L'appropriation des espaces intermédiaires dans le logement collectif

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Laurence Colas -Laurie Ferreres -Alicia Joseph-Theodore Chloe Juglard -Eva Lejeune- Melissa Meilhac Théories et doctrines Annabelle Iszatt ENSAM 2014/15 Licence 3 -Semestre 6 L’APPROPRIATION DES ESPACES INTERMEDIAIRES

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Dossier d'analyse de théories et doctrines sur l'appropriation des espaces intermédiaires dans le logement collectif

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Laurence Colas -Laurie Ferreres -Alicia Joseph-TheodoreChloe Juglard -Eva Lejeune- Melissa Meilhac

Théories et doctrines Annabelle Iszatt

ENSAM 2014/15Licence 3 -Semestre 6

L’APPROPRIATION DES

ESPACES INTERMEDIAIRES

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“L’appropriation sociale de l’architecture, c’est cette multitude d’actes, de gestes, d’attentions, de soins ou d’habitudes quotidiennes par lesquels les habitants activent le bienveillant bâti qui les accueille. L’appropriation, c’est le désordre de la vie, du linge au fenêtre, des fleurs aux balcons, du bruit et des réunions sur les terrasses. “

Plan Libre #82 journal de l’architecture, éditorial mai 2010

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Définitions 1 - Intermédiaire : adj. (lat. inter, entre et medius, qui est au milieu) Qui est entre deux choses et forme transition de l’une à l’autre, qui occupe une position moyenne. Couleur intermédiaire entre le bleu et le vert.- Appropriation : nom. (lat. appropriare) Action de s’approprier quelque chose, c’est à dire faire sa propriété de quelque chose, souvent indûment. Se donner la propriété de, faire sien, s’attribuer.

L’espace intermédiaire se présente comme un espace médian entre deux espaces définis. Son caractère de transition peut renvoyer à la notion de déplacement ; concrètement, dans le logement, il nous évoque les espaces de distribution (escaliers, couloirs, coursives). Il peut également être un espace résiduel ou un espace indéfini compris entre deux espaces de fonctions précises. L’espace intermédiaire a un caractère tangible. Sa fonction est amenée à se modifier et à se préciser en fonction de l’utilisateur : c’est un espace informel.

On pose la question de l’entre deux. En effet il s’agit d’espaces de proximité dans l’habitat, c’est à dire de lieux entre lieux domestiques a priori privés, et de lieux dits publics qui sont par définition, ouverts à tous. Les espaces intermédiaires sont donc ceux qui desservent les espaces domestiques du logement à partir des rues, des places, des jardins “publics”, et qui assurent les transitions des uns envers les autres, selon des graduations ou des seuils plus ou moins marqués et variés.2 La notion d’intermédiaire se rapporte ici à un ensemble de significations et de représentations qui se rapportent à des pratiques et à des espaces, ou à des processus de médiation ou mieux encore d’inter-médiation.

1 Dictionnaire de français Larousse edition 19982 La Société des Voisins - Bernard Haumont, Alain Morel

introduction

Coursives

Hall d’entrée d’immeuble.

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L’espace intermediaire dans le logement

En France, l’espace intermédiaire existe depuis le XVIIIème siècle. Dans un premier temps il était surtout réserve aux catégories sociales élevées. Il se traduisait par des des jardins, des cours ou des escaliers communs et favorisaitl’échange entre voisins appartenant à la même classe sociale. Parallèlement, les logements des classes sociales inférieures n’ont pas été pourvus de ces espaces généreux et enclins à la rencontre pour raison financière. En effet l’espace commun est un espace qui consomme de la surface, de l’entretien et donc de l’argent, et seules les personnes aisées pouvaient se permettre de vivre dans ce luxe.

HistoriqueDepuis longtemps donc les hommes vivent avec les espaces intermédiaires et pourtant ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale, lors du neuvième Congres International d’Architecture Moderne (CIAM) que les architectes de la Team 10 s’attachent à définir celui-ci. Ce questionnement est apparu grâce à la résultante de la mise en application directe de la charte d’Athènes qui proclamait de construire en hauteur de manière a aérer le sol, mais cette aération en a induit des interrogations quant à la qualification de ces espaces. C’est donc lors du CIAM 9 que pour la première fois les mots “entre-deux”, “articulation” ou encore “transition” furent prononcés et que la notion d’espace inter-médiaire commençait à prendre forme. Mais cette notion d’entre-deux ne fit pas l’una-nimité, notamment lors des Congrès Internationaux de l’Habitation à Bon Marché qui prônaient la nette distinction entre l’espace privé et l’espace public en essayant de définir précisément l’espace intermédiaire comme un espace proprement privé ou pro-prement public, sans ambiguïté possible. Cette volonté de ne pas créer de lieu de ren-contre, de partage, de communauté en a fortement affecté la société qui se voulait de plus en plus individualiste et niait l’aspect social et collectif dans l’habitat individuel. Mais en faisant évoluer les pensées, les architectes de la Team 10 ont réussi à introduire cette notion encore floue de semi-public, semi-privé, un espace sans qualification prédéfinie. Cette difficulté de précision se retrouve même dans le Dictionnaire de l’Urbanisme qui reste très évasif quand à la réelle définition: “zone “entre-deux” qui donne sens et qualités à l’espace du logement”.

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Cité du Fer à ChevalBerlin

Cour bourgeoise Montpellier

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Exemples concrets dans le logement D’après la définition, l’espace intermédiaire serait donc un espace indéfini compris entre deux espaces bel et bien définis qu’ils soient privés ou publics, par exemple nous pouvons citer la cour, qui se trouve entre l’espace public qu’est la rue et l’espace privé que sont les logements auxquels elle est rattachée. Dans le logement collectif, il pourrait aussi s’apparenter aux circulations qu’elles soient en coursives ou en couloir, mais aussi les circulations verticales à travers les escaliers. L’espace intermédiaire est donc l’es-pace de transition entre la vie dite publique et la vie dite privée, il organise la transition entre les deux. Il sert de chemin d’accès aux logements, comme les coursives ou encore la cour centrale. C’est donc un espace commun en contact direct ou visuel avec le logement, où tout le monde peut aller, peut voir, peut s’installer. L’espace commun n’est pas pour autant un espace intermédiaire à l’image d’un local vélo où certes c’est un espace commun à tous, pour autant l’appropriation n’est pas réellement envisageable.

Mis à part le rôle fonctionnel de desserte, d’entrer chez soi, l’espace intermédiaire est aussi le lieu de sociabilité du logement collec-tif, un lieu de rencontre. C’est dans ces lieux où l’on rencontre les personnes avec qui nous vivons sans le savoir, nos voisins. C’est donc ces lieux qui font des logements collectifs un lieu de vie et non pas une accumulation de cellules d’habitation juxta-posées, superposées. Ces espaces intermédiaires sont des lieux enclins à la vie sociale. Ce lieu d’échange est favorisé par la qualité des espaces mis en place par les architectes : plus l’espace est qualitatif, plus les habitants auront envie de l’investir, d’y faire des rencontres.

Quand l’espace intermédiaire est négligéUn exemple concret à Montpellier : la résidence pour étudiants des Hirondelles datant des années 70 localisée sur la Route de Mende. Les espaces communs sont très peu entretenus, les longs couloirs sont sombres, la cour intérieure laissée à l’abandon sans possibilité de s’asseoir, les jardins inaccessibles depuis l’intérieur et jonchés de mauvaises herbes. Les espaces intermédiaires ne sont pas mis en valeur ; résultat : il n’y a aucune communication entre les habitants, qui les considèrent comme simples espaces de circulations. Or, lors d’une soirée d’automne, une alerte au gaz fut déclenchée. Tous les habitants ont dû se retrouver dans la cour centrale de la résidence par mesure de sécurité et la communication fut établie. Cette “rencontre accidentelle” a été le début de relations amicales entre voisins, de rassemblements entre individus qui ne s’étaient jamais vus auparavant. Les couloirs devinrent les principaux lieux d’occupation, ce qui perturba certains résidents. Nous voulons, à travers cet exemple, montrer que la qualité d’un espace commun peut inciter à vivre en communauté et qu’en l’absence de soin apporté à cet espace, le contact entre voisins est difficilement pratiqué.

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Cour centrale des Hirondelles, lors de la fuite de gaz.Résidence les Hirondelles, MontpellierLes couloirs étroits deviennent des lieux de discussions, au plus grand damn de certains locataires.

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L’appropriation des espaces intermediaires

L’appropriation des espaces intermédiaires qu’elle soit spontanée ou déterminée par l’architecte soulève la question du « vivre ensemble ».L’habitat collectif est le rassemblement en un seul lieu du domicile de plusieurs individus de classe sociale et de moyenne d’âge différentes. L’espace intermédiaire constituant la transition entre espace privé (le domicile) et public (la rue), une attention particu-lière doit être portée à son traitement afin de prévoir ou empêcher une éventuelle appropriation des lieux par les habitants.Ces espaces vont générer une qualité de vie au sein de l’habitat collectif, créer de la distance ou bien des liens entre individus.

L’appropriation anticipée par l’architecte L’architecte peut mettre en place plusieurs procédés pour contrôler l’appropriation des espaces intermédiaires. Le rythme de passage, de fréquentation, s’il s’agira d’un espace de pause ou de circulation: autant de paramètres à prendre en compte lors de la réalisation d’un projet. Le traitement du sol et la végétation jouent un rôle dans le contrôle de l’appropriation des espaces intermédiaires. On peut alors définir visuellement et sensoriellement les lieux de passages, ceux de stationnement ou simple-ment de contemplation . La dimension donnée aux espaces est également très importante , Il peut alors devenir un véritable lieu de promenade. C’est le cas dans le projet HVDN architecten Het Kasteel dans lequel la cour centrale est une traversée aussi bien en vélo qu’à pied.

Le lien existant entre l’interieur du domicile et l’espace intermediaire est un paramètre important qui intervient dans l’usage qui est fait de ce dernier : En ouvrant visuellement le logement sur l’espace intermediaire le lien donné entre les lieux intimes et l’espace public est plus fort. Le privé investit le public, et inversement. Ces procédés contribuent à faire de ces espaces de transition des lieux de vie et de partage .L’architecte peut ainsi chercher à ouvrir le logement sur l’espace intermediaire. En disposant des éléments architecturaux tels que des tablettes , ou des bacs de végétations par exemple, l’architecte peut proposer à l’habitant d’investir la façade de son logement donnant directement sur l’espace intermédiaire. A la manière des villages du Sud de la France, ceci offre à l’habitant la possibilité d’agrandir son espace privé sur l’espace public en créant des relation de partage et d’échange avec les autres résidents. On observe ce type de situation aux Villas Vanilles à Montpellier de Cusy et Maraval . Les entrées individuelles des maisons donnant sur une venelle partagée exposent les goûts des habitants aux travers de décorations différentes, disposition de poulaillers, de végétations, etc.

Disposer du mobilier urbain le long d’une coursive ou d’une cour invite l’habitant à s’y poser, à investir les lieux. L’architecte indique ainsi clairement que ce lieu est créé pour recevoir les habitants autour d’un même espace commun et l’usage qui peut en être fait.

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Néanmoins l’architecte peut aussi chercher à empecher l’appropriation de l’espace intermediaire : Le vide peut être une volonté architecturale à conserver dans ces lieux de transition.Prennons l’exemple du Void Space Housing au Japon : Steven Holl place au cœur de ses cours des bassins afin que le vide reste tel quel, empechant ainsi toute investigation de cet espace par les habitants.

L’appropriation spontanée Si un espace peu dessiné peut traduire une volonté de l’architecte de conserver ce lieu comme vide et innocupé il peut cepend-ant aussi être destiné à être spontanément investi par les habitants. Ceci donne lieu à une appropriation plus ou moins anarchique mais qui reste néanmoins définie dans un périmètre établi par l’architecte. L’espace intermédiaire étant par définition collectif, chaque initiative des habitants peut être plus ou moins tolérée par l’ensemble des résidents. L’appropriation spontannée peut être recherchée par les architectes pour faire le choix de laisser le champs libre à l’imagination des habitants pour investir les lieux . En définissant un espace à investir plus ou moins spontanément on contrôle tout de même d’une certaine façon le scénario de vie qui va se jouer dans l’habitat collectif. En destinant des espaces à une éventuelle appropriation par les habitants, on évite que celle-ci ait lieu en d’autres endroits .

Quand l’appropriation spontanée est indésirable.

Lorsqu’il y a investigation spontanée des espaces intermédiaires l’usage qui est fait de ces lieux est parfois inadapté et peut nuir à l’équilibre au sein de la vie collective. A plus ou moins grande échelle cela peut engendrer de réels problèmes de cohabitation. Prenons par exemple un fait marquant : à Poitiers dans la Vienne un bâtiment de logements collectifs dispose de coursives où les habitants font sécher leur linge. Cette investigation spontannée des lieux est assez mal vécue par l’ensemble des habitants. Elle traduit cependant un autre problème : il n’y a pas d’espace suffisant dans chaque logement pour permettre à chacun de faire sécher son linge dans les limites de sa propriété .

En observant ces différents phénomènes d’appropriation des espaces intermédiaires qui génèrent un mal être dans les habitats collectifs, on constate souvent que ceux-ci soulèvent des problèmes de conception architecturale poussant les habitants à investir à plus ou moins grande échelle les espaces intermédiaires. La question du comment bien vivre ensemble se pose alors à nouveau : doit on toujours être en mesure de contrôler de manière plus ou moins directe l’usage qui est fait des espaces intermediaire pour conserver un bon équilibre dans la vie collective ?

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A Poitiers, les coursives se transforment en étendages.

Void Space/Hinged Space - Steven HollLes espaces intermédiaires sont des espaces de contemplation.

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Projet Het Kasteel - HVDN Architecten La cour centrale devient un lieu de promenade, à vélo comme à pied.

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les limites de l’appropriation des espaces intermediaires

Analyse critique appuyée sur l’ouvrage : la société des voisins.

Il est rare que ces espaces “intermédiaires”, voulus comme espaces partagés, fonctionnent réellement.Malgré une politique de résidentialisation, le partage des espaces intermédiaires peut ne pas fonctionner. Cela passe par exemple par : un mauvais entretien, une mauvaise gestion de partage, encombrement, des conflits de voisinages...Ces espaces sont des espaces communs soumis à des règles de copropriété.Les habitants sont des acteurs, acteurs de ces espaces, pensés comme étant leur scène. Et c’est sur cette scène que l’on observe une confrontation perpétuelle de cultures de l’habiter. En règle générale, ces protagonistes sont rassemblés sans l’avoir souhaité. Souvent les habitants d’ensembles résidentiels urbains sont « condamnés » à vivre ensemble, et à partager des lieux intermédiaires, des lieux qui font tampons entre le logement privé et l’espace public. Cette cohabitation ne se résume pas à une rencontre épisodique et anodine, qui se-rait effectuée sans problèmes, idéale. Au contraire ces espaces communs sont part-agés, quotidiennement, sans accord préalable sur une manière ou une autre de s’y comporter et de l’habiter. L’accord est souvent subi.

« Conçue comme la panacée contre les phénomènes de déqualification sociale, la résidentialisation s’inscrit à la suite du constat de relative inefficacité des opérations classiques de réhabilitation sur les conditions de vie réelles des habitants. […] Cette perspective qui ambitionne de réduire des problèmes mal définis (les incivilités, la déqualification sociale) à des problèmes de forme urbaine, propose curieusement un programme d’intégration urbaine par la création d’entités spatiales repliées sur elles-mêmes »

Exemple d’une mésentente sur le partagedes espaces intermédiaires au sein d’une copropriété.

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Cette citation illustre des débats actuels portant sur les effets ou les alternatives à une internationalisation et à un cosmopolitisme croissant de nos vies quotidiennes et à la mondialisation sinon à la globalisation des échanges culturels et économiques. Elle illustre ces situations. Les voisins sont à la fois proches et lointains, familiers et étrangers. Nos comporte-ments différents traduisent les proximités et les distances qui prennent place dans les contextes de nos situations sociales, selon les positions occupées.

On peut ainsi prendre comme exemple le règlement de copropriété qui interdit une réelle ’appropriation des espaces intermédiaire par les habitants de l’immeuble :

“ Il est interdit de garer/attacher son vélo dans les parties communes de l’immeuble”“ Il est interdit de faire sécher du linge aux fenêtres qui donnent sur la rue et les parties com-munes ni d’entreposer des objets sur les rebords de fenêtre (plantes, pot…).”

Mais les espaces sont tout de même utilisés pour entreposer des affaires, ce qui provoque des discordes dans le voisinage, une mauvaise entente, une mauvaise ambiance.

On partage les parties communes d’un immeuble, entre l’appartement qui est totalement privé et les parties communes qui appartiennent au propriétaire de l’immeuble. L’espace n’est donc pas totalement public, son utilisation obéit a des règles qui ne sont pas toujours respectées, l’es-pace n’est a personne mais est a la fois a tout le monde. Il est générateur de discordes, même si les limites sont clairement précisées.

On peut également prendre comme exemple l’immeuble de Oscar Niemeyer à Berlin : les espaces dans les couloirs ont été pensés plus larges pour les fêtes de voisinage. Ces espaces sont prévus dans le programme mais ne marchent absolument pas et les habitants ne se les approprient pas du tout. Une rencontre avec l’une des habitantes de l’immeuble fait ressortir le problème : “cet espace est inutile, les gens ne veulent pas se rencontrer, il n’y a jamais de repas organisés tous ensemble comme prévu par l’architecte. ce qui en fait un espace intermédiaire abandonné, trop large, inutile.”

Exemple de l’appropriation des balcons sur la façade sur rue d’un immeuble.

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Densité sociale de nos relations et de nos habitats

Aujourd’hui, la maison individuelle est devenue assez difficile d’accès. Habiter dans un villa est deve-nu beaucoup moins commun qu’habiter dans un immeuble collectif. Cependant, le désir de propriété et de démarcation de son “chez soi” est toujours et encore plus présent du fait que les es-paces doivent être partagés. On veut se démarquer du palier du voisin, montrer son appartenance au lieu, et , dit avec un vocabulaire plus “animal” : marquer son territoire. Nous sommes lié à notre habitat, nous avons vraiment la sensation d’appartenir à un lieu, distinguer le “chez soi” du “chez l’au-tre”. Ainsi, notre volonté d’appropriation est peut être peu adapté aux logements collectifs, où cer-taines parties dites publiques se partagent tout en étant extrêmement proche de l’habitat privé.

Les espaces intermédiaires sont des espaces d’interférence et d’interaction où les individus et les groupes se servent de mots, de règles de normes et d’institutions plus ou moins communs, et collec-tivement reconnus.

Co-habiter, c’est sans cesse co-produire et négocier des temps et des lieux où simultanément nous pouvons et nous devons affirmer notre identité, sa pratique et sa représentation, et les façons dont nous négocions celles-ci avec d’autres, voisins de rencontre, temporaires ou plus pérennes. Dans ce sens, il y a peu de temps morts ou de non lieux. Les moments du jour où entrent en scène les espaces de la quotidienneté sont des situations d’interférence et d’interaction dans lesquels nous agissons et auxquels nous sommes confrontés de façon quasi permanente.

Un entre-deux variable

Tout ou presque conduit à considérer l’existence et surtout la vie quotidienne comme un ensemble de séquences temporelles et spatiales où sont développés des comportements divers et plus ou moins adaptés aux situations et aux contextes, et donc aux autres. Dans ce sens, les diverses formes de cohabitation et les pratiques qui leur sont liées, dans les lieux communs et dans les pratiques qui en résultent, dans les lieux communs et dans les espaces rési-dentiels partagés, s’inscrivent totalement dans les temporalités et les spatialités de ces entre deux mentionnés. En s’interrogeant évidemment sur les relations que peuvent entretenir des séquences temporelles ou spatiales particulières avec des continuités plus ou moins vécues par les habitants et les citadins.

Exemple d’un mauvais partagedes espaces semi-publics.

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La médiation et l’intermédiation rapprochent ou constatent des désaccords et des impossibilités à s’entendre et en même temps transforment un état ou une situation en une autre. De façon analogique et peut être métaphorique, nous voulons considérer que la notion d’espace intermédiaire, non seulement rassemble ou distingue selon des principes de proximité voire de contiguïté et selon des dispositifs architecturaux ou urbanistiques ouverts ou fermés, mais aussi accompagne ou accueille les transformations de ce qui est privé en public et inversement.

Les espaces intermédiaires, mi-publics et mi-privés au mieux, ni privés ni publics au pire, correspondent à des mélanges d’usages et de comportements, assez variables et parfois explosifs. Ces espaces mettent en jeu et en scène des différences symboliques et pratiques d’appropriation. Il cristallisent souvent des ten-sions et des contradictions de la vie collective, quelle que soit la taille de ce collectif et sa nature ou sa composition. Les travaux menés soulignent cependant avec force que les statuts d’occupation sont tout à fait déterminants des façons dont les questions de cohabitation se règlent.

Un usage plus ou moins bon des espaces intermédiaires serait du aux classes sociales occupant les lieux ?

Il apparaît dans ce sens que la question de l’entre deux et son application aux espaces intermédiaires de l’habitat est susceptible d’être formulée différemment selon qu’il s’agit de populations qui maîtrisent les multiples dimensions présentes et en jeu ( à des degrés divers comme il nous est montré plus loin ), ou selon qu’il s’agit de populations plus démunies quant à cette maîtrise. On peut ainsi prendre pour exemple le projet de Quinta Monroy à Iquique au Chili . C’est un ensemble d’habitations dans un quartier occupé illégalement par une centaine de familles. Les architectes ont opté pour la construction d’un habitat simple, avec des matériaux bruts. On monte en hauteur pour gagner de la surface au sol. La volonté de l’architecte est que les habitants s’approprient le bâtiment, les espaces intermédiaires laissés volontairement entre les bâtiments sont susceptibles d’accueillir une terrasse, une extension, un étage… La peinture et tout l’aspect esthétique du bâtiment est laissé au libre choix de ses usagers. Quelques années plus tard on remarque que les espaces intermédiaires ont été totalement investis.

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CONCLUSION

C’est ici que s’élaborent et se bricolent les relations au monde et à autrui que mettent en œuvre les individus, et ainsi certaines mo-dalités de leurs rapports à la société. Il ne s’agit pas de la sorte d’envisager que les individus et les groupes, quelle que soit la façon de les considérer se définissent d’abord par leurs façons d’occuper, de pratiquer ou de dénommer ces lieux intermédiaires ( de l’es-calier à la rue ). Plus simplement, il s’agit d’observer que ces lieux intermédiaires, mal définis sauf à dire qu’ils participent de multiples entre deux, sont directement ou indirectement des lieux où chacun vit, éprouve et conforte quotidiennement ses représentations de soi et des autres ainsi que les normes et les valeurs qui vont gouverner les modes de relation à entretenir ou à développer.

Ces lieux, qui tiennent finalement des places restreintes dans les temps et les espaces de chacun, sont pourtant des lieux impor-tants sinon primordiaux, puisque s’y inscrivent les façons dont chacun peut, veut ou doit développer des répertoires et des registres d’action spécifique dans ses rapports aux autres. Ainsi, ces lieux de l’entre deux, a priori inscrits dans les espaces résidentiels et leurs proximités, sont des reflets actifs d’identités et de sociabilités dont les combinaisons complexes se déclinent de l’indifférence à l’em-pathie, et du simple côtoiement à l’hospitalité.

C’est qu’en effet ces entre deux que constituent les ESPACES INTERMÉDIAIRES sont aussi évidemment des entre deux sociaux et cul-turels, les possibilités et les conditions d’être soi, entre soi et avec les autres. Entre des Autrui généralisés, des Nous identitaires et des Je de plus en plus affirmés, les relations changent et des substitutions s’opèrent.

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Palier immeuble

Cour interieure - Fête des voisins

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Le petit Larousse 1998L’Escalier - Evelyne Péré-ChristinLa société des voisins : Partager un habitat collectif - Bernard Haumont, Alain Morel Nouveaux Logements Collectifs - Editions LinksConférence “Et Après” 2013- LAN Architecture - ARPAL Habitat et pratique de l’espace, Etude des relations entre l’intérieur et l’extérieur du logement - N Haumont - H RaymondHabiter sur cour une mise a l’épreuve du vivre ensemble - Cristiana Mazzoni - Valérie Lebois Enjeux des espaces intermédiaires dans l’habitat collectif contemporain- Valérie LeboisL’impact de la configuration spatiale des espaces intermédiaires des grands ensembles sur l’émergence de l’insécurité. (Cas de la Nouvelle Ville de Constantine)- BOUAROUDJ Radia Les espaces intermédiaires comme projet d’urbanité - Thomas FAILLEBINVers une langue sans terre: Adorno et l’utopie de la littérature – Antonin Wiser

http://epigeo.voila.net/intermediarite.htm http://learning-from.over-blog.fr/article-l-appropriation-sociale-de-l-architecture-59415257.html

BIBLIOGRAPHIE