L’analyse des besoins de formation des enseignants...

126
L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

Transcript of L’analyse des besoins de formation des enseignants...

L’analyse des besoinsde formation des enseignants

du premier degré

ISBN : 2-86637-286-7© CRDP de l’académie de Versailles, 2000

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des articles L. 122-4 et L. 122-5, d’unepart, que « les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et nondestinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citationsdans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou par-tielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ».Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’édi-teur ou du Centre français de l’exploitation du droit de copie, constituerait donc une contrefaçonsanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal.

Les 29, 30 et 31 mai 2000Carré des sciences, rue Descartes, Paris 5e

MINISTÈRE DE L’ÉDUCATION NATIONALE

L’analyse des besoinsde formation des enseignants

du premier degré

Programme national de pilotageActes du séminaire national organisé parla direction de l’Enseignement scolaire

(DESCO)

Sommaire

Ouverture des travaux

Martine Le Guen 7

La formation continue

Germaine Simoni 10

La formation continue dans le 1er degré :

éléments d’approche historique

Anne-Marie Chartier 13

De l’analyse des besoins au plan académique de formation

L’équipe académique de Lyon 28

Synthèse des ateliers

Germaine Simoni 40

Apport théorique sur la notion de besoins de formation

Sylvie Pouilloux 67

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer :

les apports de la psychologie ergonomique et de la didactique

Roland Goigoux 74

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants

et du regard des inspecteurs de l’Éducation nationale

Martine Safra 94

Synthèse des travaux du séminaire

Jacques Naçabal 110

Clôture des travaux

Martine Le Guen 114

Annexes 117

Pour commencer, je souhaiterais excuser l’absence de Jean-Paul de Gaudemar,directeur de l’enseignement scolaire, qui a été retenu par les conférences prépara-toires au budget 2001.

Le programme national de pilotage, un outilau service des évolutions du système éducatif

Le présent séminaire, auquel je suis heureuse de vous accueillir, s’inscrit dans leProgramme national de pilotage (PNP) dont la DESCO a la responsabilité. Depuisdeux ans, la formation continue des enseignants a connu une forte évolution, en pour-suivant notamment l’ambition de devenir plus réactive. Cette évolution a commeobjectif de rapprocher de manière plus importante la formation initiale de la forma-tion continue, en confiant à un même opérateur, l’IUFM, la responsabilité des actionsde formation. Elle s’engage également dans un rapprochement entre la formation dupremier degré et celle du second degré. Elle cherche en outre à renforcer la présencede l’université dans la formation des maîtres.

Au niveau national, il s’agit d’accompagner en priorité les réformes ministé-rielles et les évolutions majeures du système éducatif, d’en préciser les enjeux et deréfléchir aux modalités de mise en œuvre. Les séminaires nationaux sont aussi des-tinés à fournir des éléments pour alimenter les formations académiques en vue d’ac-croître le professionnalisme des enseignants.

Comme vous pourrez le constater, pour l’organisation de ces deux journées, nousavons pris appui sur la collaboration d’universitaires, de représentants des institutsuniversitaires de formation des maîtres (IUFM) et également sur les spécialistes duthème retenu. De plus, nous avons fait appel à des équipes académiques nous per-mettant de mutualiser leurs démarches, leurs réflexions, leurs pratiques. À cet égard,je voudrais tout particulièrement remercier de leur aide Bernard Dubreuil, recteur del’académie de Lyon et Alain Bouvier, directeur de l’IUFM de Lyon, ainsi que l’équi-pe académique de Lyon qui vous sera présentée tout à l’heure.

Le public participant à ce séminaire national est désigné par les recteurs. Je tiensaujourd’hui à saluer la présence de nombreux représentants des corps d’inspection,des IA-DSDEN, IA adjoints aux IA, IEN adjoints aux IA, IEN et conseillers péda-

7

Ouverture des travaux

Ouverture des travaux

Martine Leguen,administrateur civil, chargée de la sous-direction des actionséducatives et de la formation des enseignants

gogiques de circonscription, directeurs d’IUFM, formateurs et personnels des IUFMresponsables académiques de formation auprès des recteurs.

Depuis le début de l’année 2000, nous avons organisé un certain nombre deséminaires nationaux qui font et feront l’objet d’actes diffusés prochainement.

Le premier séminaire, organisé en collaboration avec la direction des personnelsadministratifs, techniques et d’encadrement (DPATE), concernait les chefs d’éta-blissement et les inspecteurs. Il s’est tenu début mars et traitait de la prise en chargede l’hétérogénéité des élèves au collège et au lycée. Au cours de cette rencontre a étéabordée la question de l’articulation école/collège et de la nécessaire mobilisation del’ensemble des acteurs du système éducatif afin de trouver des réponses au traitementde l’hétérogénéité des élèves.

Le second séminaire national, qui rassemblait trois cents personnes début mai auPalais des congrès de Versailles, a été organisé avec la collaboration du Centre natio-nal de documentation pédagogique (CNDP). Il était consacré aux politiques docu-mentaires des écoles, collèges et lycées. À cette occasion, nous avons pu constaterque la question des ressources documentaires à l’école était importante et qu’il fal-lait dépasser la simple analyse d’actions, certes foisonnantes, pour s’interroger sur laproblématique d’une politique effective de documentation au sein de l’école.

Le troisième séminaire, réalisé avec la DPATE, portait sur la question de l’emploidu temps au lycée comme enjeu pédagogique. En effet, toutes les évolutions récentesdu système éducatif concourent à une prise en charge différenciée de l’élève, à tra-vers des types d’activités variés, qui impliquent l’alternance du groupe classe, depetits groupes, jusqu’au travail de plus en plus autonome de l’élève. La question dela gestion de l’espace et du temps se pose alors évidemment avec une grande acuitécar elle oblige les chefs d’établissement et les enseignants à infléchir leurs pratiquestraditionnelles. Ce séminaire préfigurait l’amorce d’une réflexion beaucoup plusglobale qui donnera lieu à une autre rencontre nationale en 2001.

Parallèlement à ces rencontres, la DESCO a l’intention de lancer un certainnombre d’actions concernant plus particulièrement le premier degré. Débutnovembre, nous organiserons une université qui posera la thématique suivante :« L’école maternelle, lieu de prévention : lecture croisée des signaux d’alertes ». Cethème a été défini après une procédure d’appel d’offres qui a permis de recueillir uncertain nombre de propositions de la communauté universitaire pour l’organisationdes universités d’été ou d’automne. Une autre manifestation traitera de la question del’enseignement des sciences à l’école primaire. Trois autres actions sont actuellementà l’étude et concernent l’apprentissage des langues vivantes, les perspectivesactuelles de l’enseignement du français et les problèmes relatifs à la formation à dis-tance, avec l’appui du CNED.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

8

Une réflexion sur l’analyse des besoins de formationdes enseignants du premier degré

Pour en revenir plus précisément à notre sujet, il a paru souhaitable de travailler,au plan national, sur l’analyse des besoins de formation des enseignants du premierdegré pour quatre raisons principales. Premièrement, la formation continue du pre-mier degré a ses caractéristiques propres sur lesquelles il convient de s’appuyer. A u xtermes de la circulaire de 1972, cette formation est fondée sur le droit de chaqueenseignant à bénéficier d’un crédit de formation. La formation continue dispose demoyens de remplacement, soit par le biais des brigades départementales, soit par lamise à disposition de professeurs stagiaires des IUFM qui effectuent des stages enresponsabilité dans les classes. De plus, la formation continue du premier degré estétablie en concertation étroite avec les partenaires, à travers deux instances : leconseil départemental de la formation continue, qui contribue à la constitution duplan de formation, et la commission administrative paritaire départementale (CAPD)pour l’examen des conditions de départ en stage. À ce titre, le barème joue un rôleessentiel. La formation comporte parfois des stages de longue durée, en particulierpour ce qui concerne l’adaptation et l’intégration scolaires.

Deuxièmement, la rénovation du dispositif de formation continue a commencépar une transformation progressive de la formation continue des enseignants dusecond degré. L’année dernière a été considérée par les recteurs comme une année detransition pour le premier degré. La présente année montre des efforts encore timidespour présenter de façon globale la politique académique de formation des ensei-gnants. Des progrès restent à faire.

Troisièmement, l’élévation du niveau de recrutement des professeurs des écoles,porté à bac + 3 à l’entrée et bac + 5 à la sortie de l’IUFM, constitue un élément déter-minant en termes de ressources humaines. La question est de savoir si cette donnéeest suffisamment intégrée dans la réflexion sur la formation des personnels du pre-mier degré.

Enfin, quatrièmement, l’analyse des besoins en formation pour le premier degréapparaît très souvent comme informelle et reliée à une offre constituée à l’intérieurdes départements.

Je souhaiterais maintenant me tourner vers Germaine Simoni, chef du bureau dela formation continue des enseignants, qui a organisé ce séminaire, afin qu’elle sou-mette à votre attention d’autres éléments de réflexion.

9

Ouverture des travaux

L’analyse des besoins en formation :un thème en apparence très technique

Je voudrais remercier les personnes du groupe de pilotage qui nous ont aidés àréfléchir sur la formation du premier degré. Ce dossier n’est entré dans les missionsde la direction que depuis deux ans. Nous avons donc commencé par nous calermodestement sur des problématiques qui sont réellement celles du terrain. À cetitre, l’équipe de Lyon nous a été d’un secours très précieux. Mais je voudrais remer-cier également M. Duthy ainsi que les équipes de Versailles, de Belfort, de Créteil,de Montpellier. L’inspection générale, en la personne de Jacques Naçabal, nous aaidés de ses conseils.

La possibilité de définir un vocabulaire commun

Nous sommes en charge d’un séminaire national dont le thème (l’analyse desbesoins en formation des personnels) peut apparaître très technique. Il ne semble pastrès adapté à un thème de séminaire national de pilotage. Pour autant, je vous proposede réfléchir à l’intérêt qu’il peut y avoir à poser comme thème de travail une notionapparemment réservée aux spécialistes de la formation continue. En outre, laréflexion que nous engageons peut nous aider à construire une culture, un vocabu-laire communs sur lesquels greffer de prochains travaux.

Une situation de pilotage

Par ailleurs, nous sommes tous actuellement dans une situation qui favorise uneréflexion sur l’analyse de besoins. Le texte du 12 mars 1998 précise bien que, dansle nouveau dispositif de formation continue, il est question d’un partage de respon-sabilités entre le recteur et le directeur de l’IUFM, l’un et l’autre concernés par laquestion posée. Le recteur hérite d’un rôle d’analyste des besoins de formation despersonnels. Ce texte nous autorise à nous interroger sur l’analyse de besoins, non pasen posant qu’il s’agit d’une notion purement technique, mais en considérant qu’ils’agit d’une notion politique préalable à l’élaboration d’un cahier des charges qui,lui-même, reflète une politique de formation des personnels de l’académie.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

10

La formation continue

Germaine Simoni,chef du bureau de la formation continue des enseignants,direction des enseignements scolaires (DESCO)

Un thème très politique

L’analyse des besoins et la pédagogie

Le thème des besoins n’est pas neuf pour la pédagogie. Il s’agit plutôt d’unthème récurrent en ce domaine, car dès que nous parlons de besoins, nous évoquonsau moins les besoins des élèves. C’est bien là le signe que la pédagogie, notammentau lycée avec l’enseignement par modules, renvoie à la notion de besoins.Cependant, dès les années 1970, la notion d’analyse de besoins en formation semanifeste dans un autre champ que celui de la pédagogie et nous sommes à la veillede la naissance de la formation continue.

Une réflexion contestataire

À cette époque, l’analyse des besoins donne lieu à des articles, par exemple, dansla revue Éducation permanente, fondée en même temps que l’Institut national de for-mation pour les adultes. Elle est avancée par ceux qui se veulent les contestataires dela formation initiale. Il était alors fréquent de publier des ouvrages qui remettaient enquestion l’efficacité de la formation initiale. Elle était notamment accusée de traiterles élèves d’une manière autoritaire, en leur imposant des dispositifs qui les condui-saient à des situations d’échec scolaire. Tout un courant de pensée s’est alors consti-tué et a développé l’utopie de la deuxième chance par la formation permanente. Cettedernière va permettre de rattraper ce que nous n’avons pas réussi en formation ini-tiale. Cette vision correspond à l’idée que pour construire une formation permanen-te, il faut analyser les besoins profonds de ceux qui y participent. Il n’est pas possiblede faire l’économie de termes tels que « r e c u e i l l i r, analyser, constituer, faire émerg e r,rechercher ». Ce vocabulaire correspondait à toute une série de pratiques nouvelles,révolutionnaires, porteuses de questions profondes posées au système éducatif.

Un refus de la hiérarchie

Dans ce courant de pensée, on trouvait même une vision encore plus contestatai-re qui reposait sur une remise en question de l’autorité. Il s’agissait sans doute d’unhéritage de 1968… Il s’agissait de remettre en question le rôle de la hiérarchie dansla désignation des besoins. À la naissance de la formation continue, il a eff e c t i v e m e n texisté une interrogation sur la parole habilitée à dire le parcours de l’enseignant enformation. Le sujet de formation, c’est-à-dire l’enseignant, apparaît comme étant leseul à pouvoir dire ce dont il a besoin en formation. La formation continue ne peutmême plus être posée comme obligatoire pour tous. C’est une chimère que de croi-re que tous les enseignants doivent être formés de la même manière. Aucun forma-teur ne peut faire l’économie d’une analyse de besoins qui le conduit à produire desobjectifs de formation.

11

La formation continue

La place de l’institution

L’analyse de besoins pourrait être conçue comme une leçon purement techno-cratique. Or, c’est une décision politique ambiguë : elle dit que ce ne sont pas lesautres qui peuvent décider à la place du sujet de formation. En même temps, elle nepeut pas se contenter de le dire. L’analyse de besoins étant à visée professionnelle,elle pourrait concerner en premier lieu l’institution dans laquelle s’inscrit la forma-tion. La hiérarchie ne peut pas être éliminée aussi simplement ; elle est autorisée àdire des besoins de formation, en tous cas des priorités qui sont là pour finaliserl’analyse de besoins.

Ainsi, ni l’individu, ni la hiérarchie ne peuvent répondre seuls à la question desbesoins de formation. De plus, si l’institution peut définir des priorités, elle ne peutpas le faire seule : elle doit prendre en compte les différentes données de l’universsocial dans lequel s’inscrit l’acte d’enseigner. Il s’agit d’une contrainte posée parl’univers social, comme c’est actuellement le cas pour les technologies de l’infor-mation et de la communication. C’est la raison pour laquelle l’école ne peut plus for-mer les élèves sans recourir aux TICE. Dès lors, il est normal que dans une analysede besoins, on se réfère à l’univers social tout entier.

Les pionniers de la formation continue nous enseignent que l’analyse de besoinsproduit des objectifs de formation et non des actions de formation ; qu’il ne s’agit paslà d’un exercice technique que des logiciels pourraient réaliser. L’analyse des besoinsne produira jamais rien si les personnes ne sont pas mobilisées et si l’on n’effectuepas en amont un travail incessant sur les évolutions entreprises, la signification desdémarches mises en œuvre, l’animation des équipes. Il faut aider les enseignants àcomprendre le sens et les enjeux des évolutions. Si nous ne leur faisons pas ressen-tir ce qui bouleverse la société et l’école, nous ne pourrons pas les impliquer dansleur formation, ni même recueillir leurs besoins en formation. Nous ne pourrons pasnon plus former les enseignants sans leur permettre de constater, sur le terrain, lesrésultats de la formation. C’est un bon moyen d’alimenter la réflexion incessante surun métier et sur les compétences indispensables à son exercice.

L’analyse de besoins gagne à être conduite pour définir au mieux une politique deformation des personnels ; elle est une démarche qui suppose la prise en compte dedifférents points de vue et l’interrogation de tous les acteurs. Toute parole doit s’ex-primer parce que l’analyse des besoins est une analyse qui donne la parole.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

12

13

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

La formation continue :une histoire difficile à reconstituer

Histoire et mémoire

Pour l’heure, il n’existe pas de synthèse sur l’histoire de la formation continue. Jen’ai donc pas trouvé de bibliographie déjà constituée qui aurait pu structurer unerétrospective de la formation continue des instituteurs au fil du temps et éclairer lesréflexions des participants à ce séminaire. J’ai donc travaillé à partir de sourceshétérogènes, de textes officiels, d’articles divers sur la question, et aussi à partir dema mémoire, puisque je fais partie des acteurs engagés dans les stages de formationcontinue depuis qu’ils existent de façon institutionnelle, c’est-à-dire depuis trenteans. Le savoir empirique a des avantages et des inconvénients : la familiarité quedonne l’expérience pratique oriente le regard et permet de mettre des réalitésconcrètes derrière les intitulés de stage, mais hiérarchise l’important et l’accessoireen fonction de critères pas toujours bien élucidés. Je vous demande de considérer mespropos avec précaution, puisque les informations que j’ai privilégiées l’ont été du faitde mon implication personnelle dans ce travail. Ce regard rétrospectif sur la forma-tion continue sera donc investi de subjectivité.

Cette subjectivité est marquée par une expérience inaugurale, que je voudrais rap-peler au début de cet exposé, car c’est à la rentrée de 1970 que je débute en école nor-male, au moment même où va se dérouler le premier stage de formation continue.Les normaliens de deuxième année dont j’ai la responsabilité sont partis sur le terrainpour un trimestre, et je me trouve, avec une certaine terreur, il faut l’avouer, en facede trente instituteurs qui sont venus à l’école normale pendant que les jeunes les rem-placent dans leurs classes. Pour ce premier stage, il y a eu abondance de demandeset les candidatures retenues au barème sont celles de pédagogues « chevronnés »,auxquels je me demande ce que je pourrais bien apprendre, moi qui suis une ensei-gnante débutante. L’école est alors en pleine « r é n o v a t i o n », avec la réforme du fran-çais et des mathématiques modernes ; faute de croire que la « formation continue »soit, seulement un temps, destinée à lire et parler à partir de textes « t h é o r i q u e s », j’aiun certain sentiment d’absurdité devant cette situation institutionnelle. Comme cette

La formation continue dans le 1e r degré :éléments d’approche historique

Anne-Marie Chartier,maître de conférences à l’Institut national de recherche pédagogique

génération d’instituteurs qui essuie avec bonne humeur les plâtres de la formationcontinue va beaucoup m’apprendre (en particulier sur les usages limités de la théo-rie dans la pratique), je vais avoir tendance à croire durablement que seuls les insti-tuteurs pourraient réellement former les formateurs…

Question de sources

S’agissant des sources imprimées, j’ai été particulièrement intriguée par le faitque l’on ait si peu publié sur le sujet. À partir de 1974, Le Monde de l’éducation faitparaître une rubrique « Formation continue ». Je l’ai systématiquement dépouilléejusqu’à sa disparition, sans rien trouver sur le premier degré. En fait, on y informe surles stages organisés par l’Éducation nationale en direction des divers publics en for-mation dans les GRETA et les personnels enseignants ne sont pas impliqués. Lesquelques articles du magazine qui parlent de la formation des enseignants en tracentseulement les cadres généraux et concernent plus le secondaire et la création desMAFPEN que le primaire ; les écrits sur le premier degré sont directement en rapportavec la réforme des écoles normales et la question de la formation initiale des maîtres(et du niveau de recrutement), mais pas du tout avec la formation continue.

Quand on se tourne du côté du fichier des thèses, même absence, le premierdegré est pratiquement absent. J’ai trouvé une thèse sur les modèles de formationinvestis dans les stages qui ne s’appuyait pas sur les pratiques, mais uniquement surles descriptifs écrits, opposant une orientation descendante (stages programmés àpartir de directives ministérielles) et une orientation remontante (à partir des besoinsde terrain). Il vaut donc la peine de signaler la thèse pionnière, soutenue en jan-vier 2000, d’une collègue qui a cherché à évaluer l’impact d’un stage ciblé sur lagéométrie, en retournant voir les stagiaires un an plus tard pour les interroger etobserver leurs pratiques de classe.

L’interrogation des bases de données internationales sous les rubriques « forma-tion continue » et « formation des enseignants » permet de trouver un nombre bienplus considérable de rubriques, mais celles qui concernent la France sont minoritairesparmi les écrits en langue française (les études concernant le Québec viennent en têtepuis, à moindre degré, la Belgique et la Suisse). Là aussi, ce sont les dispositifs ins-titutionnels et leurs finalités, qui sont prioritairement exposés, ce qui explique que,partout où interviennent des dispositifs concurrentiels (comme au Québec), les publi-cations foisonnent, puisque celles-ci font en quelque sorte partie intégrante des dis-positifs de formation (qui doivent lister et valoriser leurs actions, les évaluer, expo-ser leurs démarches et convaincre le public potentiel de les préférer à d’autres...). Oncomprend qu’une partie du « silence » sur la formation primaire en France vient deson statut institutionnel : c’est une offre sans concurrence, proposant une formationqui ne procure aucune qualification diplômante. Elle ne relève donc pas du secteurde la promotion sociale mais de la régulation interne de l’école et ces contraintes desystème expliquent sans doute une partie des caractéristiques françaises.

De fait, dans le cadre départemental, la gestion des stages, les négociations entreinspection, école normale et partenaires syndicaux, les grandes orientations imposées

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

14

par le ministère ont donné lieu à des solutions extrêmement variables, dont on nepourrait avoir idée seulement en étudiant de près la « littérature grise » des plans deformation, des rapports, des listes d’intitulés de stage et leur succès ou insuccès jau-gés à l’aune des candidatures qui se sont portées sur chacun d’eux au fil du temps.Cependant, en allant dans cette voie, on suppose déjà que les dispositifs de formationcontinue, tels qu’ils ont été institués, donnent une idée exhaustive de la façon dont lesinstituteurs en cours d’emploi évoluent, « se forment ». On fait débuter la formationcontinue à partir de la loi de 1970 sur l’obligation de formation des employeurs.Avant cette date, les instituteurs n’auraient pas eu d’occasion de continuer à se for-mer, une fois devenus titulaires de leur poste. C’est cette confusion entre « disposi-tif de formation » et « formation » que je voudrais dissiper, en remontant dans letemps et en m’interrogeant sur la formation continue avant la mise en place du dis-positif actuel de formation continue. Je reviendrai ensuite sur la période récente(c’est-à-dire sur les trente dernières années), pour me demander quels effets l’ins-tauration du dispositif « s t a g e » a pu avoir en retour sur les anciennes modalités à tra-vers lesquelles le corps enseignant a pu accroître sa compétence professionnelle etfaire évoluer ses savoirs ou ses pratiques. Tous ne relèvent pas de stages, loin s’enfaut.

En effet, pour réfléchir à une stratégie en matière de formation continue des per-sonnels, il me semble important de hiérarchiser clairement des ordres de priorité maisaussi de repérer des modalités multiples d’effectuation, qui existent du fait de la déci-sion institutionnelle ou en dehors d’elle (par exemple, le fait que de nombreux ins-tituteurs soient inscrits à l’université contribue à la formation continue du corpsmais échappe au dispositif de formation). Il faut donc élargir le repérage et s’inter-roger sur les procédures de formation en cours d’emploi, pour déterminer celles quidoivent être prises en charge par le dispositif et celles qui peuvent ou doivent garderd’autres modalités de réalisation, qu’on peut encourager, inciter ou simplement auto-riser, dans le dispositif ou en dehors de lui.

La formation continue avant la loisur la formation continue

L’opposition primaire/secondaire

Avant de lire les écrits sur la formation du début du siècle et de l’entre-deux-guerres, j’opposais banalement la formation académique, spécialisée, du seconddegré, à la formation pédagogique, polyvalente, du premier degré. D’un côté, l’agré-gation après de longues études universitaires, de l’autre, le brevet supérieur, aprèstrois années d’études en école normale, accompagnées de stages progressifs sur leterrain. Or, quand on regarde les textes sur le « métier », l’opposition qui s’imposen’est pas celle-là : pour un professeur, le métier apparaît comme un « art » qui s’ap-prend dans l’expérience, mais aussi dans le compagnonnage des collègues. En

15

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

revanche, les écoles normales diffusent l’idée que la pédagogie pourrait bien être unesorte de science appliquée, requérant des connaissances « théoriques », comme lasociologie de l’éducation ou la psychologie de l’enfant, mais aussi, une mise à jourpermanente des savoirs à enseigner (ce qui justifie la publication d’une encyclopé-die comme le Dictionnaire pédagogique de Ferdinand Buisson). Ainsi, l’oppositionentre les « praticiens » du primaire et les « savants » du secondaire s’avère plutôt unstéréotype social qu’une description de la façon dont se déclarent les identités ensei-gnantes. Les instances de formation du primaire sont finalement bien plus sou-cieuses du niveau intellectuel des instituteurs que de leurs compétences pédago-giques, en tous cas bien plus qu’on ne l’imagine aujourd’hui.

Les premiers stages de formation continueet l’orthographe du français

Si l’on remonte jusqu’à la Monarchie de Juillet, on trouve deux modèles de for-mation en concurrence, l’un qui renvoie à la qualification professionnelle (ce sont les« cours normaux », qui permettent à un instituteur d’être reçu en stage de formationdans une école où un collègue lui montrera comment fonctionne, par exemple, lemode mutuel, ou le mode simultané) et l’autre à la qualification intellectuelle (ce sontles écoles normales, où il s’agit d’abord d’apprendre à maîtriser les matières que l’ondevra enseigner, études qui seront sanctionnées par un brevet de qualification). Onsait que c’est ce second modèle qui a fini par l’emporter.

On peut donc dater la formation continue du moment où les autorités de tutelle sesoucient d’organiser des stages pour permettre aux instituteurs déjà en fonction depasser ce brevet de qualification qui est alors à deux degrés (brevet simple et brevetsupérieur). En mettant au programme de l’école primaire l’enseignement des élé-ments de la langue française, c’est-à-dire l’orthographe et la grammaire, au-delà dul i r e - é c r i r e - c o m p t e r, le ministère charge les inspecteurs d’organiser les premiersstages qui rendront les instituteurs aptes à prodiguer cet enseignement dont l’obli-gation est nouvelle (on peut penser aux premiers stages sur les mathématiquesmodernes, qui ont suivi les changements de programmes à la fin des années soixan-te). Dans tous les départements, les inspecteurs organisent donc des stages d’étéintensifs, où l’on fait abondance de dictées et d’analyses, qui vont permettre aux ins-tituteurs d’obtenir le diplôme qui, aux yeux de la population, va leur donner une légi-timité incontestée. D’après André Chervel, cette formation en cours d’emploi va êtreefficace et, en une génération, la pédagogie des dictées-questions est installée dansles classes. La maîtrise de l’orthographe va permettre aux instituteurs d’obtenir lacharge des secrétariats de mairie et, plus tard, de briller ou non en présentant leursmeilleurs élèves au certificat d’études.

De ce fait, les stages d’orthographe vont rapidement disparaître puisque les nor-maliens seront tous sélectionnés parmi d’anciens bons élèves (donc bons en ortho-graphe) et qu’à toutes les étapes du cursus (certificat, concours d’entrée à l’école nor-male, brevet supérieur), on trouvera une épreuve de dictée. Conséquence imprévue,à partir du moment où les instituteurs font de l’orthographe une des pierres d’angle

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

16

des savoirs scolaires, celle-ci va cesser d’évoluer et les réformes réclamées réguliè-rement par les linguistes vont toutes échouer à s’imposer, comme si la langue écriteétait devenue sacrée. Enfin, alors que le niveau des filles était très inférieur à celuides garçons tout au long du XIXe siècle, du fait de l’ignorance de leurs institutrices,il le rattrape puis le dépasse (définitivement ?) avant la première guerre mondiale,avec la généralisation des écoles normales de filles. Ainsi, les savoirs visés par lespremiers stages de formation continue, pour parler de façon anachronique, ont ensui-te fait partie des exigences de la formation initiale pour les instituteurs des deuxsexes.

Lorsque le niveau de la population scolaire s’améliore, celui des instituteurs doits’élever en conséquence. Sous la IIIe République, Jules Ferry rappelle aux institu-teurs : « Je vous demande de faire [de vos élèves] des hommes et non des grammai-r i e n s » et s’inquiète de l’obsession, selon lui démesurée, accordée alors aux « d i c t é e s -questions » : au lieu d’être polarisée par la chasse aux fautes, la formation des petitsFrançais devrait attacher plus d’importance à l’histoire, à la géographie, aux scienceset aussi à la littérature française et à la rédaction. En conséquence, c’est dans ces dis-ciplines que la culture des instituteurs devrait être renforcée. Cela relève de la for-mation initiale en école normale, où les directeurs doivent inciter les normaliens àfréquenter la bibliothèque pour des lectures « sérieuses » et à fuir les lectures diver-tissantes et funestes des romans contemporains. Pour les instituteurs en poste, l’ac-tualisation des savoirs passe par la lecture de livres mais plus encore par la lecture derevues.

Le rôle des revues pédagogiques dans la formation continue

La France est l’un des pays d’Europe où se développe très tôt une presse péda-gogique surabondante. Pierre Caspard et Pénélope Caspard-Karydis ont recensé plusde 305 titres entre 1810 et 1940, sans compter les bulletins départementaux. On peutclasser les revues pédagogiques en trois grandes catégories. Les revues générales, àtravers lesquelles s’exprime souvent la voix des décideurs proches du ministère,posent les questions de politiques éducatives, de contenus de programmes, deméthodes de travail, etc. Ensuite, les revues directement utilisables pour la classe,ancêtres du Journal des instituteurs, proposent d’innombrables préparations péda-gogiques. À mon avis, elles sont une source décisive pour se faire une idée de l’évo-lution des pratiques, car même si ces fiches d’activités ne donnent accès qu’à dessituations idéales d’enseignement, elles permettent de se faire une idée assez préci-se des normes concrètement exigibles en matière d’enseignement et de leur évolu-tion. Enfin, les revues d’innovation, sont destinées à promouvoir de nouvelles moda-lités d’enseignement (prônées par divers mouvements pédagogiques), mais aussides matières insuffisamment présentes dans la classe (la musique, les arts, l’éduca-tion physique) ou encore absentes (l’enseignement des langues, des techniquesaudiovisuelles). À partir de 1920, il se crée environ cinq nouvelles revues par an, cer-taines n’ayant qu’une existence éphémère, d’autres, portées par des associationsmilitantes ou des maisons d’édition, ayant au contraire des vies plus durables.

17

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

Le point qui mérite d’être souligné, c’est que 80 % de ceux qui écrivent dans cesrevues sont des instituteurs, pourcentage qui reste à peu près stable jusqu’à la deuxiè-me guerre mondiale. Il est évident que cette activité productive a des effets d’auto-formation importants. Les inspecteurs ne se mettent que progressivement à écriredans ces revues à côté des instituteurs (ils ont, en revanche, à assurer les rubriquesdes bulletins départementaux où ils demandent l’aide d’instituteurs souvent en retrai-t e ) ; la participation des professeurs du second degré est à éclipses, tandis que la pré-sence de plumes universitaires est constante. Cela permet de corriger un autre sté-réotype concernant la coupure complète entre primaire et université : ce qui est vraidu point de vue institutionnel ne l’est pas du point de vue intellectuel.

Il est difficile de comparer cette situation à celle d’aujourd’hui, faute de recherchede même type. Ce qu’on sait, c’est qu’actuellement 50 % des instituteurs sont ou ontété abonnés à une revue pédagogique (avec une supériorité des enseignants de mater-nelle sur ceux de l’élémentaire). Le rôle de ces lectures dans l’évolution du corps estcertainement important, même si les enseignants n’en ont pas toujours conscience.En effet, les idées qu’ils y puisent, les informations qu’ils y trouvent, les procédurespédagogiques qu’ils voient encouragées, accompagnent la vie quotidienne faite debien d’autres interférences, si bien qu’eux-mêmes ne se rappellent pas souvent cequ’ils ont ainsi appris, compris, rejeté ou repris à leur compte. J’ai, de la même façon,cherché à voir ce qu’une institutrice de maternelle (une ancienne remplaçante) avaitgardé de sa lecture d’Éducation enfantine, en dépouillant la revue pendant les annéesoù elle avait été abonnée. J’ai retrouvé, dans les articles de fond autant que dans lespropositions d’activités pédagogiques, nombre des références théoriques ou pra-tiques qui faisaient partie de sa culture professionnelle. Elle avait évidemment faitune sélection en fonction de ses propres critères, mais ce qui était impressionnant, estqu’elle ne se souvenait absolument pas de ce qu’elle avait puisé dans la revue. Pourelle les contraintes pratiques de la classe, le constat des réussites et des échecsavaient entièrement guidé ses choix. On peut ainsi être conduit à penser que le rôledes lectures professionnelles dans les évolutions de carrière est bien plus importantque les enquêtes directes sur les lectures des enseignants ne le laissent croire. Les lec-tures d’usage, une fois intégrées dans la vie de la classe, sont oubliées, comme cesinformations que chacun de nous connaît sans pouvoir dire d’où elles proviennent.

En revanche, ce que j’aimerais savoir, c’est la place que tiennent aujourd’hui lesinstituteurs dans la production des articles de revues pédagogiques. Intuitivement,j’aurais tendance à penser que leur poids a diminué, mais je serais ravie qu’uneenquête précise me donne tort. Par exemple, d’après certaines informations que j’airecueillies, les articles et fiches pédagogiques sont de plus en plus rédigés par despermanents de la maison d’édition, dont certains seulement ont été instituteurs. Plusqu’à des praticiens de terrain, on y fait appel à des formateurs (professeurs d’écolenormale ou d’IUFM, inspecteurs, conseillers pédagogiques). Un journal comme LaClasse, entièrement rédigé par des praticiens, perpétue au contraire une importantetradition.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

18

Mouvements périscolaires et mouvementspédagogiques

L’encadrement des activités périscolaires a été du ressort des instituteurs del’entre-deux-guerres à la fin des années soixante. Du fait de la concurrence entre lespatronages, laïques ou catholiques, les instituteurs étaient poussés à participer àl’encadrement des enfants de milieu populaire en dehors de la classe, pendant l’an-née scolaire ou pendant les vacances (ce qui leur apportait d’ailleurs un appointfinancier non négligeable). Les méthodes actives, les pratiques ludiques, sportives,théâtrales, esthétiques, l’initiation aux méthodes audiovisuelles, sont passées descolonies de vacances aux pratiques de classe, parce qu’elles faisaient partie desacquis des stages d’éducation populaire (ce stage était obligatoire en école normaleet remportait d’autant plus de succès qu’il était mixte). La culture pédagogique étaitainsi nourrie indirectement mais régulièrement par les modalités de travail employéesdans ces espaces éducatifs du loisir encadré (animation de réunion, techniques deprise de parole, d’expression, de régulation à la décision, évaluation des activités aposteriori, etc.). Or, à partir des années 1970-1980, peut-être du fait de la féminisa-tion accrue du corps, de son « embourgeoisement » et de la formation universitairedes normaliens, les animateurs des mouvements périscolaires se recrutent de plus enplus hors de l’Éducation nationale et souvent parmi des anciens élèves de lycée quin’ont pas forcément une opinion très positive de l’école. Avec les années 1980-1990, on voit ceux qui sont chargés du périscolaire de plus en plus préoccupés del’aide aux devoirs, ce qui les met en position d’exercer une tutelle pédagogiquepour laquelle ils ne sont guère formés, mais qui répondent à la demande (expresse)des familles. Quant aux loisirs, ils relèvent de plus en plus du consumérisme mar-chand. On sent bien qu’une somme de savoir-faire, longtemps présente de façon dif-fuse dans l’école et qui a soutenu l’innovation pédagogique autant dans les discoursque dans les pratiques, est ainsi en recul ; la question est de savoir s’il y a lieu d’in-tervenir institutionnellement, sous des modalités à inventer, pour lutter contre leseffets dommageables de sa disparition.

S’agissant des mouvements pédagogiques, on est dans un cas de figure différentmais dont les effets à terme sont analogues. On peut dire que la mise en place de laformation continue pendant le temps de travail a, d’une certaine façon, « tué » lesmouvements pédagogiques ou plutôt, les a privés d’une audience importante. Eneffet, avant 1970, tous ceux qui cherchaient à discuter avec des collègues, à perfec-tionner leurs pratiques, à remettre en cause le système scolaire ou à tester de nou-velles procédures de travail se trouvaient peu ou prou conduits à fréquenter sporadi-quement les mouvements pédagogiques (groupe Freinet, GFEN, OCCE, CRAP,etc.), sans pour autant être tenus de faire partie des militants engagés. Les stagesd’été, les réunions de groupes étaient l’occasion de rencontres et d’échanges, per-mettant la constitution de réseaux informels, à travers lesquels se construisaient desidentités professionnelles d’autant plus précieuses qu’elles relevaient du volontariat

19

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

de chacun, en marge de toute contrainte institutionnelle. À partir du moment où lesstages de formation continue se mettent en place, les mouvements pédagogiques setrouvent de plus en plus souvent réduits à leurs seuls militants, ce qui va les priverd’une source de recrutement renouvelée auprès des jeunes et limiter leur impactdans l’évolution du corps enseignant. Quelle position stratégique faut-il adopter parrapport à cette nouvelle réalité ? Dans certains cas, on sait que des groupes Freinetou du GFEN ont demandé (et obtenu) que des stages de formation continue de qua-lité leur soient ouverts. Mais un stage organisé dans un cadre officiel peut-il avoir lemême statut qu’un stage hors école ? Quelles peuvent être les demandes, les exi-gences ou les incitations des autorités de tutelle en la matière ? Les stages instituéssont massivement centrés sur les didactiques disciplinaires, du fait que les personnelsqui les encadrent sont d’abord des professeurs spécialisés. Au contraire, la traditiondes mouvements pédagogiques a été de développer des stratégies globales d’ensei-gnement. D’une certaine façon, leur retrait accélère le processus de secondarisationde la formation fait d’une multitude de disciplines ou de didactiques disciplinairesjuxtaposées.

La formation continue par l’université

Avant d’en venir aux formes prises par la formation continue proprement dite,celle qui a été instituée par les stages des années soixante-dix à aujourd’hui, je vou-drais clore ces réflexions sur les formations en cours d’emploi hors des dispositifsinstitutionnels, en évoquant les crises de cursus universitaire, en sciences de l’édu-cation (leur création date de 1967) ou dans diverses autres spécialités (sciences dulangage, psychologie, sociologie, communication, etc.). Ces études universitairesconcernent un nombre croissant d’instituteurs et sont une formation à la fois quali-fiante et diplômante, même si, dans de nombreux cas, les diplômes obtenus neconduisent pas à un changement d’emploi ou de carrière. S’agissant des sciences del’éducation, leur public est composé de trois types d’étudiants, ceux qui cherchent àobtenir un niveau bac+3 et sont généralement des professionnels en activité (dans lessecteurs sociaux, éducatifs, culturels, etc.), les étudiants sortis d’un deug spécialiséqui préparent une licence dans la perspective d’un concours exigeant ce niveau (enparticulier en IUFM), et enfin des enseignants qui reprennent des études sans forcé-ment avoir au départ de projet défini. Parmi ceux-ci, les instituteurs sont majoritaires.En cas de succès, certains pensent alors à poursuivre au-delà, d’autres se réoriententvers des carrières différentes : concours de l’inspection ou de chef d’établissement,par exemple).

Ce qui me surprend, c’est que beaucoup de ceux qui sacrifient ainsi leurs loisirset leurs congés le font de façon très discrète, généralement sans en informer leurs col-lègues, comme si cet investissement personnel pouvait leur être reproché comme untemps soustrait à leur vie professionnelle. Certains poursuivent ainsi au-delà de lamaîtrise, vers des DEAou des thèses, sans pour autant quitter leur poste, si bien quel’administration ignore tout de ces surqualifications. Comment une politique consé-quente des ressources humaines pourrait-elle encourager et prendre en compte cet

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

20

investissement intellectuel, de façon à lui accorder une certaine reconnaissance ins-t i t u t i o n n e l l e ? Comment pourrait-on tenir compte, dans les dynamiques de formationpar des pairs, des savoirs et des savoir-faire ainsi constitués ? Est-ce qu’il ne seraitpas possible de considérer que les semaines de stages consacrées à la formationcontinue pourraient être aussi accordées pour permettre, dans de meilleures condi-tions, la rédaction d’une maîtrise ou d’un DEA ? Les congés de formation d’uneannée sont, à l’heure qu’il est, la seule possibilité envisageable (ils sont utilisablespour un travail de thèse, par exemple), mais d’autres formes plus souples pourraientêtre envisagées, si l’on veut bien considérer qu’il s’agit là d’un investissement pro-fitable à l’Éducation nationale tout entière et pas seulement à celui qui en fait ladémarche.

Il est important de souligner que la formation « se continue » tout au long de lavie professionnelle, par bien d’autres voies que celles de la « formation continue ».Cela peut sembler une évidence, mais les dispositifs institutionnels, absorbés parleurs logiques internes, leurs objectifs à court terme, leurs contraintes de fonction-nement, semblent parfois avoir oublié ces autres voies, alors qu’il serait utile qu’ilsachent, le cas échéant, s’appuyer sur elles de façon explicite ou leur prêter mainforte.

La formation continue depuis la mise en placedes premiers stages

Il me semble qu’on peut distinguer trois étapes dans l’histoire récente de la for-mation continue : dans un premier temps, ce sont les réformes pédagogiques desannées soixante-dix qui orientent les problématiques et les contenus des stages,autour des nouveaux programmes ; dans un deuxième temps, la formation continuecherche des voies originales par rapport à la formation initiale : on expérimente denouvelles formes d’organisation et on s’intéresse à la demande des instituteurs (l’ana-lyse de besoin devient à la mode) ; enfin, une troisième période commence avec latransformation des écoles normales en IUFM : la formation continue poursuit sa lan-cée, mais on sent qu’il est nécessaire de réfléchir à nouveau à son organisation et àses finalités, du fait que le cadre de références est devenu académique, que la for-mation, autrefois du ressort des MAFPEN, a intégré le cadre des IUFM et enfin, quela perspective du renouvellement rapide du corps des enseignants à partir de 2004 vaposer des problèmes qui ne pourront pas tous être traités par la formation initiale.

Les réformes pédagogiques des années soixante-dix

Ce qui me frappe rétrospectivement, quand je pense aux premiers stages de for-mation continue, c’est la façon dont ils ont été calqués sur la formation initiale, elle-même alignée sur le modèle du lycée (défilé des professeurs des différentes disci-plines devant une classe) et à quel point ce modèle a été bien accepté par lespremières promotions. À Versailles, l’emploi du temps des instituteurs était exacte-ment celui qui était prévu pour les normaliens. Pourtant, à cette date, la formation

21

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

d’adultes a déjà une longue expérience derrière elle et chacun est bien conscientqu’on ne peut pas conduire un travail avec des pédagogues chevronnés comme on lefait avec des débutants, quand bien même l’essentiel du travail des formateurs consis-te (avec les uns et les autres) à lire les nouveaux programmes, à les commenter et àles faire discuter. C’est par le biais des discussions de groupe sur l’innovation, sur lafaçon de mettre en œuvre les nouveaux programmes, que se font les échanges entrecollègues et que l’on passe (verbalement) de la théorie à la pratique. Mais l’idée d’al-ler dans des classes, de se confronter à des réalisations, de comparer des travauxd’élèves reste presque interdite, tant on redoute de passer des exemples à une péda-gogie du modèle, alors vigoureusement condamnée. Dans ces années post-soixante-huit, le mot d’ordre est qu’il faut innover, changer sa pratique et que pour cela, cha-cun doit inventer. Ce discours d’innovation tenu par nombre de formateurs (souventimpliqués aussi dans les recherches-action que l’INRP conduit sur la pédagogie desmathématiques, du français ou de l’éveil), s’accommode fort bien, apparemment, descours magistraux et de formes de travail parfaitement traditionnelles. En revanche,ces formateurs qui travaillent en recherche-action sur le terrain des classes, organi-sent des réunions, font des bilans de travail, des descriptifs d’activité. Pour les insti-tuteurs qui « e x p é r i m e n t e n t » avec eux, il s’agit d’une « formation par la recherche »qui construit dans l’action des expertises qui permettront à nombre d’entre eux dedevenir maîtres d’application. S’agissant des stages, c’est seulement au fil du tempsque l’on cherche des formes différentes de travail (des stages « à dominante » parexemple), qui obligent à prévoir explicitement les contenus conçus par les forma-teurs, à constituer des équipes d’encadrement se concertant et à organiser le temps etles groupes selon des critères qui ne sont plus ceux de la formation initiale.

Le temps de « l’analyse des besoins »

Comment évaluer l’impact de la formation continue ? Comment savoir si ellerépond aux « d e m a n d e s » du terrain ? Dans le cadre d’une formation qualifiante maisnon diplômante, qui reste de l’ordre du volontariat, il est difficile d’apprécier autrechose que la « satisfaction » subjective des usagers. Les enquêtes faites à la fin desannées soixante-dix par les EDRAP, réunissant à la fois des formateurs, des inspec-teurs et des représentants de l’académie, montrent que plus d’un instituteur sur troisne demande jamais de stages. Une partie des difficultés tient à leur durée. Beaucoupd’enseignants redoutent de quitter leur classe si longtemps et envisageraient volon-tiers de participer à des stages bien plus brefs, ciblés sur des objectifs plus précis. Les« analyses de besoins » qui sont faites alors vont conduire à une diversification despropositions et des modalités de travail, la régulation se faisant d’une certaine façonpar ajustement de l’offre et de la demande : telle inspectrice d’école maternelle se faitécho d’une demande exprimée sur le terrain concernant le travail sur le langage oules activités de psychomotricité ; tel stage qui a « bien marché », sur la grammairefonctionnelle ou l’éveil scientifique, est proposé les années suivantes ; on compte surle bouche à oreille pour susciter de nouvelles candidatures. Les équipes d’ensei-gnants en école normale sont aussi informées que certains stages sont très demandés,

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

22

d’autres beaucoup moins et qu’ils doivent en tenir compte pour élaborer le plan deformation de l’année suivante.

Ce sont pourtant des années de grande liberté et les professeurs d’école normaletrouvent dans la formation continue des possibilités d’investissement ou d’inventionque la formation initiale ne permet pas. Des stages courts y sont proposés, consacréspresque exclusivement à la poésie, au théâtre, à l’expression corporelle ; d’autres àla philosophie de l’éducation, à des visites de musées, aux techniques audiovisuellesou à l’informatique. Les urgences qui pesaient sur la mise en place des nouveaux pro-grammes se desserrent et la formation continue est conçue aussi comme un temps deformation générale, culturelle, personnelle, sans souci d’un réinvestissement immé-diatement « r e n t a b l e » dans la classe. Avec la mise en place des ZEP, on propose desstages de réflexion sur le fond, visant plus particulièrement certains publics ensei-gnants, sur la pédagogie interculturelle ou les relations avec les familles immigrées.Dans cette période, on prend l’habitude de faire appel à des intervenants extérieurs,conférenciers, professionnels de la culture, de l’éducation populaire, universitaires,mais aussi inspecteurs, conseillers pédagogiques particulièrement investis dans laformation. C’est l’occasion de multiples contacts et échanges entre des profession-nels qui jusque-là ne se connaissaient guère. En fait, deux logiques fonctionnentsimultanément : celle qui cherche à explorer toutes les marges de liberté autoriséespar le système, celle qui, au contraire, vise à produire des effets dans le court terme,dès le retour en classe. Mais comment « mesurer » si un stage est efficace ?

La formation continue à l’ère des évaluations

À la suite du rapport Migeon, en 1989, les changements de structure se répercu-tent aussitôt sur la formation continue : mise en place des cycles, du projet d’écoleet des évaluations nationales. La lutte contre l’échec scolaire et la question de la lec-ture deviennent des priorités nationales. Pour analyser les résultats des évaluations,pour mettre en place les cycles et rédiger les projets d’école, les inspecteurs organi-sent des stages brefs dans leur circonscription. Des instituteurs qui n’auraient pas for-cément fait acte de candidature pour des stages en IUFM se trouvent ainsi mobilisés.Ce retour vers le terrain conduit à d’autres stratégies d’intervention des formateurs.Alors que les inspecteurs intervenant dans le cadre de la formation continue en écolenormale, puis en IUFM, se trouvaient en face de groupes dont ils n’étaient pas lessupérieurs hiérarchiques, les stages de circonscription réunissent des enseignants quisont sous leur tutelle. C’est l’époque d’une intense réflexion sur le rôle d’animateuret de formateur de l’inspecteur, parfois en concurrence avec ses tâches d’inspection.Les conseillers pédagogiques se trouvent aussi impliqués au premier chef dans cesactions ; les professeurs d’école normale qui interviennent sont généralement solli-cités directement : on voit ainsi se constituer des réseaux de travail, plus ou moinsinformels, mais qui ont tendance à perdurer au fil du temps, au gré à gré des parte-naires.

Quant aux stages en IUFM, ils doivent prendre en compte les priorités nationales(et en particulier, l’infléchissement vers la remédiation ou la prévention de l’échec en

23

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

lecture-écriture). En quelques années, l’éventail très large des « menus » de stagesdoit se resserrer sur ces priorités. Beaucoup ressentent cela comme une perte derichesse, même si tout le monde convient de l’importance de la lutte contre l’échecscolaire. Au même moment, la mise en place des IUFM oblige les formateurs àconsacrer une grande partie de leur énergie à la préparation au concours et à la for-mation initiale des stagiaires de deuxième année. Comme le nombre de jeunes àencadrer s’est fortement accru, les formateurs sont moins disponibles et forcémentmoins investis dans la formation continue. On est aujourd’hui en face de cet hérita-ge, qui oblige à prévoir des évolutions et des révisions, d’autant que les professeursdes écoles qui sont le public à venir, n’auront peut-être pas les mêmes demandes etles mêmes exigences dans les années à venir.

Conclusion

En trente ans, la formation continue a considérablement élargi ses modalités detravail. Elle a fortement contribué à donner aux enseignants chargés de la formationinitiale des informations très riches pour penser le métier et la pratique, grâce à cecontact permanent avec des enseignants en exercice qui ne sont pas des maîtresd’application (ce qui ne signifie pas que les instituteurs en stage donnent une idéeexacte de l’ensemble du corps).

Les défis actuels sont importants car le corps des professeurs d’école normale,massivement recrutés dans les années 1970, et qui a fait la transition vers les IUFM,va être à la retraite d’ici peu d’années. Du point de vue de la formation continue, larelève s’effectue dans des conditions difficiles. Comment utiliser au mieux les com-pétences des uns et des autres ? Faut-il penser, pour les années à venir, une formationen début de carrière pour ceux dont la formation initiale a été raccourcie (en parti-culier ceux qui n’ont pas préparé le concours en IUFM et n’ont donc qu’une brèveexpérience de terrain) ? Peut-on imaginer qu’une partie du temps des stagiaires soilibre de cours, de façon à leur donner le temps d’aller en bibliothèque, de travailleren petits groupes à leur convenance, de disposer d’une marge d’initiative personnelledans la conduite de leur stage ? De nouvelles formules sont certainement à inventeret à tester localement, en fonction des ressources humaines et des déficits les pluscriants constatés ici ou là.

L’autre aspect sur lequel je voudrais insister pour conclure, c’est que la formationcontinue est un processus global dont les stages de formation ne sont qu’un élément.Les stages d’école ou de circonscription, organisés sous la responsabilité de l’ins-pecteur, sont évidemment les plus propices pour accompagner le travail des institu-teurs dans le court terme ; ils traduisent des choix « p o l i t i q u e s », s’agissant descontenus, des modalités de travail privilégiées, des réseaux d’échange et des objec-tifs de travail prioritaires. Dans les ZEP, ces stages me semblent avoir souvent été desoutils d’une grande efficacité.

En revanche, les stages localisés en IUFM relèvent d’une autre logique de for-mation. Les enseignants y sont loin de leur classe, y rencontrent des collègues exté-rieurs, des formateurs, ont accès aux ressources des centres de formation (biblio-

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

24

thèque, matériel pédagogique, que ce soit des livres, des revues, des supports infor-matiques ou audiovisuels). Les stages qui relèvent de ce lieu ne peuvent donc avoirles mêmes visées que ceux qui se déroulent sur le terrain : c’est là que le travail surles didactiques disciplinaires, la transmission des acquis de la recherche trouvent leplus naturellement leur place. Enfin, il existe des stages interacadémiques ou natio-naux, ouverts à des publics ciblés, dans lesquels les enseignants de terrain ont aussileur place, surtout si leur autorité de tutelle les encourage à s’y inscrire pour peuqu’ils puissent jouer un rôle de relais auprès de leurs collègues.

Une réflexion au niveau académique permettrait peut-être d’offrir une meilleureprogrammation, en répondant à des demandes trop pointues pour être satisfaites auniveau départemental. Si on définit mieux les potentialités et les limites des diff é r e n t sespaces dans lesquels il s’exerce, le dispositif de formation continue pourra trouverdes forces nouvelles pour évoluer et, espérons-le, « inventer ».

Questions

De la salle

J’ai été très intéressé par le fait que vous nous fassiez réfléchir à la formationcontinue avant la formation continue. Ce qui me frappe, c’est la richesse des formesque cette formation a pu prendre, et la pauvreté du dispositif que nous avons imagi-né depuis trente ans, en insistant uniquement sur les stages. Pensez-vous que nouspourrions maintenant aller vers autre chose ?

Anne-Marie Chartier

C’est ce que je souhaite. Je voudrais que l’on reconnaisse explicitement commeformation continue des systèmes qui en font partie mais qui existent en dehors de laformation continue. Le risque de se cibler sur la formation continue comme dispositifinstitutionnel est d’essayer d’y inclure des éléments qui existent mais qui ne sont pasà l’intérieur du système. L’essentiel est que les enseignants continuent à se former, etque l’on ne prenne pas le moyen pour la fin. Il s’agit d’un problème de représenta-tion du système. Il convient de cesser de stagiairiser des éléments qui n’ont pas àl’être.

De la salle

Il existe des moments de stages qui sont des moments de respiration. Noussommes de plus en plus dans un principe de réalité aux dépens du principe de plai-s i r. Or, la transformation des pratiques pédagogiques ne passe pas seulement par desstages ponctuels, mais par l’accompagnement et la mise en pratique de ce qui a étédécouvert en stage. Il s’agit moins d’avoir une période bloquée qu’une période filée.Cela signifie que les équipes de circonscription puissent accompagner les ensei-gnants dans leurs changements de pratiques. Il est difficile de revenir d’un stagelorsque l’on a été le seul de son école à y être allé, parce que l’on veut tout révolu-

25

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

t i o n n e r. Nous ne savons pas toujours comment poursuivre l’action de formation dans lamise en œuvre.

Anne-Marie Chartier

Je ne fais plus jamais de stages en IUFM. Je vais uniquement sur le terrain. Il estindispensable d’avoir une formation filée, avec des allers retours entre le travail que nousfaisons en équipe et sur le terrain. Cela demande une continuité et un accompagnementdans la durée. Il faut également réussir à instaurer un certain type de relation qui ne sedécrète pas. J’aime notamment la liberté et la souplesse du stage hors école. En effet, ilexiste des « Karajan de la pédagogie », qui réalisent des chefs d’œuvre dans leur clas-se, mais indépendamment de leurs collègues. Le travail d’équipe permet qu’il existemoins de Karajan. Aujourd’hui, nous tendons vers une imposition de structures convi-viales. Des solidarités plus fortes se créent. En revanche, les individualistes ont l’im-pression d’avoir une structure qui les bride.

De la salle

Il existe parfois une sorte de déprime professionnelle. Or, lorsque nous sommes dansdes actions de formation très diversifiées, que ce soient des stages courts ou longs, ons’aperçoit que la dimension de réassurance professionnelle est très importante parcequ’elle renvoie au statut de l’enseignant dans la société. Il est très important que ce soitlié également au regard de leur action directe auprès des enfants.

Je voudrais également aborder le problème de la mise en stage de la formationcontinue. Dans le Val-d’Oise, nous avons essayé une formule où il y avait une partie dequatre jours filés pour préparer le stage, et une autre partie qui était différée, avec deséquipes d’écoles offrant, hors barème, la possibilité de s’autodésigner ou de trouvertoutes sortes de possibilités de représentations. Nous nous sommes aperçus que lorsquel’on n’était pas dans une représentation véritablement inscrite dans le temps de laréflexion, on n’avait pas les mêmes effets en termes de satisfaction des enseignants et entermes d’efficacité, notamment pour l’élaboration des contrats de réussite. Il existe uneposture dans la réflexion continue qui nécessite parfois que l’on sache prendre du temps.

Anne-Marie Chartier

Nous commençons à disposer de quelques études sur les effets d’un stage de for-mation dans la pratique scolaire. L’évaluation est très difficile. On ne peut pas mettre enplace des dispositifs expérimentaux puisque cela ne peut se faire que dans la réalité. Uneenquête qui a été réalisée en 1984 sur l’enseignement des mathématiques avait clivé, demanière très claire, anciens remplaçants et anciens normaliens quant aux effets de la for-mation continue. On s’était rendu compte que les anciens remplaçants, dans les mêmesstages que les anciens normaliens, ressentaient un effet de normalisation. Pour lesanciens normaliens, le stage avait un effet d’innovation, ce qui est l’inverse. Ainsi, despersonnes ayant un passé institutionnel différent tiraient-elles du même stage des eff e t scontraires dans les pratiques pédagogiques. Je pense que nous devrions retravailler surce point.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

26

De la salle

Le mode de désignation des stagiaires n’est-il pas un frein à l’efficacité d’un plande formation ? Il a toujours existé un grand nombre de stages qui ont été fermés fautede candidats.

Anne-Marie Chartier

Je pense qu’une petite modification qui est intervenue a eu un effet non négli-geable. En effet, les formateurs ont été obligés de mettre leur nom sur les stages. Celaa eu un impact certain. Ensuite, je pense qu’il faut bien distinguer l’analyse desbesoins de formation et l’analyse des demandes.

27

La formation continue dans le 1er degré : éléments d’approche historique

Introduction de Gérard Duthy

Cette table ronde s’intitule « De l’analyse des besoins au plan académique de for-mation ». Cela montre que le parti pris adopté est bien de présenter un système danslequel l’analyse des besoins occupe une place primordiale qui n’a véritablement desens que s’il se produit un certain nombre d’interactions et de croisements. Nousserons, durant cette présentation, sensibles à la fois à la dimension politique et à ladimension technique. Le groupe de pilotage du séminaire a souhaité que l’équipe deLyon intervienne pour illustrer une déclinaison académique du nouveau dispositif deformation, sans pour autant la considérer comme un modèle à promouvoir. Il nous asemblé qu’il pouvait être intéressant, dès le début du séminaire, de disposer d’uneamorce, d’une référence commune susceptible d’être réinterrogée tout au long de nostravaux.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

28

De l’analyse des besoins au planacadémique de formation

par l’équipe académique de LyonL’équipe académique de Lyon est représentée par :Blandine Vincent, directrice d’une école d’applicationAnne-Marie Malluret, chargée de mission à l’inspection académique duRhôneIngeborg Rabenstein-Michel, directrice adjointe de l’IUFMde l’académie de LyonAnnie Bona, conseillère pédagogique de circonscriptionJacques Neplaz, responsable du service académique de formationcontinueJean-Pierre Demagny, IEN responsable d’un groupe départemental de pilotageGérard Bastien, IEN adjoint à l’inspection académique du Rhône

Les débats sont animés par :Martine Le Guen, chargée de la sous-direction des actions éducativeset de la formation des enseignants à la direction de l’enseignementscolaireGérard Duthy, IA-IPR, académie de Clermont-Ferrand

Intervention de Gérard Bastien

Une situation complexe à analyser

Nous avons à différencier les demandes et les besoins de formation. Notre soucimanifeste est de rechercher l’expression des besoins et de les analyser. Toutefois,nous devons observer que nous sommes sensibles à la prise en considération desdemandes et des réactions du public.

Le deuxième point de complexité concerne les besoins de l’institution, lesquelssont difficiles à définir et à articuler selon les différents niveaux de pilotage. Uneréelle cohérence est attendue entre les cadrages national, académique et départe-mental. De plus, il s’agit d’effectuer un certain nombre de choix liés aux org a n i s m e sde formation et à d’autres partenaires. Par exemple, le contrat d’objectifs de la villede Lyon implique des engagements.

L’analyse des besoins s’effectue également au niveau local où elle peut être favo-risée par la mise en place d’équipes de circonscription.

Des entrées diversifiées

La réponse à la complexité de l’analyse de besoins peut être trouvée en croisantles regards et en diversifiant les entrées.

Le niveau départemental, sur lequel s’appuyait la formation continue dans leprécédent dispositif, a acquis une expérience. Cette expérience est-elle transposabledans le nouveau dispositif ? Jean-Pierre Demagny présentera le travail irremplaçablequ’il mène en tant qu’IEN avec son équipe de circonscription pour former à l’ex-pression des besoins, laquelle ne peut pas être spontanée et nécessite un accompa-gnement.

Une évolution structurelle et conceptuelle

L’organisation départementale du Rhône présente des évolutions : l’inspecteurd’académie, dans le cadre du conseil de formation et pour se doter de structures eff i-caces de travail, a constitué des « groupes multicatégoriels ». Ces groupes mettent enprésence des inspecteurs, des conseillers pédagogiques, des formateurs et des repré-sentants du personnel du premier degré au conseil de formation et ont pour objet defaire des propositions. Cet élément structurel marque une rupture avec les concep-tions disciplinaires qui étaient les nôtres auparavant. Nous avons évolué, puisqu’il ya seulement six ou sept ans, nous fonctionnions avec des subdivisions disciplinaires.Cette structuration ne convenait plus et les nouveaux groupes se sont donc voulusrésolument transversaux.

Nous avons constitué le groupe « cycle I », puis le groupe « cycle II » et « cycleIII » ainsi que le groupe « l’école en question ». Chaque groupe est chargé de traiter

29

De l’analyse des besoins au plan académique de formation

l’ensemble des thématiques en fonction du cycle concerné. Quant au groupe « écoleen question », il va traiter l’ensemble des questions relatives à l’école et à la vie del’école. Cette structuration, non seulement permet une expression des besoins maisaussi, dans notre dispositif départemental, retentit sur la phase d’élaboration ducahier des charges.

La diversité des entrées suppose un important travail de synthèse. De plus, passercommande à un organisme de formation constitue un principe contrasté et dichoto-mique. Nous nous sommes aperçus que ce principe favorisait la déperdition de l’in-formation.

Au niveau départemental, nous avons tenu à associer l’IUFM à l’expression et àl’analyse des besoins. Nous devons conquérir un langage commun, ce qui ne va pasde soi. Cet objectif est ambitieux puisqu’il suppose de ne pas limiter la coopérationà l’analyse de besoins. Qui dit coopération en amont induit nécessairement unecoopération en aval. Nous ne voyons pas la solution dans une démarche fusionnel-le ; en revanche, nous percevons l’importance de la communication et de la coopé-ration.

Intervention de Jacques Néplaz

Je voudrais commencer mon propos en relatant brièvement ce qui s’est passé dansnotre académie depuis 1998. Le recteur, responsable de la formation continue de tousles personnels, s’est entouré d’un groupe de réflexion intitulé « Comité de pilotage » ,comprenant trois types de représentation :

– des universitaires, des personnels des grandes écoles et de l’IUFM ;

– des institutionnels : inspecteurs d’académie, inspecteurs pédagogiques, chefsd’établissement… ;

– des élus au comité technique paritaire académique (CTPA).

Parallèlement, un service chargé de la préparation de tous les documents néces-saires aux prises de décision a été mis en place. Il a eu à travailler sur l’analyse desbesoins selon les trois axes contenus dans notre lettre de mission :

– prendre en compte l’existant et l’intégrer dans une vision académique ;

– contribuer à l’enrichissement du dispositif départemental ;

– identifier la valeur ajoutée du dispositif académique par rapport à l’ensembledes dispositifs départementaux.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

30

Prendre en compte l’existant

Concernant le premier axe de notre lettre de mission, nous avons créé des lienspermanents entre le comité de pilotage et le niveau départemental.

Nous avons procédé à une interrogation directe des enseignants à travers unquestionnaire semi-directif, afin d’éviter le « stress de la feuille blanche ». Troisbesoins de formation étaient identifiés, avec la possibilité d’en rajouter d’autres.Nous avons également essayé de savoir dans quel cadre s’exprimait le besoin de for-mation. Nous avons ensuite cherché, à partir de points de repères dans le question-nement, à cerner les réponses relatives aux grands items de la formation continue.

De façon à bien expliciter ce que nous demandions, nous avons donné desexemples pris à l’intérieur des plans de formation de l’année précédente.

Contribuer à l’enrichissement du dispositifdépartemental

Nous avons ciblé trois bassins de formation sur les douze qui existent dans l’aca-démie de Lyon, selon des critères de représentativité. Le nombre de réponses, large-ment supérieur à mille, nous donne un pourcentage de près de 80 % de réponses.

Nous avons pu prendre en compte les réponses produites à chacun des items, enfonction du tableau d’aide à la décision. De plus, nous avons interrogé les corpsd’inspection qui ont répondu massivement, aidés par leurs conseillers pédagogiques.Ainsi, nous avons observé qu’il existait une parfaite concordance entre les besoinsexprimés par les instituteurs et professeurs des écoles et les besoins exprimés par lescorps d’inspection. Pour information, ce n’était pas le cas dans le second degré.

Identifier la valeur ajoutée du dispositif académique

La troisième mission était d’identifier la valeur ajoutée du dispositif. Nous avonsfondé beaucoup d’espoirs sur cette partie-là, parce que la lettre de mars 1998 estimaitque ce dispositif devait entraîner une plus grande implication des universitaires.Nous attendions donc que les enseignants nous disent que ces formations devaientêtre assurées par des universitaires. Nous nous sommes aperçus que ce n’était pastoujours le cas. En fait, plus nous nous éloignons d’un centre universitaire, plus lademande de formation universitaire est faible. La circulaire pronostiquait égalementune meilleure articulation entre le premier et le second degrés. Or notre dispositif n’apas constaté cela.

31

De l’analyse des besoins au plan académique de formation

Intervention d’Ingeborg Rabenstein-Michel

C’est la première année que l’IUFM s’occupe du plan de formation continue dupremier degré. L’année précédente était une année de transition. Le cahier descharges est constitué. L’analyse des besoins est l’apanage du recteur mais, commedans d’autres académies, les contrats d’objectifs signés entre le recteur et le directeurde l’IUFM précisent que l’IUFM participe à l’analyse des besoins. Indépendammentde cela, l’IUFM a décidé de procéder en interne à une analyse de besoins et à uneinterrogation des formateurs. La question de la formation continue a été portée dansles instances de l’IUFM. Trois niveaux peuvent être distingués.

La filière de professeur des écoles

Elle est constituée de formateurs de toutes les catégories. Leur tâche est de per-mettre une meilleure articulation entre formation initiale et formation continue.L’idée est d’anticiper au maximum les évolutions du système éducatif.

Le groupe de suivi et d’intégration professionnelle

Depuis cette année, un nouveau plan de formation initiale est entré en application.Le pivot de ce plan est constitué par le groupe de suivi et d’intégration profession-nelle. Il regroupe une quinzaine de professeurs stagiaires. Au sein de ce groupe, nousconstruisons la cohérence de la formation initiale, c’est-à-dire le lien entre les diffé-rents modules de formation, le travail sur le mémoire et la formulation d’un projet deformation continue. Ce bilan « à chaud » est bien entendu subjectif. Il s’agit d’undébut qui incite le professeur stagiaire à se projeter dans la formation continue.

Le conseil scientifique et pédagogique de l’IUFM

Le troisième niveau se trouve dans les instances mêmes de l’IUFM avec leconseil scientifique et pédagogique qui valide la politique de formation continue del’IUFM. Il réfléchit aux propositions qui sont faites en matière d’articulation entreformation initiale et formation continue. L’université va intervenir également afin demieux lier les problèmes du premier et du second degrés. Il s’agira, parallèlement, defavoriser les liens entre la formation continue et la recherche.

Les différents niveaux de réflexion, au sein de l’IUFM et de l’inspection acadé-mique, nourrissent le travail du comité de pilotage mis en place par le recteur.D’ailleurs, le directeur adjoint de l’IUFM participe à ce comité pour élaborer lecahier des charges et pour évaluer la formation continue.

Jacques Néplaz : nous avons également pensé qu’il était tout à fait important, aucours du processus, de donner la parole à des enseignants de terrain. C’est Blandine

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

32

Vincent qui a été chargée d’enquêter auprès de ces enseignants. Elle a mené uneétude qu’elle va vous présenter.

Intervention de Blandine Vincent

À partir d’une enquête réalisée dans un groupe scolaire, je souhaiterais vouslivrer un regard relatif à la formation et aux demandes institutionnelles ou non ins-titutionnelles qui lui sont liées. Même si cette enquête ne paraît pas représentative,elle a valeur de témoignage.

Le groupe scolaire dans lequel l’enquête a été réalisée est situé dans une zoned’éducation prioritaire. L’école maternelle est constituée de quatre classes et l’écoleprimaire de six classes. Les deux écoles sont inscrites dans la « Charte pour bâtirl’école du XXe siècle ».

Les demandes de formation dans le groupe scolaire

Elles sont définies en fonction de centres d’intérêt personnel et de préoccupationsprofessionnelles émises par l’enseignant, surtout s’il est nouveau dans la profession,ou par un tiers (conseiller pédagogique, IEN…). Ces demandes sont égalementeffectuées en fonction de la classe, du cycle et des priorités de ce groupe scolaire.

Les demandes vont vers les disciplines si l’enseignant est jeune et vers les cyclesou l’organisation de l’école si l’enseignant est plus chevronné. Elles sont effectuéesindividuellement pour les disciplines et collectivement pour les cycles. Leur formu-lation dépend également de l’ancienneté dans la profession. Plus on est jeune, pluson s’oriente vers une demande individuelle pour ensuite aller vers une demandecollective. Tous les collègues sollicitent une formation continue, sauf s’ils sont tropproches de la retraite, ou très jeunes.

Les réponses aux besoins de formation

L’institution répond globalement aux besoins, grâce aux animations pédago-giques obligatoires et à celles qui sont au choix (on peut d’ailleurs noter que lesenseignants souhaitent avoir davantage de choix). L’institution répond également auxbesoins grâce à un plan de formation continue.

Les stages effectués à l’IUFM paraissent moins probants et plus inégaux que ceuxqui sont effectués en circonscription, même s’ils sont jugés insuffisants en nombre.L’institution définit des priorités en regard des textes officiels et anticipe les besoinspar des animations pédagogiques, des stages obligatoires, des stages de réflexion.

En dehors de l’offre institutionnelle, les enseignants trouvent également desréponses dans l’autoformation. Ces réponses peuvent être collectives à l’intérieur

33

De l’analyse des besoins au plan académique de formation

même de l’école sous forme de conseils de cycles généraux ou thématiques (enfantsen difficulté, par exemple), de conseils de maîtres avec construction d’outils commeles programmations. Ce processus de coformation où l’on accepte le regard de l’autrepermet d’aller vers un véritable projet de formation pour lequel l’institution est sol-licitée, soit sur le temps des conseils, soit sur le temps institutionnel d’aide à laréflexion et à la construction d’outils.

Ces réponses peuvent également être plus informelles à l’intérieur de l’école,dans le cadre d’échanges de pratiques, en informatique par exemple.

Hors de l’école, il est possible de trouver des réponses par la participation à desmouvements associatifs à caractère pédagogique, comme l’Association générale desinstituteurs d’écoles maternelles. On trouve également des réponses plus indivi-duelles dans le domaine culturel.

L’anticipation se situerait dans la rapidité de mise en place des formations ainsique dans la mise en projet de formations individuelles ou collectives.

Intervention de Jean-Pierre Demagny

Je vous propose de passer maintenant au niveau des circonscriptions et là je meréférerai à un ouvrage intitulé Pour une éthique de l’inspection. Cet ouvrage montre,suite à la réalisation d’une étude, qu’un activisme intense de l’inspecteur dans ledomaine de la formation continue ne participe pas à l’élaboration d’un climat favo-rable à l’analyse des besoins.

Le recueil de l’analyse des données

Nous jouons en effet un rôle important dans la problématique actuelle de recueilde l’analyse des besoins.

Le bilan d’activité

Le premier document que j’utilise est destiné aux enseignants. Il se présentesous la forme brute d’un bilan d’activité qui n’entre dans aucune grille. Je n’ai eff e c-tivement pas peur du stress de la page blanche et j’essaie de ne pas trop enfermer lesenseignants dans un questionnaire qui provoquerait des réponses induites.L’enseignant doit pouvoir effectuer son propre bilan par rapport à la dernière ins-pection, notamment en prenant en compte les observations qui ont été formulées, enparticulier dans le cadre de formations personnelles ou continues. Ce qui intéressel’IEN, c’est de répondre à trois questions :

– comment, ultérieurement, va-t-il être possible de fournir un état des besoins dela circonscription ?

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

34

– comment réussir à faire le travail nécessaire à la circonscription, sachant que laspécificité du premier degré est de pouvoir assurer de la formation hors plan de for-mation continue ?

– comment travailler avec l’enseignant de façon à ce qu’il puisse s’approprier saformation, en espérant qu’il puisse s’y engager davantage ?

La fiche de suivi post-inspection

L’état brut qui a été constitué à la suite du bilan d’activité doit cette fois-ci se pré-senter de façon plus élaborée, afin de constituer une fiche de suivi post-inspection.L’essentiel est de pouvoir réfléchir et de faire le point sur l’ensemble de ce qui a étédit. Certains enseignants estiment n’avoir besoin de rien, mais beaucoup requièrentde la présence de l’IEN afin d’analyser avec lui les réponses qui devront être appor-tées à leurs préoccupations.

En termes d’évaluation d’école, le bilan d’activités se présente de la même maniè-re, sauf qu’il a été réfléchi au sein de l’équipe. De plus, après l’évaluation écrite, ildonne lieu à une présentation orale.

Concernant la réponse locale, nous essayons de mettre en relation une école quine réussit pas à surmonter un problème et une autre école qui y sera parvenue. Nousdisposons, en outre, d’un document présentant en cinq points les projets de circons-cription ainsi que la déclinaison de la C h a rte pour bâtir l’école du X X Ie s i è c l e. Ce tra-vail a été présenté lors d’une réunion d’information et a été ensuite distribué. Il a éga-lement donné lieu à une analyse. L’école doit alors montrer en quoi, à traversl’analyse de son projet, les objectifs de circonscription et la Charte du XXIe siècle,elle s’inscrit dans le cadre du contrat de réussite de la ZEP. C’est à ce moment-là quenous allons parler de la formation souhaitée.

L’analyse des demandes

Lorsque nous analysons les demandes, nous nous apercevons que celles-ci portentsur des contenus très précis et concrets. Par exemple, la demande d’aide à la gestionde groupes multi-âges est une demande permanente, de plus en plus fréquente. Nousavons d’ailleurs décidé d’y répondre très clairement.

Nous essayons d’analyser avec pertinence les demandes de formation des écoleset de passer d’un état brut à un état transformé par la réflexion. Nous désirons don-ner des informations à l’institution et aider à l’élaboration de projets personnels et deprojets professionnels, qu’ils soient individuels, de cycle, d’école, de REP.

35

De l’analyse des besoins au plan académique de formation

Blandine Vincent : Je souhaiterais vous parler de l’école d’application, du recen-sement et de l’analyse des besoins : le recensement des besoins en formation ini-tiale. L’équipe des formateurs recense les besoins en formation initiale des étu-diants PE1 et des stagiaires PE2. Au-delà des documents de référence, l’équipedoit établir la liste des difficultés majeures liées au début de l’entrée en fonction etaux spécificités du réseau d’éducation prioritaire. Ce recensement des besoinspasse également par un regard sur les pratiques et difficultés professionnelles. Lesd i fficultés et les manques apparaissent à l’IUFM, soit dans les groupes de suivi etd’intégration professionnelle, soit dans les parcours qui sont un ensemble de coursbâtis autour d’une même thématique. Cela passe également par les ateliers de pré-paration des stages en responsabilité, ainsi qu’à l’intérieur des classes lors des visitesdes stagiaires en responsabilité.

Le recensement des besoins en formation continue

Ce recensement s’effectue lors de l’accueil ponctuel des stagiaires dans lesclasses et au cours des interventions des membres de l’équipe, mais également lorsdu pointage des difficultés des enseignants, notamment pour les PE sortants.

Les réponses apportées par l’école d’application

En ce qui concerne la formation initiale, l’équipe des maîtres formateurs définitdes priorités en fonction des textes de référence et des problèmes rencontrés (parexemple, élèves en difficulté). Les priorités prennent corps lors de l’accueil des sta-giaires dans l’école, mais également à l’IUFM dans la proposition d’ateliers pour lapréparation des stages en responsabilité. À l’IUFM, l’équipe va collaborer avec lesformateurs permanents afin de définir des orientations pour les stages de pratiquesaccompagnées filées de type alternance, ou pour intervenir dans les groupes de suiviet d’intégration professionnelle. Bien que vouée principalement à la formation ini-tiale, l’école d’application s’implique également dans la formation continue. Cettearticulation entre l’IUFM, le terrain et les équipes de circonscription permet de défi-nir des orientations pour accueillir les stagiaires en formation continue dans lesclasses. Cela donne également lieu à des propositions de stages de formation conti-nue.

En conclusion, nous ne pouvons pas penser les besoins de la formation initialesans penser ceux de la formation continue. Des réponses sont possibles grâce à l’ar-ticulation entre l’IUFM, le terrain et les équipes de circonscription.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

36

Intervention d’Annie Bona

Je souhaiterais traiter de la prise en compte en circonscription des besoins en for-mation des PE sortants.

Nous utilisons un livret personnel de formation du professeur d’école (PE) qui aété conçu à titre expérimental pour gérer la mémoire de leur formation profession-nelle. Il les aide à exprimer leurs besoins en formation et information (Cf. BO n° 43du 24 novembre 1994). Ce document, destiné à la formation initiale, a été simplifiéafin d’être utilisé en formation continue. Il présente une modélisation visant à arti-culer les domaines de compétences nécessaires à la conception, la mise en œuvre etl’analyse d’une unité d’apprentissage.

Un deuxième document regroupe les principes généraux du référentiel de com-pétences professionnelles du PE stagiaire en fin de formation initiale. Il se composede trois grandes parties : la première porte sur les compétences relatives à la concep-tion des situations d’apprentissage, la seconde sur leur mise en œuvre et la troisièmesur leur analyse.

Nous demandons à chaque PE une analyse personnelle. Il note ses points forts etses points faibles. Ce document est commenté et remis en début d’année lors del’animation pédagogique consacrée aux PE sortants. Ils devront le renseigner lors denotre première visite après la rentrée.

Ce document fait clairement apparaître l’impossibilité dans laquelle se trouve ledébutant à cerner ses réussites et ses difficultés ainsi que ses besoins en formation.Le débutant est submergé par la réalité du quotidien et la prise de recul par rapportà sa pratique devient impossible.

Les réponses concernent principalement la mise en œuvre. Elles sont livrées sanssouci de hiérarchisation. À partir de ces réponses, les conseillers pédagogiques vontrelever des points forts ainsi que les vraies questions. Il s’agit de construire un pro-jet individuel de formation en se fixant des priorités.

Le parcours des débutants en circonscription est à la fois individuel et collectif :individuel grâce à des visites régulières dans les classes ; collectif grâce à desréunions mensuelles par cycle, autour des points faibles prioritairement recensés. Lesquestions évoquées tournent essentiellement autour de la conception des cours, lapréparation de la classe, la gestion du temps et l’analyse des résultats.

Un document de circonscription intitulé Gérer le temps à l’école donne des indi-cations précises ainsi que des exemples concrets. De plus, nous essayons d’accom-pagner les débutants dans la visite du centre de ressources pédagogiques.L’évaluation de l’inspecteur et la fiche après visite permettent d’effectuer un bilanintermédiaire ainsi qu’un recentrage des priorités. Collectivement, la synthèse de plu-sieurs documents (rapports d’inspections, comptes rendus de visites, fiches aprèsvisites) fait apparaître des besoins en formation. Ils seront traités, soit au plan localpar le biais d’animations pédagogiques par exemple, soit au plan académique par lebiais de propositions faites par l’équipe de circonscription.

37

De l’analyse des besoins au plan académique de formation

Ingeborg Rabenstein-Michel : je souhaiterais intervenir afin de vous expliquerl’ensemble du processus qui est compris entre la remise du cahier des charges àl’IUFM et l’élaboration du plan académique de formation.

Le cahier des charges est remis au directeur de l’IUFM vers la fin du mois denovembre. L’IUFM s’empare alors de ce cahier des charges et le traduit en appeld’offres. Cette transformation est réalisée par le groupe «Analyse et expertise » quiregroupe une cinquantaine de personnes désignées par le conseil scientifique etpédagogique de l’IUFM. L’appel d’offres de formation continue, validé par le conseilscientifique et pédagogique de l’IUFM et par le groupe « Analyse et expertise », a étélancé à la mi-décembre, les réponses étant attendues pour le 18 février. Il a étéenvoyé très largement à neuf cents destinataires : écoles de l’académie, corps d’ins-pection et partenaires de l’IUFM, qu’ils appartiennent ou non à l’Éducation natio-nale.

Puis le groupe « Analyse et expertise » a commencé l’analyse des propositionsreçues. Le groupe se scinde alors en sous-groupes présidés par des anciens cher-cheurs de l’IUFM. Ils se penchent sur les propositions reçues afin de se prononcer surleur pertinence.

Au mois d’avril, l’IUFM a alors remis sa proposition de plan académique de for-mation continue au recteur. S’ensuit est alors une période de navette entre l’IUFM etle rectorat. Le recteur consulte et l’IUFM tient compte des différentes remarques quisont effectuées. Le plan académique de formation peut alors être validé.

Jacques Néplaz : une des prérogatives du recteur est d’évaluer les propositionsqui lui sont faites par l’IUFM. Le service académique de formation continue se pré-occupe donc de cette question. En effet, nous travaillons à l’amélioration du dispo-sitif d’expression des besoins en partenariat avec l’IUFM. Nous lui demandons derecueillir les impressions à chaud des stagiaires, de façon à voir s’il n’existe pas undécalage.

L’évaluation, d’un point de vue technique, est très classique. Il s’agit de savoir siune demande de formation peut obtenir une réponse satisfaisante de la part del’IUFM.

Les besoins de formation ne se traduisent pas nécessairement en termes d’ins-cription à des stages de formation continue. De plus, il faut être capable de regarderce qui s’est passé après six mois ou un an et d’évaluer le réinvestissement. Nousespérons pouvoir passer du stade de l’expression d’envies ou de dégoûts à l’expres-sion des véritables besoins, sans se tromper dans l’analyse de ce qui est exprimé.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

38

Conclusion de Gérard Bastien

Le dispositif que nous venons d’étudier est très complexe. Des membres duconseil de formation ont l’impression de ne plus voir la traçabilité de l’action de for-mation.

De plus, nous devons continuer notre coopération car, si le niveau départementalest habitué à un travail sur le premier degré, le niveau académique est plus habituéà un travail sur le second degré. Les référents que nous avons à l’esprit doivent enco-re évoluer.

39

De l’analyse des besoins au plan académique de formation

Introduction

Germaine Simoni

Les cinq ateliers qui vous ont été proposés ce matin visaient, chacun, à aborder unaspect spécifique de l’analyse des besoins. Leur synthèse a été réalisée conjointe-ment, et dans un temps très court, par les animateurs des ateliers et par les organisa-teurs du séminaire.

L’impression générale dont nous ont fait part les animateurs reflète la richesse desdébats, mais aussi l’état très avancé des réflexions sur le sujet. Des recueils de res-sources pourraient ainsi, à notre avis, être effectués et donner lieu à diffusion dans lesmois ou les semaines qui viennent en direction des départements.

Atelier 1 – Quels champs explorer dans le cadrede l’analyse des besoins ?Personne-ressources : Claude Pérignon, IEN à LongwyAnimateur : Daniel Fleury

Le bilan des présentations, échanges et débats se décline en trois parties :

– des espaces repérés et des moyens évoqués pour autoriser l’analyse desbesoins ;

– des interrogations complémentaires ;

– des observations plus générales.

I – Espaces repérés et moyens évoqués pour autoriserl’analyse des besoins

Voir tableaux ci-après et pages suivantes

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

40

Synthèse des ateliers

41

Synthèse des ateliers

ESPACES

– Attentes et désirs transformés, traduitsen besoins– Besoins générés par une animation spé-cifique, une rencontre pédagogique ouculturelle

– Besoins ciblés par l’étude et le traite-ment des évaluations nationales et l’ana-lyse des résultats des élèves

– Attentes reformulées en besoins lors del’élaboration du projet d’école– Besoins formulés en conseils de cycleaprès retour de stages ou animations« déclenchantes »

MOYENS ET OUTILS-SOURCES

– Questionnaire préalable à l’inspectionindividuelle, un passage spécifique durapport d’inspection, un questionnaire deretour ciblé sur la traduction des attentes :documents traités par le filtre du référen-tiel de compétences de l’enseignantd’école

– Différentes évaluations mises à dispo-sition des maîtres

– Éléments du rapport d’inspectiond’école, notamment les axes deréflexions collégiales suggérés– Projets d’école– Contrats de réussite ZEP

– Besoins observés au cours de stages ouau cours des intersessions lors de stagesfilés– Bilans des stages exprimés non pas entermes de satisfaction immédiate maispour comparaison entre les représenta-tions initiales et l’état final du stage (dustagiaire)– Avancée des connaissances et savoir-faire dans les recherches universitaires etréflexions de terrain– Besoins observés au cours de stagesspécifiques ou transversaux à l’exempledes stages d’analyse de pratique(s) pro-fessionnelle(s)

– Notes d’observation des formateurs– Mise en écriture des stagiaires– Bilans des stages construits dans cetesprit

– Répertoire du potentiel de recherche(IUFM, INRP, réflexion-action en cir-conscription…)– Analyses des stagiaires

L’enseignant dans sa classe

L’enseignant dans son école

L’espace formation

42

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

ESPACES

– Besoins définis par le traitement desvisites d’inspection ou d’accompagne-ment– Besoins observés dans le suivi desmaîtres ou des équipes

– Besoins observés lors des diff é r e n t smoments d’articulation (cycle à cycle –liaison école-collège – réunions desréseaux d’aide dans une logique de cir-conscription…)

– Besoins induits, implicites

– Attentes du système éducatif– Besoins observés par une évaluationexterne

– Besoins suggérés par les partenairesreconnus par l’institution : mouvementspédagogiques, mouvements associatifs,centres de ressources scientifiques,médiathèques locales…– Besoins observés chez des élèves diff é-rents (problèmes de violence, handi-caps… de la différence ordinaire auxextrêmes)– Besoins contractuels avec les collecti-vités locales

– Les textes et orientations nationaux– Axes et orientations mis en avant lorsde la relance académique des ZEP– Rapports de l’inspection générale del’Éducation nationale

– Bilans des travaux menés en partenariat

– Comptes rendus de structures d’accueil,actes de colloques, documents de tra-vail…

– Contrats, conventions, accords locaux

MOYENS ET OUTILS-SOURCES

– Synthèse des retours après inspectionsou visites conseils– Traitement des sollicitations desconseillers pédagogiques de circonscrip-tion ou départementaux– Traitement des rapports de visite desuivi des professeurs des écoles en débutde carrière– Synthèses des comptes rendus desréunions de travail des équipes d’école– Analyse du bulletin ou du site de cir-conscription– Croisement des projets d’école et descomptes rendus des conseils de cycle– Tout indicateur émanant d’une culturede circonscription

L’espace circonscription (ou bassin ou intercirconscriptions…)

L’espace académique et national

L’espace aux marges et autour de l’école

43

Synthèse des ateliers

ESPACES

– Besoins culturels

– Besoins en accompagnement

MOYENS ET OUTILS-SOURCES

– Enquêtes auprès des enseignants– Projets suscités par les conseillerspédagogiques départementaux ou inscritsdans un cadre spécifique local

– Signalements d’enseignants fragilisés– Éléments signalés par le directeur desressources humaines

L’« être » et non plus seulement l’enseignant

II – Interrogations soulevées

– Désirs, envies, attentes et besoins : comment mettre en place une « pédagogiede la formulation » ?

Exemples :

1. Définir les centres d’intérêt des enseignants.

2 . Conduire des protocoles expérimentant des réponses envisagées par les maîtres.

3. Exprimer les difficultés rencontrées.

Remarque – La question du temps nécessaire ? C’est une question posée par Lacharte pour bâtir l’école du XXIe : « changer l’école ».

– Comment repérer les besoins dans la multiplicité des demandes, attentes etautres recensements ?

– Comment mettre en place la formation des formateurs ?

– Comment gérer des problèmes liés à des besoins repérés de façon paradoxale,voire contradictoire par différentes sources ?

– Quels sont les espaces de formation à retenir ?

les stages ;

les animations ;

les colloques, universités d’été… ;

les temps de formation personnelle, professionnelle, culturelle ou militante.

– Comment accompagner la polyvalence des maîtres et son évolution ?

III – Remarques pour conclure

Il ne faut ni s’autocensurer lors de la phase de diagnostic, ni négliger a priori lescontraintes de réalisation actuelle.

Chaque personnel concerné par la formation continue doit se doter d’outilspropres permettant d’objectiver l’analyse des besoins.

Le référentiel de compétences de l’enseignant doit être précisé.

Les nouvelles technologies doivent être encouragées dans cette phase de dia-gnostic.

Des espaces d’appropriation et de débats autour des orientations doivent êtreofferts aux enseignants.

Atelier 2 – Quels sont l’intérêt et les limitesde la dimension académique de la formation continuedes enseignants du premier degré ?Personne-ressources : Gérard Bayon, responsable du réseauformation continue à l’IUFM de l’académie de Clermont-FerrandAnimateur : Gérard Duthy, IA-IPR à Clermont-Ferrand

Présentation de l’atelier

Pour le bon fonctionnement de l’atelier, le thème appelle trois remarques préa-lables :

a) le questionnement présente un intérêt et une pertinence, quels que soient leschoix ultérieurs, les évolutions possibles, les mouvements de balancier en matièred’organisation scolaire ;

b) le singulier a volontairement été employé dans la formulation « la dimensionacadémique », montrant ainsi qu’elle n’est pas la seule dimension possible, qu’il enexiste d’autres, notamment départementales ;

c) le libellé de la question autorise l’atelier à ne pas traiter exclusivement le sujetde l’analyse des besoins en formation continue et à explorer les autres phases du nou-veau dispositif.

Quelques principes susceptibles de permettre de travailler efficacement sonténoncés :

– sur cette question délicate, l’atelier peut dégager des éléments de consensusmais aussi des points éventuels de désaccord ;

– il conviendra surtout de s’attacher à définir l’accompagnement que nécessitentles modifications apportées afin d’en tirer le meilleur profit ;

– ce travail en atelier a été programmé pour favoriser l’expression des participantsau séminaire, l’animateur compte essentiellement sur leurs contributions ;

– ces contributions peuvent être de deux natures : des témoignages, des présen-tations de procédure à des fins de mutualisation mais également des réflexions, desanticipations, des propositions à explorer ;

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

44

– il est simplement souhaité que chaque intervenant se présente avant sa prise deparole.

• La richesse des apports de l’atelier a dépendu pour partie de la capacité desintervenants à croiser différentes approches en référence à :

– la territorialisation des politiques éducatives ;

– la pertinence des niveaux de responsabilité des acteurs ;

– la professionnalisation des enseignants du premier degré ;

– l’environnement de la formation (pour ne pas utiliser le terme d’ingénierie) ;

– la place et le rôle de l’encadrement de proximité.

• L’atelier s’est déroulé en quatre temps :

1. Une introduction sous la forme d’un témoignage.

2. L’inventaire et l’examen des limites qui peuvent s’exprimer au regard de cettenouvelle logique.

3. La nécessité et l’intérêt de l’introduction d’un niveau académique dans le dis-positif de formation continue des enseignants du premier degré.

4. Les accompagnements à imaginer pour tirer le meilleur profit des nouvellesmodalités.

Introduction de l’atelier : la coordination des formationsdans l’académie de Clermont-Ferrand de 1995 à 1998

Dans une académie qui compte un nombre d’enseignants relativement faible, lebesoin de coordination pour organiser des formations au niveau académique s’est faitressentir dès les années quatre-vingt-dix.

L’académie de Clermont-Ferrand compte quatre départements de poids inégal. A un o r d : l’Allier avec trois pôles d’importance égale (Moulins, Montluçon, Vi c h y ) ; aucentre : le Puy-de-Dôme, centré sur l’agglomération clermontoise, qui regroupe lamoitié de sa population ; au sud-est : la Haute-Loire dont l’est est attiré vers Saint-É t i e n n e ; au sud-ouest : le Cantal plus rural. La répartition des enseignants du premierdegré est inégale entre les départements : environ 3 000 dans le Puy-de-Dôme ; 1 900dans l’Allier ; 900 dans les deux autres départements.

À partir de 1995, j’ai été chargé de la coordination académique des formations dupremier degré auprès du chef de MAFPEN (après avoir coordonné la mise en œuvredu plan académique « langue » de 1992 à 1995) pour assurer :

– la coordination du dispositif d’élaboration des formations académiques (analy-se des besoins, conception et proposition de plan) ;

– la mise en œuvre des dispositifs de formation académique.

Depuis septembre 1998, je suis responsable du réseau formation continue àl’IUFM auprès du directeur adjoint chargé de la formation continue, dans une aca-démie où les rôles de prescripteur et d’opérateur sont relativement bien lisibles. Le

45

Synthèse des ateliers

contrat d’objectifs pour la formation continue entre le rectorat et l’IUFM est prati-quement arrêté mais pas signé. J’assure la coordination du dispositif d’élaboration duplan de formation du second degré et, depuis cette année, du premier degré ainsi quela responsabilité du dispositif de mise en œuvre du plan second degré.

Dispositif de coordination de 1995 à 1998

• Un groupe de pilotage composé des quatre IEN chargés des plans de formation,accompagnés de l’enseignant chargé de la mise en œuvre du plan académique deformation dans chaque département, du coordinateur premier degré et de ses corres-pondants dans chaque département.

Ce groupe est sous la responsabilité d’un inspecteur désigné par le recteur.

• Des réunions de concertation entre le chargé de la coordination et les corres-pondants départementaux pour créer une culture commune d’ingénierie.

Les propositions sont faites par tout le groupe mais les choix sont effectués col-lectivement par les inspecteurs de l’Éducation nationale qui en informent leurs ins-pecteurs d’académie respectifs. Toutes les propositions du groupe de pilotage sontprésentées par le coordonnateur et validées par les quatre inspecteurs d’académie enréunion de direction présidée par le recteur.

Il s’agit d’une organisation à la fois centralisée pour la coordination et décentra-lisée pour la réalisation en fonction des spécificités de chaque département (les cor-respondants départementaux travaillent en relation étroite avec l’IEN chargé duplande formation et l’enseignant qui a en charge sa mise en œuvre).

Les productions du groupe

Des procédures de gestion mutualisées.

Des outils de comparaison des PDF.

Des actions académiques.

Des dispositifs d’analyse des besoins.

• Procédures de gestion mutualisées

Exploration des possibilités du système Gaia.

Harmonisation des procédures pour la liquidation des coûts des formateurs et desfrais de déplacement.

Production de documents de procédure (exemple pour l’engagement et le contrô-le des frais de fonctionnement).

• Outils de comparaison des PDF

Élaboration d’une grille de recueils des données qui a permis de constater les dis-parités entre les départements (codages et objectifs, publics, typologies des actions)mais qui a aussi été facteur d’harmonisation les années suivantes.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

46

Production chaque année d’un document de comparaison de la réalisation desPDF pour fournir des indicateurs aux inspecteurs d’académie.

• Formations concernées

– Actions pour les publics restreints : AIS, accueil des migrants.

– Formation de formateurs : formateurs langues, conseillers pédagogiques et ins-tituteurs maîtres formateurs.

– Formation des IEN.

– Liaisons écoles/collèges.

– Actions pilotées académiquement : langues.

Intérêt de ce dispositif pour la formation continue

• Public restreint : les départements périphériques peuvent ainsi bénéficier deformation pour des catégories peu représentées (ce qui permet la qualité de la for-mation par les intervenants extérieurs mais aussi une ouverture plus large pour lesparticipants par l’échange des pratiques).

NB – Cette coordination n’a jamais empêché le montage d’actions spécifiquespour chaque département ; un département pouvait aussi ne pas envoyer de sta-giaires pour une action, pour privilégier une de ses propres priorités.

• Politique académique « Langues » : harmonisation et coordination des forma-tions par le dispositif de formation pensé au niveau académique et par les contenusharmonisés au cours de regroupement de formateurs ; ce qui ne veut pas dire cen-tralisation des actions à Clermont-Ferrand mais souvent déconcentration plus gran-de (exemple : formation en zones limitrophes).

• Formation de formateurs : pour les instituteurs-maîtres formateurs, elle s’adap-te bien au caractère académique de la formation initiale à l’IUFM (mais il aurait falluune meilleure adéquation aux besoins de l’IUFM et une meilleure articulation avecla formation initiale) ; pour les conseillers pédagogiques, elle donne la possibilité deles informer sur la politique de coordination académique, ce qui facilite l’accompa-gnement de cette coordination.

• Formation des IEN : les regroupements académiques offrent la possibilité d’ac-compagner la coordination par l’apport d’intervenants extérieurs, l’information et lesmoments de concertation.

Problèmes posés

• Les questions financière s : lorsque les crédits étaient délégués au niveau aca-démique, la répartition des coûts s’effectuait au prorata des effectifs de chaquedépartement sur une enveloppe réservée et les remboursements étaient réalisés parle rectorat ; mais avec la départementalisation des crédits, les déplacements desstagiaires qui pèsent plus sur les départements périphériques, ont conduit à mettreen application une péréquation sur les coûts des formateurs difficile à réaliser.

47

Synthèse des ateliers

• Le temps de déplacement des stagiaires des départements périphériques : i lnécessite de soigner la qualité de l’accueil et des intervenants pour ces formations(donc des coûts plus élevés) afin que les stagiaires soient convaincus de leurintérêt par rapport à la culture de l’organisation au niveau du département.

• Les liaisons école-collège : elles sont difficiles à mettre en place en raison descultures différentes (le remplacement des stagiaires, la polyvalence disciplinaire,les modalités de désignation des stagiaires…) ; d’où une réflexion sur l’analyse desbesoins (comment ? qui ?) et sur les modalités de ces formations qui n’a pas pu êtreconduite à son terme.

Analyse des besoins : exemple des conseillers pédagogiques(CP)

• Expression individuelle des attentes à partir d’un questionnaire élaboré par ungroupe d’analyse des besoins mis en place par le groupe de pilotage (un ou deux CPpar département et le chargé de la coordination).

Le questionnaire sur les attentes n’est sans doute pas le meilleur moyen d’inves-tigation pour ce type de formation ; des entretiens ciblés, des enquêtes plus préciseset moins centrées sur les attentes immédiates auraient sans doute été plus eff i c a c e s .

Cependant, ce travail mené à une échelle géographique autre que le départementpermet de dépasser les particularismes liés à la culture de la formation dans chacund’entre eux et de toucher plus facilement aux missions et aux fonctions des personnels.

• Analyse de ces attentes dans le gro u p e : tri, organisation, choix, propositions de« listing ordonné des besoins ».

• Travail du groupe de pilotage pour confronter les attentes aux orientations de lapolitique académique et pour faire des propositions de formations.

• Validation de ces pro p o s i t i o n s en réunion de direction mais recentrage sur l’ac-compagnement de la politique de la circonscription et les projets d’école.

Remarque – Les attentes des conseillers pédagogiques portaient surtout sur lescompétences de formateur (la didactique) et le conseil pédagogique individuel.

Conditions de réussite du dispositif

• Pilotage du recteur en réunion de direction avec les inspecteurs d’académie(donc respect des attributions des inspecteurs d’académie).

• Adhésion des IEN chargés des PDF :

– la volonté et le désir d’élaborer ensemble des projets doivent être forts ;

– un IEN responsable du groupe de pilotage.

• Relais en conseil d’IEN (information sur le travail du groupe ; critères de choixdes candidats aux stages, donc articulation avec la gestion des ressources humaines).

• Perception de l’intérêt du dispositif par chacun des acteurs :

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

48

– produire des outils qui facilitent le travail dans les départements ;

– donner aux inspecteurs d’académie des outils de régulation et de contrôle ;

– garantir aux stagiaires une grande qualité de la formation.

• Positionnement institutionnel clair de chacun des acteurs.

• Concertation et investissement en temps et énergie (ordres du jour préparés enconcertation entre l’IEN responsable du groupe de pilotage et le chargé de coordi-nation ; des comptes rendus de réunions avec relevés de conclusions et propositionsdu groupe…) pour l’efficacité et pour ne pas alourdir les procédures ; prendre dutemps pour « s’apprivoiser » et comprendre la culture de chacun (culture de chaquedépartement ; culture 1er/2nd degrés).

• Relation avec d’autres groupes de pilotage à gére r : groupe AIS, groupelangues.

• Positionnement du chargé de la coordination :

– être le plus clair possible sur son positionnement d’acteur ;

– toujours rester dans un rôle d’organisateur : intervenir uniquement au niveaudes dispositifs.

Pour conclure

De mon point de vue actuel (du côté de l’opérateur qu’est l’IUFM) et dans unepetite académie comme celle de Clermont-Ferrand, la coordination de l’analyse desbesoins au niveau académique (donc un cahier des charges unique qui respecte bienles spécificités de chaque département et garantisse la déconcentration des actions deformation) est une nécessité pour la qualité de la réponse formation de l’IUFM dontl’organisation est académique.

Inventaire et examen des limites qui peuvents’exprimer au regard de cette nouvelle logique

• Pistes exploitées au cours de l’atelier :

– le département, lieu historique de la gestion du corps des enseignants du pre-mier degré ;

– les attributions réglementaires des IA-DSDEN ;

– la question du pilotage global du premier degré ;

– un risque d’éloignement du terrain, de ses préoccupations, de ses attentes ;

– une complexification du dispositif et des procédures ;

– un sentiment possible de dessaisissement de certains acteurs très impliqués pré-cédemment ;

49

Synthèse des ateliers

– une éventualité de prise en compte insuffisante des spécificités territorialesdépartementales ;

– des réponses différentes selon la taille des départements et des académies ;

– une efficacité du schéma antérieur peu évaluée…

Nécessité et intérêt de la nouvelle dimensionacadémique

• Champs explorés au cours de l’atelier :

– la réalité du projet académique ;

– la contractualisation entre les académies et le ministère ;

– la formalisation des relations entre recteur et directeur de l’IUFM et l’élabora-tion du contrat d’objectifs ;

– la plus grande force d’une politique de formation exprimée au niveau acadé-mique ;

– le caractère académique de la formation initiale ;

– le caractère académique de la formation continue des enseignants du seconddegré ;

– la définition d’une méthodologie nécessairement respectée pour l’analyse desbesoins et pour la rédaction d’un cahier des charges unique ;

– une distanciation qui permet une analyse de besoins à partir de références plusdiversifiées et donc une anticipation plus facile ;

– une clarification du rôle de chacun des acteurs ;

– une confrontation féconde des démarches et des méthodes ;

– une meilleure reconnaissance de la nécessité d’une fonction d’ingénierie de laformation antérieurement trop diluée au niveau départemental ;

– une occasion pour la mise en œuvre d’une évaluation plus outillée et plusobjective ;

– une facilité accrue pour des actions interdépartementales ;

– une plus grande richesse géographique et catégorielle du vivier des forma-teurs ;

– un lieu pertinent pour la réalisation d’actions de formation de formateurs ;

– une articulation plus fonctionnelle entre les formations du premier et du seconddegrés ;

– une intégration plus aisée de la dimension universitaire ;

– une individualisation plus commode des parcours de formation ;

– des actions innovantes plus fécondes et plus transférables.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

50

Les accompagnements indispensables pour tirer lemeilleur parti des modifications du dispositif

• Les principales propositions de l’atelier :

– renforcer la communication à toutes les étapes de la procédure ;

– s’assurer d’une bonne lisibilité des plans de formation ;

– intégrer la prise en compte de spécificités territoriales dans le cahier des charg e set vérifier la pertinence des réponses lors de l’examen du plan proposé ;

– exploiter plus systématiquement dans cette optique les quelques « lieux » aca-démiques avec une présence du premier degré :

* le programme de travail académique des corps d’inspection,

* le groupe académique de recherche INRP sur l’école du XXIe siècle

* le conseil scientifique et pédagogique de l’IUFM ;

– mettre en place des structures académiques nouvelles souples pour la partici-pation des acteurs dont l’expression était essentiellement départementale ;

– distinguer clairement les actions conçues et réalisées au niveau académique,celles définies à ce même niveau mais mises en œuvre d’une manière délocalisée etles actions intégralement départementales ;

– reconnaître et valoriser le repositionnement des IEN et des conseillers pédago-giques afin de ne pas susciter des mises en retrait par rapport à la formation continue ;

– réaliser une régulation méthodique du nouveau dispositif pour faire rapidementla démonstration de ses apports et de son efficacité ;

– faire en sorte que l’analyse des besoins exploitée académiquement pour lecahier des charges se double toujours d’une analyse plus fine de proximité en amontdes actions proprement dites ;

– conduire un travail direct avec les enseignants sur l’analyse des besoins conçuecomme partie intégrante de la formation proprement dite.

51

Synthèse des ateliers

Atelier 3 – Comment intégrer dans l’analyse desbesoins les orientations nationales, académiques,départementales et locales ?Animateur : Jean-Pierre Pérol, inspecteur de l’Éducation nationaleassocié à l’IUFM de l’académie deVersaillesPersonnes-ressources : Gilles Pétreault, délégué académique auxformations et à l’innovation auprès du recteur de l’académie deDijon ; Marie-Thérèse Rapiau, ingénieur de recherche, chargée demission pour la formation permanente au département des Sciencesde l’homme et de la société du CNRS

L’objectif de l’atelier était de montrer à partir d’une expérience conduite dans uneacadémie comment les priorités nationales, académiques, départementales, voire locales,étaient prises en compte dès l’analyse des besoins jusqu’à l’élaboration du cahier desc h a rg e s .

Les priorités sont exprimées dans une politique de formation définie par le recteur ettraduite dans un cahier des charges. La reconnaissance de ces priorités par chacun desacteurs sollicités (bénéficiaires, concepteurs, opérateurs…) favorise la conception et lamise en œuvre du plan de formation.

Pour cette partie de l’analyse des besoins, l’objectif consiste à élaborer des référencescommunes quant aux changements à apporter prioritairement. Une telle constructionsuppose une concertation avec les acteurs ; elle ne peut pas se satisfaire d’une juxtapo-sition des demandes (de l’enseignant, de l’inspecteur, de l’inspecteur d’académie…),mais devient efficace au prix d’une « circulation entre les acteurs », facilitant la prise deconscience pour chacune des priorités répondant aux évolutions à apporter.

La constitution des priorités marque une politique de formation. Avec le recueil desattentes des bénéficiaires de la formation, elles permettent d’identifier des besoins pourla formation.

Cadre général : intervention de Gilles Pétreault

Cet atelier s’appuie sur la relation d’une expérience afin d’engager le débat. L’ e x p o s évise d’abord à mieux cerner la place privilégiée des priorités dans un processus d’éla-boration du cahier des charg e s .

Cette intervention reflète le point de vue d’un responsable de service académiquepour la formation continue à un moment où il convenait de mettre en œuvre une nou-velle organisation avec l’IUFM. À cet égard, il s’agissait principalement de :

• Jouer un rôle nouveau, celui du pilotage du plan de formation continue

En se situant du côté des compétences de l’employeur (affectation des moyens,identification des publics et choix des bénéficiaires) qui supposent, dans le cas de figu-re retenu, d’effectuer notamment une analyse de besoins et de produire un cahier desc h a rg e s .

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

52

Ceci demande de fournir des informations pertinentes, cohérentes et opérationnellesà l’établissement de formation qu’est l’IUFM ; il convient alors de parvenir à une lisi-bilité politique et technique : la clarté d’orientations directement reliées à la politiqueéducative est alors essentielle ; il est nécessaire d’adopter de nouvelles méthodes de tra-vail pour favoriser la cohésion des organisations et des acteurs en amont.

• Œuvrer au rapprochement des premier et des second degrés

L’existence de modes d’organisation très différents implique des rôles distinctspour le service : pour le second degré, il s’agit de concevoir et de conduire lesconsultations directement avec les parties intéressées (inspecteurs, chefs d’établis-sement en particulier) ; pour le premier degré, il convient avant tout d’assurer unecoordination entre différentes unités qui disposent chacune de moyens spécifiques(organisation de la gestion des moyens, délégation permanente pour la gestion despersonnels aux IA-DSDEN, instances consultatives départementales).

Les questions à traiter, pour les premier et second degrés, portent autant sur desaspects politiques que méthodologiques.

• Favoriser la mise en œuvre des deux autres objectifs principaux de la réorga-nisation

La présence accrue d’universitaires dans les formations dispensées, tout commele rapprochement entre formation initiale et formation continue relève d’une ingé-nierie pédagogique à mettre en œuvre par l’établissement de formation. En relationavec l’IUFM, certains aspects peuvent être envisagés dès l’élaboration du cahier descharges.

Autour de ces enjeux principaux, il était nécessaire de faire évoluer le service :ceci passait par une clarification des notions et démarches de travail pour parvenir àproduire des documents pertinents, opérationnels, en étroite relation avec la politiqueéducative conduite et tenant compte des attentes des futurs bénéficiaires de la for-mation.

L’analyse des besoins, confusément considérée par l’ensemble des acteurs commeun lieu essentiel de constitution des décisions, devenait alors un point du processusd’élaboration à soigner particulièrement.

Pour assurer la démarche la plus rigoureuse possible, le service a alors fait appelà un spécialiste de l’analyse des besoins, Marie-Thérèse Rapiau, ingénieur derecherche au CNRS.

Notions et démarche :intervention de Marie-Thérèse Rapiau

Pour l’élaboration du plan de formation, notre proposition a été de situer lesétapes du processus de formation, de comprendre le rôle des acteurs et de leurs ser-vices. Avant tout, nous avons écouté sa demande et essayé de comprendre la délimi-tation de la mission de la délégation académique à la formation et à l’innovation.Notre rôle était donc d’écouter, de questionner, de clarifier plus que de proposer une

53

Synthèse des ateliers

manière de « faire ». Pour avancer dans l’harmonisation d’une démarche commune,nous avons apporté les définitions des termes utilisés pour concevoir le cahier descharges en formation.

• Les étapes du processus de formation et les acteurs

En matière d’ingénierie de formation, la mission de la DAFI est de réaliser lecahier des charges en formation. Dans le processus de formation, nous avons déter-miné la place des acteurs (décideurs, experts, bénéficiaires) selon les étapes du pro-cessus de formation. Par exemple, les orientations du plan de formation s’écrivent entenant compte des orientations générales nationales et académiques. Quand il s’agitde déterminer et d’écrire les priorités assignées à la formation, ceci se fait par un tra-vail de consultation des enseignants, des experts – inspecteurs ou décideurs – pourrecenser les demandes et les besoins de formation auprès de l’ensemble des acteurs« d é c i d e u r s » « e x p e r t s » ou « u t i l i s a t e u r s »… pour écrire le cahier de charges servantà l’élaboration du futur plan de formation.

• Attentes, besoins, demandes

Les principales notions concernent les trois termes. Les attentes sont écrites et/ouexprimées par les différents échelons de l’institution éducative. La demande de for-mation est exprimable par l’intéressé, futur bénéficiaire de la formation. Quant auxbesoins de formation, ils ne sont pas exprimés mais résultent de la mesure de l’écartentre une situation actuelle et une situation visée.

On peut signaler que l’essentiel est d’identifier la contribution attendue de la for-mation et de déterminer le genre de la formation (information, connaissances, com-pétences), mais que des solutions doivent être adoptées avant la formation, qu’ellesconcernent l’organisation ou bien l’acquisition de matériel.

• Comment et en quoi la stratégie générale peut-elle orienter le plan ?

Les orientations générales sont fournies par la stratégie et les politiques, quecela soit à l’échelon national et/ou régional pour donner un éclairage, du sens, ou lacontribution générale attendue au plan de formation. De ces orientations se dégagentdes priorités pour le plan de formation qui vont contribuer à faire un lien et une unitéinterdépartementale.

Les résultats attendus dans le premier degré peuvent s’exprimer par « Tous lesélèves doivent réussir » et le plan de formation doit répondre aux principales priori-tés définies :

– Développer les TICE, en prenant en considération pour la formation les attentesde l’institution (plate-forme de compétences et mutualisation, liaison premier etsecond degrés), la demande des futurs bénéficiaires de formation (les enseignants) etles besoins de l’enseignant dans sa pratique en classe et dans l’établissement.

– Accompagner les orientations et les dispositifs nationaux, comme la C h a rte duX X Ie s i è c l e . Les priorités dans le premier degré font que les actions de formation pourles enseignants se centreront autour de six points majeurs comme l’apprentissage dela lecture, les aides pour les élèves en difficulté ou l’intégration scolaire.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

54

En conclusion, la formation est un processus complexe où le rôle des acteurs estprimordial pour la réalisation du cahier des charges et du plan de formation.

Méthodes : intervention de Gilles Pétreault

L’analyse des besoins engage un travail d’ajustement pour tenir compte de l’en-semble des contraintes qui pèse sur la formation : définition des priorités pour le plande formation à venir (au niveau national, académique, départemental) ; recueil desattentes des acteurs en tenant compte de leur position dans l’institution ; identifica-tion des besoins de formation pour assurer une efficacité dans l’évolution du systè-me éducatif.

Au bout du processus, la formalisation dans un cahier des charges permet de pré-senter des choix raisonnés (objectifs de formations complémentaires pour l’ensembledes priorités, personnels bénéficiaires, etc.) en fonction des ressources disponibles.

La constitution des priorités

Le travail sur les priorités consiste à élaborer, à partir des orientations natio-nales, des références communes quant aux changements à apporter prioritairementdans le système éducatif.

L’affirmation de priorités est essentielle pour piloter un plan de formation. Eneffet, les choix annoncés au travers des priorités constituent un ensemble de pointsde référence pour les opérations d’identification des besoins : ils représentent alorsle crible qui permettra d’apprécier les contributions très diverses qui apparaîtront aucours du processus d’élaboration du cahier des charges.

Définir des priorités apporte une mise en perspective essentielle pour le fonc-tionnement du système éducatif et le moment de constitution de ces priorités repré-sente avant tout un acte politique qui implique fortement les responsables du systè-me éducatif. En ce qui concerne le premier degré, au sein de l’institution, cecisuppose en particulier des débats quant aux axes à privilégier entre responsables auxniveaux académique et départemental ; la mise en cohérence s’effectue à deuxniveaux (département et académie) afin d’engager une dynamique de changementqui repose sur l’histoire et le fonctionnement des organisations.

Les débats à conduire permettent une meilleure cohésion entre les acteurs et lesinstitutions impliqués. Dans cette démarche, trois catégories d’actions retiennentparticulièrement l’attention :

– identifier les références pertinentes pour percevoir les évolutions de la politiqueéducative nationale et sa déclinaison au niveau de l’académie (projet académique) ;

– solliciter les apports d’experts venant de différents horizons (en tenant comptede leur position institutionnelle) : pour le premier degré, corps d’inspection, maisaussi responsables thématiques ou toute personne compétente de l’institution ;

55

Synthèse des ateliers

– définir la place des instances consultatives dans le processus : conseil départe-mental de formation, CTPD, conseil consultatif de formation continue (lorsqu’ilexiste) CTPA…

Dans le travail conduit à Dijon sur les priorités, plusieurs aménagements ont étéapportés au texte national, qu’il s’agisse des technologies de l’information et de lacommunication (nouveau point lié à la création de réseaux) ou de l’inscription d’ob-jectifs pour l’accompagnement des carrières.

Le recueil des attentes

(Cf. documents en annexe)

Partir des représentations et de l’expression des acteurs apporte des informa-tions sur leurs préoccupations majeures, sur les perspectives qu’ils envisagent quantà leur métier (changement ou consolidation d’identité), quant aux problèmes qu’ilspensent devoir résoudre en priorité. Ces données permettent d’identifier des possi-bilités d’évolution.

Le point de référence principal est constitué par les référentiels de compétence oula liste des missions des enseignants des premier et second degrés (cf. annexe 1 de lanote de service du 25 n o v e m b re 1994 sur la formation continue des personnelsenseignants des écoles ; circulaire du 23 mai 1997 sur les missions du professeurpour le second degré). Le questionnement des acteurs (questionnaire, entretien,identification des problèmes, etc.) s’appuie sur ce socle et doit être en relation avecles évolutions majeures du système éducatif. Pour l’élaboration du plan 2000-2001dans l’académie, une méthode de recensement de masse a été adoptée ; une telle pro-cédure n’avait que fort peu existé depuis quinze ans dans l’académie et elle permet-tait de marquer la nouvelle place de la formation vis-à-vis de l’ensemble des acteurs.Des enquêtes ont été effectuées auprès de différentes catégories de personnels. Cesquestionnaires coordonnés ont notamment permis de :

– mieux tenir compte de la perception des acteurs pour l’identification desbesoins : ainsi, pour l’individualisation, les attentes des enseignants portent très for-tement sur l’organisation d’une aide personnalisée mais la reconnaissance des dif-ficultés des élèves est très peu mentionnée ; d’éventuelles formations sur l’évaluationrisquent ainsi de ne rencontrer que peu d’échos ;

– souligner des complémentarités entre différentes catégories d’acteurs : dans lesecond degré, le croisement des questionnaires a permis d’identifier des champs depréoccupations très différents quant aux TICE (l’accès aux matériels pour les chefsd’établissement ; l’utilisation en classe et la création de réseaux sont surtout souhai-tées par les inspecteurs et les enseignants). La stratégie de formation a pu être pré-cisée et déclinée à partir de ces éléments (modalités, publics, prérequis).

La méthode du questionnaire apporte un éclairage partiel, fortement dépendantdes représentations de chacun des acteurs, que ce soit vis-à-vis de la formation ou parrapport à son métier et aux difficultés qu’il comporte. D’autres procédures devraient

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

56

être retenues l’an prochain, notamment pour aller plus avant dans les analyses eff e c-tuées par les intéressés et pour mieux cerner les attentes au niveau des unités péda-gogiques.

L’identification des besoins

Cette étape vise à diriger les attentes vers les priorités. Le processus d’élaborationaboutit à la définition des grandes options stratégiques pour le plan de formation.Avec les priorités, ces choix essentiels trouveront leur traduction dans le cahier descharges.

Pour identifier les besoins, le croisement de regards venant d’experts appartenantà différentes catégories de personnels apparaît essentiel : une diversité de compé-tences, prises dans plusieurs configurations (groupes de disciplines, thèmes de tra-vail, bassins ou secteurs), permet de passer au crible de la critique l’organisation duplan de formation (choix et complémentarité des objectifs de formation par rapportaux priorités et aux publics visés), puis, plus l’on s’approche du cahier des charges,d’examiner l’affectation des moyens par objectif (nombre de journées de formationpar rapport aux objectifs, aux publics, avec des zones de recrutement et des modali-tés de candidature définies).

Soulignons, en ce qui concerne en particulier le premier degré, que les concerta-tions réglementaires sont à envisager dans le cadre d’organisations départementaless p é c i f i q u e s : les pratiques privilégient parfois certaines instances consultatives (CDF,CTPD) et l’organisation pédagogique – le plus souvent impliquée dans l’analyse desbesoins – diffère d’un département à l’autre (« groupes départementaux » discipli-naires ou thématiques, « groupes de formateurs », experts ou personnes-ressources,etc.).

Une des tendances fortes dans l’analyse des besoins consiste à affecter desmoyens de formation à des catégories particulières. La formation continue permet, eneffet, à chaque métier d’évoluer (qu’il s’agisse des disciplines dans le second degréou bien, pour le premier degré, de l’image de l’enseignant de maternelle, de CP oude CM 2, de métiers particuliers, notamment pour l’adaptation et l’intégration sco-laires) et les priorités offrent une mise en perspective des différents métiers dansl’évolution du système éducatif. Dans cette phase de l’analyse des besoins, les prio-rités permettent en particulier d’envisager un développement raisonné et coordonnéde certains aspects des métiers de l’Éducation nationale.

L’identification des besoins s’écarte de la création de normes et, si les prioritéspermettent de coordonner des objectifs de formation, les démarches à appliquerdemandent aussi de percevoir et de traiter les situations dans leur diversité. Ilconvient alors de disposer d’analyses suffisamment fines pour identifier des besoinsd’unités pédagogiques spécifiques (école, secteur de collège, réseau d’écoles rurales,éducation prioritaire…) : des dispositifs spécifiques pour l’analyse sont à envisagerdès le départ. Par ailleurs, la coordination dans la démarche doit aussi permettred’identifier des besoins dispersés (publics à faible effectif) ou les dossiers qu’il

57

Synthèse des ateliers

importe de traiter de façon significative dans la politique académique (Charte pourl’école du XXIe siècle, langues vivantes…).

En ce qui concerne globalement l’analyse des besoins, la qualité de la relationavec l’établissement de formation apparaît importante. En effet, pour être efficace, lecahier des charges doit aussi tenir compte des capacités de réponse en termes d’ac-tions de formation : au cas où une évolution des modalités pédagogiques de forma-tion soit à envisager, la réflexion globale conduite par l’IUFM doit être effectuée suf-fisamment en amont, en relation avec l’autorité académique, pour être pleinementintégrée à la démarche.

La formation continue contribue à l’évolution du système éducatif et sa relationavec d’autres aspects de la politique éducative, en particulier avec la démarche deprojet à tous les niveaux, est à rechercher.

DébatAnimation : Jean-Pierre Pérol

Le débat avec les participants a permis d’aborder, notamment, les points sui-v a n t s :

1. La dimension politique de l’analyse des besoins et de la détermination despriorités est bien apparue comme un enjeu, avec des choix qui peuvent être diff é-rents selon les convictions et expériences de chacun et/ou les spécificités acadé-miques identifiées. Ainsi un échange sur la place de « la connaissance du systèmeé d u c a t i f » comparant les données rapportées de l’expérience de Lyon et de Dijon a-t-il éclairé cette dimension politique de priorités définies dans l’analyse des besoins.

2. La présentation a mis en lumière la place donnée aux priorités à tous lesmoments du processus. Ainsi les priorités ont-elles été considérées comme « a x efondateur du plan » .

3. Une interrogation notionnelle visant à distinguer besoins et demandes n’a pasété approfondie, même si ce questionnement s’est retrouvé dans d’autres ateliersdans lesquels furent également convoqués « le désir »ou « les problèmes ». Ce quia semblé important, quel que soit le terme employé, c’est que le recueil des attenteset l’écoute des souhaits, désirs, questions, problèmes, demandes ou besoins soiente ffectifs, intégrés dans une circulation dynamique des idées qui éclaire le sens ducahier des charges et de ses priorités, notamment en montrant comment on passequalitativement d’une expertise pour des personnes à une expertise pour un systè-m e .

4. Des participants au débat ont interrogé la dimension académique de l’analy-se des besoins et du cahier des charges et se sont demandé si c’était le bon choix. Lerisque fut évoqué d’une standardisation académique qui gommerait les particulari-tés départementales avec leurs besoins propres. À l’inverse, on a évoqué l’artifi-cialité de plans académiques qui seraient la simple juxtaposition de plans départe-

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

58

mentaux. Il est souligné en réponse que la dimension académique n’interdit pas lasouplesse de la prise en compte de la dimension départementale et l’intègre commeune donnée.

5. Les « m a c h i n e r i e s », « usines à gaz », « dispositifs lourds et coûteux » que sontpour certains ces phases préliminaires de recueil et d’analyse apportent-ils réellementun plus évaluable, une différence notable quand sortent les plans de formation ? Àcette approche pessimiste, il est répondu qu’évidemment la nouveauté du processusinterdit actuellement de pouvoir faire ce bilan mais que, d’une part, on a jusqu’alorsbien peu d’évaluation réelle des plans de formation et que, d’autre part, on prend lepari que la concertation de tous les acteurs doit favoriser l’efficacité du plan.

6. L’opportunité d’une réflexion sur les priorités et l’analyse des besoins est-ellebien justifiée, dans la mesure où les IUFM ne seraient pas toujours en mesure d’yr é p o n d r e ? Cette question conduit à évoquer la nécessité d’ajustements (formation deformateurs, notamment des nouveaux universitaires, formation dans les instituts à larecherche de ressources, fussent-elles externes à l’IUFM).

Conclusion

Les priorités traduisent une politique affichée, identifiée, reconnue de tous etvisant à répondre aux besoins et à anticiper sur les évolutions du système.

Les priorités, même dans un cadre académique, laissent toute leur place aux spé-cificités locales et départementales.

La circulation des idées entre tous les partenaires impliqués, dès l’analyse desbesoins, dans des moments de consultation et de concertation favorise la cohérencede la formation.

La clarification des rôles de chaque acteur, du maître d’ouvrage au maîtred’œuvre, permet à chacun de participer à toutes les étapes, dans son rôle identifié, età penser aux ajustements nécessaires (par exemple la prise en compte des spécifici-tés départementales ou, pour l’IUFM, l’adaptation des formations et des formateursaux besoins exprimés).

59

Synthèse des ateliers

Atelier 4 – Quelles évaluations produire pour alimenterl’analyse des besoins ?Personne-ressources : Bernard Maccario, IA-DSDEN de l’EssonneAnimateur : Éric Weil, IEN à Élancourt

Objectif

Proposer des procédures, des outils, des références pour rendre l’évaluation d’uneaction de formation utile à l’analyse des besoins.

Démarche

Prendre en compte les démarches académiques et départementales actuellescomme exemples, échanger sur des démarches identifiées replacées dans leur contex-te, en construire d’autres.

Problématique

Comment passer de l’évaluation d’une action de formation à une analyse desbesoins renouvelée ? Comment faire pour que l’enseignant donne non seulement dusens à la formation suivie, la convertisse en actes innovants dans la classe, profitableset utiles pour ses élèves, mais encore en fasse un levier pour une analyse régénérée desa pratique pédagogique et, dans la suite, de ses besoins en formation ? Quelle(s) pro-cédure(s) mettre en place ? Peut-on imaginer les éléments d’un cercle « v e r t u e u x » ?

On se centrera plus sur l’enseignant que sur le dispositif global de formation, engardant présente en mémoire l’idée que l’addition des évaluations individuelles nepeut pas résumer l’évaluation globale du dispositif : il convient de prendre en comp-te la « valeur ajoutée » de l’enseignant formé, de retour dans sa classe, dans son école.

Axes pour la réflexion

• Quels outils et procédures actuels rendent compte de l’évaluation des actions deformation ? de la pratique des maîtres de retour dans leur classe ?

• Quelle prise en compte pour l’élaboration du nouveau plan ? Quelle place ytrouve l’analyse des besoins des stagiaires récemment formés ? en cours de forma-tion ?

• En quoi l’analyse des besoins peut-elle être modifiée, affinée par la productiond’outils d’évaluation adaptés ? Quelles incidences sur les pratiques professionnelles ?

Synthèse de l’atelier

Quelques axes peuvent servir de cadre pour une synthèse possible de cet atelierau cours duquel la moitié des participants ont pris la parole pour témoigner ou pro-poser :

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

60

1. Le « retour » sur investissement

• Envisager une plus-value statutaire pour le stagiaire à partir des acquis de la for-mation suivie.

• Envisager des articulations significativement améliorées dans les relations entreles IA-DSDEN et les IUFM (formation), dans les relations avec les collectivitéslocales (formation/équipements).

• Obtenir des résultats significatifs vers la réussite scolaire et les objectifs nationaux.

2. Les référents

• Le référent des professeurs des écoles.

• Le référent, à définir en commun, entre IA-DSDEN et IUFM aux plans acadé-mique et local, passant par exemple par la définition triennale du cahier des charg e s ,associant décideurs et évaluateurs.

• La définition de territoires communs entre le réseau de formateurs et les corpsd’inspection.

3. Des outils évoqués

• Quantitatif

Les résultats des évaluations

Le logiciel Gaia

Le capital formation de chaque stagiaire

Un observatoire de la formation des maîtres

Une carte des formations par établissement

Les rapports d’inspection

Les productions des stagiaires

Les équipes de suivi

• Qualitatif

Les témoignages directs

La mutualisation des actions

Le rôle des directeurs d’école

L’importance de la circonscription (territoire de base du dispositif)

4. L’amélioration du dispositif

• Appliquer le principe de subsidiarité : que chaque niveau ne prenne en chargeque ce qui ne peut pas être mis en œuvre de manière plus efficiente par un autre.

• Varier les réponses de formation (lieux, ressources, modalités, etc.).

• Repenser les modalités des départs en stage, passant notamment par une « pro-

61

Synthèse des ateliers

fessionnalisation » de l’analyse des besoins pour les enseignants, pour qu’ils s’ap-proprient procédure et concept.

• Professionnaliser le suivi des stages.

Atelier 5 – Par quelle procédure passer de l’analysede besoins au cahier des charges ?Personne-ressources : Jacky Raymond, responsable académique dela formation continue des enseignants (académie de Poitiers)A n i m a t e u r : Yves Cristofari, IEN adjoint à l’inspectrice d’académie de laVi e n n e

Intervention de Jacky Raymond

Le cahier des charges,outil de la commande du maître d’ouvrage

De nouvelles relations entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre

Le concept de cahiers des charges résulte de la distinction entre le maître d’ou-vrage (le recteur) responsable de la politique académique, dont la formation consti-tue l’un des leviers majeurs, et le maître d’œuvre (l’IUFM), responsable privilégié dela programmation et de la mise en œuvre de l’offre de formation, conformément à lacommande passée.

De la qualité de cette commande, à double dimension axiologique et stratégique(axe du politique) dépend très largement la qualité de la réponse de l’IUFM, à doubledimension conceptrice et logistique (axe du programmatique).

Ces relations nouvelles entre maître d’ouvrage et maître d’œuvre sont finaliséesdans les contrats d’objectifs pour la formation continue. Celui de l’académie dePoitiers a été signé en octobre 1999 pour la période 1999-2004.

Des principes majeurs qui fondent le cahier des charges,cadre de référence du plan de formation

• Globalité : la politique de formation, qu’actualise le cahier des charges, doit êtreen cohérence avec la démarche du projet mise en place dans l’académie et se fonderà la fois sur le projet de l’académie et les projets des unités d’enseignement et de for-mation que sont les écoles et les établissements.

• Pluriannualité : si les programmes d’actions sont annuels, le plan de formations’inscrit dans la durée, sous réserve de ses nécessaires ajustements, donc dans untemps identique à celui du projet académique.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

62

• Unicité : le plan académique intègre les formations des personnels des premieret des second degrés et doit en particulier favoriser la continuité des enseignementset des pratiques pédagogiques.

• Contractualisation : le dispositif relève, comme souligné, d’une démarche nou-velle entre le politique et le concepteur, d’une dimension partenariale privilégiée.

• Pro f e s s i o n n a l i s a t i o n : bien que la professionnalisation ne se réduise pas à la for-mation, celle-ci offre aux personnels des opportunités fortes pour approfondir leurscompétences, en acquérir de nouvelles, mobiliser et combiner des ressources en vued’accentuer l’efficacité des pratiques professionnelles (ancrage sur les textes du 8décembre 1994 et du 29 mai 1997 relatifs aux compétences et capacités caractéris-tiques d’un professeur des écoles, aux missions et compétences des professeurs).

• Pro f e s s i o n n a l i t é : il est indispensable, pour répondre toujours mieux aux besoinsdes personnels et accompagner, voire anticiper, les évolutions du système éducatif,d’une part, de distinguer clairement la commande du programme d’actions, d’autrepart, d’adapter, pour la réalisation du cahier des charges, une démarche de projet fon-dée à l’initiale sur l’élucidation des ambitions et des besoins.

• Évaluation : comme toutes les politiques publiques, la formation continue despersonnels doit faire l’objet d’une évaluation quant à ses effets sur les pratiques pro-fessionnelles, sur les résultats obtenus, sur le fonctionnement des unités d’enseigne-ment, sur les évolutions du système éducatif.

Un cahier des charges élaboré selon une démarche participativeet concertée

Une élaboration qui se fonde sur une analyse des besoins et unrecueil d’avis

La première phase de préparation du plan académique de formation s’est subdi-visée en deux étapes au cours du mois de novembre 1999 :

• recensement par voie informatique (Internet) des besoins et des attentes formu-lés par les personnels des premier et second degrés, recueil des expertises et avis descorps d’inspection, chargés de mission et responsables de l’IUFM ;

• synthèse des matériaux collectés par le service académique de la formationcontinue des enseignants.

Une élaboration qui prend appui sur la production de groupes de tra-vailspécifiques et mixtes (premier et second degrés)

La deuxième phase du processus d’élaboration du cahier des charges a consisté,au cours d’une journée académique réunissant plusieurs groupes d’analyse et deproduction, à s’approprier les résultats des différentes enquêtes, à les croiser avecd’autres données (priorités nationales, projet académique, orientations pluriannuellesde formation…) afin que soient arrêtées les logiques de formation, que soient décli-

63

Synthèse des ateliers

nés les principaux axes et modalités de formation.

Cette journée comportait les séquences suivantes :

• Introduction du recteur sur les enjeux du plan académique de formation : prio-rités nationales et orientations académiques.

• Intervention du conseiller technique : démarche retenue pour la construction duplan, synthèse des besoins et demandes, consignes de travail.

• Travaux de groupes : deux groupes premier degré composés de cinq collèges(inspecteurs, représentants des personnels, formateurs IUFM, chargés de mission,personnels de direction en collège) et deux groupes second degré composés selon lamême logique, en vue de dégager, sur la base des documents fournis, les axes, objec-tifs et modalités du plan de formation.

• Travaux de groupes interdegrés sur la formulation des éléments communs et deséléments spécifiques à chaque niveau d’enseignement.

• Restitution en séance plénière, échanges et clôture des travaux.

Le choix de plusieurs groupes de travail spécifiques et mixtes a permis de croi-ser les points de vue, pour chaque niveau, entre les niveaux d’intervention et de créerune dynamique, même si le temps imparti à ce travail de conception a été unanime-ment jugé trop bref.

À l’issue de cette journée, le service académique de la formation continue et plu-sieurs responsables de l’équipe de direction de l’IUFM ont traité les propositions for-mulées et construit un avant-projet de cahier des charges pour examen et amende-ment par le groupe académique de pilotage de la formation continue.

Une élaboration affinée par le groupe académique de pilotage de laformation continue

Dans une troisième phase, en décembre 1999, le recteur a réuni ce groupe (dontla plupart des membres a participé aux travaux de la journée académique) pour étu-dier la cohérence des propositions formulées, au regard des orientations nationales etdu projet académique, et pour proposer une répartition du volume des journées-sta-giaires par modalités de formation.

L’économie du cahier des charges ayant été validée, l’examen a porté sur chacu-ne des rubriques suivantes :

– La formation continue au service de la politique éducative ;

– Le calendrier des opérations ;

– Un plan de formation fondé sur l’analyse des besoins ;

– Les axes et objectifs de formation 2000-2004 ;

– Les missions et compétences des professeurs ;

– Le croisement des compétences et des objectifs de formation ;

– La mise en œuvre de la formation continue ;

– Le dispositif d’évaluation ;

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

64

Le service de la formation continue des enseignants et la direction de l’IUFM ontensuite mis au point, avant les congés de Noël, le projet de cahier des charges, en vuede la consultation du comité technique paritaire académique.

Une élaboration parachevée par les échanges en CTPA

La politique de formation continue des personnels enseignants, d’éducation etd’orientation, ainsi que le cahier des charges qui la formalise, ont été présentés enCTPA le 21 janvier 2000. Le projet de cahier des charges, adopté dans son architec-ture et ses principaux contenus, a fait l’objet de quelques amendements et le recteurs’est engagé à compléter la dernière rubrique relative à l’évaluation pour la réunionde juin 2000 du CTPA (mise en place d’un groupe académique ad hoc).

La version définitive du cahier des charges a été remise par le recteur au directeurde l’IUFM le 26 janvier 2000.

Points de discussion abordés après l’intervention1. Une procédure concertée et participative

• Place du département/place de l’académie/place de l’IUFM.

• Répartition des compétences respectives des différents acteurs :

– dans le recensement de besoins ;

– dans l’analyse de besoins ;

– dans l’élaboration du cahier des charges ;

– dans l’élaboration du plan de formation ;

• Création d’outils facilitateurs d’une élaboration concertée.

• Émergence d’une notion de responsabilité partagée.

• Place respective des CTPD/CTPA.

• Rôle des conseils départementaux de formation dans l’élaboration des actionsd’initiative départementale.

2. Quel degré de précision pour le cahier des charges ?

La pluriannualité du cahier des charges facilite un plan de formation pluriannuel.

Présentation des besoins et des outils dans le cahier des charges.

Intérêt de la comparaison des cahiers des charges des académies (premier etsecond degrés, conjoints ou non, etc.).

3. Un plan de formation pluriannuel

Ce n’est pas un programme annuel d’actions de formation (régler la question desnouvelles priorités).

65

Synthèse des ateliers

Le plan de formation pluriannuel relève du groupe académique de pilotage.

C’est un outil pour préparer la formation de formateurs, assurer la dimension uni-versitaire et préparer l’évaluation.

Il intègre la diversité des modalités d’action de formation (y compris hors tempsscolaire).

La notion de responsabilité partagée est réaffirmée.

4. Transversalité dans la procédure

Réflexions interdegrés ou intercycles nécessaires pour une émergence des besoinset un cahier des charges académique.

Reconnaissance des « champs d’intersection », approfondissement sur leur défi-nition et sur les besoins qui en découlent.

5. Temporalité : les articulations des différentes actions de forma-tion/animation

L’articulation formation initiale/formation continue.

L’articulation animation pédagogique en circonscription/formation continue(place et rôle du projet d’école dans la définition des besoins).

Conclusion des ateliers :Germaine Simoni

Les nombreux débats suscités au sein des ateliers complémentaires de ce matin,qui envisageaient chacun un aspect spécifique de l’analyse des besoins, ont réponduà notre interrogation de façon formelle : la question est de nature politique.

Ils appellent l’attention sur les craintes que suscitent les évolutions engagées etlaissent penser que ce n’est que par un travail constant d’explicitation mutuelle et deconstruction d’outils communs que le nouveau dispositif de formation pourra s’an-crer dans les pratiques.

Enfin, les ateliers ont mis en évidence la nécessité de maintenir le dialogue entretous les acteurs de la formation ici présents, même si, comme tous les dialogues, ilsuscite bien des incompréhensions. L’échange doit être maintenu pour que s’ajustel’utilisation d’un certain nombre de concepts fondamentaux qui constituent les réfé-rents incontournables de la formation continue. Nous serions en effet contraints, enl’absence de ce dialogue, de repartir chaque fois de zéro. Des situations pourraientégalement se crisper sans raisons. Rappelons simplement que l’enjeu est celui del’accompagnement de l’évolution du métier d’enseignant, face à des publics dontnous ne pouvons pas ignorer les propres évolutions.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

66

67

Apport théorique sur la notion de besoins de formation

Après avoir principalement évoqué les besoins ressentis par rapport aux forma-tions existantes, il me semble important de nous intéresser maintenant à la formationen centrant notre propos sur le public auquel elle est destinée : les élèves. Je m’atta-cherai à traiter cette question sur le plan de l’éducation, puis sur celui de l’instruction.

La notion d’éducation dans la formation des élèves

Former des maîtres suppose de former des adultes qui ont en charge la formationd’enfants. Cela implique que nous sachions ce que nous voulons pour ces enfants.Nous devons donc déterminer de quelles qualités et de quelles aptitudes nous sou-haitons les voir se doter.

Il me semble en particulier insuffisant d’énoncer prudemment que les jeunes,quelle que soit leur origine sociale, doivent acquérir une culture générale et une qua-lification reconnue, comme l’édicte la loi d’orientation de l’Éducation de juillet1989. Il faut encore définir ce que nous entendons par ces notions de culture géné-rale et de qualification.

Culture générale et qualification

On peut considérer que la culture générale porte sur différents domaines et consti-tue un ensemble de connaissances qui vise à édifier un patrimoine de références com-munes. Mais on peut aussi montrer davantage d’ambition, en estimant que la culturegénérale doit, au-delà de la connaissance, permettre au jeune de comprendre, maisaussi de juger le monde qui l’entoure, et peut-être plus encore d’y participer.

Mesurons-nous la qualification reconnue au diplôme qui la sanctionne ou à l’in-cidence réelle de la formation sur l’emploi, voire au rayonnement des individusdans les emplois qu’ils occupent dans la société ? Le diplôme et l’emploi ne vont, ene ffet, pas toujours de pair. Comme le souligne le rapport Jacky Simon de 1997, il arri-ve que les diplômes préparés par nos élèves ne soient pas toujours très en adéquationavec les offres d’emploi. Or le divorce occasionnel entre la formation scolaire et lesexigences du monde professionnel peut entraîner des difficultés : dans les filières

Apport théorique sur la notionde besoins de formation

Sylvie PouillouxUniversitaire, professeur à l’IUFM de l’académie de Créteil

68

professionnelles, d’une part, où l’absentéisme constitue une préoccupation de pre-mier plan pour l’institution ; mais aussi dans les filières générales, d’autre part, carle divorce entre le monde professionnel et le monde scolaire propose une image del’école qui n’est ni positive ni très moderne. Cependant, réduire les contradictionsentre la formation scolaire, la vie citoyenne et le monde professionnel ne va pas tou-jours de soi. Je voudrais en livrer quelques exemples.

Les entreprises demandent souvent aux jeunes de développer une forte comba-tivité, tout en étant capables de faire preuve d’esprit d’équipe en démontrant descompétences collectives. Les enfants doivent également pouvoir bénéficier d’unenseignement théorique qui leur permette d’initier une pratique au lieu de l’inhiber.Ils doivent aussi posséder une culture générale, non pas pour s’attarder sur le passéde façon nostalgique mais pour mieux penser le présent.

Déterminer des choix de formation, comme le disait à l’instant Germaine Simoni,renvoie donc à des choix politiques, au sens large du terme, qui reposent autant surune philosophie de l’éducation que sur des politiques éducatives. Ce constat suppo-se que nous soyons en mesure d’expliquer ces choix aux enfants, plutôt que de lesleur imposer, de manière hiérarchique, sans concertation.

Apprendre à vivre ensemble

Les enfants doivent apprendre à vivre ensemble, c’est-à-dire à s’écouter, à s’ex-primer, à découvrir autrui de façon constructive. Ils doivent également apprendre àconstruire des alliances, des amitiés ou des solidarités. Ils doivent donc, en un mot,s’approprier le concept de classe. Cette ambition n’est pas sans incidence sur le rap-port des élèves au savoir, si l’on considère que le savoir accorde une très large placeaux rapports de l’homme avec autrui.

Or, dans de nombreux établissements, les enseignants témoignent de la difficul-té qu’ils éprouvent à faire acquérir aux enfants ce sens de la collectivité. Une largepartie de la formation pourrait donc être orientée vers une réflexion sur les conditionsnécessaires aux enfants pour voir naître chez eux le sens de la collectivité. Cettedémarche porterait, notamment, sur les interdits qui structurent ces facultés rela-tionnelles et sur la manière dont ils doivent être imposés. Cependant, certains inter-dits, à la différence d’autres, structurent le psychisme. Ainsi Pierre Manela distinguedeux sortes d’éducation : l’éducation de type injonctif, d’une part, qui s’impose àl’enfant par le principe de l’autorité ; l’éducation de type narratif ou explicatif,d’autre part, qui raconte à l’enfant l’ordre du monde. Rousseau, quant à lui, ajoute-rait, comme on peut l’imaginer en relisant la Lettre à l’Émile, que la meilleure édu-cation est celle qui initie l’enfant à la compréhension de la nécessité. En effet, placerl’enfant devant la nécessité interdit de fait, pour Rousseau, tout caprice de la part del’enfant ; celui-ci n’en fera, en revanche, qu’à sa tête, si on lui donne l’impressionqu’il doit nous obéir car nous l’avons décidé. L’interdit structurant est donc celui quiplace l’enfant devant le réel, tel qu’il le concerne de près : un réel immédiat, et nonun réel futur auquel il n’entend rien.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

69

Apport théorique sur la notion de besoins de formation

Cette initiation peut être conduite à travers deux types d’actions : d’une part, off r i rà l’enfant la possibilité de mener une action qui lui tient à cœur ; d’autre part, encou-rager ou susciter la volonté de l’enfant d’appartenir à un groupe. Dans le premier cas,l’objectif consiste à développer la puissance de l’enfant par la connaissance qu’on luipropose, en accord avec la définition que donne Aristote de la connaissance : celle-ci peut être considérée, pour lui, comme l’accroissement d’une puissance. Dans lesecond cas, l’action vise à amener l’enfant à trouver au sein du groupe une valorisa-tion narcissique telle qu’il en devienne dépendant et qu’il soit conscient de cettedépendance. Il doit donc éprouver le sentiment que sa reconnaissance passe par lesa u t r e s ; il acceptera alors les limites que lui impose le groupe, comme le décrivent lespsychologues américains. Ceux-ci s’inspirent notamment, en cela, de Montessori.

La nécessité de fournir à l’enfant des repères, donc des interdits, est aujourd’huireconnue et largement entendue dans les classes comme dans le discours des hommeset des femmes politiques. Mais l’on oublie souvent que pour accepter ces interdits, ilfaut avoir quelque chose à perdre : la fermeté ou la sévérité ne peut probablement rienproduire sans générosité et sans amour préalable, et inversement. Ainsi un enfantextrêmement valorisé, contrairement à ce que pensent, malheureusement, certainsadultes (parfois même de jeunes adultes), ne doit pas être considéré comme un enfantgâté. Cet enfant a simplement quelque chose à perdre, de sorte que la fermeté produiragénéralement ses effets. Or il me semble que cette valorisation narcissique de l’enfantpourrait être bien plus importante, au sein de notre école, qu’elle ne l’est aujourd’hui.

Reconnaître le droit de l’enfant

L’éducation de l’enfant à la citoyenneté, de même que sa sociabilité, demeureindissociable de son rapport au savoir, prend naissance dans ce qu’il reçoit. Parconséquent, comme l’indiquait Claude Bartolone, ministre de la Ville, ce que l’enfantse trouve à même de donner réside précisément dans la reconnaissance de sa paroleet de ses droits. Le juge Vogelweit, actuellement président du syndicat des magistratsd’enfants, intervenait récemment dans un module que j’anime à l’IUFM de l’acadé-mie de Créteil, consacré à l’enseignement en banlieue sensible. Il rappelait, lors decette intervention, qu’il est plus important, pour favoriser la paix sociale, de recon-naître un droit que d’imposer un devoir. Ce module s’est donc révélé fort intéressant :les enseignants, surpris de la teneur de cette intervention, attendaient en effet un dis-cours à l’accent plus sécuritaire. Le juge Vogelweit a préféré nous rappeler que laformation à la citoyenneté passe par la reconnaissance du droit plutôt que par l’im-position de devoir, surtout quand les droits de la personne ne sont pas reconnus.

Reconnaître et faire respecter les droits de l’enfant lui permettent donc de seconstruire, en tant que citoyen futur. Cette construction de soi constitue la premièreétape de la construction du savoir, lequel, dans un rapport dialectique, entraîne denouveaux changements de la personnalité.

70

Connaissances et mobilisation des connaissances

Du point de vue des connaissances, on peut observer que la formation est souventbasée sur un constat. Celui-ci consiste à reconnaître qu’il existe un écart importantentre la maîtrise d’une connaissance par les élèves, que l’on peut mesurer à traversla restitution qu’ils en proposent lors des contrôles, et la capacité de ces mêmesenfants à utiliser ces connaissances pour résoudre des problèmes nouveaux et inédits.Cette constatation apparaît de manière récurrente dans les recherches didactiques. Jevous renvoie sur ce point à l’article de Roland Charnay, « Quelques repères pourl’enseignement des mathématiques à l’école », dans Perspectives documentaires ené d u c a t i o n , no 46-47, 1999. L’auteur y explique notamment que les enseignantsdemeurent convaincus que le critère d’un apprentissage réside moins dans la resti-tution des connaissances que dans la capacité à les mobiliser en dehors de leurcontexte d’acquisition.

Pourtant, ces enseignants se disent souvent désorientés en raison du fait qu’ils nesavent pas faire acquérir cette dimension novatrice et créative. Ainsi certains ensei-gnants déplorent le manque d’autonomie des enfants. Une collègue enseignante medécrivait, par exemple, que certains élèves manquent parfois d’autonomie au point dedemander l’autorisation, à la fin d’une page écrite, de passer à la page suivante. Orles enseignants reconnaissent le fait que la confiance en soi, l’esprit de décision etl’existence d’une image narcissique solide orientent favorablement le rapport à laconnaissance. Mais ils se déclarent insuffisamment formés pour restaurer l’imagenarcissique des enfants lorsque celle-ci est détériorée. Il me semble que ce constatpeut contribuer à indiquer les orientations que peut prendre la formation.

Limites de l’approche psychologique

Comprendre la psychologie de l’enfant et, plus encore, l’aider à retrouver uneparole, peuvent certainement faire partie de la formation des maîtres. Cependant,l’approche psychologique, tant qu’elle demeure une connaissance ou un savoir, nesuffit pas : il faut encore que notre enseignement contribue à développer la créativi-té de l’élève. Souvent, on devient enseignant parce que l’on souhaite transmettre etil s’avère très difficile de laisser la parole aux enfants.

Moins de formalisme

La pratique des observations de classe nous amène aussi à constater que notreenseignement pêche souvent par la trop grande attention qui est portée à la forme. Ilfait appel à la mémoire des enfants et à leur capacité à utiliser le vocabulaire adéquatdans chaque discipline, plutôt qu’à leur compréhension profonde des problèmes. Enfrançais, par exemple, on insiste bien plus souvent sur la terminologie d’une notionque sur la notion elle-même et l’idée qu’elle traduit. Or les enfants n’éprouventaucune difficulté à retenir les mots appropriés. Mais, comme le notait Rousseau, l’ap-

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

71

Apport théorique sur la notion de besoins de formation

parente facilité d’apprendre des enfants constitue précisément la preuve qu’ils n’ap-prennent rien. Rousseau explique ainsi que les enfants retiennent les mots et les res-tituent sans difficulté. Mais ils les oublient tout aussi vite, car ils n’en comprennentpas la nécessité. Cela peut faire illusion un moment. Mais, comme le souligne notreauteur avec bonheur : « Connaître une science, ce n’est pas simplement en connaîtreles termes. » Nous devons donc nous défaire de l’impression selon laquelle nousconnaissons une chose dès que nous savons la nommer. Cette observation pourraitégalement constituer un axe de réflexion, quant aux besoins de formation des ensei-gnants du premier degré.

Pour connaître une science, l’enfant doit d’abord passer par des tâtonnements, desapproximations et des comparaisons maladroites qui lui permettent, même de façonimprécise, de se représenter les choses. Il se trouve que notre enseignement fournità l’enfant beaucoup de règles et d’outils. Mais il ne lui laisse pas toujours le tempsnécessaire pour raisonner à partir de ses propres expériences. Or donner des lois troptôt revient à encourager l’application et la docilité, au détriment de la créativité.Ainsi, en mathématiques, de nombreux didacticiens reconnaissent que les compé-tences techniques (lire, écrire et réciter les nombres) ne suffisent pas : dès l’école élé-mentaire, l’enfant doit commencer à répondre à la question de l’utilité des nombres.La compréhension de l’utilité et la possibilité d’entrevoir la nécessité évoquée parRousseau constituent donc un aspect crucial des apprentissages.

Pour montrer l’utilité des nombres, il est possible, par exemple, d’expliquer quela mémoire des quantités permet de vérifier que l’enfant possède autant d’objetsaujourd’hui qu’hier. Il peut donc anticiper une augmentation ou une diminution deces quantités : l’enfant touche alors du doigt un des grands problèmes que s’estposé, de tout temps, l’humanité. Cependant, un élève peut apprendre que des mar-chands ou d’autres professionnels ont à calculer leur patrimoine. Il peut aussi resti-tuer cette connaissance à l’occasion d’un contrôle. Mais il ne parviendra pas, pourautant, à comprendre cette utilité en relation avec sa propre existence. Là réside l’unedes complexités majeures du rapport au savoir : ce que nous désignons par le termeconnaissance ne suffit pas à constituer un s a v o i r. Encore faut-il passer par soi-mêmepour comprendre. En conservant l’exemple de départ, l’enseignant doit donc s’ef-forcer de conduire les élèves à se demander pourquoi chacun d’eux, dans son indi-vidualité, peut être amené à anticiper une diminution d’objets ou d’argent de poche.Les élèves doivent également apprendre à préserver le calme nécessaire à cetteaction, bien qu’elle soit génératrice d’angoisse. Ainsi le concept polysémique de divi-sion constitue un facteur d’angoisse, dans la mesure où il porte en lui la notion deconflit entre ennemis, mais aussi la division du corps. Ces questions renvoient doncl’enfant à des interrogations complexes et intimement conflictuelles.

Apprendre aux élèves à apprivoiser leurs émotions

Je veux souligner par là que le savoir lui-même est toujours une source d’an-goisse. L’agressivité que l’on peut constater, chez certains enfants, à l’occasion de

72

nouveaux apprentissages, trouve en cela l’une de ses principales causes. La notion deproportion, pour citer un autre exemple, conduit à la comparaison des tailles et desavoirs. Elle porte donc en elle le constat de l’inégalité et les interrogations sur l’in-justice qui en sont le corollaire. La démonstration demande, dans son premier prin-cipe, que l’on renonce à être en contradiction avec soi-même. Pourtant, combiend’enfants, dans leur vie affective, dépendent de l’humeur changeante des adultes ?Combien d’entre eux ne sont-ils pas exposés à la naïve mauvaise foi, voire au men-songe, de leurs aînés ? Combien peuvent constater chaque jour, en regardant la télé-vision, que la tyrannie, l’abus de pouvoir et le rapport de force ont précisément pourprincipe de ne pas s’embarrasser de contradictions ? Pour comprendre la nécessitéd’une démonstration, les enfants doivent donc accepter le constat selon lequel la vieaffective n’est pas toujours fiable. Ils doivent aussi se rendre compte que la rationa-lité n’appartient pas au même domaine que l’émotion.

L’enfant doit donc comprendre le monde par rapport à lui, et pour cela se poseren tant que sujet. Cela lui demande aussi de juger le monde, avec une difficultémajeure : le jugement qu’il va porter peut heurter les personnes qui lui sont les pluschères. Juger le monde implique, en effet, de juger ses parents ou ses maîtres. Cettedifficulté prend des proportions très importantes pour des enfants dont la culture esten opposition radicale avec celle de l’école.

Le savoir fait donc toujours violence, parce qu’il consiste en un dévoilementd’une part de vérité. Une formation adéquate doit donc permettre de comprendre cephénomène, afin d’accompagner l’enfant dans la découverte de ce savoir, malgrél’angoisse et la violence qu’il génère. Or notre école a choisi d’ignorer cette angois-se. Pour éviter de l’affronter, l’école invite les élèves à apprendre plutôt qu’à com-prendre. Ainsi, dans les textes de référence, l’accent est très souvent mis sur lesapprentissages. Si cette intention est évidemment louable, elle ne peut pas, cepen-dant, éviter aux élèves de connaître l’angoisse : celle-ci peut être canalisée, appri-voisée, voire dépassée, mais non évitée. Freud définissait, à cet égard, l’intelligencecomme la capacité à accueillir l’angoisse. Par conséquent, l’enfant entre véritable-ment dans le savoir par le rapport à lui-même, à son histoire personnelle et comptetenu de ses revendications, conscientes ou inconscientes.

L’enseignement ne peut donc raisonnablement, par commodité, faire taire lacuriosité pluridisciplinaire que suscite une notion. De même, il ne doit pas, pour sefaire entendre, se contenter de faire appel à un concret d’apparat qui, comme le sou-ligne Stella Baruk dans ses écrits, ne parle qu’à des adultes. Un tel enseignement, eneffet, en aplanissant systématiquement les conflits d’interprétation qui forment letissu du savoir, ne peut s’adresser qu’à la mémoire des enfants. Pour que ceux-cimobilisent des connaissances en dehors de leur contexte d’apprentissage, ils doiventtrouver un motif suffisamment satisfaisant, dans le cadre d’un accompagnementserein et sécurisant, pour surmonter leurs résistances. L’accompagnement des enfantsdoit donc avoir pour objectif de leur permettre de surmonter ces résistances, qui fontpartie intégrante du rapport au savoir ou, du moins, de parvenir à prendre position parrapport à elles. Ce savoir-faire doit donc constituer l’un des volets de la formation.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

73

Apport théorique sur la notion de besoins de formation

Conclusion

Plus largement, la détermination des besoins de formation demande d’interrogerl’état d’esprit qui préside, encore aujourd’hui, à la transmission du savoir en France,sans craindre de pointer le danger récurrent d’un certain dogmatisme. Nous devonségalement exercer notre vigilance pour ne pas favoriser l’abandon à la machine, quel’on constate parfois, face aux technologies informatiques. L’abandon à la machine,d’une part, ou l’exposé de savoir-faire péremptoires, d’autre part, conduisent ene ffet tous deux à la passivité, de façon très préjudiciable au développement de la pen-sée. Prenons garde, cependant, de ne pas nous contenter d’indiquer à des maîtres delaisser l’initiative à l’enfant. Encore semble-t-il nécessaire qu’eux-mêmes, en tantqu’étudiants ou stagiaires, aient bénéficié du même droit à la parole et à l’expression,voire à l’opposition, de la part de leurs examinateurs. Cela pose donc, naturellement,la question de la formation initiale, tout autant que celle de la formation continue.

Pourquoi analyser l’activité des enseignants ?

La tâche qui m’a été prescrite, pour cette intervention, consiste à présenter unpoint de vue différent sur l’analyse des besoins, sujet qui n’est pas au cœur de mespréoccupations. Je vais plutôt évoquer l’analyse du travail des enseignants du pre-mier degré. Mon propos sera donc volontairement décalé : il a pour ambition de mon-trer que l’analyse du travail des enseignants peut contribuer à réorienter eff i c a c e m e n tla conception de la formation des maîtres.

Une démarche descriptive et non normative

L’analyse du travail des enseignants présente, à mes yeux, l’intérêt particulier dene pas observer en creux l’état actuel des pratiques professionnelles d’un corps oud’un individu, au regard d’une norme, implicite ou explicite. L’analyse des besoinsm’apparaît en effet trop souvent pensée relativement à une définition implicite d’unidéal, par essence complet, de la formation. L’attention se focalise alors sur lesmanques et les lacunes de ces pratiques professionnelles, par rapport à cet idéalnormé. Je m’attacherai donc davantage à observer la réalité des pratiques et dusavoir-faire disponibles, dans la mesure où je vois dans cette méthode la conditionindispensable pour penser les améliorations dans les pratiques professionnelles.Ainsi la démarche que j’adopterai consistera principalement à comprendre, sansnécessairement déplorer, ni s’émerveiller benoîtement, ce qui « fait la diff é r e n c e » dupoint de vue des apprentissages des élèves. Telle pourrait être ma définition, ene ffet, de la compétence professionnelle : ne dit-on pas souvent d’une personne com-pétente qu’elle possède quelque chose en plus, au regard de la finalité de son travail ?

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

74

Comprendre le travail enseignantpour mieux le transformer :les apports de la psychologie ergono-mique et de la didactique

Roland GoigouxMaître de conférences à l’IUFM de l’académie de Clermont-ferrandChercheur au sein de l’unité CNRS « Cognition et activités finalisées »,Roland Goigoux s’est intéressé particulièrement au développementdes compétences professionnelles des enseignants.Il intervient dans la formation continue des différentes catégories de per-sonnels exerçant leur métier dans le premier degré.

Précisions terminologiques

Je vais employer différents vocables empruntés au champ de l’analyse du travail.Je voudrais donc préciser la difficulté que j’éprouve vis-à-vis du terme de terrain, quia été beaucoup utilisé depuis hier. Il me semble désigner un concept assez flou. Ilpose, plus précisément, un certain nombre de problèmes théoriques, notamment surle plan de l’analyse que je développe. D’une façon générale, j’identifie en effet, pourma part, trois composantes dans la formation continue : l’employeur, les employés etles ressources de formation (formateurs, intervenants…). L’objet de l’analyse, àlaquelle je consacre mon travail, consiste, à partir de ce constat, à étudier les inter-actions entre ces trois éléments. Or la notion de terrain masque, à mes yeux, une par-tie des relations entre ces trois pôles, qui m’apparaissent pourtant constitutifs d’uneréflexion portant sur la formation professionnelle.

Prenons l’exemple, pour illustrer mon propos, du travail de l’IEN. Il a été dit, ily quelques instants, que ce dernier remplit le rôle de garant de la parole du terrain,c’est-à-dire des employés. Or selon mon analyse, il ne fait aucun doute qu’il repré-sente plutôt l’employeur dans le triptyque que j’ai défini. Nous sommes doncconfrontés à une situation pour le moins paradoxale, qui institue l’employeur en tantque garant de la parole des employés… Il convient certes de distinguer les diff é r e n t sniveaux de délégation du rôle de l’employeur qui existent entre le ministre et l’IEN.Mais c’est bien l’inspecteur qui remplit la fonction de garant de l’intérêt général, aunom de l’État qui lui délègue cette fonction.

Il me semble important de clarifier cette problématique qui a des conséquencesimportantes sur le plan de l’analyse du travail. J’étais invité récemment au congrèsde l’Association nationale des conseillers pédagogiques (ANCP). Ceux-ci, commevous le savez, travaillent en lien étroit avec les IEN. J’ai ainsi pu constater que leurstatut professionnel restait, précisément, marqué par cette confusion entre la fonctiond’aide à l’employeur et celle de garant de la profession enseignante dont ils restentmembres comme le prévoient les textes de 1996. Je désignerai donc, pour ma part,les maîtres en tant qu’employés, tandis que j’examinerai la fonction des inspecteursselon la logique de l’employeur. La ligne de démarcation qu’il me semble importantd’identifier sépare, dans cette analyse, les intérêts particuliers de l’intérêt général,sans qu’aucune connotation péjorative n’intervienne dans ce propos. Il m’apparaîtopportun, en effet, d’identifier les intérêts et les besoins particuliers (notamment ceuxdes enseignants) susceptibles d’entrer en conflit avec l’intérêt général. La notion deterrain me semble précisément éluder cette problématique.

L’apport de la didactique

J’en arrive au thème central de mon intervention, c’est-à-dire à l’analyse de l’ac-tivité professionnelle des enseignants. Je débuterai cette analyse en rappelant l’exis-tence de trois sous-systèmes qui entrent en jeu dans une perspective didactique et quidoivent, dans cette logique, être étudiés en fonction de leurs interactions : les maîtres,les élèves et les savoirs. Je vais ancrer mon propos dans le domaine de la didactiquedu français, en empruntant des exemples à ce champ particulier.

75

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

Traditionnellement, la didactique du français privilégie une entrée qui accorde àl’analyse des savoirs une place de premier rang. Plus largement, cette disciplineexamine souvent le c o n t i n u u m didactique, auquel fait souvent référence le professeurDabène de l’université de Grenoble, en observant la manière dont les élèves vontconstruire un certain nombre d’apprentissages sur des objets de savoirs. Le systèmeenseignant se trouve ainsi, souvent, relégué au second plan. Il n’est d’ailleurs pas rareque l’enseignant soit désigné par le terme d’agent, dans un champ qui se focalise trèsclairement sur l’élève.

Le maître tient donc pour rôle principal, dans cette analyse classique de la didac-tique du français, de faciliter les apprentissages de l’élève. Or il me semble primordialde considérer d’emblée que l’activité professionnelle des maîtres met en jeu deuxsujets, au sens psychologique du terme : les élèves et les maîtres. Ceux-ci doiventalors se voir reconnaître des mobiles, des intentions, des valeurs, des processus intel-lectuels, etc. L’absence du maître de la plupart des descriptions et modélisations pro-duites dans le champ didactique, explique peut-être la difficulté pour la didactique ànourrir l’analyse des besoins. Une revue de questions, dans le domaine des travauxconsacrés à la lecture, en didactique du français, dans les dix dernières années, m’amè-ne ainsi à constater que très peu de travaux portent principalement sur l’activité dumaître. Celui-ci est, certes, toujours présent dans les études qui portent sur ce thème,mais le plus souvent en tant que vecteur d’une innovation, sans qu’il soit réellementétudié. Il se voit, de façon récurrente, adresser des injonctions quant à son travail. Maisl’activité réelle qu’il délivre demeure généralement en dehors du champ de l’étude.O r, dans de nombreux écrits didactiques, le maître, lorsqu’il est présent, se trouvedécrit en fonction de ses manques ou de ce qu’il n’effectue pas correctement. Les pro-cessus d’innovation ou de rénovation sont alors, précisément, pensés pour compléterles lacunes constatées dans l’activité du maître. On se trouve donc confronté à la dif-ficulté, évoquée en introduction, à penser les savoirs propres du maître.

Le rôle des instruments didactiques

Considérons ainsi les relations entre les trois systèmes que constituent le maître,l’élève et l’ensemble des savoirs et savoir-faire disponibles dans un champ particu-lier. Considérons, dans un deuxième temps, les instruments, au sens large du terme,comme le principal vecteur d’interactions entre ces trois éléments. Nous entendonspar instruments l’ensemble des outils de la profession à un moment donné : manuels,fiches de préparation, supports divers… L’instrument peut être considéré à la foiscomme un artefact matériel et un ensemble de schèmes d’utilisation, selon la défi-nition de Rabardel. Les instruments didactiques sont, aujourd’hui, élaborés, pour unel a rge part, dans leur cohérence avec les savoirs en jeu. Pour illustrer cette proposition,une méthode de lecture pourra être critiquée si la définition linguistique sur laquel-le elle repose n’est pas en cohérence avec l’analyse de la langue qui prévaut. Ainsi,dans les années 70, nous sommes passés d’une entrée par les lettres à une entrée parles sons, parce que l’analyse en termes de phonèmes semblait plus juste au regard decette approche.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

76

Les instruments connaissent donc des évolutions, qui sont influencées par l’état del’analyse des savoirs à un moment déterminé. On pourra, notamment, modifier cesinstruments en fonction de la connaissance dont on dispose des élèves, de la genèseet du développement de leurs apprentissages. Mais on ne dispose, en revanche, d’au-cun modèle de l’activité du sujet enseignant. Les instruments didactiques, en particu-lier ceux qui sont conçus dans une logique d’innovation, auront souvent été élaboréspar des équipes mixtes, composées de chercheurs, de didacticiens et d’enseignants. Ilsfonctionnent très bien entre les mains de ceux qui les ont élaborés, précisément parceque les connaissances, les savoir-faire et les représentations des enseignants qui ont étéassociés au processus de conception de ces outils, leur permettent de les manipuler.Mais le passage au stade de la diffusion, par exemple dans un dispositif de formation,présente d’autres difficultés. En effet, faute d’avoir intégré un modèle de l’utilisateuret d’avoir une idée précise de la manière dont l’individu conçoit l’exercice de son acti-vité professionnelle, ces outils deviennent décalés. Alors, dans le meilleur des cas, ilssont utilisés dans une démarche de pas à pas, selon un algorithme qui les fait fonc-tionner tant bien que mal. Mais ils sont souvent vite abandonnés et tombent en désué-tude du fait, pour dire les choses rapidement, de leur inadéquation à l’utilisateur.

Cette constatation vaut, d’ailleurs, également dans beaucoup d’autres domaines :la firme Microsoft, par exemple, conserve dans ses cartons des logiciels bien plus per-formants et sophistiqués que ceux dont disposent les utilisateurs à l’heure actuelle.Mais les dirigeants de Microsoft ont parfaitement conscience qu’ils ne pourraient pasvendre des outils trop éloignés de l’état actuel des pratiques de la majorité des utili-sateurs de la micro-informatique. Les performances techniques des outils ne sontpourtant pas en cause. Selon une logique similaire, la cohérence intrinsèque des outilsavec les savoirs ou avec les processus d’apprentissage des élèves ne suffit pas à éta-blir la qualité d’une instrumentation. Il en va de même pour un dispositif de forma-t i o n : celui-ci peut apparaître, sur le papier, tout à fait rigoureux et exigeant, du pointde vue des connaissances qu’il vise à faire acquérir. S’il n’est pas adapté à l’état dessavoirs, des savoir-faire et des représentations du public enseignant auquel il s’adres-se, il ne pourra remplir efficacement sa fonction.

Les conséquences de ce constat

Lorsqu’on place entre les mains des enseignants des outils qui, d’une part, sonttrop éloignés de ce qu’ils savent faire et qui, d’autre part, changent trop souvent, alorsles personnes consacrent la plupart de leurs efforts à contrôler le fonctionnement deces outils. Or cette focalisation sur le respect des procédures de fonctionnement desoutils s’opère inévitablement au détriment de l’attention portée à l’activité des élèves.Les ressources dont chacun d’entre nous dispose sont, en effet, limitées, en termes decapacités de traitement intellectuel. Il nous faut nous souvenir, en conséquence, quela valeur d’un instrument est toujours relative à l’état des savoir-faire d’un profes-sionnel ou d’un ensemble professionnel donné.

L’analyse de l’activité des élèves, et en particulier de leurs difficultés, s’imposedonc, dans le cadre d’une réflexion qui porte sur l’analyse des besoins en formation.

77

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

C’est la raison pour laquelle il me semble très difficile d’envisager l’analyse desbesoins indépendamment des contenus d’apprentissage qui sont en jeu à l’école pri-maire. Une de mes premières réactions, à cet égard, sur le présent séminaire, meconduit à constater que nous avons tendance à perdre de vue les élèves et les conte-nus des savoirs, à travers les problématiques de l’ingénierie de formation. Nousdevons donc prêter davantage d’attention aux élèves et aux contenus des savoirs. Cetexercice resterait vain, cependant, si nous ne prenions pas en compte, parallèlement,les difficultés du travail de l’enseignant. Ces difficultés peuvent être observées à denombreux niveaux, si l’on se donne la peine de chercher à les identifier, en distin-guant notamment les zones de force des zones de fragilité de l’activité des ensei-gnants.

Penser les continuités autant que les ruptures

On porte trop souvent un regard péjoratif sur les recettes et les routines profes-sionnelles qui se développent avec l’expérience, dans la durée. Il me semble, aucontraire, que l’automatisation d’une partie de ces procédures contribue à rendre lemaître plus « intelligent » car plus attentif aux élèves. Seule l’automatisation d’uncertain nombre de procédures professionnelles permet de garder une disponibilitépour concentrer ses efforts sur la gestion de l’imprévu ou du nouveau… Je vois donc,derrière cette proposition, se profiler l’idéologie du « didactiquement correct » qui,en érigeant la modernisation comme valeur, me semble réellement poser problème,au regard du pilotage du système éducatif. Ce dernier s’opère, en effet, par les tâchesexplicitement prescrites mais aussi, de façon moins visible, à l’aide des « tâchesattendues ». Celles-ci ne font, certes, pas partie de la prescription officielle. Ellesapparaissent, néanmoins, à travers de nombreux indices, permettant aux enseignantsde distinguer les activités qui seront les plus valorisées.

En voici une illustration récente. J’ai été associé à la préparation et à l’organisa-tion des états généraux de la lecture et du langage qui ont eu lieu, il y a deux ans, àNantes. La modernité y était clairement affichée comme une valeur, y compris dansles remontées de terrain. Ainsi certains professionnels écartaient catégoriquement lesprésentations de certains dispositifs qui n’apparaissaient pas comme assez origi-naux. Le système de valeur dominant, lors de cette manifestation, reposait bel et biensur la nouveauté. Or ce constat n’est pas sans conséquences sur l’analyse desbesoins : l’employeur, en indiquant de la sorte, par ses encouragements, ce qui estjugé souhaitable, fournit une prescription, même si celle-ci demeure implicite. Energonomie, on parle à ce sujet de tâche attendue qui représente l’esprit de la tâcheprescrite.

L’étude de l’enseignement

L’étude de l’enseignement, à proprement parler, devient une problématiquepresque classique en didactique des mathématiques, depuis une dizaine d’années.Elle émerge à peine, en revanche, en didactique du français, notamment autour del’oral. Cette étude constitue l’objet principal de la psychologie ergonomique, com-

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

78

prise comme la science de l’activité des sujets en situation de travail. Je centreraimon propos, comme vous l’avez compris, sur les aspects cognitifs de cette discipli-ne. Elle relève cependant d’autres dimensions que je tenterai d’évoquer.

Ce champ d’analyse comporte deux notion-clés

– La notion de sujet, déjà longuement abordée. Je n’y reviendrai donc pas endétail. Rappelons simplement que le sujet enseignant peut être crédité d’intentions.Ses activités sont donc finalisées. Il détient, par ailleurs, des compétences et unpotentiel qui lui sont propres. Il se trouve inséré dans un contexte social particulier.Enfin, il met en œuvre des processus de langage et de prise de conscience qui doiventaussi être placés au cœur de cette réflexion sur le sujet.

– Les situations de travail : elles peuvent être définies comme des systèmes decontraintes et de ressources. Ces systèmes sont structurés, pour partie, par l’em-ployeur, en fonction de tâches et de missions, parfois implicites, comme nous avonspu le constater. Ces deux termes seront employés, selon le degré d’ampleur de laprescription.

Quels éléments prendre en compte pour étudier l’activitédu sujet enseignant ?

Notre objet d’étude est l’activité du sujet enseignant. Cinq grands objectifs peu-vent être distingués, dans ce type de recherches :

– prendre en compte la variabilité des pratiques enseignantes et mieux com-prendre ce qui fonde leur efficacité différentielle ;

– mieux connaître les apprentissages des écoliers, en étudiant la part de détermi-nation liée aux pratiques d’enseignement (identifier les composantes des pratiquesqui modifient les acquisitions des élèves) ;

– faciliter la conception et le développement de nouveaux instruments profes-sionnels ;

– aider les professeurs à mieux conceptualiser leurs propres pratiques profes-sionnelles ;

– poser la question du développement et de la formation des compétences pro-fessionnelles individuelles.

Nous en aborderons trois ici.

• La variabilité des pratiques enseignantes

Cet objectif consiste à déterminer ce que les enseignants ont en commun et ce quiles distingue, ou encore ce qu’ils font de manière identique et ce qu’ils font de maniè-re différente. On peut, par exemple, tenter de définir les caractéristiques d’un genreprofessionnel, si l’on reprend la problématique de Yves Clot (CNAM, chaire de psy-chologie du travail). On peut également chercher à identifier les variations de style quipeuvent se glisser à l’intérieur de ces caractéristiques d’un même genre professionnel.

79

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

• Les points clés de l’activité de l’enseignant au re g a rd des appre n t i s s a g e sdes élèves

Il s’agit de confronter l’analyse de l’activité des enseignants à celle des perfor-mances et des processus des élèves. Cette prise en compte constitue en effet unecondition nécessaire pour tenter d’apporter des réponses sur la pertinence des pra-tiques pédagogiques. Certains maîtres sont plus efficaces que d’autres mais les rai-sons de cette efficacité demeurent largement inexpliquées : la classe reste en effet,dans une large mesure, une “ boîte noire ” qu’il convient d’étudier de plus près.Certaines caractéristiques apparaissent déjà, mais de façon encore mal établie, pardes études qui se contredisent souvent. Il semble, néanmoins, que le degré de struc-turation de l’approche du maître constitue un facteur important d’efficacité desapprentissages pour les élèves. Ces constats demeurent toutefois très généraux et peuprécis. La tâche à accomplir, de ce point de vue, reste donc très importante. L’ a n a l y s edes besoins sera, d’ailleurs, enrichie par cette production. Cela ne signifie pas, cepen-dant, que nous devions attendre que les chercheurs accumulent des résultats pournous intéresser à la question de l’analyse des besoins.

• Le développement des compétences professionnelles

Le troisième objectif poursuivi par l’étude de l’enseignement doit se concentrersur l’analyse des conditions de développement des compétences professionnelles.Pour déterminer comment ces compétences se construisent dans le temps, le recoursà des études longitudinales s’avère souvent indispensable. On peut, ainsi, tenter decomprendre les raisons qui expliquent les différences entre les enseignants les plusnovices et ceux qui disposent d’une longue expérience, par exemple.

Plus largement, cette activité de recherche trouve une autre justification.L’élucidation de ce qui se déroule dans la classe, à travers l’activité des maîtres, dansl’exercice ordinaire de leur métier, apparaît en effet comme un facteur qui facilite latransmission, et par conséquent la formation. L’importance de cette activité d’expli-citation réside précisément dans le modèle de formation qui caractérise nos métiers.Le mimétisme, sur le modèle du compagnonnage, peut, certes, démontrer son effi-cacité dans certains cas. Mais, dans la plupart des situations, nous avons besoind’un discours sur l’action, qui doit nécessairement être alimenté. Or il est aisé deconstater que la part de l’activité des enseignants que ceux-ci dévoilent spontanémentdemeure une infime partie de leur travail quotidien. Un travail d’élucidation se révè-le donc essentiel pour parvenir à comprendre ce que sait faire un professionnel enactes et qu’il ne sait pas forcément dire. Il peut même arriver que les professionnelsdécrivent leur activité d’une façon différente de celle dont ils la conduisent. Noustouchons donc là un enjeu majeur du développement des processus de formation. Cetenjeu peut être exposé autrement : plutôt que d’observer les pratiques pédagogiquesen les comparant à un idéal, il nous faut aujourd’hui les regarder comme un équilibre.Celui-ci met en jeu des tensions et des logiques différentes, sources de contradictionspotentielles, qui trouvent un point d’équilibre à un moment déterminé, chez un indi-vidu donné. Elles peuvent d’ailleurs, sans doute, être déplacées, comme il en vad’autres points d’équilibre. Ce constat constitue, à mes yeux, le point de départ le

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

80

plus favorable au développement des compétences professionnelles. Je vais tenterd’illustrer cette proposition à travers l’exemple suivant.

Les compétences professionnelles d’une maîtressede cours préparatoire

Le protocole de l’étude

Cet exemple est tiré d’une étude longitudinale que j’ai récemment conduite.Mes observations ont été réalisées au premier, puis au troisième trimestre. Lechoix de la maîtresse a été établi sur trois critères. D’une part, elle bénéficiait d’uneréputation favorable au sein de l’école : il était admis que ses élèves apprenaient àlire de façon satisfaisante. D’autre part, cette institutrice était considérée de façonélogieuse par son inspecteur, comme en attestent les rapports qu’il a dressés à sonendroit. Pourtant, les pratiques pédagogiques de cette enseignante n’étaient pasconsidérées comme très académiques : son cours ne ressemble ni à un coursd’IUFM, ni à un cours décrit dans un manuel. Cette apparente originalité constituele troisième critère de choix de cette maîtresse pour mener l’étude à laquelle je mesuis livré.

Cette étude avait pour objectif d’élucider les savoir-faire d’une institutriceexpérimentée (observée à huit reprises durant le premier et le troisième trimestrede l’année scolaire du cours préparatoire) puis d’identifier les invariants dans l’or-ganisation de son activité d’enseignement et de les comparer avec ceux d’autrespratiques professionnelles. Nous postulons que l’élucidation de tels savoirs devraitfaciliter leur transmission et ainsi concourir à l’amélioration de la formation desmaîtres inexpérimentés. Dans la mesure où la formation professionnelle se dérou-le dans un lieu distinct du lieu d’exercice du métier, ceci suppose que les compé-tences visées soient clairement énonçables.

Le contexte de l’enseignante

Je vais focaliser mon attention, pour vous présenter cet exemple, sur une leçonde lecture qui s’est déroulée environ un mois après la rentrée scolaire.L’enseignante travaille régulièrement à partir d’albums de littérature de jeunesse.Elle a donc choisi un texte parmi l’un de ces albums. Ceux-ci constituent cepen-dant pour elle le contexte, mais aussi un prétexte pour rencontrer des phrases et desmots. Elle affirme de façon très claire, en effet, que son objectif principal consis-te à apprendre aux élèves à identifier les mots. Les textes servent, en quelquesorte, dans la pratique de cette enseignante, de toile de fond pour une activitéfinalisée qui réside dans l’identification des mots. Cet exemple vise à décrire lemode de travail de la maîtresse, d’une part ; mais aussi ce qu’elle est capable dedire de sa propre activité professionnelle, lorsqu’elle est placée dans un cadred’analyse particulier, d’autre part. Peut-être pourrons-nous ainsi identifier un cer-tain nombre de pistes en matière de formation continue.

81

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

La chronologie de la leçon

Je vais m’efforcer de vous restituer, le plus fidèlement possible, la séquence quej’ai filmée pour les besoins de l’étude. La maîtresse appuie sa leçon sur un texte écritau tableau, d’une quinzaine de mots, composant une phrase. Elle demande alors auxélèves s’ils reconnaissent certains mots de ce texte. Certains enfants ont ainsi dési-gné l’article l e. L’exercice vise donc à opérer une reconnaissance orthographique glo-bale de mots qui ont fait l’objet d’un travail dans les jours précédents. Une élèvedésigne alors la syllabe la, comprise dans le mot bouscula. Puis cette élève doubleson erreur en affirmant qu’il s’agit du mot d a n s. Dans la chronologie de la classe, cej o u r-là, cette séquence d’apprentissage va durer quatre minutes, avant que la suivantene se présente. La maîtresse recourt alors à une technique d’écriture « à côté » : elledemande aux élèves comment écrire le mot d a n s, désigné par la première élève. Elleva, pour cela, s’appuyer sur des enfants plus en avance, en décomposant les pho-nèmes inclus dans ce mot : de puis an. L’enseignante entreprend donc un travail quivise à expliciter les relations entre les graphèmes et les phonèmes correspondants.

Elle va guider l’ensemble des procédures d’écriture. Une enfant suggère, parexemple, d’ajouter un s, formant le mot dans, et demande si ce mot doit être pro-noncé danse. Les élèves s’aperçoivent ainsi que le s est muet ; la maîtresse inscritalors une croix sous le s du mot d a n s, employant ainsi une autre « m i c r o - t e c h-nique ». Celle-ci vise, en l’occurrence, à inscrire dans la mémoire de la classe uncodage additif : la croix inscrite sous une lettre muette permet à chaque élève de serappeler que la lettre ainsi désignée ne doit pas être entendue à la prononciation.L’enseignante se tourne alors vers l’élève qui avait fait la première erreur, en luidemandant de comparer le mot d a n s et la syllabe l a, qu’elle avait confondus. L’ e n f a n ts’aperçoit ainsi de son erreur, en comparant les deux mots, terme à terme. La pre-mière proposition est ainsi éliminée.

Je restitue ainsi moi-même la pratique de l’enseignante de façon théorisée, pourles besoins de la description. Un des enjeux de ce travail consistera cependant àrendre la pratique de la maîtresse visible, notamment pour l’œil de collègues débu-tants, qui pourront comparer leur propre pratique à l’aune de cet exemple. Il impor-te, en effet, de mettre en évidence, pour ce public, les articulations de la pratique declasse dans lesquelles résident les choix et les alternatives, du point de vue didac-tique. Les enseignants débutants pourront alors prendre la mesure de ce qui est en jeudans leurs pratiques, à un niveau micro-didactique. Mon hypothèse personnelleconsiste à penser que la qualité de l’enseignement dispensé se joue en grande partieà ce niveau. Plus précisément, la possibilité de réitérer ces phases d’apprentissage,sollicitant diverses techniques, me paraît cruciale et caractérise la maîtresse qui estau centre de cet exemple. La reproduction de ces gestes anodins s’accomplit eneffet de façon extrêmement stable et régulière, à l’échelle d’un trimestre, quelle quesoit la nature des propositions des enfants qui rythment cet échange. La maîtresseprocède donc réellement à une modélisation de la conduite qu’elle souhaite voir miseen application par les élèves. Cette modélisation me semble, pour ma part, vitale dansce processus d’intériorisation : les élèves vont ainsi reproduire certaines séquences,

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

82

sous le guidage de la maîtresse, un certain nombre de fois. Elle attend une appro-priation individuelle de ces conduites par les élèves, de façon silencieuse, plus rapi-de…

L’enseignante demande alors à la classe de formuler une deuxième proposition.Elle entame alors une nouvelle série de procédures comparables. Elle amène lesenfants, par ce biais, à reconsidérer le mot entier, dans un premier temps. Elle attiredonc l’attention des élèves sur le début du mot. Celui-ci crée une confusion, chez lesenfants, entre le b et le d. La maîtresse utilise alors une technique affichée dans laclasse, au-dessus du tableau : la symétrie de la forme du b et du d, qui permet de créerun moyen mnémotechnique efficace. Ces techniques constituent donc finalementautant de ressources, ancrées dans la mémoire des élèves, qu’elle peut solliciterpour faciliter les apprentissages. Ce travail m’apparaît, d’ailleurs, incompréhensiblesi on ne l’observe pas dans la durée de son déroulement.

La maîtresse poursuit l’analyse du mot bouscula, en entourant le graphème ou.Elle cible, par ce geste, l’attention partagée du groupe et désigne par là même unensemble indissociable, puisqu’il produit une unité de son. Elle fait ainsi, en quelquesorte, d’une pierre deux coups. Ce niveau de précision dans l’analyse constitue, à mesyeux, le seul moyen de parvenir à faciliter réellement la transmission. Les choixqu’elle opère dans l’avancée de cette séquence d’apprentissage demeurent, certes,discutables. Encore faut-il entrer dans ce niveau de précision de l’analyse qui, à mesyeux, constitue le seul moyen de parvenir à faciliter réellement la transmission, plu-tôt que de s’en tenir à des considérations d’ordre général, sur les attributs du code etdu sens, par exemple.

L’enseignante poursuit ce travail en guidant la fusion des phonèmes. Elle recourtpour cela à un métalangage : elle désigne en effet cet assemblage par l’opération quiconsiste à « coller les sons ». Elle dispose donc de mots techniques, créés à l’inten-tion des enfants, pour désigner, en l’occurrence, une opération intellectuelle. Elleguide également les élèves dans la segmentation des syllabes ou des graphèmes, etc.Une douzaine de techniques ont ainsi été employées conjointement par la maîtresse,en moins de quatre minutes, pour cette activité de déchiffrage que l’on considère sou-vent comme une opération anodine. En réalité, elle sollicite simultanément de nom-breux éléments.

En résumé

Cet épisode est essentiellement consacré à un guidage minutieux du décodagegraphophonologique reposant sur six activités élémentaires :

– la localisation du mot écrit : l’institutrice incite les élèves à trouver le début etla fin du mot, à repérer les espaces inter-mots, à orienter le parcours de lecture, àpoursuivre le décodage syllabique et ce jusqu’à la dernière syllabe du mot…

– la reconnaissance des lettres : l’institutrice guide les élèves pour segmenter lachaîne écrite en lettres, désigner et nommer les lettres, utiliser les aides mnémo-techniques pour retrouver le nom des lettres…

83

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

– la segmentation graphémique et syllabique, en particulier celle des graphèmesc o m p l e x e s : l’institutrice aide les élèves à repérer un graphème composé de plusieurslettres, à utiliser un métalangage spécifique (« le petit mariage »), à isoler et entou-rer le graphème au sein du mot complet, à faire référence à l’étude collective préa-lable du graphème et à différents moyens mnémotechniques (affichette du OU)…

– le repérage des lettres muettes : l’institutrice indique verbalement que la lettrene s’entend pas et le fait apparaître sous l’écriture du mot (utilisation d’un symbolespécial, la petite croix)…

– la conversion graphophonologique (mise en correspondance graphèmes/pho-n è m e s ) : l’institutrice invite les élèves à sonoriser les graphèmes simples, à prononcerla valeur sonore conventionnelle d’une lettre, à faire référence à l’étude collectivepréalable du phonème et à différents moyens mnémotechniques (historiette du [u]),prononcer le phonème isolé…

– le guidage de l’assemblage phonémique : l’institutrice utilise toujours le mêmemétalangage (« on colle les sons ») pour guider la fusion des phonèmes au sein de lasyllabe, fusionner les syllabes entre elles, etc.

Je ne vous décrirai qu’une autre séquence de cette leçon de lecture : à un moment,un élève souhaite formuler une proposition, quant à l’identité du mot dans sonensemble. Elle invite alors l’élève à lui chuchoter sa proposition à l’oreille et solli-cite le même geste d’autres élèves. Ceux-ci vont, à tour de rôle, formuler une pro-position quant à la signification du mot. Un certain désordre s’installe alors, inévi-tablement, dans la classe, créé par les déplacements et le bruit qu’ils occasionnent.L’institutrice fournit, par ailleurs, à chaque élève une indication quant à l’exactitudede sa proposition, de façon très nuancée, allant de l’indice complémentaire aux féli-citations démonstratives. Douze ou quinze élèves l’auront ainsi consultée, en l’espacede quelques minutes. Puis l’enseignante instaure à nouveau le calme dans sa classe,avant d’apporter la solution du problème et de passer à la leçon suivante.

Des réactions très différentes

Cette description me permet d’établir une comparaison, riche d’enseignements,entre deux analyses différentes de cette phase d’apprentissage.

D’une part, j’ai montré cette séquence à des professionnels expérimentés. Cetteexpérience s’est inscrite, notamment, dans le cadre de la formation initiale des IEN,durant deux années consécutives. Je l’ai également menée auprès de conseillerspédagogiques. D’autre part, il est intéressant d’observer ce que la maîtresse elle-même dit de sa propre pratique. Elle témoigne en effet d’une connaissance biensupérieure à celle que l’on attribue généralement aux enseignants, relativement à leurpropre pratique.

On s’aperçoit donc, à travers ce type d’étude, que la possibilité d’explicitation dessavoirs professionnels est bien plus importante que celle qui est traditionnellementreconnue. Il est fréquent d’entendre, en effet, que les enseignants réalisent avec suc-cès certaines activités, sans pour autant qu’ils soient capables de connaître les raisons

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

84

de ces succès. Ce champ constitue précisément la zone de travail de la didactique :celle-ci vise, notamment, à repérer les réussites et à opérer une re-description desactions réalisées, pour les faire accéder à un statut différent, plus explicite et plusconscient.

À l’évidence, il ne faut donc pas demander directement à l’enseignant commentil ou elle procède dans son enseignement de la lecture. Une telle question ne peut ene ffet apporter, en réponse, qu’une série de généralités qui ne nous renseignent pas surle degré de conscience des actions réalisées. Ces réponses peuvent même s’avérercontradictoires.

J’ai, par exemple, opéré de la sorte avec six maîtresses expérimentées au sein denotre IUFM, à partir d’un texte particulièrement compliqué. Celui-ci conte l’histoi-re de « la petite géante ». Il évoque deux personnages : la géante et son enfant. Enréalité, il s’agit d’une petite fille, désignée par le terme de petite géante, qui joue avecses poupées, désignées par des prénoms d’enfants. Seulement, cette précision n’estpas contenue dans le texte. La compréhension de celui-ci repose donc sur la néces-sité d’un raisonnement élaboré, sur le principe de l’inférence. J’observe la manièredont les maîtresses vont gérer la situation d’exploration du texte, en les filmant. Puisje leur montre l’activité d’une enseignante débutante, qui travaille à partir du mêmetexte. De manière unanime, les enseignantes expérimentées soulignent une erreurimportante de leur jeune collègue qui, préalablement à la lecture du texte, ne dema-de pas à ses élèves d’anticiper sur la question centrale. Celle-ci réside dans le fait que« la petite géante » ne nourrit pas ses enfants, dans l’histoire qui est contée. Lajeune maîtresse n’a donc pas demandé aux élèves leurs hypothèses, quant à l’expli-cation de cette carence parentale. Elle aurait dû, pour ses aînées, solliciter de telleshypothèses, afin de faire entrer les enfants dans le texte, armés de diverses interro-gations.

Or les enseignantes expérimentées n’ont pas procédé selon le schéma qu’ellesreprochent à leur jeune collègue de n’avoir pas suivi. Les raisons de cette contradic-tion m’apparaissent de façon assez claire. Elles ont d’ailleurs accepté, dans unel a rge mesure, cette interprétation : en fait, le caractère hautement improbable du textelaissait supposer que les hypothèses des enfants seraient excessivement chargéesd’inquiétude. Elles étaient donc conscientes qu’à partir de représentations aussifausses, le retour des élèves à la réalité du texte serait d’autant plus difficile. Il estconnu, en effet, que les élèves les plus en difficulté se distinguent, précisément, parune difficulté à se départir d’une représentation construite sur les premiers segmentsdu texte. Elles entrent donc directement dans le texte, avant de faire émerg e r, dans undeuxième temps, des interrogations sur la signification profonde de l’écrit. Ainsi,d’une part, de façon très fine, elles écartent ce qu’elles identifient comme des pro-blèmes pour pouvoir mieux centrer l’attention des élèves sur la compréhension dutexte. D’autre part, placées dans la situation d’énonciation qui consiste à dire ce qu’ilfaut faire, le discours convenu apparaît tel qu’il régit la plupart des situations ren-contrées. La variabilité des contextes, intégrée dans la finesse des savoir-faire, peutdonc, en revanche, être perdue dans le discours des acteurs sur leur propre pratique.

85

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

L’autoconfrontation : donner la parole aux maîtres

Ne doit-on pas, malgré cette constatation, faire confiance à la parole des maîtres ?Le risque apparaît en effet, à ce stade, d’aboutir à une conclusion fort éloignée demon propos. Il me semble qu’il convient de se méfier des déclarations d’intentiona p r i o r i . Elles doivent être, cependant, entendues, dans la mesure où elles permettentde cadrer l’intentionnalité des maîtres. Si on veut écarter le risque qu’illustrel’exemple précédent, il m’apparaît opportun d’employer une technique d’autocon-frontation. Celle-ci se traduit par l’observation conjointe, à l’aide du magnétoscope,de la séquence initiale d’apprentissage de la lecture avec l’enseignante. La particu-larité de la méthode consiste ici à demander à l’enseignante de préciser elle-même,contrairement aux techniques classiques en ergonomie, les invariants de sa pratique,c’est-à-dire les éléments réguliers et habituels de sa pratique pédagogique. Cetteobservation doit donc écarter les phénomènes anecdotiques qui peuvent aussi surgirdans la classe. Ce travail s’opère par une alternance entre la vision des images et lecommentaire de l’enseignante.

Pour nous limiter à l’extrait que nous venons de présenter, nous ne retiendronsque cinq éléments principaux apparaissant dans le discours de la maîtresse.

1. La nécessité de ne pas différer le traitement des erreurs des élèves, même s’ilfaut lui consacrer une part importante du temps didactique.

2. Le recours à une technique d’écriture pour objectiver le traitement des erreurs.

3. La possibilité de prendre appui sur les élèves les plus habiles pour faire avan-cer la leçon.

4. Le recours à la technique du « c h u c h o t a g e » pour mobiliser les élèves, les inci-ter à prendre individuellement le risque d’une réponse et pour renseigner la maîtres-se sur les procédures de chacun.

5. La nécessité d’expliciter et d’objectiver les procédures utilisées pour trouverune solution aux problèmes de décodage (rigueur que la maîtresse revendique lors-qu’elle observe et redécrit sa propre activité).

Plusieurs composantes de la situation d’enseignement sont ainsi présentées à lafois comme une ressource et comme une contrainte. L’ o rganisation collective etmagistrale de la séquence, par exemple, oblige la maîtresse à assurer une certaine dis-cipline pour réguler l’écoute et la prise de parole mais elle permet également auxélèves les plus avancés d’apporter à tous les informations utiles à la découverte desmots ou du texte. De la même manière, si le chuchotage ralentit l’exploration du texteet crée un certain désordre dans la classe, il permet en contrepartie à l’enseignante depréserver la curiosité de tous et de recueillir un maximum d’informations sur chacun.

Ces commentaires sont extrêmement précieux pour le chercheur car ils mettentl’accent sur des phénomènes que l’analyse extrinsèque avait négligés. Ils révèlentaussi la lucidité de la maîtresse à propos de sa propre activité. Une grande partie de

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

86

ses comportements et de son savoir-faire professionnels sont non seulement mobili-sés avec une intention précise, mais explicités et justifiés du point de vue des appren-tissages et de leur progressivité, des capacités des élèves et de leurs caractéristiquessocioaffectives. En bref, notre analyse de l’activité de l’enseignante et celle de sonautoconfrontation nous permettent de recueillir des informations précieuses sur leschoix les plus microscopiques de l’institutrice. Elle nous permet également de pré-senter une hypothèse selon laquelle les savoir-faire les plus minuscules, les gestes lesplus anodins mais aussi les plus fréquents, peuvent constituer un aspect décisif descompétences professionnelles des maîtres, celles qui « font la différence » en assu-rant la qualité des apprentissages des élèves.

Ainsi, dans un cadre particulier d’explicitation du savoir-faire en œuvre, la maî-tresse accrédite l’idée que chacun de ses actes peut être pensé simultanément commeune ressource et comme une contrainte. Elle reconnaît, par exemple, la perte detemps et le désordre qu’induit le recours au chuchotement. Mais elle estime le gain,dans le recours à cette technique, supérieur à la perte occasionnée. Ce type de rai-sonnement m’apparaît comme la clé de l’analyse des pratiques, à travers la questions u i v a n t e : comment a-t-on besoin de comprendre et de repérer ces points d’équilibrede la pratique, pour éventuellement les discuter et les faire évoluer, dans une pers-pective de transformation ou d’amélioration ?

L’importance de la recherche des points d’équilibre

Qu’advient-il, en effet, si on ne procède pas à cette identification des pointsd’équilibre d’une pratique ? Divers problèmes se posent alors en cascade, quiapparaissent clairement dans l’analyse des besoins ou dans la logique du conseilpédagogique. Revenons à notre séquence d’enseignement de la lecture, en obser-vant cette fois les réactions des professionnels expérimentés auxquels elle a étép r é s e n t é e : conseillers pédagogiques, maîtres formateurs, professeurs d’IUFM etIEN en formation. La première observation spectaculaire réside dans la variabili-té des analyses de ces professionnels. Si on leur demande, par exemple, d’attri-buer une note à cet enseignement, au regard de ce qui est exigible d’une ensei-gnante qui dispose de douze ans d’expérience d’enseignement en courspréparatoire, ces notes s’échelonnent de sept à quinze sur vingt. Cette variabilitépose, naturellement, des difficultés sur le plan du pronostic de l’efficacité desmaîtres, en termes de savoir-faire individuels.

Cette observation est à rapprocher d’un texte de Jean Hébrard (IGEN ensei-gnement primaire) relatif à la phase préparatoire au rapport de Guy Robillart(IGEN enseignement primaire), mais dont la teneur n’apparaissait pas dans ce rap-port. Des collègues inspecteurs avaient ainsi rendu visite à des instituteurs en ZEP,au niveau du cours préparatoire, durant le mois de février. Les rapports qu’ilsavaient dressés à cette occasion présentaient l’intérêt de prendre le risque d’unpronostic. Or la confrontation de ces pronostics avec la réalité des apprentissagesdes élèves, mesurés en début et en fin d’année, fait apparaître une fiabilité de 50 %seulement des pronostics… On peut remarquer, en particulier, dans cet exemple,

87

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

que les dimensions de l’activité professionnelle, jugées comme importantes, dif-fèrent considérablement d’un observateur à l’autre : certaines portent, ainsi, sur leniveau de codage de l’enseignement ; d’autres se focalisent sur l’attitude, plus oumoins satisfaisante, des élèves. Le degré d’acceptabilité du bruit constitue unexemple de cette forte variabilité. Certains IEN, en formation initiale, ne pou-vaient même pas supporter de regarder la séquence pendant les trente-septminutes de sa durée, malgré la consigne qui leur avait été donnée.

On dénote par conséquent, à travers cette expérience, de nombreuses réfé-rences à une norme (parfois implicite), par rapport à l’acceptabilité des situations,à la nature des objets de savoir et par rapport à la gestion de la classe, d’une façonplus générale. On constate également une difficulté, largement partagée, à accep-ter un postulat de départ, au regard de la pratique de professionnels confirmés :cette pratique est cohérente. Ce postulat me paraît indispensable, pour apprécierla façon dont l’enseignante redéfinit la tâche qu’elle doit accomplir, loin de latâche prescrite officiellement. Rappelons que celle-ci, d’après le texte de 1995,relatif à l’enseignement de la lecture au cours préparatoire, se contente d’énoncerque toutes les méthodes sont bonnes, à la condition qu’elles soient eff i c a c e s .L’enseignante devra donc identifier une autre prescription : celle de la tâcheattendue, qui apparaît, plus finement, à travers de nombreux indices, tels que lespriorités de la formation continue, les discours des inspecteurs, le contenu desmanuels, etc. L’horizon de cette tâche prescrite doit donc être décodé, puis ré-interprété par les enseignants, chacun à leur manière.

Cette recherche de cohérence, dans les points d’équilibre des pratiques, notam-ment pour penser des transitions, m’apparaît cruciale, dans une logique de conseil oude formation. Ainsi, d’après mon expérience personnelle, on constate un phénomè-ne intéressant lorsqu’on regarde travailler des individus : beaucoup prennent desnotes à propos de ce qui se déroule ; mais de nombreux autres prennent égalementdes notes à propos de leur interprétation de ce qui se déroule devant eux. Quelle quesoit la forme prise par l’entretien de conseil ultérieur, il s’en dégage inévitablementune incompréhension profonde : le jugement est livré d’emblée dans ses conclusions.La compréhension, pour reprendre la formule de Culioli, apparaît même dans ce cascomme un cas particulier du malentendu. La principale difficulté consiste alors à par-tager une mémoire commune des faits qui viennent de se dérouler. Il convient pourcela de définir ensemble une nouvelle description des événements, sur une base par-tagée, faute de quoi l’incompréhension perdure.

Dans le prolongement de cette étude, je me suis intéressé aux observations pro-duites par ceux qui analysent la pratique professionnelle, en distinguant deux typesd’observations : celles qui portent sur l’amont de la séquence (conception, prépara-tion de la leçon avant l’entrée en classe…), d’une part ; celles qui portent sur les évé-nements qui se déroulent pendant la séquence, d’autre part. J’ai, par ailleurs, carac-térisé ces observations sur un autre plan, en distinguant leur objet, suivant quecelui-ci met en œuvre la logique des apprentissages ou la logique de la conduite enclasse. On constate alors que la nature des observations produites varie souvent en

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

88

fonction de l’origine professionnelle des analystes. Ainsi plus les observateurs sontfamiliers du niveau d’enseignement concerné et maîtrisent le domaine disciplinaireen jeu, plus leurs remarques portent sur la manière de concevoir la séance, du pointde vue de la logique des apprentissages. En revanche, plus ils s’éloignent de leurpropre champ d’expertise, en termes de discipline et de niveau, plus les remarquesadressées, sur la même séquence, portent sur la logique de conduite de la classe (ges-tion du groupe, ouverture des questions, etc.).

Cette constatation me conduit à poser la question de la pertinence des remarquesproduites, au regard de l’appui qu’elles visent à apporter à l’enseignant pour le faireé v o l u e r, face aux difficultés professionnelles centrales qu’il rencontre. On assiste, enparticulier, à une culpabilisation fréquente des enseignants qui ne me paraît pas por-ter tous les bénéfices escomptés dans ce type d’intervention.

Je voudrais encore développer deux idées, qui prolongent le type de travail quej’ai décrit jusqu’ici dans cette intervention.

Élargir l’analyse de la finalisation des activités

On distingue généralement, en psychologie ergonomique, la tâche de l’activité :la première correspond à un ensemble de buts à atteindre sous certaines conditions ;la seconde peut être définie comme l’ensemble des réalisations d’une personne, lorsde la réalisation d’une tâche déterminée. Il serait illusoire de penser que la re-des-cription, par chacun des acteurs, des tâches qui lui sont prescrites, conduise à la défi-nition d’une activité qui ne soit finalisée que par les buts poursuivis. L’ a c t i v i t édépasse, en effet, très largement, les actions qui rapprochent seulement du but fixé.

Pour reprendre l’exemple initial, la maîtresse change tous les ans les supports delecture qu’elle utilise. Mais elle ne les change pas en fonction de l’impact qu’ils pro-duisent sur les apprentissages des élèves. Elle les renouvelle pour éviter l’ennui de larépétition et ainsi maintenir constante sa propre motivation. Cette illustrationtémoigne d’un certain nombre de décisions qui ne sont pas prises dans la logiqued’apprentissage des élèves mais en fonction des contraintes d’exercice du métier.

Or cette dimension, relative aux contraintes d’exercice du métier d’enseignant,me paraît largement échapper aux réflexions actuelles : ces contraintes demeurenttrès peu explicitées et échappent ainsi également à la prescription officielle. On nepeut ainsi s’apercevoir que, souvent, les décisions prises au regard des contraintesd’exercice du métier s’opposent à l’intérêt immédiat des élèves, du strict point de vuedes apprentissages. Elles apparaissent, toutefois, indispensables à la poursuite, dansdes conditions satisfaisantes, de l’exercice de son métier par l’enseignant.

Ces contraintes ne sont, d’ailleurs, pas descriptibles en termes proprement didac-t i q u e s : elles concernent la fatigue, l’usure, la souffrance ou encore les gratifications,internes ou externes à la classe. Parmi les gratifications externes à la classe, intervientpar exemple l’aspect moderne ou b r a n c h é d’un projet. Il me semble que cette dimen-sion met en jeu des injonctions incontournables, du point de vue de l’existence del’enseignant, qui demeurent pourtant largement implicites. Certains enseignants

89

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

débutants estiment ainsi qu’une trop grande directivité, dans certaines situations,équivaut à « perdre la face ».

Je rapproche cette observation de l’étude SEGPA, que j’ai menée il y a deux anset dont la synthèse a été annexée aux programmes de SEGPA et qui devrait êtrepubliée prochainement sous l’égide du CNEFEI. Elle porte conjointement sur les dif-ficultés des élèves en lecture, au sein des SEGPA, et sur les pratiques profession-nelles des maîtres. Dans cette étude, en effet, apparaissent de nombreux mécanismessemblables à l’observation précédente. Ainsi, lors d’une analyse didactique, émer-geaient de nombreuses critiques quant à l’attitude des élèves et au travail didactiquemené. Mais l’écoute des contraintes que le maître s’est donné, pour sa leçon, offreune perspective bien différente : lui avait pour objectif principal de maintenir songroupe « en vie ». Il a donc concentré ses efforts sur la motivation du groupe condi-tionnée, en l’occurrence, par le contenu des textes soumis aux élèves. Ces objectifs,tout à fait louables, entraient cependant en opposition avec les apprentissages. Eneffet, au moment où la lecture devenait possible pour les élèves les plus en difficul-té, le maître entamait une nouvelle leçon pour ne pas épuiser la motivation desélèves les plus avancés. La décision didactique rencontre alors une nécessité jugéesupérieure : le maintien de la cohésion du groupe.

Tâches prescrites et tâches attendues

Revenons ici à la différence, évoquée plus haut, qui existe entre les tâches pres-crites, qui sont la lettre des instructions officielles et les tâches attendues, qui en tra-duisent, de façon plus subtile, l’esprit. J’ai déjà indiqué la nécessité que rencontrentles enseignants, en vertu de ce constat, de recourir à des inférences pour parvenir àidentifier ces tâches attendues, sur la base d’indices fournis par l’Institution. Les étatsgénéraux de la lecture et du langage montraient, comme je l’ai souligné, que l’inci-tation à moderniser semblait, à ce moment-là, plus forte que l’incitation à démocra-tiser. Or cette question me semble toujours d’actualité, à travers, par exemple, lafaçon dont on valorise les réussites ou dont on oriente les plans de formation.

L’analyse des « remontées de terrain », réalisées à cette occasion, ne fait appa-raître aucune mesure d’impact des dispositifs valorisés : la présence d’une action,parmi celles présentées lors des états généraux, semblait en effet s’expliquer par deuxmotifs : le caractère moderne de l’action, d’une part ; le fait que les acteurs d’uneaction en soient satisfaits, d’autre part. Cette démarche produit des raccourcis parfoisé t o n n a n t s : « Les enfants étaient instables, on a fabriqué un journal, les parentsétaient contents. » Il est ainsi permis de se demander si l’analyse des besoins ne peutêtre décodée à la lumière d’une thèse strictement sociologique, qui s’oppose à l’ap-proche didactique que je défends : il suffit d’innover. De même, tout ce qui mobili-se les acteurs est bon. La mobilisation des acteurs, autour de l’innovation, sembledonc érigée en valeur.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

90

Enseignements à tirer et perspectives

Plusieurs propositions s’inscrivent dans le prolongement de l’approche que j’aitenté de vous faire partager.

Aider les maîtres à déplacer leur problématique

Il m’apparaît très important d’aider les maîtres à se focaliser sur l’analyse des dif-ficultés des élèves, plutôt que sur la recherche des causes des défaillances dans l’ap-prentissage des élèves. À chaque fois qu’on réussit ce mouvement, on gagne enmobilisation et en « professionnalité ». Par exemple, dans le cadre d’actions de for-mation continue, un préalable peut consister à accompagner les élèves en tête à tête,afin de procéder à l’analyse de leur activité intellectuelle des élèves au travail. Cetteactivité peut en effet constituer le matériau à partir duquel la dynamique de forma-tion pourra être enclenchée. De nombreuses pistes existent, à mes yeux, dans cettedirection.

Passer de l’analyse des besoins à l’analyse des difficultésprofessionnelles des maîtres

Selon un raisonnement similaire à celui proposé au point précédent, il m’apparaîten effet que les IEN doivent d’abord comprendre les difficultés professionnelles desenseignants du premier degré. Les conditions qui favorisent cette analyse et l’autoa-nalyse par les maîtres eux-mêmes de leurs difficultés semblent alors très éloignées decelles évoquées à propos des états généraux de la lecture et du langage. Il ne meparaît pas toujours productif, en effet, dans cette perspective, de focaliser leséchanges sur des dispositifs récents, non évalués et dont l’objet est mal partagé parles différents acteurs. Cette démarche se résume en fait à la lecture d’un catalogue.

Pourtant, l’analyse des pratiques permet de capitaliser des savoirs, notamment enprocédant à une re-description des savoir-faire procéduraux, pour les rendre plusexplicites et donc plus « p u i s s a n t s ». Mais les individus doivent, pour cela, échangerà partir de la partie la plus « rodée » et la plus partagée de leur pratique, afin d’enpermettre une théorisation aussi fine que possible, facilitant ainsi sa réplication.

Je rapproche cette proposition d’une conférence que j’ai tenue il y a peu à l’IUFMde Créteil, précisément sur ces questions liées aux difficultés rencontrées par lesélèves en début de collège. J’y exposais notamment la façon dont les techniques delecture à haute voix, réitérées et organisées selon une progression des apprentissages,pouvaient faciliter les processus d’identification des mots et de leur compréhension.Des collègues de SEGPA ont alors réagi à cette intervention, en y reconnaissantnombre de leurs pratiques antérieures. Seulement, pour ces enseignants, la nature desopérations et des processus ainsi travaillés demeurait largement floue. Par ailleurs, cetype de technique doit encore être classé parmi les techniques qui n’appartiennent pasau « didactiquement correct ». En conséquence, ces enseignants, dès la première aler-te claire ou à la moindre remise en cause extérieure de la pertinence de cette tech-nique, l’abandonnait rapidement : leur intuition, excellente, n’était pas appuyée par

91

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

une conviction forte des bénéfices de cette technique, en raison d’une méconnais-sance des processus qu’elle permettait de mobiliser. Le sentiment de compétence pro-fessionnelle est donc à restaurer, en priorité, en combattant les effets de fragilisationqui peuvent parfois survenir à l’occasion des actions de formation. Cette mission,loin d’un geste immédiat et furtif, constitue un réel travail : celui d’un formateur. Descadres conceptuels doivent en effet être mis en place dans ce but. C’est ce qui me faitdire que nous ne souffrons pas de « trop de théorie », mais plutôt de « pas assez det h é o r i e ». Pour citer Kurt Lewin : « Je ne connais rien de plus pratique qu’une bonnet h é o r i e . » Le problème réside, en fait, dans le choix des théories que nous sollicitons :il me semble que nous manquons, en particulier, de théories de l’activité du sujet.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

92

Sur le même sujet et du même auteur

Déjà paru

« Continuer à apprendre à lire : du cycle II au cycle III », i n M. Amrein (Éd.), L i redes textes littéraires au cycle III, Clermont-Ferrand, CRDP, 133-150, 1998.

La psychologie cognitive ergonomique : un cadre d’étude des compétences pro-fessionnelles des enseignants de français, i n E. Bautier et D. Bucheton (Éd.)« Pratiques enseignantes et activités des élèves dans la classe de français » ,Didactique du français langue maternelle (DFLM), 21, p. 56-61, 1998.

« Les interactions de tutelle dans les processus de conceptualisation de la langueécrite », in J. Dolz et J.-C. Meyer (Éd.), Activités métalangagières et enseignementdu français, Bern, Peter Lang, p. 23-46, 1998.

« Apprendre à lire : de la théorie à la pratique », Repères, 18, p. 147-162, 1999.

« Automatisation des procédures d’identification des mots et évolution du rôle ducontexte littéral en tout début de l’apprentissage de la lecture », Dossiers de l’édu-cation, de la formation et de l’insertion, p. 5-17, Presses universitaires du Mirail,Toulouse, 1999.

« Note de synthèse : apprentissage et enseignement de la lecture en SEGPA », i nministère de l’Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie (Éd.),Accompagnement des Programmes en SEGPA, p. 147-164, CNDP, Paris, 1999.

« Partager le premier pouvoir ? États généraux de la lecture et des langages »,L’École émancipée, 2, p. 14-16, 1999.

Questions sur la lecture et son apprentissage au cycle II (coordination éditoria-le), Nathan, Paris, 2000.

« Apprendre à lire à l’école : les limites d’une approche idéovisuelle » ,Psychologie française, n° 45-3, p. 235-245, 2000.

À paraître

A p p rentissage et enseignement de la lecture dans l’enseignement adapté,Suresnes, CNEFEI, diffusion CNDP.

« De l’importance du contexte littéral pour l’identification des mots écrits audébut de l’apprentissage de la lecture », in G. Chauveau (Éd.), Comprendre l’ap-prenti lecteur, Retz, Paris.

« L’activité du maître, un objet d’étude à construire en didactique du français »,i n M. Marquillo Larruy (Éd.), Questions d’épistémologie en didactiques du français,Forell, Poitiers.

« Lector In Didactica », in J.-P. Bernié (Éd.), Hommage à Michel Brossard (titresous réserve), Presses universitaires, Bordeaux.

93

Comprendre le travail enseignant pour mieux le transformer…

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants et du regard desI E N : la question sous-jacente est peut-être l’inspection d’école constitue-t-elle unrévélateur des pratiques des enseignants ou du regard des IEN ? Peut-on réellementprendre appui sur ce type d’inspection pour mieux comprendre les pratiques desenseignants et déterminer plus sûrement les besoins de formation ? Il n’y a pas de doc-trine pour définir ce que peut être une telle inspection, pour préciser ses finalités et lesprocédures à mettre en œuvre, mais un certain nombre d’inspecteurs se sont engagésdans ce type de travail, chacun y apportant ce qu’il peut et sans doute ce qu’il est.

Je vous propose de revenir sur les finalités de l’inspection d’école et de nous attar-der un instant sur quelques exemples d’inspection ou d’évaluation d’écoles commu-niqués par différents inspecteurs avant d’essayer de mieux préciser en quoi le faitd’inspecter ou d’évaluer une école peut constituer un outil de pilotage.

Pourquoi cette intervention ? Pourquoi réfléchir en termes d’inspection d’école ?

L’inspection générale s’est engagée il y a un an dans une expérience d’évaluationde l’enseignement dans une académie qui a évidemment conduit à travailler surl’évaluation des petites entités que sont le collège, l’école ou le lycée.

On a l’habitude d’évaluer ou de contrôler des éléments du système – par exemple,la rénovation des collèges ou des lycées, les rythmes scolaires, l’école rurale, leslangues vivantes à l’école – ou d’inspecter les personnels, mais non d’évaluer unfonctionnement d’ensemble comme l’enseignement dans une académie ou dans uneécole. Or deux raisons engagent à essayer d’y parvenir :

• Depuis vingt ans, la logique de déconcentration a progressivement laissé auxresponsables des marges de manœuvre accrues. L’idée de projet comme mode demanagement du système éducatif s’est progressivement imposée : répondre à l’obli-gation qui nous est faite de conduire la totalité des élèves à une qualification ne peutse faire par des procédures uniformes et suppose que l’on prenne en compte les réa-lités de terrain dans leurs différences, les atouts de chaque entité du système commeles obstacles qu’il lui faut assumer.

Ce qui a conduit à développer la politique de projet, projet d’école ou d’établis-sement, c’est l’évidence que chaque niveau du système détient une partie des clés.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

94

L’inspection d’école,un révélateur des pratiquesdes enseignants et du regard des IEN

Martine SafraInspectrice générale de l’Éducation nationale

Que l’on parle de projet – ou de politique – académique, départemental ou de cir-conscription, on admet qu’il y a des marges de manœuvre et une capacité de décision,que pour tendre vers les objectifs qui lui sont assignés, chaque entité du système édu-catif est conduite à définir des approches qui peuvent lui être propres.

Usant de cette marge de manœuvre, les académies, les départements, les cir-conscriptions ou les écoles et les établissements secondaires développent des « p o l i-tiques », inégalement formalisées, traduites ou non dans un projet, mais qui ont uneforte réalité et s’emboîtent plus ou moins efficacement. Les disparités entre les aca-démies, les départements et les établissements risquent de ce fait de s’accroître. Delà l’importance, si l’on veut préserver la cohérence du système éducatif, d’évaluer cequi se fait à chaque niveau.

• L’évaluation vise aussi à aider les responsables locaux à nourrir la connaissan-ce de leur académie, de leur département ou de leur établissement en leur apportantdes éléments nouveaux, ou mis en évidence différemment, à partir d’une observationextérieure. Et cela de façon à contribuer à repérer et préciser des champs d’action,des leviers susceptibles d’améliorer l’efficacité de l’enseignement.

C’est cette double nécessité : mieux informer le ministre et les services centrauxde ce qui se passe sur le terrain, et aider les autorités académiques à repérer les lieuxstratégiques permettant d’améliorer le fonctionnement du système, qui a amené àréfléchir à l’évaluation des académies.

La problématique de l’inspection d’école est de même nature, à une autre échel-le évidemment : il s’agit pour l’inspecteur d’apporter aux écoles son expertise, de lesaider à centrer leur action sur les points les plus déterminants de la réussite desélèves, mais aussi, au-delà de l’appréciation de l’efficacité individuelle des ensei-gnants, de mieux appréhender la réalité des écoles, de mieux mesurer les pointsforts et les points faibles de la circonscription et de définir plus aisément et peut-êtred’une manière plus globale et plus sûre les besoins de formation et les axes de l’ani-mation pédagogique.

Inspection ou évaluation d’école ?Quelles sont les démarches des inspecteurs ?

Les deux termes se trouvent employés par les inspecteurs, mais ce n’est pasindifférent. L’analyse de quelques exemples d’inspection ou d’évaluation d’écolespermet d’essayer d’apprécier les modes d’approche retenus et de mieux préciser lesfinalités des démarches adoptées.

Exemple 1 : « compte rendu des visites dans l’école X »

Modalités

Inspection d’un nombre important d’enseignants dont le directeur et visites brèves(15-20 minutes) auprès des autres.

95

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

Restitution à l’école des observations

• Réunion du conseil des maîtres « pour lui faire part de mes remarques et lui pro-poser des pistes de travail ».

• Envoi d’un texte résumant ces remarques et suggestions.

• Envoi des rapports individuels d’inspection.

Contenu du compte rendu de l’inspecteur

Idées relevées dans les classes

A ffichage des règles de vie de classe, boîte aux lettres entre élèves, registre où lesélèves peuvent écrire leurs plaintes, appréciations, etc., alphabet, bande numériquecollée sur les tables des élèves de cours préparatoire, cahier conçu pour cette classe,affichage des activités du jour…

Remarque – Les idées relevées ont trait à l’organisation de la vie dans l’école etla classe, aux outils dont disposent les élèves.

Le rapport au savoir et le rôle de la pédagogie

Rappel de thèmes développés en stage d’école et observation sur la prédominan-ce des exercices dans les activités observées.

Modalités de travail proposées aux élèves

Rappel de la nécessité pour les maîtres, chacun avec son style, d’alterner diffé-rentes modalités de travail.

Aménagement de l’espace classe

« Nécessité didactique d’offrir aux élèves des espaces mieux adaptés à certainesactivités (sciences, arts plastiques, technologie, etc.). »

Conclusion

« Impression favorable d’ensemble, bon climat de l’école. »

Retour sur le projet d’école, occasion pour l’IEN de suggérer qu’il est nécessai-re d’avancer sur la question des apprentissages.

Remarque – L’inspecteur se situe comme un expert qui relève les points forts àses yeux ou les difficultés, mais aussi comme un formateur qui pose ou rappelle desprincipes pédagogiques déjà travaillés en stage d’école.

Malgré les précautions prises, ses commentaires renvoient néanmoins, à unenorme pédagogique implicite, l’inspecteur remarquant dans un autre document quela circonscription connaît une « inflation d’exercices instrumentaux » et « malgré unerelation pédagogique de bonne qualité, malgré une réelle volonté de dialogue, unschéma de communication très centralisé ». En fait, le compte rendu est révélateur du

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

96

regard de l’IEN qui lit les pratiques observées au travers de l’idée qu’il se fait d’unebonne pédagogie, sans que l’on sache quelle est l’efficacité du travail des maîtres,l’adéquation des pratiques aux besoins des élèves, ni leur pertinence compte tenu dela personnalité même des enseignants.

Exemple 2 : « inspection de l’école »

Modalités

• Réunion préalable du conseil des maîtres avec l’équipe de circonscription.

• Inspections individuelles des enseignants.

• Réunion bilan.

Compte rendu

Objectifs fixés après un conseil des maîtres préalable :

– situer l’école dans son contexte démographique (en baisse) et socioculturel (dif-ficile), les conditions matérielles, le projet d’école (bref rapprochement entre lescaractéristiques de la population et les axes du projet) ;

– « mettre à plat » le fonctionnement de l’école : structure des classes, réseauxd’aides spécialisées et saisine de la commission de circonscription pour le préélé-mentaire et l’élémentaire, livret d’évaluation ;

– relever les points à observer plus précisément pendant les inspections.

Compte rendu de la réunion bilan

• Reprise d’éléments abordés au départ, « colorée » par les visites : diversité desélèves, c’est-à-dire richesse, intérêt des échanges de service.

• Quatre points font l’objet d’une analyse et de recommandations :

– les modalités de travail avec les élèves : « situations d’enseignement plutôt qued’apprentissage » ;

– l’évaluation : les livrets utilisés sont de simples relevés de notes, ce qui donnelieu à un rappel des fonctions d’un livret d’évaluation ;

– la difficulté scolaire : collaboration nécessaire entre les maîtres spécialisés etceux des classes, développement de l’intégration des élèves de classe d’intégrationscolaire ;

– l’organisation de l’école : choix maladroit d’un cours double (les plus faiblesdes CE1 avec les CP).

• Conseils finaux : hiérarchiser les urgences (évaluation, difficulté scolaire).

Remarques – Caractéristiques de cette inspection :

– inspections individuelles encadrées par deux réunions du conseil des maîtres ;

– travail d’ensemble avec l’équipe sur l’organisation générale de l’école ;

– choix de points « stratégiques » pour faire évoluer l’école.

97

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

Plusieurs aspects enrichissent la démarche : la réunion préalable dédramatise laprocédure, en clarifie les finalités pour les enseignants et permet à l’inspecteur decentrer les inspections individuelles en fonction de problématiques définies. Maisl’inspecteur ne rapproche pas les procédures observées, qu’il s’agisse de l’organisa-tion des classes ou des pratiques des maîtres, des acquis des élèves. Les observationspédagogiques renvoient de ce fait pour partie à une norme implicite (« situationsd’enseignement plutôt que d’apprentissage »).

Exemple 3 : évaluation de l’école (école d’application)

Points abordés :

• En introduction : CSP et composition de l’équipe.

• Effectifs et répartition pédagogique.

• Scolarisation en maternelle.

• Résultats des élèves.

• Comportement des élèves et vie scolaire.

• Organisation matérielle, aménagement de l’école.

• Matériel pédagogique.

• Travail en équipe.

• Accueil de stagiaires PE.

• Communication aux familles.

• Projet d’école.

• Liaison maternelle élémentaire.

• Liaison école / collège.

• Conclusion.

Les problèmes sont posés au fur et à mesure (par exemple, conditions d’accueildes enfants de deux ans, choix de répartition des élèves des huit niveaux sur sixclasses), de même que les points forts (qualité des échanges dans les conseils decycle).

Deux points importants

Résultats des élèves :

– Flux : retards, élèves en avance ;

– évaluations CM2 et 6e : résultats rapportés aux moyennes départementales.

Projet d’école

Conseils donnés : « L’équipe doit veiller à ce que son élaboration parte desbesoins des élèves dans les apprentissages, dans la vie scolaire :

– résultats aux évaluations nationales et à celles pratiquées dans les classes ;

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

98

– projets menés dans les classes ;

– aide aux enfants en difficulté ;

– organisation de la vie scolaire ;

– fonctionnement de l’équipe pédagogique ;

– etc. »

Conclusions

• Généraliser le travail engagé en études dirigées dans une classe ;

• Améliorer la répartition pédagogique ;

• Analyser plus profondément les besoins des élèves pour le projet d’école ;

• Réguler les relations avec l’IUFM.

Remarques – Plusieurs points à retenir :

– l’inspecteur envisage tous les aspects du fonctionnement de l’école ;

– il met l’accent sur la place des apprentissages attendus dans le projet d’école ;

– les conclusions sont nettes, même si le rapport donne une impression de cata-logue.

Mais au fond, même dans cet exemple, le plus complet, le référent n’est pas défi-ni clairement : par rapport à quoi mesure-t-on l’efficacité de l’école ? Et donc, surquoi fonde-t-on les recommandations faites à l’équipe ? Inévitablement, du fait de cesilence, même si la référence aux résultats permet un regard plus objectif, les repré-sentations de l’inspecteur sur ce que doit être un fonctionnement d’école demeurentprépondérantes.

En quoi l’évaluation d’une école peut-elle dépasserune analyse qui reste souvent subjective ?

Pour aller plus loin, il semble utile de revenir à l’expérience conduite depuis deuxans par l’inspection générale sur l’évaluation des académies.

Étudier une entité (école, établissement, académie),c’est entrer dans un système complexe

Des écoles comme des établissements secondaires, proches par leurs traditions etleurs caractéristiques socio-économiques, peuvent obtenir des résultats très diffé-rents. Il existe un « effet établissement », qui tient à l’engagement des personnes, àla qualité des relations humaines, à la façon dont les diverses actions s’articulent, àl’histoire, etc. Une école ou un établissement est autre chose que la somme desactions de chacun, c’est la cohérence de l’ensemble qui en fait la force. Faire l’éva-luation d’une école, c’est faire apparaître les dynamiques et les lignes de force, c’estdégager les atouts comme les difficultés de façon à essayer de mettre en évidence desleviers d’action possibles.

99

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

C’est donc essayer de comprendre ce qui, dans les façons de travailler dans l’éco-le et dans les classes, contribue à produire les résultats des élèves. L’analyse desrésultats constitue de ce fait un point de départ, permettant de faire apparaître desréussites ou des faiblesses, de dégager une problématique. Il est ensuite nécessaired’analyser le fonctionnement global de l’école, d’expliciter les choix, de repérer lesdiverses logiques en œuvre et de mettre en lumière, les cohérences ou les incohé-rences.

Une analyse préalable de l’école

Cette analyse s’appuie sur ce dont on dispose en circonscription normalement :

– les caractéristiques de l’école : situation, si possible CSP, structure pédago-g i q u e ;

– les résultats, tant en termes de fluidité de la scolarité que de résultats aux éva-luations nationales, au regard des moyennes de la circonscription, du département, del’académie ou de l’échantillon national. Demander aux principaux de collèges lesrésultats attendus/observés en sixième ainsi que le devenir des élèves en sixième(passage en cinquième, adaptation au collège, etc.) ;

– les résultats « bruts » ne sont pas significatifs ; ce qui importe, c’est de situerl’école par rapport à elle-même : y a-t-il eu des évolutions marquantes ; les écarts auxmoyennes de la circonscription, etc. se sont-ils modifiés ? Si oui, il faudra essayer del’expliquer et de les situer par rapport à ce qu’on pourrait attendre de l’école comp-te tenu de ses caractéristiques ;

– le projet d’école, le cas échéant de Zep, de Rep ; il est intéressant de regarderla part faite aux apprentissages et si, par extraordinaire, l’école s’interroge sur sespratiques, si l’état des lieux, souvent très formel ou du moins extérieur à l’action del’école, essaie de mesurer l’effet des pratiques mises en œuvre ;

– les comptes rendus des conseils, etc.

En fait, tout ce dont dispose la circonscription, en utilisant évidemment ce quefournit la base INPEC. À quoi peut s’ajouter une préparation au sein de l’équipe,avec les cours préparatoires, pour confronter les points forts ou difficultés recenséspar les uns ou les autres.

Une forme participative

Il est important de clarifier auprès des enseignants les finalités de ce type d’éva-luation, de dire les procédures employées, de préciser la place de l’évaluation indi-viduelle. Cela peut se faire par le biais des réunions de directeurs, avec le directeurconcerné ou par un passage en conseil des maîtres.

Rechercher ce qui contribue à produire les résultats des élèves, dans les modes deconstitution des classes, dans la dynamique de l’équipe, dans les pratiques indivi-duelles suppose un dialogue avec l’ensemble des acteurs de l’école.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

100

Déterminer le champ d’observation

Il est important d’observer les pratiques mises en œuvre pour améliorer les résul-tats scolaires et d’essayer d’en apprécier l’effet, les démarches menées pour éviter lam a rginalisation d’élèves dans leur classe ou les orientations non fondées vers l’adap-tation et l’intégration scolaires.

En règle générale, un certain nombre de points doivent être abordés :

– L’ o rganisation : les modalités de répartition des effectifs entre les classes et desélèves dans les classes ; les modalités de répartition des services entre les maîtres ;les échanges de service et décloisonnements ; les absences des maîtres et l’accueildes remplaçants.

– Les stru c t u res de concert a t i o n : les conseils des maîtres (thèmes évoqués, qua-lité des débats, qualité des comptes rendus) ; les conseils de cycle (thèmes évoqués,qualité des débats, qualité des comptes rendus) ; le conseil d’école : structure for-melle ou lieu de réflexion et de dialogue.

– Le projet d’école : forme, objet et évaluation ; orienté vers l’amélioration desapprentissages ou comportant seulement des actions périphériques ; la mobilisationde l’équipe pédagogique.

– Les pratiques pédagogiques : la cohérence des méthodes employées par les dif-férents maîtres, la pertinence des choix effectués par rapport aux élèves, aux appren-tissages recherchés et aux situations ; le respect des programmes ; l’évaluation desélèves dans les classes ; l’utilisation de livrets ; le repérage des élèves en difficulté etl’observation de la pratique du maître à leur égard. Cela inclut la place faite auxstructures et outils pédagogiques spécifiques : utilisation de la bibliothèque-centredocumentaire, du matériel informatique, rôle des classes de découverte, des projetsd’action éducative, de l’ARS.

– Les liaisons maternelle-élémentaire et CM2-6e, les relations avec le principal ducollège.

– Les relations avec les familles : l ’ o rganisation, la fréquence, la nature et la por-tée de ces relations, la place faite aux parents dans l’école.

– Les relations avec les partenaires : l’impact des politiques partenariales dansl’école (ARS, zones urbaines sensibles, zones rurales, mais aussi les relations avecla justice, l’aide sociale à l’enfance…).

Les modalités d’observation de l’école

L’évaluation associe plusieurs démarches :

– un entretien avec le directeur ;

– des inspections individuelles et, pour les maîtres inspectés récemment, des visitesdans les classes ; l’entretien avec le maître concerne ses pratiques, leur cohérence avecles méthodes retenues dans les autres classes, l’origine des difficultés rencontrées parles élèves, les aides apportées par lui-même dans la classe, par le réseau d’aides, le caséchéant l’année au cours de laquelle les élèves ont pu prendre du retard ;

101

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

– un entretien avec le conseil de maîtres, soit au début et à la fin, soit au minimumà la fin, pour établir un dialogue sur les observations faites, puis tirer les conclusionsde l’ensemble de l’opération. Il aborde notamment les axes du projet d’école ; lesprojets de cycle, l’élaboration et la coordination des progressions dans les cycles ; lacohérence des méthodes employées par les différents maîtres, la mise en œuvre desprogrammes ; les résultats des élèves ; l’utilisation des évaluations de CE2 ; lesmodalités d’évaluation habituelles, les outils utilisés ; la prise en charge des élèvespar le réseau d’aides spécialisées (modalités de la décision et de l’aide).

Il est important dans cette phase de concentrer son attention sur les points quiparaissent les plus sensibles, de hiérarchiser tant les conclusions que les pistes de tra-vail. En fait, on devrait aboutir à dégager deux ou trois points forts, deux ou troispoints faibles et autant de recommandations.

L’intérêt d’une évaluation de cette nature est finalement de sortir d’une observa-tion intuitive pour dégager quelques conclusions argumentées. L’évaluateur peutainsi s’écarter de ses critères personnels, avec tout ce qu’ils comportent de subjectif,avec tout ce qu’ils traduisent de ses propres représentations, pour essayer d’appro-cher l’efficacité pour les élèves des choix effectués par l’école, des pratiques misesen œuvre par chacun et par l’équipe.

Cela doit permettre à l’équipe de l’école de réfléchir à ses choix et à ses pratiqueset à l’inspecteur de mieux comprendre le fonctionnement de sa circonscription. Onpeut ainsi définir de façon plus précise et plus sûre les axes de l’animation pédago-gique et les besoins de formation. Menée parallèlement dans plusieurs circonscrip-tions, l’évaluation des écoles peut concourir à enrichir la réflexion du conseil des IENet celle du conseil de formation, permettant une approche plus fine des réalitéslocales et de ce fait une appréciation plus précise et plus globale des besoins de for-mation.

Questions

De la salle

Je voudrais poser deux questions relatives à l’usage des rapports effectués à l’is-sue des inspections d’école.

Premièrement, avez-vous envisagé ou constaté un usage des comptes rendus àl’intention de l’inspection académique, et si oui lequel ? Quelle doit en être l’utili-sation ultérieure ? Et de quelles actions de communication vers les autres circons-criptions cet usage s’accompagne-t-il ?

Deuxièmement, vous n’avez, à aucun moment, évoqué la nécessité, pour lesvisites, d’un entretien individuel ultérieur, ni de la rédaction d’un rapport de visite,qui n’a pas sa place, actuellement, au sein de l’institution. Quelles réponses pouvez-vous apporter sur ces deux points ?

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

102

Martine Safra

Concernant les visites, vous pouvez, si vous en avez le temps et si vous observezun phénomène suffisamment marquant, rédiger une petite note reprenant la tramed’un rapport de visite. Mais si ces visites s’inscrivent dans la continuité de votreconnaissance de l’école, nul besoin de rédiger une note spécifique, qui prendraitinutilement une partie de votre temps. Mentionnez alors plutôt ces observationsdans l’analyse globale de l’école.

Votre première question me paraît, par ailleurs, tout à fait importante. Elle renvoieà l’usage fait des rapports d’école dans les inspections académiques. Je citerai en sou-riant, pour illustrer cette question, le propos d’un inspecteur, qui me disait un jour :« C’est embêtant si je fais une évaluation d’école et un rapport d’école, car le servi-ce de l’inspection académique m’a dit qu’il ne savait pas où les classer. » Je crois quecette anecdote correspond effectivement à une réalité : les services de l’inspectionacadémique n’ont pas de case prévue pour y ranger ces rapports.

En revanche, il me paraît évident que cette pratique ne peut relever d’une seulepersonne : cette question doit être traitée et débattue en conseil d’IEN, ne serait-ceque pour se doter d’une procédure commune et pour décider, au sein de ce conseil,de la démarche à adopter. En outre, j’ai rencontré récemment un inspecteur d’aca-démie, qui avait porté un avis sur le rapport général, encourageant évidemmentl’école à travailler dans le sens indiqué par les conclusions de l’inspecteur lors decette visite.

Il me paraît évident, pour que cette visite ait un sens, que l’inspecteur d’académieconvienne de l’intérêt de la chose. Il paraît utile, de surcroît, que ce rapport puissedonner lieu, au sein de l’inspection académique, à la collation de ces éléments,d’une part ; et à une analyse, par un groupe d’inspecteurs, par exemple, de ce quel’on observe à différents endroits du département du fonctionnement des écoles,d’autre part. Une telle observation peut se révéler, en effet, très éclairante, notammentpour réfléchir à la part de la formation continue dans le département.

Il est donc clair que ces rapports d’école ne doivent pas être seulement destinés àl ’ é c o l e : ils doivent aussi constituer un outil pour les pilotes des circonscriptions et desdépartements, pour déterminer les axes importants du département, voire de l’acadé-mie, si on parvient à faire exister une dimension académique du premier degré.

Il me paraît important que ce travail préalable en conseil d’IEN soit poursuivi parl’établissement de constats d’étape, après qu’un certain nombre de rapports d’ins-pection d’école aient été réalisés. Cette analyse des bénéfices tirés de ces inspectionspeut, en effet, constituer un moment de dialogue intéressant au conseil d’IEN, quipourrait viser deux objectifs : témoigner des difficultés rencontrées dans cettedémarche, d’une part ; expliciter les points forts et les points faibles identifiés dansle fonctionnement pédagogique des écoles, d’autre part. Ce travail a un sens, pourl’école comme pour l’IEN, s’il est produit par celui-ci de façon isolée dans sa cir-conscription. Mais il s’enrichit considérablement si le département peut s’approprierce travail, dans sa gestion, au sens large, de l’enseignement du premier degré.

103

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

De la salle

Je retiens de votre intervention qu’il est intéressant de rapporter les observationssur les pratiques aux résultats produits sur les savoirs des élèves, plutôt qu’à une idéeimplicite qu’a chacun de nous sur ce que sont les bonnes et les mauvaises pratiques.

Ma question peut alors apparaître très iconoclaste : comment mesurer ce quesavent les élèves ? Vous avez indiqué quelques pistes, relatives à l’utilisation que l’onpeut faire des évaluations nationales. D’autres moyens existent-ils ? En particulier,un temps de travail peut-il être organisé entre l’inspecteur et les élèves eux-mêmes,voire avec leurs parents ?

Jacques Naçabal

Je me permets de vous rapporter une observation, à propos des élèves, faite dansun département du grand Sud-Ouest de la France, un vendredi après-midi, dans uncours de CM2. L’instituteur accueillait à son bureau chaque élève pour réaliser aveclui, dans un dialogue d’environ cinq minutes, le bilan de la semaine écoulée, entermes de compétences acquises et de compétences à acquérir la semaine suivante.Ce livret de compétences de l’élève était ainsi rempli à la fois par le maître et parl’élève, d’un commun accord.

Martine Safra

Cette question me paraît, en effet, essentielle pour le maître. Un certain nombred’enseignants commencent les études en demandant aux élèves quels apprentissagesont été réalisés depuis la veille. Cette démarche me semble importante, pour lesenfants eux-mêmes, dans la construction de leurs apprentissages.

Quant à la façon de mesurer les connaissances des élèves, les IEN utilisentd’abord les outils des élèves, en observant leur progression depuis le début de l’an-née scolaire. Ils utilisent également ce qu’on peut appeler des contrôles (même si ceterme est banni par le langage « pédagogiquement correct »), compris comme desévaluations « sommatives » réalisées à un moment donné. Ces contrôles visent àmesurer l’écart entre les réalisations et les objectifs initiaux. L’évolution descontrôles, au fil de l’année, constitue ainsi une source de renseignements utiles surla progression des élèves. Un IEN a également indiqué qu’il utilisait à la fois les éva-luations nationales et les évaluations régulières des maîtres. Je n’ai pas souligné cettepratique, dans la mesure où elle est familière à l’ensemble des inspecteurs. Il n’estpas interdit non plus de regarder travailler les élèves pour repérer leur capacité d’au-tonomie. C’est l’un des objets de l’observation des classes.

Mais derrière votre question s’en cache, me semble-t-il, une autre : ne serait-il pasintéressant, dans une opération de ce genre, d’avoir un entretien avec les élèves etavec les familles ? En tant qu’inspecteurs généraux, nous le faisons de façon systé-matique, lorsque nous nous rendons dans un collège ou dans un lycée, en l’absencede l’équipe pédagogique. Nous rencontrons ainsi les délégués des élèves, durant aumoins une heure. Puis nous rencontrons les représentants des parents, pendant auminimum une heure également.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

104

Cette pratique est plus délicate en ce qui concerne l’école. Si celle-ci en estcapable, cette démarche peut effectivement s’avérer très utile. J’ai, par exemple, par-ticipé à une opération de ce type l’année dernière : nous avons discuté, avec unconseil de délégués représentant les « grands » élèves, sur la question des rythmesscolaires de l’école, durant une heure et demie. Les élèves avaient de nombreuxpoints de vue à faire valoir. Ils étaient parfaitement habitués à le faire. Certains délé-gués avaient ainsi l’habitude de prendre la parole. Ils présidaient eux-mêmes laréunion, savaient donner la parole aux uns et aux autres et, chose plus rare, ils se sontmontrés capables de réagir aux points de vue exprimés.

Dans des écoles qui sont prêtes à participer à ce type de démarche, il peut en eff e ts’avérer très intéressant de rencontrer les élèves, à condition d’avoir soigneusementpréparé cet entretien, en évitant, naturellement, de leur demander, de but en blanc,s’ils sont satisfaits de leur maître. Les questions abordées peuvent, en revanche,porter sur la façon dont les élèves se sentent dans leur école, sur les difficultés qu’ilsrencontrent, ou encore sur les axes de progrès qu’ils pourraient avoir eux-mêmesidentifiés. Ce type d’entretien peut également être conduit auprès des familles, si l’onévite la langue de bois que l’on rencontre souvent, quant à la place insuffisante quiest laissée aux parents dans l’institution scolaire. Cette démarche est courante dansles collèges et dans les lycées. Elle doit être envisagée avec davantage de prudencedans les écoles : il faut en effet prendre garde qu’elle ne conduise pas à une déstabi-lisation de l’équipe pédagogique. La première déstabilisation, qui n’est pas anodine,consiste, dans un premier temps, à l’amener à réfléchir sur ses pratiques et à lafaçon dont elles contribuent ou non à faire progresser leurs élèves. Au demeurant,l’opportunité d’engager cette démarche doit être appréciée au cas par cas.

De la salle

Je tiens à rassurer le collègue qui a posé à Martine Safra la première question : entant qu’adjoint à l’inspecteur d’académie de Saône-et-Loire, je lis tous les rapportsd’inspection ou d’évaluation d’école qui nous sont transmis. Nous les lisons avec leplus grand intérêt. Je prépare, en particulier, une appréciation de ces rapports. Cetteappréciation sera signée par l’inspecteur d’académie.

Deux questions me semblent se poser, néanmoins. Premièrement, l’évaluationd’école est généralement conduite par l’IEN, qui souhaite souvent clarifier sa poli-tique d’animation pédagogique dans la circonscription qui le concerne. Le risqueexiste donc, à mes yeux, qu’il soit tenté, à travers l’évaluation d’écoles, de recherchersa propre politique et celle de son équipe et de constater les effets qu’elle produit.

Deuxièmement, lorsqu’on réalise une inspection ou une évaluation d’école, il estdifficile de « désespérer Billancourt », même lorsque les résultats apparaissent fortpeu satisfaisants. Des points d’appui doivent donc être identifiés, pour mobiliser lesacteurs. L’évaluation d’école remplit alors, d’une certaine façon, une fonction poli-tique qu’il ne faut pas éluder : elle diffère d’un constat objectif, dressé sur la based’outils indiscutables. Dans ce contexte, l’IEN est-elle la personne la mieux placéepour remplir cette mission, si l’on souhaite disposer d’une réelle évaluation des fac-

105

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

teurs de progression des apprentissages des élèves ? Je rappelle ainsi, pour mémoi-re, que, dans les pays anglo-saxons, la fonction d’évaluation a été très nettement dis-jointe de la fonction d’animation et de conduite. Les collègues de ces pays semblentd’ailleurs plus à l’aise que nous sur ces questions, lorsque nous avons l’occasion deles rencontrer, lors de stages organisés au niveau européen.

De la salle

Je constate, dans mon département, un certain nombre d’inspections d’écolemais aussi un certain nombre d’inspections de cycle. Avez-vous engagé une analysequi porte sur l’articulation entre les inspections d’école et les inspections de cycle ?

De la salle

Dans votre introduction, vous avez fait référence à la déconcentration. Nousconstatons que les maîtres ne sont plus les seuls, en effet, à intervenir dans lesécoles. Le fonctionnement d’une école s’en trouve donc sensiblement modifié,notamment par l’arrivée d’intervenants extérieurs, parfois jusque dans les finalités del’établissement. Or cette réalité n’apparaît pas dans les rapports d’inspection indivi-duelle.

Je souhaite donc vous soumettre l’interrogation forte. D’un point de vue institu-tionnel, il semble également que nous devons être les garants de la cohérence dufonctionnement de l’école. Il faut même voir au-delà du fonctionnement de l’école :lorsque celle-ci est engagée dans un contrat éducatif local avec d’autres établisse-ments, il convient de préciser la façon dont l’Éducation nationale se positionne engardienne de la cohérence de l’acte éducatif, tant dans le domaine scolaire que péri-scolaire.

De la salle

Je souhaite également vous poser une question concernant le cycle : par évalua-tion d’école, faut-il entendre évaluation du cycle I, du cycle II et du cycle III ?

Martine Safra

Je vais regrouper mes réponses à certaines de ces questions. Concernant l’ins-pection d’école, il me semble important d’observer tout ce qui interfère dans lefonctionnement de la classe et des apprentissages. Dans l’organisation même del’école, il me paraît en effet essentiel d’observer les décloisonnements et leséchanges de services, mais aussi la part des intervenants extérieurs, pour identifiercomment leur travail s’articule avec celui des maîtres. Il peut arriver, ainsi, que letravail conjoint de l’intervenant et du maître permette finalement à ce dernierd’enrichir ses compétences pour assumer, face à ses élèves, de nouvelles activitésqu’il craignait a priori. Cette constatation s’observe en particulier dans lesdomaines des arts plastiques et de la musique. De même, l’articulation avec lesréseaux d’aide, que j’ai évoquée, est à étudier. Une dernière précision s’impose, à

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

106

ce sujet : les CEL font évidemment partie des partenaires auxquels je faisais réfé-rence, en évoquant les politiques des Zep et celles de même nature.

Ma deuxième réponse porte sur l’inspection de cycle. On peut s’interroger, auxfins de savoir si une inspection de cycle ne consiste pas, finalement, en une sommed’inspections individuelles, dont on vérifie la cohérence des unes avec les autres.R e g r o u p e r, par exemple, les inspections individuelles en une inspection de cycle,avec un moment d’échange avec le conseil de cycle, me paraît tout à fait intéres-sant. L’évaluation d’école constitue, quant à elle, un ensemble beaucoup pluscomplexe, en raison de la dynamique propre des établissements. Les deuxdémarches ne peuvent donc pas être confondues : elles peuvent s’ajouter ou sesubstituer l’une à l’autre, selon l’opportunité ou la nécessité, à un moment déter-m i n é .

Enfin, concernant les académies, il est évident que lorsque nous observonsl’une d’elles, nous allons rechercher par là même l’écho de la politique nationale.L’inspection placée auprès du ministre va, ainsi, observer les effets de la politiqueministérielle dans les académies. Une démarche comparable de la part de l’IEN,lors des inspections d’école, ne me semble donc pas du tout anormale. On ne peut,d’ailleurs, pas exclure le fait que cette démarche puisse entraîner une remise encause, par l’IEN, de sa propre politique.

L’audit, pratiqué dans les pays anglo-saxons, constitue une démarche bien dif-férente. Nous avons d’ailleurs travaillé avec des collègues anglais, il y a quelquesmois. Ils nous ont ainsi emprunté la plupart de nos outils, tant notre démarche lesa intéressés. L’UFSTEAD, chargé de l’évaluation des écoles au Royaume-Uni,demeure, cependant, un organisme totalement externe à l’institution scolaire. Sonapproche est fort différente de l’évaluation menée en France. Notre missionconsiste en effet, prioritairement, à éclairer le décideur, en même temps que l’uni-té évaluée, pour l’amener à réfléchir elle-même sur ses propres pratiques. C’estpourquoi j’insistais sur la dimension participative de cette démarche.

Si les parlementaires souhaitent, un jour, connaître l’état du système éducatifen France, ils feront probablement appel à une instance extérieure à l’Éducationnationale pour conduire cette mission. Notre intervention s’inscrit plutôt dansune dynamique d’action, qui ne se limite pas à la publication d’un jugement exté-r i e u r. Cette logique d’action est orientée dans deux directions : d’une part, verscelui qui prend les décisions et conduit une politique ; d’autre part, vers celui qui,à son niveau, met en œuvre des démarches spécifiques pour atteindre les objectifsqui lui sont assignés.

L’IEN a donc toute sa place dans cette démarche, de même que nous sommesquelques-uns, à l’inspection générale de l’Éducation nationale, à revendiquertoute notre place dans l’évaluation des académies. Notre intervention s’inscritdonc dans une logique « d ’ é v a l u a t i o n - a c t i o n », plutôt que dans une logique declassement réalisé à un moment donné, comme le veut le principe de l’audit.

107

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

De la salle

En articulation avec ces propos et avec l’intervention de notre collègue de Mâcon,je me demande si, au contraire, il ne relève pas de notre rôle, parfois, de « désespé-rer Billancourt », pour reprendre l’expression qu’il a employée. Il me semble, eneffet, qu’en tant que garants du fonctionnement du système éducatif, il est de notredevoir de souligner ce qui ne va pas, à partir du moment où nous nous montronscapables d’accompagner une équipe et de lui fixer un contrat.

Martine Safra

Je suis pleinement d’accord avec votre point de vue, à une nuance près, qui porteprécisément sur l’expression que vous avez reprise : il ne faut pas désespérer nosinterlocuteurs. Nous devons exprimer notre analyse, de telle façon que les équipespédagogiques puissent l’entendre, sans les humilier ou les mettre en retrait.

De la salle

Le terrain de l’école primaire est aussi celui de la commune. L’évaluation d’éco-le peut-elle, de ce fait, concerner la municipalité ? Plus précisément, dans quellemesure cette évaluation peut-elle servir l’équipe pédagogique d’une école, dans lecadre plus large d’une politique éducative et culturelle d’une commune ?

De la salle

Dans le droit fil de cette question et d’une intervention précédente, je me pose laquestion de la destination du compte rendu de l’évaluation d’école par rapport auconseil d’école, y compris lorsqu’un représentant de la commune siège au conseild’école.

Germaine Simoni

Si je vous ai bien comprise, l’inspection d’école propose une autre entrée dans laquestion de la pédagogie, à partir d’autres indicateurs. Vous semble-t-il réaliste deposer la question suivante dans ces termes : quel rôle l’inspection d’école peut-ellejouer dans la construction de stratégies de formation continue d’enseignants, qui dif-fèrent nécessairement des stratégies résultant d’inspections individuelles ?

Martine Safra

L’articulation avec les collectivités territoriales me paraît effectivement un pointimportant. Il peut être tout à fait utile de rendre, au moins, visite au maire, pour avoirun bref entretien avec lui. Cet entretien peut permettre d’évoquer les points clés del’inspection ou, par exemple, d’appuyer une demande, formulée par l’équipe péda-gogique, d’un équipement particulier.

La question de la destination du compte rendu m’apparaît plus délicate. Deuxmodalités de communication du compte rendu d’inspection d’école doivent, à monsens, être envisagées. D’une part, une restitution orale au conseil d’école me semble

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

108

constituer un minimum. Il convient, cependant, durant cet exercice, de prendre gardeà ne pas décrédibiliser l’équipe de maîtres ou la mettre en difficulté, ni devant lesfamilles ni devant le maire. D’autre part, la restitution écrite, telle que nous l’avonsconçue, me semble devoir être réservée au conseil des maîtres. Ce principe n’em-pêche pas le directeur de l’école d’aller au-delà, si l’équipe enseignante y est prête,pour faire évoluer le projet d’école qui relève de sa compétence et non de celle duconseil des maîtres.

Enfin, il me semble que lorsqu’on évalue le fonctionnement d’une école, desbesoins de formation, distincts de ceux détectés au niveau individuel, risquent de sefaire jour. Cela peut conforter ou infléchir les impressions qui se dégagent des ins-pections individuelles. Si, de surcroît, un certain nombre de démarches similaires ontété conduites, l’échange entre inspecteurs de l’Éducation nationale me paraît être unesource d’enrichissement encore plus importante. Il pourrait permettre, en effet, d’af-finer les besoins apparus, au-delà de ce que font la majorité des conseils de formation,à l’heure actuelle : ces instances demeurent encore, souvent, le lieu de confrontationd’expressions individuelles. Je n’ai pas connaissance, à ce jour, de telles expériencesdépartementales, en France, de confrontation entre les expériences vécues par plu-sieurs inspecteurs et pouvant aboutir à des pistes de réflexion dans le domaine de laf o r m a t i o n .

De la salle

La conduite et l’encouragement de politiques éducatives semblent, dans la pers-pective que vous adoptez, devoir faire préférer le terme d’évaluation à celui d’ins-pection. Qu’en est-il, alors, selon vous, de la notation, qui a souvent pour consé-quence de bloquer les réflexions en cours ?

Martine Safra

J’indiquais, tout à l’heure, que l’inspection d’école était nourrie d’inspectionsindividuelles. Or il est clair que celles-ci font l’objet du même type de notation.Cependant, la notation me paraît tellement paralysée, dans les départements français,par les systèmes de grilles, par exemple, qu’on peut s’interroger quant à son effica-cité. Elle constitue toutefois un acte de gestion habituel, que les inspecteurs sont natu-rellement amenés à eff e c t u e r. À l’évidence, la notation n’a, en revanche, pas de sensen matière d’évaluation d’écoles.

Martine Le Guen

Il me revient de remercier Martine Safra d’avoir bien voulu répondre à toutes cesquestions importantes. Jacques Naçabal va maintenant nous présenter la synthèse dece séminaire.

109

L’inspection d’école, un révélateur des pratiques des enseignants…

Ce premier séminaire national sur « l’analyse des besoins de formation des ensei-gnants du premier degré » est, à bien des titres, exemplaire. Il rassemble non des per-sonnes convoquées à titre individuel mais des équipes académiques constituées parles recteurs et dont on peut penser qu’elles ont déjà, ou vont avoir dans un avenirproche, une existence et un fonctionnement bien réels dans les académies, à l’instardes équipes académiques d’innovation et de rénovation, qui ont, à leur époque, aidéà conduire la première rénovation qui a suivi les « événements de 1968 », les équipesacadémiques d’animation et de vie scolaire qui ont, pendant plus de deux décennies,assumé la formation initiale et ensuite continue des personnels de direction.

Il a été fait appel à des intervenants représentant l’ensemble des acteurs concer-nés par la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des formations.

Ce séminaire se déroule à une date qui vous a permis de :

– prendre ensemble connaissance des initiatives prises par les académies dans lecadre de nouvelles orientations nationales ;

– de débattre librement des champs à explorer dans le cadre de l’analyse desbesoins ;

– d’apprécier l’intérêt et les limites de la dimension académique ;

– de réfléchir aux modalités d’intégration des priorités nationales, académiques,départementales et locales ;

– de s’interroger sur les évaluations à produire pour alimenter l’analyse desbesoins ;

– d’imaginer la procédure de passage de l’analyse des besoins au cahier descharges.

Dès l’ouverture du séminaire, Germaine Simoni, se référant à juste titre au textedu 12 mars 1998, a rappelé le nouveau partage des responsabilités entre, d’une part,le recteur à qui échoit l’analyse des besoins de formation des personnels et l’élabo-ration du cahier des charges et, d’autre part, l’institut universitaire de formation desmaîtres à qui incombe la mise en œuvre de la formation. L’analyse des besoinsapparaît désormais comme un équilibre entre l’expression de besoins individuels etles priorités institutionnelles elles-mêmes contraintes par l’univers social. Mais iln’est pas pensable de ne pas référer cette analyse aux ressources que les IUFM doi-vent se constituer.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

110

Synthèse des travaux du séminaire

Jacques NaçabalInspecteur général de l’Éducation nationale

Les nouveaux enjeux en terme de pilotage de la formation

Ainsi chacun a-t-il bien compris les nouveaux enjeux en terme de pilotage de laformation.

Le regard historique d’Anne-Marie Chartier sur la formation continue du premierdegré, et notamment sur ce qu’elle a appelé « La formation continue avant la for-mation continue », nous amène à nous interroger sur l’invariant qu’est l’idée d’amé-liorer « constamment » le niveau intellectuel des instituteurs et de maintenir leurposition, à cet égard, dans la société. La création en 1967 des sciences de l’éducationa été une réponse appréciée de bon nombre d’instituteurs.

Le rôle joué par les instituteurs dans les revues pédagogiques, à cette époque, qu’ils’agisse des orientations pédagogiques générales, de documents directement utili-sables dans les classes ou d’innovations, nous donne à réfléchir sur la place que nousconsacrons dans les stages à l’écoute de leurs pratiques, aux évolutions qu’ils souhai-teraient apporter et aux réponses que nous sommes en mesure de leur apporter.

De la même façon, le rôle passé des instituteurs dans les mouvements périscolairesest à rapprocher, d’une part, de celui joué actuellement par les intervenants extérieursdans le temps scolaire et, d’autre part, hors temps scolaire par des animateurs ; nousretrouvons aujourd’hui des problèmes de coordination des activités de la journée del’enfant sur lesquels on doit travailler dans des actions de formation continue concer-nant des publics de statut diff é r e n t .

Mais on retiendra également le signal d’alarme tiré par Anne-Marie Chartier surl’investissement actuellement insuffisant des IUFM dans la formation continue ; le pro-blème des nouveaux universitaires recrutés actuellement sans légitimité pédagogiqueet, plus grave sans doute, le renouvellement massif dans les années à venir des anciensprofesseurs d’école normale.

J’ajoute, à titre personnel, que tout désinvestissement en formation continue a dese ffets immédiats sur la qualité de la formation initiale. Ce ne sont pas des artifices devocabulaire comme l’expression P E 3 , qui peuvent tromper un temps les jeunes pro-fesseurs sortants et masquer les insuffisances de ladite formation initiale.

En partant de l’analyse des besoins, nous savions tous que nous ne pourrions pasa p p o r t e r, faute de temps, des réponses précises et partagées à toutes les questionsayant fait l’objet des ateliers. Certaines réponses ont été apportées concernant en par-ticulier les champs à explorer ; il convient cependant de faire preuve de prudencedans l’exploitation des rapports individuels d’inspection à cette fin : les élémentsconstitutifs de ces rapports sont très variables. Il est certainement moins risqué d’étu-d i e r, quand ils existent, et ils sont de plus en plus nombreux, les rapports d’évaluationdu fonctionnement des écoles plus communément appelés « inspections d’écoles » .

Il me semble cependant que vous n’étiez pas loin d’aboutir sur certaines questionsobjectivement délicates, que je vais évoquer maintenant, sans toutefois les reformulerdans les mêmes termes que ceux utilisés dans les ateliers.

111

Synthèse des travaux du séminaire

Une définition du pilotage

Puisque pilotage de la formation continue il doit y avoir, commençons par rete-nir une définition du pilotage si rarement explicite dans les fonctionnements obser-vés : le pilotage d’un système éducatif consiste à fixer les buts à atteindre, à laisserles acteurs, dans le respect de leur autonomie ou de leurs compétences, libres de choi-sir les moyens nécessaires pour y parvenir et à ensuite d’évaluer les résultats.

Est-il si difficile pour des responsables administratifs et pédagogiques et pour desformateurs de s’accorder sur cette définition et d’en tirer ensuite les conséquences ?

Pourquoi se retourner vers l’administration centrale, voire le ministre, pour (lui,leur) demander des instructions écrites supplémentaires, alors que l’on sait que lesacadémies et les départements sont divers dans leur histoire, leur fonctionnement,leur importance quantitative et que tel dispositif, considéré comme opérationnel àLyon et reproduit à l’identique à Limoges, sera, dans cette ville, perçu comme uneusine à gaz.

Il est intéressant, à cet égard, de retenir l’expérience de l’académie de Clermont-Ferrand, qui, sans attendre l’instruction de mars 1998, avait innové en organisant pré-cédemment des actions académiques sur des thèmes qu’il valait mieux traiter à ceniveau.

Le principe de subsidiarité

Cela nous conduit à une deuxième observation : la période de transition que nousvivons devrait nous conduire à appliquer en la matière le principe de subsidiarité.Chaque fois que la conception et la mise en œuvre d’une action par le niveau aca-démique n’apportent manifestement aucune valeur ajoutée par rapport à la situationactuelle, on maintient la situation actuelle. Cela présentera un double avantage :régler une partie des conflits de compétences entre certaines instances de niveau aca-démique et de niveau départemental et, surtout, faire apparaître immédiatement lesavancées réelles du nouveau plan académique (intervention des universitaires,mutualisation du potentiel de formation sur certains thèmes relatifs à l’accompa-gnement des évolutions du système éducatif, actualisation des compétences des for-mateurs…).

Enfin, et c’est un aspect incontournable, comme nous l’a précisé RolandGoigoux, on a besoin de savoir ce qui pose problème aux élèves et d’analyser les dif-ficultés des enseignants ; la recherche de la modernité à tout prix n’est pas la meilleu-re piste pour développer dans le temps des compétences professionnelles.

Martine Safra, vous l’avez remarqué, a pris parti sans aucune ambiguïté sur unpoint controversé lundi soir : celui du pilotage du système éducatif et donc de la for-mation par les résultats des élèves. Ce faisant, elle n’a que rappelé l’obligation léga-le de conduire chaque élève à son niveau d’excellence ; cette obligation doit évi-demment être intégrée dans le cahier des charges de la formation continue.

En conclusion, un pilotage répondant aux caractéristiques signalées, l’applicationgénéralisée du principe de subsidiarité et le souci constant, à chaque niveau, de

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

112

prendre appui sur les résultats de notre école sont probablement quelques conditionsnécessaires à l’élaboration d’un plan de formation des maîtres efficace et répondantaux attentes des enseignants.

Pour en terminer, vous savez que c’est une habitude à l’inspection générale del’Éducation nationale, reprenant une observation d’un des ateliers, je ferai une pro-position à l’attention du directeur de la DESCO : des rencontres comme celle-ci doi-vent, sous forme nationale ou interacadémique, être renouvelées pour, sur la base destravaux des équipes académiques, procéder à des échanges et à des communicationssur les cahiers des charges, les plans académique et les diverses évaluations entre-prises et pour que, selon Germaine Simoni, on ne reparte pas chaque fois de zéro.

113

Synthèse des travaux du séminaire

Je dois vous avouer qu’à la veille de ce séminaire national, une interrogation m’a,un court instant, taraudée : l’analyse des besoins de formation continue des ensei-gnants du premier degré pouvait-elle susciter un intérêt soutenu, pendant deux jour-nées, parmi les participants à ce stage ?

Je crois pouvoir dire que la richesse des débats, ainsi que les nombreux ques-tionnements formulés, notamment lors des ateliers, témoignent de cette envie,semble-t-il partagée, de travailler sur cette thématique.

Une première étape

Après une année de transition dans la mise en place d’un nouveau dispositif deformation continue des enseignants, ce séminaire m’apparaît comme une premièreétape. Anne-Marie Chartier, dans le bilan qu’elle a dressé des trente dernières annéesde la formation continue du premier degré, nous a présenté l’évolution d’un dispo-sitif, avec ses forces et ses faiblesses. Sans porter de jugement sur ce dispositif, il meparaît sain et utile de le ré-interroger.

Des interrogations quant au nouveau dispositif

Tout au long du séminaire, nous avons eu présentes à l’esprit les spécificités dela formation continue du premier degré. Elles sont liées, d’une part, aux modalités deremplacement, que vous connaissez bien et, d’autre part, à l’organisation du travailau niveau de l’échelon de proximité : la circonscription. Or le nouveau dispositif, misen place dans le cadre de la lettre du 12 mars 1998, se trouve confronté à ces spéci-ficités. Il questionne, en effet, sur les éventuels risques encourus. Ainsi, dans lamesure où une partie de la formation continue pourrait se dérouler au plan acadé-mique, des interrogations sont soulevées. Certaines portent sur des problèmesconcrets, perçus comme pouvant constituer des freins à la bonne réalisation de la for-mation continue : des déplacements qui seraient exigés des enseignants et quiseraient dissuasifs, en constituent un exemple.

Le risque apparaît également de voir insuffisamment prises en compte, au niveaurégional, les spécificités des classes rurales ou des classes de plusieurs niveaux,

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

114

Clôture des travaux

Martine Le Guenadministrateur civil,chargée de la sous-direction des actions éducatives etde la formation des enseignants

pour n’en citer que deux exemples. Mais, au regard de ces craintes, n’y a-t-il pasaussi des gains précieux qui sont à enregistrer ?

Je citerai quelques exemples, qui rejoignent les propos de Jacques Naçabal.

Des bénéfices importants à recueillir

Le premier de ces bénéfices pourrait consister, par exemple, à faire profiter tousles enseignants, même ceux des communes isolées, des apports de l’université.

Faciliter, à partir de lieux de regroupement plus concentrés, l’accès à des équi-pements modernes, constitue un deuxième axe de progrès. Il s’agit là d’un point trèsimportant, comme nous le savons, pour les professeurs des écoles.

En outre, il nous faut favoriser, dans le cadre d’actions interdépartementales, lamutualisation des pratiques et des outils, c’est-à-dire enrichir le contenu même de laformation continue.

Comme il a été rappelé, le dispositif nouveau repose sur la collaboration étroite,exprimée dans le cahier des charges qu’adresse le recteur au directeur de l’IUFM,entre un maître d’ouvrage et un maître d’œuvre. Cette procédure implique deconstruire de la cohérence aux différents niveaux.

Le cahier des charges doit ainsi intégrer les spécificités, tout en les hiérarchisant.Le travail d’élaboration de la réponse par les IUFM doit faire preuve de la mêmecohérence, en liaison étroite avec leurs antennes locales.

L’analyse des besoins de la formation continue des enseignants du premier degrénécessite d’associer tous les acteurs, aux différents niveaux : académique, départe-mental ou local. En effet, seul le dialogue peut permettre de faire progresser le dis-positif. Mais l’analyse des besoins de formation sert aussi de révélateur à un autretype de préoccupations essentielles qu’avait bien noté Germaine Simoni : celle dunécessaire travail sur les ressources de formation. On ne peut pas, en effet, reveniraux errements antérieurs, qui ont été suffisamment critiqués. Rappelons qu’ils secaractérisaient par une offre de formation limitée. J’ose dire que les IUFM ont là unvrai défi à relever : recruter et former des formateurs qui soient adaptés aux besoinsdes évolutions du système éducatif.

J’ajoute que la question des ressources en formation ne peut être déconnectéed’une autre préoccupation : celle des modalités de la formation continue. La réno-vation introduite depuis deux ans dans la formation continue des personnels ensei-gnants ne saurait ainsi se résumer aux seuls stages « présentiels » qui ont été évoquésà plusieurs reprises, au cours des travaux. Il existe des actions innovantes, une for-mation à distance, des échanges de pratiques entre des réseaux d’écoles, voire sur lessites académiques, ouverts assez largement. Ce constat confirme la richesse et ladiversité de réponses apportées, à l’heure actuelle, sur la question des modalités dela formation continue.

Dans leur contribution, Anne-Marie Chartier et Roland Goigoux ont souligné lesinvariants des pratiques professionnelles des enseignants et l’analyse que ces dernierspeuvent en faire. Il s’agit alors de réfléchir sur la prise en compte de la parole des for-

115

Clôture des travaux

més dans le cadre de l’analyse des besoins. Dans un autre registre, nous avons puconstater que, pour progresser, des procédures sont à identifier et à construire,comme dans le cas de l’expérience qui vous a été présentée par l’équipe acadé-mique de Lyon, qui ne constituait, je le rappelle, qu’un exemple, sans valeur parti-culière de modèle.

Une réflexion à approfondir

La formation continue doit aider à l’évolution du métier d’instituteur ou de pro-fesseur des écoles, qui sont confrontés à des publics scolaires nouveaux. Elle consti-tue une réassurance professionnelle si elle fait écho aux principales difficultés éprou-vées par les enseignants, en évitant l’émiettement d’une offre qui pourrait êtreconsidérée comme disparate.

Je vous ai dit que le présent séminaire constituait une première étape. La réflexionreste en effet à approfondir, à l’issue de ce premier élan. Je pense que ce séminairedevrait être suivi par des travaux inter-académiques, qui viseraient à explorer plusl a rgement les outils de l’analyse des besoins de la formation continue des enseignantsdu premier degré, d’une part, et à mutualiser les ressources, d’autre part. Un travailqui associe plusieurs académies a d’ailleurs été lancé il y a peu. Un bilan devrait enêtre présenté au cours du premier trimestre de l’année 2001.

Pour conclure

Il me reste à remercier très sincèrement les nombreux intervenants, les animateurset les personnes-ressources ainsi que l’ensemble des participants qui ont contribué àla qualité de nos travaux et à l’avancée de nos réflexions.

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

116

L’analyse des besoins de formation des enseignantsdu premier degré

Les 29, 30 et 31 mai 2000

Carré des sciences, rue Descartes, Paris 5e

Lundi 29 mai 2000

14 h – 14 h 30 Ouverture des travauxJean-Paul de Gaudemar,directeur de l’enseignement scolaire

14 h 30 – 16 h Regard historique sur la formation continuedans le premier degréAnne-Marie Chartier,maître de conférences en sciences de l’éducation, INRP

16 h 30 – 18 h De l’analyse des besoins au plan académiquede formationÉquipe académique de Lyon

117

Annexes

Mardi 30 mai 2000

9 h 30 – 10 h 30 Présentation des ateliersSylvie Pouilloux,universitaire, professeur à l’IUFMde l’académie de Créteil

10 h 30 – 12 h 30 Travaux en ateliers

1. Quels champs explorer dans le cadrede l’analyse des besoins ?

Personne-ressources : Claude Pérignon,IEN à LongwyAnimateur : Daniel Feurtey,conseiller pédagogique à Belfort

2. Quels sont l’intérêt et les limites de ladimension académique de la formation continue des enseignants du premier degré ?

Personne-ressources : Gérard Bayon,responsable du réseau formation continue à l’IUFM d’AuvergneAnimateur : Gérard Duthy,IA-IPR à Clermont-Ferrand

3. Dans une analyse des besoins, commentintégrer les priorités nationales, académiques, départementales et locales ?

Personne-ressources : Gilles Pétreault,responsable académique de la formation continuedes enseignants auprès du recteur de DijonAnimateur : Jean-Pierre Pérol,IEN à Saint-Germain-en-Laye

4. Quelles évaluations produire pour alimenterl’analyse des besoins ?

Personne-ressources : Bernard Maccario,IA-DSDEN de l’EssonneAnimateur : Éric Weill, IEN à Élancourt

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

118

5. Par quelle procédure passer de l’analysedes besoins au cahier des charges ?

Personne-ressources : Jacky Raymond,responsable académique de la formation continuedes enseignants auprès du recteur de PoitiersAnimateur : Yves Cristofari,IEN adjoint à l’IA-DSDEN de la Vienne

14 h 30 – 15 h 30 Apport théorique sur la notion de besoinsde formationSylvie Pouilloux,universitaire, professeur à l’IUFMde l’académie de Créteil

15 h 30 – 17 h 15 Comprendre le travail enseignant pour mieuxle transformer : les apports de la psychologieergonomique et de la didactiqueRoland Goigoux,universitaire, professeur à l’IUFM de Clermont-Ferrand

Mercredi 31 mai 2000

9 h 30 – 11 h L’inspection d’école, un révélateurdes pratiques des enseignants etdu regard de l’IENMartine Safra,inspectrice générale de l’Éducation nationale

11 h – 11 h 45 Synthèse des travaux du séminaireJacques Naçabal,inspecteur général de l’Éducation nationale

11 h 45 – 12 h 15 Clôture des travaux Martine Le Guen,chargée de la sous-direction des actions éducatives etde la formation des enseignant

119

Annexes

120

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

Le cahier des charges – Un exemple de mise en forme

Dép.

21

21

21

71

71

71

71

89

Sous-objectif

Rendre utilisables par les maîtres leséquipements récemment acquis par lescollectivités locales :– maîtriser l’outil (y compris Internet) ;– intégrer l’outil au fonctionnement de laclasse et aux pratiques pédagogiques.

Développer la formation à l’utilisationpédagogique des réseaux :– maîtriser l’outil ;– l’intégrer (et les potentialités del’Internet) dans une perspective discipli-naire.

Développer l’utilisation de l’ordinateurpour améliorer les pratiques pédago-giques :utiliser l’ordinateur pour communiquer ;rechercher des documents ;concevoir et réaliser des outils pour laclasse.

Accompagner les politiques d’équipe-ment et les projets dans les écoles et lesétablissements

Former des personnes-ressources

Former des personnes-ressources etentretenir leurs compétences

Former des personnes-ressources etentretenir leurs compétences

Utiliser les TICE selon un projet.Parvenir à l’utilisation optimale des équi-pements dans le cadre d’un projet. Menerà bien le projet pédagogique personnel oude l’école. Exploiter les possibilitésoffertes par les TICE pour la constructiond’outils pédagogiques mutualisables.

Airede recrutement

Département

Département

Circonscriptionde Beaune

Département

Département

Département

Département

Départementde l’Yonne

Public

Écoles enmilieu ruralDépartement(équipementrécemmentacquis)

École reliéeà InternetMaîtrise debase de l’outilinformatiquerequise

Écoleséquipées

Personnelsd’enseigne-ment 1er degré

ATICE

RPI

Écoles de troisclasses et plus

Enseignantsen écoleélémentaireautonomesavec l’outilinformatique

121

Annexes

30 mai 2000 – D’après document de l’académie de Dijon

Typede

candidature

Individuel

Individuel

Individuel

Individuel

Individuel

Individuel

Individuel

Individuelet/oucollectif

Modede

candidature

Concerté(propositionsIEN decirconscription)

Demandé

Concerté

Concerté

Concerté

Concerté

Concerté

Concerté

Nombrede journées

de formationaffectées

8 journées(4j+2j+2j)12 stages

8 journées(4j+2j+2j)12 stages

4 journées(12 stages)

36

4

4

4

12

Nombrede journéesstagiairesaffectées

96 jours/stagiaires

96 jours/stagiaires

48 jours/stagiaires

648

60

60

60

276

Observation

3

7

8

9

10

11

12

13Remplacementpar PE2

Prérequis :maîtrise de basede l’outil infor-matique (gestionde fichiers etde traitementde texte)

122

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

123

Annexes

124

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré

125

Annexes

126

L’analyse des besoins de formation des enseignants du premier degré