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L'APPROPRIATION D'INTERNET DANS UNE SOCIÉTE SUR UN TERRITOIRE : PARTHENAY COMME MICROCOSME Emmanuel EVENO Maître de Conférences, HDR, Université de Toulouse-Le Mirait, Chercheur au CIEU-CNRS (Centre Interdisciplinaire d'Études Urbaines) et au GRESOC (Groupe de Recherches en Socio-Économie) Parthenay, modèle français et européen de « Ville numérique » Le texte suivant est une synthèse d'un chapitre sur l ' étude du cas parthenaisien publié dans l'ouvrage collectif Autoroutes de l'information et dynamiques territoriales, co-dirigé par Alain Lefebvre et Gaëtan Tremblay. Nous l'avons modifié à la marge et lui avons surtout rajouté une dernière partie sur les luttes politiques qui ont eu pour conséquence l'échec électoral de l'équipe municipale qui avait porté l'expérimentation. La ville de Parthenay a fait le recensement' des articles, émissions de radio ou de télévision qui font état de son projet : 5 reportages de télévision (FR3 national et régional ; La Cinquième, M6 et CNBC aux Etats-Unis) ; 6 reportages ou émissions de radios nationales dont une émission de France Culture notamment basée sur un reportage réalisé sur Parthenay ; 7 rapports, dont le rapport officiel de Patrice Martin-Lalande au Premier Ministre (« L ' Internet, un vrai défi pour la France », Paris, La Documentation française, 1997) ou encore le rapport au Sénat de Franck Sérusclat' ; 21 articles de Presse nationale (Le Monde', Libération, L'Express . . .) ; 32 conférences nationales et internationales ; 115 articles de presse régionale ; 137 émissions de la radio locale « Gâtine FM ». La couverture médiatique fut donc impression- nante et a durablement placé Parthenay dans la situation du « modèle français » de « site labora- toire », en concurrence avec d'autres sites, tel les villes de Metz, d'Issy-Les-Moulineaux, de Nice- Sophia-Antipolis, Poitiers et son Futuroscope, Lille-Roubaix-Tourcoing et son Téléport . . . Dans ce club très fermé, Parthenay était à la fois l'un des plus récents (Metz, Nice-Sophia, Poitiers . . . ont en fait acquis depuis plusieurs années ce statut de modèle » et de « ville-laboratoire » des nouvelles technologies) et, fait rarissime, elle était une « petite ville isolée » dans les termes de la nomenclature INSEE. Succès indiscutable donc, à tel point d'ailleurs qu'il avait été envisagé qu' il puisse y avoir quelques effets pervers attachés à cette surmédiatisation . C'est ainsi que la ville a dû faire face à toute une série de demandes de visites, voire d'expertises de la part d'autres collectivités locales, des grandes villes comme des petites 4 . En outre, cette surmédiatisation du « modèle » a placé Parthenay dans la contrainte d'une perpétuelle surenchère d'innovations et de signes de réussite pour conserver son statut particulier dans les médias . Enfin, Parthenay a été contrainte de donner des signes concrets prouvant qu'elle était à l'avant-garde sous peine que le discours et la réalité sur le terrain ne souffrent d'un décalage trop patent. Au-delà des effets inévitables de la survalori- sation médiatique, le « modèle parthenaisien » a donc eu de quoi surprendre . L'évaluation du projet parthenaisien réalisé en juillet 1997 dans le cadre d ' un programme de recherche financé par la DG III de la Commission européenne, a conclu également à la réussite du « modèle » . Il s'agissait bien évidemment d'une évaluation partielle, qui prenait pour critères essentiels l ' adéquation entre le projet initial et sa concrétisation sur le territoire . Reste que Parthenay s'est alors imposé comme une référence dans la politique de la Commission européenne. Lors de son discours d'inauguration aux « Rencon- tres européennes de Parthenay », le 25 septembre 1997, Edith Cresson, Commissaire européen à la Recherche et au Développement technologique, après avoir salué en des termes élogieux la réussite de ses hôtes, affirmait ainsi que ce qui avait été possible à Parthenay pouvait l ' être partout ailleurs en Europe. Parthenay aurait donc inauguré une nouvelle forme de développement local dont les recettes, une fois décryptées, seraient reproductibles à l'envi . Ce qui aurait placé Parthenay dans ce statut enviable aurait été en quelque sorte la prescience des élus locaux vis-à-vis des effets des NTIC sur la société et l'économie locales . L'enjeu désormais aurait consisté ensuite à répliquer le modèle parthenaisien sur d'autres territoires, une fois que les constituants du modèle auraient été suffisamment élucidés. C'est là une conclusion qui, à de nombreux égards, semblait prématurée et qui, en fait, n'a guère résisté à l'épreuve des faits . La « réussite parthenai- sienne », à l'époque où elle fut patente, ne peut se comprendre et a fortiori s'expliquer que dans les 1 Recensement établi en juillet 1997, depuis le phénomène ne fait que s ' amplifier. 2 Dans les deux rapports, le seul cas d'expérimentation locale exposé (en des termes très positifs) est celui de Parthenay. 3 Le titre d ' un article du Monde, « Parthenay la mutante », signé Marie-Claire Subtil, est significatif de l ' engouement des grands médias vis- à-vis de ce qui se passe à Parthenay. 4 On a même songé à organiser à Parthenay le « tourisme technologique » et les visites de représentants d ' autres collectivités, tant ils viennent nombreux . 169

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L'APPROPRIATION D'INTERNET DANS UNE SOCIÉTESUR UN TERRITOIRE : PARTHENAY COMME MICROCOSME

Emmanuel EVENOMaître de Conférences, HDR, Université de Toulouse-Le Mirait,

Chercheur au CIEU-CNRS (Centre Interdisciplinaire d'Études Urbaines)et au GRESOC (Groupe de Recherches en Socio-Économie)

Parthenay, modèle français et européen de« Ville numérique »

Le texte suivant est une synthèse d'un chapitresur l 'étude du cas parthenaisien publié dansl'ouvrage collectif Autoroutes de l'information etdynamiques territoriales, co-dirigé par Alain Lefebvreet Gaëtan Tremblay. Nous l'avons modifié à la margeet lui avons surtout rajouté une dernière partie surles luttes politiques qui ont eu pour conséquencel'échec électoral de l'équipe municipale qui avaitporté l'expérimentation.

La ville de Parthenay a fait le recensement' desarticles, émissions de radio ou de télévision qui fontétat de son projet : 5 reportages de télévision (FR3national et régional ; La Cinquième, M6 et CNBCaux Etats-Unis) ; 6 reportages ou émissions de radiosnationales dont une émission de France Culturenotamment basée sur un reportage réalisé surParthenay ; 7 rapports, dont le rapport officiel dePatrice Martin-Lalande au Premier Ministre(« L'Internet, un vrai défi pour la France », Paris, LaDocumentation française, 1997) ou encore le rapportau Sénat de Franck Sérusclat' ; 21 articles de Pressenationale (Le Monde', Libération, L'Express . . .) ; 32conférences nationales et internationales ; 115articles de presse régionale ; 137 émissions de la radiolocale « Gâtine FM ».

La couverture médiatique fut donc impression-nante et a durablement placé Parthenay dans lasituation du « modèle français » de « site labora-toire », en concurrence avec d'autres sites, tel lesvilles de Metz, d'Issy-Les-Moulineaux, de Nice-Sophia-Antipolis, Poitiers et son Futuroscope,Lille-Roubaix-Tourcoing et son Téléport . . . Dans ceclub très fermé, Parthenay était à la fois l'un des plusrécents (Metz, Nice-Sophia, Poitiers . . . ont en faitacquis depuis plusieurs années ce statut de

modèle » et de « ville-laboratoire » des nouvellestechnologies) et, fait rarissime, elle était une « petiteville isolée » dans les termes de la nomenclatureINSEE.

Succès indiscutable donc, à tel point d'ailleursqu'il avait été envisagé qu' il puisse y avoir quelqueseffets pervers attachés à cette surmédiatisation . C'estainsi que la ville a dû faire face à toute une série de

demandes de visites, voire d'expertises de la partd'autres collectivités locales, des grandes villescomme des petites 4 . En outre, cette surmédiatisationdu « modèle » a placé Parthenay dans la contrainted'une perpétuelle surenchère d'innovations et designes de réussite pour conserver son statutparticulier dans les médias . Enfin, Parthenay a étécontrainte de donner des signes concrets prouvantqu'elle était à l'avant-garde sous peine que lediscours et la réalité sur le terrain ne souffrent d'undécalage trop patent.

Au-delà des effets inévitables de la survalori-sation médiatique, le « modèle parthenaisien » adonc eu de quoi surprendre. L'évaluation du projetparthenaisien réalisé en juillet 1997 dans le cadred 'un programme de recherche financé par la DG IIIde la Commission européenne, a conclu égalementà la réussite du « modèle » . Il s'agissait bienévidemment d'une évaluation partielle, qui prenaitpour critères essentiels l 'adéquation entre le projetinitial et sa concrétisation sur le territoire . Reste queParthenay s'est alors imposé comme une référencedans la politique de la Commission européenne.Lors de son discours d'inauguration aux « Rencon-tres européennes de Parthenay », le 25 septembre1997, Edith Cresson, Commissaire européen à laRecherche et au Développement technologique,après avoir salué en des termes élogieux la réussitede ses hôtes, affirmait ainsi que ce qui avait étépossible à Parthenay pouvait l 'être partout ailleursen Europe.

Parthenay aurait donc inauguré une nouvelleforme de développement local dont les recettes, unefois décryptées, seraient reproductibles à l'envi . Cequi aurait placé Parthenay dans ce statut enviableaurait été en quelque sorte la prescience des éluslocaux vis-à-vis des effets des NTIC sur la société etl'économie locales . L'enjeu désormais auraitconsisté ensuite à répliquer le modèle parthenaisiensur d'autres territoires, une fois que les constituantsdu modèle auraient été suffisamment élucidés.

C'est là une conclusion qui, à de nombreuxégards, semblait prématurée et qui, en fait, n'a guèrerésisté à l'épreuve des faits . La « réussite parthenai-sienne », à l'époque où elle fut patente, ne peut secomprendre et a fortiori s'expliquer que dans les

1 Recensement établi en juillet 1997, depuis le phénomène ne fait que s ' amplifier.2 Dans les deux rapports, le seul cas d'expérimentation locale exposé (en des termes très positifs) est celui de Parthenay.3 Le titre d ' un article du Monde, « Parthenay la mutante », signé Marie-Claire Subtil, est significatif de l ' engouement des grands médias vis-

à-vis de ce qui se passe à Parthenay.4 On a même songé à organiser à Parthenay le « tourisme technologique » et les visites de représentants d' autres collectivités, tant ils viennent

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éléments d'un contexte socio-historico-spatial quilui est en partie spécifique. Elle ne prend sens qu'auregard d'une pratique déjà ancienne du dévelop-pement local . Ce projet de développement localassocié aux TIC fait suite en effet à d'autres projetsde développement local parthenaisiens, qui se sontsuccédés depuis la fin des années 70 et qui ontcontribué à donner à la ville l'image d'un « labora-toire du développement local » . En outre, le projet« ville numérisée » ne reflète pas à proprement parlerune conversion aux vertus des TIC ou une adhésionsans réserve aux grands discours sur la « société del'information », les TIC s'inscrivent en fait dans leprolongement d'une politique plus générale, visant àpromouvoir la modernisation des entreprises, desorganisations, des politiques et des rapports sociauxet de citoyenneté . La forte cohérence de la démarchepermet à la ville de considérer les TIC comme unnouvel outil qu'elle intègre dans sa panoplie desoutils du développement local . Le fait que Parthenayne soit plus présenté que par le prisme unique de sonprojet d'expérimentation sur les TIC, est doncfortement réducteur et ne contribue guère à éluciderles « recettes » du modèle.

I . Le contexte localL'originalité du modèle parthenaisien tient-il à

des éléments de contexte local ? À des éléments dedynamisme particuliers et spécifiques, d'ordresocial, économique ou culturel ? Les moteurs dudéveloppement local s'expliqueraient-ils par desprédispositions particulières ?

La taille de la ville, son isolement relatif au seind'une région rurale, l'importance de son secteurassociatif, la densité des relations sociales, etc . sontautant d'ingrédients qui semblent faire partie de laconstitution du « modèle ».

1 . Une ville classique dans le paysage françaisdes petites villes de milieu rural

Entre Poitiers et la côte vendéenne, Parthenay,siège de la sous-préfecture des Deux-Sèvres, est lacapitale historique d'une micro-région rurale de64 000 habitants : la Gâtine . Au centre de la Gâtine,pays granitique où 15 % de la population vit del'élevage (le marché aux bestiaux de Parthenay ad'ailleurs une forte notoriété), Parthenay est unepetite ville de région rurale (12 000 habitants, 17 000avec les trois autres communes du district), qui adéveloppé une activité industrielle à partir d'unetradition dans le travail du fer et de la mécanique.

La place de Parthenay dans le réseau urbaincontribue encore à lui conférer ce rôle de capitaled'une micro-région occupant le centre du dépar-tement . Bressuire au nord-ouest est davantage

orienté vers la Vendée que vers la Gâtine, leséchanges entre les deux villes sont rares, de mêmeavec Thouars au nord du département . Les rapportsavec la ville chef-lieu du département, Niort, au sud,sont aussi amoindris par la proximité relative de lacapitale régionale, Poitiers.

Cette situation n'a donc rien d'exceptionnel etne semble pas avoir constitué un atout dans lapolitique de développement local . De même, la criseéconomique de la fin des années soixante-dix ne ladistingue guère des autres petites villes en milieurural . Parthenay et la Gâtine sont alors en effetfortement affectées par la crise industrielle . Enquelques mois, ce sont deux mille emplois quidisparaissent sur le territoire parthenaisien. Pourfaire face à cette crise, l'équipe municipale qui vientd'être élue va s'efforcer d'inventer de nouvellesformes de développement local. Ces formesnouvelles s'articulent à un projet politique qui vaainsi peu à peu se construire en référence à lacitoyenneté et être fondé sur le recours à la créativitéet à la prise de responsabilités par les acteurs locaux.

La nouvelle équipe municipale ne semble pasdisposer d'atout particulier . Le territoire est relati-vement enclavé, mal desservi par la route, relié à lagare de Poitiers par un autobus . Le déclin démogra-phique n'est pas plus accentué que dans le reste dumonde rural mais il constitue aussi un frein àl'innovation, de même que le vieillissement de lapopulation.

Entre 1978 et 1982, les principaux instrumentsqui fondent le dispositif de développementéconomique local sont créés :

—1978 : le Club des entreprises de Gâtine—1979 : le Service d'animation économique—1980 : le Comité local pour l'emploi (comprenant

des représentants des collectivités, du patronat, etdes syndicats de travailleurs)

—1981 : Gâtine Initiative (créé par le CEG et ledistrict de Parthenay), qui a pour objectif d'aiderles jeunes créateurs à démarrer en leur apportantun capital sous forme de prêt d'honneur sansintérêt (les fonds constituant ces prêts ayant étécollectés auprès des acteurs économiques locaux).

—1983 : ERTD, entreprise d ' insertion- 1984 : Mission Locale de Gâtine et CREATI

(Centre de Recherches et d'Études sur les AidesTechniques et leur Industrialisation).

Cette période est alors essentiellement marquéepar une gestion rapide et efficace de la crise du tissuéconomique. La période 1982-1986 pérennise ledispositif adopté pendant la période précédente . Lesefforts portent sur l'adaptation progressive dessystèmes et l'animation du tissu économique.L'économie locale s'intègre alors dans un dispositifconduit par l'acteur public . Les échanges entre les

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organismes publics et les structures privéesintègrent peu à peu une problématique territoriale,qui va donner lieu à une approche globale . Enquelques années, le bassin d'emploi a assisté àl'émergence de nouveaux acteurs et à la consoli-dation des agents économiques pionniers en lamatière.

Sur le district et la Gâtine, trois organisationssont particulièrement efficaces dans le dialogueentre le service économique du district et les acteurséconomiques locaux :

—le Club des entreprises de Gâtine—la Jeune Chambre économique de Gâtine—l'Association pour la Promotion de la viande de

qualité supérieure.

Elles agissent comme des lieux de régulationsociale et contribuent à l'élaboration de réseauxformels et informels. Leur rôle de mobilisation etd'animation du secteur économique dans le cadredu projet « ville numérisée » s'est d'ailleurs avéréparticulièrement efficace.

2 . Parthenay, entre milieu innovateur et ville-laboratoire du développement local :identité, citoyenneté, associativité

La mise en relation interactive d'agentséconomiques, en dehors du cadre traditionnel dumarché, dans le but de favoriser la mise en oeuvre deprocessus d'innovation, l'origine locale des agentséconomiques, la présence de lieux de régulationsociale . . ., contribuent à renforcer une démarchepartenariale et la constitution de réseaux plus oumoins formalisés qui permettent de concilier despratiques transactionnelles et des logiques coopéra-tives . De fait, le district de Parthenay, dont la deviseofficielle est « Parthenay la créative », correspondassez bien à la définition du « milieu innovateur » telque défini par le GREMI notamment.

Dans le « milieu innovateur », l'innovationrésulte de la combinaison et de l'interaction entredes acteurs économiques du territoire. C'est parrapport à un processus d'externalisation et de miseen synergie entre les acteurs que le systèmeproductif local est susceptible de générer unedynamique de milieu innovateur.

À Parthenay, cette externalisation et cette miseen synergie sont particulièrement prononcées dansla pratique de l'essaimage des compétences entre lesdifférents acteurs . Un cadre déjà en poste dans uneentreprise locale peut ainsi créer une autreentreprise, tout en conservant ses responsabilités decadre. De nombreux exemples de ce type sontobservables sur le district . Pour les cadres, il s'agit

d 'une manière d'évoluer. Les entreprises sont trèsattachées à conserver leur personnel d'encadrement,peut-être en raison de leur faible nombre . Il existedonc des liens très étroits entre certaines entreprises,soit par la pratique de l'essaimage, soit par lacréation, « plus classique », de filiales (exemple :ONEX et Tôlerie Industrielle sont des filialesd'Hervé Industrie).

Ainsi sous-traitance et essaimage apparaissentcomme deux éléments fondamentaux, sur lesquels sefonde la dynamique industrielle du district deParthenay. Pratiquement toutes les firmes pratiquentla sous-traitance. Pour les petites entreprises, celareprésente un facteur de stabilité, elles sont moinssoumises aux aléas du marché . Dans le cas de firmesde tailles plus importantes, la sous-traitance permetla promotion de nouvelles technologies.

À Parthenay, cette question du « milieuinnovateur » est en fait intégrée dans une questionplus globale sur le thème de « la ville-laboratoire »,où le développement économique est un aspectparmi d'autres, que l'on évite d'ailleurs de survalo-riser ou même de poser en termes de priorité . Car lethème de la « ville-laboratoire » fait ici référence àdes dynamiques aussi diversifiées que celles quitouchent à l'activité économique, aux dynamiquesculturelles, aux dynamiques sociales dans leurensemble et qui seraient susceptibles d'affermirvoire de fonder une nouvelle identité collective.

Si l'on a pu observer une forte « centration surle local », évidemment consolidée par une vieilletradition isolationniste et quelque peu autarcique, onne peut en conclure pour autant que l'identité localeait été un atout sur lequel se serait appuyée l'équipemunicipale. Pour Tahar Slimani, « le territoire n'a pasune forte identité territoriale » 5 et c'est précisémenten raison de cette carence, que la nouvelle munici-palité de la fin des années 70 n'aurait eu de cesse dechercher à la consolider et à la proclamer : « C'estprécisément parce qu'elle n'a pas une forte identitélocale, que la collectivité fait d'énormes effortshumains et financiers, pour valoriser son patrimoineet se réapproprier son histoire. En témoigne le travaileffectué dans le domaine du patrimoine bâti avec unservice qui emploie une archéologue à tempscomplet et plusieurs vacataires » 6.

La sensibilisation des habitants au patrimoinede leur ville devient exemplaire quand, au-delà del'action municipale qui s'appuie sur le mondeassociatif et sur le bénévolat, le service patrimoineutilise également cette sensibilisation et cetattachement au cadre de vie et à l'identité collectivecomme un élément de régulation sociale . C'est ainsique, lorsqu'un particulier rentre en conflit avec leservice du patrimoine à propos de l'utilisation d'un

5 Tahar Slimani, « NTIC et développement local . L' exemple de Parthenay, "Ville numérisée" », mémoire de DESS, Université de Poitiers, UFRde Sciences économiques, janvier 1997, p. 5.

6 Idem, p . 10 .

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matériau anachronique ou dissonant, la responsabledu service n'intervient pas de manière formelle maislaisse le voisinage s'apercevoir de la « faute » et fairepression sur le « fautif », jusqu'à ce que des mesurescorrectrices soient prises.

Au-delà de l 'anecdote de ce qui précède, larégulation informelle et non coercitive par le tissuhabitant ou associatif, constitue l'expressionconcrète des notions de « citoyenneté active » et de

démocratie participative ».

Il s'agit en outre d'une externalisation d'uncertain nombre de champs de compétences . Cetteexternalisation, loin de représenter un désenga-gement (comme ça a pu être le cas dans d'autresvilles, notamment les grandes villes happées parl'idéologie entrepreuneuriale dans la décennie 80),constitue un élément essentiel de la politique quiconsiste à favoriser les initiatives « citoyennes ».

Le champ du patrimoine n'est pas le seulconcerné. Cette méthode s'applique aussi dans lechamp de la culture, où la ville n'a pas de program-mation culturelle et en délègue la responsabilité auxassociations et porteurs de projets culturels locaux.L'originalité dont Parthenay fait preuve tient à sacapacité à stimuler la créativité dans de trèsnombreux domaines de la vie locale, en lesinscrivant dans un projet politique global . Setrouvent associés dans une communauté d'intérêtset de destin, par la prégnance du discours : l'écono-mique, le patrimoine, le culturel, le ludique . . . Lefestival ludique international de Parthenay (le FLIP)est par ailleurs l'une des très rares manifestationsqui soit gérée directement par la collectivité.

Le dynamisme, l'inventivité, la légitimité desacteurs associatifs locaux sont donc l'un des relaisfondamentaux de cette politique . Dès lors, l'une desspécificités parthenaisiennes, par lesquelles s'expli-quent en partie le succès du projet « villenumérisée », est dans la capacité du secteur associatifà se saisir des projets initiés par le pouvoir politiquelocal . Il n'y a donc rien d'étonnant que, moins d'unan après le lancement du projet « Ville numérisée »,à côté des 250 déjà existantes (près de 60 % ont étécréées au cours de ces dix dernières années), soitapparue une nouvelle association : PartheNet.

Une des premières questions que l'on peut seposer face au cas de Parthenay est donc celle de lacapacité de la société locale à intégrer un projet telque celui d'une « ville numérisée » dans ses référencesidentitaires puis dans ses pratiques sociales.

Si l'on admet que le changement, en mêmetemps qu'il s'appuie sur des dynamiques,correspond aussi à toute une série de perturbations(organisationnelles par exemple), de remises en

questions (remise en question des savoir-fairetraditionnels, du rôle de certains acteurs locaux . . .),de « violences symboliques » (dans le passage d'unregistre identitaire marqué par la tradition à celui dela modernité, voire de la post-modernité), onconçoit alors que la question de l'identité soitcomplexe, que les projets porteurs de changementspeuvent être contrariés par des résistancesmultiples, qu' ils peuvent susciter des quiproquos . ..

Un tel projet de développement qui requiert laparticipation active de la population n'apparaîtavoir, au bout du compte, de réelle pertinence quelorsqu'il s'intègre dans des schémas de référencesculturels, économiques, politiques . . ., qu'il estassimilé dans le schéma identitaire.

Or, le contexte local connaît une évolutionrapide depuis le début des années 80, en relationavec les efforts de la municipalité de promouvoir la• créativité » comme valeur-clé de l'identité locale.Cet appel municipal à la « créativité » s'inscrit dansun projet politique qui se traduit depuis une dizained'années par un certain nombre de mesures quifrappent par leur cohérence d'ensemble . Lacommunication municipale est tout entière centréesur ce concept de créativité et celui-ci est décliné denombreuses manières : responsabilité, dynamisme,inventivité . . . Elle a pour effet de valoriser fortementles « projets locaux » et surtout les « porteurs deprojets » qui deviennent de ce fait des sortes de«modèles » de cette créativité.

IL Les ambitions de Parthenay,ville numérisée

Les ambitions affichées par le pouvoir local dansle cadre de son projet « ville numérisée », et ceci dès1994-1995, sont de deux ordres : il s 'agit de« transformer le citoyen spectateur/consommateuren citoyen actif » et de « créer une communautéélectronique locale et de la développer rapidement »7.

Dès 1995, le maire de Parthenay va s 'efforcer deconstituer un Consortium européen afin d'expéri-menter dans sa ville ainsi que dans deux autres villeseuropéennes (en fait jumelées à Parthenay), la• société d'information » qui préoccupe laCommission européenne . Après un travail deprédéfinition, visant à établir la pertinence du projetau regard des dynamiques et des « attentes » desacteurs locaux, le premier programme sera leprogramme METASAB . Il sera rapidement suivi duprogramme MIND 9 , qui s 'est achevé en juillet 1997et doit se poursuivre à partir de 1998 et pour troisans par un programme encore plus ambitieux : leprogramme IMAGINE de la DG XIII.

7 Rapport (Deliverable) remis par la Ville à la DG III de la Commission européenne en juillet 1997, dans le cadre du programme MIND.8 Subventionné par la DG XIII.9 « Multimedia Initiation of the Digital Town » subventionné par la DG III .

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Le ou plutôt les Consortia (car leur compositiona changé dans le temps au gré des jeux d'alliance etdes rapports d'évaluation du rôle de chacun)réunissent autour de ces projets de grands industrielseuropéens (Philips, France Télécom, SiemensNixdorf, EDF-GDF, Thomson CSF, La Météorologienationale, plus tardivement l'américain Microsoft . . . ),Parthenay et ses villes jumelles (auxquelles viendrontse rattacher une ville en ex-Allemagne de l'Est et,pour le projet Imagine, une ville italienne), deséquipes de chercheurs en sciences sociales'°, dont lamission sera d'analyser les « attentes » des popula-tions en matière d'innovations technologiques puisles processus d ' appropriation sociaux de cesinnovations.

1 . La multiplication des initiatives

Plusieurs initiatives de la ville de Parthenay etdes industriels du Consortium font acte dudynamisme et de l'inventivité des acteurs locaux : leBBS de Parthenay ; l'équipe locale d'édition ; lesbornes Siémens ; les Télé-Cdi Philips ; les « Espacesnumérisés » ; l 'In-town-net ; l ' opération « Millemicros » sont autant d'opérations marquantes etoriginales qui ont eu pour objet de participer à laconcrétisation de l'opération « Ville numérisée » àParthenay. Dans ces opérations, deux émanent desindustriels du Consortium : la borne de Siemens et leTélé-Cdi de Philips . L'un comme l'autre étaient desprototypes mis à disposition dans le cadre duprogramme Metasa. L'un comme l'autre ont posé denombreuses difficultés et n'ont pratiquement pas été« utilisés » par les habitants . Cependant, ils ont pujouer un rôle important dans la mobilisation desacteurs locaux (ne serait-ce que pour exprimercritiques, rejet, demandes de modification . . .), dansleur capacité à générer du contenu éditorial, àorganiser à leur profit un transfert de compétences . . .Les autres structures ou dispositifs ont plutôt étéinitiés par la ville.

Le BBS ou « babillard » de Parthenay a étéinstallé en février 1996, soit au démarrage du projet,à un moment où les chercheurs avaient pour missiond'évaluer les « attentes » de la population en matièrede services et d'applications innovantes multimédia.Le BBS a donc été une première simulation concrètemais limitée d'une « communauté électronique ».Dans la pratique, elle a été un outil d'apprentissagede la communication électronique sur le territoire.

L'équipe locale d'édition de Parthenay a été, enmai 1996, la première initiative de la ville pourmobiliser les acteurs locaux, qu'ils soient personnelmunicipal ou appartenant à ceux que nous appelonsles médiateurs locaux. La première mission de cetteéquipe était de bâtir dans l'urgence des « scénarios »pour le Cd-i de Philips et la borne de Siemens,

autrement dit d'apporter du contenu d'intérêt localsur les dispositifs techniques proposés par Philips etSiemens dans le cadre de l'expérimentation. L'Equipelocale d'édition a toujours été une structure trèsouverte . Une partie non négligeable de l'efficacité deses débuts provenait de cette capacité à accueillir desmembres nouveaux . L'équipe d'édition a connu entremai 1996 et janvier 1997 une vingtaine de réunionsde travail de 5 à 15 personnes (chefs de service,animateurs Mind, informaticiens ou spécialistes del'audiovisuel locaux, représentants des industriels,chercheurs) . Aujourd'hui disparue, cette structuresouple et dynamique a été un acteur important demobilisation des acteurs et de transfert des savoir-faire. Elle a permis d'engager le débat, préalable àl'appropriation du projet, notamment au sein desservices de l'administration parthenaisienne et avecses principaux partenaires locaux (associations,acteurs économiques, commerçants, artisans . . .).

Les espaces numérisés sont sans doutel'opération la plus marquante, en tout cas la plus lisibledans l'espace urbain . Ils ont pour objectif de permettreaux Parthenaisiens d'avoir un accès aux applicationsmultimédias . Cet accès est gratuit et encadré, si besoin,par des animateurs employés par le District ou desbénévoles . A terme, six « espaces numérisés » sontprévus. Actuellement trois sont ouverts . Chacun estorienté sur des publics spécifiques.

L'espace « Armand-Jubien », aujourd 'hui « Mai-son de la Citoyenneté active », le premier à avoir étéouvert, héberge les structures sociales et les associa-tions d'insertion . Il s'adresse donc au public en quêtede services sociaux . Ouvert le 9 juillet 1996, équipé de21 micro-ordinateurs, d'un Télé-Cdi Philips, d'uneborne interactive Siemens et d'un poste de visioconfé-rence, il a compté 13 000 entrées de juillet 1996 àjuillet 1997, avec 5 000 personnes différentes.

L'espace « mairie » correspond au public enquête d'informations administratives . Ouvert le 30janvier 1997, équipé de 3 micro-ordinateurs et d 'unTélé-Cdi Philips, il a totalisé 950 visiteurs de janvierà juillet 1997.

Enfin, le « garage » ou « Centre multimédia »s'adresse aux entreprises et aux créateurs d'activités.Ouvert le 3 novembre 1996, équipé de 10 micro-ordinateurs et d'un Télé-Cdi Philips, il a reçu 2 340visiteurs en huit mois de fonctionnement . Dans lecadre des phases de mobilisation, le serviceéconomique du district a organisé de nombreusesvisites pour des groupes d'acteurs économiques.

Développé par la société Francis SenceberConseil en langage Html, en collaboration avec lesservices informatiques districaux, l'In Town Net deParthenay est aujourd'hui devenu la plate-formetechnique principale pour le développement de la

10 Coordonné par Alain d ' Iribarne, ces équipes se composent du CIEU-CNRS de l ' Université de Toulouse-Le Mirail auquel viendra s' ajouterpour le projet Imagine, le GRESOC ; le département de Géographie de l ' Université de Stuttgart (Allemagne) et le département deSociologie de l' Université de Sarragosse (Espagne) .

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« Communauté électronique locale » . Il s'estsubstitué progressivement au Bulletin Board System– BBS ou « Babillard » (malgré cela toujours enservice), comme outil de motivation de lapopulation, des médiateurs locaux, des entreprises etdu personnel districal à l'utilisation de réseauxinteractifs . En juillet 1997, plus de 450 personnesavaient demandé et obtenu une adresse « courriel ».Pour l'information municipale, les contenus sontcréés directement par les services concernés . Lesparticuliers, écoles, associations, peuvent créer leurspropres pages et les transférer par le biais d'unserveur FTP, les différents espaces numérisés jouantalors le rôle de lieux de formation pour qui veut créerdes pages en bénéficiant de l'aide du personnel de laville. La créativité autour de ces réseaux estmultiforme : test du commerce électronique (sur desIntranet), présence d'entreprises commerciales surl'In town net lui-même, création individuelle de pagesweb, création de nouvelles entreprises de servicemultimédia.

L'opération 1 000 Micros a pour objectifd'inciter les habitants à s'équiper massivement . Letaux d'équipement des ménages parthenaisiens enmicro-ordinateurs connectés au réseau est considérécomme un critère d'évaluation du projet « Villenumérisée » . Des accords conclus avec despartenaires du Consortium, en l'occurrence SiémensNixdorf et France Télécom ont permis au district deproposer aux habitants la mise à disposition d'unéquipement standard de bonne gamme, des logicielset des périphériques (modem, carte son et haut-parleurs) . L'ensemble a un prix particulièrementattractif afin de « doper » la demande : abonnementInternet plus un forfait de consommation annuellede 200 heures pour la somme de 300 francs par mois.Cette opération illustre parfaitement le soucid'installer un réseau urbain souple, convivial, dontl'accès est multiforme : dans les lieux publics(l'essentiel étant les « Espaces numérisés ») mais aussidepuis le domicile des utilisateurs, dès lors qu'ilspeuvent disposer d'un équipement domestique etd'une connexion . Parthenay, ville numérisée, jouedonc sur les deux fronts que sont l'espace public etl'espace privé domestique, auxquels se rajoutent parailleurs une logique d'intégration des réseaux desentreprises, des commerçants et des artisans.L'évaluation de l'opération reste très difficile car elle adémarré avec retard.

2 . Le sens du projet

La multiplication des initiatives, la successionde prototypes et d'intervenants, qui n'ont pastoujours été de francs succès, ont eu pour effet debrouiller parfois le sens global du projet . La concur-rence, qui a pu exister à certains moments dansl'histoire du projet, entre différents « sous-projets »de natures différentes sinon antagonistes, est signifi-cative d 'une stratégie qui, à certains égards, a été unestratégie de recherches d'opportunités .

Si l'on se rapporte aux ambitions affichées duprojet de « Ville numérisée », celles-ci s'inscrivent defait dans le long terme, celui des pratiques sociales.On a maintes fois disserté sur le décalage entre l'inno-vation technique et sa socialisation . En fait, les deuxprocessus sont liés, l'innovation ne devientréellement innovation que lorsqu'elle trouve uneutilité dans les pratiques sociales . De fait, le citoyen,l'usager, sont un acteur déterminant dans un telprojet . Mais son processus de « transformation »d'un statut de spectateur/consommateur en un statutd'acteur, est relativement complexe . L'expérienceparthenaisienne se constitue également en modèledans la mesure où le citoyen, l'usager, sont au coeurde la réflexion politique sur la « ville numérisée ».

Au niveau actuel du projet parthenaisien, lesusagers sont donc à la fois perçus comme des acteursdéterminants et comme une catégorie difficile àappréhender ou à mobiliser directement . Pourautant, la réussite du projet passe par la participationdes habitants, y compris ceux d'entre eux qui neseraient pas, a priori, les usagers les plus faciles àmobiliser (personnes âgées, personnes à faiblesrevenus, suspicieuses vis-à-vis de la technique,handicapées, etc .) . Il s'agit là en quelque sorte d'unpari tenté par Parthenay. Il consiste à éviter que lamise en place du projet ne devienne un instrumentsupplémentaire de l'exclusion de certaines catégoriesde la population . C'est pourquoi l'acteur public locala veillé tout particulièrement à ce que sa politiquesoit aussi clairement orientée pour répondre auxattentes de ces catégories . Ainsi, le premier « Espacenumérisé », celui qui est à la fois le prototype dugenre et qui est le plus ambitieux (en termesd'aménagement du lieu, de parc technologique,d'animation . . .) a été le Centre Armand-Jubien,orienté sur les services sociaux du district.

Reste que la démarche de l'acteur public restepragmatique. Elle permet aux usagers de participerà l'élaboration du projet, quitte à transformer ou àfaire évoluer celui-ci dans des sens qui n'étaient pasinitialement prévus . Le modèle parthenaisiens'apprécie donc aussi dans sa capacité à tenircompte de l'ensemble des processus, qui vont del'usage jusqu'au détournement d'usages . C'est ainsique le Centre Armand-Jubien, théoriquementdestiné à la population qui s'adresse aux servicessociaux, s 'est davantage trouvé être investi par unepopulation de jeunes (15-25 ans) qui ont tendanceà transformer le lieu et l'usage des technologiesmises à disposition en lieu et outils de convivialité,de créativité et d'apprentissage . Il s'agit bel et biend'un détournement d'usages mais l'acteur publicn'intervient pas pour atténuer cet état de fait.Simplement, dès qu'une personne âgée se présentedans les lieux, elle bénéficie d'une attention touteparticulière. Elle devient accessoirement la cautiond'une mission théorique de l'espace (notammentlorsqu'il s'agit de faire visiter l'espace, on insiste surle fait que des personnes âgées l'ont fréquenté, c'est

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encore mieux si elles ne sont pas absentes aumoment des visites).

À chaque fois, afin de ne pas contrarier leslogiques d'usages émergentes (on l'a constaté tantsur le BBS que dans l 'Espace numérisé Armand-Jubien), l'acteur public est contraint d'inventer denouvelles solutions pour accéder à ces catégories dela population qui représentent l'un des grands axesde sa politique . De là aussi la nécessité de penser unaccès multiple aux différents services proposés oufuturs : des espaces publics, des équipementsdomestiques, des équipements d'entreprises . De làaussi la nécessité de mettre au point des partenariatsavec les acteurs institutionnels qui sont en relationavec différentes catégories d'habitants.

L'acteur public n'a eu aucune difficulté àmobiliser les acteurs en situation d'intermédiaires,ceux que nous avons appelés les « médiateurslocaux ». Ils ont été clairement identifiés par

profil »", ce sont des personnes cultivées,notamment sur les questions technologiques, ellessont fortement impliquées dans la vie locale, ont unecertaine disponibilité et ont été d'emblée favorablesau projet dès ses débuts . Au-delà des bénéfices indivi-duels attendus, il s'agit aussi clairement d'unedémarche citoyenne qui rend compte de façonmanifeste de la pertinence du projet dans sadémarche . C'est en effet le signe que le discours sur lacitoyenneté active se trouve rapidement concrétisépar la mobilisation des « médiateurs » . Au-delà decette catégorie de population (la plus facile àmobiliser), la difficulté reste à faire en sorte que lesusages se développent dans l'ensemble de lapopulation, que l'usager-final devienne lui aussi uncitoyen-acteur du projet . De ce point de vue, l'expé-rience est encore trop récente pour que nouspuissions formuler un avis . Cet aspect de la questiondépend pour l'essentiel de la pérennisation de ladémarche entamée à Parthenay et de la capacitéqu'auront les « médiateurs locaux» à se présentercomme des acteurs de la sensibilisation voire de labanalisation de l'usage des technologies.

III . Les jeux d'acteursdu développement localPour partie, le modèle de « Parthenay-ville

numérisée » est peut-être, et avant tout, un modèlede gouvernement d'un projet de développementlocal, de sorte qu'une dynamique fortement volonta-riste place Parthenay au coeur du dispositif desprogrammes européens sur la société d'information.

Par comparaison avec les autres villes de sonconsortium, Parthenay s'est mise au centre dusystème de pilotage de ce dispositif. Cette place a été

conquise « naturellement » et s'explique par l'his-toire du projet . Sur le site, les partenaires doivents'adapter ou se conformer, à leur gré ou contre leurgré, aux décisions de la ville . On assiste alors àl'élaboration d'une stratégie de mise en concurrenceet de gestion de crise qui s'est avérée extrêmementefficace sous bien des aspects.

Ce constat vaut pour la gestion en interne duprojet (au sein de l'organisation districale) maisaussi pour la gestion externe (relation de l'adminis-tration locale avec ses différents partenaires).

1 . La gestion interne

La gestion interne se veut une boîte noire . Sansque ses débats soient inaccessibles ou confidentiels(la coopération de ce point de vue a été exemplaire),nous n'avions pas mission à analyser la régulationinterne à l'organisation districale du projet Mind.Impossible toutefois de comprendre quoi que ce soitaux formes du gouvernement local du projet si nousacceptions de considérer cette administration localecomme une « boîte noire ».

La thèse du maire, selon laquelle les TIC et lesréseaux électroniques devraient permettre unedéconcentration des prises de décisions et desmécanismes de l'innovation, est à la fois efficace etambiguë. Elle est efficace parce qu'elle favorise defaçon magistrale la prise de risque et l'autonomie(sous contrôle) des différents chefs de service etchefs de projet qui font partie de l'administrationlocale . Ce système marche parce qu'il n 'y a pasd'intermédiaire entre les chefs de services, les chefsde projet et le maire . En effet, la commune deParthenay présente la singularité de ne pas avoir deSecrétaire Général . Ce qui est valorisé, au sein desréunions mensuelles de direction, c'est la capacitédes services et des individus à innover, à porter desprojets, à promouvoir et à s'inscrire dans desdynamiques collectives (le Service économique avecles PME-PMI, le Service des Sports avec les associa-tions sportives, le Service culturel avec lesassociations culturelles . . .).

L'efficacité d'un chef de service ou d'un chef deprojet se mesure à sa capacité à mobiliser les acteurs-relais pour faire émerger des scénarios d'utilisationet les amener à utiliser les applications multimédiasdisponibles sur le site dans le cadre de leurs activités.Ce travail passe par de nombreuses réunions, débats,concertations avec les associations, les partenaires del'administration . ..

Ce mode de gestion évite toute « appropriation »abusive d'une parcelle de légitimité, toute apparitiond'un contre-pouvoir interne, il limite les capacités deblocage ou de frein trop prolongé des services ou desindividus dans la mesure où il empêche la routine etles stratégies d'« évitement » des responsabilités.

11 Rapport Metasa, décembre 1996, à la DG XIII .

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Aucun service communal ou districal n'est censédevoir faire l'économie d'une réflexion sur le projet etéventuellement d'une remise en question de sesmodes de fonctionnement.

Le projet devient dès lors un instrument de lamodernisation des relations internes à l'adminis-tration. Le travail en équipe/projet, au sein d 'unmême service ou transcendant plusieurs d'entreeux, est courant . On peut alors comprendre que cequi se passe à Parthenay participe aussi fondamen-talement de l'invention d'une nouvelle pratique del'administration locale, de nouvelles compétences,de nouvelles professions . Les équipes/projets sontun temps fort de cette invention et la marge deprogression des individus à l'intérieur de ce systèmea été impressionnante.

Mais ce mode de gestion a un coût : le rythmede travail imposé est très soutenu ; la succession desprogrammes (Metasa, Mind, bientôt Imagine) estdéstabilisante et les équipes sont parfois tentées defaire des choix stratégiques d'un programme contrel'autre, ou d'un programme plutôt que l'autre . . . Deplus il est difficile de faire des bilans réels, de capita-liser les acquis, d'ajuster en fonction desenseignements que l'on peut tirer de ces acquis etdes difficultés rencontrées . ..

Au bout du compte, la prise de responsabilitéque l'on attend des chefs de service/projet del'administration peut aussi se retourner contre eux.La décision stratégique globale leur échappelargement et elle reste très concentrée . Le mairedécide en dernière instance, souvent dans l'urgence.Rien d'anormal, mais c'est un accroc dans saprofession de foi. L'art du maire et du premier cerclede ses collaborateurs consiste à gérer un décalage ouune « mise à distance raisonnable » entre un idéal etle pragmatisme. Cette gestion est facilitée ou renduepossible par toute une série d'éléments.

Le premier cercle des collaborateurs n'est pas dupersonnel districal, mais exerce sur ce dernier uneautorité certaine parce qu'il est au coeur des processusde décisions stratégiques . Ce sont des personnes-ressources puisées ailleurs . Certaines sont facilementrepérables parce que pérennes dans le projet «villenumérisées » : Euro-Interface, situé à Paris, élémentessentiel dans le dialogue avec les industriels duConsortium et avec la DG III ; d'autres sont moinsidentifiables et n'ont pas de position institutionnelleclaire, mais sont très importantes cependant : c'estsurtout le cas du directeur de la société FrancisSanceber Conseil, devenu la personne ressourceincontournable sur le plan technique au niveau local.Ces différents niveaux d'intervenants contribuent defaçon très nette à l'entretien d'une dynamique quirepose sur le déséquilibre permanent.

Chaque intervenant dans le projet est à la foisacteur d'innovations et facteur de perturbation . Si

l'on conçoit que cette dynamique est réfléchie, celasignale que la perturbation est conçue commesource d'innovations organisationnelles.

2. Une stratégie d'ensemblier territorialCette stratégie transite par l'affirmation d'une

politique volontariste, capable de prendre desrisques en fonction d'options de moyen/long terme,capable de promouvoir voire de susciter des initia-tives d'acteurs locaux, privés ou associatifs . . . Elle setraduit également et ceci de façon très évidente, parune lutte permanente contre la concentration del'expertise technique, ce qui signifie clairement qu'ilétait essentiel d'éviter d'avoir à se soumettre à cetype d'expertise, quelle que soit son origine.

Il y a dans la gestion du projet « Ville numérisée »les signes d'un jeu de substitutions provisoires etpartielles qui fondent une régulation par l'acteurpublic, lorsque celui-ci pense disposer d'une« meilleure capacité » que les acteurs du secteur privé.Par exemple, Parthenay est l'une des très rares collec-tivités locales françaises qui soit son proprefournisseur d'accès au réseau local mais aussi auxréseaux extra-locaux, dont Internet . L'hypothèsed'une intermédiation commerciale entre le projetpolitique et les différents utilisateurs locaux avait eneffet été perçue comme une dérive marchande duprojet « Ville numérisée ».

Par ailleurs, comme en témoigne le lancementde l'opération « Mille Micros », le district sesubstitue à certains segments de l'activité, jugés nonrentables, des distributeurs informatiques locaux.Compte tenu des prix pratiqués par les distributeursnationaux travaillant en vente par correspondance,l'hypothèse est que les distributeurs locaux nepouvaient pas être compétitifs et donc espérervendre beaucoup de micro-ordinateurs à Parthenaymais qu'ils pourront, grâce à l'intervention dudistrict et de ses partenaires industriels (SiemensNixdorff et France Télécom) développer leursactivités de service et de fournisseurs de logiciels etmatériels complémentaires.

La mise en oeuvre de ces principes est particu-lièrement claire dans l'histoire des relations entre lepouvoir politique districal et ses partenairesindustriels des programmes Metasa et Mind. La« mise à distance raisonnable » des partenairesindustriels se présente davantage comme unproblème pour ces industriels que comme lerésultat d'une stratégie équilibrée entre la ville eteux, dans laquelle chacun des partenaires auraittrouvé son compte.

Le district quant à lui semble y avoir trouvé soncompte. S'il avait besoin des industriels pourorganiser le consortium Metasa puis Mind, cebesoin est devenu de moins en moins évident sur leterrain dans la réalisation du projet à mesure que les

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industriels montraient leurs difficultés (techniques,organisationnelles et calendaires) à tenir compte deséléments du contexte local pour adapter leur « offretechnologique » quand il s'est agi de mettre en placeet de promouvoir des « démonstrateurs ».

Certains industriels semblent avoir eu quelquesdifficultés à comprendre la nature d'un processus,dont ils n'ont jamais maîtrisé les arcanes . Ilssemblent avoir pris rapidement conscience dessurcoûts qu'occasionnerait pour eux unecoopération plus conforme aux espoirs d'origine.L'accès à l'information locale, sa traduction (nonseulement linguistique mais aussi et peut-êtresurtout politique, culturelle et sociologique) sontdevenus rapidement un problème . Il n'a jamais étéignoré, aucun industriel ne semble avoir été dupe,mais chacun semble avoir été surpris par l'impor-tance de ce problème.

Ces carences des industriels, manifestes dansl'inadéquation des « démonstrateurs » installés surle territoire (la borne Siémens et le Télé-Cdi Philips)ont permis à la collectivité de leur substituer desintervenants, tels que la société Francis SenceberConseil, d'autant plus réactive qu'elle s'était établiesur le territoire parthenaisien et se trouvait donc encontact quotidien avec les acteurs locaux . FrancisSenceber a d'ailleurs rapidement conquis uneposition stratégique d'intégrateur local des techno-logies . Position enviable mais particulièrementexposée comme le prouve son éviction récente duprojet Imagine qui démarre en 1998 . Là encore, onconstate que l'intérêt pour la ville reste au bout ducompte d'éviter que ne se constituent des rentes desituation et des monopoles de savoir-faire.

Cette « loi de proximité » que la collectivité acherché à imposer à ses différents partenaires, devaitlui permettre de gérer à son bénéfice le transfert decompétence . D 'un certain nombre de points de vue,les agents du développement local à Parthenayparticipent de l'invention d'un nouveau savoir-faire,de nouveaux modes de coopération et de travailcollectif. Cette « loi » a été appliquée tant dans larelation du district avec ses partenaires industrielsque dans la relation avec les chercheurs. Troisétudiants-stagiaires de l'équipe de recherche ont ainsiété embauchés par la collectivité et ont eu alternati-vement des responsabilités importantes dans le projet« ville numérisée ».

Si l'on voulait synthétiser les principauxingrédients qui rentrent dans la composition de larecette du « modèle » parthenaisien, il conviendraitdonc de faire état de toute une série de facteurs quivont du savoir-faire accumulé par les acteurs publicslocaux sur les projets de développement local, descaractéristiques de la population (sa concentrationsur le local, la présence d'une économie locale relati-vement diversifiée . . .), de sa capacité à être uninterlocuteur privilégié de la politique publique

nationale sur les autoroutes de l'information (leprojet de Parthenay a été labellisé « projet d'intérêtgénéral » par le ministère de l'Industrie en 1996) etsurtout des politiques publiques de la Commissioneuropéenne (DG XIII et DG III) . L' instrumen-talisation successive de l'ensemble des partenairesintervenus dans le projet, est une autre caractéristiqueforte signalant l'efficacité de la gestion du projetd'ensemble, qui se trouve en capacité d'imposer sonrôle d'intégrateur et d'ensemblier territorial.

Apostille sur l'échec électoralde mars 2001

L'échec, lors des élections de mars 2001, de lamunicipalité conduite par Michel Hervé, est difficileà comprendre si l'on en reste à l'idée que Parthenayreprésentait un modèle en matière de dévelop-pement local centré sur les TIC et notammentl'Internet.

Une majorité significative d'électeurs locaux(52 % dès le premier tour) a signifié son désaveu dela politique menée jusque là et très majoritairementorientée vers la valorisation du « modèle parthe-naisien » . Il s'agit en fait bien davantage d'un désaveuque d'une adhésion aux projets ou aux valeursportées par l'opposition de l'époque, car celle-ci a eutoute les peines du monde à trouver un candidatsusceptible de concurrencer Michel Hervé et savictoire fut une surprise, y compris pour son proprecamp.

Les usagers des TIC à Parthenay

1 . Définition des figures

Les résultats des séries d'enquêtes conduitesentre 1996, 1998 et 2000 sur le territoire conduisentà distinguer plusieurs figures en fonction de l'usageou non d'Internet . Le principal critère de distinctionest la fréquence d'usage d'Internet. On retrouveainsi des figures classiques, correspondant à cellesque l'on connaît dans les enquêtes nationalespermettant de distribuer les internautes en :

– Assidus (utilisent Internet 2 à 3 fois par semaineou tous les jours ou presque)

– Réguliers (utilisent Internet 1 à 4 fois par mois)– Occasionnels (utilisent Internet au moins une fois

par mois).

Au-delà de ces figures classiques, nous avons puidentifier trois autres figures :

– Indécis (ont eu un premier contact avec Internetmais ne l'utilisent pas)

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— Paradoxaux (disposent d ' un micro-ordinateurmais n'ont jamais utilisé une connexion sur leréseau)

—Non-usagers (n'ont jamais utilisé un micro-ordinateur, connecté ou non).

2 . Différences structurelleset effets de conjoncture

La population locale des internautes sedistingue fortement de la population des internau-tes français. Il est toutefois assez difficile d'appréciersi ces différences sont structurelles ou conjonctu-relles dans la mesure où l'on ne dispose pas d'autrescas en France sur lesquels appuyer une approchecomparative.

Si on les tient pour structurelles, on convientalors que ce sont l'ensemble des spécificités de lapopulation locale, du projet de politique publique,qui ont induit un modèle particulier, à part etdifficilement duplicable sur un autre site . Si onadmet que ces différences sont conjoncturelles, onpeut alors concevoir que le reste de la France puisseévoluer en partie sur le modèle parthenaisien.

En premier lieu, il convient de rappeler queParthenay est une petite ville (selon la nomenclaturede l'INSEE) . Elle est une ville isolée, au coeur d'unemicro région à forte tradition rurale, la Gâtine . Ellen'est donc pas dans les catégories urbaines où ledéveloppement spontané des usages des TIC semanifeste (les villes de plus de 100 000 habitants) etelle ne bénéficie pas davantage des retombées deséconomies urbaines d'une grande agglomération(elle est à 50 km de Poitiers) ou d'une agglomérationmoyenne (45 km de Niort) . Elle fait en fait partie destypes de villes (celles de moins de 20 000 habitants)qui restent les moins touchées par la diffusiond'Internet.

Par ailleurs, elle n'a qu'une population trèsréduite d'étudiants, ceux dont la famille réside àParthenay puisqu 'il n'y a pas d 'enseignementsupérieur à Parthenay. Or, comme nous venons de levoir, la population des étudiants est une populationparticulièrement sensibilisée à Internet dans lamoyenne nationale (selon l'étude de l'Institutd'Étude de la Population étudiante — GroupeStoody — environ 50 % des étudiants possèdent unordinateur et 46 % pratiquent Internet depuis leurlieu d'étude ou chez leurs parents)'.

Tous ces paramètres constituaient doncapparemment autant d'écueils ou de handicaps pourla politique locale . Or, si en novembre 1999, la plupartdes instituts comptabilisent 21,3 % de ménagesfrançais équipés d'un micro-ordinateur, on entrouvait en janvier 2000 autour de 33 % à Parthenay.De la même façon, aux 11,9 % d'internautes françaiscorrespondent 39 % d ' internautes parthenaisiens .

La différence d'usage selon le sexe, qui reste trèsimportante en France (2 hommes pour une femme)est très réduite à Parthenay (52,9 % d'hommesinternautes contre 47,1 % de femmes) . A noter quecette quasi parité entre sexes s'observe dans desproportions quasi identiques aux Etats-Unis où ledéveloppement des usages de l'Internet estbeaucoup plus précoce qu'en France.

Les internautes parthenaisiens sont particuliè-rement jeunes . 43,8 % de la population internautelocale a moins de 20 ans (32 % sont des élèves, 8des étudiants), tandis qu'en France, les moins de 20ans représentent 18 % de la population nationale desinternautes . Il faut ici voir les effets de la politiquelocale qui, dans le cadre du Projet IMAGINE, a choiside développer une action extrêmement vigoureuseen direction du monde scolaire . Si, pour la France,on ne dispose d'aucune statistique fiable quipermette d'évaluer la population internaute desmoins de 15 ans, on sait qu'à Parthenay, les enfantsinternautes (de 0 à 14 ans) représentent 21,4 % de lapopulation locale des internautes . Ils sont ledeuxième groupe en termes d'importance, justeaprès le groupe des 15-19 ans (22,4 %).

3 . Les usagers des lieux d'accèsaux micro-ordinateurs et aux services en ligne

Les lieux d'accès aux services en ligne sontd'autant plus intéressants à prendre en considé-ration qu'une partie importante de la politique« ville numérisée » s'est efforcée de multiplier ceslieux afin de faciliter l'accès au plus grandnombre.

Encadré n° 1 : L'utilisation d'Internetà Parthenay et en France

France

Parthenay

Au domicile 44,5% 67%

Au travail 40,1% 30,3%

Ailleurs 41, 2 %

Espaces numérisés : 44,4 %

École : 41,5 %

Autres lieux : 4,9 %

France : populations internautes de plus de 15 ans.Parthenay : population des internautes locaux

Le taux d'usage « au domicile » est plusimportant à Parthenay qu'en France, ce qui estcohérent avec le fait que le taux d'équipement desfoyers en micro-ordinateur est également plusimportant à Parthenay qu'en France . Dans les deuxcas, le différentiel entre la France et Parthenay estautour de 34 %.

12 Source : Journal Du Net.

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Les « autres » lieux d'accès (« Ailleurs ») appa-raissent, comparativement à la France, extrêmementimportants à Parthenay. Là encore, il faut y voir l'effetde la politique publique locale qui a mis à disposition,dès 1997, des « Espaces numérisés », en fait 12 lieuxpublics qui accueillent les Parthenaisiens, les formentà l'Internet et leur donnent accès gratuitement auréseau . On peut encore y déceler les effets de lapolitique en direction du monde scolaire.

Enfin, le fait que le lieu de travail soit un lieud 'accès moins important à Parthenay qu 'en France,peut s'expliquer par le jeune âge de la populationdes internautes parthenaisiens.

a.Les usagers à domicile : 67 % des internautes(26 % de la population d'enquête)

Les usagers de micro-ordinateur et d'Internet àdomicile se distinguent très peu de la moyenne de lapopulation des internautes parthenaisiens . Ils sont leplus souvent plusieurs utilisateurs par foyer équipé etl'enfant scolarisé est le plus souvent désigné comme« utilisateur principal » (33 %) devant le père(29,3 %) et la mère (23 %) . L'utilisation se faitexceptionnellement « à plusieurs » en même temps,elle se fait très majoritairement « à tour de rôle ».Dans un peu moins de 10 % des cas, on trouve un« utilisateur unique » . La date d'acquisition d'unmicro-ordinateur la plus fréquente, est 1998.

Il s'agit de familles composées très majoritai-rement de quatre personnes, le plus souvent deuxparents et deux enfants, dont au moins un scolarisé.Les tranches d'âge dominantes sont les 0-14 ans etles 40-49 ans. Ces usagers fréquentent aussi lesEspaces numérisés (39,2 % d 'entre eux) et, pour lestranches d'âge concernées, ont accès à ces outilsdepuis leur lieu de travail pour près de la moitiéd'entre eux. De la même façon, ils ont égalementaccès depuis l'école (pour les populationsconcernées, autrement dit, la fraction « populationscolarisée » de ce groupe) pour 51 % d'entre eux.

b. Les usagers de micro-ordinateurs et d'Internetau travail : 30,3 % de la population des inter-nautes (12 % de la population d'enquête)

Le lieu de travail est donc le lieu d'accès lemoins fréquent pour les usagers de la micro-informatique et d'Internet à Parthenay. Les tranchesd'âge les plus représentées sont celles de 40 à 49 ans(36,4 % des usagers) et 30 à 39 ans (27,1 %). À ellesdeux, ces deux classes d'âge regroupent 63,5 % deseffectifs de cette catégorie d'usagers.

Ils ont de hauts niveaux de diplômes, 27,1 %ont un niveau de 2ème ou 3eme cycle d'étudessupérieures, 22,4 % ont un DEUG et 22 % le Bac. Ilssont donc 71,5 % à avoir le Bac ou au-dessus . Cesont majoritairement des employés (30,4 %), descadres (25,7 %) et des professions intermédiaires(22,9 %) . Ils sont 77,6 % à avoir un équipement

domestique et près de la moitié d'entre eux a reçuune formation à la micro-informatique dans lecadre de son entreprise.

c. Les usagers des Espaces numérisés : 44,4 % dela population des internautes (17,5 % de lapopulation d'enquête)

Ce sont des usagers particulièrement jeunes . Prèsde 60 % des usagers des Espaces numérisés ont de 0 à19 ans, et près de 70 % ont moins de 25 ans . Ce sontdes élèves pour plus de la moitié d'entre eux (52,4 %)ou des étudiants (12,1 %) . On trouve également uneproportion significative de chômeurs (7 %) . Parcontre, toutes les autres catégories socioprofession-nelles sont sous-représentées dans les Espacesnumérisés.

La fréquentation d'un Espace numérisé sedouble la plupart du temps d'un usage de la micro-informatique à domicile (62 % des cas) et, parmiceux-ci, 47 % d'entre eux disposent d'uneconnexion au réseau.

Seuls 29,2 % d'entre eux ont bénéficié d'une desformations à la micro-informatique dispensées parles animateurs des Espaces numérisés, tandis que prèsde la moitié (46,7 %) d'entre eux ont reçu uneformation à la micro-informatique dans le cadrescolaire, tandis que 53,7 % pratiquent la micro-infor-matique à l'école . On peut donc penser que,majoritairement, cette population est sensibilisée etformée à ces outils préalablement à sa fréquentationdes Espaces numérisés . Ils sont formés très majoritai-rement par l'école, mais un petit nombre connaissaitl'informatique avant qu'il en soit question dans lecadre scolaire . Ils sont toutefois 63 % à avoir eubesoin d'une aide à la pratique d'Internet.

d. Les usagers de l'informatique et des servicesen ligne à l'école : 41,5 % de la population desinternautes (16 % de la population d'enquête)

16 % des usagers de l'informatique et de l'infor-matique en réseau ont bénéficié des facilités d'accès etde la formation dispensée par le cadre scolaire . 88,4 %d 'entre eux ont moins de 20 ans, 50 % moins de 15ans . Ils sont toutefois 8,2 % à avoir de 20 à 24 ans, et3,4 % à avoir de 25 à 59 ans . L'accès scolaire est doncune innovation récente, les adultes étant ici pourl'essentiel des enseignants et autres personnelsscolaires (Atsem, animateurs . . .) . 63,7 % sont équipéschez eux d'un micro-ordinateur et 49 % d'entre euxd'un ordinateur connecté au réseau. Une fortemajorité a été formée à l'usage de ces techniques àl 'école (60,6 % pour la micro-informatique, 54,8 %pour Internet), tandis que dans 22,3 % des cas, cetteformation a été reçue dans un Espace numérisé.

4. Équipements

L'une des fortes spécificités de la politiquelocale a été de faire en sorte de multiplier les lieux

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d'accès en favorisant l'équipement des lieux publics(Espaces numérisés et milieu scolaire) . Il existe à cejour douze Espaces numérisés répartis surl'ensemble du territoire du district, fréquentés enmoyenne par deux cents personnes chaque jour. CesEspaces ont permis de mailler le territoire de lieuxd'accès dès 1997 . Au-delà, plusieurs machines ontété installées dans les milieux scolaires.

En second lieu, la politique locale a égalementfavorisé l'équipement domestique.

L Équipements des foyersOn trouve en janvier-février 2000, 33 % des

ménages parthenaisiens équipés d 'un micro-ordinateur et 17 % d'une connexion au réseau.

L'équipement des ménages a été fortementvalorisé dans le cadre de la politique locale . Entémoigne l 'opération « 1 000 micros » de 1997, qui apermis aux habitants de s'équiper à moindres coûtsafin de rentrer de plain-pied dans l'expérimentationen cours . Résultat d'un accord entre le district et sespartenaires industriels (l'Allemand Siemens et leFrançais France Télécom), l'Opération consistait àoffrir en location aux habitants un micro-ordinateurSiemens ainsi qu'un forfait de connexion au réseaudu district, incluant l'accès Internet, pour des prixdéfiant toute concurrence . On identifie dans notreenquête, 5,6 % de personnes qui se sont équipées àl 'occasion de cette opération « 1 000 micros ».

Les données issues de l'enquête permettent dedégager quelques éléments éclairant le rapport entreéquipement ménager des foyers et usages d'Internet .

S'agissant des foyers, il y a bel et bien unecorrélation entre l'équipement des ménages enappareils ménagers ou audio-visuels et leur pratiquede l'informatique et d'Internet, même si d'autresfacteurs expliquent cette corrélation : les revenus desménages ou l'âge des individus qui les composent parexemple . On peut également tenter de distinguer les« foyers communicants » des foyers qui peuventapparaître plus « fermés ».

Ménages équipés, ménages usagers

Sans surprise, on établit un lien entre laprésence et la densité des équipements dans le foyeret la présence d'un ordinateur, connecté ou pas (cfschéma n° 1).

Dans 100 % des cas, soit les vingt-et-un typesd'appareils ménagers proposés, les ménages équipésd'un ordinateur, qu'il soit relié ou pas, sont mieuxdotés que ceux qui n'ont pas d 'ordinateur.

Si la possession de la télévision apparaîtsupérieure chez les non équipés de micro-ordina-teurs, seuls les foyers équipés ont installé un kit deréception satellite et parfois délaissé la réceptionhertzienne par ailleurs difficile dans certaines zonesdu district.

On remarque des écarts significatifs concernantl'équipement en lecteurs de CD (25 points), enmagnétoscopes (22 points), en chaînes hi-fi (22points), en lave-vaisselles (22 points), tous en faveurdes ménages dotés d'un micro-ordinateur.

Schéma n° 1 : L'équipement des foyers français en micro-ordinateurs

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Mais les écarts dans l 'équipement en matérielscommunicants sont aussi très significatifs.

Des ménages plus ou moins communicants ?

Les écarts relevés dans le taux d'équipement desménages possédant des appareils de communicationélectronique, sont du même ordre que sur lesproduits blancs et audiovisuels : minitel (26 points)en défaveur des non équipés en informatique, fax(près de 20 points), téléphone portable de type GSM(20 points), mais on constate aussi un écartconséquent dans l'équipement des foyers entéléphone filaire traditionnel (8 points) !

Ceci traduit peut-être, si on ajoute le retard enlignes spécialisées de type Numéris ou en décodeursSatellite (qui peuvent aujourd'hui envoyer descourriers électroniques) l'existence de relationsmoins importantes avec le milieu extérieur : travail,amis, famille.

Inversement, les foyers les plus impliqués dansles relations exogènes sont-ils ceux qui sont lesmieux équipés de moyens et d'appareils decommunication ? Peut-on s'inscrire dans unecertaine surenchère ?

Internet dans les foyers, vers une logique desurenchère ?

Dans 12 cas sur 21, soit 12 types d'appareilsdifférents sur 21 proposés, la hiérarchie est respectée :les ménages non équipés en informatique sont aussiceux qui ont le moins d'appareils ménagers audiovi-suels ou communicants ; puis viennent les ménageséquipés d'un ordinateur non relié, précédant enfin lesménages reliés à Internet par leur micro-ordinateur. Cesont eux qui ont les taux d'équipement les plus élevés.

Ces 12 appareils sont : le magnétophone, lachaîne hi-fi, le lave-vaisselle, la console reliée auréseau (mais c'est obligé vu sa caractéristique !), lecaméscope, le récepteur de TV satellite, le magnéto-scope, l'appareil photographique digital, le téléphone,le fax, le minitel.

Les écarts sont toujours relativement faiblesentre taux d'équipement des ménages équipés d'unordinateur non relié et taux d'équipement desménages reliés.

2 . Les figures d'usagers à l'épreuve de la mesuredes équipements des foyers

L'exploitation des questionnaires individuels apermis de dégager différentes figures d'usagersd'Internet . On peut constater globalement quel'approche par les équipements du foyer les renforce.

Ainsi, on ne sera pas surpris de pouvoir trèsfacilement caractériser la catégorie des « non-

usagers », c'est-à-dire des individus n'utilisant pasd'ordinateur. Ce sont ceux qui déclarent être lesmoins bien équipés, quasiment en toutes catégoriesd'appareils ménagers . Si l'on compare les tauxd'équipement des six catégories d'usagers repérées,les « non usagers » se classent seize fois bons derniers(6ème rang), trois fois avant-derniers (5è merang), unefois 4— (téléphone) et une fois 3è me,mais il s'agit icide la télévision que nous avons déjà commentée.Cette figure d 'usagers n'est jamais classée premièredans aucun des vingt-et-un types d'équipements dufoyer proposés aux répondants (cf schéma n° 2).

Deux catégories parviennent à se classer en têtedu taux d 'équipement, mais pour un type d'appareilseulement : les usagers « occasionnels » avec l'élec-trophone et les usagers « réguliers » avec le récepteursatellite, un appareil communicant.

Les dernières figures d'usagers apparaissentplus distinctement :

– Les usagers « paradoxaux » se classent quatre fois aupremier rang, s'agissant du taux d'équipement deleur foyer en magnétophones, lecteurs de CD, foursà micro-ondes, TV hertziennes, soit des appareils nepermettant pas de communication bi-directionnelleinteractive ! Nous avons vu par ailleurs que cesusagers d'un type particulier n'utilisent pas Internetalors qu'ils ont un ordinateur et un environnementfavorable qui s'offre à eux.

– Les usagers « assidus » se classent sept fois en têtedes foyers les mieux équipés en caméscopes, camérasvidéo digitales, appareils photo numériques,téléphones portables, lignes Numéris, téléphonesportables, fax et minitel . Ces quatre derniers équipe-ments sont des attributs de l'ordinateurcommunicant des années 2000 et situent l ' usager aucentre d'un noeud de communication électroniquepar mail, fax, téléphone, webcam . . . On remarqueaussi que les appareils les plus complexes, onéreux,faisant appel aux techniques numériques, sontpossédés en priorité par ces foyers comptant unusager assidu d'Internet en leur sein.

– Enfin, la catégorie qui suscite le plus de questionsest celle des « indécis », individus ayant eu uncontact avec Internet non suivi d'effets . Ce sont euxqui composent les foyers les mieux équipés, classéshuit fois en tête en termes de taux d'équipementpour les appareils suivants : chaînes hi-fi, bala-deurs, consoles de jeux et consoles reliées àInternet, magnétoscopes, téléphones, lave-vaisselles et sèche-linges . Les appareils permettantl'écoute de la musique et le visionnage des filmssont révélateurs des caractéristiques sociocultu-relles de ce public : composé surtout de jeunes,dans des foyers aisés . On pourrait peut-être lesqualifier d'usagers futurs, pour l'instant peuengagés dans la vie sociale, non intégrés dans la vieprofessionnelle . . . Ils n'éprouvent pas le besoin dedensifier leurs pratiques par des moyens électro-niques, ils ont peu d'obligations sociales .

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Schéma n° 2 : La mesure des équipements dans les foyers français

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5 . Les usages

L'enquête sur les « Attentes » de la populationlors de METASA (1996) avait déjà souligné lecaractère très fortement prononcé des « attentes »en matière de loisirs.

Dans la mesure où l'on peut admettre que cetusage est moins légitime (sinon rigoureusementillégitime) « au travail », il n'est donc pas surprenantque l'enquête IMAGINE démontre que le lieud'accès « au travail » soit minoritaire par rapport auxautres lieux d'accès parthenaisiens (c'est celui quirépond le moins bien aux attentes formulées quatreans plus tôt), où ce type d'usage peut s'exprimer sanscontrainte (domicile, Espaces numérisés).

En l 'occurrence, il y a eu, de 1996 à 2000, unetraduction dans l'acte de l'attente exprimée et lesEspaces numérisés, ou certains d'entre eux (spécifi-quement le premier, l 'Espace Armand-Jubien), y ontbien répondu, même si telle n'était pas sa vocationinitiale . C'est en acceptant de faire évoluer cettevocation que la politique locale s'est ajustée à laconcrétisation des « attentes » dans les usages et lespratiques de loisirs . Il est aujourd'hui tacitementadmis que l'Espace numérisé Armand-Jubien offre unlieu d'accès ouvert et légitime pour ce type d'usages.

Les usages de la communication en ligne àParthenay en 2000 (cf. schéma n°3)

Deux usages se détachent très nettement . Si l'un,recevoir et envoyer des messages (67 %) constitueune utilisation basique d'Internet, l'autre, « consulterl'In Town Net» (62 %) est très spécifique à Parthenay.

L'usage sous forme de messagerie (recevoir etenvoyer des messages) à Parthenay est conforme à lamoyenne nationale (66 %) . Par contre, si 10 % desinternautes français pratiquent le « tchat », cettepratique concerne à Parthenay 20 % des internautesde notre enquête . Or, selon NetValue, le « chat »apparaît comme une pratique particulièrementdéveloppée en France, comparativement à ce qui sepasse en Angleterre ou en Allemagne . On peut doncen conclure que cette spécificité française est encoreaccentuée à Parthenay.

On observe par ailleurs que la consultation desmédias nationaux (30 %) est légèrement plusimportante que celle des médias locaux (23 %) . Ilest cependant difficile d'en conclure quoi que cesoit, dans la mesure où sur Internet, l'offre enmédias nationaux est beaucoup plus importante quel'offre en médias locaux.

1 . L'In Town Net, vers la construction d'unréférentiel collectif dans l'usage de lacommunication en ligne ?

On observe que le niveau de notoriété de l'InTown Net est très important, 75 % des internautes le

connaissent et un bon nombre d'entre eux (62 %)l'utilisent (cf schéma n° 4).

Dans la mesure où cet In Town Net fonctionnecomme une référence publique, on aurait pus'attendre à ce qu'il soit le mieux connu auprès desusagers qui pratiquent la connexion au réseau depuisles lieux publics (Espaces numérisés ou Écoles) . Enfait, il n'en est rien . 31 % des usagers dans les lieuxscolaires et 23,5 % des usagers dans les Espacesnumérisés ne connaissent pas l'In Town Net (cfschéma n° 5) . Ceux qui le connaissent le plus sont lesUsagers « à domicile » (ils sont 19,8 % à ne pas leconnaître) et les usagers « au travail » . Sans surprise,ceux qui utilisent le moins et surtout connaissent lemoins sont les usagers qui se situent ailleurs, parmilesquels, on peut supposer qu'il existe des usagers nonparthenaisiens.

A cette dernière exception près, on pourraitdonc penser que l 'In Town Net fonctionne commeun référentiel d'usage public local dans le sens où ilsignale une forte pratique d'une applicationd'intérêt public local . Plus on se trouve éloigné deslieux publics et plus ce référentiel fonctionne, pluson a besoin semble-t-il de se repérer dans l'espacedes potentialités du réseau en utilisant un guidecentré sur des usages locaux. Par contre, dès lors quel'on se trouve dans un lieu public, ce référentielapparaît un peu moins important, soit parce qu'il necorrespond pas aux attentes ou aux pratiquesd'utilisateurs plus jeunes (les usagers des lieuxpublics d'accès étant très sensiblement plus jeunesque la moyenne des internautes locaux), soit parceque le fait d'être dans un espace public rend de faitmoins nécessaire de recourir à ce guide.

2. Les modules développés dans le ProjetIMAGINE

Ces modules ont été développés dans deuxsecteurs : « Education » et « Contrôle de légalité » . Lemodule « Contrôle de légalité » n'était pas, à l'époquede notre enquête, utilisable par la population . Cemodule est par ailleurs surtout destiné à améliorer lacirculation de l'information entre les servicesadministratifs . Nous nous sommes donc concentréssur les modules « Education », qui sont les suivants :

— inscription/gestion— boîte à outils— Activités temps libre— Hot line

Le niveau de notoriété de ces applications estassez faible si on traite les réponses de l'ensemble despersonnes ayant répondu à l'enquête : 16 % lesconnaissent dont 6 % « sans plus » (cf schéma n° 6).

S'interroger sur le niveau de notoriété de cesapplications revient en fait à se poser la question despublics concernés : les personnels éducatifs, les

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Schéma n° 3 : Les usages de la communication en ligne à Parthenay (2000)

Schéma n° 4 : La fréquence d'utilisation de l'In Town Net

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Schéma n° 5 : La notoriété de l'In Town Net auprès des internautes

Schéma n° 6 : La notoriété des modules « Education » (Projet IMAGINE)

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enfants et adolescents scolarisés et les parentsd'élèves au premier chef. Cependant, dans le coursdu développement des applications, seuls lesenseignants ont réellement été mobilisés à l'époquede l'enquête, les parents d'élève étant intervenusultérieurement.

La population des enseignants

Elle a été très directement sollicitée . Il s'agitd'une population très équipée en micro-ordinateur àdomicile (78,6 %) et très souvent connectée auréseau (59 %) . Ce sont souvent, dans leur foyer, les

utilisateurs principaux » de ces outils et leurspratiques sont surtout orientées vers le travail .

La très grande majorité des enseignants a étéinformée de ces applications spécifiques au domaine« Education » par le canal de démonstrationsauxquelles ils ont participé « à titre professionnel(cf schéma n° 7) . Les autres canaux d'informationsont peu importants, à l'exception des médias locaux(20 %) et du bouche à oreille (20 %).

Si on va dans le détail des différentes applications(cf schéma n° 8), les enseignants informés connais-sent surtout les applications « Inscription/gestion »(81 %) et « Boîte à outils » (69 %) . Il n'est guèresurprenant qu'ils connaissent assez peu l'application« Activités temps libre », car ils ne sont pas réellementconcernés, ce service s'adressant aux associations detemps libre.

Schéma n° 7 : L'information des enseignants sur les applications a Education »

Canal d'information sur les applications "Education

Schéma n° 8 : Notoriété des applications « Education » auprès des enseignants

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

Olivier JONASTECDEV (www.tecdev.fr)

Cet article est issu d'une recherche menée parTECDEV en 2001 pour le Centre de Prospective etde Veille Scientifique (CPVS – Direction de laRecherche et des Affaires Scientifiques et Techniquesdu ministère de l'Equipement), recherchecoordonnée par le Centre d'Etudes sur les Réseaux,les Transports et l'Urbanisme (CERTU) visant àdéfinir les enjeux, les perspectives, les probléma-tiques des projets de villes numériques.

Contexte des projetsde villes numériques

Le développement à l'échelle urbaine destechnologies de l'information et de télécommuni-cation s'inscrit dans un ensemble de dynamiques etde tendances générales qui touchent à l'évolution descaractéristiques sociales, économiques et spatialesdes villes : d'abord, la mondialisation de l'économieet le déploiement parallèle, à l'échelle planétaire, desnouveaux réseaux d'information et de communi-cation qui modifient la relation entre le local et leglobal, entre la ville et son environnement géogra-phique qui n'est plus seulement régional maisdevient de plus en plus l'espace mondial ; ensuite,l'émergence d'une société de l'information qui,succédant à la société industrielle puis post-industrielle récente marquée par le développementde l'informatique et des activités de services, estporteuse, comme toute évolution sociétale majeure,d'espoirs et de craintes.

Quelle sera l'incidence des nouvelles techno-logies sur l'espace construit ? Vont-elles – celasemble un fait acquis par la majorité des chercheurstravaillant sur les dynamiques urbaines – renforcerun processus engagé de métropolisation ? Auront-elles un impact, direct ou indirect, sur la formeurbaine ? On prévoit, de toute évidence, desincidences multiples sur les modes de vie et decommunication, sur les modes de travail et lesloisirs, sur les organisations sociales, sur les déplace-ments – avec sans doute d'ailleurs plutôt un effetd'induction que de substitution, sur l'organisationspatiale des activités et sur la localisation del'habitat.

Le processus de déploiement des technologies etdes réseaux d'information et de communication

paraissant inexorable, l'avènement de la société del'information étant annoncé', il apparaît essentielaujourd'hui, si l'on souhaite que cette future sociétése construise de manière régulée, en contrepoint desdynamiques économiques et des stratégiesindustrielles mondiales, d'inscrire ces enjeuxtechniques et sociétaux dans les politiques publiques, àl'échelle internationale, nationale et locale. C'est lesens des nombreuses actions de la Communautéeuropéenne (notamment via l'Information SocietyTechnologies), des gouvernements nationaux (PAGSIdu gouvernement français), des programmes d'amé-nagement et de développement des territoires àl'échelle régionale (réseau européen IRISI, schéma deservices collectifs des CPER 2000-2006).

L'échelle urbaine, qui devrait être le pivot desstratégies locales en matière de développement desnouvelles technologies 2 et qui sera finalement lethéâtre spatial des transformations sociales,économiques et culturelles de la société de l'infor-mation en construction, fait encore insuffisammentl'objet de communications, d'études et de recherchessur ces sujets, si ce n'est au travers de réseaux inter-villes de valorisation d'expériences, commeTelecities, European Digital Cities ou, en France,l'Observatoire des Télécoms dans la Ville.

Peu d'approches méthodologiques ont étéréalisées à ce jour sur le déploiement des techno-logies de l'information et de communication àl'échelle urbaine, peu d'évaluations d'expériencesont été engagées, sinon par la diffusion, encorerelativement confidentielle par les réseauxcommunautaires indiqués plus haut, des « goodpractices », ou retours d'expériences réussies decertaines villes modèles.

Le développement des technologies et desréseaux d'information et de communicationrecouvre en fait une triple problématique pour lespolitiques urbaines : l ' intégration des nouvellestechnologies dans la gestion de la ville, l'entrée dansla société de l'information, et le positionnementdans la nouvelle géographie mondiale.

TIC et gestion urbaine

La première interrogation liée au dévelop-pement des TIC dans le champ urbain est celle deleur impact sur la gestion technique et administrativede la ville . Les TIC multimédias interfèrent ainsi avec

1 Voir notamment Manuel Castells, La société en réseaux, 1997.2 Cf. Collectivités locales et télécommunications : nouveaux services, nouveaux réseaux — CERTU, 1998 .

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les transports urbains publics (exploitation automa-tisée, information des usagers, télébillétique) ouindividuels (transport à la demande, informations etrégulation du trafic en temps réel), avec l'environ-nement, avec la sécurité et la sûreté publique(systèmes de télé – et de vidéosurveillance,cindynique), avec la gestion technique et logistiquedes équipements urbains (télégestion d'équipements,de réseaux de fluides, monétique urbaine), avec lagestion du sol (systèmes d'informations géogra-phiques, cadastre numérique), mais aussi, et demanière sans doute plus visible pour les citoyens, cesnouvelles technologies interagissent avec l'actionculturelle, sociale, économique des services adminis-tratifs locaux et des élus municipaux, et peuventmodifier profondément la relation entre les édiles,leurs administrés et le tissu associatif local(démocratie électronique, intranets urbains,communautés virtuelles)'.

A noter d'ailleurs, bien que cela ne soit pas lethème central de ce projet d'étude, que l'intégrationprogressive des technologies de l'information et decommunication dans les fonctions urbaines et dansles usages des citadins aura sans doute à terme unimpact sur la forme urbaine elle-même.

Démocratisation des technologiesde la société de l'information

Une deuxième problématique, très sensibleaujourd'hui, est celle du rôle de la collectivité pouraccompagner les habitants sur le chemin menant à lasociété de l'information . De plus en plus de villescherchent à favoriser l'accès des citoyens et desentreprises locales aux services et aux réseaux d'infor-mation et de communication : égalité etdémocratisation des accès, acculturation et formationaux TIC multimédias, prévention des discriminationssociales, culturelles ou territoriales (de type info-riches/info-pauvres).

Plus encore que d'autres collectivités territoriales,régionales ou départementales, dans le cadre de leursprérogatives liées à la décentralisation, les villesdeviennent l'espace privilégié pour assurer unemédiation entre les usagers et les nouvelles techno-logies de la société de l'information', les municipalitésjouant selon les cas un rôle de sensibilisation descitoyens et des entreprises, d'entraînement des acteurslocaux privés et publics, voire de régulation desdynamiques industrielles à l'échelle locale.

Local et global

Enfin, le troisième champ de réflexion, qui dulocal nous propulse vers le global, est celui du

positionnement des métropoles dans la nouvellegéographie construite simultanément par lamondialisation économique et par l'universali-sation des technologies et des réseaux d'informationet de communication avec, comme conséquencemajeure, la construction progressive d'un nouvelespace global, le cyberespace.

Alors que l'espace économique mondial estcaractérisé par l'accroissement du mouvement descapitaux, par l'apparition de nouveaux marchésinternationaux, par la souplesse et la versatilité de lalocalisation des entreprises et par l'éclatement del'organisation spatiale du travail, la ville reste unespace géographique stable, qui concentre sur unterritoire des activités, des services et surtout unbassin de population qui restera toujours beaucoupmoins mobile que les composants du nouvel ordreéconomique mondial.

Ici aussi, l'intégration des TIC à l'échelleurbaine et le raccordement aux réseaux de télécom-munication et au cyberespace deviennent un enjeutechnique et politique majeur. Mais, plus que leraccordement aux infrastructures de la société del'information, qui sera un aménagement minimum– on parle d'effet structurant par défaut des TIC surles territoires – ce sont les compétences locales, lessavoir-faire et le potentiel de main-d'oeuvre qualifiéequ'il s'agira pour les responsables locaux devaloriser, afin que la ville ait le même effet polarisantsur l'espace économique mondial, que celui qu'elle atoujours eu, historiquement, à son échelle régionale.

Au vu de ces multiples aspects du déploiementdes technologies de l'information et de communi-cation dans le champ urbain, il nous paraît utileaujourd'hui, en s'appuyant sur certains modèlesfrançais et étrangers, de cerner un cadre méthodo-logique pour le développement intégré et organisédes technologies de la société de l'information dansla ville, schéma à adapter évidemment auxcontraintes et aux politiques locales.

Cette démarche se rapproche en partie, dansson esprit, du schéma cadre de services collectifsdevant être élaboré par chaque région dans le cadrede la nouvelle Loi d'orientation pour l'aména-gement et le développement durable du territoire ;schéma directeur visant à définir une stratégierégionale pour le développement de téléservicesdans les domaines de la formation, de la santé, de laculture et des services administratifs'.

Les projets de villes numériques visent enpremier lieu à réaliser une approche transversale dudéploiement des TIC et des services et téléservicescollectifs, et à identifier les principaux champs

3 Pour l'impact des technologies de l'information et de communication sur la gestion technique et administrative de la ville : La Citéinteractive — O. Jonas — Rapport de recherche pour le CPVS-DRAST, Éd . L' Harmattan, 1997.

4 Voir ici par exemple les objectifs de l ' atelier A global cities dialogue on the information society, lors de l' avant-dernier colloque annuel del 'IST (Helsinki, novembre 1999).

5 Voir à ce sujet le site Web de la DATAR : http://www.datar.gouv.fr/

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

d'application : l'aménagement du territoire urbain,la cohésion sociale, la formation, la culture, ledéveloppement économique et touristique . ..

Le deuxième objectif est de réunir des élémentsméthodologiques, un « mode opératoire », pour laplanification et la programmation du déploiementdes TIC à l'échelle urbaine ; un déploiement intégrépour améliorer l'efficience de la gestion urbaine parla mise en relation des systèmes d'information et lamutualisation d'infrastructures techniques ; undéploiement organisé, inscrit dans une planificationurbaine à long terme, au-delà des cycles électoraux,pour le positionnement de la ville dans la nouvellegéographie de la société de l ' information.

Il s'agit d'identifier les principales probléma-tiques et de définir les éléments de méthode, àl'attention des maîtres d'ouvrage locaux (élus etresponsables de services) pour le développement desprojets de villes numériques.

Enfin, le troisième objectif est de décrire ce quesera la ville de demain et de cerner les impactssociaux, culturels, économiques, spatiaux destechnologies de l'information et de communicationsur le développement urbain.

Le champ d 'étude portera donc principalementsur les axes stratégiques des projets de villesnumériques – champs d'application et montageopérationnel – et la prospective à long terme de cesprojets pour éclairer les choix des décideurs locaux.

Modèles de villes numériquesDigital towns, e-cities, communities networks,

smart communities américaines, digital cities selon leterme retenu par la Commission européenne, villesnumérisées ou villes numériques en France, lesdifférentes appellations recouvrent également, touten usant quelquefois de la même terminologie, desconcepts très divers.

On voit au moins cinq notions très différentes :

La mise en place d'une politique locale TIC,conjuguant infrastructures de télécommunicationet nouveaux services pour l'administration et pourles citadins (Bologne par exemple).La constitution d'une communauté numériquepar un groupement d'individus, soit des habitantsd'une même collectivité territoriale, soit sans aucunlien avec leur situation géographie (AreaCommunity Network de Sacramento par exemple).La création d'un « city guide », site portail desressources locales, économiques, commerciales,sociales, culturelles, ludiques, associé à un plan de

la ville interactif (Kyoto par exemple) . Pourraégalement être proposée, à des fins de promotiontouristique notamment, une visite virtuelle de laville (webcams retransmettant des images vidéosur Internet ou enchaînement de photos simulantune promenade dans la cité) 6 .La maquette tridimensionnelle d'une ville réelle,afin de simuler des projets d'aménagement urbain,en liaison le cas échéant avec un système d'infor-mation géographique (Londres par exemple).La création d'un univers virtuel sur Internet,s'inspirant d'une ville réelle (Paris – le 2 — Monde)ou totalement artificielle (Alphaworld)permettant, via l'utilisation d'avatars', deséchanges interpersonnels, sociaux, économiques,ludiques . ..

C'est le premier concept que nous regarderons iciexclusivement, celui du déploiement coordonné parune collectivité territoriale, d'une politique locale enmatière de TIC et de télécommunications. C'est leconcept recouvert en France par les villes numériques,d'Amiens, de Parthenay (qui a été le précurseur enFrance d'une politique de « ville numérisée » oud'Issy-les-Moulineaux (qui a défini ses objectifs autravers d'un Plan local d'information).

Les grands enjeux de ces projets de villesnumériques sont au niveau du fonctionnement del'administration locale, de la relation entre l'admi-nistration locale et les citadins, citoyens et usagersdes services publics, de l'intégration sociale, dudéveloppement du territoire.

On souligne ici la dimension de gestiontechnique des grands réseaux urbains : réseaux detransports, réseaux de fluides, d'éclairage public, devidéosurveillance, gestion du trafic routier, des feuxde signalisation, ainsi que les technologies de typesystème d ' information géographique (SIG) ou cartemonétique urbaine, sont encore aujourd'hui à lamarge de ces projets de villes numériques. Mais labanalisation des technologies Internet et la pousséedes logiciels libres remplaçant des systèmesinformatiques « propriétaires », devraient faireévoluer rapidement cette partition entre « gestiontechnique » et « gestion administrative et politiquede la ville. C 'est d'ailleurs l'un des axes sous-jacentsdu programme de recherche « Action concertéeincitative Ville 2001 » (voir en annexe la propositionde recherche sur « l'infostructure urbaine »).

Peut-on modéliserun projet de ville numérique ?

Les experts s 'accordent à dire que cela n'est paspossible, chaque collectivité locale ayant ses propresatouts et contraintes, économiques, sociales,culturelles, géographiques (la problématique d'uneville comme Issy-les-Moulineaux, figure embléma-

6 Parmi d ' autres sites sur Paris : www.visite-virtuelle-paris.com/7 Sorte de marionnettes tridimensionnelles téléguidées par les internautes .

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tique de l'innovation technologique, n'est évidem-ment pas la même que celle d'un groupement decommunes rurales en Ardèche) . Il est égalementsouvent utile de capitaliser sur les projets ou actionsdes acteurs locaux, dans le domaine de la culture(manifestation reconnue internationalement parexemple), sur le secteur associatif, dans le domaineéconomique (implantation d'entreprises phares outissu industriel existant sur le secteur des TIC), dansle domaine de l'éducation et de la formation.

Les responsables politiques en place — et lescadres territoriaux, notamment le directeur généralet les chefs de services — porteront aussi, selon lescollectivités, un intérêt plus ou moins marquéenvers les TIC, les considérant comme de simplesoutils informatiques au service des politiqueslocales engagées, ou au contraire comme un objectifpolitique majeur, un axe de développement pour unvéritable projet de ville numérique.

Une fois ce préalable sur les différences entrecollectivités posé, on s'aperçoit, si l'on veut bientravailler plus avant sur le sujet :

• Il existe 5 ou 6 grands champs d'application desTIC — on peut donc faire une typologie des enjeuxterritoriaux et des actions pouvant être engagéespar les collectivités.

• Et pour chacun de ces domaines d'intervention, onpeut décrire un mode opératoire type, de l'étudestratégique à la mise en place opérationnelle,partenariats, financements, portage des projets,etc .

C'est ici l'objet de cette étude de cadrer lesenjeux, problématiques, mais aussi le mode opératoired'un projet de ville numérique, selon les grandsdomaines d'intervention des collectivités locales.

Promotion des villes numériques

En Europe

Au niveau européen, la dimension territorialeretenue pour la promotion de la Société de l'infor-mation (ancien programme IST, Information SocietyTechnology, devenu e-Europe) est essentiellementrégionale, au travers notamment des programmes

Eris@ ou IRISI 9 ou encore du programmeINTERREG IIC, qui vise à coordonner les étudesmenées par différentes régions européennes sur lerapport entre aménagement du territoire et nouvellestechnologies de communication.

À l'échelle de la ville, on retiendra le programmeIMAGINE'°, qui associait collectivités et industrielspour le développement de plates-formes de serviceslocaux dans le cadre des « villes numérisées » (voirnotamment Parthenay en France) et les initiatives descollectivités locales : Telecities (European DigitalCities) avec plus de cent membres dans treize pays del 'Union européenne ; Infocities (réseau de villes ayantdéployé des infrastructures à haut débit associées àdes services d'intérêt général), mais on doit signalerqu'aucun de ces réseaux ne semble aujourd'hui trèsvivace ; The Stockholm Challenge 2000" (com-pétition annuelle entre villes, prolongeant le GlobalBangemann Challenge, pour les meilleures applica-tions en matière de technologies de l'information etde communication sur les secteurs de l'éducation, dela santé, des transports, de la culture, de lacitoyenneté, etc .), ou encore le Global JuniorChallenge (compétition sur le modèle du Bange-mann Challenge pour les meilleures applications ettechnologies dans le secteur de l'éducation), qui sonttoutes des initiatives coopératives autour des impactsurbains, sociaux, économiques et territoriaux desnouvelles technologies . En 1999 a été créé égalementle Global Cities Dialogue, réseau de villes —européennes mais aussi quelques villes au niveauinternational — pour le développement de la sociétéde l'information'.

En France

En France, depuis 1997, après les premiersappels à projets sur les « autoroutes de l'infor-mation », le gouvernement a engagé un programmeambitieux de modernisation de l'administration, autravers du PAGSI (Plan d'action gouvernementalpour la société de l'information") et a mis en placesimultanément plusieurs instances et comitésconsultatifs : l'ART (Agence de Réglementation desTélécommunications) et l'ANFR (Agence Nationaledes Fréquences)" en ce qui concerne la libéralisationdu secteur des télécoms et des radios télécommuni-cations, le Réseau National de Recherche enTélécommunications 15 , la Mission interministérielleà l'accès public 16 , la Mission interministérielle desoutien technique au développement des TIC dans

8 Voir ici le SIVU des inforoutes de l ' Ardèche . www.inforoutes-ardeche .fr9 Les régions les plus avancées dans l ' organisation du déploiement des nouvelles technologies sur leur territoire ont créé en 1997 l'association

ERIS@ (European Regional Information Society Association), pour poursuivre l'action du programme européen IRISI (Inter-RegionalInformation Society Initiative) . Cette association regroupe aujourd'hui une trentaine de régions européennes (dont 4 régions françaises).

10 Programme sur 3 ans (1998-2000) dans le cadre du 4— PCRD.11 www.challenge.stockholm .se/challenge .html12 Le Global Cities Dialogue est présidé actuellement par la ville d ' Issy-les-Moulineaux : www.globalcitiesdialogue.org/13 www.internet.gouvfr/francais/textesref/pagsi .htm14 www.art-telecom .fr/ www.anfr.fr/15 wwwtelecom.gouv.fr/rnrt/index_exp.htm16 accespublics.premier-ministre.gouvfr/

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

l'administration (MTIC)'', le Conseil Stratégique desTechnologies de l'Information18(CSTI) ...

Au niveau des collectivités locales, plusieursassociations d'élus ont mis en place des groupes detravail : l'AVICAM (Association des villes câbléesmultimédias), l'AMGVF19 (Association des Maires desGrandes Villes de France) qui organise une manifes-tation annuelle sur ces sujets, Multimédiaville20.

D'autres associations portées par desopérateurs mènent enquêtes, réflexions etpromotion des TIC pour les collectivités territoriales,principalement : l'Observatoire des télécommunica-tions dans la ville" (OTV), association longtempscontrôlée par France Télécom, alors opérateurnational, pour faciliter le dialogue avec les collecti-vités territoriales . L'OTV affiche aujourd'hui uneneutralité de bon aloi et se positionne comme unorganisme indépendant de promotion des TIC àl'échelle locale – mais on notera que France Télécomest encore le seul opérateur de télécommunicationprésent au conseil d'administration de l'association.Citons également Ecoter 22 , association regroupantune soixantaine de membres (opérateurs, industrielset collectivités), qui s'est donné pour mission desensibiliser les collectivités locales au déploiementdes réseaux de télécommunication ; l'AFOPT23 ,l 'Association Française des Opérateurs Privés deTélécommunication qui édite à l'intention descollectivités la revue en ligne e-territoires.

Dans le domaine du conseil aux collectivitéslocales, citons les grands cabinets de consultantscomme Accenture (ex-Andersen Consulting) quiréalise des études génériques sur les technologies del'information (récemment sur 1'e-culture) et a lancédeux sites web thématiques24 . Également Ernst &Young, partenaire de colloques 25 , ou la Caisse desDépôts et Consignations qui a créé un départementspécialisé (CDC-TIC et qui propose un « espaceTIC » sur son site web Mercure 26. Puis des cabinets deconsultants spécialisés sur les infrastructures et lesréseaux, comme Tactis, « Le Comptoir des signaux »(le plus ancien, qui travaillait à l'époque sur lesprojets de Téléports importés des Etats-Unis), ouencore des consultants plus généralistes commeTecdev 27 .

Certains outils des collectivités locales sepositionnent également comme conseil, comme laSEM Telal en Alsace (repris dernièrement par laCDC-TIC), ou encore Territoires .com 28, associationregroupant des collectivités, créée sous l'égided 'ADNTIC, la Sem de développement des TIC dansla Somme.

Enfin citons l'action « Ville internet » 29, sous lepatronage du ministère de la Ville et en partenariatavec l 'association Vecam 30 (Veille européenne etcitoyenne sur les autoroutes de l'information et lemultimédia) qui fait la promotion des initiatives desvilles et des associations en matière de dévelop-pement d'Internet, notamment via la fête del'Internet et la labellisation des réalisations locales enmatière de TIC 31 (en décernant des @ « arobases »qui valorisent les communes voulant se donner uneimage de modernité).

Les avancées des villes

En cinq ans, les collectivités locales sont passéesd'une réflexion sur l'opportunité de mettre en placeune politique TIC à la réalisation opérationnelle.

La majorité des grandes villes vise à déployerune infrastructure de télécommunication réservée àses propres usages (boucle locale de typeGroupement Fermé d'Utilisateurs) et souhaitefavoriser l'installation de réseaux d'opérateurs detélécommunications ouverts aux public et auxentreprises de manière à installer une offre concur-rentielle . La plupart des villes ont créé un site webmunicipal et beaucoup ont mis en place ouréfléchissent à la création d'un intranet municipal.

A noter que le protocole d'Internet (IP) estplébiscité par les collectivités qui suivent en cela lechemin tracé par les entreprises.

On retient d'une étude récente de l'observatoirede Multimédiaville32 qu'il n'y aurait pas de modèle entermes de services et de réseaux – ou plusexactement, qu'il y a plusieurs modèles possibles . Lesvilles cherchant à développer les services les plusappropriés au contexte local par rapport aux spécifi-

17 www.mtic.pm.gouv.fr/18 www.csti.gouvfr/fr/19 www.grandesvilles .org/20 www.multimediaville.tm .fr21 www.telecomville .org22 www.ecoter.org23 www.afopt.asso.fr/Html/index.htm24 www.e1789 .com et www.cyberecoles.fr25 Présentation d ' une étude sur l ' impact des TIC dans les collectivités territoriales lors du colloque annuel des DG des conseils régionaux et

conseils généraux (3-10-2000).26 www.cdc-mercure.frl27 www. tecdev. fr28 www.adntic .com/territoires.com/infos .html29 www.villes-internet.net/30 www.vecam .org/31 Près de 150 communes se sont inscrites au concours en 2001, soit presque deux fois plus que lors des deux premières années, en 1999 et

2000.32 Multimédia et télécommunications : les initiatives des villes — OTV — juin 2000 .

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OLIVIER JONAS

cités économiques et géographiques de leurterritoire, de l'image et de la notoriété de la ville, desservices existants et des initiatives locales, de leursmoyens financiers, du projet politique.

Sont pris en compte également la maturité de laville en termes de développement de servicesmultimédias, le processus de réflexion, étude,consultation des prestataires et opérateurs, mise enoeuvre des service pouvant prendre plusieursannées. Les grandes étapes de développement desnouveaux sont :

—La création d'un site web de présentation de laville, des atouts pour l'implantation desentreprises, et de vitrine de l'action municipale.

—Dans un deuxième temps (après une année enmoyenne), la mise en place d'informations vers lescitoyens (avec réactualisation du site web),comme par exemple les délibérations du conseilmunicipal, la création d'adresses e-mail pour lesélus ou le personnel municipal.

—Ensuite, l'évolution du site web en site portail, avecles liens vers les ressources et acteurs locaux et lacréation de GFU, la création de téléprocédures.

—Enfin l'utilisation des TIC comme outils degestion et d'administration, via un réseau intranetà haut débit, la mise en place d'une applicationSIG (système d'information géographique).

Ce schéma général peut cependant être infirmépar l'expérience d'autres collectivités locales,mettant par exemple en place un intranet municipalpour améliorer la productivité des services del'administration locale, avant de réfléchir àl'ouverture vers les citoyens et les entreprises locales.

Villes et réseaux télécomsSelon l'enquête de Multimédiaville 2000 citée plus haut,

auprès d'un échantillon de 218 villes : 30 % des villessouhaitent s'impliquer dans l'offre télécoms sur leur territoireet ne veulent pas rester un client passif des opérateurs . 15souhaitent construire des infrastructures de réseaux, 8 % leslouer à des opérateurs.

Villes et Internet75 % des villes interrogées ont réalisé un site web (22 %

en projet), 34 % disposent d'un intranet (43 % en projet),10 % ont créé une boucle locale pour leurs besoins propres detype GFU (19 % en projet) . 58 % des maires ont une adresseInternet personnelle, 32 % des conseillers municipaux, 76 %des directeurs de services, 41 % des employés.

Les principaux services multimédias réalisés ouen projet sont :

—Services liés à la culture : 52 % (en projet : 15 %)—Promotion des activités économiques : 48 % (en projet :

22 %)

—Communication avec les citoyens : 45 % (en projet : 33 %)—Développement touristique : 43 % (en projet : 12 %)

—Communication avec les services de la mairie : 39 % (enprojet : 29 %)

—Cybercentres : 39 % (en projet : 29 %)

—Journal municipal en ligne : 38 % (en projet : 26 %)—Services liés à l ' éducation : 34 % (en projet : 19 %)

—Communication avec les entreprises : 31 % (enprojet : 31 %)

—Emploi : 25 % (en projet : 24 %)

—Portail Internet local : 21 % (en projet :16 %)

—Bibliothèque en ligne : 20 % (en projet : 35 %)

—Diffusion des débats du conseil municipal : 20 % (en projet :26 %)

—Information sur les transports : 20 % (en projet : 11 %)

Conditions de mise en oeuvredes projets de villes numériques

Le préalable à tout projet de ville numérique estsans doute d'arrêter une stratégie globale pour ledéveloppement des TIC, adaptée évidemment aucontexte local et au projet politique porté parl'équipe municipale . Le développement d'actionssporadiques n'aura pas le même effet d'entraî-nement qu'une action transversale portée par unevision politique à long terme.

Dans l'idéal, le projet sera construit sur unecoopération entre la collectivité et des acteurslocaux, porteurs eux-mêmes de projets TIC :acteurs socio-économiques, associatifs, universi-taires, établissements scolaires, organismes deformation, entreprises, prestataires locaux, etc.

Cependant, même si le projet de villenumérique s'appuie sur des partenaires locaux, ilapparaît essentiel, au regard des expériences réussies,de trouver un portage politique fort, le mieux étantd'associer une vision volontariste du Maire ou d'unadjoint chargé des TIC, à l'implication du directeurdes services qui devra notamment s'atteler à la tâchedifficile de faire évoluer son organisation, et à ladésignation d'un chef de projet . A contrario, unprojet porté uniquement par le directeur du serviceinformatique, culturel ou technique, n 'aura que peud'envergure.

Un facteur incontournable d'un projet de villenumérique sera également la nécessaire appropriationpar les usagers des nouveaux services, citadins etadministration locale — il ne faut certainement pas icisous-estimer l'impact sur le fonctionnement trèshiérarchique d'une collectivité, le temps nécessaire àl'apprentissage des nouvelles technologies etnouveaux usages, et le sous-équipement et la faibleacculturation, encore aujourd'hui, de la population.

Il faudra enfin s'assurer en amont que le projets'inscrit bien dans les limites d'action des collecti-vités locales, que ce soit par rapport à leurscompétences définies par les lois de décentrali-

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sation, par la récente Loi d'orientation pourl'aménagement et le développement durable desterritoires – et la future Loi sur la société de l'infor-mation – ou par les différents décrets européens surles TIC et les réseaux de télécommunications.

Il est important de bien évaluer l ' impact des actionsengagées par la collectivité sur les secteurs concurrentiels.Certains projets ont été freinés par le lobbying des prestataireslocaux d'accès à Internet (quand la collectivité offre ce service)ou par des organismes de formation qui voient dans les ateliersgratuits mis en place dans des cybercentres une concurrencedéloyale, de manière épisodique, mais ayant un temps poureffet de stopper toutes les velléités des collectivités en matièred'infrastructures de télécommunication publiques, par descontentieux engagés par France Télécom (à propos du projetde réseau métropolitain de Nancy).

Un projet ambitieux doit être planifié surplusieurs années, souvent sur des durées supérieuresau mandat électoral, les champs d'application et lespriorités d'action étant clairement définis . Il estimportant par ailleurs de bien évaluer les finance-ments, en termes d'investissements, d'exploitation etd'animation des services . Le projet évidemment doits'articuler si possible avec les plans de développementdu territoire de type contrat de ville, contrat de PlanEtat-Région, schéma de services collectifs régional, etc.

Enfin en ce qui concerne la dimension dedéveloppement territorial, on sait bien que la relationentre les TIC et le développement économique –notamment pour l'implantation de nouvelles activités– est directement liée à l'image high tech portée parun territoire ; image à laquelle participent pleinementles infrastructures télécoms, les projets industrielsinnovants et médiatisés, l'évènementiel, mais aussi lesdimensions TIC et éducation, développementculturel, et plus largement le déploiement d'une« communauté numérique » en pointe . C 'est icid'ailleurs tout l'enjeu d'un projet de ville numérique.

Champs d'application des TICet politiques locales

On peut distinguer à ce stade, de manière sansdoute schématique, quatre grands champs d'inter-vention des collectivités locales en matière de TIC :

– Les projets centrés sur l'équipement du territoireen infrastructures de télécommunication(réseaux optiques à hauts débits structurants,boucles locales sur une zone dense d'activité,réseaux radio numériques), soit une stratégied'équipement du territoire visant à pallierl'absence d'opérateurs de télécommunicationalternatifs à l'opérateur titulaire du service

universel (France Télécom) et prévenant d'une« fracture numérique géographique » 33

– Les projets de modernisation de l'administrationlocale, de manière à faciliter les échanges entreservices, à améliorer l'efficience des structuresintercommunales, à faciliter les échanges entre lesadministrés-usagers des services publics et lesagents territoriaux.

– Les projets autour du développement de lacitoyenneté et d'une démocratie locale électro-nique, visant à la transparence de l'actionpublique, à la concertation de la population sur lesenjeux territoriaux et les politiques locales, àl'intégration sociale.

– Les projets axés sur la société de l'information,qui seront souvent multidimensionnels : informa-tions des citoyens et e-citoyenneté, équipementdes écoles, désenclavement de certains quartiers etintégration sociale (formation, cybercentres . . .),développement culturel et actions visant à réduireune possible « fracture numérique sociale »

34 .

Les projets axés sur le développement territorial,économique et touristique : valorisation des filièresmultimédias locales, transfert de technologies etessaimage, centres de ressources, sites web portailset un faisceau d'actions propres à valoriser leterritoire – dans un contexte de mondialisation del'économie et de concurrence entre métropoles àl'échelle européenne – afin de susciter l'implan-tation d'activités high tech35

Les projets de villes numériques développerontsimultanément plusieurs de ces axes.

Réseaux et infrastructuresde télécommunication

Dans le nouveau paysage « télécoms » formépar la libéralisation du marché et l'explosion destechnologies, les collectivités locales peuventintervenir, soit pour assurer une bonne gestion desfinances publiques, en réduisant les coûts desservices télécoms achetés par la collectivité grâce à lamise en concurrence des opérateurs, ou bien enétablissant leurs propres infrastructures detélécommunication privées ; soit dans le cadre deleur mission d'aménagement et de développementterritorial, en favorisant le foisonnement desopérateurs de télécommunication sur le territoire.

Diminuer les coûts des services télécomsà l'usage de la collectivité

Les collectivités sont utilisatrices de services detélécommunication, souvent d'ailleurs parmi l'utili-

33 Exemples : Castres, Besançon, Sipperec et la petite couronne parisienne . ..34 Exemples de villes numériques : Amiens, Parthenay, Faches-Thumesnil, Valenciennes, Marly-le-Roi, Issy-les-Moulineaux . ..35 Exemples : Communauté urbaine d 'Arras, programme Digiport de la Communauté urbaine de Lille, Pôle Magelis d ' Angoulême, pôle

image en cours d'étude sur la Seine-Saint-Denis (PRISM) ou sur Annecy . . .

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sateur le plus important sur une commune . Réduireles coûts des consommations téléphoniques locales,nationales et internationales est un enjeu importantdans le cadre d'une bonne gestion des financespubliques.

Depuis 1998, les collectivités publiques sonttenues de mettre en concurrence les opérateurs detélécommunication lorsque le montant cumulé desmarchés de services télécoms dépasse le seuil desmarchés sans procédure d'appel d'offres 36 . Desmarchés de courte durée sont par ailleurs conseilléspour profiter au mieux de l'évolution très rapide descoûts et des technologies.

Mais en pratique, pour que la concurrence soitréelle, il faut déjà que plusieurs opérateurs soientprésents localement – ce qui est loin d'être unegénéralité. D'autre part, l'allotissement pour cetteconsultation est déterminant : les opérateurs étantpour la plupart spécialisés et ne disposant en généralpas de la boucle de desserte locale qui leur permet-trait de couvrir tout le territoire urbain – aucontraire bien sûr de l'opérateur historique, FranceTélécom 37 . Plus le marché est segmenté en lotsdistincts, plus la concurrence pourra jouer.

Autre poste de dépense très important, lesinterconnexions entre sites municipaux . Lesdifférents sites des services qui sont en généraldisséminés sur l'aire urbaine (sur une ville moyennede 10 000 habitants, on peut avoir ainsi courammentune vingtaine de sites qui communiquent réguliè-rement avec l'Hôtel de Ville, au niveau téléphonique etau niveau informatique) . La collectivité peut, soitpasser par le réseau téléphonique commuté, soit louerune liaison permanente entre l'autocommutateurtéléphonique central et ceux de certains sites périphé-riques, ou une liaison informatique permanente entrele serveur central et les réseaux informatiques sur lessites distants (pour une application client-serveur ouun intranet par exemple) . Dans tous les cas, il luifaudra louer les services d'un opérateur de télécom-munication et c'est pourquoi, de manière à réduireleur facture télécoms, les villes étudient de plus en plusfréquemment la mise en place d'un réseau informa-tique-téléphonique indépendant des réseaux desopérateurs, en fibre optique ou mixte optique-radio,interconnectant tout ou partie de ses sites .

Ce type de réseau réunit un GroupementFermé d 'Utilisateurs (GFU) 38 , pour les besoinspropres d'interconnexion de services municipauxpar exemple, ou sert de support aux communica-tions de plusieurs groupes d'utilisateurs associatifsou socioprofessionnels (réseau de type multi-GFU).

Favoriser le foisonnementdes opérateurs télécoms

Depuis janvier 1998, date de fin du monopolepublic et d'ouverture à la concurrence du marchédes télécommunications, l'implantation des réseauxde télécommunication, réseaux structurants à hautdébit et boucles locales, obéit à une logique demarché, les opérateurs s'implantant de préférencesur les zones d'activités denses, où le retour sur leursinvestissements – très lourds, il faut le souligner –leur paraît le plus court . Les zones bien desservies enréseaux de télécommunication seront donc engénéral les zones rentables : les centres villes desgrandes métropoles, les importantes zones d'acti-vités sur le secteur des services 39 .

Les collectivités locales – à la différence dusystème adopté pour l'établissement des réseauxcâblés de télédistribution, fondé sur un régimeconcessif – ne peuvent pas infléchir le passage de cesréseaux qui est du ressort de la libre entreprise.Depuis la Loi de réglementation des télécommuni-cations (LRT de 1996), les opérateurs bénéficient dedroits de passage sur le domaine public routier,faisant seulement l'objet d'une permission de voiriedélivrée par la collectivité – qui dans la pratique nepeut pas être refusée – accompagnés de servitudespour l'accès aux propriétés privées . Ce passage sur ledomaine public donne cependant lieu au versementde redevances mais avec un montant plafonné(Décret du 30-5-1997)40 .

Dans le cadre de leur mission d'aménagementet de développement du territoire, les collectivitéspourront s'assurer de la bonne desserte de leurterritoire en matière de réseaux de télécommuni-cation, et donc du foisonnement d'offresconcurrentielles de services de télécommunications,notamment pour garantir la compétitivité desentreprises installées et favoriser l'implantation denouvelles entreprises' .

36 300 KF TTC avant la modification des seuils en septembre 2000 . Dans la pratique, ce seuil est couramment dépassé, les montants étantcumulés si le marché porte sur plusieurs années ou s'il est reconductible annuellement.

37 Le dégroupage de la boucle locale de France Télécom n ' est pas encore opérationnel . A partir du 1" janvier 2002, tout abonné pourra choisirl'opérateur de son choix pour passer ses appels téléphoniques locaux (c 'est-à-dire à l' intérieur du même département), comme c' est déjàle cas depuis le 1" janvier 1998 pour les appels longue distance, internationaux et fixes vers mobiles.

38 Ces GFU sont seulement soumis à déclaration à l'Autorité de Réglementation des Télécommunications (ART) dépendant du ministère del'Industrie.

39 Voir ici Territoires numériques, Olivier Jonas, Ed . DGUHC/CERTU et Collectivités locales et télécommunications : nouveaux réseaux,nouveaux services, Olivier Jonas, Éd . du CERTU, 1998.

40 Les recettes pour l'occupation du domaine public sont cependant faibles : les tarifs des droits de passage sur le domaine public routiersont fixés par le décret n° 97-683 du 30-05-1997, soit 0,15 F le ML annuels (indexé sur l ' indice du coût de la construction) . La redevanceannuelle pour une installation radioélectrique (antenne GSM notamment) est de 1 000 F (2000 F pour un pylône) ; ces tarifs s'appli-queront également aux installations des Boucles locales radio (BLR).

41 Selon une enquête menée en 2000 par l 'ENST Bretagne et le laboratoire ICI, les critères d ' implantation des PME/PMI, tous secteurs d' acti-

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

Et dans le cas où le territoire concerné apparaîtsous-équipé (disposant seulement des services del'opérateur garant du service universel, FranceTélécom), favoriser l'implantation des opérateurs :

– par des actions de lobbying ;– par l'installation d'infrastructures passives :

réseau non activé de « fibres noires s pourl'installation, par des opérateurs privés, deréseaux de télécommunication à haut débit ;

– en favorisant l'implantation d'équipementsInternet structurants : GIX (Global InternetExchange), noeuds d'interconnexion aux réseauxinternationaux et Centres d'hébergementTélecoms/Internet42 .

Réseaux et infrastructures de télécommunicationPlusieurs types de réseaux et de technologies coexistent,

ce qui contribue à brouiller le paysage en matière d'offrestélécoms territoriales : des réseaux nationaux et interna-tionaux en fibres optiques (les fameux backbones, dont leréseau national de France Télécom, celui de TélécomDéveloppement-SNCF-Vivendi et ceux de grands opérateursinternationaux comme LD Com, MCI Worldcom, etc.) ; desboucles locales en fibres optiques raccordant directement lesutilisateurs (entreprises et collectivités) aux backbones interna-tionaux et leur évitant de passer par les infrastructures —coûteuses — de France Télécom ; les boucles locales radio(BLR) avec 4 opérateurs agréés (2 à l ' échelle nationale et 2 parrégion) ; le réseau de desserte téléphonique de France Télécom« boosté » par les technologies xDSL qui supportent destransmissions de données à haut débit sur un réseau « cuivre »— réseau qui doit être « dégroupé » c ' est-à-dire mutualisé entreplusieurs opérateurs de télécommunication ; les réseaux câblésde télédistribution, notamment les réseaux HFC de dernièregénération (Hybride Fibre-Coaxial) qui donnent accès àInternet, avec cependant des débits limités par la bandepassante de la voie remontante que les usagers doivent separtager ; et enfin les technologies hertziennes des réseauxsatellitaires, avec un satellite géostationnaire (réseaux bidirec-tionnels VSAT et USAT) ou bien une constellation de satellitesen orbite moyenne ou basse (MEO's et LEO's), ou lenumérique terrestre qui augure du renouveau de la télédif-fusion numérique (en concurrençant à la fois le câble et lesatellite), tout en donnant accès à Internet à haut débit (la voixretour se faisant ici via une liaison téléphonique standard duréseau commuté), ou encore les évolutions des réseauxcellulaires supports de la téléphonie mobile GSM et DCS 1800qui évolueront d'ici 2005, via la technologie intermédiaireGPRS, vers l'UMTS, réseau radio permettant l'accès à Internetà moyen débit.

Ce paysage de réseaux de télécommunication imbriquésest de plus brouillé par les superpositions des réseaux : lesaccords d'interconnexion via les PRO (Points de raccordement)de l'opérateur historique, les accords de peering (échange detrafic) entre opérateurs, l ' accès aux réseaux longue distance parles préfixes (le 7, le 9 . . .), le dégroupage des boucles locales dedesserte (celle de France Télécom, celle des réseaux câblés) ; et

aussi par le développement de nouvelles techniques decommunication qui bouleversent les champs d ' application tra-ditionnels des réseaux : la téléphonie sur IP, la diffusion TV surlignes cuivres téléphoniques grâce aux technologies xDSL, lestélécommunications et l'accès Internet sur les réseaux câblés detélédistribution, les technologies de tunneling, qui permettentde déployer un réseau intranet privé sur les réseaux publics del'Internet, etc.

Les centres d'hébergement Télécoms/Internet sontégalement des équipements structurant le territoire . Carrierhotel, gateway, data center, Internet data center, telehousing, webhosting. . . Toutes ces terminologies désignent un mouvementgénéral de regroupement spatial des activités liées à l ' héber-gement de serveurs informatiques et à l ' interconnexion deréseaux de télécommunication . Ces centres d'hébergementtélécoms/Internet s 'implantent presque exclusivement dans lesgrandes métropoles européennes (Londres, Paris, Francfort,Milan, Madrid, Stockholm, Amsterdam), en France dansquelques métropoles régionales (Marseille, Lyon) . Ils sont situéssur les noeuds de trafic télécoms et Internet nationaux etinternationaux qui sont également les grandes métropoles — ledéploiement des réseaux et technologies de la Société del'Information renforçant un processus général bien connu demétropolisation . Ils jouxtent les boucles locales des opérateursde télécommunication qui composent en partie leur clientèle,les boucles locales étant déployées sur les zones d'activitésdenses, c'est- à-dire les zones urbaines.

Les centres d ' hébergement télécoms/Internet recouvrentselon les stratégies de leurs promoteurs plusieurs fonctions :l'hébergement des Points de présence (POP) d'opérateurs detélécommunications ; l'interconnexion télécom et les échangesde trafic entre opérateurs ; l ' hébergement des GIX, plates-formes d'interconnexion avec les dorsales Internetinternationales ; l'hébergement des POP Internet des fournis-seurs d'accès Internet (FAI) en liaison avec les GIX et le réseauinternational ; l'hébergement de serveurs Internet et l 'héber-gement d ' applications informatiques externalisées par degrandes entreprises, ou exploitées sous forme d'infogérancepar des SSII spécialisées, ou encore des applicatifs loués viaInternet par des ASP (Application Service Providers).

L'action des collectivités locales en matièred'établissement d'infrastructures de télécommuni-cation était cependant strictement encadrée par laLoi sur l'Aménagement et le développement durabledu territoire de 1999. La future Loi relative à lasociété de l'information en préparation, assouplit lecadre d'intervention des collectivités, que ce soit auniveau de l'établissement des réseaux haut débit ouau niveau du subventionnement des réseaux de radiotélécommunication, une grande partie du territoireen zone rurale n'étant encore qu'imparfaitementcouverte par les trois opérateurs en présence enFrance (la couverture se situe entre 81 et 89 % duterritoire) 43 .

(Suite note 41) vités confondus, sont leur localisation par rapport aux réseaux de transports (84 % des entreprises), les aides économiquesà l' implantation (73 % des entreprises), et le critère télécom en 3ème position (30 % des entreprises).

42 Point d'interconnexion régional mis en place à Grenoble.43 Le gouvernement annonce au CIADT de juillet 2001, un an après le dernier Comité interministériel pour la Société de l 'information (CISI),

une série de mesures destinées à soutenir l 'effort des collectivités locales pour éviter qu ' un fossé numérique ne se creuse entre les territoires.Objectifs : 100 % de couverture pour les mobiles d'ici 2004 (une enveloppe de 10 milliards de francs débloquée par l'État), l'accès de tousau haut débit d'ici 2005 (1,4 milliard co-financé par l ' État — 500MF —, les opérateurs des réseaux GSM et les collectivités locales) .

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Modernisation de l'administrationLa modernisation de l'administration locale

s'inscrit dans un processus plus général, initié en1997 au niveau de l'administration centrale avec lePAGSI, Plan d'action gouvernemental pour lasociété de l 'information.

En utilisant les TIC, les collectivités localespeuvent intervenir sur leur fonctionnementinterne, de manière à améliorer leur gestion et lacoopération entre collectivités territoriales (ville –département – région) ou entre collectivités au seind'une organisation intercommunale (syndicat,communauté de commune ou d'agglomération,district, pays), et simultanément sur leur environ-nement extérieur et la liaison avec leurs partenairesparapublics (associations, éducation nationale,police, etc.), avec l'ensemble du tissu socio-économique, les entreprises et les citoyens.

Les principales applications des TIC seront :

la création d'un site municipal, portail de l'admi-nistration ;la mise en place d'un intranet (réseau physique ouvirtuel interconnectant les différents services etsites municipaux) évoluant le cas échéant vers unextranet (raccordant également les partenairespara publics) ;l'installation d'un centre d'appel ;le développement de téléprocédures administra-tives.

Site web municipalLe site web municipal sera au coeur du dispositif

de modernisation de l'administration 44 . Véritableportail de l'administration locale, le site d'un projetde ville numérique présente l'organigramme desservices et peut donner accès directement à lamessagerie de chaque responsable de service, voirede chaque agent45 .

Il permet l'accès à des téléprocédures adminis-tratives pour simplifier la relation entrel 'administration, les citoyens et entreprises locales.Il peut être également un portail des acteurs locaux(voir ci-dessous).

Intranet-extranet

La mise en place d'un intranet dans uneorganisation vise à améliorer les échanges d'infor-mation entre les services et globalement laproductivité, mais avec un impact important surson fonctionnement 46. Le réseau intranet pourraêtre installé sur un réseau indépendant (infras-

tructure de télécommunication appartenant à lacollectivité indépendante des réseaux desopérateurs) ou sur un réseau public, en utilisant parexemple les technologies de tunneling pour réaliserun réseau privé virtuel sécurisé (VPN) sur Internet.

Le réseau intranet peut évoluer vers unextranet, c'est-à-dire qu'il peut interconnecter au-delà des services municipaux un groupe plus larged'utilisateurs, acteurs associatifs, acteurs parapublics, acteurs économiques, etc.

Les applications de ce réseau intranet/extranetsont multiples ; citons notamment : un portailintranet, une messagerie électronique, des forums dediscussion et des applications de groupes de travail(groupware et workflow), la téléphonie et lamessagerie vocale personnelle (VoIP), la visioconfé-rence, la liaison avec les Systèmes d'informationterritoriaux (SIT), le partage de ressources documen-taires et d ' applicatifs (SIG par exemple), la gestiondes délibérations, des documentations spécialisées,d'une revue de presse, les annuaires (agentsmunicipaux et acteurs locaux), la gestion du courrieret quantité de logiciels spécialisés : gestions descongés, des contrats, des recrutements, etc.

La mise en place d'un intranet à l'échellemunicipale nécessite à terme un ou plusieurswebmestres chargés de la sécurité et de l 'arbores-cence du réseau, et ensuite de son animation(portail, revue de presse . . .).

Centre d'appel

Un autre axe de développement des TIC, dansune perspective de facilitation d'accès aux servicesadministratifs de la ville, est celui de la mise en placed'un centre d'appels regroupant les accueilstéléphoniques des différents services municipaux ;couplé à un numéro d 'appel gratuit, ce service sesubstitue aux secrétariats téléphoniques desdifférents services.

Ce type de projet est actuellement à l'étude parplusieurs villes françaises qui voient là, à l'image dece que mettent en place les entreprises, la possibilitéd'offrir un nouveau service aux habitants, plusefficace, qui permet de répondre directement à unemoyenne de 60 à 80 % des appels (les appels plusspécifiques sont orientés sur les agents administratifsconcernés), tout en décongestionnant les secrétariatsdes différents services et en évitant aux cadres d'êtredérangés par des appels qui pourraient être traités enamont.

À terme, ce type de service téléphonique peutêtre couplé au site web de la ville, permettantsimultanément d'obtenir des informations électro-

44 En janvier 2001, on dénombre 1 100 sites web créés par les administrations et l' État.45 Voir ici le site de Parthenay : www.district-parthenay.fr/46 Selon une enquête de l'Association des Internautes Territoriaux et de La Gazette des communes, seulement 5 % des communes indiquent

qu'un intranet commence à remplacer les notes de service.

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

niques ou de réaliser une démarche administrative,avec l'appui si nécessaire d'un télé-opérateur.

Dans une même logique, le principe devisioguichet administratif est développé depuisplusieurs années47 avec quelques réalisations pilotesdans des communes très étendues (implantation devisioguichet dans une mairie-annexe) ou en zonerurale.

Téléprocédures administratives

La mise en place d'un l'Intranet municipal peutêtre le point de départ pour le développement denouveaux services au public, citoyens et entrepriseslocales.

Le développement des téléprocédures sera unfacteur d'entraînement d'une dynamique de villenumérique. Il vise à simplifier les procédures, àaméliorer le service aux usagers en facilitant l'accèsaux services de l'administration et à diminuer lescoûts inhérents aux démarches administratives et auxdéclarations sociales et fiscales pour les entreprises.

Le développement de ces nouveaux servicess'inscrit cependant dans une action de modernisationrelativement longue portant sur la dématérialisationdes formulaires administratifs et des téléprocéduresmise en place par l'État depuis 1998 (programmed'action gouvernementale PAGSI, Schéma directeurinterministériel des téléprocédures, rapport Lorentz,décret du 2-02-1999, Arrêté du 16-06-2000, etc .).

Cet objectif de dématérialisation desprocédures passera par deux étapes principales : lamise en ligne des formulaires (420 formulaires duCERFA déjà numérisés) pour impression et envoipostal traditionnel ; puis une deuxième étapepermettant les échanges de formulaires informatisésau format Edifact . Nous sommes actuellement audébut de cette deuxième phase de modernisationdes procédures administratives . D'ores et déjà destéléprocédures peuvent être par exemple mises enplace pour les fiches et les actes d'état civil48 .

Un autre axe sur lequel peut travailler unecollectivité est le paiement à distance de prestationsgérées par la collectivité, en particulier la cantinescolaire si le mode de gestion s'appuie sur unprépaiement des familles (avec le cas échéant unecarte de paiement associée).

Vers une administration électronique citoyenneLe développement des intranets et extranets

administratifs, la création de téléprocédures, la mise

en ligne des données publiques, contribuent àl'émergence d'une administration électroniquecitoyenne49 avec des impacts sur la citoyenneté et ladémocratie locale (voir ci-dessous) qui ne doiventpas oblitérer une réflexion plus large sur l'évolutionde la politique locale et la place des pouvoirs publicsdans notre société – intégrant notamment la notionde gouvernance urbaine.

Les quatre étapes pour la mise en placeprogressive d'une administration électroniquecitoyenne seraient ainsi : l'étape du dialogue et del'information (sites web publics), l'étape de l'inter-action sur Internet (envoi en ligne de formulaires),l'étape de gestion intégrée d'une démarcheadministrative (téléprocédures) en intégrant les sitesweb publics aux systèmes d'information de l'admi-nistration, et enfin une dernière étape de distributionde l'ensemble des services publics sur un guichetunique, physique et virtuel (en interconnectant lessystèmes d'information des administrations).

6 chantiers pour un plan d'action ambitieux demodernisation de l'administration

Dans cette perspective, les principaux chantiers àengager seront d'adapter les processus publics auxbesoins des usagers, de professionnaliser la gestiondes personnels informatiques des administrations, destandardiser les applications informatiques utiliséesdans l'administration, d'utiliser de préférence des« logiciels libres », d'ouvrir les réseaux informatiquesadministratifs sur Internet, de fédérer l'ensemble deces actions au niveau gouvernemental.

Citoyennetéet démocratie locale électronique

Les TIC, le web, le courrier électronique, lesforums ou chat (discussion synchrone), forment deformidables outils pouvant être mis au service del'information et de la participation des citoyens à lavie de la cité . Il s'agit également, à notre époqued'incivisme ou tout du moins de désintérêt de la viepolitique par une partie de la population, derapprocher les citoyens de leurs élus.

Il faut donc tout à la fois informer les citoyensavec une volonté de « transparence » sur l'action del'équipe municipale, et à l'inverse, dans un souci demeilleure réactivité, permettre aux décideurs locauxde prendre certaines orientations en s'appuyant surl'opinion ou les attentes des habitants, premier pasvers la notion de gouvernance urbaine, processusd'élaboration consensuelle de projets entre lesacteurs publics locaux et la société civile.

47 À l 'initiative notamment d' une filiale de France Télécom (Citcom) . Aujourd' hui, grâce aux technologies de type webcam, ces dispositifs sesimplifient et deviennent de moins en moins onéreux.

48 Voir le site de l'Adep, Association pour le développement des e-procédures : www.e-procedures.fr.st/49 Voir Pour une administration électronique citoyenne — Rapport au Premier ministre — Thierry Carcenac, 2001 . Dans ce rapport, il est

proposés de regrouper les efforts des pouvoirs publics pour moderniser l ' administration dans un nouveau plan d ' action se substituant auPAGSI, le PUGNACE, Programme Unifié Gouvernemental pour la Naissance d'une Administration Électronique Citoyenne .

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OLIVIER JONAS

Les principaux axes sont :

– La création d'un site web présentant l'actioncommunale et les actions des partenairesassociatifs . Si la plupart des villes ont créé aujour-d'hui leur site web, ils restent souvent des sites« vitrines », sorte de plaquette de présentation de lacollectivité en ligne. Les projets de ville numériqueprônent au contraire des sites très interactifs,régulièrement actualisés, avec des informationsquelquefois coproduites par la ville, différentspartenaires locaux, voire les citoyens eux-mêmes.Le site web devient alors un « site portail » sur lesactivités de la cité et favorise les échanges et lesrelations interpersonnelles entre citoyens.La diffusion interactive des conseils municipaux– avec questions-réponses des élus pendant desinterruptions de séances programmées à l'avance.Moins spectaculaire, mais sans doute plus utile, lamise en ligne des délibérations des différentesassemblées représentatives, conseil municipal,conseil économique et social, conseil des jeunes, ladiffusion des actes et décisions soumis àobligation de publicité, etc.

– La mise en place de forums de discussionthématiques dans une logique de participationdes habitants à la politique locale.

– L'utilisation des TIC comme outils de concer-tation, dans le cas par exemple d'un grand projetd'urbanisme ou de développement local.

– Et aussi un faisceau d'actions pour lutter contrel'exclusion, comme par exemple la mise en lignede bourses aux stages ou à l'emploi, en partenariatavec l'ANPE, dans le cadre par exemple d'un Planlocal d'insertion.

A noter que le «cybervote » pose aujourd'huiencore des problèmes techniques et juridiques et,qu'une fois ces difficultés aplanies, il faudra encoreréfléchir à son impact sur notre démocratie localereprésentative s'il était utilisé en cours demandature comme « referendum électronique ».Les critiques sur le cybervote et sur la e-democratiede manière plus générale, portent par ailleursprincipalement sur la non-représentativité desutilisateurs d'Internet (toute la population n'ayantpas encore un accès facile à ces technologies) et surl'instantanéité des TIC, alors que le processusdémocratique s'appuie aujourd'hui sur une phasede maturation des électeurs pendant le débatdémocratique des campagnes électorales.

Société de l'informationOn regroupe ici un ensemble d'actions

décidées par la collectivité locale dans le cadre de sesmissions d'équipement des établissements scolaires

et plus généralement de prévention d'une possiblefracture numérique » entre les différentes

catégories socioculturelles composant sa populationtout en renforçant, dans certains cas, la partici-pation des citoyens à la vie de la collectivité.

L'accompagnement des citadins pour leurfamiliarisation et appropriation des TIC est sansdoute une phase transitoire . Tout laisse à penser qued'ici une dizaine d'années, la formation systéma-tique des jeunes à l'école et l'équipementinformatique des familles aidant, les TIC serontrentrées dans la vie quotidienne des citadins,comme déjà le téléphone mobile avec sonformidable taux de pénétration dans toutes lescouches sociales de la population.

Mais aujourd'hui, les TIC, outils Internet ou decréation multimédia, restent pour beaucoup encoreles « nouvelles technologies », et la collectivité localepeut aider les habitants à leur appropriation, aumême titre qu'elle participe à l'acculturation de touspar l'installation de médiathèques ou par la créationde musées.

Dans cette perspective, les actions de la collec-tivité peuvent porter sur :

– l'organisation de manifestations ou d'événementspropres à toucher le plus grand nombre (lesnetdays d'il y a 2-3 ans remplacés aujourd'hui parle label « Villes Internet 50 » sous l'égide de l'asso-ciation Vecam et du ministère de la Ville) ;

– sur la mise en place de cybercentres (espacesmultimédias, cyber-lieux . . .), espaces publicséquipés d'ordinateurs connectés à Internet,assortis d'un encadrement, de séances d'initiationou de formation plus « pointues » sur des applica-tions spécifiques . Ces cybercentres seront, selon lapolitique communale, d'accès gratuit ou payant(voir ici comment fonctionne déjà lamédiathèque) . Ils seront autonomes ou bieninstallés dans des lieux publics préexistants, etalors le plus souvent thématisés : pour les jeunes,pour les personnes âgées, pour la recherched'emploi, pour la création d'activités, sur larecherche documentaire, sur la musique, etc.

– ou sur la dissémination de bornes Internet isolées(les fameux PAPI, Points d'accès publics à Internet,baptisés ainsi par la ville de Brest ; ou kiosquesd'information sur la ville de Ronneby en Suède) ;

– l'équipement informatique des établissementsscolaires du ressort de la collectivité – les écolesprimaires et maternelles dans le cas des villes . Enattendant le futur « cartable électronique »,ordinateur portable individuel pour chaqueécolier 51, les équipements informatiques sontclassiquement regroupés dans les écoles dans dessalles spécifiques, avec 5 à 15 postes en général parétablissement ;

50 www.villes-internet.net51 Voir ici l'expérimentation « Pupitre du XXIe siècle » menée dans différents établissement scolaires du Nord-Pas-de-Calais.

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

—la mise à disposition d'une adresse e-mail person-nalisée pour tous les habitants ;

—l'aide à l'équipement informatique des ménages ;—la fourniture d'accès Internet gratuit pour la

population.

Sur ces deux derniers axes, il convientcependant de rester prudent, la collectivité pouvantfausser le marché en empiétant sur des secteursconcurrentiels.

Développement territorialLa collectivité dispose de plusieurs leviers pour

favoriser le développement économique et touris-tique de son territoire :

— Le renforcement des filières informatiques,multimédia et Internet en constituant le cas échéantdes pôles d'excellence autour d'un secteur52(exemple des pôles « image » qui fleurissent enFrance), en favorisant le transfert de technologiesentre les pôles de recherche universitaire et lesentreprises locales, en favorisant l'essaimage, soitindustriel (création d 'entreprise par des ancienscadres d'une grosse entreprise locale), soit universi-taire (création d'entreprise par les anciens étudiants),.

puis l'activité pendant ses premières années par lamise en place de structures d'accueil : incubateur,pépinière, hôtel d'entreprises spécialisé, etc.

— Des actions de lobbying auprès des opérateurs detélécommunication pour susciter leur implan-tation sur le territoire et s'assurer ainsi que lesentreprises bénéficieront d'offres de services detélécommunication performantes et concurren-tielles. Un moyen « extrême » étant l'installationpar la collectivité d'une infrastructure de télécom-munication passive (voir B1).

—Des actions de sensibilisation des entreprises àl'utilisation des TIC dans leurs métiers,notamment les technologies Internet et celles liéesau commerce électronique, en partenariat avec lesorganismes consulaires, les agences de dévelop-pement et les associations professionnelles53

—La mise en place de structures de formationcontinue autour des TIC, et de formation àdistance en partenariat avec des opérateurs deformation spécialisés : l'université, des organismeslocaux agréés, etc.

—La création d'un centre de ressources pour lesentreprises, centre de services (conseil financier,marketing, juridique, export et relations

européennes . . .), ou plate-forme de ressourcestechniques54

— La promotion du télétravail, notamment en zonerurale, par l'installation par exemple d'un télécentre(concept de telecottage au Royaume-Uni), hôteld'entreprises équipé de moyens informatiques ettélécommunications très performants, qui s'adresseau TPE et aux télétravailleurs indépendants.

—La mise en place d'un site web portail touristique,multilingue de préférence, valorisant le patrimoineet les atouts touristiques du territoire, et annuaire —plus ou moins interactif — des ressources hôtelières,de restauration et des activités ludiques ouculturelles . Ce type de projet sera fédéré en généralpar l'office de tourisme en partenariat avec lacollectivité et le syndicat d'initiative ; il s'agira icide regrouper sur ce site portail le plus grandnombre d'acteurs du tourisme local.

—La mise en place sur ce site web d'un planinteractif de la ville, avec recherche multicritèrespour la localisation des activités, assorti d'unevisite virtuelle tridimensionnelle de la ville 55

Autres axes de développementA noter également d'autres secteurs où l'impact

des TIC peut être import ant, mais uù les collectivitésinterviennent moins directement, comme la santé(réseau des acteurs médicaux et paramédicaux àl'échelle locale par exemple) ou l'environnement. Oud'autres secteurs d'application plus liés à la gestiontechnique des grands réseaux urbains : les transportspublics, le trafic routier, la maintenance des réseauxd'éclairage ou de distribution d'eau, d'électricité, lasûreté publique, qui sont aujourd'hui, on l'a évoqué, àla marge des projets de villes numériques.

L'axe du développement culturel est un élémentimportant d'une politique TIC 56 , notamment parcequ'il participe à l'intégration de la population. Il estbien sûr à voir en liaison avec le développementtouristique, mais aussi économique du territoire, ladimension culturelle étant l'un des ferments de laconstitution d'un pôle d'excellence . On voit deuxtypes d'actions que peut engager une collectivité :

— La valorisation sur Internet des ressourcesculturelles, patrimoniales et artistiques de lacollectivité par la mise en place d'un site webportail" (voir ci-dessous également l'axe dévelop-pement touristique), avec simultanément lanumérisation des oeuvres muséographiques 58 .

52 On parle aussi de SPL, Système Productif Local selon la terminologie de la DATAR.53 Voir ici le programme de sensibilisation des entreprises au e-commerce dans le Nord-Pas-de-Calais, Declic.net et « l'échangeur », show-

room des technologies existantes.54 Voir ici le centre de ressources des Ateliers numériques à Valenciennes.55 Voir entre autres Kyoto : www.digitalcity.gr.jp/56 Voir ici e-culture — Internet et les acteurs culturels : évolution ou révolution ? — étude Arthur-Andersen — 2000.57 Voir le volet « culture » de l' Anneau citoyen de Valenciennes : www.ville-valenciennes .fr/58 Voir ici à l ' échelle d'une région, le Plan de numérisation des oeuvres des musées pour les zones Objectif 1 et 2 en région Nord-Pas-de-

Calais : www.musenor.org/

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— La mise en place d'ateliers de créationmultimédias, dans les cybercentres publics, dansles écoles primaires de la ville, en liaison sipossible avec les écoles d'art locales.

Expériences de collectivités localesIl est présenté ci-dessous un florilège des

projets de villes numériques en France et àl'étranger : Amiens, Parthenay, Faches-Thumesnil,Marly-le-Roi, Bologne, Ronneby, Anvers . Il existebeaucoup d'autres expériences intéressantes commeen France — Issy-les-Moulineaux, Valenciennes,Gravelines, Chooz, Besançon ou Colmar (avec uneapproche « réseaux » plus que ville numérique), leprojet associant La Rochelle et Rochefort —, et àl'étranger, sans espérer être exhaustif : Vancouver,Melbourne, Kyoto, Amsterdam, Indianapolis,Boston, Helsinki . ..

Bologne (Italie)Iperbole (Internet PER BOlogna e L'Emilia

Romagna), le volet télématique du « réseau civiquemétropolitain » de la ville de Bologne a été mis enplace progressivement à partir de 1995 . Il vise àdiffuser des informations publiques à la population,à améliorer la communication entre l'adminis-tration, les responsables locaux et les citoyens, àmettre en place des téléservices interactifs . Il veuttoucher les 500 000 citoyens, les entreprises, associa-tions et administrations publiques et l'ensemble desécoles et mairies de l'aire métropolitaine.

Le projet est éminemment politique au départ,porté par le Maire et son adjoint à « la transparenceet à l'innovation administrative ».

Iperbole recouvre l'offre d'un accès Internet etd'une adresse e-mail aux citoyens, aux structurescommunales, aux écoles et associations, la mise enplace de guichets publics d'information, la sensibili-sation et la formation des citoyens aux TIC. Aucoeur du projet , un site web 59, de type portail avecune carte d'accès aux différentes fonctions urbaineset sources d'information, présentée sous une formemétaphorique originale. La production d'infor-mation est répartie sur l'administration locale, lesécoles et les communes métropolitaines . On trouveégalement de nombreux forums de discussionsélectroniques (plus de 36 en 1999).

Plus de 10 % de la population est déjàconnectée à Iperbole (chiffres 1999 ; 30 000 usagerssont espérés en 2001) avec un impact fort sur l 'orga-

nisation de la municipalité (intranet, travailcoopératif . . .) et sur les relations entre les citoyenset l'administration, les responsables locaux étant audépart relativement déstabilisés par ce nouveaumédia . Au-delà des forums, l'objectif de la munici-palité est de mettre en place des consultations de lapopulation sur des thèmes spécifiques.

Les partenaires du projet sont IBM, TelecomItalia, l'Université de Bologne, la Chambre decommerce . Des subventions ont été attribuées par laCommission européenne sur plusieurs sous-projets(le coût global estimé est de 350 à 500 000 € par ancompris l'ensemble des charges de fonction-nement) . Une équipe municipale (une quinzaine depersonnes) est chargée du suivi, de l'évaluation etdu développement du projet.

Ronneby (Suède)

Le projet « Ronneby 2003 — an IT society » a étélancé en 1993 pour promouvoir l 'utilisation des TICdans la commune (30 000 habitants) 60. Au coeur dudispositif, le Soft Center, technopole d'une soixan-taine d'entreprises spécialisées sur le secteur desTIC, l'Université et une école spécialisée . Le projetvise à capitaliser autour de ce pôle industriel demanière à impliquer la population.

Un site web spécifique' est créé ainsi q'unréseau haut débit interconnectant la mairie etdifférents partenaires publics (centre culturel,bibliothèque, écoles, hôpital) . Des kiosques, biblio-thèques et écoles sont équipés en ordinateursconnectés à Internet . Le projet est managé par unestructure réunissant différents partenaires, le« groupe du futur ».

Plusieurs initiatives sont lancées par ce groupe,notamment sur le secteur de l'éducation et de laformation : « New forms of learning programme »,« Digital school desk » (intranet entre enseignants,élèves et parents), « Learning navigator » (ensei-gnement à distance).

Les partenaires sont l'Université, le Soft Center,Ericsson.

Les facteurs positifs pour le développement duprojet ont été : la vision stratégique globale, lesoutien fort des responsables politiques, la petitetaille et la souplesse de la structure d'animation quis'appuie sur un travail coopératif avec les acteurslocaux, le développement simultané de projetspilotes sur plusieurs secteurs : le commerce,l'éducation, l'administration publique.

59 www.comune.bologna .it60 Comme Iperbole à Bologne, le projet est soutenu en 1996 par le programme européen ATTACH (Advanced TransEuropean Telematics

Applications for Community Help) . Autres programmes européens mobilisés sur ce projet : DIALOGUE (utilisation des TIC par le grandpublic) et EQUAL (services électroniques pour une meilleure qualité de vie) — comme la ville de Metz qui est centre d ' excellence EQUALpour expérimenter des nouveaux services sur terminaux mobiles.

61 www.ronneby.se

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

Anvers (Belgique)

Digital Metropolis Antwerp est une initiative dela ville d'Anvers (450 000 habitants), menée avecdifférents partenaires locaux, qui s'appuie autant surun réseau haut débit structurant (MANAP) que surla mise en place de services et de bases de donnéespour les citoyens, entreprises et administrationslocales.

Le Metropolitan Area Network for Atwerp(MANAP) est une entité interconnectant différentssites administratifs, para publics et universitaires.Les services disponibles sur ce réseau ont ensuite étéportés sur Internet pour toucher la population62 .

Les applications touchent à l'éducation et laformation, le développement économique (intranetentre les entreprises du port d'Anvers), la santé, lamodernisation de l'administration, le dévelop-pement culturel, la démocratie électronique – lesresponsables locaux consultant les citoyens sur desthèmes précis63

Les facteurs de réussite du projet ont été princi-palement la vision stratégique à long terme dudéveloppement des TIC dans la ville et les partena-riats engagés.

Les partenaires du projet sont Belgacom etAlcatel, la ville (principal financeur), la Chambre decommerce, l'Université, le Port, le centre public desanté . Le coordinateur du projet est TelepolisAtwerpen. La Commission européenne a soutenudifférentes facettes du projet au travers desprogrammes ENVIROCITY (applications pourl'environnement), INFOSOND (applications 24 Hsur 24 pour les autorités et les citoyens, personnesâgées et handicapées), PH-NET (télémédecine),PROMISE (ressources culturelles), INFOCITIES(plate-forme d'applications pour l'éducation, lasanté, les informations municipales, le patrimoinetouristique . . .).

Marly-le-RoiLe projet « Marly-cyber-le-Roi » vise à

dupliquer la collectivité sur Internet de manière àélargir son champ d'action au-delà du territoire deMarly-le-Roi (15 000 habitants) . Le projet veut enmême temps contribuer à l'appropriation des TICpar tous les habitants.

Le projet porté dès 1994 par le maire comporteplusieurs volets : l'installation de cybercentres (des« cyber-lieux ») dans des sites publics déjà utilisés,

avec pour certains des usages plus spécifiques(mairie, maison des associations, foyer personnesâgées), pour d'autres une utilisation plus générale etune fonction de formation aux TIC (bibliothèque,espace jeunes) ; la mise à disposition d'une adressee-mail pour tous les habitants offerte notamment àl'occasion de « netdays » ; la création de téléprocé-dures autour du site web municipal 64 ; un projetd'implantation d'un bureau de voisinage favorisantle développement du télétravail sur la commune65 ;une application monétique (prestations scolaires etparascolaires), un réseau intranet interconnectantdifférents sites municipaux ; et une opération pilote,dans le cadre d'un programme gouvernemental surla certification des signatures électroniques.

Les partenaires du projet ont été notammentGemplus (cartes à puce) et La Poste (e-mail), ainsique deux organisations locales, le Conseil local de lavie associative et le Conseil local pour le dévelop-pement économique et l 'emploi.

« Marly-cyber-le-Roi » représentait 3 % dubudget annuel de la commune . Le projet aujour-d'hui – sans doute à cause de la disparition de soninitiateur – est plus en vitesse de croisière qu'à lapointe de l'innovation, comme à son lancement.

Amiens

« Amiens – ville numérique » est un projetporté par le maire en 1998 qui veut simultanémentpromouvoir la démocratie locale et contribuer audéveloppement économique de la commune.

Le projet démarre avec la création d'un siteweb 66 avec un journal d'informations locales enligne, la diffusion – interactive – sur Internet desséances du conseil municipal et la mise en place deforums électroniques . Simultanément, autour d'unepépinière d'entreprises (Média building), il estprévu le câblage de la zone en haut débit, un intranetinterconnectant différents sites sur la ville, etc . Lesentreprises ciblées sont principalement des centresd'appel".

Le projet aujourd'hui est à l'échelle du districtdu grand Amiens (20 communes) et il s'articule avecun projet de développement plus large sur laSomme, coordonné par un syndicat mixte ad hoc,ADNTIC, et une action portant sur la net-économieet la formation aux TIC des citoyens par ledéploiement de réseaux haut débit (Saxo quiinterconnecte sur le département différents sitespublics, pas encore en service), Philéas, boucle locale

62 www.dma.be63 Le projet a été primé dans le cadre du Bangemann Challenge (compétition de villes européenne sur leurs applications TIC) en catégorie

« accès public et démocratie ».64 www.mairie-marlyleroi.fr65 Projet avorté aujourd ' hui avec la disparition de l ' agence régionale CATRAL qui portait l ' opération « réseau de bureaux de voisinage ».66 www.amiens.com et www. ado tic. corn67 Amiens est aujourd ' hui la première ville française en ce qui concerne l 'implantation de centres d ' appel, avec 8 centres pour plus de 700

emplois.

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OLIVIER JONAS

haut débit sur Amiens (en projet), le serveurSusinet68 , portail des acteurs locaux, la mise en placed'une trentaine de cyberespaces.

Parthenay

Le projet de « Parthenay – ville numérique » aété lancé en 1996 par le maire, il visait dès l 'origineà être un « laboratoire urbain de la société del'information » . L'échelle territoriale du projet estcelle d 'un petit district (17 000 habitants) en zonerurale.

Le projet revêt deux dimensions . D'abord, lamodernisation de l'administration communale :numérisation systématique des documents, mise enplace de téléprocédures, création d'un intranet(centre de ressources, organigramme des services etannuaire, forums et messagerie électronique) ; etaussi une dimension citoyenne avec la création duportail InTownNet9 qui met en relation le maire etles services de la ville avec les citoyens, les associa-tions, les entreprises locales . La création desinformations sur ce site sont décentralisées, soitréalisées par chaque service de la ville, soit par lespartenaires du projet ou directement par lescitoyens.

Le projet est soutenu et financé dès l'origine parle programme européen METASA puis MIND, enfinIMAGINE, programmes qui visent à confronter desindustriels (ici les partenaires du projet serontnotamment Thomson, Philips, Siemens, FranceTélécom, Syseca) avec les attentes des habitants autravers d'expérimentations sur le terrain.

La ville offre également un accès à Internetgratuit pour les habitants avec adresse e-mail etespace réservé pour la création d 'un site webpersonnel (taux de pénétration de 40 %, soit en 2000le triple de la moyenne nationale) . Simultanément,des cybercentres (« espaces numérisés ») ont étéinstallés dans des lieux publics existants ; aujour-d'hui, 13 cybercentres représentent un parc de 300ordinateurs . La ville a également engagé, enpartenariat avec un industriel et une société de crédit,un programme d'aide à l'équipement informatiquedes ménages (opération « 1 000 micros »).

Le programme de ville numérique deParthenay a été il y a cinq ans un précurseur,souvent montré en exemple en France, notammentpar l'ampleur du programme au regard de l'échellede la ville . Il représente un coût de l'ordre de 6 % dubudget annuel de la ville.

Le projet a fait l'objet de plusieurs évaluations70; ses facteurs de succès ont été notamment le

portage fort du maire et l ' implication des usagers,agents territoriaux et citoyens . Les difficultésrencontrées sont liées au bouleversement de l'orga-nisation de l'administration et à la sous-évaluationdu facteur temps dans le travail d'appropriation desTIC.

Faches-Thumesnil

Le projet « Cité interactive » de la ville deFaches-Thumesnil est né dans le centre culturel par lavolonté des animateurs de sensibiliser et de former lesenfants et les familles aux technologies multimédias.A contrario de la plupart des expériences de villesnumériques, le projet a été initié par un agentterritorial, le portage politique (adjoint à lacitoyenneté) ne s'est fait que dans un deuxièmetemps.

Le projet est architecturé autour de cinqcybercentres spécifiques (médiathèque, activitésjeunesse, centre musical, éducation permanente,centre médico-social) et un site web 71. La politiquegénérale du projet est d'ailleurs plus axée sur lacréation de cybercentres, comme lieux derencontres et d'échanges pour la population, quesur la production de contenus numériques pouralimenter le site web par exemple. Il a été crééégalement un studio de musique numérique avec enprojet, une pépinière spécialisée sur ces secteurs.

Les partenaires du projet sont Microsoft, larégion et différents ministères (subventions pour lescybercentres).

Orientations - Pistes de rechercheOn voit en 2001-2002 plusieurs possibilités de

poursuivre la réflexion entamée sur les enjeux etproblématiques des villes numériques :

– Le recoupement avec l'appel à projet de rechercheen cours du ministère de la Recherche, « ACI Ville2001 » sur le thème « Réseaux techniques,services et gestion urbaine ».

– Le rapprochement avec l'Institut des Villes, qui aexprimé son intérêt auprès du CERTU et met enplace un groupe de travail sur ces sujets.

– Le lien avec le Réseau scientifique et technique(RST) du MELT en déterminant comment le RSTpourrait s'approprier les problématiques de villesnumériques et se positionner en appui aux collec-tivités locales.

– Un dernier axe reste la valorisation, pouvant êtreréalisée par le CERTU, d'un mode opératoirepour les collectivités locales.

68 www.susinet.net69 www.district-parthenay.fr70 Notamment par le Centre interdisciplinaire d'études urbaine (CIEU) de Toulouse.71 www.ville-faches thumesnil.fr

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VILLES NUMÉRIQUES — ENJEUX ET PROBLÉMATIQUES

Réseau scientifique et technique

Le Réseau scientifique et technique (RST) duMELT regroupe une vingtaine d 'organismes, deservices et d'écoles d'ingénieurs autour des activitésprincipales d'aménagement et de gestion desterritoires, des infrastructures et des réseaux detransports.

Le nouveau positionnement du RST en cours demise en oeuvre comprend un rééquilibrage desactivités vers les champs de l'urbanisme et de l'envi-ronnement notamment, mais avec une organisationqui reste très sectorielle . Ainsi le champ ville numériquen'est pas couvert ou seulement partiellement.

Faisant partie du RST, le réseau des Centresd'études techniques de l'Équipement (CETE) estrelativement introverti, plus tourné vers l'État, leMELT et ses services décentralisés (DDE) que versles collectivités territoriales . L'activité des CETE estcentrée sur ses métiers traditionnels : l'étude et laprogrammation d'infrastructures de transport, lesprojets d'infrastructures routières et l'exploitationdu trafic . Ils disposent de peu de compétences enmatière de technologies de l'information et detélécommunication 72 .

Parmi les laboratoires du RST, on distingue leLATTS, Laboratoire Techniques Territoires etSociétés de l ' ENPC, le laboratoire RIVES, Recherchesinterdisciplinaires ville, espace et société (ENPC-CNRS) et à la marge, le département ESH, Economieet Sciences humaines du CSTB, qui travaillent surdes sujets connexes au concept de villes numériques.

Le Centre d'Études sur les Réseaux, lesTransports et l'Urbanisme (CERTU) et notammentses départements SYSTC, Systèmes techniques pourla ville, et TECHN, Technologies, ont engrangé uneréflexion parallèle, plutôt axée sur les systèmestechniques . Le CERTU est bien sûr l'outil privilégiédu MELT dans son action d'accompagnement descollectivités territoriales.

Citons également, hors RST, les programmes derecherche incitative RGC&U, Réseau de recherchetechnologique génie civil et urbain et le PUCA, Planconstruction et architecture, qui travaillenotamment sur les futurs de l'habitat et l'ingénierieconcourante.

Pistes de travail

On voit deux champs — sur lesquels travailleactuellement le CERTU — qui pourraient intégrerune réflexion de type ville numérique :

• L'accessibilité urbaine, l'accès aux services urbains -services publics, services marchands — via les TIC(Internet, GSM, UMTS, SIG . . .) en intégrant lesproblématiques métropolitaines d'étalement urbainet des nouvelles temporalités de la vie moderne.

Cette dimension de la ville électroniqueparallèle à la ville physique, sorte de « cyberespacepublic » 73 , est en effet au coeur de nombreux projetsde villes numériques, à toute échelle urbaine (de lapetite ville de Parthenay aux grandes métropoles deBologne ou d'Amsterdam).

Cette nouvelle ville virtuelle donne accès à desservices d'information et de communication, à desservices transactionnels et e-commerce, à desapplications ludiques . Le citadin qui est devenu, parla force de la métropolisation, un nomade urbain,retrouve ici une proximité virtuelle, des commerceset des services adaptés aux nouvelles temporalités dela ville. Cette ville numérique se niche dans un replispatio-temporel indépendant des contingences de lavie moderne : les durées de plus en plus longues destransports et en particulier, des déplacementspendulaires, les emplois du temps surchargés, lesstructures familiales éclatées . ..

• La politique de la ville et la e-démocratie ou e-citoyenneté, avec l'impact des TIC sur lesnouvelles relations entre les responsablespolitiques locaux, les concessionnaires de servicepublic et les citadins, tout à la fois citoyens,administrés, usagers et consommateurs 74 .

Ces nouvelles relations font apparaître troisdynamiques : d'abord celle de la gouvernance locale,c'est-à-dire l'implication des citoyens et plus généra-lement de la société civile (notamment du tissuassociatif) dans la gestion quotidienne de la collec-tivité ou dans les décisions à plus long terme(concertation), tout en s'articulant bien sûr avec lecycle et la structure de notre démocratie représen-tative. Les TIC (web, forums électroniques, e-mail,groupware . . .), plus que des outils, suscitent denouveaux usages et de nouvelles relations entreacteurs . Vont-elles fomenter le renouveau d'un « e-civisme » ?

Une deuxième dynamique est formée par larelation entre l'administration et les citadins —administrés et usagers des services publics,personnes physiques (familles) ou morales commenotamment les entreprises locales . Les usagerssouhaitent dans tous les cas, plus de transparence,une meilleure réactivité, une meilleure informationet un meilleur accès aux services publics,notamment par la mise en place de téléprocédures,de téléguichets uniques, de centres d'information

72 Sauf à la marge le CETE de Lyon et le CETMF sur les technologies radios.73 Nous ne somme pas ici dans la « téléville » telle que la décrivait Paul Virilio, centralité électronique où seraient privilégiés l'accès à distance

et donc l ' éclatement spatial des activités — et incidemment la fin des villes, non plus dans la vision des TIC comme palliatifs à l ' urbani-sation galopante, mais plutôt dans une vision de « ville pratique », démultipliant spatialement et temporellement les services urbains.

74 Le CERTU est ainsi en train de mettre en place un programme de travail « Gestion Urbaine de Proximité » .

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OLIVIER JONAS

temps réel (transports) . . . L'Hôtel-de-Ville est-ilencore indispensable ?

Enfin, le citadin est également consommateur etvise à un accès individualisé aux servicesmarchands75, 24 heures sur 24, à la maison, depuisl'entreprise, ou en déplacement. Les TIC (Internet,UMTS, GPS . . .) et les applications e-commerce (BtoBet BtoC) vont-elles remettre en cause la fonctionprimordiale de « place de marché » de la ville ?

L'État avec le Programme d 'ActionGouvernementale pour la Société de l'Information(PAGSI — 1998) a engagé une politique volontaristede développement des TIC et de modernisation del'administration, avec trois objectifs principaux :offrir plus de transparence et de concertation,améliorer la qualité du service rendu, diminuer ladépense publique . Dans ce cadre, le gouvernement anotamment mis en place la MTIC (Mission intermi-nistérielle de soutien technique au développementdes TIC dans l'administration) et travaille audéveloppement d'extranets départementaux, les SIT(systèmes d'information territoriaux).

Simultanément les grands ministères se sonttous donné les moyens de promouvoir les TIC surleurs champs d'action respectifs : le ministère del'Éducation via les différents rectorats sur l'axe desTICE" (équipement des établissements scolaires etuniversitaires, réseau RENATER, programmes de

cartable électronique » . . .), le ministère de laRecherche, entre autres, sur l'axe « ville et TIC » quinous intéresse, avec l'Action Incitative Ville depuis2000, le ministère de l'Économie et des Finances et lacellule Digitip (Direction générale de l'Industrie, desTechnologies de l'information et des Postes) et leSTSI (Service des Technologies et de la Société del 'Information) avec un relais régional assuré par lesDRIRE, le ministère de l'Aménagement du territoireet de l'Environnement via la DATAR (Schémas deservices collectifs . . .), etc.

Le ministère de l'Équipement n'aborde que demanière segmentaire l'impact des TIC sur ses champsd'activités : les incidences sur les transports(notamment le PREDIT), sur le trafic routier(recherche sur la sécurité routière et l'automatisationde la conduite par l'INRETS), sur le logement(programme « domotique collective » engagé àl'époque sous l'égide du PCA), sur les dynamiquesterritoriales (LATTS-ENPC), sur les Systèmesd'Information Géographique et Banques de donnéesUrbaines (Pôle géomatique du CERTU), sur lesnouveaux matériaux, procédures et relations entreacteurs dans la construction (CSTB), sur lacartographie tridimensionnelle et l'image numérique(IGN), etc.

Ces expertises et travaux de recherche sontrelativement atomisés par service et secteur d'activité.En ce qui concerne les TIC et l'urbanisme, et enparticulier sur les deux pistes identifiées ci-dessus,TIC, accessibilité urbaine et politiques locales,aucune action concertée n'a été mise en place.

Ces axes — au coeur des projets de villesnumériques — pourraient être intégrés au reposi-tionnement sur le champ de l'urbanisme — etpartiellement sur celui du développement durable —engagé aujourd 'hui au niveau du Réseau scienti-fique et technique du MELT.

Les champs d'action pourraient porter simulta-nément sur la prospective urbaine, la méthodologiede projets et l'assistance pré-opérationnelle auxcollectivités territoriales.

Un mode opératoire pourrait être la mise enplace d'une cellule de coordination — en partenariatle cas échéant avec l'Institut des Villes qui souhaitetravailler sur des sujets similaires . Ce dispositif'pourrait initier les recherches sur ces sujets, capita-liser les travaux déjà réalisés par les différentsservices du MELT, organiser des ateliers pluridisci-plinaires sur la ville numérique (dans la lignée parexemple du club BatiVille cofondé par le CPVS-DRAST, le CSTB et l'ADEME).

75 A noter le mouvement de standardisation des services et en même temps de personnalisation individuelle, le « customizing » qui permetpar exemple de commander un produit industrialisé — un ordinateur, une voiture . . . — en intervenant en amont des chaînes de productionet de distribution, pour disposer exactement des options souhaitées, tout en bénéficiant des économies d'échelles dues à la mondialisationdes marchés et à la concentration industrielle.

76 TICE : Technologies de l ' information et de télécommunication appliquées à l ' éducation.77 Le projet de colloque « TIC & Société » en cours d'étude par la DRAST pourrait par ailleurs servir de « rampe de lancement » au dispositif.

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