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Le ciel ouvert... Fraternités de Jérusalem http://jerusalem.cef.fr | © FMJ2010 «À la découverte de l’Apocalypse» avec les Fraternités de Jérusalem et le P. Yves-Marie Blanchard Parcours biblique été 2010

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«À la découverte de l’Apocalypse»avec les Fraternités de Jérusalemet le P. Yves-Marie Blanchard

Parcours biblique été 2010

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Parcours biblique 2010Présentation

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I

Pour cet été 2010, les Fraternités de Jérusalem proposent un parcours biblique avec un livre difficile mais passionnant : le Livre de l’Apocalypse. Témoin privilégié des balbutiements de l’expression de la foi, charnière

entre l’Ancien et le Nouveau Testament, ultime message de la Bible... l’Apoca-lypse est un livre essentiel que nous ne devons pas redouter d’ouvrir et que nous pouvons apprendre à goûter !

Pour baliser la route de cette aventure biblique estivale, nous partirons avec un bibliste – qui est aussi patrologue – : le Père Yves-Marie Blanchard, prêtre du diocèse de Poitiers et professeur d’exégèse et de patristique à l’Institut Catholique de Paris. Membre du Groupe des Dombes, il a longtemps dirigé l’Institut supérieur d’études œcuméniques à la Catho. Des compétences variées qu’il met au service d’un goût pour l’enseignement qui ne perd jamais de vue l’enracinement à la fois spirituel et ecclésial de la théologie.

Quelques-unes de ses publications récentes :

• Saint Jean, Paris, Les Éditions de l’Atelier, nouvelle édition enrichie, 2007, 158 pages.

• Yves-Marie Blanchard, É. Latour, F. Mirguet et B. Oiry (Eds), «Racon-ter, voir, croire. Parcours narratifs du quatrième évangile», Cahiers de la Revue Biblique n° 61, Paris, Gabalda, 2005, 90 pages.

• L’Apocalypse, Paris, Éditions de l’Atelier, (coll. «La Bible tout simple-ment»), 2004.

Comment allons-nous procéder ?

Le parcours biblique se déroule en 8 étapes (et peut donc occuper 8 jours !). Il ne s’agit pas d’un parcours linéaire à travers le texte mais de portes d’entrée, assorties de propositions de lectures pour chaque temps du par-cours, qui permettent d’aborder le texte sans se laisser dérouter ou décou-rager, et peu à peu, d’en goûter la saveur si particulière... Quelques «bonus» viendront agrémenter et compléter le parcours : articles complémentaires, notes de vocabulaire biblique, illustrations commentées...

1. Introduction : comprendre ce qu’est une «apocalypse»2. Au seuil du livre : visions et messages (Apocalypse 1-3)3. Les liturgies célestes et leur relation aux situations terrestres4. La suite des septénaires ou l’excès des malheurs terrestres5. Les métamorphoses de l’agneau, ou la royauté du Christ ressuscité6. Au-delà de tout dualisme, la victoire assurée de Dieu7. Splendeurs et misères de Rome, ou la chute attendue8. Conclusion du parcours : la Jérusalem céleste

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Parcours biblique 2010Présentation

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IIChaque étape (ou journée) du parcours se décompose en 5 temps :

Découvrir

C’est une présentation par le P. Yves-Marie Blanchard de la section ou du thème de l’étape. Les termes les plus importants ou difficiles sont com-mentés dans des encadrés dans la marge. Ce texte vous donne les clés qui vous permettent ensuite d’attaquer la lecture du texte proprement dit.

Lire

C’est le ou les passage(s) biblique(s) proposés à la lecture du jour : se-lon le thème de l’étape, il peut s’agir d’une lecture suivie ou bien de plusieurs passages sélectionnés pour illustrer le thème.

Prier

Aussitôt la lecture (voire la relecture !) biblique achevée, nous vous proposons une courte prière qui comprend une invocation à l’Esprit Saint pour que la fréquentation de la Parole de Dieu devienne savoureuse et porte du fruit.

Méditer

Un texte vous est ensuite proposé (contemporain ou bien des Pères de l’Église) pour prolonger votre méditation.

Contempler

Pour finir, un coup d’œil sur un détail du Commentaire de l’Apocalypse par le moine Beatus (manuscrit de Madrid, Xe siècle).

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Parcours biblique 2010Introduction

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DécouvrirDes clés pour comprendre...

Avant d’ouvrir le livre, il faut au moins préciser trois éléments nécessaires à sa compréhension ou, du moins, à éviter les contre-sens...

1. L’Apocalypse de Jean est un livre singulier, tant par le ca-ractère déroutant de son expression littéraire que par sa position remarquable : en conclusion de la Bible entière. Une lecture aver-tie est d’autant plus nécessaire que le mot «apocalypse*» est aujourd’hui galvaudé, avec une signification commune sans rapport avec la théologie biblique. En outre, l’autorité de l’Apocalypse jo-hannique est régulièrement invoquée pour justifier des modes de représentation et systèmes sectaires particulièrement dangereux. Enfin, de façon positive, l’Apocalypse est très appréciée des artistes qui, de tous temps, se sont essayés à mettre le texte en images. Les chrétiens ne sauraient donc ni l’ignorer ni la sous-estimer.

2. L’Apocalypse de Jean est incompréhensible indépendam-ment de son genre littéraire* (l’apocalyptique), très répandu dans le judaïsme «intertestamentaire» – c’est-à-dire, pour faire sim-ple, du Ier siècle avant ou du Ier siècle après J-C – et adapté à des situations de crise mettant en question l’identité du peuple élu, qu’il s’agisse de persécutions violentes ou, plus subtilement, d’assimila-tion douce du fait d’une société païenne omniprésente. De fait, le livre de Daniel (milieu du IIe siècle av. J-C) constitue la première grande apocalypse juive, mais on trouve beaucoup de fragments chez les prophètes (à commencer par Ézéchiel), ainsi que dans les évangiles, voire les épîtres. L’Apocalypse de Jean est contemporaine de plusieurs apocalypses juives de la toute fin du 1er siècle ap. J-C (4ème Esdras, Apocalypse syriaque de Baruch), à une époque de rai-dissement idéologique de la part de la société romaine.

3. Les règles du genre apocalyptique sont au moins doubles. Elles concernent à la fois l’espace et le temps.

- a) L’espace cosmique, traditionnellement réparti entre ciel et terre, conçus comme deux «mondes» hermétiquement clos, se trouve perturbé du fait de l’ouverture d’une brèche dans la voûte céleste. Dans le meilleur des cas, cette transgression a une valeur positive et constitue un événement de révélation (en grec : apoca-lypse), soit par «descente» d’un être d’en haut, soit par «montée» d’un être d’en bas. L’auteur et le lecteur se trouvent dès lors munis de clés d’interprétation «célestes» permettant de juger des événe-ments terrestres, déroutants ou dramatiques, selon le point de vue de Dieu.

Un genre littéraire est un ensemble de caracté-ristiques de fond et de forme qui forme une unité reconnais-sable et permet au lecteur de juger du statut d’un texte. La Bible connaît un grand nombre de genres littéraires différents. Les reconnaître permet de lire le texte avec les «bonnes lu-nettes» et donc de l’interpréter de manière juste...

Apocalypse signifie littéralement «dévoilement», un terme à rapprocher de celui de révélation. L’objet du livre est de révéler, c’est-à-dire de mettre en lumière, le mys-tère du Christ.

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Parcours biblique 2010Introduction

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2- b) Le temps historique se trouve lui-même doublement di-

laté : d’abord du côté de l’avenir (selon le procédé pseudépigra-phique donnant la parole à des hommes du passé, censés parler à propos du présent au futur) jusqu’à envisager la fin de toutes choses (eschatologie*) ; ensuite par retour sur le passé, y compris les récits d’origine relevant de temps mythiques (antédiluviens), tenus pour exemplaires de vérités universelles. Un personnage comme Énoch (monté au ciel, avant le déluge) possède la double qualifica-tion (spatiale et temporelle) et constitue un vecteur traditionnel des révélations apocalyptiques.

4. La visée des apocalypses n’est donc ni de prédire l’avenir,

ni de reconstituer le passé, mais bien plutôt d’adresser au lecteur un message visant l’urgence du présent. Il s’agit le plus souvent d’inviter à la «résistance» spirituelle face aux pressions sociales fortes, à la lumière d’une double conviction : Dieu a déjà maintes fois manifesté sa fidélité (exemple : le retour d’exil) et il n’y a pas lieu de douter de son soutien ; Dieu aura de toutes façons le dernier mot de l’histoire, si bien que l’espérance constitue la première force des communau-tés, juives ou chrétiennes, confrontées au paganisme triomphant et tentées de douter de tout, au sein d’un monde par ailleurs accablé de souffrances multiples (catastrophes naturelles et malheurs so-ciaux, complaisamment décrits dans l’Apocalypse johannique).

5. L’erreur serait de reporter sur le futur (principalement la fin du monde) un message au présent, énoncé au nom de Dieu, en face du peuple et avant qu’il ne soit trop tard, selon la triple étymo-logie du mot «pro-phète*». À plusieurs reprises, l’Apocalypse de Jean déclare le statut prophétique de la parole mise en images, et désigne son propre enracinement historique, notamment au travers des messages à sept Églises d’Asie Mineure (chap. 2 et 3), qui retar-dent d’autant le démarrage du scénario proprement apocalyptique (ouverture du ciel : 4,1-2).

Lire

Pour cette première étape introductive de notre parcours, il n’y a pas encore de passage de l’Apocalypse à lire aujourd’hui... On commence demain !

Prier

Seigneur, notre Dieu, Père des lumières, envoie sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer ton Fils Jésus Christ dans cette Parole qui vient de toi. Tu es le Dieu qui est, qui

était et qui vient et tu veux remplir mon histoire de ta présence aimante et glorieuse. Pour que je sache discerner la promesse de ton Royaume et m’y ouvrir pleinement, Seigneur, envoie-moi ton Esprit de Vérité. Amen.

L’eschatologie est, littéralement, la science des choses de la fin. Le mot grec «eskata», fin des temps, dé-signe la victoire du Christ sur la mort et, d’une certaine fa-çon, le terme et l’accomplisse-ment de l’Histoire. En théolo-gie on parle d’eschatologie et en langage biblique de la fin des temps. L’eschato-logie est donc l’étude des fins dernières de l’homme et du monde, de la résurrection, du jugement dernier.

Le prophète est d’abord celui qui reçoit la Paro-le de Dieu. La triple étymologie dont il est ici question renvoie à diverses interprétations du pré-fixe «pro». Il donne à la fois à comprendre que la parole est prononcée 1. au nom de Dieu, 2. face au peuple, 3. avant qu’il ne soit trop tard (et non avant l’événement lui-même, comme dans le cas d’une prédiction).

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Parcours biblique 2010Introduction

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3MéditerL’attente de l’accomplissement

Qu’est-ce que l’Apocalypse ? Un chant de catastrophe ? Pas du tout : un poème de triomphe, l’affirmation de la victoire finale des justes et le chant délirant du règne final de la plénitude.

Si elle évoque en formules impressionnantes la colère de Dieu, elle n’en souligne pas moins sa tendresse, sa patience, et elle parle à plusieurs reprises de la quantité innombrable des élus. En poussant à peine au paradoxe, on pourrait dire que pour le chrétien, seul mo-derne qui propose la fin du monde comme assurée, il n’y a pas de fin du monde. La fin du monde est la fin de ce monde, c’est-à-dire, somme toute, la fin de notre misère.

Le royaume de Dieu approche ! Soyons-en dignes dès main-tenant. Bien mieux, devançons-le. On voit que la véritable espérance chrétienne n’est pas évasion. L’espoir de l’au-delà éveille immédiate-ment la volonté d’organiser l’en deçà. Toutes les paraboles de l’Écri-ture, celle des vierges folles et des vierges sages, celle de l’invité aux noces qui n’a pas revêtu la tunique nuptiale, celle des talents et bien d’autres encore, convergent sur ce thème : l’au-delà est dès maintenant parmi vous, par vous, ou il ne sera pas pour vous. Ainsi pour le chrétien apocalyptique, l’idée de la fin des temps n’est pas l’idée d’un anéantissement, mais l’attente d’une continuité et d’un accomplissement.

Emmanuel Mounier

Contempler

Les images qui accompagnent notre lecture de l’Apocalypse sont extraites d’un manuscrit médiéval daté du Xe siècle, conservé à la Bibliothèque nationale de Madrid. Ce manuscrit reprend

en l’illustrant le célèbre commentaire de l’Apocalypse dû au moine Beatus, qui vécut au monastère Santo Torribio dans la deuxième moitié du VIIIe siècle. Beatus s’efforce, à travers l’Écriture, de mieux comprendre son temps. L’Espagne, qui vient de voir le terme du règne wisigothique, est déchirée par des hérésies qui menacent la vraie foi. Beatus voit dans cette contemplation lumineuse du Fils de l’homme venant sur les nuées, l’occasion de se convertir. «Nous verrons donc Dieu si nous nous convertissons, écrit-il en exergue de son commentaire. Aussi c’est une méthode de contemplation que nous imaginons».

Au Xe siècle, c’est un scribe du nom de Facundus, qui, après d’autres scribes ou copistes, se donne à son tour pour tâche d’illus-trer le Commentaire de Beatus. Il produit une œuvre d’une grande qualité et d’une rare luminosité. On la dit réalisée dans le scrip-torium de León, la capitale du royaume des Asturies au nord de

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Parcours biblique 2010Introduction

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4l’Espagne et destinée au roi Ferdinand Ier d’Aragon en personne. De nombreuses influences artistiques y sont repérables : carolingienne (avec les décors d’entrelacs qui encadrent chaque miniature), byzan-tine (l’ordonnancement des processions et la majesté des person-nages divins, toujours plus grands que les autres), musulmane enfin (comme en témoignent les représentations architecturales aux arcs outrepassés).

Le manuscrit mesure 360mm sur 280mm et contient 98 mi-niatures dont un grand nombre occupe une pleine page. Les bandes monochromatiques se retrouvent partout et rythment le manuscrit. Les personnages viennent s’y superposer, revêtus de couleurs sou-vent très vives. On remarquera en particulier la magnificence des ailes des anges, immenses et sortant parfois du cadre normalement imparti au dessin. L’image fait partie intégrante du message du ma-nuscrit : elle donne à chaque scène la plénitude de son sens et solli-cite l’imagination plus efficacement que ne le ferait le texte seul.

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Parcours biblique 2010Au seuil du livre

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DécouvrirAu seuil du Livre : visions et messages...

Les trois chapitres qui précèdent le lancement du scénario pro-prement apocalyptique (ascension du voyant et ouverture de la voûte céleste : 4,1-2) précisent les conditions du «pacte de

communication» et fournissent des clés de lecture pour l’ensemble du livre.

1. L’introduction générale (1,1-3) énonce la chaîne des lo-cuteurs : depuis Jésus lui-même, à la fois sujet (témoin*) et objet d’une révélation reçue de Dieu en personne, jusqu’au lecteur à voix haute, appelant la communauté à une écoute qui ouvre sur une pra-tique, sans oublier les intermédiaires que sont l’ange et le prophète serviteur, sans doute membre d’un collège. Or, la fonction propre du prophète Jean est de traduire en vision une parole divine qui, mise par écrit, retrouvera, à travers la lecture communautaire, son plein statut de parole. Ainsi le genre apocalyptique est-il bien une variante de la prophétie : sa source et sa finalité sont les mêmes ; la différence tient au mode d’expression privilégiant l’image. Quant à l’horizon temporel, il s’exprime d’abord au futur proche, comme dans le cas de la prophétie, l’objectif étant la conversion des lec-teurs-auditeurs.

2. L’adresse (1,4-8) précise les partenaires de cet échange : d’une part, Dieu lui-même, dans la plénitude de son être (conjonc-tion des temps ; perfection des Esprits ; royauté suprême et absolue) et, en quelque sorte, inséparable de Jésus Christ, lui-même revêtu de la symbolique divine, en même temps que Rédempteur et Sau-veur, comme l’atteste la référence explicite au mystère de la Croix (1,5) ; d’autre part, un groupe de sept Églises d’Asie Mineure, dont la réalité concrète manifeste l’enracinement historique du livre, sans oublier la dimension symbolique d’une totalité accomplie mais non exclusive (valeur du nombre sept). De fait, la déclaration finale (ver-set 8), imputée à Dieu lui-même, convient également à Jésus Christ tant est forte l’unité des deux figures, cependant distinguées (il s’agit encore ici d’une christologie élémentaire, qui s’exprime dans des catégories concrètes, imagées, et non pas abstraites).

3. La vision inaugurale à Patmos (1,9-20) rappelle le contexte historique large (persécution de Néron et/ou Domitien) et désigne le contexte proche, à savoir l’assemblée dominicale, vécue comme le lieu même d’une expérience «pascale» susceptible de dynamiser la communauté en situation précaire, en lui insufflant l’énergie spiri-tuelle nécessaire pour affronter l’épreuve (quelle que soit la nature de l’épreuve encourue). Surtout, elle revêt la forme d’une théo-phanie* (ou christophanie) manifestant la gloire divine du Ressus-

Une théophanie est une manifestation divine. Dieu se montre, comme le dit l’étymologie de ce terme. Il faut privilégier le lien avec l’idée de révélation plutôt qu’avec celle d’apparition. Dieu se révèle et le prophète traduit cette révéléation dans les catégories vi-suelles qui lui paraissent être les plus à même de pouvoir traduire ce qu’il reçoit.

Témoin : C’est un terme important dans le vocabulaire bi-blique. L’arche elle-même était dite «Arche du témoignage» dans l’Ancien Testament (cf. Exode 25,22 ; 30,6.26 ; 31,7 ; 39,35 ; 40,3.5.21 ; Nombres 4,5 ; 7,89 ; Josué 4,16). Dans le Nouveau Testament, et particulièrement dans les écrits johanniques, Jésus est désigné comme le témoin par excellence, celui qui «rend témoi-gnage à la vérité» (Jean 18,37) et mérite d’être appelé le «té-moin fidèle» (Apocalypse 1,5). «Témoin» traduit le mot grec «martyr» : c’est cette réalité que vit Jésus dans sa Passion et c’est à sa suite que marchent tous ceux qui lui rendent témoignage.

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Parcours biblique 2010Au seuil du livre

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6cité, en situation de juge suprême (personnage du Fils de l’homme), identifié à la Parole divine en elle-même, et de ce fait indissociable des Églises, non seulement dans leur figure céleste (les sept étoiles) mais également dans leur réalité terrestre (les sept chandeliers).

4. Les messages aux sept Églises, évoquées en cercle à partir d’Éphèse, (chapitres 2-3) s’inscrivent dans la tradition prophétique. L’énonciateur est le Christ lui-même dans sa gloire pascale. La des-cription des situations locales évoque aussi bien les points positifs (dont le martyre d’Antipas de Pergame) que les défaillances (telle la tiédeur de Laodicée), notamment du fait de dérives judéo-chré-tiennes (plutôt que strictement juives : Smyrne et Philadelphie) ou à l’inverse pagano-chrétiennes (les Nicolaïtes d’Éphèse et de Pergame, ainsi que la «Jézabel» de Thyatire), ultérieurement perçues comme pré-gnostiques (cf. Irénée). À chaque fois, l’ap-pel à la conversion se fait insistant, mais débouche sur autant de promesses d’un salut dont la plénitude accomplira une somme de figures bibliques : l’Arbre de vie au paradis, la Couronne de vie, la Manne cachée (et le mystérieux caillou blanc), l’Étoile du matin, le Vêtement blanc et le Livre de vie, le Temple et la Cité, enfin le Trône (avec une discrète allusion au repas eucharistique).

Ainsi les sept messages ont-ils pour effet de «récapituler» l’ensemble des Écritures, tout en préfigurant leur accomplissement au terme du livre, sans quitter le terrain concret de l’histoire (sept Églises réelles), ni cesser de désigner le mystère pascal du Christ mort-ressuscité comme la Clé de lecture, tant du livre entier (la Bible) que de l’histoire humaine en sa totalité.

LireApocalypse 1-3

Aujourd’hui nous vous invitons à lire les trois premiers cha-pitres du Livre de l’Apocalypse.

Pour aller plus loin, voici quelques textes à consulter pour approfondir les expressions suivantes :

«Arbre de vie»•< Genèse 2,9-3,24•< Apocalypse 22,12-19•< Proverbes 3,1-18

«Couronne de vie»•< Jacques 1,12

«Manne»•< Exode 13,1-36•< Deutéronome 8,2-5 •< Néhémie 9,15-23•< Jean 6,26-35

Au début de l’histoire du christianisme, l’Église est à la fois judéo-chrétienne, c’est-à-dire formée de juifs devenus chré-tiens, et pagano-chétienne, c’est-à-dire rassemblant aussi des chrétiens venus du monde païen. Ces deux provenances ont tendance à former des ensem-bles distincts dans l’Église : les divergences culturelles tendant à se transposer au plan rituel (ex. : la circoncision, le type de nourri-ture...).

Les Nicolaïtes sont des chrétiens à la foi quelque peu mêlée de considérations gnosti-ques. Pour les gnostiques, le salut réside non dans l’accueil de l’œuvre de rédemption accom-plie en Christ mais dans la par-faite connaissance de Dieu, celle-ci étant réservée à un petit nombre d’élus.

Jézabel est une reine impie. Femme d’Achab, roi de Sa-marie, elle a organisé le meurtre de Nabot dans le seul but de le dé-puiller de sa vigne pour la remettre à son mari Achab (cf. 1 Rois 21). Bien que celle de Ap 2,20 soit pro-bablement une prophétese nico-laïte, son nom est cité en référence à l’antique et triste exemple...

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Parcours biblique 2010Au seuil du livre

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Prier

Seigneur, notre Dieu, le temps est proche où tu viens dévoiler ton visage d’amour et de lumière ; envoie sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer ton Fils Jésus Christ dans

cette Parole qui vient de toi. Toi le Père du «Premier-né d’entre les morts», lui le «Maître de tout», accorde-nous de n’être pas trouvés tièdes au jour de sa manifestation. Que ton Esprit me fasse agir et grandir dans la foi en œuvre de salut. Amen.

MéditerLa maison de Dieu qui est l’Église

Dans les sept Églises auxquelles saint Jean écrivit en Asie, on entend l’unique Église catholique, en raison de l’esprit septi-forme de la grâce. Quant il parle de «témoin fidèle», il s’agit du

Christ qui a rendu témoignage sous Ponce Pilate. «Il a fait de nous, dit-il, un royaume et des prêtres pour Dieu» : par «prêtres pour Dieu», il entend l’Église tout entière, comme le dit saint Pierre : «Vous êtes une race élue, un sacerdoce royal» (1 P 2,9). Soit le Fils de l’homme, soit les sept chandeliers, soit les sept étoiles signifient l’Église avec sa tête, le Christ (…) En disant : «Il avait sept étoiles dans sa main droite», il voulu que l’on comprenne l’Église, car dans la droite du Christ est l’Église spirituelle, à laquelle, placée à sa droite, il dit : «Venez les bénis de mon Père» et le reste (Mt 25,34s). Donc les sept étoiles, c’est l’Église : nous avons dit en effet que l’Esprit aux sept dons lui a été donné par le Père, comme Pierre le dit aux juifs au sujet du Christ : «Exalté par la droite de Dieu, il a répandu l’Esprit qu’il avait reçu du Père» (Ac 2,33). C’est pourquoi il ne dit pas que les sept Églises qu’il appelle par leurs noms, sont les seules Églises ; mais ce qu’il dit à l’une, il le dit à toutes. Ainsi donc, soit en Asie soit sur toute la terre, les sept Églises sont toutes les Églises, et il y a une seule catholique, comme il dit à Timothée : «Voilà comment tu dois te comporter dans la maison de Dieu qui est l’Église du Dieu vivant» (1 Tm 3,15). (…)

«Au vainqueur je donnerai à manger de la manne cachée», c’est-à-dire du pain qui descend du ciel. Sa figure a été la manne dans le désert et, comme dit le Seigneur, beaucoup de ceux qui ont mangé «sont morts» (Jn 6,49.58). Mais maintenant quiconque mange indi-gnement «mange son propre jugement» (1 Co 11,29). Ce même pain est aussi l’arbre de vie. Nous pouvons par la manne entendre aussi l’immortalité. «Et je lui donnerai un caillou blanc», c’est-à-dire un corps tout blanc par le baptême. «Et sur le caillou un nom nouveau est écrit», c’est-à-dire la connaissance du Fils de l’homme. «Que personne ne connaît sinon celui qui le reçoit», bien entendu par révélation.

Saint Césaire, évêque d’Arles au VIe siècle

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Parcours biblique 2010Au seuil du livre

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Contempler

Cette image illustre la profession de foi de Jean qu’il adresse «aux sept églises qui sont en Asie». Sa composition proche de l’iconographie traditionnelle de l’Ascension peut surprendre.

En réalité, elle indique avec clarté que le Christ qui va venir – et qui vient déjà – dans la gloire est bien le même que celui que les apô-tres ont rencontré et suivi sur les Routes de Galilée jusqu’à ce qu’il disparaisse à leurs regards, au jour où il fut enlevé aux cieux.

Le Christ en majesté, en-touré de quatre anges, brandit le Livre des Écritu-res qui est aussi le Livre de Vie. Vêtu du rouge de sa Passion, il porte une étole noire en signe du sacrifice qu’il a lui-même accom-pli en sa propre chair et est enve-loppé d’une nuée obscure.

La sphère céleste, le monde de Dieu, est clai-rement séparé du monde des apôtres par une bande d’un jaune très vif : les deux univers sont net-tement distingués mais une figure majestueuse les rassemble : celle du Christ glo-rieux dont on ne sait dire s’il

monte ou s’il descend (ou bien les deux ?). On retrouve en écho la parole de Jésus adressée à Nathanaël au début de l’évangile de Jean : «Vous verrez les cieux ouverts et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme» (Jean 1,51).

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Parcours biblique 2010Entre terre et ciel

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DécouvrirLes liturgies célestes et leur relation aux situations terrestres

Aujourd’hui, zoom sur une des dimensions importantes du Livre de l’Apocalypse : la liturgie, ce temps que l’homme prend pour célébrer la grandeur de Dieu et recevoir de lui la bénédiction. L’Apocalypse est presque entièrement une grande liturgie : quelles leçons en tirer ? S’agit-il d’une fenêtre ouverte sur les liturgies du ciel, entrevues par le prophète, ou bien d’une projection des litur-gies contemporaines de la rédaction du Livre ? Ouvrons le livre...

1. Les liturgies célestes ont pour effet de placer la souverai-neté de Dieu au cœur du scénario apocalyptique, c’est-à-dire de faire de celle-ci la clé de lecture de l’ensemble de l’histoire. Ces représentations grandioses s’inscrivent dans la tradition de l’An-cien Testament. On y retrouve le symbolisme royal avec le trône et l’entourage d’une cour céleste (un divin conseil de 24 anciens : Ap 4,2.4), mais aussi la dimension cosmique (mise en scène des grandes théophanies, avec les images de l’orage : 4,5) et les ima-ges traditionnelles de la transcendance divine (lumière, blancheur, pierres précieuses : 4,3). Certains traits sont empruntés au dispo-sitif rituel du Temple de Jérusalem (le grand bassin, appelé «mer de cristal» ; les sept lampes : 4,5-6). D’autres éléments sont issus des apocalypses juives antérieures, surtout Ézéchiel : figures des quatre Vivants, symbolisant l’universalité de la royauté divine (4,6-8), ou en-core évocation des sept Esprits, suggérant l’infinie sagesse de Dieu (4,5). Les mêmes éléments se retrouvent, avec quelques variantes dans les autres scènes de liturgies célestes, aux chapitres 7, 15, 19.

2. Les liturgies célestes accordent une place centrale au Christ, en accord avec l’adresse initiale (1,4-8) et la vision inaugurale de Patmos (1,10-20).

• Au chapitre 5, il est intronisé comme le Messie vainqueur (5,5) seul habilité à recevoir et ouvrir le livre des secrets divins (5,6‑7). Il affirme de ce fait son caractère divin (5,6) et fait l’objet d’un véritable culte (5,8.14).

• Au chapitre 7, il est étroitement associé au trône divin (7,9-10) et exerce concrètement la royauté messianique sur la foule des élus issus de toutes les nations (7,17).

• Au chapitre 15, le Christ, toujours représenté sous la fi-gure royale de l’Agneau*, est célébré (15,3) par les vainqueurs du combat eschatologique, lui-même inauguré par une sorte de liturgie guerrière en l’honneur de l’Agneau (14,1-5).

• Enfin, au chapitre 19, la chute de Babylone est célébrée au ciel, dans une liturgie de louange, adressée à Dieu (19,1-4) comme un prologue au rituel des noces de l’Agneau (19,5-9).

Le titre d’Agneau – que l’Apocalypse applique au Christ – a une longue histoire biblique. Dans l’Ancien Testament, l’agneau évoque essentiellement la victime sacrificielle : celle qui est offert pour célébrer la Pâ-que (Exode 12) ou celle qui est conduite à l’abattoir pour y être immolée en portant le poids des fautes du peuple pour l’en rache-ter (Isaïe 53). Le thème est repris par la théologie johannique, dans l’évangile d’abord où Jean désigne Jésus comme «l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde» (Jean 1,29), puis dans l’Apoca-lypse. Le caractère messianique de ce titre est donc propre au Nouveau Testament qui reconnaît dans Jésus la victime offerte en sa-crifice pour le salut de tous. Mais l’Agneau de l’Apocalypse n’est ni d’abord douloureux ni perdant, c’est un Agneau vainqueur, sur qui repose la puissance divine.

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103. Les liturgies célestes ne sont pas fermées sur elles-mê-

mes. Elles intègrent une succession d’acclamations et d’hymnes qui proviennent manifestement des liturgies terrestres, pratiquées par la communauté chrétienne, elle-même héritière de la piété juive, avec ses formulations caractéristiques, dont certaines sont conser-vées en langue hébraïque (Amen, Alléluia). Cette série de fragments hymniques ou «cantiques» (4,8 ; 4,11 ; 5,9-10 ; 5,12 ; 5,13 ; 7,12 ; 15,3-4 ; 19,6-7) est non seulement une trace des plus anciennes liturgies chrétiennes, mais elle constitue un trésor toujours vivant dans l’Église, notamment à travers la Liturgie des Heures.

4. Le statut des liturgies célestes de l’Apocalypse est donc «mixte», à l’instar de tout le livre. Quoique situées au ciel, elles sont le reflet des liturgies chrétiennes de la terre, à la fois centrées sur le Christ ressuscité et nourries de la piété juive ancienne à travers la persistance de nombreux motifs issus de l’Ancien Testament. Elles sont aussi le modèle d’un univers appelé à trouver en Dieu unité et harmonie (thème de la «récapitulation», tiré d’Éphésiens 1,10 et développé entre autres par Irénée de Lyon), par la médiation de l’Église, non plus seulement comme institution terrestre mais comme figure eschatologique – qui doit advenir – de l’humanité réconciliée en elle-même et rassemblée au cœur de Dieu.

LireApocalypse 4-5

Les chapitres 4 et 5 nous offriront aujourd’hui de quoi dé-couvrir le style coloré et chargé de symboles des liturgies célestes décrites par le Livre de l’Apocalypse.

Pour aller plus loin, voici quelques textes à consulter pour approfondir les expressions suivantes :

«Les Quatre Vivants»Ces images étonnantes, issues de l’apocalyptique vétéro-

testamentaire, représentent les 4 anges qui président au gouver-nement du monde. Elles ont été reprises par la tradition chrétienne pour désigner les 4 évangélistes.

•< Ézéchiel 1,1-25

«Le Trône»Il désigne la présence, voire l’être même de Dieu.

•< Isaïe 6,1-4•< Ézéchiel 1,26-28

«Le livre»C’est le signe de la parole divine adressée à l’homme mais

que celui-ci n’est plus capable de recevoir ni de comprendre.

•< Ézéchiel 2,1-10 ; 3,1-15

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11Prier

Seigneur, notre Dieu, tu es le Dieu qui parle à l’homme. Sois béni d’avoir donné à l’homme de pouvoir te louer en joignant sa voix à celle des anges qui sans cesse chantent ta gloire.

Envoie encore une fois sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer ton Fils Jésus Christ dans cette Parole qui vient de toi. Que je sache discerner ton œuvre de salut dans le monde et t’en rendre grâces en tout temps. Amen.

MéditerLe Christ, maître de chœur de la liturgie céleste

Dans la vie éternelle, nous contemplerons avec les yeux de l’intelligence la Gloire de Dieu, de tous les anges et de tous les saints, en toutes manières que nous voudrons. Mais au

dernier jour, au jugement de Dieu, lorsque nous ressusciterons avec nos corps glorieux par la puissance de notre Seigneur, ces corps seront resplendissants comme la neige, plus brillants que le soleil, transparents comme le cristal. Le Christ, notre chantre et maître de chœur, chantera de sa voix triomphale et douce, un cantique éternel, louange et honneur à son Père céleste. Tous, nous chan-terons ce même cantique d’un esprit joyeux et d’une voix claire, éternellement et sans fin. La gloire de notre âme et son bonheur rejailliront sur nos sens et nos membres ; nous nous contemplerons mutuellement de nos yeux glorifiés. Alors, nous entendrons, nous dirons, nous chanterons la louange de notre Seigneur avec des voix sans défaillance. Le Christ nous servira ; il nous montrera son visage resplendissant et son corps glorieux portant les marques de la fidé-lité et de l’amour. Ravis hors de nous-mêmes dans la gloire de Dieu, qui est infinie, sans mesure, nous jouirons avec lui éternellement et sans fin.

Le Christ, dans sa nature humaine, mènera le chœur de droi-te, car il est ce que Dieu a fait de plus élevé et de plus sublime : à ce chœur appartiennent tous ceux en qui il est vit, tous ceux qui vivent en lui. L’autre chœur est celui des anges ; mais, bien qu’ils soient plus nobles en nature, nous avons été dotés d’une façon plus sublime en Jésus-Christ avec qui nous sommes un. Lui-même sera le Pontife suprême au milieu du chœur des anges et des hommes devant le trône de la souveraine majesté de Dieu. Et il offrira et il renouvellera devant son Père céleste, le Dieu tout-puissant, toutes les offrandes qui furent jamais présentées par les anges et par les hommes ; sans cesse elles seront renouvelées et elles demeureront fixées dans la gloire de Dieu.

Ruysbroek l’Admirable, au XIVe siècle

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12Contempler

Le cercle entouré de 24 étoiles blanches dans lequel s’inscrit cette représentation des Quatre Vivants et de l’Agneau vise à évoquer la voûte céleste, au centre de laquelle trône l’Agneau, à

l’intérieur d’un médaillon rouge sang. Deux objets l’accompagnent : la croix qu’il brandit non comme un instrument de torture, mais comme le trophée de sa victoire, et un coffret doré qui rappelle l’arche d’alliance.

Les Quatre Vivants qui entourent l’Agneau reprennent des figures familières au judaïsme ancien : il s’agit de désigner la cour majestueuse qui entoure le Seigneur des mondes, lui qui domine sur tout l’univers, animaux y compris.

Les 24 vieillards ne sont que représentés par les 12 person-nages qui ont réussi à se trouver une petite place entre les vivants : 3 par 3, ils chantent, au son de la harpe ou de la cithare, ou encore prosternés de tout leur long, la louange du Dieu trois fois saint, dont la présence est clairement signifiée par le trône qui domine tout le dessin. Le Fils de l’Homme y siège, tenant à la main le livre scellé que lui seul est apte à ouvrir et à déchiffrer.

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Parcours biblique 2010Le 7 symbolique

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DécouvrirLa suite des septénaires ou l’excès des malheurs terrestres

Procédé à la fois rhétorique et symbolique, le septénaire est peut-être l’une des particularités les plus étonnantes et les plus dérou-tantes du Livre de l’Apocalypse. Pour nous familiariser quelque peu avec elle et en découvrir le sens, ouvrons le livre...

1. Le symbolisme du nombre 7 est présent tout au long du livre de l’Apocalypse. Il désigne aussi bien la totalité des Églises (1,4), symbolisées par les sept étoiles (1,16.20) et les sept candélabres (1,12.20), que la perfection de la sagesse divine (les sept Esprits de Dieu : 1,4 ; 5,6) ou encore la somme des secrets et desseins de Dieu inscrits dans le livre aux sept sceaux (5,1). Il constitue un principe de composition par enchaînement : des sept sceaux aux sept trom-pettes, dont découlent les sept fléaux et les sept coupes.

2. Le septénaire des sceaux s’ouvre par le défilé de quatre chevaux aux couleurs contrastées (chapitre 6). Si trois d’entre eux évoquent sans hésitation les grandes catastrophes sociales que constituent la guerre (cheval rouge), la crise économique (cheval noir) et l’épidémie (cheval vert), en revanche le premier cheval paraît ambigu : associé aux trois autres, il semble doté du même pouvoir de destruction, mais sa couleur blanche* évoque la lumière divine et anticipe la pleine manifestation du Messie justicier et vainqueur des puissances du mal (19,11-16). L’ouverture du cinquième sceau révèle le supplice infligé aux martyrs, tandis que le sixième sceau ouvre la vision de grands cataclysmes naturels, tremblements de terre et raz de marée. Le septième sceau marque un temps d’arrêt (8,1), mais auparavant le chapitre 7 a déployé le tableau radieux du triomphe des élus, issus des deux peuples que sont l’Israël des douze tribus et l’Église des nations. Ainsi, aux deux termes du septénaire des sceaux, tant le caractère ambigu du cheval blanc que la vision des élus introduisent une part d’espérance parmi les malheurs tant sociaux (guerre, récession, épidémie) que naturels (cataclysmes).

3. Le septénaire des trompettes (chapitre 8 et 9) marque un deuxième temps dans l’évocation des malheurs terrestres. Ce sont d’abord quatre cataclysmes inspirés des plaies d’Égypte* : grêle de feu, mer de sang, eaux amères, obscurcissement des astres. Malgré leur force destructrice, de tels fléaux n’atteignent que le tiers des éléments : il reste donc une bonne part d’espoir… Puis l’invasion des sauterelles (sous l’image surréaliste d’une cavalerie blindée) et le déferlement d’une cavalerie fantastique, guidée par les quatre anges exterminateurs, suggèrent la menace d’une «guerre totale», extrêmement dévastatrice (quelle modernité !). Après tant d’horreurs, une pause bienfaisante (chapitre 10) permet d’entendre

Les plaies d’Égypte sont les catastrophes dont l’Égyp-te fut frappée lorsque le Pharaon refusa de laisser partir Israël. L’Écriture les présente comme le châtiment envoyé par Dieu pour punir Pharaon de son endurcisse-ment en même temps que l’oc-casion de se convertir pour que cessent les fléaux, mais Pharaon ne se laisse pas fléchir... (cf. Exode 7,14 à 12,41 et la relecture pos-térieure en Sagesse 11,14-20 et 16 à 19)

Dans la langue biblique, la blancheur est le signe de la sainteté, voire de la divinité. L’an-cien qui s’assied sur le trône de la vision de Daniel 7 porte un «vê-tement, blanc comme la neige», tout comme apparaît le vêtement du Christ transfiguré sur le mont Thabor : «d’une telle blancheur qu’aucun foulon sur terre ne peut blanchir de la sorte» (Marc 9,3). Dans l’Apocalypse, le blanc est la couleur du caillou que reçoit le vainqueur (2,17), des vête-ments des vainqueurs (3,5), des 24 vieillards (4,4) ou des mar-tyrs (7,13), et même du «Trône» (20,11).

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14sept tonnerres censés annoncer la suite, à savoir le déclenchement du scénario eschatologique, c’est-à-dire le dernier combat contre le mal avec l’implication directe de Dieu (11,15-19). Entre temps, le prophète visionnaire aura reçu confirmation de sa mission (10,8‑11) par l’ingestion du livre, à la façon d’Ézéchiel. Il lui aura aussi été révé-lé le sort à la fois douloureux et glorieux de deux martyrs chrétiens (11,1-13), qui pourraient bien être Pierre et Paul, tout en reprenant les traits de Moïse et Élie.

4. Le septénaire des coupes (chapitres 15 et 16) marque l’aboutissement du processus de violence et le passage à la phase finale consistant dans la pleine victoire de Dieu (15,1‑5). Il s’agit d’une nouvelle série de «plaies» à la façon de celles d’Égypte : ulcè-res pernicieux, mer de sang, fleuves de sang, chaleur extrême, ténè-bres ; puis assèchement de l’Euphrate ouvrant la voie aux invasions barbares ; enfin cataclysme général (séisme et grêle) entraînant la ruine de Babylone*, la Cité mère de tous les excès. Dans cette phase préparatoire à l’ultime et décisif affrontement, il est clair que les châtiments sont ciblés et visent d’abord les méchants, coupa-bles d’idolâtrie (16,2.9.11.14) et redevables du sang des martyrs (16,5-7). L’entrée en scène de Babylone ouvre le volet «politique» d’un message radicalement hostile à toute forme de totalitarisme, perceptible à travers les excès du règne de Domitien.

LireApocalypse 6-7 (et 8,1)

En parcourant aujourd’hui les chapitres 6 et 7 (on peut aller jusqu’au verset 1 du chapitre 8 !), nous nous ferons une idée de ce rythme du septénaire propre à l’Apocalypse.

Pour aller plus loin, voici quelques textes à consulter pour approfondir les expressions suivantes :

«Le Jour de la colère»La «colère de Dieu», expression biblique qui fait parfois dif-

ficulté, doit être comprise comme l’avènement de la justice en faveur des pauvres et contre les «méchants». C’est donc la fin de la domination du mal.

•< Isaïe 13,1-22•< Sophonie 2,3-7•< Ézéchiel 39,1-29

La promesse du bonheur eschatologiqueIl ne s’agit pas ici d’une expression mais d’un ensemble de

caractéristiques puisées par l’Apocalypse dans la littérature pro-phétique pour décrire le bonheur promis à ceux qui auront suivi l’Agneau jusqu’au bout.

•< Isaïe 49,8-26

Babylone, dont le nom signifie «La Porte des dieux», est la capitale du grand ennemi d’Is-raël : l’Assyrie. C’est vers elle que le peuple a été déporté à la fin du VIe siècle A.C. À ce titre, elle symbolise le mal, l’oppression. Dans l’Apocalypse, elle finit par se confondre avec la «nouvelle Babylone», capitale du nouvel em-pire qui opprime la jeune Église : Rome.

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Parcours biblique 2010Le 7 symbolique

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15Prier

Seigneur, notre Dieu, tu es le maître du temps et de l’histoire. Tout est dans ta main et tu nous conduis vers la promesse d’un bonheur d’éternité. Envoie sur moi ton Esprit Saint, afin

que je puisse rencontrer ton Fils Jésus Christ dans cette Parole qui vient de toi et que je sache lire dans ma propre vie les traces de ton amour et de ta providence qui, toujours, me conduit. Amen.

MéditerQuand le schéol sera détruit par la Résurrection

Quand la création s’embrasera dans la chaleur du tremblement, le monde tout entier sera saisi d’effroi, oublieux des siens. Le tremblement dans sa puissance, secoue les hommes ; puis

aussitôt, se tourne avec sa force vers les œuvres. D’un fort tremble-ment, il renverse la maison sur ceux qu’elle abrite, et lance l’édifice démembré sur ceux qui l’ont construit. Pour les détruire, il jette les maisons sur leurs habitants et fait tomber sur leurs propriétaires les maisons disloquées. Avec la force, il pulvérise les beaux sanc-tuaires et leurs ornements, disperse et jette bas les palais et leurs appartements. Il envoie sa voix sur les cours et les dévaste, passe en volant dans les cités et les renverse. Il renverse et met en pièces les puissantes montagnes et les jette bas ; les roches escarpées, il les brise, les renverse, les abat et les réduit en miettes. Il gronde la mer puis l’assèche, comme c’est indiqué ; et de sa voix dévaste les fleuves ainsi qu’il est écrit. Il déchire et fait tomber la couronne de lumière placée au firmament, et disperse dans la ténèbre ses signes pleins d’éclat. Il impose un terme aux roues du soleil pour qu’elles ne tournent plus et la course s’arrête qu’il menait jusqu’aux confins. Il enchaîne et fait tomber la lune et l’orbite qu’elle parcourait, et l’arrête pour qu’elle ne se déplace plus en changeant d’aspect. Les étoiles tombent comme les figues du haut des arbres, et le vaste espace de leurs rayons s’obscurcit et disparaît. Les cieux s’usent comme un vêtement très ancien, et tombent et descendent, se sui-vant comme un manteau. Le soleil est là, dépouillé de ses rayons, et la lune déchire le voile de la lumière qui l’enveloppait. L’air se dépouille de la couleur dont il était couvert et la rejette, et, dans la douleur, revêt de tristesse la création.

Alors tout à coup les douleurs s’abattent sur la terre, pour qu’elle enfante et mette au monde les enfants cachés dont elle est grosse. Toute la terre gémit, comme une femme dans les douleurs, pour mettre au monde la foule des enfants qui sont cachés en elle. Comme des sources les tombeaux vomissent les morts qui sont en eux, les rochers s’ouvrent pour faire place à des multitudes. (…)

Ce jour-là ce n’est pas en vision qu’agit le Premier-né, et ce n’est pas selon la ressemblance ni selon la figure qu’il fait se lever les morts. Il disperse les montagnes mais rassemble les os qui étaient

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Parcours biblique 2010Le 7 symbolique

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16dispersés ; il fait disparaître les collines, mais édifie les corps des hommes. Il met un terme à la terre mais forme les corps pour les renouveler ; il dépouille la terre mais fait venir les corps pour les agencer. (…)

La force marche au-dessus du ventre de la mort insatiable, il le fait éclater et en fait sortir, non corrompue, sa nourriture. La voix de la résurrection déracine le schéol et le disperse, les murs s’écroulent, et le peuple sort, qu’il tenait emprisonné. Car la mort insatiable a été engloutie dans l’innocence, le schéol a été détruit par la résurrection pour n’être plus habité.

Jacques de Saroug, au Ve siècle

Contempler

C’est l’univers que l’artiste a ainsi voulu repré-senter, ceinturé par les océans que parcou-rent de gros poissons dont on ne distingue

que le squelette. L’opposition franche des cou-leurs – jaune et rouge pour la terre, noir pour

les océans – trahit le danger auquel sont ex-posés les personnages enserrés par les flots ténébreux. Ils se pressent les uns contre les autres, entourés par cinq anges. Qua-tre d’entre eux, qui se tiennent aux qua-tre points cardinaux, dépourvus d’ailes, tiennent à la main d’étranges filaments blancs visant à représenter les vents dont ils retiennent le pouvoir des-tructeur. Le cinquième ange descend du ciel la tête en bas avec l’ordre d’attendre pour «malmener la terre et la mer» que les «serviteurs de Dieu» aient été «marqués au front» par le «sceau du Dieu vivant». Ce sceau, qu’il tient en sa main, a la forme d’une croix – la même que celle qui accompagne l’Agneau partout où il apparaît sur les miniatures. Comme en procession, les prémices des 144 000 s’avancent, dans des tenues colorées qui supprime toute raideur à leur alignement pourtant parfait.

Quelques taches blanches – la couleur de la divinité et de tout ce qui s’en rapproche –

ressortent : les pieds, bien ordonnés, les mains dont certaines brandissent les palmes de la louan-

ge, et les visages dont les yeux grand ouverts signifient davantage l’émerveillement que l’effroi.

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Parcours biblique 2010Les métamorphoses de l’Agneau

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DécouvrirLes métamorphoses de l’Agneau, ou la royauté du Christ ressuscité

Le Livre de l’Apocalypse est le témoin des premiers balbutiements de la christologie : une christologie en images et en figures, parmi lesquelles se distingue celle de l’agneau...

1. L’expression «agneau de Dieu» est une exclusivité johan-nique : elle figure à deux reprises dans la bouche de Jean-Baptiste (Jn 1,29.36), pour désigner Jésus dans un contexte «royal» marqué entre autres par les titres «Fils de Dieu» et «Roi d’Israël» (Jn 1,49) traditionnellement associés à la figure du Messie (Jn 1,41), attendu pour libérer le peuple et supprimer le mal dans le monde (Jn 1,29). Toutefois, l’emploi du mot grec amnos (au lieu de arnion, qui sera de règle dans l’Apocalypse) suggère un rapprochement avec la figure de l’agneau pascal (voir 1 Pierre 1,19), ainsi qu’avec le serviteur souffrant d’Isaïe 52,13 – 53,12, précisément comparé à un agneau (Isaïe 53,7 ; voir Actes 8,32). De fait, la suite du quatrième évangile, notamment dans le récit de la Passion, montrera à quel point la royauté de Jésus est différente des pouvoirs humains et trouve sa véritable expression à l’heure de la croix (Jn 18,32-37).

2. Dans l’Apocalypse, le mot «agneau» (arnion) est omnipré-sent : à 26 reprises, dont 25 fois pour désigner le Christ en person-ne, constituant ainsi un trait caractéristique de ce livre. Sa première apparition, au chapitre 5, associe la royauté (proximité du trône) et le sacrifice (égorgé). Surtout son caractère divin est clairement énoncé (les sept Esprits de Dieu : 5,6). À ce titre, il figure au centre de la liturgie céleste et fait l’objet d’un véritable culte (5,8-9). Les trois cantiques successifs (versets 9-10 ; 12 ; 13) célèbrent en lui le Sauveur universel et la clé de compréhension des Écritures, à travers l’ouverture des sceaux du livre (accomplie en 6,1). Il s’agit bien du Christ dans son mystère pascal, certes livré à la mort, mais exalté à la droite de Dieu : il est le libérateur, accomplissant ainsi la figure de l’agneau pascal.

3. Les allusions suivantes à l’agneau confirment son carac-tère royal et sa présence au plus près de Dieu (6,16 ; 7,9). Il est acclamé au même titre que Dieu (7,9-10 ; 15,3), en tant que Sauveur des hommes, tant les justes de l’Église (7,14) que les foules des na-tions (13,8). Il tient la place du Roi Messie, évoqué sous la figure du pasteur (7,17). Son sang versé est, comme dans le cas de l’agneau pascal, le signe du salut donné en priorité aux martyrs (12,11). Les cornes qu’il porte (il s’agit donc plutôt d’un jeune bélier !) sont une marque royale, au besoin usurpée par la Bête (13,11). Il prend la tête de l’armée des justes (14,1.4.10) pour un ultime combat contre les

Le titre d’agneau que l’Apocalypse attribue au Christ, est une bonne porte d’entrée dans la théologie de ce livre : théologie de l’image par excellence. C’est à tra-vers une histoire racontée et des images animées que le lecteur est peu à peu conduit à reconnaître en celui qui «se tient sur le Mont Sion» (Ap 14,1), l’égal de Dieu digne d’une même adoration et d’une même gloire. La figure de l’agneau doit être interprétée en lien avec toutes ses occurrences bibliques, si on veut ne la priver d’aucune des ses harmoniques.

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Parcours biblique 2010Les métamorphoses de l’Agneau

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18forces du mal, figurées par la Bête (14,10). Au terme du combat, il reçoit la titulature royale universelle (17,14) et se trouve à la tête du peuple des fidèles, définitivement vainqueurs de la Bête et de ses complices terrestres (les sept rois de Rome).

4. La carrière de l’agneau ne se limite pas au registre militaire, symbole du combat eschatologique contre les forces du mal. Elle s’accomplit dans un rituel de noces, annoncé dès la fin des combats (19,7.9). De fait, les dernières pages du livre sont consacrées à l’évo-cation radieuse des noces de l’agneau, dont l’épouse resplendissante, confondue avec la Cité sainte, la Jérusalem céleste (21,9), figure aussi bien l’Église des martyrs et des saints que l’humanité elle-même, sanctifiée dans le Christ et unie à lui par le mystère de l’Alliance. Le Christ Agneau est la figure centrale de cette Cité sainte : il en est aussi bien le fondement (21,14) que le temple (21,22) ; il éclaire la Cité (21,23) et veille sur les élus, inscrits au livre de vie (21,27) ; il est lui-même avec Dieu la source de cette vie nouvelle (22,1).

5. Ainsi l’agneau de l’Apocalypse est-il une figure complète du Christ, dans toutes les facettes de son être et de sa mission, de-puis la Croix jusqu’à l’Heure du plein accomplissement, au-delà de l’histoire. Cette image, remarquablement riche, inspirera largement les artistes de l’âge roman.

LireApocalypse 13,1-14,4

Ce sont les chapitres 13 et 14 (jusqu’au verset 4 seulement) qui guideront notre méditation de ce jour. Deux figures s’y affron-tent : celle de l’Agneau et celle de la Bête.

Pour aller plus loin, voici un texte à consulter pour approfon-dir l’expression suivante :

La «Bête»La «bête» est la figure de l’anti-christ. L’univers animal est

mis en scène pour singer le monde des hommes, un peu comme le font les mythes, les fables ou... certaines émissions de télévision !

•< Daniel 7,1-28

Prier

Seigneur, notre Dieu, tu es l’Agneau dont le sang a fécondé les entrailles de la terre. Toi qui viens nous tirer de l’esclavage de la mort et du péché, envoie sur moi ton Esprit Saint, afin que

je puisse te rencontrer dans cette Parole qui vient de toi et que je puisse me mettre réellement à ta suite, dans l’espérance et la joie d’être sauvé. Amen.

666 : le chiffre a beau-coup suscité l’imagination et les fantasmes... Il n’a ni histoire ni symbolique biblique particulière ; on ne le rencontre que deux fois dans toute la Bible : au livre d’Es-dras qui, dénombrant les enfants d’Israël de retour d’exil, compte 666 fils d’Adoniqam ; et au livre de l’Apocalypse (13,18). Il s’agit probablement d’une transposition chiffrée du nom de César, vérita-ble anti-christ.

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Parcours biblique 2010Les métamorphoses de l’Agneau

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19MéditerC’est lui l’agneau

Bien des choses ont été annoncées par de nombreux prophè-tes en vue du mystère de Pâques qui est le Christ : à lui la gloire dans les siècles. Amen.

Conduit comme un agneau et immolé comme une brebis, il nous a délivrés de l’idolâtrie du monde comme de la terre d’Égypte ; il nous a libérés de l’esclavage du démon comme de la puissance de Pharaon ; il a marqué nos âmes de son propre Esprit, et de son sang les membres de notre corps.

C’est lui qui nous a fait passer de l’esclavage à la liberté, des ténèbres à la lumière, de la mort à la vie, de la tyrannie à la royauté éternelle, lui qui a fait de nous un sacerdoce nouveau, un peuple choisi, pour toujours. C’est lui qui est la Pâque de notre salut.

C’est lui qui endura bien des épreuves en un grand nombre de personnages qui le préfiguraient. C’est lui qui en Abel a été tué ; en Isaac a été lié sur le bois ; en Jacob a été exilé ; en Joseph a été vendu ; en Moïse a été exposé à la mort; dans l’agneau a été égorgé ; en David a été en butte aux persécutions; dans les prophètes a été méprisé.

C’est lui qui s’est incarné dans une vierge, a été suspendu au bois, enseveli dans la terre, ressuscité d’entre les morts, élevé dans les hauteurs des cieux.

C’est lui, l’agneau muet ; c’est lui, l’agneau égorgé ; c’est lui qui est né de Marie, la brebis sans tache ; c’est lui qui a été pris du troupeau, traîné à la boucherie, immolé sur le soir, mis au tombeau vers la nuit. Sur le bois, ses os n’ont pas été brisés ; dans la terre, il n’a pas connu la corruption ; il est ressuscité d’entre les morts et il a ressuscité l’humanité gisant au fond du tombeau.

Méliton de Sardes, au IIe siècle

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Parcours biblique 2010Les métamorphoses de l’Agneau

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20Contempler

L’image que nous contemplons aujourd’hui nous transporte au chapitre 17 de l’Apocalypse, devant la scène extraordinaire du combat de l’Agneau et des «lieutenants» de la Bête : les puis-

sances de ce monde qui lui ont juré obédience. De la Bête, ils ont même l’apparence monstrueuse : deux sortes de loups dotés d’un serpent au poison mortel en guise de queue, et un énorme serpent qui remplit tout le bas de l’image en s’enroulant sur lui-même.

La scène est chaotique : tout est sens dessus dessous, à com-mencer par les trois victimes dépouillées de leurs vêtements (et de leur tête !) par l’attaque qu’elle viennent de subir de la part des trois bêtes qui, bien que beaucoup plus grandes et fortes, ne semblent pas en très bon état non plus... C’est qu’elles sont déjà vaincues !

Le combat est achevé ; dans la partie supérieure de l’image, tout est calme et ordonné : l’agneau trône, tout droit, dans un ciel rempli d’étoiles qui représentent les justes et les sauvés.

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Parcours biblique 2010Au-delà de tout dualisme

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DécouvrirAu-delà de tout dualisme, la victoire assurée de Dieu

Notre lecture du livre de l’Apocalypse est maintenant suffisamment avancée pour que nous puissions en saisir l’intention profonde. Il s’agit d’un livre destiné à consoler les croyants en les assurant de la victoire finale de Dieu sur le mal et la souffrance. L’agneau vainqueur est présenté comme celui en qui cette promesse est déjà accomplie.

1. La clé de lecture de l’Apocalypse est incontestablement le mystère pascal du Christ, comme le suggère le double visage de l’Agneau, à la fois immolé (mis à mort) et glorifié (il porte les titres qui reviennent au roi et reçoit les honneurs divins). Ce qui est arrivé une fois pour un seul a vocation d’advenir pour tous, sans doute déjà à travers l’histoire (le temps est proche : 1,1.3 ; 22,6), assurément au-delà de l’histoire, dans l’accomplissement figuré par le cérémonial des noces* de l’agneau et le tableau resplendissant de la Cité sainte, la Jérusalem* nouvelle (chap. 21-22). C’est bien en cela que l’Apo-calypse revendique le statut de parole prophétique (1,3).

2. La figure de l’agneau est en quelque sorte doublée par celle du cheval blanc, dont l’apparition tardive (19,11-16) intro-duit le dernier combat (19,19-21) préalable à la manifestation de la Cité sainte. L’identification avec le Christ Messie et Verbe de Dieu est parfaitement claire, dans la pure tradition johannique (le Verbe de Dieu : 19,13). Ce tableau récapitule les éléments des symboli-ques divine (feu et blancheur) et royale (titres et attributs), dans le contexte d’une théologie de la Parole de Dieu instauratrice du jugement (19,15) et appelée à triompher définitivement de toutes les forces du mal (19,21), culminant dans l’idolâtrie massive des so-ciétés païennes (19,20). Or, ce mystérieux cheval blanc figurait déjà en tête des quatre chevaux, accompagnant l’ouverture des quatre premiers sceaux (6,1-8) : alors présenté comme l’un des quatre agents destructeurs – bien que rien ne soit dit de son activité pro-pre – il paraît préfigurer la victoire divine (6,2), inscrite en filigrane des malheurs terrestres bien identifiables (guerre, épidémie, faillite). Certes, il faut attendre la fin du livre pour identifier le cheval blanc, mais l’Apocalypse ne propose-t-elle pas à la fois une projection de l’avenir et une «rétroprojection» sur le présent, de même que le détour par le ciel renvoie finalement sur la terre ?

3. Le tournant décisif du livre est opéré au chapitre 12, avec le double signe de la femme et du dragon. Les deux personnages sont aisément reconnaissables : d’une part, la mère du Messie (12,5), en travail d’enfantement (12,2) et confrontée aux persécutions (12,6) – probablement l’Église, plutôt que la Vierge Marie, même si elle peut être considérée comme figure de l’Église – ; d’autre part, le dragon,

L’image des noces est omniprésente dans l’Écriture. De la Genèse, où Dieu donne Ève à Adam pour qu’ils ne fassent qu’«une seule chair» (Gn 2,24), au 4e évangile qui fait commen-cer la vie publique de Jésus par la célébration d’un mariage (à Cana ; Jean 2), en passant par les prophètes qui décrivent l’union entre Dieu et son peuple comme celle d’un mari et de son épouse (Isaïe 54,5), même infidèle (Osée 2,4-22). Le livre de l’Apocalypse boucle la métaphore nuptiale en en faisant le terme de l’histoire : l’union joyeuse et glorieuse de l’Agneau et de son épouse, la Jérusalem nouvelle.

Dans l’Écriture, Jérusa-lem est la ville choisie par Dieu pour qu’y demeure son Nom, la figure de l’humanité appelée à s’unir à son Créateur, comme l’épouse à son époux. Son histoire complexe et douloureuse que la Bible attribue à son infidélité conduit à un dédoublement de l’image : à la Jérusalem terrestre, en proie aux souffrances d’un monde imparfait, s’oppose la Jérusalem céleste, celle qui res-plendit de la gloire de l’Agneau, toute transparente à sa sainteté.

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Parcours biblique 2010Au-delà de tout dualisme

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22personnifiant les puissances du mal (Satan, Diable, Serpent, Tentateur : 12,9) et acharné contre le Messie (12,3-4). Une bataille céleste voit la victoire de l’archange Michel et l’écrasement du dragon (12,7-9). Du point de vue de Dieu, il est clair que la victoire pascale du Ressuscité a définitivement triomphé du mal (12,10-12). Mais, telle une bête bles-sée, le dragon ou serpent conserve une réelle capacité de nuisance sur la terre (12,13.15). Si l’Église peut compter sur la protection di-vine (12,14.16), elle n’en est pas moins toujours exposée à la menace des persécutions (12,17). La révélation du scénario céleste ne peut que nourrir sa résistance et la fortifier dans l’épreuve. Notons l’im-portance symbolique du tableau initial (la femme vêtue de lumière et couronnée d’étoiles), inspirateur du drapeau européen !

4. On retrouve ainsi le mouvement initié dès les sept messa-ges aux Églises. Malgré les difficultés du moment et moyennant un minimum de bonne volonté de la part des communautés (c’est-à-dire une démarche de conversion), la haute stature du Ressuscité domine et éclaire toute l’histoire humaine. Elle permet d’envisager l’issue (dès cette terre et, encore plus, au-delà) comme le parfait ac-complissement des promesses divines et la pleine réalisation des fi-gures originelles. C’est bien pourquoi l’Apocalypse, livre de la fin, est constamment tissé de motifs tirés de l’Ancien Testament renvoyant aussi bien aux livres prophétiques qu’aux mythes d’origine, qu’elle porte à leur plein achèvement.

LireApocalypse 12 et 19

C’est en deux temps que nous ouvrirons aujourd’hui le Livre de l’Apocalypse : au chapitre 12 tout d’abord, pour y contempler la vision de la femme et du dragon ; puis au chapitre 19, pour y lire le récit du combat du cavalier du mystérieux cheval blanc...

Pour aller plus loin, voici quelques textes à consulter pour approfondir l’expression suivante :

La FemmeD’Ève à Marie, en passant par Jérusalem, les figures fémi-

nines bibliques revêtent un caractère symbolique.

•< Genèse 3•< Isaïe 66,10-14•< Galates 4,21-31

Prier

Seigneur, notre Dieu, tu es le Dieu qui vient à la rencontre de l’humanité pour en faire ton épouse sainte. Envoie sur moi ton Esprit Saint, afin que je puisse rencontrer ton Fils Jésus Christ

dans cette Parole qui vient de toi et me dit ton amour de prédilec-tion et que je puisse te répondre amour pour amour. Amen.

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Parcours biblique 2010Au-delà de tout dualisme

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23MéditerLes deux avènements du Christ

Nous annonçons l’avènement du Christ : non pas un avène-ment seulement, mais aussi un second, qui est beaucoup plus beau que le premier. Celui-ci, en effet, comportait une signi-

fication de souffrance, et celui-là porte le diadème de la royauté divine.

Le plus souvent, en effet, tout ce qui concerne notre Seigneur Jésus Christ est double. Double naissance : l’une de Dieu avant les siècles, l’autre de la Vierge à la plénitude des siècles. Double des-cente : l’une imperceptible comme celle de la pluie sur la toison, la seconde éclatante, celle qui est à venir. Dans le premier avènement, il est enveloppé de langes dans la crèche ; dans le second, il est re-vêtu de lumière comme d’un manteau. Dans le premier, il a subi la croix, ayant méprisé la honte ; dans le second, il viendra escorté par l’armée des anges, en triomphateur.

Nous ne nous arrêtons pas au premier avènement : nous at-tendons aussi le second. Comme nous avons dit, lors du premier : «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur», nous le répéterons encore pour le second ; en accourant avec les anges à la rencontre du Seigneur, nous lui dirons en l’adorant : «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur». Le Sauveur ne viendra pas pour être jugé de nouveau, mais pour juger ceux qui l’ont traduit en jugement. Lui qui a gardé le silence lors du premier jugement, il rappellera leur crime aux misérables qui ont osé le mettre en croix, en disant : «Voilà ce que tu as fait, et j’ai gardé le silence». Alors il est venu selon le dessein de miséricorde et il enseignait les hommes par persuasion. Mais, lors du second avènement, ils seront contraints de reconnaître sa royauté.

Le prophète Malachie a parlé des deux avènements. «Soudain viendra dans son Temple le Seigneur que vous cherchez». Voilà pour le premier. Et aussitôt il ajoute pour le second : «le messager de l’Alliance que vous désirez, voici qu’il vient, le Seigneur tout-puissant. Qui pourra soutenir sa vue ? Car il est pareil au feu du fondeur, pareil à la lessive des blanchisseurs. Il s’installera pour fondre et purifier.» Saint Paul veut parler aussi de ces deux avènements lorsqu’il écrit à Tite : «La grâce de Dieu s’est manifestée pour le salut de tous les hommes. C’est elle qui nous apprend à rejeter le péché et les passions d’ici-bas, pour vivre dans le monde présent en hommes raisonnables, justes et religieux, et pour attendre le bonheur que nous espérons avoir quand se manifestera la gloire de Jésus Christ, notre grand Dieu et notre Sauveur.» Tu vois comment il a parlé du premier avènement, dont il rend grâce ; et du second, que nous attendons. Donc, notre Seigneur Jésus Christ viendra du ciel. Il viendra vers la fin de ce monde, avec gloire, au dernier jour. Car la fin du monde arrivera et ce monde créé sera renouvelé.

Saint Cyrille, évêque de Jérusalem au IVe siècle

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Parcours biblique 2010Au-delà de tout dualisme

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24Contempler

La scène du combat entre la femme et le dragon est particuliè-rement impressionnante... Le ciel, noir plutôt que bleu, suggère une atmosphère dramatique, dans laquelle le serpent à sept

têtes semble remplir tout l’espace. Sur chacune de ses têtes, deux cornes dorées singent les traits de lumière qui rayonnaient du vi-sage de Moïse quand il redescendait de la montagne tandis que le disque solaire trahit l’accointance entre le serpent et l’antique pha-raon qui se prenait pour le soleil...

Tout en haut, à gauche, la femme repousse d’un simple ges-te les attaques du serpent sep-tifore. Entourée de douze étoiles et debout sur la lune, elle fi-gure la Création nouvelle, prête à enfanter le Soleil de Justice – dont les rayons sem-blent jaillir de son ventre.

Une fi-gure féminine doublée par une deuxième fem-me, plus surpre-nante encore, dotée de deux ailes comme les deux testaments disait Beatus, et toute de noir vê-tue, signifiant par là les épreuves et le deuil que doit

vivre l’Église au désert où elle s’est réfugiée avant de pouvoir entrer pleinement dans la gloire du ciel qui lui est préparée. Figure de pa-tience et du temps de l’Église qui est le nôtre, soumis à la menace du serpent qui tente de l’engloutir dans les flots mais sans succès !

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Parcours biblique 2010La chute attendue

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DécouvrirSplendeurs et misères de Rome, ou la chute attendue

Le livre de l’Apocalypse est aussi un livre en prise avec une histoire concrète et bien réelle. Les lecteurs qu’elle vise sont bien plus à mê-mes que nous de déchiffrer les allusions qu’elle contient, mais nous disposons tout de même de quelques clés...

1. Derrière la fiction apocalyptique, la ville de Rome et son empire sont facilement reconnaissables. Au chapitre 11, les deux mar-tyrs (11,3-6), censés reproduire les exploits de Moïse et Élie*, pourraient bien être Pierre et Paul. Dès lors, la Grande Cité coupable de leur mort serait évidemment Rome, Sodome ou l’Égypte n’étant que des pseudonymes (11,8). Ainsi, la première mention de la Bête (11,7) s’appliquerait à la toute-puissance romaine, la référence à Jé-rusalem (11,1-2) ayant pour effet d’imposer le rapprochement entre les martyrs chrétiens (11,9-10) et la personne de Jésus, jusque dans sa mort et son exaltation (11,11-13). La toute-puissance maléfique de la Bête réapparaît dans toute son horreur au chapitre 13 : elle est présentée comme l’émanation du Mal absolu (le dragon : 13,1-2) ; elle affirme son pouvoir universel (13,3.8) par le biais d’une sacralisation parfaitement idolâtrique (13,4-6.8). Une telle démesure suscite l’indi-gnation des chrétiens (13,7-10), dès lors exposés aux persécutions.

2. L’image de la Bête est encore plus complexe dans la 2ème

partie du chapitre 13 : elle devient alors franchement énigmatique (13,18) ! En fait, elle se dédouble (13,11-12) : la deuxième Bête, au service de la première, revêt les traits d’une sorte de «ministère de la propagande», agissant principalement à travers les mises en scène du culte (13,14-15). Elle exerce un pouvoir de contrainte sur toute la population et contrôle l’ensemble des activités économi-ques (13,16-17). On ne peut rêver description plus transparente du totalitarisme d’état, dans ses dimensions idéologiques et sociales !

3. Toutefois, les puissances totalitaires sont des colosses aux pieds d’argile : la chute de Rome est annoncée comme la manifesta-tion évidente du jugement de Dieu (14,8-11) ; le combat des martyrs n’est donc pas inutile (14,12-13 ; 15,1-2). De fait, les sept coupes de la colère de Dieu (chapitre 16) auront raison des idolâtres et corrom-pus (16,2.11), avant que l’Empire ne succombe aux invasions (16,12) pressé de toutes parts (16,14-16), l’Empire universel aura tôt fait de disloquer (16,19), à la façon d’un cataclysme universel (16,20-21). Dès lors, centrée sur la ville de Rome (la grande Prostituée : 17,1-6) et le cœur du pouvoir impérial (les sept collines et les huit rois : 17,7-11), la prophétie envisage dans un avenir proche (17,12-13) lourd de persécutions contre les chrétiens (17,14) l’effondrement de Rome assaillie de toutes parts, aussi bien de l’intérieur que de l’exté-

Moïse et Élie sont les deux grandes références de l’his-toire de l’alliance entre Israël et son Dieu. Leur histoire est bien distincte à la fois dans le temps et dans les pages de la Bible mais le judaïsme tardif et plus encore le Nouveau Testament les asso-cient fréquemment. Le dernier livre de l’Ancien Testament, celui du prophète Malachie, exhorte ses lecteurs à «se rappeler la Loi de Moïse» avant que ne vienne «Élie le prophète» (Mal 4,4-5). Dans la bouche de Jésus, ce sont les deux noms les plus cités de l’Ancien Testament et c’est encore eux qui apparaissent au mo-ment de la Transfiguration dans les trois récits des synoptiques (Matthieu 17 ; Marc 9 ; Luc 9). Prêter aux «deux témoins» qui sont vraisemblablement Pierre et Paul, les traits de ces deux grands prophètes, c’est aussi prétendre à une récapitulation de l’alliance dans le Christ à qui les martyrs rendent le témoignage du sang.

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Parcours biblique 2010La chute attendue

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26rieur (17,15-18). La suite de l’histoire romaine confirmera pour une part cette version des faits. Surtout, le pronostic ainsi énoncé vaut pour tous les temps : les empires finiront toujours par s’écrouler, on ne saurait s’en étonner !

4. Le scénario de la fin couvre les chapitres 18-19. La proclama-tion initiale a valeur de verdict, associant à l’idolâtrie la course effrénée au profit (18,1-3). Les chrétiens quittent la ville, avant qu’elle succombe sous les coups des malheurs accumulés (18,4-8). Mais, de façon inat-tendue, le texte s’attarde à contempler la chute de Rome, avec des accents lyriques surprenants en ce contexte (18,9-24). Sans rien renier de l’extrême sévérité du jugement porté sur Rome et la démesure du pouvoir impérial, les auteurs de l’Apocalypse chantent le deuil de la Cité perdue, victime de ses propres égarements. Devant un tel gâchis humain, on ne peut que regretter la surdité de la société païenne à l’égard des avertissements prophétiques assénés tout au long du livre. Décidément, la position du christianisme ancien à l’égard de Rome est ambiguë. En tout cas, la chute de l’Empire démesuré paraît constituer un pas décisif vers l’avènement d’un monde nouveau (19,5-9).

LireApocalypse 11,1-13 et 18

C’est encore une fois en deux temps que nous ouvrirons aujourd’hui le Livre de l’Apocalypse : au chapitre 11 tout d’abord, pour y découvrir le récit du martyre des «deux témoins» dans la «Grande Cité» ; puis au chapitre 18, pour y entendre la lamentation sur «Baby-lone», chez qui «la lumière de la lampe ne brillera jamais plus»...

Pour aller plus loin, voici quelques textes à consulter pour approfondir les thèmes suivants :

Le sort biblique des villes orgueilleusesLa ville par excellence qu’est Jérusalem est le vis-à-vis de

l’amour de Dieu. Les maux qui traversent son histoire sont inter-prétés par l’écrivain biblique comme autant de manifestations de la colère de Dieu à l’égard de son péché...

•< Ézéchiel 26•< Lamentations 1

La résurrection annoncée dans l’Ancien Testament•< Ézéchiel 37

Prier

Seigneur, notre Dieu, tu as érigé la ville sainte pour que l’hom-me puisse t’y rencontrer et t’y louer. Aie pitié de ceux qui s’y déchirent en utilisant ton nom. Envoie sur eux, envoie sur

nous ton Esprit Saint, afin que grandisse la paix dans le monde et dans chacune de nos vies. Amen.

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27MéditerCe qui est visible n’a qu’un temps

Le corps de Pierre est à Rome ; le corps de Paul y est aussi, et celui de Laurent, et celui des autres saints martyrs. Et Rome souffre aujourd’hui tant de maux ! Où sont donc les tombes

des apôtres ? Elles sont là, elles sont toujours là. Mais elles ne sont pas en toi ! Qui que tu sois, puissent les tombes des apôtres se trouver en toi, puisses-tu toujours penser aux apôtres ! Tu verras si c’est un bonheur terrestre qui leur a été promis ou bien un bon-heur éternel ! Écoute l’Apôtre, si sa mémoire vit en toi : «La légère tribulation d’un moment nous prépare, d’une façon plus qu’incroyable, un poids éternel de gloire. Nous regardons non aux choses visibles, mais aux invisibles. Ce qui est visible n’a qu’un temps ; l’invisible est éternel» (2 Co 4,17-18). En Pierre, la chair n’avait qu’un temps ; et tu vou-drais que les pierres de Rome, elles, soient éternelles ? L’apôtre Pierre règne avec le Seigneur ; son corps repose ici, en son lieu ; c’est une mémoire qui excite l’amour pour les réalités éternelles, non pour que tu restes attaché à la terre, mais pour qu’avec l’Apô-tre, tu penses au ciel.

Mais, dira-t-on, dans cette ville tant de chrétiens ont souffert tant de maux ! Tu as donc oublié que c’est aux chrétiens que revient le devoir de pâtir des maux temporels et d’espérer les biens éter-nels ? Les maux d’aujourd’hui le Seigneur les a prédits : vous l’avez lu, vous l’avez entendu ! Mais je ne sais si vous vous en souvenez, puisque vous vous laissez troubler par les critiques des païens ! N’avez-vous pas entendu les prophètes et les apôtres, et le Seigneur lui-même, annoncer les maux futurs ? Quand viendra la vieillesse du monde, quand approchera la fin, nous l’avons entendu ensemble, il y aura des guerres, des tumultes, des tribulations, des famines… Pourquoi nous contredire ? Pourquoi murmurer quand ces choses arrivent ?

Saint Augustin, évêque d’Hippone au Ve siècle

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28Contempler

C’est une ville orgueilleuse que l’artiste s’est plu à représen-ter ici. Les flammes la dévorent déjà mais elle ne semble pas s’en soucier, exposant comme à l’accoutumée ses richesses

bien alignées sur les rebords de luxueuses fenêtres géminées : jar-res, aiguières; coupes et calices représentent le travail de l’orfèvre qui transforme l’or, l’ivoire, la nacre et l’ébène, toutes les matières premières convoitées que les marchands enrichis rapportent des contrées lointaines.

L’argent s’étale au premier plan dans une ville tout en hau-teur – est-ce pour rappeler l’antique Babel qui prétendait escalader les cieux ? – retranchée derrière de hauts remparts qu’elle doit croire infranchissables. L’ange qui la survole pour avertir de sa chute s’égosille en vain : nul ne lui prête attention, trop occupé qu’il est à continuer son ouvrage bien à l’abri derrière d’épaisses murailles colorées.

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Parcours biblique 2010La cité nouvelle

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DécouvrirLa cité nouvelle et les noces de l’Agneau

Le livre de l’Apocalypse s’achève sur une vision grandiose : promesse accomplie du salut de Dieu. Le message est clair : l’Église est appelée à témoigner d’une espérance plus forte que les crises et difficultés historiques, espérance ancrée dans la résurrection de Jésus qui at-teste la victoire de Dieu sur le mal et anticipe les temps nouveaux... Encore une fois, ouvrons le Livre !

1. La vision finale se présente comme la continuité du scéna-rio de violence et de mort, de même que la résurrection de Jésus est moins la revanche sur la mort injuste que la révélation du sens caché de la Croix, en quelque sorte relu du point de vue de Dieu et communiqué aux hommes, tant au moyen de signes matériels (tom-beau vide) qu’à travers la manifestation personnelle du Ressuscité (apparitions pascales). Clairement annoncé à la fin du chapitre 19 (v. 6-9), le cérémonial des Noces de l’Agneau est enclenché à par-tir des derniers fléaux (21,9). Il commence par la présentation de la Fiancée ou Épouse de l’agneau (21,9), aussitôt identifiée avec la Cité sainte, Jérusalem, descendue du ciel (21,10) et parée de toutes les qualités divines (21,11). La symbolique du nouveau peuple de Dieu est clairement énoncée, le nombre «douze» exprimant tout à la fois la plénitude céleste (anges : v. 12), l’héritage d’Israël (tribus : v. 12) et la réalité ecclésiale (apôtres : v. 14), sans omettre la référence fondatrice au Christ lui-même sous la figure de l’Agneau.

2. Auparavant, une sorte de prologue (21,1-4) a permis d’iden-tifier la Fiancée comme étant la réalisation, au-delà de l’histoire (21,1), de l’œuvre de Dieu, revêtant de sa propre sainteté l’humanité parvenue au terme de sa route (21,2). Ce faisant, Dieu non seule-ment accomplit la totalité des promesses énoncées dans le cadre de l’ancienne Alliance (références bibliques accumulées en 21,3-4), mais ouvre à l’humanité les perspectives d’un bonheur infini (21,4). Il s’agit bien d’un monde nouveau (21,5), dont la certitude repose sur l’engagement explicite de Dieu, dans la continuité de l’ensemble des figures bibliques, tant de l’Ancien que du Nouveau Testament (21,5-7), avec la réserve d’un possible châtiment pour les grands méchants de l’histoire (21,8), le mal étant plus ou moins identifié au mensonge*, selon une perspective typiquement johannique.

3. La visite de la Cité sainte commence par un travail d’ar-pentage (21,15), manifestant le parfait équilibre des proportions (image d’un cube), centrées sur le nombre «douze» et ses multiples (21,16-17a), non sans souligner le caractère métaphorique des me-sures ainsi énoncées (21,17b). Puis la description des matériaux sug-gère la richesse infinie d’une réalisation rayonnant de toutes parts la

Chez saint Jean, le mal ne s’oppose pas au bien mais au vrai – et donc le bien au menson-ge. C’est pourquoi le diable est appelé le «père du mensonge» (Jean 8,44). Au contraire, le Christ est venu «rendre témoignage à la vérité» (Jean 18,37) ; il est «véridique et il n’y a pas en lui d’imposture» (Jean 7,18). Dans l’Apocalypse, les justes sont ceux qui n’ont «jamais connu le men-songe» (Apocalypse 14,5).

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30splendeur divine (21,18-21). Enfin, le constat de l’absence d’un temple permet de rappeler que Dieu lui-même et l’Agneau (distincts et insé-parables) sont le cœur même de cette Cité nouvelle (21,22), illumi-née par la présence divine (21,23), ouverte à toute l’humanité dans sa diversité même (21,24-26), définitivement libérée de toutes formes de mal et placée sous la souveraineté de l’Agneau Sauveur, seul déten-teur du livre de vie (21,27).

4. Un effet de zoom permet de considérer le trône divin (Dieu et l’Agneau) comme la source même d’un fleuve de vie (22,1) renou-velant les merveilles du paradis terrestre (22,2), dans une plénitude de bonheur libérant l’humanité pour la seule activité qui tienne devant Dieu (22,3-4) : la louange et l’adoration éternelles, dans l’éblouissante lumière du ciel descendu sur la terre (22,5). Ainsi se trouve définitive-ment dépassée la séparation du ciel et de la terre : la sainteté de Dieu est descendue sur terre, élevant l’homme à la pleine vision de Dieu, dans la transparence d’un face à face révélant à l’homme se propre nature divine, elle-même reçue par grâce, du fait même de l’Incar-nation du Fils et de sa pleine exaltation auprès de Dieu, à l’image de l’Agneau, inséparable du trône divin.

LireApocalypse 21-22

Nous achevons aujourd’hui notre lecture par la grande vision d’un monde recréé et réconcilié, aux chapitres 21 et 22.

Pour aller plus loin, voici quelques textes à consulter pour approfondir les thèmes suivants :

La ville rebâtie et réconciliée avec Dieu•< Jérémie 31,1-14•< Zacharie 8,1-8•< Ézéchiel 48,30-35

Le «fleuve de vie»•< Ézéchiel 47,1-12

Prier

Seigneur, notre Dieu, tu es le Dieu de la promesse et cette promesse est joie, paix, lumière dans l’Esprit Saint. Augmente en nous la foi afin que nous sachions discerner, à travers les

difficultés et vicissitudes de cette vie, ton œuvre de salut en voie d’accomplissement. Pour la ville que tu nous as préparée dans le ciel pour que nous y goûtions, tous ensemble, enfants réconciliés, à la plénitude de ton amour, Seigneur, louange à toi ! Amen.

À noter : le «vainqueur» est aussi appelé «fils» (Apoca-lypse 21,7). C’est un trait distinc-tif de la théologie de ce livre que d’insister sur la nouvelle création qui s’est accomplie en la personne du Fils unique de Dieu. L’homme peut désormais entrer en relation avec son Dieu comme un fils avec son Père, à la suite de celui qui, vrai Fils coéternel au Père, nous appelle à devenir fils dans le Fils. Le salut n’est pas d’abord une li-bération mais l’entrée dans la vie filiale.

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31MéditerDieu, tout en toutes choses

De la cité de Jérusalem et de son Roi, le fréquent souvenir nous est douce consolation, agréable occasion de méditation, né-cessaire allégement de notre lourd fardeau. Je dirai donc briè-

vement quelque chose – et je le voudrais utilement – sur la cité de Jérusalem, pour son édification, et à la gloire du règne de son Roi ; je dirai et écouterai ce que le Seigneur en moi dit de lui et de sa cité. Que cela soit un peu d’huile sur le feu que Dieu mit en vos cœurs, de sorte que votre âme, enflammée en même temps du feu de la charité et de l’huile de l’exhortation, s’élève plus robuste, brûle avec plus de ferveur, monte plus haut. Qu’elle quitte le monde, qu’elle traverse le ciel, qu’elle dépasse les astres et qu’elle atteigne Dieu : le voyant en esprit et l’aimant, qu’elle respire un peu et se repose en lui. Le Père est la très haute origine des choses, le Fils en est la très parfaite beauté et l’Esprit Saint la très heureuse délectation. (…)

Dans les hauteurs est établie la cité de Jérusalem. Son bâtis-seur est Dieu. Un est le fondement de cette cité, c’est Dieu. Un est le fondateur : c’est lui-même, le Très-Haut qui l’a fondée. Une est la vie de tous ceux qui vivent en elle ; une est la lumière de ceux qui voient ; une est la paix de ceux qui se reposent ; un est le pain dont tous se rassasient ; une est la source à laquelle ils puisent tous, heu-reux sans fin. Et tout cela est Dieu lui-même, qui est tout en toutes choses : l’honneur, la gloire, la force, l’abondance, la paix et tous les biens, un seul suffit à tous.

Cette cité solide et stable demeure éternellement. Par le Père, elle luit d’une lumière éclatante ; par le Fils, splendeur du Père, elle se réjouit, elle aime ; par l’Esprit Saint, amour du Père et du Fils, sub-sistant elle se modifie, contemplant elle s’illumine, s’unissant elle se réjouit. Elle est, elle voit, elle aime. Elle est, parce qu’elle met sa force dans la puissance du Père ; elle voit, parce qu’elle brille de la sagesse de Dieu ; elle aime, parce qu’elle a sa joie dans la bonté de Dieu. Bienheureuse est cette patrie qui ne craint pas l’adversité et qui ne connaît rien, sinon les joies de la pleine connaissance de Dieu.

Un moine du XIIe siècle

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32Contempler

Une ville en chasse une autre, pourrait-on dire... C’est presque comme une maquette que l’artiste représente, au terme de l’ouvrage, la Jérusalem nouvelle qui est «descendue du ciel»...

Le compte y est : douze portes, groupées trois par trois aux quatre points cardinaux, une pour chaque tribu d’Israël, une pour chaque apôtre. Le plan quadriforme reprend l’architecture du Temple de Salomon en l’étendant à la ville entière devenue elle-même le sanc-tuaire de la présence de Dieu.

L’agneau y demeure, accompagné de l’ange mesureur (cf. Ézé-chiel) et du Livre des Écritures qui atteste de l’accomplissement de son œuvre. Sur le seuil de chacune des portes désormais toujours ouvertes pour y accueillir tous les croyants, un apôtre semble faire signe à chacun d’entrer. Cette ville est notre maison, la promesse réalisée d’un bonheur d’éternité.

«Et le nom de la ville sera : Dieu est là» (Ézéchiel 48,35).