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1 Latitude 37 ACTUALITÉS DE LA SOCIÉTÉ DES EXPLORATEURS FRANÇAIS n ° 18 décembre 2011 ÉDITO La Société des Explorateurs Français est maintenant visible sur Internet. Notre nouveau site a vu le jour il y a maintenant quelques mois, grâce au travail de Christian Clot. Notre vice-président et Véra Frossard le tiennent à jour régulièrement et y consacrent beaucoup d'énergie. S'il reste quelques pages à finir et quelques détails à fignoler, son succès (le nombre de visites en augmentation constante) est notre récompense. La visibilité accrue des activités de notre Société est un de nos objectifs et un de nos devoirs puisque nous sommes depuis 1972, comme vous le savez, une association reconnue d'utilité publique. Nos activités, nos conférences et autres événements sont aujourd'hui à la disposition du plus grand nombre. Je tiens par ailleurs à remercier chaleureusement Patrick Filleux pour avoir accepté de s'occuper de la rubrique « Actualité de l'exploration ». Et si certains se sentent le courage de prendre la responsabilité d'une rubrique, qu'ils n'hésitent pas à nous contacter. Ce site Internet permettra également d'avoir, sans que cela remplace le traditionnel annuaire, une liste des membres tenue plus à jour. Un élément important, notamment pour les nouveaux membres qui se voient ainsi mieux accueillis au sein de la Société. Dès le début de l'année prochaine, un lien personnalisé vers une adresse mail et/ou un site sera proposé à chacun. L'arrivée de ce site entraîne de nouveaux modes de fonctionnement et notre bulletin de liaison se doit lui aussi d'évoluer. Avec Muriel Hutter, qui s'occupe admirablement de ce bulletin depuis maintenant de nombreuses années, Jacques Violet qui a activement participé à ce numéro et le comité directeur, nous avons choisi d'étoffer Latitude 37. En effet, les nouvelles et autres actualités étant aujourd'hui majoritairement relayées par le site, il nous a paru intéressant de profiter de cette transition pour donner plus longuement la parole aux membres de la Société. C'est donc au travers de nouveaux articles, plus longs et maintenant illustrés, que chacun pourra, s'il le désire, faire partager son travail. Notre souhait est que le « nouveau » bulletin de liaison Latitude 37 devienne peu à peu la tribune de nos aventures, de nos recherches et de nos passions. Il sera, bien entendu également visible, sur notre site. En cette fin d'année, et sans oublier de vous demander de nous faire parvenir votre cotisation pour l'année prochaine, je m'associe aux membres du bureau et du comité directeur pour vous souhaiter une excellente année 2012, pleine de rêves, d'expéditions et de découvertes. Bien à vous, Olivier Archambeau, Président NOUVELLES Bruno Bas écrit en octobre : « Chers amis, Sur le bord du fleuve Paraïba ou est amarrée Amélise au ponton du Yacht-Club Jacare-Village, dirigé par nos compatriotes Philippe et Francis, je vous envoie de courtes nouvelles (rassurantes cette fois). Après le stress certain que nous avons éprouvé en découvrant à Fernando de Noronha la perte quasi complète du gouvernail, suite à une délamination du polyester (en raison d'une construction trop fragile et mal conçue par le chantier Etap) nous voici enfin, complètement en sécurité à Jacaré. L'équipage exceptionnel que j'ai à bord a permis la reconstruction et surtout la mise en place sous l'eau d'un safran de fortune qui nous a amenés de Noronha à Natal (où il n'existe pas d'infrastructures de réparation) puis enfin à Jacaré où la marina me reconstruit un gouvernail de grande qualité qui devrait être prêt d'ici 15 jours. Nous visitons en pirogue, bac de passeur, autobus et petit train les alentours de la péninsule de Cabedelo/Joan Passoa dans une atmosphère très agréable. Température et hygrométrie restent cependant assez élevées. Catherine devrait arriver à Récife le 28 octobre et faire avec moi un voyage sur l'Amazone en bateau bus, mais nous n'avons encore rien préparé quant à l'organisation de ce petit périple. Ensuite mon nouveau programme devrait nous mener avec Amélise dans les petites Antilles durant l'hiver avec un retour prévu en Europe Sommaire du n° 18 Nouvelles…….……………………….………………………….1 Articles……………………………………………………………2 Le dernier voyage……………………………………………….5

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Latitude 37 est, depuis la création de la SEF, le journal de liaison de notre société. Il maintient un lien entre les nombreux explorateurs sur le terrain et ceux qui sont sur le retour ou en attente de partir. Depuis 2010, afin de permettre une meilleure visibilité de la riche activité de l’exploration française et européenne, Latitude 37 devient public.

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ACTUALITÉS DE LA SOCIÉTÉ DES EXPLORATEURS FRANÇAIS

n°18 – décembre 2011

ÉDITO La Société des Explorateurs Français est maintenant visible sur Internet. Notre nouveau site a vu le jour il y a maintenant quelques mois, grâce au travail de Christian Clot. Notre vice-président et Véra Frossard le tiennent à jour régulièrement et y consacrent beaucoup d'énergie. S'il reste quelques pages à finir et quelques détails à fignoler, son succès (le nombre de visites en augmentation constante) est notre récompense. La visibilité accrue des activités de notre Société est un de nos objectifs et un de nos devoirs puisque nous sommes depuis 1972, comme vous le savez, une association reconnue d'utilité publique. Nos activités, nos conférences et autres événements sont aujourd'hui à la disposition du plus grand nombre. Je tiens par ailleurs à remercier chaleureusement Patrick Filleux pour avoir accepté de s'occuper de la rubrique « Actualité de l'exploration ». Et si certains se sentent le courage de prendre la responsabilité d'une rubrique, qu'ils n'hésitent pas à nous contacter. Ce site Internet permettra également d'avoir, sans que cela remplace le traditionnel annuaire, une liste des membres tenue plus à jour. Un élément important, notamment pour les nouveaux membres qui se voient ainsi mieux accueillis au sein de la Société. Dès le début de l'année prochaine, un lien personnalisé vers une adresse mail et/ou un site sera proposé à chacun. L'arrivée de ce site entraîne de nouveaux modes de fonctionnement et notre bulletin de liaison se doit lui aussi d'évoluer. Avec Muriel Hutter, qui s'occupe admirablement de ce bulletin depuis maintenant de nombreuses années, Jacques Violet qui a activement participé à ce numéro et le comité directeur, nous avons choisi d'étoffer Latitude 37. En effet, les nouvelles et autres actualités étant aujourd'hui majoritairement relayées par le site, il nous a paru intéressant de profiter de cette transition pour donner plus longuement la parole aux membres de la Société. C'est donc au travers de nouveaux articles, plus longs et maintenant illustrés, que chacun pourra, s'il le désire, faire partager son travail. Notre souhait est que le « nouveau » bulletin de liaison Latitude 37 devienne peu à peu la tribune de nos aventures, de nos recherches et de nos passions. Il sera, bien entendu également visible, sur notre site. En cette fin d'année, et sans oublier de vous demander de nous faire parvenir votre cotisation pour l'année prochaine, je m'associe aux membres du bureau et du comité directeur pour vous souhaiter une excellente année 2012, pleine de rêves, d'expéditions et de découvertes.

Bien à vous, Olivier Archambeau, Président

NOUVELLES Bruno Bas écrit en octobre : « Chers amis, Sur le bord du fleuve Paraïba ou est amarrée Amélise au ponton du Yacht-Club Jacare-Village, dirigé par nos compatriotes Philippe et Francis, je vous envoie de courtes nouvelles (rassurantes cette fois). Après le stress certain que nous avons éprouvé en découvrant à Fernando de Noronha la perte quasi complète du gouvernail, suite à une délamination du polyester (en raison d'une construction trop fragile et mal conçue par le chantier Etap) nous voici enfin, complètement en sécurité à Jacaré. L'équipage exceptionnel que j'ai à bord a permis la reconstruction et surtout la mise en place sous l'eau d'un safran de fortune qui nous a amenés de Noronha à Natal (où il n'existe pas d'infrastructures de réparation) puis enfin à Jacaré où la marina me reconstruit un gouvernail de grande qualité qui devrait être prêt d'ici 15 jours. Nous visitons en pirogue, bac de passeur, autobus et petit train les alentours de la péninsule de Cabedelo/Joan Passoa dans une atmosphère très agréable. Température et hygrométrie restent cependant assez élevées. Catherine devrait arriver à Récife le 28 octobre et faire avec moi un voyage sur l'Amazone en bateau bus, mais nous n'avons encore rien préparé quant à l'organisation de ce petit périple. Ensuite mon nouveau programme devrait nous mener avec Amélise dans les petites Antilles durant l'hiver avec un retour prévu en Europe

Sommaire du n° 18 Nouvelles…….……………………….………………………….1 Articles……………………………………………………………2 Le dernier voyage……………………………………………….5

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aux mêmes dates qu'initialement, c’est-à-dire en mai ou en juin. Vus d'ici, au bout de la mangrove, les événements français et européens nous paraissent vraiment très loin ! Mais je pense bien à vous cependant... » Et en décembre : « Me voici arrivé depuis 8 jours à Cayenne. Après une belle route à la voile depuis Joao Pessoa au Brésil jusqu'à l'embouchure de la rivière Mahury où je suis actuellement amarré, il m'aura fallu 7 jours et 20 heures pour parcourir 1 320 milles nautiques, avec une journée historique à 200 milles. Il faut reconnaître que le courant de Guyane y est pour quelque chose, puisqu'il porte vers les Antilles en longeant l'Amérique du Sud. Le deuxième équipier a débarqué et j'attends un de mes camarades habitué d'Amélise pour continuer la route sur les petites Antilles où un certain nombre d'escales sympathiques sont prévues à partir de janvier jusqu'à la fin du mois d'avril. Je visite en voiture avec des camarades marins partis en même temps que moi du Brésil la belle et vaste Guyane. La forêt et les fleuves sont magnifiques, la diversité culturelle intéressante (la semaine dernière, nous étions chez les Mongs, réfugiés politiques venus du Laos en 1978) ; l'accueil est partout agréable (en tout cas très différent de celui des Antilles françaises). Nous avons aussi visité le Centre Spatial Guyanais et nous assisterons le 16 décembre (si tout fonctionne bien) au lancement d'une fusée Soyouz ! En résumé, la Guyane est vraiment une belle et bonne escale, à l'exception de la baignade en mer... et de la marina de Cayenne où je suis actuellement (elle ressemble à un "ponton-mouroir-à-bateaux, car beaucoup de voyageurs-vagabonds y ont abandonné là leur monture). Catherine vient me rejoindre aux vacances de Noël ; ce qui me permettra de lui montrer tout ce que j'ai déjà vu et apprécié ici. Je remercie tous ceux qui m'ont écrit et, en attendant de vos nouvelles fraîches, j'en profite pour vous souhaiter - avec un peu en avance - d'heureuses fêtes de fin d'année. » Maurice Thiney nous écrit : « Retour d'un long périple au cœur des Balkans, poudrière aujourd'hui apaisée.

Pour essayer de comprendre ce qui s'est passé nous somme allés, Christine et moi, en commençant par Dubrovnik: au Monténégro, en Albanie, au Kosovo, en Macédoine, en Serbie pour terminer par la Bosnie-Herzégovine. Nous avons surtout compris que, heureusement que certains pays, comme la Serbie, par exemple, souhaitent entrer dans l'Europe, car au regard de l'énorme brassage des populations dans cette partie du monde, il ne faudrait pas grand chose pour ranimer la flamme... La KFOR, que nous avons d'ailleurs rencontrée, est toujours présente au Kosovo. La qualité de l'accueil et de l'hospitalité sont particulièrement à souligner en Albanie et au Kosovo. » Sébastien Jallade publie un nouveau récit aux éditions Transboréal en janvier 2012 : Espíritu Pampa. Sur les chemins des Andes. Pendant quatre années de marche dans la Cordillère, de Quito à La Paz, il a recueilli la voix des paysans, des mineurs et des artisans, rencontré des victimes du conflit armé avec le Sentier lumineux, filmé les fondateurs d’une radio communautaire dans la vallée de l’Urubamba, étudié l’usage contemporain des chemins préhispaniques. Autant de rencontres et de lieux où les croyances se mêlent, où les époques se croisent ou s’ignorent, autant de territoires qui esquissent une réalité originale des Andes, celle de régions écartelées par la géographie et l’histoire. Se dessine au fil des pages un regard sans concession sur nos illusions d’exotisme. ARTICLES Découvertes archéologiques à Madagascar, puis en Papua-Barat

par Erik Gonthier L’année 2010 a été une période particuliè-ement intéressante sur le plan des découvertes archéologiques à Madagascar. Après un premier voyage en 2001 et un tournage avec « Ushuaïa Nature » dans le massif du Makay situé au nord du massif de l’Isalo, je suis parti en janvier, puis en novembre et décembre sur le même site dans le cadre de la mission « Makay-Nature », « Nature Evolution » pour diriger une équipe archéologique. Ces missions rentrent

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dans le cadre d’une participation très active et polythématique du recensement de la flore et de la faune locale, et aussi de la présence des occupations humaines dans le massif du Makay au sud-ouest de l’île. Avec les autorités malgaches et sous ma direction, grâce à la participation des ethnies locales Bara comme Pierre et Gaston Nambo, et des équipes franco-malgaches (Francis Duranthon, Odile Romain, Evrard Wendenbaum (directeur des missions « Makay-Nature »), Nicolas Gilardi, Christian Perrenoud, Narindra, et bien d’autres) les toutes premières grottes et abris-sous-roches à art pariétal (peintures et gravures) de la Grande île ont pu être révélés et relevés. Ces découvertes historiques pour la recherche scientifique, sont actuellement à l’étude au Muséum national d’Histoire naturelle de Paris et à Tananarive au musée d’Art et Histoire. Elles entrent dans le cadre d’un futur projet de classement au patrimoine national malgache, du Makay. Les grottes de Faratsay et de Mahatigny et une série d’abris-sous-roches sont couverts de peintures géométriques mono et polychromes en rapport direct avec les pratiques du sikidy, art divinatoire malgache dispensé par les devins-guérisseurs (ombyasa). Ces centaines de dessins s’accompagnent de représentations polychromes anthropomorphes et zoomorphes et parfois de gravures, les plus anciens remontant au IXe siècle !

Grand zébu cabré à corne droite biphide.

Grotte de Mahatigny

La découverte de ces sites archéologiques relance l’étude du peuplement dans cette zone d’occupation du pays très peu connue jusqu’alors des scientifiques. Les peintures ont été déposées sur les parois à des périodes successives remontant pour les plus archaïques

à la présence des Sakalava, puis des Arabes, des Merina, et enfin des Bara.

Figures géométriques en rapport avec le « sikidy ».

Pratiques ethno-mathématiques de l’art de la divination pratiqué par les « ombiasa » (devins-guérisseurs »

La dernière expédition qui a regroupé plus d’une centaine de personnes, a permis la réalisation d’un documentaire long métrage en 3D actuellement diffusé. Responsable d’une mission archéologique, je me suis rendu en Papua-Barat (Papouasie Occidentale) en septembre et octobre 2010, avec l’expédition «Lengguru-Kaïmana» menée sous la direction scientifique de Philippe Pouyaud (IRD), pour étudier une zone nouvelle de la Nouvelle-Guinée Indonésienne située au sud du cou de la Tête-d’Oiseau, dans la baie de Triton. A partir d’un bateau affrété à cette occasion et servant de camp de base, cette mission a pu être menée efficacement avec la collaboration d’archéologues indonésiens, Erlin et Budiman. Une vingtaine de nouveaux sites à art pariétal ont été révélés.

Situation de la baie de triton au sud du cou

de la Tête-d’Oiseau. Papua-Barat. Ces sites se trouvent sur des parois verticales de reliquats karstiques plongés en pleine baie de Triton. Ces peintures monochromes, pour la plupart dans les tons rouges, sont situées sur des parois orientées est-ouest. De rares sites sont en connexion avec des tombes cachées dans des anfractuosités anciennes.

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L’étude de ces peintures a permis de reconnaître une forme de construction syntaxique partant de codes graphiques simples à plus complexes. Ces dessins d’époque néolithique (estimés vers 2500 ans avant J.-C.), aux apparences anthropomorphes, dans leurs formes les plus abouties, appartiennent à une forme d’expression presqu’apparentée à une «écriture». Malheureusement le décodage linguistique, mais pas sémiologique, n’a pas pu être compris. Les populations indigènes ont totalement déserté ou ont définitivement disparues de cette région il y a seulement une trentaine d’années.

À gauche : figures mâle en connexion sur une figure

féminine. À droite : décodage sémiologique des éléments des dessins en rapport avec d’autres codes épars situés sur d’autres parois de la baie de Triton. Papua-Barat

Aujourd’hui, cette zone géographique est occupée par de nouveaux arrivants issus populations de régions malaises et mélanésiennes en provenance des îles Moluques, de Biak, de Japen, de Céram, etc. La recherche de faits archéologiques n’a permis de ne retrouver qu’une seule herminette-outil de pierres polie et aucune mémoire collective n’a su retenir plus d’informations. Expéditions et explorations dans les Andes argentines, massif de La Ramada

par Henry Bizot

La Ramada est un massif reculé de la cordillère des Andes, situé à 200 km au nord ouest de Mendoza, à proximité de la frontière chilienne. J’ai réalisé trois expéditions au sein de La Ramada, attiré par ce massif reculé et peu fréquenté, sauvage et sans carte précise, qui offre de séduisantes opportunités d’explo-

rations d’itinéraires nouveaux sur ses cinq sommets de plus de 6 000 m et sur ses « 5 000 ».

Vallée du rio Colorado, où est implanté le camp de base

Vue sur des montagnes de la Ramada (Pico Polaco à gauche).

2005 - Ascensions du Pico Negro et du Pico Polaco (1re ascension française connue) En une journée de 4x4 depuis Mendoza, nous rejoignons Barréal, jolie bourgade qui, à elle seule, vaut le déplacement, avec ses chemins de terre qui trouvent ombrage sous des saules pleureurs, des peupliers et des eucalyptus. Quelques kilomètres avant le village, une piste s’engage plein ouest dans la cordillère. Un imprévu nous attend. Le pont, qui permet de franchir en véhicule le rio de los Patos et rejoindre le poste de gendarmerie de Santa Anna, vient d’être détruit par une augmentation de la crue.

Pont détruit

Mon camarade de cordée argentin et moi-même, nous sommes contraints de démarrer la marche plus tôt que prévu. Nous marchons trois jours et franchissons une dizaine de rivières jusqu’au camp de base. 1 400 mètres de dénivelée sur une distance de 30 kilomètres dans la luxuriante vallée du Colorado, au pied de montagnes volcaniques dont les couleurs, à dominante ocre, varient avec l’orientation du soleil. Notre matériel est transporté par des mules, fermement conduites par Alejandro, leur muletier. Du camp de base, les vues sont impressionnantes sur la face sud du Mercedario et sur le pico Polaco. Quant aux habitants permanents, les agiles guanacos1, ils 1 Apparenté au lama. Sauvage, il n'a pas été domestiqué.

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contemplent de manière hautaine ces bipèdes envahissants des saisons estivales.

La splendide pyramide du Pico Polaco.

Nous nous acclimatons tout d’abord sur le splendide couloir, en neige et glace, de 1300 mètres de dénivelée, de la face sud du Pico Negro (5 600 m). Les conditions climatiques sont rudes dans cette région, avec des vents violents en rafales. Puis nous nous engageons sur la fantastique pyramide du Pico Polaco (6020 m), considérée comme la plus difficile du coin, rarement gravie (une dizaine de fois), aucune ascension préalable française connue.

Ascension du Pico Polaco

1300 m de dénivelée depuis le camp 2

Nous sommes contraints de faire deux tentatives avant d’atteindre, le 16 décembre, le sommet du Pico Polaco. Au sommet, nous échangeons une feuille écrite, laissée par nos prédécesseurs dans une boîte de conserve, contre la nôtre : une tradition argentine !

Arrivée au sommet du Pico Polaco (6 020 m).

Je m’étais promis de revenir dans ce massif où j’avais repéré des opportunités ! 2008 - Exploration d’un nouvel itinéraire De fait, fin décembre 2007, en pleine saison estivale, nous retournons, avec le grimpeur argentin Anibal Maturano, et Rodriguez un porteur, dans ce gigantesque cirque glaciaire de 15 kilomètres de large. L’itinéraire débute dans l’ « upper valley », à une heure de marche du camp de base. Nous nous engageons sur un pierrier bien incliné, qui rejoint une plateforme où nous plaçons le camp I à 4 300 m. Puis, par deux pierriers successifs délicats, nous débouchons sur un glacier de pénitents2 à 4 600 m. Nous éprouvons une double satisfaction ! Tout d’abord, d’avoir eu la chance de trouver rapidement un passage pour franchir cette barrière de pierriers délicats. Et aussi de découvrir ce glacier de toute beauté, qui s’étend paisiblement sur une dizaine de km2, et se protège du monde des hommes depuis des millénaires.

Arrivée sur le glacier.

Le camp 2, « franco argentino », est placé au fond du glacier, dans un cirque, au pied de deux couloirs de neige de 500 m à 45°. Le jour suivant, nous « ouvrons » un des couloirs, et

2 Les pénitents se développent essentiellement sur les glaciers tropicaux des Andes. Ce sont des lames parallèles en glace, d'une hauteur de quelques centimètres à quelques mètres, alignées dans le sens est-ouest et inclinées vers le soleil. Leur taille, souvent proche de celle d'un homme, ainsi que leur forme et leur régularité donnent l'impression d'une procession religieuse lors de la semaine sainte, d'où le nom de pénitents.

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décidons de revenir le lendemain pour tenter un sommet que nous pensons être le pico Austria, gravi une fois en 1971, par une expédition autrichienne. Le 9 janvier 2008, c’est par l’autre couloir, suivi d’une arête puis d’une pente en neige, que notre cordée franco-argentine parvient au sommet. L’altitude est 5700 m. La vue est fantastique sur les 6000 du massif, la Ramada, le Polaco, le Mercedario. Au sommet, nous laissons, sous un tas de pierres, des informations sur notre ascension. L’aventure se poursuit… avec la découverte, quelques semaines après notre retour, que ce sommet reculé que nous avons atteint n’est très probablement pas l’Austria. Anibal, qui connaît le coin depuis 20 ans, se réfère notamment à une information dans la revue du Club andin Mercedario des années 70, la seule référence à l’ascension de 1971, qui précise que l’altitude de l’Austria est de 5 230 m, alors que le sommet atteint le 9 janvier 2008 s’élève à 5 700 m. Sans carte précise du massif, on peut se tromper ! En l’absence d’ascension connue, le pico 5700 est nommé par les argentins « franco-argentino ». Si quelqu’un monte sur ce dernier, qu’il n’oublie pas de changer le nom… 2009 - Nouvel itinéraire sur la Mesa (6130 m) : « Veronica y seis hijos ».Au mois de décembre 2009, au début de la saison estivale, avec Gabriel Fava (Argentine), nous explorons une nouvelle voie sur La Mesa, une montagne reculée du massif, qui possède une longue arête sommitale de quelques kilomètres.

Montagne de la Mesa et sa longue arête sommitale.

Image prise en 2008 lors de l’ascension du Pico franco-argentino.

Deux camps d’altitude sont nécessaires pour parvenir au pied de la montagne. Il me faut gérer des blocages de dos, bien invalidants depuis 2 mois. Le 15 décembre nous nous engageons sur un nouvel itinéraire de 1100 m, de pentes glaciaires à 55° max d’inclinaison. Nous atteignons un sommet (6 130 m) bien caractéristique de la montagne, qui occupe une position centrale. Nous dédions cette nouvelle

voie à ma femme et nos six garçons, en le baptisant « Veronica y seis hijos ».

Arrivée au sommet central de la Mesa (6 130 m).

Avec Gabriel, mon camarade de cordée argentin, nous reviendrons, au cours de l’hiver austral 2010, dans ces montagnes argentines. Une nouvelle aventure andine qui se déroulera dans le massif de l’Ansilta, situé au nord de La Ramada, au cours de laquelle nous aurons la chance de pouvoir contempler, dans des grottes, de splendides peintures rupestres remarquablement conservées. (À suivre dans le prochain bulletin…)

Je reviendrai dans ces massifs sauvages des Andes argentines… LE DERNIER VOYAGE Alors que nous sommes à la fin de l’année, j’observe un bien triste bilan ; 2011 restera, je l’espère, exceptionnelle ; nous avons rendu hommage cette année à douze de nos membres partis pour leur plus grand voyage. Les délais de parution de notre bulletin ne nous ont pas permis d’évoquer la mémoire de deux « grands anciens » disparus l’été dernier : Christiane Desroches-Noblecourt, à l’âge de 98 ans, et Jean Leclant, à l’âge de 91 ans. Leurs destinées et leurs carrières ont marqué notre époque. Ils sont de la première génération qui a fondé notre association et resteront l’honneur du Club.

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Christiane Desroches-Noblecourt était l’ancien conservateur en chef des Antiquités égyptiennes au Musée du Louvre et conseiller de l’UNESCO auprès du centre de documentation et d’étude sur l’Egypte ancienne au Caire. Elle était à l’origine de la sauvegarde des monuments de Nubie et a effectué de nombreuses fouilles en Egypte. Dans les années 60, elle organisa en France les grandes expositions sur Toutankhamon et Ramsès II. Christiane Desroches-Noblecourt était Commandeur de la Légion d’honneur, Médaille de la Résistance, commandeur des Palmes académiques et des Arts et Lettres. Jean Leclant, lui aussi spécialiste de l’Egypte ancienne et de l’archéologie de la Vallée du Nil, agrégé de géographie, docteur ès lettres, Membre de l’Institut et Professeur honoraire au Collège de France, consacra de nombreuses études sur l’Ethiopie ancienne et les populations locales qui fondèrent le royaume d’Aksoum. Jean Leclant était Commandeur de la Légion d’honneur et de l’ordre national du Mérite, Commandeur des Palmes académiques et des Arts et Lettres, Grand-officier de l’ordre de la République d’ Egypte et de l’ordre Impérial de Ménélik (Ethiopie). Les deux derniers membres de notre association auxquels nous tenons à rendre hommage sont Catherine Garanger (voir ci-contre) et Jean Naud. Notre ami Jean Naud nous a quittés le 1er août dernier. Benjamin d’une fratrie de trois garçons, Jean est né à Blida, Algérie, le 13 mars 1931. Après ses études à Alger puis à Paris, il commence une carrière d’ingénieur chez plusieurs constructeurs automobiles. Mais Jean n’est pas homme de bureau, il a déjà le goût de l’aventure et des voyages. L’opportunité s’offre à lui pendant son service militaire, de participer à un rallye Alger - Le Cap en voiture et une première traversée du Sahara. L’amour du désert ne le quittera plus, il va traverser plusieurs fois le Sahara en voiture avant d’entreprendre un pari complètement fou : traverser le Sahara seul à bicyclette. Avant de se lancer dans l’aventure, il parcourt la France et l’Algérie à vélo avec ses frères et ses copains. En ingénieur expérimenté, il va concevoir, dessiner et construire un engin très original, un tricycle unique en son genre, pour lui permettre de

traverser plus de 2 000 km de pistes et surtout de sable. En 1986, c’est le grand départ. 3 200 km seul sur son tricycle, en autonomie totale d’Alger à Tombouctou ; une aventure de plusieurs mois qui allie audace et courage, qu’il racontera dans son livre Trois roues pour Tombouctou (Ed. Albin Michel, 1987). Jean Naud connaissait bien le Sahara et l’Afrique saharienne, après son exploit, il va traverser plusieurs fois l’Algérie, la Mauritanie, la Libye, le Mali, le Niger et la Guinée ; il avait aménagé et transformé deux camions pour toutes ces grandes expéditions. De retour à Paris et entre ses voyages, l’esprit toujours en éveil, Jean Naud continuait à travailler à la conception d’un véhicule monoplace bi-énergie thermique et électrique. Malheureusement pour Jean, ce véhicule ne verra jamais le jour. Ultime récompense, il obtient une Médaille d’or au concours Lépine et participera à une exposition remarquée à Taipei (Taïwan). Jean Naud aimait le Sahara, le désert, ce grand désert de sable et de massifs montagneux. Tous ceux qui l’ont connu se souviennent d’un être chaleureux et discret, il avait le calme des vieux sahariens. Jean était membre de la Rahla, l’amicale des sahariens où l’on se rencontrait toujours avec bonheur lors des conférences. Que ses deux fils Frédéric et Jean-Michel soient assurés de toute notre sympathie. Toutes mes très amicales pensées à sa compagne Paule-Catherine qui accompagnait toujours Jean dans ses derniers voyages et aux dîners du Club.

Jacques Violet Secrétaire Général honoraire

Catherine Garanger est décédée le 26 juin 2011 à Lamblore, à l’âge de 63 ans. En 1996 elle revenait de la Taïga, terre de chamanes, en compagnie de son mari Marc Garanger. Co-réalisatrice d’une très belle publication et d’un beau documentaire sur ce thème, Catherine avait une carte de visite de grande qualité pour franchir l’entrée de la Société des explorateurs français un an plus tard. Sept ans en terre sibérienne pas loin d’une camera et avec une plume à la main, le choix d’être documentariste est devenu peu à peu une évidence. En survolant les paysages et l’espace du Nord, elle s’est posée sur la dune de

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Courlande en pleine mer Baltique, premier observatoire ornithologique du monde, pour nous faire découvrir l’épopée du roitelet huppé, le roi des petits oiseaux, sous les regards des ornithologues russes.

Passionnée de son travail, respectueuse de la passion des autres, proche de la nature et à la découverte de la beauté qui nous entoure, elle a pris l’envol des migrateurs avant l’automne… sans attendre l’escorte de ses petits oiseaux. Rosa Olmos

APPEL DE COTISATION pour 2012 Membre actif : 55 €

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Librairie « La GéoGraphie » 184 bd Saint-Germain.

Une de ses vocations est d’être également au service de la Société des explorateurs français et d’être le relais des publications de ses membres. Elle nous fait bénéficier des mêmes avantages que ceux consentis aux membres de la Société de géographie : . 5 % de réduction sur tous les livres (neufs et occasions) . possibilité de laisser en dépôt-vente, bien entendu avec une remise pour la librairie, toutes publications dans le domaine de l’exploration, des voyages et de l’aventure scientifique . invitations à toutes les manifestations organisées par la librairie (dédicaces, lancements d’ouvrages, conférences, etc.) . lettres régulières par e-mail présentant les nouveautés et les ouvrages liés à l’actualité . commandes d’ouvrages et service de recherche pour le compte des membres. Il faut noter la possibilité offerte par le libraire aux membres de la Société des explorateurs français de venir faire des lancements de leurs propres ouvrages.

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S o c i é t é d e s E x p l o r a t e u r s F r a n ç a i s – 1 8 4 , b o u l e v a r d S a i n t - G e r m a i n – 7 5 0 0 6 P A R I S Tél./Fax : 01.45.49.03.51 - E-mail : [email protected] - Site Web : www.societe-explorateurs.org