Le chantier de l'Hermione à Rochefort

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MASSIF CENTRAL MAGAZINE - www.massif-central.fr - 33 TEXTE : LAURENT BLANCHON / PHOTOS : ASSOCIATION HERMIONE - LA FAYETTE / D.R (SAUF MENTION). son Hermione La Fayette attend À Rochefort (Charente- Maritime), le chantier de reconstruction de L’Hermione, la frégate de la Liberté avec laquelle le marquis de La Fayette a rejoint en 1780 les insurgents d’Amérique, continue d’avan- cer en bravant les difficultés techniques et financières. Et invite à une plongée dans la fabuleuse histoire de la Marine française. Reportage. 32 - MASSIF CENTRAL MAGAZINE - www.massif-central.fr

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TEXTE : LAURENT BLANCHON / PHOTOS : ASSOCIATION HERMIONE - LA FAYETTE / D.R (SAUF MENTION).

son HermioneLa Fayette attend À Rochefort (Charente-Maritime), le chantierde reconstructionde L’Hermione, la frégatede la Liberté avec laquellele marquis de La Fayette arejoint en 1780 les insurgentsd’Amérique, continue d’avan-cer en bravant les difficultéstechniques et financières.Et invite à une plongéedans la fabuleuse histoire de la Marine française. Reportage.

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En 1779, sur l’arsenal de Rochefort, la construction de L’Hermione avait pris sixmois. Sa réplique,gigantesque Legode 400 000pièces, débutéeen 1997, devraits’achever en 2011... 14 ansaprès !

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Du fait de la longueur du chantier, et pour éviter que le chêne ne travaille, on a effectué le bordage de carène (peau extérieure de la coque) et levaigrage (peau intérieure) à clairvoie(une planche sur deux). Ce n’est quedans un deuxième temps que lescharpentiers ont dû insérer les planches intermédiaires,préalablement étuvées pour leur donnerla juste courbure. Cette opération est effectuée à la masse (notre photo). Une frégate commeL’Hermione, longue comme deux terrainsde tennis, est constituée de 1 200 mètres cubes de chêne... soit, avec le déchet, environ 2 000 arbres !

Et s’il revenait, avec sa frêle redingote bleue bardéede galons, sa perruque de noble blanc et ses petitsmocassins à boucles? « Comment? questionnerait-ild’un ton fâcheux, ma frégate n’est point encoreprête? » En quittant sa Haute-Loire natale, Marie

Joseph Gilbert Mortier, marquis de La Fayette, s’enquérait-il, encette fin du XVIIIe siècle, du défi technologique que constituait lafabrication d’un navire de guerre? Sans doute pas plus qu’on nes’extasie, aujourd’hui, sur les secrets de fabrication d’une auto-mobile. Pour lui, L’Hermione n’était autre qu’un moyen de trans-port qui devait voguer, en trente-huit jours de traversée,jusqu’aux Amériques où, avec ors et trompettes, il devait annon-cer aux insurgents américains en lutte pour leur indépendance lesoutien officiel du roi de France1.

En 1779, la fabrication de L’Hermione, « courte » frégate de45 mètres de long armée de 26 canons tirant des boulets de 12 li-vres, légère, maniable, rapide, appareillée pour l’étrange missiond’un jeune homme noble et millionnaire de 23 ans tout droit sortide son Massif central, avait pris moins de sept mois. Dans l’arse-nal de Rochefort (Charente-Maritime), bâti un siècle plus tôt etnon sans mal par Louis XIV sur les conseils éclairés de son in-tendant Jean-Baptiste Colbert, on lui consacra toute l’énergie demilliers d’ouvriers et celle, décuplée, de quelques centaines depensionnaires du bagne. Mais la construction de sa réplique, elle,aura pris quatorze ans. Débuté en 1997, le chantier pharaoniquede reconstruction à l’identique de celle que l’on surnomme « lafrégate de la Liberté » devrait s’achever, aux dernières estima-tions, en 2011.

« Pour les valeurs qu’elle porte »De son arsenal calé entre la Charente et un mur d’enceinte qui lesépare de la ville, Rochefort a su préserver et restaurer quelquesbâtiments, dont l’emblématique Corderie royale (lire encadrés).Mais des 550 navires fabriqués et entretenus ici durant deux siè-cles et demi, la Marine nationale n’en a conservé aucun. D’où lafolle idée qui émergea au début des années 1990 de tenter une re-construction dans cette ville de 27000 habitants frappée de dés-industrialisation et qui sombrait dans un marasme économique etsocial. Pourquoi avoir porté le choix sur L’Hermione, qui n’est nile plus imposant 2 ni le plus documenté 3 de tousces navires?« Pour les valeurs qu’elle porte », répond Maryse Vital, déléguéegénérale de l’association Hermione – La Fayette qui mène le pro-jet. « C’est aussi un bateau chargé d’histoire malgré une fin peuglorieuse4, et qui abrita un congrès américain. »Emmenés par l’écrivain et académicien Erik Orsenna, digne suc-cesseur du Rochefortais Pierre Loti, et par Benedict Donnelly,fils d’un citoyen américain qui a débarqué en Normandie, soute-nus par le maire d’alors, Jean-Louis Frot, qui, contre vents et ma-rées, avait porté le projet de restauration de la Corderie, une poi-gnée de passionnés issus du Centre international de la mer créentl’association Hermione – La Fayette en 1992. Cinq ans plus tard,le 4 juillet 1997 — tout un symbole —, on pose officiellement laquille de L’Hermione, acte de naissance de la nouvelle frégate.La mise à l’eau est alors programmée pour 2007.

Fin 2009. Cachée sous un grand chapiteau blanc enserré dans une« forme de radoub5 », grande fosse construite en pierre jadis uti-lisée pour réparer et entretenir la coque des navire, L’Hermioneprend forme. Le chantier, gouverné par un comité techniquecomposé d’experts et d’ingénieurs de la marine6, affiche quatreans de retard. Il avance, cahin-caha, à la faveur des levées defonds, sans toutefois subir de temps morts.

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Pour l’étanchéité, le bateau (ci-dessus, les bordées ; ci-contre, le pont gaillard) est calfaté, comme à l’époque, à l’étoupe de chanvre, rebus de matière qui ne pouvait servir à la fabrication decordage. Au-dessus, un panel d’outils.

Le pont gaillard en 2007, à l’époque de son calfatage. Il est aujourd’huiterminé et n’attend plus que les mâts et le gréement.

La pomme de touline est utilisée pour lester les cordages. Dans des formes plus ovales, elle est aussi là pour protéger la coque àquai. Elle était réalisée par les mateloteurs à la Corderie royale.

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Les cales de l’Hermione. Outre les vivres, ellesaccueilleront tous les équipements modernesde la frégate, et notamment deux moteursdiesel. Une indispensable entorse à la réalitéhistorique pour d’évidentes raisons de sécurité.

Le pont de batterie en 2008, vide de toutaménagement. C’est le deuxième niveau de la frégate. Depuis, on a installé ici lescabines (démontables en cas de branle-bas decombat) du marquis de La Fayette, de sonadjoint, du commandant et de son adjoint ; lecorps des quatre pompes chargées d’évacuerl’eau qui s’infiltre en cale. Quand aux 26 canons, ils devraientprochainement rejoindre leur sabord, ces petites fenêtres carrées découpées dans la coque. L’équipage vivait en dessous dece niveau, sur le faux-pont, qui abritait les cabines des officiers et les hamacs des matelots.

Sur le pont gaillard, la partie supérieure de la frégate, on a installé les poulies qui maintiendront les cordages du gréement. Tous les éléments métalliques ont été réalisésdans l’atelier de ferronnerie.

Le mateloteur tresse les nœuds des affûts de canon. Une fois le canon

fixé sur son socle, chaque pièce pèseraprès de deux tonnes.

Les nœuds permettront l’usage de poulies pour leur déplacement

et sont indispensables à leur arrimage.Au temps de l’arsenal, le matelotage

était une des compétences spécifiquesde la Corderie royale.

Un des etambrais de la frégate, ouverture ronde dans laquelle viendra s’emboîter, pour celle-ci,le mât de beaupré qui se situe à l’avant de la frégate.

Le forgeron travaille le cerclage de la partie supérieure du grand cabestan, ce grand treuil installé aucentre du bateau pour les travaux de force, comme le remontage de l’ancre, qui mobilise 80 personnes.

20MILLIONS D’EUROS.Tel est le montant de la facture totale

de la reconstruction de L’Hermione.« Dix fois moins qu’un bateau de la Coupe de l’America, 50 foismoins qu’une de nos frégatesmodernes », relativise Jean-MarieBallu dans son ouvrage L’Hermione,l’aventure de sa reconstruction (éd.du Gerfaut, juin 2007). Les250000 visiteurs qui se pressent chaque année àl’entrée du chantier (le quatrièmesite le plus visité de la régionPoitou-Charentes derrière leFuturoscope, l’aquarium de La Rochelle et le zoo de La Palmyre) financent, par leur billet, 40% du chantier. Les 60% restants sont apportés par les subventions (40%) et les mécènes (20%). Au moisd’octobre dernier, la société Moët-Hennessy (groupe LVMH), en organisant un dîner de solidarité à l’ambassade de France à Washington, a permis de récolter100000 dollars. Une association des amis américains deL’Hermione, présidée par un ancienambassadeur des États-Unis en France, prépare le financement du voyage inaugural.Enfin, l’association Hermione – La Fayette compte 5000 adhérents qui, par leur cotisation (25 euros),contribuent aussi au financement du projet.La reconstruction de L’Hermione a été placée, en fin d’annéedernière, sous le haut patronage de la présidence de la République. « Une caution, commente MaryseVital, qui nous permettra, sans

Combien ça coûte ?

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Les difficultés sont à la hauteur du défi, technologiquesmais aussi financières. Le bordage de la coque se termine. Àla masse, les ouvriers charpentiers insèrent une à une lesdernières planches de chêne, préalablement chauffées àl’étuve afin de leur donner la juste courbure. Jadis, laconstruction d’un vaisseau nécessitait l’abattage de 3000 ar-bres. Colbert n’avait-il pas ordonné la plantation de la forêtde Tronçais, en terre bourbonnaise, pour approvisionner laMarine nationale? Non, L’Hermione, pour sa réplique, nes’est pas fournie en bois dans l’Allier, mais essentiellementdans l’ouest de la France. Elle a récupéré, aussi, quelquesarbres tombés dans les jardins de Versailles suite à la tem-pête de 1999 et a pisté, dans la France entière, les plus beauxspécimens d’arbres tors destinés aux courbes les plus pro-noncés de sa coque. Jens Remmers, gilet noir et chapeau decompagnon, affine la peinture du tableau arrière qu’il asculpté dans la masse, avec son blason, ses trois fleurs de liset sa couronne soutenue de part et d’autre par des feuillesd’acanthe. Perchée sur le pont de gaillard, Bénédicte Rous-selot, doreuse, appose sur le blason des feuilles d’or quasipur (un peu plus de 23 carats, pour prévenir l’oxydation).Elle qui a glissé ses doigts de fée sur le dôme des Invalides,œuvré à l’Élysée et à Matignon, « aurait ragé », dit-elle, dene pas intervenir sur L’Hermione.

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L’objectif de reconstructionà l’identique d’une frégatedu 18e siècle ne doit pasfaire oublier qu’elle doitnaviguer au 21e siècle !L’Hermione sera équipée dedeux moteurs...

Jens Remmers, compagnon du Devoir allemand, a été retenu pour la sculpture du tableau arrière et du blason de la frégate.

CHEZ LES VOISINS ROCHELAIS ET ROYANNAISou dans les stations balnéaires de la côte, on alongtemps dédaigné celle qui, dans la secondemoitié du XXe siècle, occupa longtemps la secondemarche du podium peu envié des villes de garnison !Le chantier de L’Hermione, entamé en 1997, aréveillé le potentiel touristique endormi de cette villede 27 000 habitants, sous-préfecture de Charente-Maritime. Autour de ce projet fédérateur se cristalliseun fabuleux patrimoine, celui de la Marine nationale.De l’ancien arsenal qui longeait la Charente, et donton aperçoit sans difficulté les contours, subsistentquelques bâtiments. Bâtie entre 1666 et 1669, lacorderie royale a été incendiée par les Allemands àla fin de la Seconde Guerre mondiale. Sauvée inextremis par l’amiral Dupont, préfet maritime dansles années 1960 — on envisageait de la raser pourlaisser place à une déviation routière — et classéemonument historique en 1967, el le a étéreconstruite à l’identique dans les années 1980, nonsans débats. Combien de Rochefortais ont raillé leprojet en le surnommant « la connerie royale » ?Pourtant, ce bâtiment est exceptionnel. I l sesingularise par ses dimensions : 374 mètres delong, 8 mètres de large ; par la sobriété de la façade

côté ville et sa richesse côté fleuve, symbole de lapropagande royale. La Corderie abrite désormais leCentre international de la mer (centre culturel dédiéà la mer) et la bibliothèque médiathèque de la ville.Entre autres organismes se sont installés ici le siègenational de la Ligue pour la protection des oiseaux(LPO), le Conservatoire de l’espace littoral et desrivières lacustres et la chambre de commerce etd’industrie. Dans l’une des sal les à vocationmuséographique, on apprend toujours lestechniques du matelotage, la science des nœuds.

Le magasin aux colonies a été transformé en hôtel,et l’une des poudrières en salle de concerts. La salledes petits modèles, où se fabriquaient, en mêmetemps que les grands, les maquettes des vaisseaux,abrite désormais le musée de la Marine. On yraconte, devant des modèles vieux pour certains detrois siècles, toute l’histoire de la Marine française etde l’arsenal rochefortais. Certains des entrepôtsabritent Sogerma, une filiale d’EADS, qui emploieencore 800 salariés à la fabrication de piècesd’Airbus. Le magasin aux vivres, lui, attend sareconversion. Quant au bagne, dont on a fermé lesgeôles en 1852, il n’en reste plus rien.

Rochefort, touristique malgré elle !La Corderie royale.C’est le bâtimentemblématique de l’arsenal deRochefort, où l’ontransformait lechanvre encordage. Incendiépar les Allemandspeu avant leurdépart, à la fin de laSeconde Guerremondiale, il a été sauvé inextremis par unancien préfetmaritime, classéaux monumentshistoriques puis reconstruit à l’identique dans les années1980. Sesdimensions sont singulières : 374 mètres de long sur 8 mètres delarge !

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1. Lire aussi Massif central numéros17 et 82.

2. La République française (devenu Le Majestueux en 1803), lancé en 1802,comptait 118 canons sur trois ponts de 60 mètres de long ; le gréement culmi-nait à plus de 60 mètres. L’Hermione estune frégate dotée de 26 canons ; son pontn’excède pas les 45 mètres.

3. Les plans de L’Hermione n’ont pas été retrouvés, mais la Marine nationale disposede ceux de La Concorde, une de ses troisfrégates sœurs, prise aux Anglais en 1783.C’est eux qui ont servi de base de départ.

4. Elle s’échoua le 20 septembre 1793 sur le banc du Four, au large du Croisic, à la suite d’une banale erreur de naviga-tion. Localisée en juillet 1984, on en remonta quelques canons, une ancre,des éléments de charpente…

5. « Radouber » signifie réparer.6. Jean-Pierre Saunier, président du comité,

est retraité des affaires maritimes, ingénieur en construction navale ; PhilippeClais est consultant expert maritime ; MarcCornil est l’ancien commandant du Belem;Jean-Pierre Joubert est charpentier de marine en retraite, etc.

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LE « T O M B E A U D E L AMARINE »… Ainsi désignait-ondéjà, peu après sa création,

l’arsenal de Rochefort, dontl’environnement marécageux étaitpropagateur de toutes les fièvres de lacréation. Pour ne rien arranger, lesvirus ramenés des lointaines contréespar les grandes explorations sepropageaient en épidémie, provoquantla mort de milliers de personnes. Tandis qu’on prendconscience de l’ importance de la médecineembarquée, le médecin Jean Cochon-Dupuy décidede fonder à Rochefort, dès 1722, une école dechirurgie et d’anatomie pour la formation despersonnels. Une première. Elle s’installera peu aprèsdans un des bâtiments du tout premier hôpitalpavillonnaire de France (construit en 1783, encoreune innovation) et fonctionnera jusqu’en 1964.Conservée « dans son jus », restaurée, l’École demédecine expose aujourd’hui ses fabuleusescollections. Au premier étage, dans une somptueusebibliothèque, sont conservés quelque25 000 ouvrages. Derrière les boiseries de chêne,

prennent place une pharmacopée éditée à Lyon en1478, le Traité d’anatomie d’Ambroise Paré (1585),des ouvrages plus philosophiques comme cetteédition des Méditations métaphysiques deDescartes (1647), 296 rapports de fin de campagne,tout un fonds sur la médecine tropicale… Audeuxième étage, sous vitrine, la démonstration de la pédagogie par l’objet : des centaines despécimens, à 80 % humains, les bagnards deRochefort approvisionnant régulièrement les coursd’anatomie et de dissection, et ce dans toutes lesdisciplines de la médecine. Mais aussi descollections ethnologiques, zoologiques, botaniques,toutes ramenées des grandes expéditions. Étonnant.

La superbebibliothèque de l’école demédecine de Rochefort. 30mètres de long et,derrière les boiseries de chêne, 25 000 ouvrages en consultation libre(médecine, chirurgie mais aussiornithologie,ethnologie) dontcertains de plus detrois siècles !

L’entrée du Centre international de la mer, dans l’ancienne corderie royale qui abrite aussi, notamment, le siège national de la Ligue pour laprotection des oiseaux (LPO).

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En cales, on a débuté le calfatage, réa-lisé au chanvre. En marge du chantier,dans les ateliers, les affûts de canons at-tendent l’achèvement du pont de batte-rie pour être acheminés vers les sabords,leurs fenêtres de tir (mille millions demille sabords, s’écriait Haddock !). EtKatell Bernard termine la constructionde la cabine du marquis, rectangle exigude quatre mètres carrés en cloisons dechêne démontables pour laisser toute laplace nécessaire aux artilleurs en cas debranle-bas de combat. « À chaque étapedu chantier, le maître mot est “compro-mis”, décrypte Maryse Vital. L’objectifde reconstruction à l’identique d’une fré-gate du XVIIIe siècle ne doit pas faire ou-blier qu’elle doit naviguer au 21e siè-cle ! » Pour répondre à différents impéra-tifs, au premier rang desquels se situentceux de la sécurité et de la durabilité, ona consenti, non sans discussions, àquelques anachronismes et entorses auxmatériaux et techniques d’antan. L’Her-mione version 2011 sera équipée d’élec-tricité, d’alarmes incendie… et de deuxmoteurs Diesel qui faciliteront ses ma-nœuvres et le repêchage éventuel d’unhomme à la mer.

4 juillet 2013 à BostonLes équipements modernes seront pro-chainement répartis en cales, en lieu etplace des 2040 boulets de canon et des2,5 t de poudre embarqués à l’époque surL’Hermione. Ce sera pour 2010. On vaaussi construire, sculpter et fixer les« bouteilles » qui fermeront l’arrière en-tre coque et tableau ; les cinq cabines des

officiers (aumônier, maître calfat, etc.)prendront place sur le faux-pont ; des ha-macs seront disposés pour les matelots. Àl’avant, la proue recevra sa figure. Cesera un lion. Au sortir de la visite duchantier, on se demande comment ce co-losse de 1256 tonnes pourra flotter surles eaux du globe, gîtant parfois jusqu’à45 degrés lorsque les sabords sont fer-més, entraîné à fière allure par 3000 mè-tres carrés de voiles en lin, hissées tout enhaut des trois mâts (56 mètres pour leplus grand) par des gabiers équilibristes !Et en 2011, la mise à l’eau prendra plu-sieurs mois de contrôles et de vérifica-tions.

C’est en 2013 que L’Hermione a rendez-vous avec l’Histoire, pour sa premièretraversée de l’Atlantique. Son comman-dant de bord n’a pas encore été choisi.Une certitude cependant : les 80 mem-bres d’équipage seront des profession-nels de la marine. Car L’Hermione esttout sauf un bateau de plaisance. Arrivéeprogrammée à Boston… le 4 juillet.

« Toujours

présente

mais jamais

visible, hantant

les rêves

d’autant plus

qu’elle n’apparaît

jamais, la mer

est le grand

amour impossible

de Rochefort,

le souvenir

de l’âge d’or, le

regret du large. »

ERIK ORSENNA, écrivain,académicien, président

fondateur de l’association Hermione – La Fayette,

président du Centreinternational de la mer.

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Le pont de batterie à l’étape de son ossature, assemblage de poutres en chêne massif.

Les joyauxde l’Écolede médecine