre. Il m'a He ordonne d'etreequitable envers vous. Allah est notre Seigneur etvotre Seigneur. A nous nos actionset it vous vos ac-tions. Nul argument entre nous et vous. Allah feraI'aecord entre nous et vers Lui est le Devenir,

    (Coran, XLII.)Desormais, Mahomet ne nourrit plus d'espoir enun retour des siens :39/37 Si tu arnbitionnes de diriger les Incredules c'est inu-

    tile, car celui qu'Allah egare ne saurait etre dirige etn'a aucun auxiliaire,(Coran, XV I ; Y. Russi ibid., VI, 33-5, 105-9..)

    A maintes reprises revient I'argument sans appelque constitue l'evocation de l'omnipotence divine.Comme dans oombre de revelations anterieures, latoute-puissance d'Allah n'est pas separee de sabienfaisance infinie Ii l'egard des creature-s (Coran,XIII, 2-4). Cette affirmation joue a la fois centreIes Polytheistes, insensibles a la grandeur du Dieuunique et createur, et en faveur des Croyants, quiant su tirer une lecon de l'evidence. Pour la petitecomrauaaute, l'important est de resister aUK pres-sions et aux menaces de ses contribules, Plusieurstextes montrent au surplus que, durant cette troi-sieme peri ode apostolique, Ie culte s'organise sanscependant prendre une definitive rigueur (Coran,XV I I, 8 01 78 -811 79 ).C'est vers ce temps sans doute que s'ebauche uneeyolutioncurieuse dans la veneration islamique

    rendue a . Abraham; ce patriarche biblique n'est plusseulement un iconoclaste et I'ancetre revere des filsd'Israel ; il se confinne desormais comme fondateurdu Hanifisme, c'est-a-dire de cette religion primitiveprechee par tous les envoyes de Dieu et oubliee par lespeuples impies; dans un passage de la sourate quiporte son nom, cet el u de Dieu grandit encore en im-portance, puisqu'il instaure Ie culte de la Kaaba (Co-ran. XIV, 38, 40~42). Cette evolution de la conceptionabrahamique se confirmera a . Mediae. C'est en s'ap-puyant sur ce texte et quelques autres que Louis Mas-signon s'est efforce de decouvrir un terme de reconci-liation entre Israel et Ie monde de l'Islam.IIest a peine besoin de souligner combien Ie styledes sourates s'est modifie au cours de la periode qu'onvient de survoler, Sans doute retrouve-t-on la coupeen versets s'achevant par une clausule rimee et, ~a etla, des passages empreints d'un Iyrisme qui rappeltecelui de la deuxieme phase apostolique. On sent toute-fois, meme a travers une traduction, combien s'est ac-centuee la difference entre Ie style haletant, couped'eclairs, de serments, d'evocations eschatologiques,propre au debut de Ia predication et 1aforme oratoire,ample, chargee d'incidentes, qui caraeterise les revela-tions reeues a la Mekke au moment a u Mahomet vaquitter cette cite sourde a son appel.

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    Chapitre IIImekkoise contraint d'abord Mahomet it la defensive;dans Ie courant de l'ete 626, I'echec devant Merlined'une derniere offensive polytheiste, devenue celebresous le nom de Guerre du Fosse, marque le renverse-ment de la situation. En mars 628, par un trait de genieque confirme le succes, Mahomet decide d'accomplir itla Mekke avec les siens le Pelerinage Mineur; unetreve, conclue a Hudaibiyya grace aux intelligences dequelques compagnons du Prophete avec certains chefsmekkois, montre Ie soudain prestige pris par Mahometdans les esprits; deux ans s'ecoulent cependant avantque l'Islam consacre son triomphe par l'entree solen-nelle du Prophete a la Mekke en 630 ; it partir de cemoment, I'Etat theocratique de Medine ne cesse des'etendre sur I'ensemble des tribus de la Peninsule ara-bique jusqu'a la mort de Mahomet en 632.

    II est superflu d'insister sur la connexion entreI'histoire de la Cornrnunaute medinoise et les revela-tions recues it Medine par Mahomet. Celui-ci, en tou-tes circonstances, recoit d'En-Haut les directives quilui permettent d'affronter les difficultes, quelle qu'ensoit la nature, et de les toumer au de les resoudre.Sans doute ne devons-nous pas DOUS attendre it ce quela Vulgate nous foumisse l'histoire de cette Commu-naute ni une presentation des conditions dans lesquel-les celle-ci a elabore son devenir . A tout le moins ilest permis de poser que les textes medinois conserventavec plus au mains de nettete les traces de rapportsobscurs, mais puissants, entre les faits et leur echodans la Revelation. Celle-ci regit taus les actes de Ma-homet : elle a done des repercussions dans la vie desCroyants de plus en plus nombreux et divers, groupesen une lutte sans rnerci contre Ie Polytheisme, Plus quejamais, on Ie voit, l'interet se concentre pour nousdans la mise en evidence des themes de la Predication,

    L E M ESSA GE C OR AN IQ UE A . MED INE

    L'Emigration de Mahomet a Mediae, une oasis ahuit jours de marche au nord de la Mekke, en juil-let 622, ne consacre pas simplement un divorce avec IePolytheisme mekkois, Blle constitue une mutation fon-damentale, puisqu'elle s'accompagne d'une ruptureavec I'ancestralite tribale. Desormais l'Islaro va tendrea devenir un cadre social et religieux, au les Croyantsseront soumis a une loi nouvelle liee a la Revelationcoranique. La conversion rapide d'une partie de la po-pulation locale, suivie avec plus de reticence par lereste des Medinois, transforme Ie role assigne a Maho-met; celui-oi cesse d'etre un Blu du Seigneur pre-chant dans Ie desert) ; sans rien perdre de sa simpli-cite, il se sent devenir le chef d'une communautetheocratique qui, sous la pression des circonstances,manifeste ses exigences et necessite la definition empi-rique de regles et d'institutions rudimentaires (C o r an ,VIII, 20, 24; III, 29 /31 } . Merline n'est pas seulementpeuplee de Polytheistes convertis; trois petites com-munautes juives organisees sur Ie type tribal et partici-pant a la vie de l'oasis po s ent a Mahomet des preble-mes de coexistence. Les rapports avec les Mekkois nevont pas tarder d'autre part a degenerer en conflit de-clare; I'interception, par Mahomet et ses adeptes,d'une caravane revenant de Syrie, est le signal de laguerre entre les deux cites rivales ; une demonstrationde force organisee par certains chefs de l'oligarchie

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    Les revelations revues durant les dix annees del'apostolat itMediae sont it chercher dans 24 souratesd'etendue tres diverse et, de ce fait, fort disperseesdans la Vulgate; c'est ainsi que les plus longues setrouvent en tete du corpus (sourates II a V), tandis qued'autres, comme les sourates LXI au XCVIII, out prisplace respectivement vers le milieu ou vers la fin. Se-Ion leur ampleur, ces sourates sont naturellernentd'une structure tres differente, L'ensemble intitule laGenisse (Coran, II) illustre bien la diversite des sujetsgroupes, par l'entree en jeu de facteurs divers; it l'evi-deuce ici a ete reunie la matiere de plusieurs series detextes dont la factice juxtaposition reste apparente.Dans de nombreuses sourates on retrouve sans diffi-culte l'association d'idees qui a conduit it rapprocher,voire a disposer en une sequence satisfaisante pourI'esprit du temps, des revelations revues it Medinea des moments sans doute assez eloignes ; l'exempleIeplus remarquable est fourni par la sourate XXIV in-titulee la Lumiere, au sont successivement develop-pes quatre themes concernant soit l 'adultere, soit lesrapports de bienseance entre les deux sexes, puis deuxexposes sans lien avec ce qui precede, sur la lumierevenant de Dieu et sur sa puissance creatrice (ver-sets 34-56), suivis de nouvelles prescriptions sur la de-ference a l'egard des femmes du Prophete ; il n'estpoint douteux qu'ici ces dernieresdispositions consti-tuent nne revelation independante, sinon plus tardive,venant completer celles qu'on trouve au debut du cha-pitre ; pour tenue qu'eUe soit, la liaison des idees danseet ensemble se retrouve sans subtil effort.Dans le climat qui semble avoir e t e celui de M e -

    dine a ce moment et par Ie fait que desormais la per-sonne de Mahomet s'impose par Ie double prestige duProphete et du chef theocratique, la Revelation ac-quiert une valeur contraignante sans cesse croissante.Les sourates en portent temoignage par l'emploi fre-quent de la formule: Obeissez a Allah et a son Pro-phete !Par une hardiesse singuliere, l'imperatif divinne se dissocie plus de l'etre de chair qui en estI'executant. Les Croyants doivent s'incliner sans mur-mure. On percoit toutefois que I'ordre d'Allah se doitd'etre plus clair, plus developpe en sa formulation;volontiers une explication, sinon une sorte de justifica-tion, vient a l'appui des dispositions d'ordre divinoParailleurs, I'objet merne ou la cause qui provoque la re-velation organique au arbitrale appelle une reponseplus precise, marquee parfois par des retouches, descomplements ou des retours . On comprend quedans ces conditions, la forme des versets decele l'ache-vement d'une evolution cornmencee des la fin deI'apostolat a la Mekke ; I'ampleur des unites stylisti-ques fermees par une c1ausule est souvent remar-quable ; il n'est pas rare de rencontrer des versets dedix a douze lignes, ce qui pennet de developper sansgene certaines dispositions d'ordre juridique qui eus-sent souffert d'etre enoncees en des formes rythmiquesplus restreintes. La diversite du style est d'ailleurs sai-sissante dans les sourates medinoises ; a cote de nom-breux passages encore pleins de feu et de passion, cequi ramene a I'emploi de versets relativement courts,se rencontrent des developpements du genre de ceuxqu'on vient de signaler. En somme, aussi bien par Iestyle que par les sujets traites, les revelations recues aMedine attestent un perpetuel contact et une har-monie inalterable avec les exigences d'une predicationinseparable de la realite,

    puisqu'ils ant epouse la vie de la jeune communauteen ses formes multiples et contradictoires.

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    Durant la predication medinoise se retrouve natu-rellement un bon nombre des themes deja developpesa la Mekke. Les recits sur les Prophetes anterieurs re-viennent, ainsi que des admonitions aux Croyants oudes menaces aux Polytheistes. On conceit toutefoisque, dans la nouvelle conjoncture et devant les preble-mes qu'elle pose, l'inspiration reeue par Mahomet aitporte de preference sur d'autres themes d'une actualiteplus immediate.

    Pour projeter Ie maximum de clarte sur ces themespregnants, il semble normal de grouper ceux-ci enfonction des motivations qw le s ont provoques,

    Les themes en rapport avec la vie politique, les pro-blemes diplomatiques et les conflits annes sont evo-qu es tres souvent. A la difference toutefois des livreshistoriques conserves dans l'Ancien Testament, Ie Co-ra n ne presente pas les faits dans leur deroulementchronologique ou dans une perspective evenemen-tielle . D'une facon constante, les revelations trans-mises par Mahomet dans cet ordre d'idees oe contien-nent que des passages allusifs ou des developpementsde portee edifiante, Par 1a se justifient les doutes qu'ilest tOUjOUIS permis de nourrir a l'egard de tantd'interpretations ou la subtilite des exegetes solli-cite en permanence des traits coraniques contenantde virtuelles allusions; dans l'hypothese la plus favo-rable, celles-ci n'ont peut-etre He que des remarquesde portee generale ; ainsi dans ce passage de lasourate VIII :65/64 6Prophete l qu'Allah soit ton suffisant ainsi qu'auxCroyants qui t 'ont suivi !les commentaires ne parviennent pas a decider s'ils'agit du futur Callie 'Umar ou de I'ensemble descombattants de Badr. Au surplus, meme quand le

    trait. ~erere a un evenement decrit de facon circons-tanciee dans Ia Vie de Mahomet par exemple, onconstate que Ie passage allusif du Coran et la nar-ration d'allure biographique se situent sur deuxplans differents (v. p. 95), Le texte coranique viseconstamment Ii I'edification ; insoucieux de chro-no.logie, indifferent au detail pittoresque, a I'acces-SOlIe anecdotique ou frivole, il demeure un ensei-gnement, une source de meditation; Ie trait vise acon firmer Ie Croyant en sa foi et a confondrel'Impie sourd et aveugle en sa revolte,

    Tout ce qui est evenementiel dans le s donneeshistoriques est absent du texte revele a Mahomet lavictoire a .~te cance?ee par Allah et n'a ete rempa;teeque par I intervention des anges; si la defaite a eteepa~gnee a l:annee m~sulmane c'est parce qu'elleaV~lt c~nserve, e!l son sem des hommes pieux et dignesqUI ~valent mente. Ie secours du ciel. Cette conceptiondu role de la Providence dans les affaires humaines nedoit pas nous faire songer au r6le devolu aux dieuxdans l'epopee homerique : la divinite ne se mele pas aucombat, ce qui serait indigne de sa transcendance . elledemeure souveraine en son choix et les Croyantsn:a~rachent la vic.time a leurs ennemis que parce qu'ilsdetiennent la Vente et la Foi. On sent tout ce que plustard les theologiens rnu'tazilites partisans du Iibre ar-bitre pourront tirer d'une telle notion pour etayer leurdoctnne sur la creation de l'acte .

    On a vu (p. 45) que des avant 621 au 622, doneavant l'Emigration a Medine, la position abrahamistedu .Coran avait annonce un possible rapprochementdu jeune Islam et du Judaisme. L'installation du Pro-phete dans la cite rivaIe de la Mekke ne pouvait querenforcer cette tendance. Des textes importants recusa cette epoque confirment ces efforts. On peut done

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    parler d'un theme sur Ia coexist~nce judeo-islamique ;ainsi dans la sourate II, nous lisons :38/40 0 Fils d'Israel l, rappelez-vous Ie bienfait dont Jevous ai combles l Tenez fidelement le pacte enversMoi !Je tiendrai fidelement Mon pacte envers vous,Moi, redoutez-Moi !38/41 Croyez a ce que J'ai r e v e le a ce nouveau Prophetequi marque Ia veracite des messa~es q~e vous dete-nez !Ne soyez point les premiers a Ihre incredules ence nouveau message! Ne troquez point Mes aya a

    faible prix! Envers Moi, soyez pieux !(V. aussi, Coran , LXIV, 1-8; IV, 50,)Cette attitude coincide avec cette charte dont letexte nous a e t e conserve dans la V ie d e Mah,o ':Y Ie t,ou se trouve consacree juridiquement cette pohtJ9uede conciliation, Une annee s'ecoule et les prenuersfroissements se produisent entre Juifs et M~u!-mans' ca et la dans la Vulgate, on trouve des repli-ques A un p~rsiflage des Juifs a I'adresse desCroyants (Coran, IV, 48; V, 62, 63 ; LVIII,. 21-2~).L'opposition peu a peu s'~ccentu~ ; w ; clan israelitede Medine se resigne a emigrer ; bientot un s~rt plu,sdur est reserve a un autre groupe, Ies Nadir, qUI,pousses secretement par une faction arabe ralliee dubout des levres a l'Islarn, les Hypocrites, se revoltentcontre Mahomet et sont refoules sur ~a'ibar, aunord de Medine ; la sourate LIX, 1-7, dite ~eRas-semblement, expose les faits de la facon allusive queI'on sait en mettant 1'accent sur le mode de partagedu butm' fait sur les Nadir, A partir de ce moment larupture entre la communaute deli Croyants et lesJuifs medinois fut consommee : elle s'acheva parl'extermination d'un troisieme clan, celui des Qu-raiza, qui avaient pactise avec les Polytheistes mek-

    kois lors de la Guerre du Fosse (v, p. 47, 59) ; la en-core Ie Coran porte l'echo de cette tragedie (Coran,XXXIII, 26). A cette rupture politique s'ajoute unecondamnation maintes fois reprise centre les Juifssur l,e plan social et religieux ; le Coran denonce leu;pratique de I'usure (Coran, IV, 159/161) ; il leur re-proche d'avoir altere I'Ancien Testament en detour-nant de leur sens certains passages (Coran, II, 70175,73179 ; IV, 48/46) ; surtout il stigmatise leur attitudea Merline, ou leur aveuglement rejoint celui de leursancetres dans les siecles revolus (Coran, II, 87193 ;III, I?7/181 a 1811 184). Par voie de conseq uenee, ense detournant d'Israel, Mahomet est conduit amieux definir la conception arabe de l'Abra-hamisme ; Ie Coran insiste sur Ie role du patriarchebiblique lorsque s't.~tablit dans un lointain passe Jeculte de,la K~ba (Coran, II, 119/125 a 1 21 11 27 ) ; laMekke a partir de ee moment se substitue a Jerusa-lem comme point de direction des Orants dans laPriere canonique et la brusquerie avec laquelle reve-lation en fut donnee au Prophete de l'Islam montreit quel point ce bouleversement fut destine a frapperles esprits (Coran, II, 136/142 a 1471152).L'attitude du jeune Islam vis-a-vis des communau-tes chretiennes d'Arabie meridionale, les seules avec

    lesquelles Mahomet parait avoir eu des contacts suivis,a constitus aussi un problerne dont Ia solution resteplus nuancee dans la Predication. Durant une premierephase ce theme est developpe d'une facon claire' nullehostilite n'existe alors contre les adeptes de Jesus'; sansd.oute Ie dogrne de la Trinite est-iI condamne a plu-sreurs reprises, notamment dans la sourate IV :1691171 0 detenteurs de l'Ecriture J , ne soyez pas extrava-gants, en votre religion! Ne dites, sur Allah, que

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    la verite! Le Messie, Jesus fils de Marie, est seule-ment l'Ap5tre d'Allah, Son Verbe jete par Lui itMarie et un Esprit emanant de Lui. Croyezen Allah et en Ses Apntres et ne dites point: Trois! Cessez ! Cela sera un bien pour vous.Allah n'est qu'une divinite unique. A Lui ne plaised'avoir un enfant! A lui qui est dans les cieux etqui est sur Ia terre. Combien Allah suffit commeprotecteur !

    toutefois une incontestable attirance s'exprimedans un autre passage85/82 Tu trouveras certes que les gens les plus hostiles a

    ceux qui croient sont les Juifs et les Associateurs ettu trouveras que les gens le s plus proches de ceuxqu i croient, par l'amitie, sont ceux qui disent :Nous semmes chretiens. C'est que, parmi ceux-ci, se trouvent des pretres et des moines et que cesgens ne s'enflent point d'orgueil,86/83 Quand ils entendent ce que l'on a fait descendre versl'Apotre, tu les vois repandre des larmes, de leursyeux, a cause de ce qu'ils savent de verite. Tu les e.n-tends s'ecrier : Seigneur!, DOUS croyons! Inscns-nous done avec les Temoins! (Coran; V.)

    par leur foi et leur charite les religieux chretienspourront acceder au Paradis (Coran , II, 59 ; LVII,27; V, 88/85). C'est sans doute quand Mahometeprouve les premieres resistances du cote du mondebyzantin, notamment lors de l'echec de Muta, quela predication change et aboutit a une condaml'l:a-tion du Christianisme ; alors les adeptes du Christsont confondus avec les Juifs dans un marne ana-theme:1J41120 Ni les Juifs ni les Chretiens ne seront satisfaits detoi avant que tu suives leur religion. [...J Certes, si

    tu suis leurs doctrines pernicieuses apres oe qui estvenu a tal de Science, tu n'auras centre Allah nipatron ni auxiliaire. [...J1291135 Les Detenteurs de l'Bcriture ont dit : H Soyez Juifsou Chretiens I vous serez dans la bonne direc-tion. ) Reponds-leur : Non point! Suivez la reli-gion d'Abraham, un hanif qui ne fut point parmiles Associateurs.

    (Coran. II.)La politique de Mahomet contre les Polytheistes de

    la Mekke, entre 622 et 632, a inspire des themes depredication dont certains rappellent forcement ceuxqui avaient ete traites au cours des deux periodes ante-rieures a l'Emigration. Dans les sourates medinoisesse retrouvent done r ; : a et Ia I'amertume du Prophete prechant dans Ie desert (Coran, XXII, 43), descondamnations contre les Polytheistes iCoran, II,90/96; LXIV, 5/6; IV, 116), Ie rappel du Jugemen tDernier et de la Retribution selon les oeuvres (Coran,XLVII; IV, 59/56), Ia reaffirmation de l'unicite et dela toute-puissance divines. La reprise de ces themesn'implique pas d'ailleurs une repetition sans nuanceou sans reference a la nouvelle situation; souvent parexemple la description de l'Enfer ou du Paradis tend ase depouiller (Coran, IV, 60/57). Sur bien d'autrespoints au contraire l'insistance porte sur des aspectsnouveaux de la conjoncture ; Mahomet n'est plus pre-sente par exemple seulement comme l'Annonciateurdes temps nouveaux (v. p. 35). Le temps aidant, il estdemontre a l'oligarchie rnekkoise qu'une perceptionnette de ses interets lui dicte de hater une conversionfructueuse:10 Qu'avez-vous it ne point faire depense dans Ie Chemind'Allah, alors qu' Allah possede l 'heritage des cieux etde la terre? Ils ne seront point egaux ceux qui auront

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    (Coran, LVll.)

    s'ils De se soumettent pas la guerre sainte s'irnpose :40/39 Et combattez-Ies jusqu'a ce que ne subsiste plus detentation d'abjurer et que Ie Culte en entier soitrendu a Allah! S'ils cessent, ils seront pardonnes,car Allah, sur ce qu'ils font, est clairvoyant.41140 S'ils tournent Ie dos, sachez qu'Allah est votremaitre! Quel excellent maitre! Quel excellent auxi-Haire.

    attendu et ceux qui, parmi vous, auront fait depense etcombattu avant Ie .Sucees : ces derniers seront plushauts en hierarchic que ceux qui auront fait depense etcombattu apres Ie Sucees. A tous pourtant Allah pro-met la Tres Belle Recompense. Allah, de ce que vousfaites est informe,

    On ne saurait naturellement s'attendre it retrouverdans les themes concernant la lutte armee contre lePolytheisme mekkois une sorte de chronique des faits.L a r ev el at io n t ra n sm i se par Mahomet se place, on l'adit, sur un autre plan (v. p. 51). nest aise en revanchede grouper les elements thematiques representant le srapports entre la Divinite et les hommes, qu'ils soientcroyants au infideles, Allah est situe perpetuellementdans une transcendance qui desespere la priere nonjaillie du cceur ou la piete non fondee sur la crainte ;l'intervention divine est un fait normal mais non me-rite dans I'absolu; seule la foi et la constance en peu-vent faire beneficier les Croyants; ceux-ci doiventalors marquer leur gratitude envers Ie Tout-Puissantqui le s a seco uru s du fait de leurs merites. Cette posi-tion quietiste est assez bien definie par exemple dansun passage de la sourate III, qui coutient un ens ei gn e -ment a tirer des combats de Badr et de Uhud (Coran,In, 117 /121 -12 2 /127 ) . A regard des Polytheistes mek-kois, Allah n'impose pas u ne gu erre inexpiable; ic i en-core une, certaine lib erte d e ch oix est Ia isse e a ux e nn e-mis de Mahomet:3 9 1 3 S Dis it ceux qu i sont infideles que s'ils cessent, il leursera pardonne ce qui est passe. Si al l contraire Usre-commencent, ils seront chaties : Ie sort traditionneldes Anciensest revolu.

    (Cortin, VIII.)Dans tous ces evenements, Ie role tenu par Maho-

    met s'aureole d'un prestige qui ne tient pas unique-ment au genie de l'homme mais au fait qu'il est dirige,soutenu, inspire par Allah lui-meme. Les allusions re-latives a Hudaibiyya (v. p. 47) sont it cet egard sugges-tives tCoran, XLVIII, 10, 20).

    (Cora, VIII.)

    Cette preeminence de Mahomet nous apparait plussensible encore dans les themes traitant des problernesinterieurs, Les revelations recues alors sont ic i plusc1aires, plus evocatrices de details, de faits etroitementlies it I'exi