Langage et communication Cours I....

10
Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA 1 Langage et communication Gremaud Germaine (SA) - Laura Herzog (SP) Plan Semestre d’automne 1. Introduction - définitions 2. Communication basale 3. (suite) Précurseurs du langage - méthodologie de l'observation 4. De la communication non intentionnelle à C intentionnelle 5. (suite) - Evaluation de l'intentionnalité 6. (suite) - Intervention – Médiation 7. Communication améliorée et alternative (CAA): Moyens 8. CAA – CF – soutien gestuel (exercices) 9. Modèle d'implantation d'un moyen de CAA 10. Introduction au PECS 11. Intervention 12. Développement phonétique et phonologique 13. Evaluation et intervention 14. Questions et conclusion L'objectif du cours est d'apporter les connaissances nécessaires à l'évaluation du langage et de la communication des personnes présentant une déficience intellectuelle (DI), afin de planifier une intervention permettant à ces personnes de mieux fonctionner dans leur environnement. Pour atteindre cet objectif, nous présenterons le développement du langage et de la communication chez l’enfant (jusqu’à 4-5 ans), pour ensuite mettre en évidence des aspects spécifiques (autiste - surdité). Le polycop: Il constitue la lecture obligatoire, aussi tout ne sera pas traité en détail dans le cours. En complément, nous expliquerons et illustrerons certains aspects à l’aide d’exemples pratiques, de vidéos ou d’analyses de séquences interactives. Bibliographie: Dans chaque cours, vous trouverez les références des auteurs cités et des lectures permettant d’approfondir certains aspects mentionnés dans le texte. Je vous incite vivement à lire quelques livres et articles, car le cours ne peut pas développer tous les aspects. Examen : Il a lieu à la fin du semestre de printemps, lors du dernier cours. Il est constitué de questions précises sur les cours des semestres d’automne et de printemps. En cas d’échecs, la procédure déterminée est la même. Adresse mail : [email protected] Dr. Germaine Gremaud 2 Langage et communication – SA 1 Cours I. Introduction Introduction : Présentation du programme 1. DEFINITIONS: 2. Les théories du langage 3. Les caractéristiques des langues naturelles 4 Le signe linguistique 5. Situations de communication et fonctions du langage Synthèse et discussion Bibliographie (* lectures conseillées) Beaudichon; J. (1982). La communication sociale chez l'enfant. Paris: PUF. Bernicot, J. (1994). L'acquisition du langage: étapes et théories. In R. Ghiglione et J.F. Richard (sous la direction de) Cours de psychologie , Tome 3 (pp. 408-426). Paris: Dunod. * Bernicot, J. et Bert-Erboul, A. (2009). L’acquisition du langage par l’enfant. Paris : Editions In Press. Brin, F., Courrier, C., Lederlé, E. et Masy, V. (2004). Dictionnaire d’orthophonie. Isbergues : Ortho Edition. Bronckart, J.P. (1977). Théories du langage. Bruxelles: Mardaga, (Chap. IV: F. de Saussure, pp. 83-118 ). Brunner, J. (1983). Savoir faire, savoir dire. Paris : PUF. * Demont, E. (2009). La Psychologie. Paris: Editions Sciences Humaines (pp. 11-17 Le Langage). Gérard, J. (1987). Savoir parler, savoir dire, savoir communiquer. Neuchâtel: Delachaux Niestlé (IPC: Bea 1123). Gremaud, G. (1991). Aspects de la communication référentielle et de la prise de rôle en handicap mental. Cousset (CH) : Delval. (voir chapitre 1). Le Normand, M.-T. (1999). Modèles psycholinguistiques du développement du langage. In C. Chevrie-Muller et J. Narbona (Eds.). Le langage de l’enfant, aspects normaux et pathologiques. 2 e édition. (pp. 28-43). Paris : Masson. Lust, B. (2006). Child Language. Acquisition and Growth. Cambridge : Cambridge University Press, Textbooks in Linguistics. Mazet, Ph. et Stoléru, S. (2003). Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant. Développement et interactions précoces. (3 e édition). Paris : Masson. Robert-Tissot, C. (2008). L'enfant en situation de handicap à la rencontre de ses pairs Récupéré de http ://www.credas.ch/2008_06_06/index.htm Rondal, J. R. et Seron, X. (sous la direction de), (1982). Troubles du langage. Bruxelles: Mardaga (IPC: Cf. 353). Saussure, F. (de) (1978). Cours de linguistique générale. Lausanne: Payot. Schneuwly, B. (1985). Vygotsky aujourd’hui. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé. Introduction Ce premier cours a pour objectif de présenter quelques définitions: linguistique, langage, langue, parole, communication, afin de faciliter la compréhension du cours durant l'année. Puis, nous présenterons les caractéristiques des langues naturelles pour illustrer les possibilités que nous offre les langues ou notre langue. Ensuite, la présentation du signe linguistique a pour objectif de vous sensibiliser à la construction active du sujet (la personne) et au rôle de la société dans cette construction. Ce premier cours constitue une introduction très générale qui ne fera pas l'objet d'une évaluation dans le contrôle de connaissances.

Transcript of Langage et communication Cours I....

Page 1: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA 1

Langage et communication

Gremaud Germaine (SA) - Laura Herzog (SP)

Plan Semestre d’automne

1. Introduction - définitions 2. Communication basale 3. (suite) Précurseurs du langage - méthodologie de l'observation 4. De la communication non intentionnelle à C intentionnelle 5. (suite) - Evaluation de l'intentionnalité 6. (suite) - Intervention – Médiation 7. Communication améliorée et alternative (CAA): Moyens 8. CAA – CF – soutien gestuel (exercices) 9. Modèle d'implantation d'un moyen de CAA 10. Introduction au PECS 11. Intervention 12. Développement phonétique et phonologique 13. Evaluation et intervention 14. Questions et conclusion

L'objectif du cours est d'apporter les connaissances nécessaires à l'évaluation du langage et de la communication des personnes présentant une déficience intellectuelle (DI), afin de planifier une intervention permettant à ces personnes de mieux fonctionner dans leur environnement. Pour atteindre cet objectif, nous présenterons le développement du langage et de la communication chez l’enfant (jusqu’à 4-5 ans), pour ensuite mettre en évidence des aspects spécifiques (autiste - surdité). Le polycop: Il constitue la lecture obligatoire, aussi tout ne sera pas traité en détail dans le cours. En complément, nous expliquerons et illustrerons certains aspects à l’aide d’exemples pratiques, de vidéos ou d’analyses de séquences interactives. Bibliographie: Dans chaque cours, vous trouverez les références des auteurs cités et des lectures permettant d’approfondir certains aspects mentionnés dans le texte. Je vous incite vivement à lire quelques livres et articles, car le cours ne peut pas développer tous les aspects. Examen : Il a lieu à la fin du semestre de printemps, lors du dernier cours. Il est constitué de questions précises sur les cours des semestres d’automne et de printemps. En cas d’échecs, la procédure déterminée est la même. Adresse mail : [email protected]

Dr. Germaine Gremaud 2 Langage et communication – SA 1

Cours I. Introduction Introduction : Présentation du programme 1. DEFINITIONS: 2. Les théories du langage 3. Les caractéristiques des langues naturelles 4 Le signe linguistique 5. Situations de communication et fonctions du langage Synthèse et discussion Bibliographie (* lectures conseillées) Beaudichon; J. (1982). La communication sociale chez l'enfant. Paris: PUF. Bernicot, J. (1994). L'acquisition du langage: étapes et théories. In R. Ghiglione et J.F.

Richard (sous la direction de) Cours de psychologie , Tome 3 (pp. 408-426). Paris: Dunod.

* Bernicot, J. et Bert-Erboul, A. (2009). L’acquisition du langage par l’enfant. Paris : Editions In Press.

Brin, F., Courrier, C., Lederlé, E. et Masy, V. (2004). Dictionnaire d’orthophonie. Isbergues : Ortho Edition.

Bronckart, J.P. (1977). Théories du langage. Bruxelles: Mardaga, (Chap. IV: F. de Saussure, pp. 83-118 ).

Brunner, J. (1983). Savoir faire, savoir dire. Paris : PUF. * Demont, E. (2009). La Psychologie. Paris: Editions Sciences Humaines (pp. 11-17 Le

Langage). Gérard, J. (1987). Savoir parler, savoir dire, savoir communiquer. Neuchâtel: Delachaux

Niestlé (IPC: Bea 1123). Gremaud, G. (1991). Aspects de la communication référentielle et de la prise de rôle en

handicap mental. Cousset (CH) : Delval. (voir chapitre 1). Le Normand, M.-T. (1999). Modèles psycholinguistiques du développement du langage. In

C. Chevrie-Muller et J. Narbona (Eds.). Le langage de l’enfant, aspects normaux et pathologiques. 2e édition. (pp. 28-43). Paris : Masson.

Lust, B. (2006). Child Language. Acquisition and Growth. Cambridge : Cambridge University Press, Textbooks in Linguistics.

Mazet, Ph. et Stoléru, S. (2003). Psychopathologie du nourrisson et du jeune enfant. Développement et interactions précoces. (3e édition). Paris : Masson.

Robert-Tissot, C. (2008). L'enfant en situation de handicap à la rencontre de ses pairs Récupéré de http ://www.credas.ch/2008_06_06/index.htm

Rondal, J. R. et Seron, X. (sous la direction de), (1982). Troubles du langage. Bruxelles: Mardaga (IPC: Cf. 353).

Saussure, F. (de) (1978). Cours de linguistique générale. Lausanne: Payot. Schneuwly, B. (1985). Vygotsky aujourd’hui. Neuchâtel : Delachaux et Niestlé. Introduction Ce premier cours a pour objectif de présenter quelques définitions: linguistique, langage, langue, parole, communication, afin de faciliter la compréhension du cours durant l'année. Puis, nous présenterons les caractéristiques des langues naturelles pour illustrer les possibilités que nous offre les langues ou notre langue. Ensuite, la présentation du signe linguistique a pour objectif de vous sensibiliser à la construction active du sujet (la personne) et au rôle de la société dans cette construction. Ce premier cours constitue une introduction très générale qui ne fera pas l'objet d'une évaluation dans le contrôle de connaissances.

Page 2: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 3 Langage et communication – SA 1

Les personnes intéressées peuvent approfondir les aspects présentés ici par la lecture des livres cités en référence, en particulier, Bernicot (1994) et Bronckart (1977). D’une manière plus globale: Rondal et Seron (1982).

1. DEFINITIONS La linguistique étant la science qui traite du langage humain, nous lui emprunterons les principales définitions qui suivent (Cf. F. De Saussure, Cours de Linguistique Générale, Payothèque, 1978, de Mauro) Le langage est une notion purement théorique. C’est l’instance ou la faculté qui est invoquée pour expliquer le fait que les hommes se parlent. Le langage est ce qui est commun à toutes les langues naturelles. On parle de faculté humaine du langage dans la mesure où l’on observe de profondes similitudes dans les modes d’expression. Cependant, les sociétés humaines ont développé des variétés de langages appelées langues naturelles (Bronckart, 1977). Le langage est donc une faculté humaine. Brin, Courrier, Lederlé et Masy (2004) définissent le langage comme : « un système de signes propre à favoriser la communication entre les êtres » (p. 133). La langue n’est qu’une partie du langage. C’est à la fois un produit social de la faculté du langage et un ensemble de conventions nécessaires, adaptées par le corps social, pour permettre l’exercice de cette faculté chez les individus. Autrement dit par Rondal et Seron (1982) : « la langue est un système de règles qui spécifie la façon d’utiliser le matériel verbal pour signifier ou symboliser la réalité extérieure ou imaginaire » (p. 25). La langue est donc une convention entre les individus parlant cette langue. C’est un code, c’est-à-dire un ensemble de signes. La parole. Le langage se manifeste par la parole qui est une suite de sons, les phonèmes, qu’on émet lorsqu’on parle. La parole est le comportement de l’individu qui met en pratique sa langue. C’est la forme que prend la langue chez un individu donné. "La communication est une conduite dont le but est d’agir sur autrui, en assertant, créant ou modifiant une opinion ou attitude, faisant faire, etc. Elle comporte un enjeu qui règle la motivation. Elle se réalise dans le cadre de conventions pertinentes en une circonstance donnée de règles sociales plus générales, modulées par les caractéristiques personnelles des individus en présence (statut, âge ..) et par la situation. (...) Elle est déterminée par la situation et les circonstances de l’énonciation et d’abord, par les caractéristiques personnelles respectives des interlocuteurs" (Beaudichon, 1985, pp. 135-140). La relation dans les interactions: « Les relations se réfèrent aux significations, attentes, émotions engendrées par la succession des interactions entre deux individus qui se connaissent (rôle de la culture)... La nature et l'évolution de chaque interaction est influencée par l'histoire des interactions passées entre ces deux individus et par leurs attentes quant aux interactions futures » (Robert-Tissot, 2008, p.5).

2. Les théories de l’acquisition du langage Il n’existe pas une théorie unifiée sur la manière dont les enfants acquièrent le langage, nous allons en évoquer trois ci-dessous. Théorie innéiste : Selon Chomsky (1957, 1965, 1972, cité par Le Normand, 1999), il existerait chez l’être humain, une prédisposition innée pour apprendre et utiliser le langage. Les structures cérébrales nécessaires à l’acquisition et à la mémorisation du langage seraient présentes dès la naissance (Mazet et Stoléru, 2003), mais l’acquisition du langage implique un environnement offrant des opportunités d’interactions et donc d’apprentissage (Brunner, 1983, notamment). Deux notions centrales chez Chomsky (Cité par Brin et al. 2004) sont:

Dr. Germaine Gremaud 4 Langage et communication – SA 1

1. La compétence : « connaissance intuitive de la langue et de sa structure (lexique et règles grammaticales), (p. 56).

2. La performance : « manifestation observable de la compétence linguistique d’un locuteur au travers de ses productions verbales (p. 192).

La créativité de la langue résulte de l’interaction entre ces 2 composantes. Elle renvoie à l’aptitude de l’enfant à s’approprier la langue de manière intuitive (Le Normand, 1999). Théorie sociocontructiviste : Selon Vygotsky (1934, cité par Schneuwly, 1985) le développement du langage se réalise en situation interactive. Le langage est utilisé comme outil social de communication (pour un développement voir aussi Gremaud, 1991). Théorie constructiviste : Selon Piaget (1923), le développement du langage découle de l’acquisition de la fonction symbolique (fin du stade sensori-moteur). Jusqu’à l’âge de 24 mois, Piaget considère que l’enfant est dans une phase prélinguistique car il n’utilise pas encore les mots de manière symbolique (capacité d’évoquer des objets et des situations non présentes en se servant de signes ou de symboles). Pour les aspects historiques, voir Bernicot et Bert-Erboul (2009), livre conseillé pour approfondir certaines questions (par exemple, les théories de l’acquisition du langage ou les méthodes de recherche) que nous ne pourrons pas développer et comme synthèse pour d’autres aspects (étapes du développement).

3. Les caractéristiques des langues naturelles Les langues naturelles n'imposent pas de limites à l'expression de tout ce que nous pensons, imaginons, concevons, etc. L'individu au niveau de sa parole peut avoir des limites dans l'utilisation de la langue. Le langage humain est indépendant de l'état émotionnel de l'individu. Cette indépendance de la langue est la source de la diversité des langues humaines et de leurs dialectes, mais toutes ces langues présentent des caractéristiques communes (Cf. Gérard, 1987). 1. La communication passe du locuteur, par les organes phonatoires, au récepteur, par le

canal auditif. Ceci, lorsque la communication est orale. 2. Un feed-back total est nécessaire, c'est-à-dire, s'entendre parler et se sentir parler et

produire les sons de la langue. Ceci suppose une absence de privations sensorielles, l'audition en particulier.

3. Le langage humain se fait en alternance. Le locuteur peut devenir récepteur et vice-versa. Il y a interchangeabilité dans le sens que tout ce que dit l'un peut être dit par l'autre, sauf dans le cas des bébés.

4. Le langage transmet un sens. Il y a sémancité parce que les sons que nous produisons veulent dire quelque chose. Cette sémancité est arbitraire, car il n'y a pas de lien entre le son et le sens.

Cette caractéristique n'est pas évidente pour un enfant. Johanna Berthoud cite un exemple de ses recherches. Lorsqu'on demande à un enfant s'il connaît un mot long, un répond train et pour un mot court locomotive. Il fait une confusion avec les propriétés de l'objet. Dans une période de compris, un autre enfant dit machine à écrire, car il y a beaucoup de lettres dedans.

En plus, les langues exploitent la polysémie. Les différents sens des mots peuvent s'expliquer par des extensions de signification par analogie (tête d'un clou) ou par métonymie (boire un verre), etc..

5. Le caractère discontinu ou séparable des phonèmes. Les phonèmes sont les plus petites unités de la langue, qui soient séparables. Ils présentent un caractère économique, car avec une trentaine de sons de base, on obtient un vocabulaire très étendu. Ce caractère discontinu fait qu'il suffit de changer un phonème pour que le sens du mot change.

Page 3: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 5 Langage et communication – SA 1

Le nombre d'unités peut varier entre 10 et 70 selon les langues. Par exemple avec 10 unités phonématiques, il est possible de réaliser 10.000 séquences distinctives de 4 phonèmes (10 à la puissance 4), mais toutes ces combinaisons ne sont pas acceptées dans une langue, car l'alternance des consonnes et des voyelles est définie. Par exemple, il est impossible de trouver la suite aamlz en français.

Certaines langues ont également des tons pour différencier le sens d'un même mot (par exemple les langues africaines comme le ngambay, le mbum etc., le chinois, etc.).

Ces unités discontinues, les phonèmes, se combinent selon des règles en mot, en fonction de la langue. D'autres règles déterminent ensuite l'ordre des mots dans la phrase, par exemple, la place du verbe dans la phrase diffère en allemand et en français.

6. La langue est un système ouvert qui donne une immense souplesse qu'aucun autre genre de communication ne peut donner, si ce n'est le système de signes des sourds. La langue ou les langues permettent qu'on invente tous les jours de nouveaux mots: des noms, des verbes, des adjectifs, etc. (classe ouverte), chacune ayant ses propres lois de composition, mais pas de conjonctions, de prépositions, de pronoms (classe fermée).

C'est à partir d'un nombre fini d'éléments (phonèmes, morphèmes) que l'être humain est capable de comprendre un nombre infini de phrases et de générer toutes les phrases possibles. Selon Chomsky (1965) cette créativité est le caractère le plus fondamental du comportement langagier de tout être humain. Il n'est pas possible de mettre une limite théorique à la longueur d'une phrase.

7. Le langage est atemporel. On peut rapporter des événements survenus à n'importe quel moment, année, etc., tandis que chez les animaux, le langage s'applique au présent. Cette capacité a permis la transmission des connaissances antérieures et de ce fait de les dépasser. L'écriture n'a fait que faciliter cette transmission qui se faisait oralement.

8. Le langage permet l'imaginaire et donne la possibilité de mentir car il n'est pas lié à la réalité. Par contre, les autres moyens de représentation ont généralement une certaine ressemblance ou lien avec la réalité représentée; tels signaux de la route, un cours d'eau sur une carte de géographie. La langue possède des mécanismes morphologiques et grammaticaux qui permettent de distinguer le possible, le probable et l'hypothétique du réel. La langue permet l'argumentation grâce aux liens logiques entre propositions.

9. Le langage permet une réflexion sur la langue elle-même. C'est la fonction métalinguistique.

La langue est un outil que l'être humain ne possède pas à la naissance. Cependant, l'être humain a une capacité innée d'acquérir le langage, mais cette capacité doit être actualisée, mise en oeuvre, ce qui est une première condition. L'enfant doit acquérir des compétences linguistiques, c'est-à-dire un ensemble de règles qui régissent la bonne forme des énoncés de la langue et des compétences communicatives, c'est-à-dire l'ensemble des règles qui régissent l'utilisation de la langue (Gérard, 1987).

4. Le signe linguistique La langue est un système de signes. Par exemple, un mot peut être constitué d’un ou plusieurs signes. On dira par exemple, que re-venir contient 2 signes, le re qui indique une idée de répétition et venir. Ex.: refaire, redire etc. Chacun de ces re a la même signification, par contre la deuxième partie a à chaque fois une signification différente. Le signe linguistique unit non une chose à un nom comme une sorte de nomenclature ou d’étiquetage, mais un concept et une image acoustique (Saussure, 1978, pour une synthèse, voir Bronckart, 1977 et Demont, 2009).

Concept ______________ image acoustique

C’est "une entité psychique à deux faces" (op. cit. p. 98) élaborée par l’individu. On parle d’image acoustique, parce que sans remuer les lèvres, ni parler, on peut se représenter

Dr. Germaine Gremaud 6 Langage et communication – SA 1

mentalement une poésie, par exemple. La production sonore et l’acte moteur liés à l’émission vocale ne sont donc pas nécessaires à l’image acoustique, mais bien la parole qui est subordonnée à l’image acoustique. La construction du signe linguistique demande de traiter deux domaines de la réalité qui requièrent deux activités psychologiques. Comme le concept de l'arbitrarité du signe linguistique fut souvent mal compris, Bronckart (1977) le présente en utilisant un vocabulaire psychologique contemporain, celui du constructivisme piagétien: Le concept se crée ainsi: le sujet placé devant un objet chaise par exemple, dégage un certain nombre d’indices perceptifs qui serviront à construire une image mentale, une représentation (connaissance que le sujet à de l’objet chaise) qui s’affine et s’insère dans les réseaux de choses, de hiérarchie (tabouret, canapé, fauteuil etc.). En effet, toutes les propriétés ne sont pas pertinentes pour l’identification de l’objet. Ce sont les propriétés discriminatives qui permettent d’identifier un objet parmi d’autres, qui sont importantes. En aucun cas, il ne s’agit d’une description exhaustive. Pour la construction de l’image acoustique, le sujet élabore, sur la base des caractéristiques physiques et matériels des sons, un certain nombre d’indices perceptifs qui servent à constituer cette image acoustique (différencier par exemple: chaise, pèse). Arbitrarité du signe linguistique. L’opération essentielle de la langue ou de la création du signe consiste à mettre en relation ces deux images: image mentale - image acoustique. Cependant, cette construction du signe n’explique pas le fait que les individus se parlent et se comprennent. Il faut une convention de la société, et c’est en ce sens que la langue est un phénomène social qui se manifeste par l’arbitrarité du signe linguistique qui fait qu’à tel signifiant corresponde tel signifié. C’est pour cette raison que les termes de signifié et de signifiant seront préférés aux termes d’image mentale et d’image acoustique qui renvoient à des images individuelles. image mentale signifié Individuelle _______________ Sociale ________ image acoustique signifiant Image mentale et image acoustique sont construites par l’individu. Chaque individu a sa propre image mentale de la chaise par exemple: en bois, en inox, etc. On comprend bien que cette image n’entre pas en considération dans le signe linguistique qui est une abstraction, une sorte d’aboutissement du travail effectué par la société et réorganisé par elle. Ce travail n’est d’ailleurs jamais fini, puisqu’il se poursuit dans le temps. La langue est vivante. En effet, cette correspondance entre signifié et signifiant n’est pas acquise une fois pour toute, mais subit un glissement au fil du temps. Pour le comprendre, il suffit de voir la valeur accordée à un adjectif comme étonnant qui servait jadis à décrire des événements étranges, bizarres, inaccoutumés. La valeur était donc plus forte qu’aujourd’hui où d’autres adjectifs comme phénoménal, faramineux, fantastique, ont été introduits dans la hiérarchie. Le signe ne prend donc un sens que par rapport aux autres signes de la langue à un moment donné de son développement (Bronckart, 1977). Ces modifications dans la hiérarchie se produisent par la société, par l’usage qu’elle fait de la langue et du caractère créatif de celle-ci. La construction du signe linguistique est une activité complexe qui débute vers les 12 mois chez l’enfant normal pour se poursuivre jusqu’à la fin de la vie. Pensez seulement à la quantité de signes nouveaux que vous avez à créer ces jours-ci en débutant des études dans un domaine nouveau pour vous. Dès lors, on comprend la difficulté qu’une telle construction représente pour l’enfant handicapé mental. De plus, de nouveaux sont créés, certains finissent par entrer dans le dictionnaire Larousse, prenons comme exemple "barjaquer (parler pour ne rien dire) qui fait son entrée dans l'édition de 1997, mot tiré du "Dictionnaire des mots suisses de langue française". Entre également dans l'édition 1997 du Larousse, les mots suisses suivants: "baboler" (parler de manière indistincte), "caluger" (se renverser avec la luge", "frouiller" (tricher), "défunter" (être sur le point de mourir), la "rebuse" (retour du froid), "vigousse" (vif) (Michel Beuret dans "Le Nouveau Quotidien" du 3.9.97).

Page 4: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 7 Langage et communication – SA 1

Cours 2 - 3: Communication basale – Précurseurs du langage Introduction 1. La communication "basale" (Mall, 1984) 1.1. Canaux de communication 1.2. Moyens d'expression de la PP 1.3. Contenu de la communication basale 1.4. Instructions 2. Les précurseurs du langage (Bruner, 1985) 2.1. Attribuer une intention de communication 2.2. Orienter le regard comme processus de référence 2.3. Développer les prises de tours 2.4. Développer l'attention conjointe: de la modalité d'exigence à la modalité de

réclamation 3. Analyse d'une observation (vidéo R.) 3.1. Méthodologie et résultats 3.1.1. Prises de tours: vocalisations 3.1.2. Mouvements de bouche 3.1.3. Bouche relâchée 4. Intervention 5. Exercice d'observation Conclusion Bibliographie Barat, C., Bartschi, M., Battistelli, F., Baudry, C., Calvet, F. Maussion, E., Mazeau,M.,

Mazerolle, M. et Svendsen, F., (sous la direction de), (1985). L'enfant déficient mental polyhandicapé: quelle réalité, quels projets. Paris: Ed. ESF. (IPC: Ceb 27).

* Bruner, J. (1983). Le développement de l'enfant: savoir faire, savoir dire. Paris: P.U.F. (Chapitre 5 en particulier).

Boutin, A.-M. (1997). Reflexions "actuelles" autour des différents thèmes concernant l'accompagnement de la personne polyhandicapée. CESAP, 32, 25-46.

Chauvie, J.M. Iribagiza, R. & Musitelli, Th. La communication, un inventaire des modes d’expression et une approche « basale ». Aspects, 1994, 57, 8-23 (Editions SPC, Lucerne)

Fröhlich, A. La stimulation basale: Aspects pratiques. Lavigny: Institut de Lavigny, 1987. Georges-Janet, L. Avec l'enfant polyhandicapé, communiquer à travers les expériences

sensorielles et motrices: quelques pistes venues d'ailleurs. CESAP Informations, 1995, mars, n. 30, p. 5-11.

Gremaud, G. (1988). Actes communicatifs et handicap sévère. In J. L. Lambert (Ed.), Enfants et adultes handicapés mentaux, Cousset (CH): Delval.

Gremaud, G. (2002). Mises en place des premières conduites de communication dans des situations de stimulations sensorielles. In G. Petitpierre (Ed.), Enrichir les compétences, pp.91-107. Lucerne : Edition SPC

Gremaud, G. et Lambert, J.L. (1997). Niveaux d'éveil et interactions avec l'enfant polyhandicapé: implications éducatives. CESAP, 32, 55-61.

Wilder, J. & Granlund, M. (2003). Behaviour style and interaction between seven children with multiple disabilities and caregivers. Child : Care, Health and Development, 29,(6), 559-567. http://www3.interscience.wiley.com/cgi-bin/fulltext/118882192/PDFSTART

Mall, W. (1984). Basale Kommunikation ein Weg zum andern. Geistige Behinderung, 1984, 1, 1-16 (Praxis), (Traduit en partie in Chauvie et al. 1994 et par GG dans ce cours).

Sugarman, S. (1984). The development of preverbal communication: Its contribution and limits in promoting the development of langage. In R.L. Schiefelbusch and J. Pickar (Eds.), The acquisition of communication competence. Baltimore: University Park Press.

Dr. Germaine Gremaud 8 Langage et communication – SA 1

Trevarthen, C. (1993). The function of emotions in early infant communi- cation and development. In J. Nadel, & L. Camaioni, (Eds.). New perspectives in early communicative development, (pp. 49-81). London: Routledge.

2 sites polyhandicap : www.CREDAS.ch (articles téléchargeables) et www.CESAP.fr. Introduction "Avant de s'occuper de la personne polyhandicapée (personne retardée mentale "PRM" profonde polyhandicapée), il s'agit d'abord de la rencontrer; c'est d'abord l'attitude intérieure qui détermine cette rencontre" (Boutin, 1997). C'est avec cette attitude intérieure que je vous propose de rencontrer la personne RM profonde polyhandicapée, dans le cadre de ce cours consacré à la communication basale. Définition de la population RM profonde polyhandicapée1.Comment entrer en communication avec un enfant qui ne présente aucun signe évident de communication? Dans ce premier cours, nous développerons l'émergence de la communication en considérant la période allant de 0 à 4-5 mois de développement, que je considère comme niveau "basal" (l'enfant n'a pas encore développé la préhension). Ce niveau "basal" me paraît particulièrement utile en polyhandicap, car ce niveau caractérise une partie de la population polyhandicapée avec un RM profond qui restera durant plusieurs années à ce niveau ou ne le dépassera guère, ce qui est le cas pour de nombreux adultes aujourd'hui, n'ayant pas bénéficié d'une intervention appropriée. Néanmoins, cette présentation constitue également une base de référence pour des handicaps plus légers ou des enfants autistes, dans l'installation des premières conduites de communication. Cependant dans ce cours nous utiliserons le terme de personnes polyhandicapées (PP), enfants ou adultes, pour plus de facilité. Mon objectif est de vous sensibiliser à l'observation des comportements de la PP., car sans cela, aucune communication ne peut émerger. Le principe de base est d'observer les comportements de l'enfant afin de leur attribuer une intention communicative et d'agir en conséquence. De cette manière, l'enfant va peu à peu découvrir que par ses comportements, il peut agir sur son environnement et donc mieux fonctionner dans son environnement.

1. Communication "basale" (Winfried Mall, 1984) Niveau « basal »: Tout d'abord, je considérerai la population qui atteint un niveau inférieur à 4-5 mois dans l'échelle de Fröhlich et Haupt, c'est-à-dire, des personnes qui n'ont pas de préhension. Pour cette population, la communication basale et les stimulations basales de Fröhlich (1987) sont tout à fait indiquées.

1.1 Canaux de communication

1"Handicap grave à expressions multiples, le polyhandicap présente toujours deux versants principaux: une infirmité motrice et cérébrale et une déficience mentale, qui résultent d'une déficience cérébrale précoce grave survenue avant, pendant ou peu après la naissance, en tous cas avant l'âge de 3 ans. L'altération de diverses fonctions cérébrales constitue le handicap primaire qui, outre la déficience mentale et l'infirmité motrice peut comprendre des déficiences sensorielles (visuelles et auditives) et une épilepsie. Celui-ci s'accompagne fréquemment de handicaps secondaires: orthopédique, digestif, pulmonaire, cardio-vasculaire".

Page 5: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 9 Langage et communication – SA 1

Etablir une communication avec une personne polyhandicapée (PP) est un problème crucial pour la prise en charge de cette personne. La difficulté réside dans le décryptage des messages envoyés par la PP. Certes, l'adulte attentif parvient à savoir comment se sent la PP, ce qui lui plaît, etc., par les cris, les comportements moteurs, mais l'impression reste diffuse et subjective et laisse l'impression d'une certaine distance. La PP donne l'impression de vivre dans son monde et cet isolement ne peut qu'aggraver sa situation et entraîner des comportements agressifs ou dépressifs, la maladie, etc. En fait, la communication ne peut s'établir à cause d'un décalage entre les modes d'expression de la PP et l'adulte, situation que Mall (1984) illustre ainsi.

Figure 1 : Communication basale de Mall (1984, figure 1) La figure 2 illustre les canaux de communication utilisés par la PP et l'adulte. Ce dernier, utilisant le regard, le langage, la mimique et des gestes, ne peut entrer en communication avec la PP qui utilise le rythme respiratoire, les émissions vocales, le toucher et le mouvement comme canaux. Les canaux utilisés sont différents et nous ajouterons que le re-gistre sensoriel diffère. La PP communique par des moyens plus primaires (d'où l'expression communication basale), moyens que l'adulte a "oubliés", ayant perdu l'habitude de communiquer par ces canaux.

Figure 2

Dr. Germaine Gremaud 10 Langage et communication – SA 1

La figure 3 représente la communication entre la PP et l'adulte lorsque ce dernier se met en "phase" avec les canaux utilisés par la PP, ce qui demande un apprentissage ou au moins une sensibilisation.

Figure 3

1.2 Moyens d'expression de la PP Comment respirons-nous? La respiration n'est pas seulement un état momentané, mais reflète mon état, ma personnalité, etc. Chez la PP, l'observateur remarque rapidement qu'il en est de même, bien que souvent le rythme respiratoire prend la forme d'une hyperventilation, d'une respiration irrégulière, encombrée, compressée, retenue. Néanmoins, quel qu'il soit, le rythme respiratoire est le moyen d'expression le plus élémentaire dont toute personne vivante dispose. Aussi la communication basale va utiliser ce moyen pour entrer en contact avec la PP, ce qui crée la base pour l'introduction d'un programme de stimulations appropriées à la PP. Dans la communication basale, les autres canaux de communication correspondent à ce que fait une mère avec son nourrisson pour lui "parler", à travers les émissions vocales, le toucher et le mouvement. Nous soulignons le fait de parler, car il nous semble que trop souvent, l'éducateur est muet durant ses interactions avec la PP. Imaginez une mère qui changerait son enfant, ou lui donnerait à manger sans lui parler!

1.3 Contenu de la communication basale

L'établissement d'une communication avec la PP fait référence à un échange non pas intellectuel ou rationnel, mais fait appel aux aspects les plus profonds de la personnalité. En principe, la communication basale ne se limite pas à la séance. La rencontre peut avoir lieu partout, chaque rencontre s'installe sur le mode d'une communication basale. Néanmoins, lorsque l'adulte ne s'est pas totalement familiarisé et n'a pas dépassé ses défenses, la communication basale peut se limiter à une séance pour s'étendre par la suite à d'autres moments:

- salutation: s'approcher de la PP, le laisser me ressentir, faire avec elle quelques respirations sur son rythme, et peut-être dire un mot de salutation sur son expiration.

- contact à distance: sur les modes exposés plus haut, voir si la PP perçoit ces recherches de contact.

Page 6: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 11 Langage et communication – SA 1

- l'état de la PP: ses cris, ses pleures, son mécontentement, etc. peuvent être une indication pour réinstaller une communication basale.

La communication basale de Mall (1984, traduit par GG) comprend:

- la création d'une situation de communication, d'un échange réciproque entre la PP et l'adulte, au niveau émotionnel,

- l'intervention d'expériences de "compréhension", d'"acceptation", d' "affection" et d'"intérêt",

- le ressenti des états d'âme de la PP, de ses besoins, de ses désirs en mettant l'accent sur l'aspect sentiment,

- la réduction de la peur, de l'incompréhension, de la panique, chez les deux partenaires, - l'ouverture de la relation en vue de nouvelles expériences dans le monde social et le

monde des choses (Mall, 1984, p. 6 traduit par nous).

Instructions - prendre du temps pour soi (10 à 20 minutes, plus ou moins) pour se libérer des

tensions, se retirer régulièrement (1 à 2 fois par jour), - aller avec la PP dans une pièce calme, plus ou moins sombre, - s'asseoir confortablement avec la PP, si possible derrière elle ou à côté. Souvent, il est

bon de prendre la PP entre les jambes avec le dos appuyé contre soi, Parler très peu, doucement et calmement. Parler seulement de l'instant présent: ce que je

fais, ce que je sens, ce que je vis avec la PP, ce qu'elle ressent comme sentiments et impulsions. Ne pas se perdre dans la parole. Ce qui est important est le ressenti réciproque.

Rythme respiratoire: tenir compte de la respiration de la PP, sentir son rythme, par exemple, en posant les mains sur son ventre. Essayer de respirer à son rythme, aussi "fou" que celui-ci puisse être. Prêter attention au changement de rythme. (Ne pas entrer dans un halètement; s'il n'est pas aisé de prendre le rythme, ne pas s'entêter, reprendre plus tard).

Expiration audible: rendre la respiration audible (grogner, bourdonner, résonner, chanter, etc.) à l'unisson avec l'expiration de la PP (2 à 3 fois de suite). Ne faire ressortir que les expirations longues et calmes.

Rester détendu: être soi-même détendu, calme et tranquille. S'observer: comment suis-je? Suis-je calme, détendu? Où suis-je tendu? Est-ce que ça va?

Etre le miroir: relever les éléments d'expression de la PP (expiration, sons, bruitages, mouvements), les imiter, les lui refléter (les réactions courtes comme les longues) sans que cela soit des stéréotypes. Jouer avec ces éléments d'expression et chercher si un changement minime est possible.

Contact corporel: avec précaution, chercher le contact corporel, s'asseoir corps à corps, toucher la PP avec la main (si possible à l'expiration), sur le rythme de la respiration, passer la main sur les parties du corps (ventre, dos, bras, jambe, tête; de haut en bas, de l'intérieur vers l'extérieur).

Mouvement: la PP contre les épaules ou le haut du corps entouré, se mouvoir avec elle, se balancer (chercher d'autres possibilités de mouvement: en avant, en arrière, en rond; régulièrement, irrégulièrement au rythme de la respiration). Jouer avec l'impulsion du mouvement de la PP: suivre, aller contre, agrandir, freiner. Pas trop longtemps.

Vibration/agiter: sur les épaules, le bassin, la colonne vertébrale, effectuer de légers mouvements de vibration sur le rythme respiratoire, avec sa main ou son propre corps (2 à 3 fois à un endroit, éventuellement recommencer plus tard). Observer si la PP réagit par un relâchement.

Expérimenter la marge de mouvements ("Spielraum"): avec toutes les articulations (doigts, mains, coudes, épaules, orteils, chevilles, genoux, hanches, cou, tête, colonne

Dr. Germaine Gremaud 12 Langage et communication – SA 1

vertébrale) sonder la marge de mouvements, sentir les limites, chercher quels mouvements peuvent être amplifiés.

Défenses/Résistances: remarquer chaque réaction de défense de la PP. Au cours du temps, réunir les indications de défense et de contentement. Contourner les défenses, par exemple, se retirer provisoirement, diminuer le contact; ne pas totalement lâcher prise, mais exiger quelque chose de la PP. Elle doit sentir que j'ai l'intention de faire quelque chose avec elle, qui doit être bon pour nous deux.

Arrêt d'une séance: déterminer la fin d'une séance soi-même; si possible quand la personne est encore calme, se séparer d'elle avec ménagement, diminuer le contact et la relâcher. Si la personne veut absolument arrêter, continuer encore un peu et l'inviter à termi-ner. Ce type d'intervention a été pratiqué à L'Institut de Lavigny par Chauvie, Iribagiza et Musitelli, (1994) et les observations démontrent que la communication basale est un moyen efficace pour: - atteindre la PP profonde, - créer un climat de confiance réciproque, - diminuer les comportements défensifs, agressifs ou dépressifs, - procurer un bien-être et une détente visible, - stimuler l'émergence d'expressions vocales plus riches. La formation du personnel à la communication basale, sous forme de cours intensif comprend trois phases:

- expérience sur soi, - expérience de la communication basale avec une PNRM, - expérience de la communication basale avec une PP sous supervision.

Une préparation à la communication basale peut s'envisager par la participation à des stages ou des cours exigeant une prise de conscience du corps propre, puis une relation avec le corps de l'autre. Ce qui peut constituer une base pour entrer en contact corporel et émotionnel avec la PP. Selon Wilder et Granlund (2003), l’analyse des interactions dans cette population montre que la perception du professionnel est plus déterminante que les capacités communicatives et habiletés fonctionnelles de l’enfant polyhandicapé. Exemple cité : « Je commence à jouer et quand je vois qu’il répond avec un sourire et s’il aime le jouet et montre clairement qu’il l’aime, je continue (p. 563) ».

2. Les précurseurs du langage Notre conception de l'approche de la communication chez la PP, se base sur les principes de Mall et les stimulations basales de Fröhlich, mais également sur les données concernant le développement de la communication chez l'enfant normal, en particulier les apports de Bruner (1983, chapitre 5) sur les précurseurs du langage. Dans notre exposé, nous utiliserons parfois le terme d'"adulte" au lieu de celui de "mère", pour faire référence à la personne intervenant auprès de l'enfant handicapé ou non.

2.1 Attribuer une intention de communication C'est durant la première année de vie que l'enfant, en interaction avec son environnement physique et social, acquiert les mécanismes de base de la communication. "... la communication présuppose une intention ou un objectif à l'acte de communiquer en ce sens que l'acte de communiquer atteigne ou non un but" (Bruner, p.168). Dès les premiers mois, l'enfant donne l'impression de communiquer, que ce soit par ses cris ou ses productions vocales, mais sans qu'il soit possible de lui attribuer une intention de

Page 7: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 13 Langage et communication – SA 1

communiquer. C'est l'adulte qui donne une signification communicative aux comportements de l'enfant et leur attribue une intention. Cette attribution d'une intentionnalité aux productions de la PP. est un principe fondamental. Dès la naissance, le nouveau-né émet des signaux (cris et pleurs) qui peuvent être interprétés par l'adulte. Ce sont les aspects de l'énoncé qui comprennent les contours intonatoirs qui suggèrent l'insistance, le plaisir, la protestation. "Ce qui importe, c'est que l'adulte interprète de façon systématique l'usage que fait l'enfant de l'intonation, lui permettant ainsi d'apprendre ce qu'est la convention du langage (Ryan, idem)". En 1969, Wolf (idem) est le premier à démontrer que les cris des enfants pouvaient être interprétés par les parents. En 1971, Ricks (idem) montrent que les cris des bébés normaux peuvent être catégorisés par les mères comme des expressions d'accueil, de surprise, de frustration et de requête, sans que les expressions de leur propre enfant soient reconnues d'une manière sûre. La personne polyhandicapée produit également des signaux (productions vocales, n'importe lesquels), mais il est nécessaire de prendre en compte l'ensemble des comportements de la PP., afin d'y déceler le plaisir, le contentement ou le mécontentement. Cependant, pour attribuer une intention communicative à l'enfant, l'adulte se base également sur les circonstances de l'énoncé, c'est-à-dire le contexte dans lequel survient un comportement. Les vocalisations des enfants sont comprises en fonctions des contextes:

- le babil de satisfaction au réveil matinal, - les pleurs de faim avant l'heure des repas, - les vocalisations pour attirer l'attention au réveil de la sieste, - les pleurs de contrariété quand ils ne peuvent atteindre un objet, etc.,

Ce sont les échanges habituels et réguliers (les rituels) qui fournissent un cadre pour l'interprétation des comportements de l'enfant. Si dans ses réponses, l'adulte fait preuve d'un minimum de cohérence et de régularité, les signaux qu'émet l'enfant auront un effet de plus en plus prédictible et développeront des attentes chez l'enfant. Ainsi, ces échanges, organisés dans le temps et hautement répétitifs vont peu à peu permettre à l'enfant de prévoir la séquence suivante (Cf. plus loin les différentes modalités). Avec une PP., l'attribution d'une intention communicative se base également sur les contours de l'énoncé et les circonstances, mais d'une manière plus générale, nous parlerons de comportements. En fait, il s'agit d'observer les réactions de la PP., ce qui est déjà tout un programme, et de leur attribuer une intention communicative. Exemple: Un enfant polyhandicapé aveugle de 6 ans, ayant 3 mois de développement, écoute de la musique. La musique s'arrête et après un délai, a un mouvement global du corps (se tourne, lève les membres). A ce comportement, nous attribuons l'intention: "Tu veux encore de la musique!" et on remet de la musique. L'enfant se détend, reprend la position de départ. L'épisode se renouvelle après un délai, 3-4 fois. Le problème ici, c'est que le comportement de l'enfant est pathologique, car le corps part en extension. Dans cet exemple, même si la communication ne peut pas être définie comme intentionnelle, elle démontre l'importance de l'attribution d'une intention à l'enfant qui peut découvrir que par son comportement, il peut agir sur son milieu, ce qui constitue une base pour l'émergence d'épisodes interactifs. L'adulte a le rôle primordial dans l'émergence des comportements communicatifs. Au début, les comportements de l'enfant ne sont pas orientés; aussi l'objectif durant cette première période est d'amener l'enfant à orienter ses comportements vers l’adulte et/ou l’objet

Dr. Germaine Gremaud 14 Langage et communication – SA 1

(orientation simples de Sugarman, 1984, stade SM III et Gremaud, 1988). La proximité dans l’espace et l’orientation de l’attention visuelle vers l’adulte et/ou l’objet, sont deux conditions requises pour faciliter l’émergence d’épisodes interactifs. L'apprentissage de tels épisodes repose sur :

- l'émission d'un comportement par l'enfant, - l'interprétation par l'adulte de ce comportements (à l'aide d'indices) = Rép. de la M - E accepte ou refuse cette réponse, ou tente de la modifier.

Pour arriver à développer des orientations simples sur l'objet ou la personne, il faut développer l'orientation du regard, ce que Bruner appelle la référence.

2.2 Orienter le regard comme processus de référence L'enfant développe peu à peu des procédures qui vont lui permettre d'indiquer à l'interlocuteur, ce sur quoi il porte son attention, c'est-à-dire le référent. Cette procédure de référence débute par le regard pour aboutir à l'utilisation du langage pour identifier le référent. La question est de savoir comment faire référence à un objet précis. Bruner (1983) distingue 3 aspects de la référence: la désignation, la déixis et la dénomination. Dans cette première étape du développement, c'est la désignation qui est notre préoccupation.

2.3 La désignation Le regard. La forme la plus primitive de désignation est le regard. Dès la naissance, la mère suit le regard de l'enfant pour mieux interpréter ce sur quoi l'enfant porte son attention, pour identifier le référent, pour déterminer ce à quoi il s'attend, etc. Quant à l'enfant, dès l'âge de 2 mois, il parvient à suivre les déplacements de sa mère dans une pièce. Dès 4 mois, mais le plus souvent à 9 mois, l'enfant est capable de suivre le regard de l'autre. Il découvre où il faut regarder pour faire coïncider son regard avec le regard de l'autre et avoir ainsi le même centre d'attention, c'est-à-dire une attention conjointe. Avec la PP., on est bien souvent confronté au fait que l'on ne sait pas si l'enfant voit ou pas. Il est alors conseillé de se référer à des spécialistes pour effectuer un examen, par exemple au Centre Pédagogique pour Handicapés de la Vue à Lausanne où vous pouvez également vous procurer le manuel des tests utiles à l'évaluation de la vision fonctionnelle2. La moindre réaction différenciée chez l'enfant est à prendre en compte et peut conduire à des hypothèses qui seront à vérifier par la suite par une évaluation plus systématique. Même si la réaction n'a été observée qu'une fois, elle est un indicateur d'une capacité de l'enfant. L'éveil et l'attention étant très fluctuants, on ne peut bien souvent pas s'attendre à la même réaction une minute plus tard. En effet, des études réalisées dans la population des PP. montrent que les changements d'un état à l'autre sont rapides, approximativement toutes les 30 secondes (Guess, 1995). Ces questions d'évaluation des états d'éveil seront développées dans le cours de 2e année « Polyhandicap » (voir aussi Gremaud et Lambert, 1997).

2.4 Développer les prises de tours Dans la référence, Bruner parle également de déixis qui s'observe dès le 3-4e mois, dans les échanges vocaux M-E qui présentent un caractère de proto-conversation (Bateson, 1975)

2 Bodmer, P., Carrard, C., Farine, M. Mathez, A.-L., Mathis, I. et Troillet, M. (1994). Répertoire. Tests

utiles à l'évaluation de la vision fonctionnelle (un exemplaire chez G. Gremaud ou commander au: CPHV, Centre Pédagogique pour Handicapés de la Vue, Av. de France 30, 1004 Lausanne). S'adresser à ce centre pour un examen de la vue d'une PP.

Page 8: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 15 Langage et communication – SA 1

dans le sens que la structuration temporelle et leur fonction (phatique: de maintenir un contact social) semblent déjà celles de la conversation: la prise de tours. Bien qu'au départ, la production des vocalisations soit à l'unisson, peu à peu elle s'organise sur les principes de succession et de réciprocité. M et E vocalisent à leur tour en maintenant un intervalle de temps de 2 à 3 secondes entres leurs productions, laissant ainsi la place pour la réponse. En RM, de nombreuses collusions peuvent apparaître dans les protoconversations: l'enfant n'attend pas son tour, fait des pauses plus courtes et des vocalisations plus longues. Selon Mainardi et Lambert (1984) ces collusions pourraient être attribuées à un manque d'inhibition des comportements de l'enfant RM. Cette alternance de tour requiert une attention particulière dans l'intervention auprès des mères. Avec la PP., cette prise de tours peut se développer en appliquant les principes de Mall: reprendre les productions sonores de la personne, être le miroir. Naturellement, les productions de la PP. n'ont pas nécessairement une ressemblance avec les productions sonores d'un bébé, c'est peut-être pour cette raison que pendant longtemps elles ont été ignorées. Cependant, même un soupir, un grognement, n'importe quel son peut être repris par l'adulte. C'est aussi le moyen de montrer à l'enfant que nous avons pris note de son comportement. Parfois cette émission peut entraîner un commentaire sur l'intention que nous lui attribuons. Il s'agit de parler du "ici et maintenant" selon un autre principe de Mall. Nous aurons l'occasion de voir une vidéo pour illustrer ces différents aspects. 2.5 Développer l'attention conjointe: de la modalité d'exigence à la modalité de

réclamation Notre approche de la communication chez la personne PP. se réfère également à l'attention conjointe considérée par Bruner (1983) comme un précurseur du langage. Bruner (1983, pp. 190-193) distinguent 4 modalités qui évoluent au cours de la première année de l'enfant:

1. la modalité d'exigence, 2. la modalité de réclamation, 3. la modalité d'échange, 4. la modalité de réciprocité.

Ce sont les deux premières qui nous intéressent particulièrement pour le développement des premières conduites de communication. Nous développerons les modalités d'échange et de réciprocité dans le prochain cours.

Modalité d'exigence Dès le départ, l’enfant dispose de routines de communication. Par exemple, il crie ou s’agite jusqu’à ce que l’adulte réponde. Celui-ci généralement y répond en essayant de comprendre ce que veut l’enfant. Dès 2 mois, les M sont capables de distinguer le cri de:

- contentement: son relâché, non nasalisé, profond, - mécontentement: son tendu, nasalisé, aigu.

Au 3-4e mois, les M distinguent plusieurs formes de satisfaction exprimée par les vocalisations de plaisir: après le réveil, pendant les jeux solitaires à ce moment et les interactions avec un inconnu. Les cris manifestant qu'il y a un "problème", sont insistants et ne comportent pas de pause dans l'attente d'une réponse, ce qui caractérise bien la modalité d'exigence. En d'autres termes, les cris du jeune enfant expriment un malaise (il a faim, il est mouillé, il est malade etc.) cris que la mère parvient à interpréter. Ces cris peuvent évoluer vers des cris de détresse s'il n'y a pas de réponse. Comme généralement la mère y répond, cette réponse va créer une attente qui va faire progresser l’enfant de la modalité d’exigence à la modalité de réclamation.

Dr. Germaine Gremaud 16 Langage et communication – SA 1

Modalité de réclamation Selon Bruner (1983, p 191), trois changements interviennent:

- réduction de l'intensité de bande large et de "l'insistance", - contraction de l'appel dans le champ temporel, avec pause dans l'attente d'une

réponse, - si la réponse ne vient pas, retour à la modalité d'exigence.

Ce dernier point est fondamental pour l'intervention auprès des enfants RM. L'absence de réponse de l'adulte ne conduit-elle pas l'enfant à se taire et à ne plus manifester de demandes plus élaborées; l'enfant régresse alors vers des comportements plus rudimentaires. Ceci dé-montre l’importance que joue l’adulte dans cette transition de la modalité d’exigence à celle de réclamation. La constance des réponses et leur régularité favorise le développement d’attentes chez l’enfant, ce qui constitue la base des interactions communicatives. En polyhandicap, des études (Green3) démontrent que les PP sont capables d'avoir des manifestations de joie (des rires, des sourires, des ébauches de sourires), comme des manifestations de mal-être. Ici encore, il s'agit d'observer les réactions de la PP., afin de leur attribuer une intention communicative, de parler du "ici et maintenant": "Tu es content, ça te plaît", ou :"ça ne va pas, qu'est-ce que tu as?". Vous me direz qu'il est inutile de parler, puisque l'enfant ne comprend pas. Mais avez-vous déjà vu une mère être muette avec son bébé? Il faut accepter le principe qu'une communication est possible au-delà des mots. Ces études sur les manifestations de joie qui découlent de celles effectuées sur les préférences et la capacité de faire des choix chez les PP. montrent qu'il n'y a pas besoin d'un arsenal de moyens, car savez-vous ce qui entraîne le plus souvent des manifestations de joie? Les chatouilles, souffler sur les bras, pour certains des stimulations vestibulaires, alors allez-y! Très souvent c'est aussi le meilleur moyen d'obtenir l'orientation du regard sur l'adulte, comme si l'enfant voulait voir cette personne qui lui crée du plaisir! Pour installer une communication, nous préconisons, quelle que soit la stimulation, d'introduire des arrêts, pour laisser à la PP. le temps de réagir, de montrer si oui ou non elle veut que la stimulation reprenne (Comme dans l'exemple plus haut concernant la musique). Par réaction, nous entendons n'importe quel changement ou apparition de comportements, aussi minime soit-il. Cependant, cette observation des comportements s'accompagne de l'évaluation des niveaux d'éveil et d'attention, car un changement de comportement peut indiquer une habituation chez l'enfant, une perte d'intérêt. L'absence de réaction doit nous conduire à changer de stimulation, tout en attribuant une intention à cette absence de réaction ou cette diminution de l'éveil: "Ca ne t'intéresse plus! On va changer". Les auteurs ayant travaillé sur les manifestations de joie préconisent de changer de stimulation après une minute, si l'enfant ne montre pas de l'intérêt. On dit généralement que les bébés sont avides de nouveautés, alors les PP. pourraient être tout aussi avides de nouveautés! Seuls inconvénients pour vous, c'est qu'il va falloir être créatifs, inventifs et savoir exploiter l'instant présent en vous y adaptant. La préparation du matériel est à faire en fonction de la personne. On n'utilisera pas le même matériel avec des enfants ou des adultes. Ne proposez pas un hochet à un adulte, mais

3 Green, C.W. & Reid, D.H. (1996). Defining, validating and increasing indices of happiness among

people with profound multiple disabilities. Journal of Applied Behavior Analysis, 29, 67-78. Green, C.W., Gardner, S.M. & Reid, D. H. (1997). Increasing ndices of happiness amog people with

profound multiple disabilities: A program replication and component analysis. Journal of Applied Behavior Analysis, 30, 217-228

Ivancic, M.T., Barret, G.T., Simonov, A. & Kimberley, A. (1997). A replication to increase happiness indices among people with profound multiple disabilities. Research in Developmental Disabilities. 18, 79-89.

Jordan, J., Singh, N.N. & Repp, A.C. (1989). An evaluation of gentle teaching and visual screening in the reduction of stereotypy. Journal of Applied Behavior Analysis, 22, 9-22.

Page 9: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 17 Langage et communication – SA 1

proposez plutôt une boîte avec des objets dedans. Le matériel est choisi en fonction de l'objectif et de la personne.

3. Analyse d'une observation (Gremaud, 2002) Présentation de l'enfant. Névio est âgé de 14 ans. A 5 mois et demi, il est hospitalisé; les médecins diagnostiquent une hydrocéphalie grave. A 13 mois et demi, le diagnostic d'IMC grave de type tétraplégique et de retard mental profond est posé. Actuellement, Névio présente un niveau de développement ne dépassant pas 8 mois. Son canal préférentiel est auditif, on ne sait pas s'il voit ou ce qu'il voit. Situation de stimulation. L'éducatrice se propose d'observer les réactions de l'enfant en ra-contant une histoire dans laquelle les personnages sont signalés par des cloches de tailles différentes. La séquence est ponctuée de balancements. Afin de favoriser les prises de tours, l'éducatrice planifie d'interrompre l'histoire, lorsque l'enfant vocalise, pour reprendre les vocalisations en miroir.

3.1. Résultats A partir de la vidéo analysée seconde par seconde, le répertoire des comportements de l'enfant a été établi. Nous présenterons ici les résultats de l'analyse du contexte d'apparition de quelques comportements, laissant par exemple de côté les comportements visuels, plus aléatoires vu le handicap visuel de l'enfant. Néanmoins, il est important de relever que l'éducatrice a identifié un contact oculaire, lorsque le visage de l'enfant était tout près du sien. Elle l'a explicité en disant à l'enfant: "Tu me regardes Névio!". Mouvements de la bouche. Ce comportement d'ouvrir et de fermer la bouche est très lié au comportement vocal ou verbal de l'adulte, mais apparaît nettement plus souvent durant des épisodes où l'enfant vocalise. Ce comportement peut précéder comme terminer un épisode de prise de tours, s'insérer entre les vocalisations ou apparaître quand l'adulte parle, mais de manière moins systématique. Bouche bée. Ce comportement se différencie du comportement habituel de l'enfant qui a en général la bouche ouverte. Par "bouche bée", nous entendons une ouverture plus grande de la bouche. Ce comportement s'observe durant le 19 % du temps total. Il apparaît dès le début, durant une séquence d'une minute de balancement (40 sec.), puis durant des stimulations auditives: lorsque les cloches sonnent et l'adulte parle (46 %) ou vocalise (22%). Vocalisations. Sur les 15 minutes analysées, les vocalisations occupent le 10 % du temps. A 10 occasions, elles se produisent en même temps que celles de l'adulte et 18 fois durant les balancements. Mais ce qui est intéressant à noter, c'est que dans les 2/3 des cas, les vocalisations apparaissent en dehors des temps de stimulations de l'adulte, c'est-à-dire sans chevauchement. Le tableau 1, représente la 13e minute durant laquelle les prises de tours sont les plus manifestes. Un seul chevauchement apparaît, à la 34e seconde. Deux sourires sont d'ailleurs observés après des vocalises de plus forte intensité. Tableau 1: Episode de prise de tours avec les vocalisations de l'adulte et de l'enfant durant la 13e minute.

Sourire ou ébauche de sourire. Leur identification requiert une observation plus longue que la seconde, car ce comportement apparaît à partir de la bouche ouverte, par une légère modification aux commissures des lèvres et dans l'expression du visage et des yeux. Ils s'observent 15 fois dont 8 durant des épisodes de vocalisations de l'adulte ou de l'enfant,

10'' 20'' 30'' 40'' 50'' 60''Enfant x xx x xx xx xx xx xx x XxAdulte x xx x xx x x xx x xx x

Dr. Germaine Gremaud 18 Langage et communication – SA 1

mais également lorsque l'adulte parle à l'enfant, le balance dans les bras ou fait sonner les cloches. Discussion L'entrée auditive est particulièrement investie chez cet adolescent, si bien qu'une communication peut s'établir par ce canal. La capacité de prendre son tour dans des séquences de vocalisations montre qu'une première conduite de communication se met en place. Ceci est particulièrement manifeste, lorsque l'enfant augmente l'intensité de ses productions vocales à mesure que l'adulte les reprend, démontrant ainsi un plaisir évident. Quant au comportement de "bouche bée", il est possible de l'interpréter comme un signe "d'écoute" aux stimuli auditifs, révélant un niveau d'attention particulièrement élevé, supérieur à l'état habituel où la bouche est moins ouverte. Ce constat révèle l'importance de tenir compte des fluctuations des niveaux d'éveil pour interpréter les comportements de l'enfant et adapter les stimulations en conséquence. Par contre, le comportement d'ouvrir et de fermer la bouche est plus difficile à interpréter en termes de communication, mais montre que l'enfant réagit au fait que l'adulte parle ou vocalise. Est-ce un comportement imitatif ou manifestant un désir de parler? L'adulte l'interprète-t-il inconsciemment, sans l'expliciter verbalement, comme une invitation à communiquer? Que faire dans de tels cas? Bien que la discussion reste ouverte sur d'autres comportements difficilement interprétables, nous proposons de formuler cette question en termes d'hypothèse et de la vérifier. Il peut alors être important de passer à une verbalisation explicite de l'hypothèse et de demander une réponse à l'enfant. L'objectif étant que l'enfant découvre que par ses comportements, il peut agir sur son environnement. En dernier lieu, nous tenons à souligner, que la communication facilitée permet certes, d'aller nettement plus loin dans la communication et qu'elle ne doit pas être négligée, mais si elle n'est qu'à un stade expérimental. Cependant, la mise en place des conduites de communication reste nécessaire dans la vie quotidienne.

4. Intervention La présentation théorique, comme la présentation de la vidéo donnent déjà quelques pistes pour l'intervention, mais concrètement, il s'agit d'opérationnaliser ces aspects, de les intégrer dès la première rencontre. Par exemple en orthophonie, la plupart du temps, les enfants sont signalés en raison de bavage ou de troubles de la motricité rendant l'alimentation difficile. L'idée de consulter pour la mise en place des premières conduites de communication n'est pas encore rentrée dans les moeurs. Généralement on dira: "Cet enfant ne parle pas, pourquoi aller chez l'orthophoniste?". D'ailleurs, si je consacre autant de temps à la communication prélinguistique, c'est bien parce que trop peu de spécialistes (éducateurs et enseignants spécialisés compris) interviennent durant cette période et encore moins auprès d'enfants polyhandicapés. Certains attendent même que les premiers mots apparaissent pour intervenir. J'ai entendu une orthophoniste dire: "Un enfant trisomique, je ne le prends pas avant 4 -5 ans". J'ose espérer que c'est une exception! Avec un enfant polyhandicapé, dès le premier contact, l'objectif est de rechercher une entrée en contact par le canal sensoriel préféré de l'enfant. Cela peut être le somatique (contact corporel, cutané, etc.): le porter naturellement, le caresser, le cajoler tout en essayant de lui procurer du plaisir. Cela peut être le vestibulaire: le balancer, l'auditif: objets faisant du bruit, instruments de musique. Le vibratoire: vibrations de la voix quand on lui parle, par exemple, le ballon Bobath, les vibrations de la musique, etc. (voir Fröhlich, 1987 pour un développement). Mais généralement, le contact se fait dans le corps à corps, car l'objectif est également que l'enfant se sente en sécurité, ce qui est primordial pour établir la relation qui pourra se consolider au cours des mois. Naturellement, nous parlons à l'enfant selon les principes de Mall, mais aussi en lui attribuant des intentions communicatives que l'on verbalisera.

Page 10: Langage et communication Cours I. Introductioncommonweb.unifr.ch/artsdean/pub/gestens/f/as/files/4681/... · 2013-09-18 · Dr. Germaine Gremaud 1 Langage et communication – SA

Dr. Germaine Gremaud 19 Langage et communication – SA 1

En proposant des stimulations basales, il est important de faire des arrêts pour voir si l'enfant manifeste par son comportement son désir que la stimulations se poursuivent. C'est à ce moment-là qu'il est important de verbaliser pour l'enfant et d'attirer l'attention de la mère sur ce que vous avez observé qui permet d'attribuer cette intention. Il est important de développer un partenariat avec les parents et la mère en (particulier, car la communication se développe à deux et peut prendre des mois, pour ne pas dire une année ou plus pour s'établir. Il est important alors que tous les intervenants collaborent ensemble et partagent leurs expériences et observations.

Conclusion

A ce premier niveau de communication que nous qualifions de "basale", l'objectif est d'obtenir des comportements qui peuvent servir à la communication. Les stimulations basales de Fröhlich, comme les principes de Mall (1984) sont des moyens pour tenter d'obtenir des réactions ou comportements. Il revient alors à l'adulte d'attribuer une intention à ces comportements et d'agir en conséquence, de manière à ce que l'enfant découvre que par ses comportements, il peut agir sur son environnement. Durant cette période, l'objectif est d'amener l'enfant à l'orientation de ses comportements vers l'adulte ou l'objet, du regard en particulier et de mettre en place des prises de tours, ce qui représente les premiers acquis pour passer à la période suivante caractérisée par l'émergence de la préhension et de la coordination oeil-main qui permet le développement d'autres moyens de communication.