Le Canard enchainé - 2010.05.05 - Les explications de Balladur sur les rétrocommissions sur les so

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Courtoises mais pas - suffisantes les explications de Balladur D evant la m iss ion parlem e ntaire, Ü jure n'av oir pas perçu le moindre fran c sur la v ent e de sOlLs-inarins au Pakistun et invite les dépu.tés à chercher aille urs ... I L est arrivé sans chaise à por- teurs. Mais sve<: chourreur. Le 28 avril, penda nt un peu plul! d'une heure, Edouard Balladur a été entendu par la mission d'infor- mation parlementaire sur l'atten - tat de Karachi, en 2002. Cette au- dition a eu lieu· â la demande. de l'ex-Premier min istre, après les ré- vélations de Libération. SUT un possible fi nancement illégal de sa cam pagne présidentielle de 1995 grâce à ln vente de trois sous-ma- rins français au Pakistan. A peine installé devant les cÎnq députés. Ballamou s'eSl dit .. très heureta. de pouvoir s'exprimer sur le sUJet. Rapporteur de la mission, le député PS de la Manche Bernard Cazeneuve "a repris de volée: "Je constate que ce qui n'étaJt pas pos- sible est devenu souhaitable. " A plusieurs reprises, ce parlementaire avait en effet demandé à ente ndre l'ancien Premier ministre. Sans suc- cès. Une question de préséance, sans doute. Allez voir ailleurs Pendant son ora l, Balladur avait l'air sincère ", assure un membre de la CQmmÎssion. Et. il a répondu à toutes nos questions ", ajoute un autre. Toutes, sauf une. Lorsqu'un audacieux député a osé l'interroger sur le rôle de Chi r ac, qui, sitôt élu, interdit le versement des dernières commissions relatives à ce contrat pakistanais. Réponse: ff Vous savez,je ne suis pas le mieux placé pour interpriter la pensée de celui dont lIOUS évoquez k nom. ". Puis, revenant sur cette histoire de rét r ocommissions, il a laissé en- tendre, vOIre suggéré d'aller en re- chercher les bén éficiaires du côté du .. réseau .. Léotard, alors mi- nistre de la Défense. Quant à l'origine des 10250000 F (environ 1,5 million d'euros) qui, au lendemain du pre- mier tour de la présidentIelle de 1995, sont venus garnir le compte banca ire de son association de fi- na n cement, la répo n se est auss I courtoise <Ju'évasive: ., Je crois sa· Imir qu.'il s agit de sommes récoltées lors de mes mR.etmg8. "Que ce pac- tole ail été ver&é au Crédit du Nord en coupures de 500 F et de 100 F ne l'a guère pertu r bé. Commen- taire de l'ancien candidat à la pré- sident i elle: ., Je ne le savais pas. C'est connu, Ballamou transportait ses po..rtisans par son seul charisme. Et tous n'ava i ent en poche que de gros billets. Sa Courtoise Suffi- sance, il est vro.i, ne s'intéresse guère à des questions aussi terre à terre. Conclusion d'un membre de la mÎssion d'information: .. Balladur nou8 (J. fait rompnndre que ce8 gros billets rte vertaient pas des rétro· commlS8ions pakistanais!!'s. mais d'ailleurs. "Et comme l'histoire des quêtes aux entrées des meetings ne tient pas une seconde, il faut bi en trouver autre chose. Des fonds se- crets de Matignon, peut-être ? Généreuse Lyonnaise Les parlementaires n'ont. pas posé la question qui brille les lèvres, puisque le « secret-défense. pro- tège l'usage de cet argent, laissé à la libre disposit ion du Premier mi- nistre. Mais Ballad ur a eu quelques sourires entendus, et des sous-en- tendus assez alambIqués pour que les membres de la mission com- pre n nent que c'est à ces fameux fonds secrets que l'ancien PremIer ministre pensait quand il évoquait avec insÎstance des « moyens légaux >O. f< Ligaux" comme le finanoement de ses locaux de campagne du bou- levard Saint-Germain par la Lyon- naise des eaux? .. Le Canard .. avait publié, le 25 novembre 1998, le fac- sirnilé d'un chèque de 263 375.24 F, tiré sur un compte de cette géné - reuse société, pour solder le loyer du premier semestre 1994. En examinant les dépenses de campagne du candidat Balladur du- rant l'été 1995. le Conseil consti- tut ionnel, alors présidé par Roland Dumas. n'avait rien trouvé à redire. Mais les Sages avaient tout de même adressé plusieurs lettres re- commandées à l'adversaire de Chi- rac et de Jospin. Ils venaient de constater que le plafond de dé- penses autorisées (soit 99 millions de frnncs pour le premier tour) avait été largeme nt dépassé. Et ils s'en inquiétaient. Leurs missives restè- renl sans réponse. Les comptes de Balladur furent cependant validés. sans la moi ndre sanction. Par souci d'équité ave<: ceux - également bien trop élevés - de Jacques Chirac ... La grandeur d'âme du Conseil constitut i onnel a permis à Balla- dur de plaider la ., bonne foi ,. de- vant les députés de la mission Ka- rachi. C'est lui et personne d'autre, a-t -il argumenté, qui, avant cette joute électorale de 1995, avait fait modifier la loi de financement des président ielles. La- quelle Impose, désormais. un pla- fond de dépenses, empêche le recours aux donl! de personnes mo- rales et limite les contributions in- dividuelles à 30 000 F(4 600 euros), Promulguée le 19 janvier 1995, la loi fut signée, outre par Balladur, par Pierre Méhaignerie, garde des Sceaux, Charlel! Pasqua, ministre de l'Intérieur, el Nicolas Sarkozy, ministre du Budget. Rien .l voir avec une association de malfaiteurs Didier Hassoux Le Canard Enchaîné du 5 mai 2010

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Didier Hassoux Et tous n&#39;ava ient en poche que de gros billets. Sa Courtoise Suffi- sance, il est vro.i, ne s&#39;intéresse guère à des questions aussi terre à terre. Conclusion d&#39;un membre de la mÎssion d&#39;information: .. Balladur nou8 (J. fait rompnndre que ce8 gros billets rte vertaient pas des rétro· Lorsqu&#39;un audacieux député a osé le député PS de la Manche Bernard Cazeneuve "a repris de volée: "Je constate que ce qui n&#39;étaJt pas pos- sible est devenu souhaitable. " A

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Courtoises mais pas -suffisantes les explications de Balladur

Devant la m ission parlementaire, Ü jure n 'avoir p as p erçu le moindre franc sur la vente de sOlLs-inarins au Pakistun et invite les dépu.tés à ch erche r ailleurs ...

I L est arrivé sans chaise à por­teurs. Mais sve<: chourreur. Le 28 avril, penda n t u n peu plul!

d'une heure, Edouard Balladur a été entendu par la mission d'infor­mation parlementaire sur l'atten­tat de Karachi, en 2002. Cette au­dition a eu lieu· â la demande. de l'ex-Premier mi nistre, après les ré­vélations de • Libération. SUT un possible fi nancement illégal de sa cam pagne présidentielle de 1995 grâce à ln vente de trois sous-ma­rins français au Pakistan.

A peine installé devant les cÎnq députés. Ballamou s'eSl dit .. très heureta. de pouvoir s'exprimer sur le sUJet. Rapporteur de la mission, le député PS de la Manche Bernard Cazeneuve "a repris de volée: "Je constate que ce qui n'étaJt pas pos­sible est devenu souhaitable. " A plusieurs reprises, ce parlementaire avait en effet demandé à ente ndre l'ancien Premier ministre. Sans suc­cès. Une question de préséance, sans doute.

Allez voir ailleurs Pendant son ora l, Balladur

• avait l'air sincère ", assure un membre de la CQmmÎssion. Et. il a répondu à toutes nos questions ", ajoute un autre. Toutes, sauf une. Lorsqu'un audacieux député a osé l'interroger sur le rôle de Chi rac, qui, sitôt élu, interdit le versement des dernières commissions relatives à ce contrat pakistanais. Réponse: ff Vous savez,je ne suis pas le mieux placé pour interpriter la pensée de celui dont lIOUS évoquez k nom. ". Puis, revenant sur cette histoire de rét rocommissions, il a laissé en­tendre, vOIre suggéré d'aller en re­chercher les bénéficiaires du côté du .. réseau .. Léotard, alors mi­nistre de la Défense.

Quant à l'origine des 10250000 F (environ 1,5 million d'euros) qui, au lendemain du pre-

mier tour de la présidentIelle de 1995, sont venus garnir le compte bancaire de son association de fi­nancement, la répo nse est aussI courtoise <Ju'évasive: ., Je crois sa· Imir qu.'il s agit de sommes récoltées lors de mes mR.etmg8. "Que ce pac­tole ail été ver&é au Crédit du Nord en cou pures de 500 F et de 100 F ne l'a guère pertu rbé. Commen­taire de l'ancien candidat à la pré­sidentielle: ., Je ne le savais pas. ~ C'est connu, Ballamou transportait ses po..rtisans par son seul charisme. Et tous n'ava ient en poche que de gros billets. Sa Courtoise Suffi­sance, il est vro.i, ne s'intéresse guère à des questions aussi terre à terre.

Conclusion d'un membre de la mÎssion d'information: .. Balladur nou8 (J. fait rompnndre que ce8 gros billets rte vertaient pas des rétro·

commlS8ions pakistanais!!'s. mais d'ailleurs. "Et comme l'histoire des quêtes aux entrées des meetings ne tient pas une seconde, il faut bien trouver autre chose. Des fonds se­crets de Matignon, peut-être ?

Généreuse Lyonnaise Les parlementaires n'ont. pas

posé la question qui brille les lèvres, puisque le « secret-défense. pro­tège l'usage de cet argent, laissé à la libre disposition du Premier mi­nistre. Mais Balladur a eu quelques sourires entendus, et des sous-en­tendus assez alambIqués pour que les membres de la mission com­pre nnent que c'est à ces fameux fonds secrets que l'ancien PremIer ministre pensait quand il évoquait avec insÎstance des « moyens légaux >O.

f< Ligaux" comme le finanœment

de ses locaux de campagne du bou­levard Saint-Germain par la Lyon­naise des eaux? .. Le Canard .. avait publié, le 25 novembre 1998, le fac­sirnilé d'un chèque de 263 375.24 F, tiré sur un compte de cette géné­reuse société, pour solder le loyer du premier semestre 1994.

En examinant les dépenses de campagne du candidat Balladur du­rant l'été 1995. le Conseil consti­tutionnel, alors présidé par Roland Dumas. n'avait rien trouvé à redire. Mais les Sages avaient tout de même adressé plusieurs lettres re­commandées à l'adversaire de Chi­rac et de Jospin. Ils venaient de constater que le plafond de dé­penses autorisées (soit 99 millions de frnncs pour le premier tour) avait été largeme nt dépassé. Et ils s'en inquiétaient. Leurs missives restè­renl sans réponse. Les comptes de Balladur furent cependant validés. sans la moi ndre sanction. Par souci d'équité ave<: ceux - également bien trop élevés - de Jacques Chirac ...

La grandeur d'âme du Conseil constitut ionnel a permis à Balla­dur de pla ider la ., bonne foi ,. de­vant les députés de la mission Ka­rachi. C'est lui et personne d'autre, a-t-il argumenté, qui, avant cette joute électorale de 1995, avait fait modifier la loi de financement des campa~nes président ielles. La­quelle Impose, désormais. un pla­fond de dépenses, empêche le recours aux donl! de perso nnes mo­rales et limite les contributions in­dividuelles à 30 000 F(4 600 euros), Promulguée le 19 janvier 1995, la loi fut signée, outre par Balladur, par Pierre Méhaignerie, garde des Sceaux, Charlel! Pasqua, ministre de l'Intérieur, el Nicolas Sarkozy, ministre du Budget.

Rien .l voir avec une association de malfaiteurs

Didier Hassoux Le Canard Enchaîné du 5 m

ai 2010