L’amour, c’est comme la guerre, facile à démarrer...
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L’amour,c’estcommelaguerre,facileàdémarrer,difficileàfinir…etimpossibleàoublier.AnnBrashares
Prologue
Illaretournafaceaumuretl’yplaquadurement.Sontorsefrôlasondos,sesmainsemprisonnèrentsespoignets.—Jen’aipenséqu’àvoustoutelajournée,luisouffla-t-ilàl’oreille.Il inséra une jambe entre les siennes. Ses doigts resserrèrent leur emprise. Elle était à bout de souffle,impuissante,soumiseàsesmoindresdésirs.—Vousêtesunedrogue,murmura-t-ileneffleurantsoncoudeseslèvres.Unefoisquel’onvousagoûtée,onnepeutplussepasserdevous.L’espaced’un instant, Juliasentit le tempssuspendresoncours.Plus rienn’existaithormis lapressiondu torsepuissantdecethommesursoncorpsainsiquesescaresses.Ill’oppressaitunpeuplusàchaquerespiration.—Votreodeur,votregoût,lasensationdevoslèvrescaressantmonsexe…Elledéglutitdifficilement. Il luidevenait impossibledenier l’emprisequ’il avait sur elle.Trop sûrde lui,de sonpouvoir,desadominationsurtouteschoses…Oui,c’estbiencequ’elleétait:sachose.Ellen’étaitqu’unobjetseplaisantàassouvirsesdésirs,encoreetencore…etelleaimaitça.Autantquecette impressiondeviolencequiémanaitdelui.Elleauraitdûfuir,maispouruneraisonquiluiéchappaitcomplètement,elleluiappartenait.Ildéposaunlégerbaisersursanuque,gestecontrastantindéniablementavecsonattitudebrutale.Seslèvres,sesdentsparcouraientlachairdélicatedesoncou.Ilpressaseshanchescontresesfesses.Juliasemordit lalèvrelorsqu’elleperçutsonmembreérigéàtraversl’étoffedesajupe.Ç’enétaittrop,etpourtant,elleenvoulaitplus…tellementplus…Tremblantededésir,ellenebougeapaslorsqu’illâchaenfinsespoignets.Ilsoulevasajupecrayon,frôlantduboutdes doigts ses jambes galbées dans des bas noirs.Un grondement lui échappa lorsque les deux globes blancss’offrirentàsonregard.Mutine,Juliasemordit la lèvredeplusbelleausouvenirqu’ellen’avaitpasmisdedessous.Ellebrûlaitd’envied’êtreprise,qu’illapénètreviolemment,qu’ilcomblechacundesesorifices.Ilattrapasesfessesàdeuxmains,l’écartadumuretpressacontreellesonsexeenérectiondifficilementcontenuparsonpantalon.Haletante,ellecambralesreins,maisillaretournad’ungestebrusque.
—Lola,ilfautvraimentquetuteprépares.Onvaêtreenretard…—Hein?Quoi?Merde!Ilestquelleheure?J’enregistremontexte,jetteuncoupd’œilàmamontre.Ilestdéjà11h45.Etremerde!Jevaisencoreêtreàlabourre.Bon,onrespire,jepeuxlefaire.Jesuisuneprodel’habillageexpress,aprèstout.Jemelève,retiremonpyjamaàlavitesseéclair,attrapelepremierpantalonquimetombesousla
main, regrette instantanémentmon choix : j’ai beaume dandiner en tirant dans tous les sens, il restecoincéenhautdemescuisses.
Jegrogne,l’enlèveetlebalancedansuncoin,furieuse.C’estletroisième,cettesemaine!Àcerythme-là,jevaisdevoiremménagerdansuncampnaturiste.Oui,parcequesepromenerculnuenpleinManhattan,çapassepasgénial…Jesoupireetregrettedem’êtreresservietroisfoisdugratindemacaronisaufromagehiersoir.
Notepourplustard:moinsdeféculents,defromage,deglace,debonbons,dechocolat…Bon,engros,plusdelégumesetmoinsdetoutlereste!
Jefarfouilledansmonarmoire.Deplusenplusdésespérée,j’envisagedenouveaulapossibilitédesortirnue.
Jejetteuncoupd’œilàmonrefletetmesyeuxs’écarquillentlorsqu’ilstombentsurmonpostérieur.Depuisquandmesfessessont-ellesaussigrosses?!—Lola!Jegrogneenréponseetattrapevivementunautrepantalonpourundeuxièmeessai.Unejambe.Puis
l’autre.Levisagecrispé,jemesenstenduecommeuneficelledestring.Cemorceaudetissun’apaslamoindreidéedecequisejoueencemoment.Tousmesespoirsreposentsursesfinescoutures.Çapasse,çapasse…Mesfessespassent!
Un faible rayon de soleil éclaire la chambre au même moment. Certainement un signe que, cepantalonetmoi,nousallonsaccomplirdegrandeschoses.Lesquelles?Jen’enaipaslamoindreidée,maisçavaêtreépique.
Majoieestdecourteduréecarjen’arrivepasàlefermer.Espècede…Jen’aipasdemotpourqualifiercette trahison. Je lui faisaisconfiance !Luietmoidevionsêtre
sexyetremarquables!Jerentreleventre,tiredanstouslessens.—Ah-aaah!jem’écrie,victorieuseetàboutdesouffle.Tel RoboCop avec la respiration sifflante de Dark Vador, je m’avance vers mon armoire pour
chercherunhautconvenable.—J’aiappeléuntaxi,annonceJerryenentrantdanslachambre.Bordel!Qu’ilestsexy,avecsasimplechemiseblancheetsonpantalongrisanthracite,medis-je
enledévorantdesyeux.Parcontre,lui,ilmeregardebizarrement.Est-cequeçasevoitquecefoutupantalonmeboudineetque jen’arrivepasà respirer?Est-ce
qu’ilaremarquéquej’aiprisdupoids?Agissonscommesitoutétaitnormal…Jeleremercietoutencontinuantàfarfouillerdansmonarmoired’unairconcentré.Maispourquoiilmeregardetoujours…?Lola,restenaturelle…—Tun’auraispasvu…Jen’aipasletempsdefinirmaphrasequeleboutondemonpantalonlâchesouslapressionetfile
commeunbouletdecanonendirectiondeJerry.J’ail’impressionderegarderunépisoded’OliveetTom.Auralenti,jevoisleboutonfendrel’airdansunsifflement,sedéformantsousl’effetdelavitesse.
Bon,OK,j’exagère.Jedoisregarderunpeutroplatélé.Jerryattrapeleboutonauvoletl’observeentresesdoigts,visiblementamusé.Puissonregardse
porte surmoi, et enfin, surmon pantalon, qui s’ouvre tout doucement, laissant apparaîtremon ventrearrondi.
Jeresteimmobileunesecondepuisdéclare,commesiderienn’était:—Finalement,laissetomber,jevaismettreunerobe.Jeremetslenezdansmapenderieaussinaturellementquepossible.Jejetteundiscretcoupd’œilà
Jerry,quis’estinstallédanslefauteuilàcôtédelacommodeetm’observeensilencetoutenjouantaveclebouton.
J’enlèvelepantalonquim’alâchementabandonnée,lejettedansuncoinettentedemeconcentrertandisquejesensleregarddeJerryparcourirmoncorps.C’estpasfacile,avecsesyeuxrivéssurmoi.
Est-cequ’iltrouvequej’aidegrossesfesses?Est-cequejerentreencoredansunfichuvêtementdecettesaloperied’armoire?Est-cequ’ilrestedugratindemacaronisdanslefrigo?
— Lola, ce n’est pas que la vue me dérange, bien au contraire, mais il faut vraiment que tut’habilles.
Jemeretourneetluidemande:—Tutrouvesquej’aidegrossesfesses?Ilm’observe,l’airsurpris,etmerépondavecsavoixgravedeSexy-Fossetteslover:—Non,tuasdesfessesmagnifiques.Sesyeuxgrisprennentuneteinteplussombreetbalayentmoncorpsavecenvie.C’estmoiouilfaitchaudtoutàcoup…?Jememordslalèvre,contemplesesépaulescarréesàpeinecontenuesparsachemise,sesavant-
brasdénudés…—Lola,arrêtedemeregardercommeçaethabille-toi!melance-t-il,amusé.—OK!Maisc’esttoiquieslà,àmereluquer,jeluisorsenexaminantànouveaumapenderie.—Tusais,tevoirt’habillerestaussiexcitantquetedéshabiller,dit-ildoucement.—Doncjedoisconsidérerçacommedespréliminaires?jeluidemande,aguicheuse.Ilnerépondpas,maisjesourisenpartantàlarecherchedelarobeidéale.J’ai de grosses fesses,mais jem’en fous, parce quemon fiancé top canonme trouve toujours
aussijolie,jechantonnedansmatêteencontinuantmonexamen:…troppetite,tropcourte,tropsexy,tropmoche,tropfleurie,trop…parfaite!
J’attrapemarobenoireportefeuille,tirediscrètementsurletissu,remerciementalementl’inventeurdel’élasthanneetl’enfile.
Jemedandine jusqu’à lacommodeetm’empared’unepairedebasnoirs.Alorsque je lesenfileaveclenteur,jelevoisretenirsonsouffle.
—Lola,situcontinuescommeça,tunesortiraspasdecettechambreavantunbonmoment,dit-ilavecunevoixrauque.
—C’esttoiquivoulaisresterregarder,jeterappelle!jeluilanceenmepenchantpourattrapermesescarpinsnoirs.
Jesouris,fièredemonpetiteffet.—Lola…,souffle-t-il,leregardrivésurmesfesses.Mesyeuxtombentsurletissutenduàsonentrejambe.Ilselèveets’approchedemoisansmequitterdesyeux.Jevendraismonâmepourceregard…Il s’arrêteàquelquescentimètresdemoi. Je sens sachaleurm’envahir, sonodeur si familièreet
réconfortantem’entourer.Ilcaressemajoueduboutdesdoigts.Jefermelesyeux.Jemedemandesijemelasseraiunjourdesescaresses,desesregards,deseslèvressidouces…Saboucheseposesurlamienneetjemelaisseemporterparcebaiser,dur,sensuel,excitant.Ils’écartedemoiàboutdesouffle,sonfrontcontrelemien.—Lola,ilfautvraimentqu’onyaille,chuchote-t-il,lesyeuxencorefermés.Jedéposeunlégerbaisersurleboutdesonnezetluilance,espiègle:—Tuessûr?Ilouvrelesyeux,esquisseunsourireetfinitpardire:—Vousêtesdiabolique,mademoiselleMorell.—Et vous, vous êtes à croquer,monsieurWalker, je sors en lui pinçant les fesses avant d’aller
mettremonmanteau.—Letaxiestdéjàlà,déclare-t-ilenmetendantmonportable,mesclésetmonsacàmain.
—Vous êtes vraiment l’homme idéal,monsieurWalker ! je lance avant de lui donner un rapidebaiser.
J’ouvrelaporteetvoisletaxidémarrersousmonnez.—Etmerde!jelâcheenmemettantàcourircommeunefollederrièrelavoiturependantqueJerry
ritenfermantlaporteàclé.Heureusement,lechauffeurs’arrêtequandilm’aperçoitdanssonrétroviseur.Jegrimperapidement
àl’intérieuretattendsJerry.Unefoisaucomplet,jedonnel’adresseetnousdémarronsàtouteallure.Ehben,ilestpressé,celui-là!jerâleintérieurement.Jerryattrapemamainetydéposeunlégerbaiser,cequimecalmeinstantanément.Jesuisfolledecethomme…NousarrivonsavecquelquevingtminutesderetardauPlazza,oùsedéroulelafêtedefind’année
deHEH.J’aibiensongéàmedéfiler,maisimpossible.DepuisledécèsdemonancienP-DG,riennevaplus
danslaboîte.Leconseild’administrationlicencieàtourdebrasaveccommeprétexte«c’estlacrise».Elleabondos,cettesaletédecrise,àmonavis!Enfinbref,toutlemondeestsurlasellette,d’oùuneambiancebienpourrie.Engros,c’estlafiestaderêve…Touslesemployésaffichentunsourirecrispéetdiscutentàvoixbasse.Onsecroiraitàuneveillée
funèbre.Je ne peux même plus me moquer de mes collègues qui ressemblaient à des Barbie, elles ont
presquetoutesétélicenciées.C’estvraimentnul.Onnepeutpasdirequ’ellesétaientcompétentes,maisunebimbo,çaégailletoujourslepaysage.
Tiens,enparlantdetrucinutile…—Natacha!jem’exclameavecmonsourireplus-faux-cul-tu-meurs.Mabossrefaitedespiedsàlatêtes’approcheenreluquantouvertementJerry.Ben,vas-y,tegênepas,vieillemorue!Ellem’examineavecunlégerairdedégoûtenarrivantànotrehauteur,puissonregardrevientsur
Jerry.—Vousêteslà!Quellemerveilleusesurprise!s’écrie-t-elleenlesaluantavecungrandsourire–
rectification:aveccequidoitêtreunsourire.Elleesttellementrefaitequejenesuispascertainequ’ellepuissefermerlesyeux.—Oui,maintenantquejepeuxànouveaumedéplacer,jenecompteplusquittermabelleLola,lui
répond-ilenmejetantuncoupd’œil.Etvlan,vieillebique,ilestàmoi!—C’esttoutdemêmeterrible,cemalheureuxaccidentdevoiture,souffleNatachaenbattantdeses
fauxcils.—Oui,cegenredechoseesttristementbanal,répondJerryavecunhochementdetêteaffecté.Des fois, jemedis qu’entre sonphysiquede star et sa facilité àmentir, il aurait été un très bon
acteur.En vérité, il n’y a pas eu d’accident de voiture, mais il a bien fallu inventer une histoire pour
expliquer pourquoi Jerry s’était fait passer pour le P-DG deHEH – et accessoirement sa blessure –lorsqu’iladécidéderesteravecmoi.
Jemevoyaismalraconterqu’enfait,c’étaitunagentsecretquienquêtaitsurmoiàcaused’unvold’informations ultraconfidentielles, qu’il avait été blessé par sa chef à la coiffure de Playmobil etqu’aujourd’hui,ellecroupitenprison,avecdestasd’autresterroristessuperdangereux.
Donc,ensomme,pourtousceuxquinesontpasaufaitdemespetits(voiregros)secretsdefamille,Jerrytravaillepourlesassurances,s’estfaitpasserpourleP-DGafind’enquêtersurlamortdeJosephHamlish–quiestbeletbienmortd’unecrisecardiaque–et,malheureusement,moncherettendreaeuungraveaccidentdevoiture,d’oùsonhospitalisation.
—Etvousreprenezvotretravailbientôt?l’interroge-t-elleenluitripotantlebras.—Pourlemoment,jenesaispas.Jeveuxprofiterdemafuturefemmeetpartageravecelletousles
momentsdesagrossesse,dit-ilencaressantdoucementlelégerarrondidemonventre.Cen’estpascomplètementfaux:Jerryestofficiellementàlaretraite.Saufqu’ilafaitlademande
pourunposteadministratifaubureaudeNewYork.Jecroisquel’idéederesteràlamaisons’occuperdubébénel’enthousiasmepasdesmasses.D’ailleurs,c’estplutôtamusantdevoircethommecapablededésamorcerunebombenucléaireetdesauverlemondepaniquerfaceàunbébé.Ildoutedesescapacitésàêtreunbonpère,maispasmoi.
Jesuiscertainequ’ilvaêtremerveilleux.Desfois,jemeprendsàimaginermonaveniravecJerry.Jelevoistorsenu,notremagnifiquebébé
assoupi contre lui, repu de tout cet amour que nous lui portons. Il le dépose délicatement dans sonberceauet,unefoislaportedelachambrerefermée,ilmeprendfougueusementpartout,n’importeoù…
Notrepassionseraitnotreseultémoin.—Qu’est-cequetuenpenses,Lola?mecoupeJerry.De?Merde,j’aipassuivilaconversation!JesourisetaperçoisPauletWillàcôtédubuffetquirigolent.Regardez-moicettebandedesalopardsquimelaissentgaléreraveccettegarcedeNatacha…Paulm’aperçoitetlèvesacoupedechampagneenm’adressantunsourire.Quelpetit…—Veuilleznousexcuser,Natacha,jesorsavecunrictusentirantJerryparlebras.Commeça,jen’aipasbesoinderépondre,c’estparfait!—Allez-y,jeresteaveccetrèscher…Jesuisdésolée!Jen’arrivepasàretenirvotrevraiprénom.—Jerry!jerétorqueplussèchementqu’ilnelefaudrait.—Ahoui,c’estvrai!s’exclame-t-elleenriantetenluitripotantànouveaulebras.J’aiunegrosseenviedeluitapersurlesdoigtspourqu’elleenlèvesessalespattesdemonmec.— Désolée, j’avoue que cela me coûte. Pour moi, vous resterez toujours notre brillant, fier et
autoritairesupérieur…Jerêveouellevientdesusurrerlesderniersmots?—Oui,bennon,enfait.Ilestenquêteurpourlesassurancesetils’appelleJerry!jesors,àboutde
nerfs.—Celaauraitétéavecplaisir,Natacha,maisjeresteavecmafiancée.Jenevoudraispasquel’on
melavolealorsquej’ailedostourné,ditJerryenseretenantderiretandisquejefusilleduregardlamaindeNatachaquicontinuedeluitâterlebiceps.
—Euh,oui,allons-y,jelâche,lamâchoirecrispée.Unefoisunpeuplusloin,jechuchoteàl’oreilledeJerry:—Ilvafalloirqu’ondésinfectetaveste,maintenant.—Moi,jepensaislabrûler.—Ohoui!Onlabrûledanslejardinetondansetoutnusautourdufeu!Ils’interromptetm’observe,l’airamusé.—Lola,c’étaituneblague.—Oui,tuasraison.Enplus,enpleinmoisdedécembre,onauraitfroid,àpoildanslejardin,je
sorsensoupirant.Jerrysemetàrire,meprenddanssesbrasetmeditdoucementavantdem’embrasser:
—Jevousaime,LolaMorell,etjenesuispassûrquel’éternitéenvotrecompagniemesuffise.Quandilmelâche,jesouriscommeuneidiote.Sionm’avaitdit,ilyatroismois,quemavieressembleraitàça,jen’yauraispascruuneseconde.Ilm’arrived’êtreterrifiéeàl’idéequecelam’échappeunjour.Parfois,mêmelesplusbelleshistoiresnefinissentpastoujoursbien.
Chapitre1
—Maman,ouvrelesyeux.Maman,jet’enprie!jehurle.Sonvisageensangreposemollementsurlevolant.Uneodeurâcredefuméeemplitl’habitacle.Je
mesensmal.Mapoitrineestdouloureuse.Jepleure.J’aipeur.Jeveuxdétachermaceinturedesécuritémaisjen’yarrivepas.
—Maman!jecrieplusfort.Ellenebougepas.Sesyeuxsontouvertset fixent levide.Pourquoiellenebougepas,sielleest
réveillée?—Jerry,melanceunevoixdouce.Marespirations’apaiseenuninstant.Unange…Unangem’appelle…J’ouvrelesyeuxetmefrottelevisage.Macagethoraciquemonteetdescendàunrythmeeffréné.
Moncœurcogneviolemmentdansmapoitrine.Ilmefautquelquessecondespourreprendrepieddanslaréalitéetcomprendreoùjesuis.
NewYork…JesuisàNewYorkavecLola…Jetournelatêteetlavoisquimedévisage,l’airinquiet.Jeresteimmobile.Jenesuispasencoreen
étatdebouger.Mesmusclessontcommetétanisés.Lolapasseunemaindansmescheveuxetlescaresseavecdouceur.Unefoisqu’ellesentquejesuiscomplètementrevenuàlaréalité,elleselovecontremoi.
Jelaserreplusfort.Soncorpsdouxetchaudm’apaise. Je ferme lesyeuxetplongemonvisagedanssescheveux,me
laissantenivrerparsonodeur.Lesbonbons…Lolaestmonunivers.Lalumièrequim’aideàsortirdemesténèbres.—Encoreuncauchemar?chuchote-t-elle.L’inquiétudeperce dans sa voix,mais je ne répondspas etme concentre sur la sensationde son
corpscontrelemien.Jerèglemarespirationsurlasienneettentederetrouverunsemblantdecalme.Ellesoupire.Jesaisqu’elleadumalàsupportermonsilence.J’aimeraisnepasavoiràluiimposerça,maisilyacertaineschosesquejenesouhaitepasluirévéler.Jenemesenspasprêtàneplusvoirsesbeauxyeuxmarronme regarder avec cet amour qu’elle seule est capable deme donner. Je ne suis pas sûrqu’ellemepardonneraitdeluiavoircachécertaineschoses.
—Rendors-toi,mapuce, je luiglisseàl’oreilleenlaserrantplusfortalorsquel’angoissedelaperdrem’étreint.
—Jerry,parle-moi,dit-elle,encoreplusinquiète.J’avalemasaliveavecdifficultéetréponds,lavoixempreinted’émotion:—Cen’étaitrienqu’unmauvaisrêve.
Elle frotte sonnezcontre lemienetdéposeunbaiser légercommeuneplumesurmes lèvres. Jesourisetluicaresseledosjusqu’àcequ’elleserendorme.
Jesaisqu’ellepensequejevismalsagrossesse,notrefuturmariageetjenesaisquoiencore…Jelesaispuisqu’ellemel’adit–ouplutôtcrié.Je n’ose pas lui dire que ces cauchemars, c’est la routine pour moi. Et que mes démons me
rongeaient avant nous, avant tout ça.Car si je les lui révélais, je devrais lui parler de tout cequimebouffedel’intérieuretjeneveuxpas.
Las,jemepasseunemainsurlevisage.Encoreunefois,jenemerendormiraipas.Jem’éloigneunpeud’elle,glissemespiedsnushorsdescouverturesetlesposesurlesol.Jeplace
mamainsurlatabledenuit,poussesurmonbrasafind’allégerlepoidsdemoncorpssurmajambeetmelèveensilence.Jeclopinejusqu’àunechaiseoùj’attrapemonpantalondepyjamaetprendsappuisurlacommodepourl’enfiler.Chaquemouvementmeramèneaumomentoùj’aiétéblessé,cemomentoùj’aicrutoutperdre…
Ilyamaintenantpresquedeuxmois, lorsque jemesuis réveillédansunechambred’hôpitalsanspouvoirbouger.J’aicrumourirunedeuxièmefoisquandonm’aannoncéquejeresteraihandicapéàvie.J’ai supplié Lola de me quitter, mais elle est venue chaque jour. Elle a supporté mes silences, meshumeurs, mes échecs et m’a encouragé dans mes réussites. Je devrais être heureux de pouvoir medéplacer,maisjenepensequ’àLola.
Elleméritetellementmieuxqueça.Sij’étaispluscourageux,jelalaisseraismeneruneviemeilleure,avecunhommebien,etpasun
handicapéhantépardescauchemars.Maisjenelesuispas.Jen’arrivepasàimaginermaviesansLola.Jesoupireànouveauetquittelachambreensilence,traînantmajambeinvalidejusquedanslacuisine.Jecaresselematouobèsequilèvelemuseauquandjepasseàcôtédelui,ouvreleplacard,ensorsunverreetyverseunpeud’eau.
Raspoutines’étireettrottinejusqu’àmoi.Ilsefrotteàmesjambes,meroulesurlespieds,mefaitducharme,maisjenerépondspasàsaprièrefélinequiest:«File-moiàmanger!»
—Désolé,mongros,maisonprend l’aviondansquelquesheures et tudois être à jeunpour tescachets.
Jefroncelessourcilsenleregardant.Ilsemblecarrémentvexé.Ilauraitdesmains,ilmeferaitundoigtd’honneur.
—Tuasledroitd’êtreencolère,maisc’estcommeça!Ilm’observeavecsonairdefélinsupérieuretrepartensedandinant.Jecroisquecechatnem’aimepas.Au départ, ça allait, mais depuis que j’ai emménagé ici, c’est la guerre. Il a pissé dans mes
chaussures, fait sesgriffes surmespantalons,etparfois, il se tapitdansuncoinetm’attaquequand jepasse près de lui. Franchement, se faire attaquer le mollet par un chat obèse handicapé, c’est aussihilarantquepathétique…
Lola pense qu’il est jaloux et a décidé que je devais apprivoiser la bête.Donc c’estmoi qui lenourris.C’estcensécréerunlien,maisjenesuispascertainqueçasoit trèsefficace.Ilvientmevoirquandilafaim,maisilcontinuedemefairedescrasses.
Jeboisunegorgéed’eauetmerendsdanslebureau.Jeconfirme:cechatnem’aimepas.Ilachiésurletapis!Jeretournedanslacuisine,croiseRaspoutinequim’observe.Unmoment,j’aimêmel’impression
devoirs’étirerunsouriresadiquesursesbabines.Quellesalebête!Pourmevenger,jepousseungros«bouh!»,etilsecarapateencourant.
Jenettoietout,etmedemandesilebébém’aimeraousij’aurailedroitàunRaspoutinebis.J’entendslaportedelachambregrincer.Benvoyons,CatzillavadormiravecLola,histoiredesefairedorloter!Jecroisquejenel’aimepasnonplus,enfait.Jesoupire,tireunechaiseetm’yinstalleengrimaçant.Majambeetmondosmefontmal,maisje
mefaisuneraison.Çaseracertainementlecastoutemavie.Alorsautantm’yhabituer…Toutcommeauchatobèse!J’observedistraitementlesaffairesentreposéesautourdemoi.Cebureau,c’estleseulendroitoùje
mesentevraimentbien.Enplus,normalement,Raspoutinen’apasledroitd’yentrer.Maislabestioleestfourbeetsaisitchaqueopportunité…
Jeposeleverresurleboisbrutetmefrottelesyeux.Machinalement,j’attrapemonportableetvoisuntextodeDamien.
Quandtuarrives,ilfautqu’onparle.D.
Çan’augureriendebon…Jediraismêmequec’estcertainementlaraisondesondépartprécipitédeNewYork…Jenesaispascequ’ilmeveut,maismaplaceestavecLola.Donc,quoiquecesoit, ildevrase
débrouillersansmoi.J’aidemandéuneplaceàl’AgenceàNewYork,untravaildebureautranquille.J’attendstoujours
leurdécision.Jenesaispascequeçadonnera.Cegenredeposteesttrèsconvoité,etenplus,laretraiteanticipéem’a déjà été accordée.Mais j’ai de bons états de services qui devraient entrer en ligne decompte.
Audépart,jepensaisretournervivrechezmoi.Leproblème,c’estquecefameux«chez-moi»tientplusd’unecabanequed’unevéritablehabitation.LolatravailleàNewYork,vitàNewYork,doncmaplaceestàNewYork.Saufquejen’aimepascetteville.J’aimejardiner,pêcher,j’aimelegrandair,etàNew York, on en est vraiment loin. Et comme pour me le rappeler, on a commencé à regarder lesappartements.Jesaisbienqu’avecl’arrivéedubébé,ilnousfautplusd’espace.Maisj’ail’impressionde renierunepartdemoi.Àchaque foisque je regarde l’unedesannoncessélectionnéesparLola, jepenseàmacabane,àlaviequej’aimeraisoffriràmafamilleendevenir,loindesbuildings.
Ilvafalloirquejemefasseuneraison…Pourlemoment,SafiavitavecMattenCalifornie,donconnesepressepas,onatoutl’appartement
pournous.Enplus,aveclespréparatifsdumariageetmesséancesdekiné,nousn’avonspasvraimenteuletempsdenousmettreàrechercheractivement.Maisjesaisqu’aprèslemariage,illefaudra…
Jesoupireetmonregardtombesurletiroirdubureau.Indécis,jel’observeunmoment,puisfinispar l’ouvrir et en sors l’invitation que j’aimise de côté il y a déjà quelques semaines. Je l’examine,effleuredudoigtleslettrescalligraphiéesethésiteencore,commetouteslesnuitsdepuisdessemaines.Jem’appuiecontreledossierdufauteuil.Dansquelquesheures,nousnousenvolonspourlaFrance,alorssijeveuxlaposter,c’estmaintenantoujamais…
Jamais…Unelarmerouledoucementlelongdemajoueets’écrasesurlesol.C’estcequejem’étaispromis,
etpourtant,maintenant…Toutçan’aplusaucunsens.Mavie a pris un tournant inattendu.Lola l’a changée indubitablement.Alors pourquoi devrais-je
vivreavecce«jamais»?Peut-êtreparceque siLola savait, elleneme lepardonnerait pas.Et surtoutparcequ’il est trop
tard,maintenant.
Lemot « famille » siffle dansmes oreilles en continu.Rageusement, j’essuie une autre larme etrangel’enveloppe.
Jenepeuxpasprendrelerisquedetoutperdre.C’esttroptard…Je regarde mon portable, 7 heures. Je me passe une main sur le visage et me relève
douloureusement.Jejetteunderniercoupd’œilautiroircontenantl’invitation,hésiteencore,maistrouvelaforcedem’endétourner.Jefermeprécautionneusement laportedubureauderrièremoietmedirigevers la cuisine. J’ouvre l’eau froide, m’asperge le visage et en verse dans la bouilloire. J’entredoucementdans lachambreetvoisRaspoutinequimeregarde, l’airdedire :«C’estmoiquipionceavecelle,connard!»
Saletédechat!Jem’approchedeLola,maisçaneplaîtpasàCatzilla,quicommenceàgrogner.Maisbonsang,quellesalebête!Pouraffirmer sa supériorité, il luimontedessuset commenceà ronronner en lapétrissantde ses
pattes avant. Instinctivement, Lola le caresse. Raspoutine m’observe, l’air moqueur, et continue sonmanègeenbavantlégèrement.J’approchemamainpourlaposersurlevisagedeLola,maisCatzillamemetuncoupdepatte.
Iln’yaplusqu’unesolution…Je me rends dans la salle de bains, attrape mon arme secrète, la recharge et retourne dans la
chambre.CatzillaestroyalementaffalésurLola,quidorttoujours.Confrontationvisuelle…J’attrapelevaporisateuretarroselabête.Raspoutines’enfuitencourant.Sonchariotémetunbruit
retentissantquandiltombedulit.Lolaseréveilleensursaut.Jecachelevaporisateurderrièremondosetluisourisavectendresse.
—Tuasbiendormi?jedemandeinnocemment.—C’étaitquoi,cebruit?m’interroge-t-elleenregardanttoutautourd’elle,lescheveuxdanstous
lessens.—Quelbruit?—Qu’est-cequetuasfaitàcepauvreRaspoutine?mequestionne-t-elleencroisantlesbrassursa
poitrine.«PauvreRaspoutine»?!Rienqueça!Cechatestfourbe!Et,bonsang,quej’aimelesseinsdeLola…Je tente de me concentrer sur autre chose que sa poitrine à peine contenue par sa nuisette et
réponds:—Absolumentrien!Ellenemecroitpas.Ellem’observe,unsourcil relevé.Jen’aimepasquandelleaceregard,ce
n’estjamaisbonsigne.—Ettoi…tuasbiendormi?reprend-elleententantd’avoirl’airdétaché.Jenerépondspas,elleconnaîtdéjàlaréponse.—Jerry,pourquoitunemeparlespas?dit-elledoucementens’asseyantauborddulit.—C’estjusteuncauchemar,Lola.—Maisçarevienttouteslesnuits!Jemeperdsdanslacontemplationdusol.Jenesupportepasdevoirsesbeauxyeuxinquiets.—Jerry,onpartdansquelquesjoursettun’asinvitépersonneaumariage.—Nousenavonsdéjàparlé.Jen’aipasdefamille,c’estaussisimplequeça.
—Tucriespendanttescauchemars,commence-t-elle.Tul’appelles.Jesouffle,agacéparletourqueprendlaconversation.—Tucries«maman»touteslesnuits,Jerry,continue-t-elletristement.—Elleestmorte,Lola.Iln’yariendeplusàdire.C’estçaquetuveuxsavoir?Mamèreestmorte,
etjeneveuxplusenparler.Jenelaregardetoujourspas,maisjelasenss’approcher.—Jevaisprendremadouche,dis-jeplussèchementquejelevoudrais.Jeme dirige vers la salle de bains,me tourne et reprends,mal à l’aise, en évitant toujours son
regard:—J’aimislabouilloireenroute.Jefermelaportederrièremoietpriepourqu’elleneviennepasmerejoindre.
***
Jeme lève etm’immobilise devant la porte de la salle de bains, lamain posée sur la poignée,hésitante.Si jen’entrepas, la situationn’évoluerapas. Je le sais.Mais jenepeuxpas le forceràmeparler…
Bonsang,samèreestmorte!Aufonddemoi,jelesavais.Touscescauchemars…Ilm’arrachelecœur,chaquenuit,avecsescris.J’avaledifficilementmasaliveetentre.Moncœurs’arrêtedebattreuninstantquandjelevoisassissurleborddelabaignoireentrainde
pleurer.Jeretiensmeslarmes,carilabesoinquejesoisforte…—Lola…jet’enprie…,mechuchote-t-il.J’avancedoucementettombeàgenouxdevantlui.J’essuieseslarmesavecmonpouceetlelaisse
nichersatêtedansmoncou.Jeluicaresselescheveuxensilencetandisqu’ilpleure.—Jet’aimeàenmourir,Lola,finit-ilparsouffler.Un frisson me parcourt au contact de ses lèvres. Je ferme les yeux et me laisse envahir par la
sensationdesonsouffledansmoncou,deseslèvres…—Jeseraipatiente,Jerry.Maisunjour,ilfaudraque…Je n’ai pas le temps de finir que sa bouche s’écrase sur lamienne. Ilm’embrasse avec tout son
amour,sondésespoir,etd’autressentimentsquejen’arrivepasidentifier.—Nemequittepas,medit-ilenaccentuantchaquemotavecunbaiser.D’ungestesûr,ilfaitglisserlesbretellesdemanuisetteetsesyeuxmedéshabillentenmêmetemps
quesesmains.—Pourquoijetequitterais,Jerry?jechuchote,lavoixlégèrementéraillée.Il s’interromptetm’observe,commesi j’étais folledeposercettequestion,commesi la réponse
étaituneévidence.—Parcequejenesuispasl’hommequ’iltefaut,Lola,répond-ilsimplement.Mes yeux plongent dans un océan en pleine tempête, mes mains frôlent ses cuisses, et je lui
demande,enrapprochantmabouchedelasienne:—Alorspourquoiveux-tum’épouser?—Parcequejenepeuxpasvivresanstoi,souffle-t-ilcontremeslèvres.—Lejouroùtucomprendrasquemoinonplus,tuserasleplusheureuxdeshommes,Jerry,jedis
avantdel’embrasseramoureusement.
Jem’accrocheàsoncou,laissesesmainsparcourirmoncorpsavecenvieetl’entraîneavecmoisurle sol. Il finit de faire glisser ma nuisette, dénudant mon corps brûlant. Je passe mes mains sousl’élastique de son pantalon et l’enlève d’un coup sec.La douceur laisse place à l’urgence, ses lèvresarpententmoncorps,sesdoigtss’enfoncentdansmachair.Sonsexefrôlemonintimité.Jen’attendsquelui,moncorpsnevibrequepourlui,toutmonêtreleréclame…
À bout de souffle, il plonge son regard dans lemien etme pénètre avec lenteur. J’enfoncemesonglesdanssesfesses,leforçantàmepénétrerplusprofondément.Jeluimordslalèvreetlalècheavecgourmandise.Jel’embrasseànouveautandisqu’ilvaetvientenmoi,puisparcourssamâchoireduboutdemalangue.
—Dis-le,jelesupplie,arquantledosàlarencontredechacundesescoupsdereins.Ilgémitetfinitparsouffler:—Tuesàmoi…àmoi!Ilrépètesalitanieenl’accompagnantdepuissantsva-et-vient.Ilsecambre.Jeluimordslelobedel’oreilleetjouisenmêmetempsqu’ilsedéverseenmoi.—Rienqu’àtoi…,j’ajoute,àboutdesouffle.Il pose son front contre le mien. Son torse frôle ma poitrine à chaque inspiration. Mes jambes
ceignentsatailletandisquesonsexeresteenmoi.Nousdemeuronsainsi,l’uncontrel’autre,etpourlemoment,c’esttoutcequim’importe.
Laisse-moiunechance…Parle-moi,jelesuppliesilencieusementenleserrantplusfort.Justeunechance…
Chapitre2
Jeudi12décembre
Jeplieetdépliemesjambesavecunegrimace.J’aimalpartout,c’esthorrible…Jem’étire tantbienquemal,mais il fautque jemerendeà l’évidence :çanefaitaucuneffet.Je
savaisquelevoyageallaitêtrelong,maisjenepensaispassouffrirautant.—Çava,Jerry?medemandeLolaenlevantlesyeuxdesonmagazine.—Trèsbien,jeluimensavecungrandsourire.Duboutdesdoigts,jetraceunchemininvisiblesurlapeaunuedesesbras,ydéposeunlégerbaiser
etsouris.Rassurée,ellereplongedanssalecture.J’admireuninstantsesbouclesblondesquitombentsursesépaules,sesdouxyeuxmarron,seslèvrescharnuesquej’aimetantembrasser…
Lolaestmonmonde,etj’aitantbesoind’elle…Jel’aimetellementque,parfois,çamefaitmal.Aussimalquecetteputaindejambequinem’obéitplus…Je l’aime tellement que je suis prêt à traverser l’océanpour qu’elle soit àmoi pour l’éternité, à
affrontersafamillededégénéréset,pouruneraisonquim’échappeencore,àaccepterdeneplusboireunegoutted’alcool.
Elleadécidéquepuisqu’ellen’yavaitplusdroit,çadevaitêtremoncaségalement.Donc,j’aibeaunepasêtreenceinte,vivelejusdepapayebio…
Unfrissonmeparcourtàl’idéedecequim’attendcesprochainsjours.Jen’airiencontresafamille,vraiment.Ilssontcharmants…àleurmanière.Leproblème,c’estquecesentimentn’estpaspartagé.Damienn’apasaiméquejemettesasœur
enceinteaulieudelaprotéger.Etsurtout,ilyalepèredeLola.Bon sang, rien que d’y penser, j’en ai des sueurs froides. Il n’a pas franchement apprécié que
«j’omette»deluidemanderlamaindesafille.Ànoterqu’ilaquandmêmesoulignémonbonsensdevouloirépousersafilleaprèsavoir«profité»d’elle.
Oui,«profité».Carpoursonpère,Lolaest l’innocencemême,etmoi, lediableenpersonne.Àcroirequejesuisallélakidnapperdansuncouvent…
Laquestionquim’obnubileest:«Va-t-ilordonnerdemedescendreaumomentoùmonpetitorteilvafoulerletarmacmontpelliérainouva-t-ilchoisirdemetortureravant?»
Jemepasseunemainsurlevisageetregardemamontre.Plusquequelquesheuresetnousyserons…Lolasepelotonnecontremoietmesyeuxtombentsursabague.
Jenesaispassijelahaisoul’adore,cettefoutuebague…J’avoue que, quand je l’ai achetée, je ne pensais pas… enfin… je nem’attendais pas à tout ça.
Normalement,monhospitalisationdevaitdurerplus longtemps,mais ilyavait lemariagedesamisdeLola,PauletWill. Jesavaisqueçacomptaiténormémentpourelle,donc j’aidemandé–rectification,supplié –aumédecindeme laisser sortir.Sur le cheminpourme rendreà la cérémonie, j’aivucettebijouterieetlabague…Enlavoyant,j’aipenséàLolaetjel’aiachetée,toutbêtement.
Ensuite,leschosesnesesontpaspasséescommeprévu.Jesuisarrivédanslagrandesalleetj’aivuLola.Moncœurnes’enesttoujourspasremis!Elle
étaitmagnifique…,jemesouviens,ensouriantcommeunabruti.C’estunebellefemmeentempsordinaire,maiscejour-là,elleétaitparfaite…Etc’estlasoiréequ’elleachoisiepourm’annoncerqu’elleétaitenceinte…Saufqu’onn’annonce
pasçacommeça!Onattendunmomentplusintime,pluscalme,etpasjusteavantunecérémoniedemariage!Etpas
justeaprèsqu’unhommeaachetéunebaguesansréfléchir!Évidemmentquej’aipaniqué!Jeneregrettepas,maisjenem’imaginaispas…Bordel,jen’enrevienstoujourspasqu’elleaitdit
«oui»–etsurtout,quej’aioséluifaireunedemandeenmariageaussimerdique!JenesuispaslemecleplusromantiquedelaTerre,maislà,franchement,c’étaithorrible.Bon,àmadécharge,rienn’étaitprémédité.Jepensaissincèrementluioffrirlabagueetpuis…ehbien,enfait,c’esttout.Au lieu de ça, jeme retrouve dans un avion destination la France à prier pour que son père ne
m’arrachepaslescouillesàmainsnues.Jenecomprendstoujourspaspourquoionnepeutpassemarieràlamairieetpuisbasta.Untruc
simple,enclair.Non,ilfautqu’onaillechezsesparents,qu’onsemariedanslamêmeéglisequ’eux,qu’onsetape
safamilleaugrandcomplet,sesamies,lesamisdesafamille…Bon,onsentleséjourquim’emballe!Pourquoifaut-ilqueçasoitsicompliqué?Elle,moi,quelqu’unpournousmarieretc’estbon!On
n’apasbesoindeplusdedeuxcentspersonnes,d’assortirlesdragéesauxfaire-part,quieux-mêmessontassortisauxfleurs,quielles-mêmessontassortiesàlarobe.
Unsacrébordel,quoi!—Tuvasvoir,lamaisondemesparentsestgéniale,tuvasadorer!melanceLolaavecunevoix
aiguë.Elleplonge sesbeauxyeuxdans lesmiens, semord la lèvre, la relâcheetypassedoucement sa
langue.Jesuishypnotiséparsalangue,sabouche,sesseinshautsetbienrondsmoulésdanssonminuscule
débardeur…Bon,OK,iln’estpasminuscule.Maisàmesyeux,si.Unsourireencoinfendmonvisageetmonregardnesembleplusvouloirquittersesseins.Ellevamerendrefou…,medis-jeensentantmonentrejambeprendreduvolume.Lolaposedoucementsamainsurmacuisseetlaremontelégèrement.Ellesepenche.Jefermeles
yeuxquandsapoitrinesepressecontremonbras.Ellecollesabouche toutprèsdemonoreilleetmechuchote:
—Tuessûrqueçava,Jerry?Samainparcourtmacuisse,s’arrêtetoutprèsdemonsexe.Bonsang,quec’estexcitant…ettellementfrustrant…—Jetetrouve…tendu,continue-t-ellesansbougersamain.
Justeunpetitcentimètre…—Tudevraispeut-êtrealler…terafraîchirunpeu,non?—Lola…,jesouffleententantdemeconcentrerpournepasluisauterdessus.—Situveux,jepeuxt’accompagner.Jemedécalelégèrement.Samainglissesurmabraguette…—Aprèstout,monfiancéestensouffrance…Elle me mordille le cou, se lève et se dirige vers les W-C en roulant des fesses, aguicheuse.
Plusieurshommesseretournentsursonpassage,etunetrès,trèsgrosseenviedeleurarracherlatêtemeprend.
Etilyenaquiinsiste…Espècedeconnard,va…Elleestàmoi,etenceinte!Jefermelesyeuxettentedeconsidérerlasituation.Jesaisque jenedevraispas lasuivre.Lolaestenceinte,nousnesommespasdesanimaux,nous
allonsatterrir,avoirunechambre…Maiselleestdéjàauxtoilettesetellem’attend.Probablementnue…Lesfessesoffertes…Jemelèveavecunlégersourireetavanceàmontourlelongdesrangéesdesiègestropserrées.Je
n’aijamaisditquej’étaisunsaint!Surtoutquandils’agitdeLola…Jefaissemblantdetrébucheretmetsuncoupdecoudedanslatêtedumecquiluiamatéleculavec
insistance.Enmerelevant,jeluienmetsunautrepourlaforme.Jemarmonneuneexcusequin’enestpasuneetreprendsmonchemin.Jejetteuncoupd’œilauxalentours.Personneneregarde.JemefaufiledanslesW-C.Jen’aipasle
temps de dire quoi que ce soit que Lola se jette sur moi et m’embrasse avec passion. J’en perdsl’équilibreetmondosheurtebrutalementlaporte.
—On…Lolamecoupelaparoleparunnouveaubaiser.Bonsang,ellevavraimentmerendrefou…,medis-jealorsqu’ellefrôlemontorseets’agenouille
devantmoi.Elledéfaitrapidementmonjeanetbaissemoncaleçon.Monsexe sedressedevant elle. Iln’attendplusqu’elle. Il est à sesordres, etmoi, je suis à ses
pieds.Ellemejetteunderniercoupd’œilmalicieux,etj’arrêtederespirerlorsqueseslèvreseffleurentmonsexe.J’inspirebruyammentalorsqu’ellesuçotedoucementmongland.
Jemesensdéjàprêtàexploser.Ellefaitcourirlapointedesalanguelelongdemonérectiontoutenresserrantsonétreinteavecsa
main.Quand,enfin,ellemeprenddanssabouche,jelâcheunjuron.—Lola…,suce-moifort,jelasupplieenrejetantlatêteenarrière.Jenesaispascequim’exciteleplus,ladoucetorturedesalangueetdesaboucheoulefaitqu’elle
yprenneduplaisir.J’emmêlemesdoigtsdanssesbouclesblondes,laforçantàmeprendretoujoursplusprofondément.
Satêtevaetvient,suivantlacadencedesamainquim’empoignetoujoursplusfort.Soudain,elles’arrêtepour faire courir sa langue le long demon pénis, le lape goulûment.Mon sexe enfle. Je cherchemonsouffle,j’ail’impressiondemenoyer.
C’esttrop…—Lola,tumerendsdingue…J’aibesoindeplus…Jepressesa têtecontremoietonduledeshanches,allantetvenantdanssabouche, tandisquesa
mainsaisitmesboursesetlescaresseavecdélicatesse.
—Lola…,jegémisavantdejouiràenperdrelatête.Monspermecouledanssabouchetandisquejecontinuedelapilonnerimpitoyablement.Monsexe
palpite,faisantéchoàmonplaisir,sedéversantparà-coups.Jerouvrelesyeuxetmedélecteduspectacle.Lolalèchedoucementmonérectionquinesemblepas
vouloirredescendre.J’aienvied’elle…d’êtreenelle…Jepassedoucementmamainsoussonmentonetplongedanssesmagnifiquesyeux.Bonsang,quej’aimecettefemme…Elleserelèveetjel’embrasseavecpassion.Jegoûteseslèvres,sabouche,m’enivrantdemongoût
partoutenelle.Jedéboutonnesonjeanetregrettequ’ellen’aitpasmisunejupe.Jemeséparequelquessecondesdeseslèvrespourdescendresaculottelelongdesescuisses.
—Tuneladéchirespas,celle-là?m’interroge-t-elle,mutine.—Mafiancéem’a interditdedéchirer lesculottes, jecommenceendéposantun légerbaisersur
l’intérieurdesacuissedroite.Jeremontelelongdesoncorps,laissantmesmainsparcourirchacunedesescourbes.—Etjel’écoutetoujours,jefinisparsoufflercontresabouche.Elle me sourit, amusée. Je frôle ses lèvres des miennes, pose mes mains sur ses hanches et la
retourne.Elleémetunpetitcridesurpriseetappuiesa têteenarrièrecontremonépaule tandisquejecaressesonventrelégèrementarrondi.
J’aimevoirsoncorpsquisemétamorphoseaufildesjours,medis-jeenparcourantsanuqueavecleboutdemonnez.
J’attiresesfessesenarrièreetluichuchote,leslèvresprèsdesonoreille:—Jevaistebaiserfort,Lola.Jeviensdejouirdanssabouche.Jedevraisêtrerassasié,maisaucontraire,jebrûleencoreplusde
désir.Jecommenceàlapénétrerdoucementetmefigequandj’entendsquelqu’uncogneràlaporte.Merde!Lolaseredresseinstantanémentetremontesonpantalon,lesjouesenfeu.Ellesemblechercherune
issuependantquejemerhabilletantbienquemaldanscetespaceminuscule.—Madame,monsieur,ilfautsortir,nouslanceunevoixféminineàtraverslaporte.Je vois Lola blanchir, rougir et blanchir à nouveau tandis qu’elle boutonne son pantalon en
tremblant.—Jecroisqu’ondevraitl’écouter,jechuchoteavecunegrimace.Droitecommeunpiquet,Lolahochelatêteetouvrelaportesurl’hôtessedel’airquiattendjuste
devant,lesbrascroisés.—Désolé, jemurmure, alorsqueLolapartpresqueencourant rejoindre saplace sous le regard
amusédesautrespassagers.Jeregagnemaplaceàmontour,adresseaupassageunsourire–quiestenfaitunavertissement–au
mecquiamatésesfessestoutàl’heure.Situreposestesyeuxsurelle,jetelesarrache!JesuistentéderirequandjeretrouveuneLolarougecommeunetomateetpresqueenboulesurson
siège.Jememordsleslèvres,luiprendslamainetdéposeunlégerbaiserdanslapaume.—Jevousaime,LolaMorell,jeluiglisseàl’oreille.Elleseredresseàmoitié,meregardeetsemetàpouffer.Jenemeretiensplusetmemetsàrirede
bon cœur avec elle. Je finis par l’embrasser sous le regard réprobateur d’une vieille dame qui nousdévisageencore.
—Jet’aime,JerryWalker,mesouffle-t-elleenplaçantmamainsursonventre.Elleposesatêtesurmontorseetjefermelesyeuxensouriant.Encetinstant,jesuisl’hommeleplusheureuxdelaTerre…
—Jerry,mesouffleLolaàl’oreille.J’émergedoucementetmefrottelesyeuxdesdeuxmainspourmeréveiller.—Onvaatterrir,m’annonce-t-elleavecungrandsourire.Jemerenfrogneetcalematêtecontrel’appui-tête.L’espaced’uninstant,j’avaisoubliélaFrance,lemariage,sonpère…Jejetteuncoupd’œilàLola.Elleestaussiheureusequejesuisangoissé.Jemesouviens,lesoirdumariagedePauletWill…Labagueaudoigtetdéjàmonsortétaitscellé.
Nousavionsàpeinefranchileseuildelasallederéceptionqu’elleavaitdégainésontéléphone.Troiscrishystériquesplus tard, samère, sonpère et ses frères étaient au courant.Ensuite, j’ai eudroit auxphotos.Bague,diamant,mainavecbague/sansbaguesur leventre,mains jointes–maispasn’importecomment:ellesétaientartistiquementjointessurleventre…
Unefoislaséancephototerminée,elleatoutmissursonFacebook,Instagram,Twitteretd’autresréseauxsociauxdont jen’avais jamaisentenduparler.J’aieuplusieursfoisenviede luidirequ’onnevoyait absolument pas qu’elle était enceinte, mais j’ai préféré me taire, pour ma sécurité et pourpréservermonaudition.
Commentunsipetitboutdefemmepeut-ilproduiredessonspareils?Elleadûsacréments’entraîner.Jenevoispasd’autresexplications.— J’espère que tout va bien se passer, souffle-t-elle, soudainement inquiète, alors que l’avion
amorceladescente.Jeluiprendslamain,laserrelégèrementetluidisd’untonréconfortant:—J’ensuiscertain.Regarde,nousavonsquelquesjoursdeplusqueprévupourtoutpréparer.Lolaadûharcelersachefpourpouvoirprendredesjoursdevacancessupplémentairesenvuedu
mariage.Elleavaitdéjàutilisétoussescongéslorsquej’étaisàl’hôpital.Natachaamystérieusementfiniparcéder,et luiamêmeaccordéun jeudietunvendredisupplémentaires.Onnediraitpascommeça,maisjesuisincroyablementcontentdepouvoirprofiterdelaFrancequelquesjoursenplus,ouais…
NotreavionatterritetLolatapedesmainsensautillantsursonfauteuil.L’instantdevéritéapproche…J’inspireungrandcoupetmesens…presqueprêt.Non,enfait,jenemesenspasprêtdutout!Quandjepartaisenmission,j’étaisarmé,aumoins!Lolaestlittéralementsurvoltée.Ellesautedanstouslessensetsonsourirenesemblepasvouloir
disparaître. Jeclopineaussivitequepossiblepour récupérer lesvalises,maisquand j’atteinsenfin lecarrousel,Lolaadéjàsaisiunchariot,lesvalisesetlacagedeRaspoutinequipioncetoujours.
Pendantuneseconde,jel’envie,cettesalebête!Jemerenfrogneetmamauvaisehumeuraugmenteàmesurequemafuturefemmefaitdesbondsde
joie.Jen’aimepasmesentirdiminué.Jeneveuxpasêtrelehandicapédeservice.JesuiscenséêtreJ.,le
tueursanspitiéquerienn’arrête,etaujourd’hui,jenesuisplusrien.Justeunmecquiadumalàmarcher.Franchement,entremacanne,majambeboiteuseetmafemmequis’occupedesvalises,jesuislavirilitépersonnifiée…
JetentedesuivreLolaquipousselechariot,maismesbéquillesnesemblentpasêtred’accordaveccetteidéeetjemetraîneàuneallured’escargot.Jesuistenduàl’extrême.Levoyageaétéhorrible,maiscen’estpaslemomentdememontrerfaible–j’enaiassezd’êtrefaible.Jeveuxêtreunhomme,etpasqu’onportemesvalisesetqu’onm’attendetouslesvingtmètresparcequejen’avancepasassezvite.
Enfin,j’essaie,maisc’estpasgagné.Jetournelatêteetaperçoisunevieilledameavecunecannequimeregarded’unairdécidé.
Non,maisdites-moiquejerêve!Vas-yqu’ellemedouble!Résolu,j’accélère.Mafiertédemâleestenjeu…Elleme regarde, je la regarde,elle fronce les sourcils, je les fronceaussi.Ellene lâche rien, la
vieillepeau!J’aichaud,jetranspire,mesmusclesmefontmal,maisrienàfoutre,jetenteunenouvelleaccélération.Lavieilleleremarqueetaccélèreàsontour.
Jepeuxlefaire…Allez!Saufquec’estpeineperdue…Jesoupireetobservelavieilleclopinerdevantmoi.Elleseretourne,mejetteunderniercoupd’œiletsourit,victorieuse.Saletédevieillepeau!
Je râle encore plus quand je vois Lola quim’attend quelquesmètres plus loin, toujours avec cemêmesourire,etjememaudisdenepasêtreplusrapide,etjemaudissonsourireaussi.Enfait,non,passonsourire,parcequej’aimesonsourire,maistoutlereste,si.Etlesvieillesaussi,jelesmaudis!
Mêmelesvieillescroûtessontplusvivesquemoi,maintenant…LepèredeLolavientànotrerencontre,serresafilledanssesbraset,quandj’arriveàleurhauteur,
meregardedehautavantdemefaireuneaccolademaladroite.Apparemment, ilachoisid’attendreunpeuavantdemetorturer.
—Vouslaissezmafilleenceinteporterlesvalises?mesouffle-t-ilàl’oreille.Çacommencebien…—Allons-y,lesenfants,lance-t-il,plusjoyeux.Tamèreetmoiavonsunesurprisepourvous.«Pourvous»…Bon,detouteévidence,jesuisinclusdansleprojet.Lolaestfolledejoie,etmoi,jemesensdeplusenplusgrincheux.Sonpères’occupeduchariotet
nous partons gaiement (enfin, eux, pas moi) vers la voiture. En ce qui me concerne, je me traînelamentablementjusqu’auvéhicule.
Unefoisinstallédanslavoiture,jesouffleenfin.Jevaispouvoirreposermesmembresdouloureuxquelques instants. Je suis tellement naze que j’ai dumal à garder les yeux ouverts, mais je faismonpossible.
—Dites-noussionvousennuie,jeunehomme,grommellelepèredeLola.—Papa!Onvientdefaireunlongtrajet,jeterappelle,leréprimandeLola.— Il faudra encore attendreunpeupour la sieste, reprend-il enme jetantun regardnoirdans le
rétroviseur.—Onneprendpasladirectiondelamaison?faitremarquerLola.—Non,jetel’aidit,c’estunesurprise,répondlepèredeLolaensouriant.Unedizainedeminutesplustard,ilgarelevéhiculedevantunegrandebâtissebordéedepiedsde
vigne.Lolasortde lavoitureet sautedans lesbrasdesamère,qui l’accueilleavecungrandsourire.J’ouvrelaportièreetm’extraistantbienquemaldel’habitacle.Jetented’attrapermesbéquilles,maismondosnesemblepasvouloirseplier.Lolavoleàmonsecours,lessaisitpourmoietm’aideàsortir.Sonpèrenousobservelessourcilsfroncésetj’aicommel’irrépressibleenviedemecachersousterre.Oui, ma future femme enceinte est obligée de m’aider à sortir de la voiture, oui, je sais que c’estpathétique, et oui, j’ai conscience que ce devrait êtremoi quim’occupe d’elle et pas l’inverse…Lagorgeserrée,jerelèvelatêteettentedeprendreunairdigne.
—Çavaaller,Jerry?medemandeLolaàl’oreille.Jeladévisageetlisànouveausoninquiétude.Jehochela têteet luisourispour larassurer.Çasemblefonctionnerpuisqu’ellefrottesonnezau
mienavantdemefaireunlégerbaisersurleslèvres.Nousmarchonsjusqu’àsesparents,quisontentraindediscuteravecunhommeencostume.
Danscelapsdetemps,jedétaillelabâtisseenfronçantlessourcils.ElleressembleaumasoùLolavoulaitorganiserlaréception…Jeregardeautourdemoi,reconnaissantcertainsélémentsvusenphotos.
Nousavionscontactélespropriétairesàplusieursreprises,maisilsnousavaientditêtrecomplets.Ilsembleraitquesesparentsaientréussilàoùnousavionséchoué.
Dèsqu’ellem’aperçoit,lamèredeLolameserredanssesbras.—Commentçava,Jerry?m’interroge-t-elleavecungrandsourire.J’ouvrelabouchepourrépondre,maisjen’enaipasletempscarellereprend:—Vousn’avezpasl’airenforme,lance-t-elleenmedévisageant,àboutdebras.—Je…,jetentederépondre.—Oui,vousêtestoutpâle!Vousprenezbienlesvitaminesàl’huiledefoiedemoruequejevousai
envoyées?—Je…,jetenteànouveauderépondre.—Lola,est-cequeJerryprendbiensesvitamines? luidemande-t-elle.Je lui trouvevraiment la
minefatiguée.—Oui,maman,touslesmatins.Maislevoyageaétélong,tusais,luiexpliqueLola,rayonnante.Satisfaite,samèrefinitparmelâcher.—Entoutcas,pasd’inquiétude,onvavousrequinquer.Voussereztoutpimpantpourlemariage!
s’exclame-t-elleenmetapotantl’épaule.Étrangement,j’endoutefort…—Mais quel endroit splendide ! s’extasie Lola en regardant autour d’elle, des étoiles plein les
yeux.Jesuiscontentquesesparentsaientréussiàobteniruneréservation.Lolaétaittellementdéçue.— Oui, ce mas…, commence à expliquer d’un ton morne le responsable, tandis que je songe
distraitementauxarrhesdéjàverséespourl’autresalle.Est-ce que nous serons remboursés ?À la fin dumonologue commercial du type, j’entendsLola
s’exclamer:—C’estgénialquevousayezréussiànoustrouveruneplacepourleweek-endprochain!—Désolé,mapuce,maisc’étaitvraimentcomplet, luiditsonpèreenaffichant toujours lemême
sourire.—Oh!lanceLola,déçue.Alorsqu’est-cequ’onfoutlà?Franchement, si c’est justepour leplaisirdesyeuxetde lapromenade,mondoss’enseraitbien
passé!—Maisnousavonsunesurprise,continue-t-ilenattrapantlamaindeLola.Samèresembleretenirsonsouffle.—Tout s’est passé si vite.On a à peine appris la nouvelle que lemariage était déjà organisé !
commence-t-ilenmejetantunregardantipathique.—Tun’asmêmepaseudefêtedefiançailles,lancesamère,visiblementpeinée.—Doncceciesttasurprise!s’exclamesonpèreendésignantlavieillebâtisse.—Nousvousavonsorganiséunesoiréederépétition.—«Répétition»?ditLola,surprise.—Onauraitpudire«fiançailles»,maisàunesemainedumariage,çaauraitétéridicule,ditson
pèreenmejetantunnouveauregardnoir.Lolasemetàsautillerentapantdesmains.Ellesejettedanslesbrasdesonpère,puisdesamère,
etmêmeleresponsabledulieuypasse,àsongranddam.—N’est-cepasmerveilleux,Jerry?s’écrieLola,complètementsurexcitée.—Oui,c’esttellement…—Généreux,n’est-cepas?Jediraismêmequevousprésenterànotrefamilleavantlegrandjour
est…approprié,mecoupe-t-ilsèchement.
—Jevousremercie,jeconclus,froidement.—Voussavez,monsieurWalker,lafamille,chezlesMorell,c’estsacré.Nousaimonsrespecterles
traditions.EtlefaitdenepasavoirpuoffrirdefêtedefiançaillesànotreLolanousfaisaiténormémentdepeine.
C’estmoiou j’ai l’impressionqu’ilm’enveutencoredenepas luiavoirdemandé lamaindesafille?
—Jesuistrèsheureuxdefairebientôtpartiedecettegrandefamille,jeréponds,crispé.Horsdequestionque je le laissemedéstabiliser !JesuisJ.,un tueursansémotion.J’aidéjàété
torturé,affamé,enfermé,alorscen’estpaslepèredemafuturefemmequivam’effrayer!Mêmesi,encetinstant,jepréféreraisvraimentêtrearmé.Nousnoustoisonsensilenceavantd’êtreinterrompusparLolaquisautepartout,aucombledela
joie.Toutensautillant,Lolaavanceàl’intérieurdelabâtisse,suiviedeprèsparsamèrequiluiparlede
fleurs,decolombes,depétalesderoses,desculpturesdeglace…Jelessuisàmontour,sousleregardglacialdesonpère.Jefranchislesportesenboismassifetsuis
immédiatementsaisiparl’angoisse.C’estmoioucemasn’estabsolumentpasaccueillant…?Ladécorationestlourde,l’intérieurtrèssombre,etc’estsanscompterlesregardsenbiaisqueme
jettelepèredeLola.Ondiraitqu’ilseprépareàmemettreuneballeentrelesdeuxyeux.Desfrissonsmeparcourenttandisqu’unairangoissantmeparvientauxoreilles.Ondiraitqu’onégorgequelqu’un!—Riendemieuxqu’unpeud’opérapouréleverl’âme,ditleresponsableavecunsourirepincé.Si
vouslesouhaitez,nouspourronsgardercegenred’ambiancepourvotreréception.—Jenesuispascertainque…—Maisc’estsuper!mecoupeLolaavecunevoixsuraiguë.Ilfautvraimentqu’ellearrêtelejusdepapayebio…Je fronce les sourcils et explore la salle du regard. C’est joli, mais bon, ce n’est pas non plus
exceptionnel. Finalement, le principal attrait du lieu, c’est surtout les vignes qui entourent la bâtisse.Vignesquionttristemineencemoisdedécembre…Etpuis,cettemusique,c’estvraimentabominable.C’estpasunopéra,c’estuncrimeauditif!
Bon,ons’enva,apparemment,medis-jequandjevoistoutlemondesedirigerverslasortie.Jefaisdemi-touretlessuisjusqu’auparking.
—Allons,monsieurWalker,nousn’avonspastoutelajournée,melancelepèredeLolad’untonsec.
Enretour,jeleregardedurement.Qu’est-cequej’aimeraisêtreenpleinepossessiondemesmoyens…J’attraperaisLola,lajetteraisdanslavoiture,medirigeraisversl’aéroport,directionLasVegas,où
jel’épouseraisetluiferaisl’amourcommeundingue!Jesoupire.Jecroisquec’estmalbarré,etquelesneufprochainsjoursvontêtretrès,trèslongs.J’arriveenfinjusqu’àmapromisequidiscutevivementde…Enfait,j’ensaisrien.Jenecomprends
pas,jesuisnazeetelleparletropvite.—Qu’est-cequetuenpenses,Jerry?medemandeLolatoutàcoup.Oups,j’auraispeut-êtredûmeconcentrerunpeuplussurlaconversation…Elleserapprocheetmedit:—Çanet’ennuiepasderentrerseulavecmonpère?Mamèreveutquel’onaillevoirlesrobes
pourdemainsoir.Jejetteuncoupd’œilàsonpère,quisetientraidecommeunpiquetetm’observe,semblantjauger
maréaction.J’offrealorsmonplusbeausourireàLolaetluiréponds:
—Biensûrquenon,amusez-vousbien.Lola s’approchepourm’embrasserquand sonpèreémetunétrangegrognement.Elle finitparme
frôler timidement les lèvres. Je plonge quelques secondes dans ses doux yeux marron et m’apaiseinstantanément.Samèremesalueàsontour,glisseun«Martial,soisgentilaveclui»àl’oreilledesonmari,quigrondeetsecouelatête.
Maisoui,Martial,soisgentil!jememoquementalement.Lolam’envoieundernierbaiserdeloinets’enva,toutejoyeuse,encompagniedesamère.—Nousvoilàseuls,melancesonpère.Bien.C’estdoncmaintenantqu’ilcomptemetorturer.Parceque,franchement,çarésonnevraiment
commeunemenace…—Effectivement,monsieurMorell,jeluirétorque,leslèvrespincées.Ilfaitunesortedegrimacequiressembleàunsourire.Enfait,jenesuispascertainquecesoitun
sourire.Peut-êtrequ’ils’apprêteàgrogner.Bon,jemeposerailaquestionplustard,ilfautquejemonterapidementdanslavoiture.Àpeineai-jeattachémaceinturequelavoituredémarreentrombe.Lesyeuxécarquillés,jeregardelepaysagedéfileràviveallure.
—Vous avez une conduite très sportive, je lui fais remarquer enm’accrochant à ce que je peuxtandisquelavoiturevoleau-dessusd’undos-d’âne.
—Celavousdérange?demande-t-ilenpilantàunfeurouge.J’avale difficilement ma salive, regarde les pneus fumer et me dis qu’il ne cherche qu’à
m’impressionner.Enfin,jecrois…Nous déboulons sur un chemin de terre qui semblemener à une vieillemaison.Mon corps déjà
douloureuxestballottédanstouslessenscommeunepoupéedechiffon.C’estpasbonpourmondos,toutescesconneries…Soudain,ilfreinebrutalement.Heureusement,j’aileréflexedejetermesmainsversl’avant,cequi
m’évitedemefracasserlatêtecontreletableaudebord.Jesorsdelavoitureetsuistentéd’embrasserlesol, mais j’ai peur que mon geste soit mal interprété. Discrètement, je tente de masser mon dosdouloureuxetdem’étirertoutenregardantautourdemoi,lesyeuxplissés.
Ehbien,jenem’attendaispasàça.J’imaginais… Je fronce les sourcils, jette un coup d’œil circulaire. Je nem’attendais pas à une
vieille maison perdue au milieu d’un champ. Plutôt à une forteresse avec des caméras, des hommesarmés,des…
Mais…qu’est-cequec’estquecetruc!jemedemandeenvoyantunesortede…Çaalatailled’ungrosrat,unairdepandaoudehamster…—Ehben,alors,c’estleChewbibiàsonpapa…Perplexe,jeregardelepèredeLolasebaisseretcaresserunchien/chat/rat…«Chewbibi»?—C’estvotre…?Illèvelatêteversmoietm’observeunesecondeavantdeseredresseretsedirigerverslamaison.
Je regarde à nouveau la bestiole et ne vois toujours pas de quel genre d’animal il peut s’agir. LeChewbibis’approchedemoi,merenifleetsemetàgrogner.Donccemachinestunchien!Ilcommenceàmemordillerlebasdepantalon,puisàlemordrecarrément.
—Maistuvasmelâcher,salebête!jecrieensecouantlajambe.Jefinispar l’envoyervalserets’écrasercontre lavoiture.Chewbibiseremetrapidementsurses
pattes,mefixeetgrogneànouveau.Jenemelaissepasabattre,froncelessourcilsetl’observe,leregardféroce.
Ceseraittristequelabêtedisparaissemystérieusement.Unaccident,c’estsivitearrivé…Ilfinitpars’avouervaincuetpartentrottinantendirectiondelamaison.—Walker,nousn’avonspastoutelajournée,melancelepèredeLolaenrevenantsurleperronet
en prenant l’affreuse bestiole dans ses bras.Ehoui,monChewbibi, on rentre vite avant d’attraper unvilainrhume!
Jerêveouilparleàsonchien?Etill’appelleChewbibi?J’observe les dégâts que l’abominable chien/rat/hamster a faits à mon pantalon et y constate de
petitstrous.—Quellesalebête!jepesteenm’avançantverslamaison.J’entreetcomprendsimmédiatementpourquoiLolaaimecetendroit.Uneodeurdefeudecheminée
flottedansl’air,desphotosdefamillesontaccrochéesauxmurs.Lolaetsesfrèresàtouslesâges,medis-jeensourianttendrementdevantsafrimousse.
Sur l’une d’elles, elle porte des couettes et il luimanque quelques dents. Sur une autre, elle estdéguiséeenprincesse.
Unconstatmefrappe.C’estçaquejeveux.Jeveuxunemaisoncommecelle-là,rempliederires,debruitsetdephotosdebambins…Bon,parcontre,jeneveuxpasd’unchienquiressembleàunhamster.—Vousn’avez rienoublié?m’interroge lepèredeLolaencaressant labestiole toujoursnichée
danssesbras.Jeréfléchisunesecondeetnevoispastrop.—Vouscomptezlaisserunchathandicapédehorsdanslefroid?Etvouspensezpeut-êtrequeles
valisesvontrentrertoutesseules?Merde,Catzilla!J’aioubliélechatetlesvalisesdanslecoffre!JeretourneàlavoitureetrécupèreRaspoutinesurlabanquettearrière.Ilmeregardeetémetunlongmiaulement,dugenre«jenerisquepasdet’apprécierplus,abruti».J’entredanslamaisonaveclacage.—Quelmerveilleuxpèrevousallezfaire,melanceironiquementMartial.Jene réponds rien.Pourune fois,nous sommesd’accord. Jen’arrivedéjàpasàm’occuperd’un
chatcul-de-jatte,doncd’unbébé…—Lechauffagen’estpasgratuit,alorsfermezlaportederrièrevousetouvrezlacagedecepauvre
Raspoutine.Jem’exécuteetresteimmobilecommeunestatue.Ilm’observe,caressantsonespècedechienàla
languependantedanssesbras,etcegesteluidonneunje-ne-sais-quoidediabolique.—Ilfaudraitpeut-êtreluiremettresonchariot,vousnepensezpas?dit-il,insondable.—Leharnaisestdanslavalise,jerépondsencherchantaufonddemoilapatiencepournepaslui
dévisserlatête.—Etvousattendezquecesoitmafilleenceintequilesortelorsqu’ellerentrera?Ou jepourraispeut-être l’assommeravecmacanne.Jeprétexteraisqu’ilaeuunmalaiseetqu’il
s’estcognélatêtedanssachute…JeluirenvoiecequeLolaappellemon«regarddetueur»etaperçoisunelueurdedéfibrillerau
fonddesesyeux.—J’aifaitquelquesrecherchessurvous,votrefamilleetvosétatsdeservices,dit-iltoutensortant
unsecondchariotd’unplacard.—Sivousaviezdesquestions,vouspouviezaussimelesposer.Je ne sais pas ce qu’il a trouvé surmoi, donc je reste calme.Règle no 1 d’un agent : ne jamais
dévoilersesémotions.
Pourtouteréponse,unlégersouriresedessineaucoindeseslèvres.IlposesondrôledechienetsortRaspoutinedelacage,quim’observe,leregardmauvais.D’ungestesûr,illuiinstallesonchariot.Unefoislibre,Catzillapartentrottinant,suivideprèsparlechien.
—Allonsdansmonbureau,Walker,lance-t-ilenpartantsansattendremaréponse.Ilsedirigevers lesalon,quenous traversonssansnousarrêter.J’y jettederapidescoupsd’œil,
curieuxdedécouvrirlelieuoùLolaagrandi.Desmursenpierre,unecheminéequisembleêtrel’élémentcentral,descanapésvertusésdisposésenL.Seullepianoestunpeuàl’écart,mêmesionvoitqu’ilatoutesaplacedanslagrandepièce.Jenesaispas,maisjeretrouveLoladanscelieu,etducoup,jem’ysensbien.Unpanentierdemurestremplidelivresdetoutessortes.Jevoisquemafuturefemmetientdesafamillesonamourpourlalecture.
Puis,jesuismonhôtedansuncouloir,etl’ambiancechangedutoutautout.Lesmurssontbordeaux,il y a toujoursdesphotos,mais l’atmosphère sembleplus froide.Auboutdu couloir, le pèredeLoladéverrouilleuneporteenbois,etjecomprendsimmédiatementquenousnoustrouvonsdanssonbureau.Unegrandetabledetravailenchênetrôneaumilieudelapièce,ornéededeuxfauteuilsenvieuxcuirmarrondisposésenface.LaseuledécorationprésenteestunephotodeLolaetsesfrèressurlaplage.Ils’installeetmefaitsignedeprendreplace.
—JerryWalker,commence-t-ilenattrapantungrosdossieravecmonnominscritdessus.Jenedisrienetl’observetournerlespagesaveccirconspectiondepuismonsiège.Ilbluffe,etjelesais.Règleno2d’unbonagent:savoirsedétacherdesonpassé.—FilsdeLaurenetToadWalker,décédésdansuntragiqueaccidentdelaroute…Touslesdeux?
m’interroge-t-il,unsourcilrelevé.—C’estcequiestindiquédansmondossier,ilmesemble,jeréponds,crispé.— Et vous êtes entré à l’Agence après vous être fait remarquer en maison de redressement.
Pourquoiyétiez-vous?— Ça doit être également indiqué dans mon dossier, alors pourquoi me poser la question ? je
demandefroidement.Ilnerelèvepaslaremarque,souritlégèrementetfroncelessourcils.—Vouscomptezledireàmafille?—Quej’aiétéenmaisonderedressement?—Luiavez-vousparlédevotrepassé?De«l’accident»,ajoute-t-ilenmimantdesguillemets.—Lolasaitquejen’aipasdefamilleetquej’aieuuneadolescencecompliquée.—J’enconclusquenon.—Cen’estpascequej’aidit.Ilmedévisage,regardeuninstantparlafenêtreetreposelesyeuxsurmoi.—Mafilleestextraordinaire,etjenesaispastroppourquelleraisonellevousachoisi,vous,pour
l’accompagnerlerestedesavie.Jetoussote,malàl’aise.C’estbien,noussommesd’accordsurundeuxièmepoint.—Votrepasséadel’intérêtpourelle,quevouslevouliezounon.Elleméritedesavoiravecqui
ellevapartagersonexistence.—Jevousl’aidit…—Vousêtesunpiètrementeur,Jerry…Ilterminesaphraseeninsistantsurmonprénom.Unfrissonmeparcourt.Pourquoiai-jelafâcheuse
impressionqu’ilensaitbienplusqu’ilnedevrait?Ilselèveetmetourneledos,tandisqu’ilregardeparlafenêtre.—Lolaaraison,ceprénomesthideux.J’espèrequevouschoisirezmieuxceluidemonpetit-fils.Jemefige.Non,c’estimpossible…
Chapitre3
IbelieveIcanfly…MoncœurbatàunevitessefolleetR.Kellyn’arrêtepasdechanterdansmatête.J’aienviedecouinerdebonheur,maisjemeretiens.Jesuisenpleinessayagepourmagrandesoiréededemain,alorsjedoisresterdigne.J’inspire,jesouffle…J’yarrivepas.Etpuis,ladignité,c’esttrèssurfait!Dansmoinsdedeuxsemaines,jevaisépousermonSexy-Fossettes…Moi, Lola, petite, grosse, incorrigible romantique et follement amoureuse de mon rugbyman aux
alluresdetopmodel,jevaisdevenirMmeJerryWalker!Àcettepensée,jememetsàsautillersurplace.Jejetteuncoupd’œilàmamèrequiestenpleine
conversationaveclavendeuse.Toutvabien,personnenem’avue.J’espèrequeJerrynevapasavoirl’idéed’ouvrirlahoussedemarobe…Je ne veux pas qu’il la voie avant le mariage. Je veux lire la surprise sur son visage lorsqu’il
m’apercevra.J’imaginedéjàlascène…Ilm’attendradevantl’autel.Unedoucemusiqued’ambiance,unelumière
tamisée,jem’avanceversluilepasléger,avectellementdegrâcequel’onpourraitcroirequejevole.Ilmeregarde,subjuguéparcettevision.
Unange?Uneapparitiondivine?Non,justemoidansunerobehorsdeprix,coifféeetmaquilléeparuneesthéticienneauxdoigtsd’or
toutaussihorsdeprix.L’émotionselirasursonvisage.Unetensionsexuelled’uneintensitéfollecrépiteraalorsautourde
nous.Jerougirailégèrement,nousnousdirons«oui»pourl’éternité.Ilarracheramarobeetme…Je m’arrête, coupée net dans mes rêveries par la vendeuse qui m’apporte une robe de cocktail
blanche.—Elleestmagnifique,dis-jeenpassantdoucementmesdoigtssurlefintissu.—Oui.Nousl’avonsconçueàpartirdesmensurationsdevotrerobedemariée,m’explique-t-elle
avecunsourirepincéenmescrutant.—Mes«mensurations»?jerépète,ensentantvenirl’embrouille.—Oui,votremèrenousadonnéledevisdevotrerobedemariée,continue-t-elle.—«Ledevis»?Monregardpassefrénétiquementdelavendeuseàlarobe,delarobeàlavendeuse…—Ildatedequand,ledevis?jedemandeàvoixbasse.Sesyeuxontl’airdedire«d’ilyabiencinqkilos»,maisfinalement,ellechuchotesimplement:
—D’ilyaquelquessemaines.—N’est-ellepasmagnifique!s’exclamemamère,lesyeuxbrillantsd’excitation.—Si,maman,elleest…splendide!Pourvuquejerentrededans…Mamèreladéplieavecsoin.—Etsitunousmontraiscommeelletevabien,lancemamère,lesourirejusqu’auxoreilles.Unegrimaceapparaîtsurmonvisagefaceàl’airdeplusenplussceptiquedelavendeuse.Noussavons l’unecommel’autrequejenerentreraipasdedans.Lavendeusemetendlarobeen
souriant.—Souhaitez-vousquejevousaideàlapasser?demande-t-ellepoliment.Pourquoi?T’asunebaguettemagique?Oumêmedelavaseline?—Ça va aller, je lui dis, en rêvant de lui faire ravaler son petit sourire de vendeuse trop sûre
d’elle.Je me rends donc dans la cabine pour un tête-à-tête musclé avec la robe. Je lui tourne autour,
m’étire.J’ail’impressiond’êtresurunring.Jemepréparementalementpourlecombatquim’attend.DavidcontreGoliath,Goliathétantévidemmentmonpostérieur.Jel’attrapeetl’observe,menaçante.Jetepréviens,jevaismebattrejusqu’aubout,ettunevaspastedécoudre!Jemetortille, tired’uncôté, tiredel’autre,rentreleventre, transpire,meretortille…Àforcede
gesticulationlaborieuse…j’ysuis!J’entends même des anges chanter tellement cet instant est magique ! Ou bien c’est le manque
d’oxygènequimedonnedeshallucinations…—Alors?interrogemamère,quisembletrépignerd’impatiencedel’autrecôtédurideau.—J’arrive!jechuchote,haletante.TelR2-D2enrobedecocktail,jem’avanceavectoutelagrâcedontjesuiscapablesanspouvoir
plierlesgenoux.J’adresseunsourirecrispéàmamèrequimefixe,lesyeuxécarquillés.Oui, ça peut surprendre, les coutures tendues à l’extrême. J’aimême dû enleverma culotte pour
éliminertouteépaisseursuperflue.Jesensquejenevaispastarderàdevenirbleueàcausedumanqued’oxygène.—Alors?jedemandeenpassantmesmainssurlebustierbrodé.Leregarddemamèreoscilledelavendeuseàmoi,puisdemoiàlavendeuse…—MademoiselleMorell, ilsembleraitquevosmensurationsaientchangé,sehasardepolimentla
vendeuse.—Commentça«changé»?jedemande,l’airfaussementinnocent.—Ilsembleraitque…—Tuasgrossi,mapuce, achèvemamère,quiprendenpitié lapauvrevendeuse.Tues toute…
boudinée,conclut-elleenmetournantautour.«Boudinée»?Letermeestfaible!Àchaqueinstant,messeinsmenacentdesefairelabelle.—MademoiselleMorell,larobeesttroppetite…,poursuitlavendeuse.Non,tucrois?—J’auraisdûchoisiruneformeEmpire,ditmamèreentirantsurlasoie,quiestdéjàaumaximum
desespossibilités.—Ilserait…peut-être…possible…de…Bonsang,j’enpeuxplus!J’aibesoind’air!J’arrivemêmeplusàfaireunephrasecomplète.—Lola,mapuce,cesontdeschosesquiarriventlorsqu’unpetithabitantsefaufilesouslenombril,
chantonnemamèreenpassantsamainsurmonventre.
«Unpetithabitant»?Tuparles,vulavitesseàlaquellej’augmentedevolume,j’attendsaumoinsunsumo!
—Onnepourrapaslareprendre.Ilfaudraitlarefairecomplètement…,commencelavendeuse.J’inspire,tentededirequelquechose,maisjesuiscoupéedansmonélanpar…Oups!Là,toutdesuite,jeregrettedenepasavoirmisdeculotte.—Onvavousenchercherd’autres,ditlavendeuseenpartantpresqueencourant.—Jevais…,jecommenceenmedirigeantverslacabined’essayagedansunremakedeLaMarche
del’empereur.—Tusais,mapuce,çaneserapascelle-là,maisonentrouverauneautreaussibelle,melancema
mèreàtraverslerideau.—C’estde la fautede Jerry ! jem’écrie, en toutemauvaise foi. Il estgigantesque,y apas idée
d’être aussi grand. Et maintenant, je suis enceinte d’un bébé géant ! je continue, en essayant de medépêtrerdecettefoutuerobetroppetite.
—Ehbien,çaneveutriendire,mapuce.Damienétaitungrosbébé,etpourtant,j’aicommencéàgrossiràcinqmois.Tuastoujourseudespetitssoucisdepoids.Déjàenfant,tuétaisdodue…
Non,maisellesefoutdemoi,là?Jevisundrameexistentieletellemerappellequejesuisgrassedepuistoujours!
—Tuétaisdodue,maismagnifique!insiste-t-elle.—Maman…—Cequejeveuxdire,c’estque,mêmesitun’aspaslatailleaussifinequetulesouhaiterais,tu
seraslaplusbellemariéedumonde.J’émetsungrognementdésespéréenmanquantdetrébucher.—Net’enfaispas,onvatetrouverunetrèsbellerobepourdemainsoir.Saleté de robe… Tu te venges parce que j’ai craqué tes coutures ?!À bout de souffle, rouge,
entortillée,jemesenscommeunrôtiprêtàpasseraufour.— Mademoiselle Morell, je suis certaine que dans toutes ces robes, vous allez trouver votre
bonheur!j’entendslavendeuses’écrieràtraverslerideau.Bon,jevaisdevoirlamettreenlambeauxsijeveuxm’ensortirvivante.—Jetelaisseregarder,maman,jechantonnetoutendéchirantlasoie.Jerenfilemaculotteettentederemettre,nivuniconnu,cequisetrouvedésormaisêtredesboutsde
tissusurlecintre.Bon,ben,ça,c’estfait!—Celle-ciestmagnifique,lancemamèreenm’entendantune.—Maman,elleestrose!Onn’avaitpasditquelasoiréedevaitêtredanslesmêmesteintesque
pourlemariage?—Oui,maisiln’yapastataille,etcettecouleurfaitressortirtesjoliesjouesrebondies!Pourquoij’aitoujoursl’impressiond’avoirhuitansavecelle?Jemefaisuneraisonetlaprends.Bon,aumoins,celle-cim’ira.J’auraipasbesoindeladéchiqueterpourl’enlever.Jel’enfile,sorsdelacabineetmefigedevantmonreflet.Alors,commentdire?…Déjà,lacoupe
façontubenememetpasenvaleur,enplus,leseffetsdutissudonnentl’impressionquejesuisenrobéedansdupapiertoilettesuperluxe,etpourfinir,jesuistoutsimplementaffreuse,moche,hideuse…!Ondiraituneespècedecachalotrosededessinanimé!
—Onvoussent…,commencelavendeuse.—Enveloppée?jelacoupeenlaregardantd’unairsceptique.Nivuniconnu,mamèreprendsontéléphoneetimmortalisecetinstantdegrâce–oudegraisse,je
nesaispastrop…Sansrire,sijemetsça,Jerrys’enfuitetnevamêmepasàl’église!Ressembleràune
pubpourLotus,c’estpaslebutdutout!—Tuesmagnifique,lancemamère,larmoyante.Lavendeuseladévisageettrifouilleunpeuletissu,genrejeferaismoinscachalotrosebonbonsile
tissutombemieux.—Maman,jenepensepasque…—Avecuncollierdeperle,unchignonhaut,ajoute-t-elleenattrapantmescheveuxetenformant
unesortedechoucroute.—JepourraisfaireconcurrenceàSueEllendansDallas,jeluiréponds,encoreplusgrognon.—Tutrouvesqueçanefaitpasassezjeune?demandemamère,l’œilpétillantd’espoir.—Euh…non,effectivement.—Tusais,mafille,çavaêtreunegrandesoirée!Tudoisêtreclasse.—Maman,j’aimepasdutout.Ondiraitunbonbonobèse.—Netedénigrepascommeça.Enplus,lesbonbonsobèses,çan’existepas.—Voussavez,siellenesesentpasàl’aise…,commencelavendeuse,avantquemamèrenelui
lancesonregarddelamortquitue.Quandelleacegenrederegard,j’aitoujoursl’impressiond’entendreungrincementlugubreetque
lalumièresetamisesoudainement.C’estcarrémentflippant.C’estmamèrequiadûinspirerCarrieàStephenKing.Pourlecoup,lavendeusesetaitetreculemêmedequelquespas.—Ondevraitpeut-êtreessayerautrechosede…moinsrose!jereprendsenmedirigeantversla
cabine.—C’estcommetuveux,machérie,melance-t-elle.Vouspouveznouslamettredecôté?demande
mamèreàlavendeuse.—Vousêtessûre?luirépond-elletoutdego.—Oui,oui.J’enenfileuneautre,jaune,puisuneautre,orange,puisuneautre,bleue…Etc’estterrible,carjemetrouvedeplusenplusaffreuse,etmamèretombeàchaquefoissousle
charme.Jesuisauboutduboutdurouleau.C’estbien,aumoins,aveclaroberose,jerestedanslethème!
…Quandjesorsdelacabineaprèsm’êtrerhabillée,jetrouvemamèreentrainderegarderdesgants
assortisàlaroberose.Jerêveouilyadescœursquibrillentdessus?…Euh,non,jenerêvepas.Ilfautquejelafassesortird’ici…—Maman,ondevraityaller.Jen’aimepasl’idéedelaisserJerrytroplongtempsseulavecPapa.—Tuasraison.Maisonpréparetongrandjour…—Oui,maissijen’aiplusdemarié,çarisqued’êtrecompliqué,jereprends,crispée.Ellesembleréfléchiruninstantetfinitpardire:—Etpuis,nousavonslaroberose!Respire,Lola…Jesuistenduecommeuneficelledestring.J’aibesoindemonSexy-Fossettes…Enespérantqu’il
soittoujoursvivant.Jecroisquemonpèrenel’aimepasdesmasses,maisalors,vraimentpasdesmasses…Saufque
j’aicommeenviedeluidire:«T’aspaslechoix,papa!»Bon,allez,plusquequelquesminutesetjeretrouveJerry…Jeremercielavendeusepoursapatienceenomettantlefaitquej’aicachélapremièrerobe(enfin,
cequ’ilenreste)sousunecompositionflorale.Enretour,ellemeprometderegardersiellenetrouvepasautrechose.
Malàl’aise,jeluiadresseunsourirecrispéenpensantqu’ellenevapasdutoutapprécierquandellevatrouvercequej’aifaitàlajolierobeblanche.
Unefoissortie,jecourspresquejusqu’àlavoiture.—Maman,tudevraistedépêcher,jeluisorsenimaginantlavendeusenouspoursuivre,larobeen
lambeauxàlamain.—TuesbienpresséederetrouverJerry!merétorque-t-elleavecungrandsourireendémarrant.Quandnoussommesloindelaboutique,jerespireenfin.Jem’enfoncedansmonsiègeetcontemplelespaysagesdemonenfance.Parfois, jeme dis – en fait, surtoutmaintenant avec le bébé – que j’aimerais revenir vivre ici.
J’aime être entourée de ma famille, et je ne me vois pas élever mon enfant à New York. J’aimeénormémentcetteville,mais ici, jemesensdavantagechezmoi.Leproblème,c’estque Jerry sembletenir à notre vie à New York. Il veut que l’on cherche un appartement après le mariage. Il a mêmecommencéàregarderlescrèches.
Peut-êtrequesijeluimontraislesbonscôtésd’unevieici,j’arriveraisàleconvaincre…Mamèregarelavoituredansl’allée.Dèsquej’ouvrelaportière,jesuisaccueillieparRaspoutine
etChewbacca,lespitznaindemesparents.J’esquisseunlégersourirequandjelesvoisfairedesbondsdanstouslessens.Chewbaccaestlepetitchienleplusadorabledumonde.Mamèreluicoupesespoilsrouxtrèscourt.Ducoup,ondiraitunesortedepeluchetropchou.JeluicaresselatêteetenfaisdemêmepourRaspoutine,quidoitbienmesurerdeuxfoissataille.
—Alors,tuasretrouvétoncopainChewbi?dis-jeenlecaressant.—Chewbaccavaarrêterdepoursuivreleschatsdesvoisins,semoquemamère.ChewbaccaetRaspoutine,unegrandehistoired’amour!Ilssecâlinentl’unl’autreetnesequittentpasd’unesemelle,unvraipetitcouple.Mongrosmatou
estcommeunfouquandilvient,carChewbaccaestleseultrucqu’ilarriveà…Bon,enfinbref,passonssurlaviesexuelledemonchatcul-de-jatte.
JevoisJerryinstallésurlabalancelle,l’airsongeur,quinousobserveavecattention.Bordel,l’intensitédeceregardgrismeferatoujoursautantd’effet!Je me demande si un jour, ça me passera… Je suis certaine que non, me dis-je en souriant
amoureusement.Arrivéeàsahauteur,mamèrelesalueetappelleChewbacca,quinesemblepasvraimentapprécier
Jerry.Ilgrogneenpassantàcôtédelui,suivideprèsparRaspoutine,quil’ignore,lui,ostensiblement.—Décidément,tun’espasl’amidesbêtes,jememoque,quandChewbaccarevientgrogneruncoup
avantderepartirentrottinant.Jerrymesondeuninstantduregard.Bon,soitças’esttrèsmalpasséavecmonpère,soitmablague
n’estpasdrôle.J’optepluspourlapremièresolution,carjesuisl’humourpersonnifié.—Alors,cetterobe?—Jen’aipasvraimenttrouvémonbonheur,dis-jeenm’installantàcôtédeluisurlabalancelle.Nebrisonspaslamagie…Iln’apasbesoindeconnaîtrecegenrededétail.—Jerry,toutvabien?—Oui,j’avaisbesoindeprendrel’air,medit-il,leregarddanslevague.Monsourires’effacetandisquelepoidsdesessecretsréapparaît.Jenesaisplusquoifaire,plusquoidirepourqu’ilmeparle,alorsjemetais.Jeposemamainsurla
sienne.Nosdoigtss’enlacentetmonregardseperddanslerosierquibordelejardindemesparents.Puis jeme tourne vers lui et le fixe un instant. Je dépose un léger baiser sur sa joue et lui dis
doucement:
—Ilfaitfroiddehors.Jepensaisallerprendreunbaintrès,très,trèschaud.Enplus,tumedoisunorgasme.
Jemelèveetmedirigejusqu’àlaported’entréeenmedandinant.Jeluijetteunderniercoupd’œiletlevoissourireenmedéshabillantduregard.
J’aimequandilmeregardecommeça,medis-jeenentrantdanslamaison.Ilneluifautpasbeaucoupdetempspourmerejoindreàl’intérieur.Aubasdel’escalier,ilm’attire
prèsdeluietm’embrasseavecpassion.—Rienqu’un,mademoiselleMorell?mechuchote-t-ilàl’oreilleavantdeparcourirmoncoude
baisers.Nos lèvresne sedécollentpas tandisquenousgravissons lesmarches.Sesmainscaressentmon
corpsavecenvie,etmoi,jesuisdéjàenfeu.Jeleplaquelangoureusementcontrelaportedemachambre,maissoudain,ilmerepoussebrutalement.Jel’interrogeduregardavantdemerendrecomptequemonpèreestdanslecouloir.
Jerrytoussote,malàl’aise.Pourmapart,jeresteblasée.Jesensquelebainsuperméga-hotneserapaspourtoutdesuite…
—Lola,tusouhaitespeut-êtretereposer?Tamèrem’aditquetuavaiseubeaucoupd’émotions,lâchemonpèresèchement,lesyeuxrivéssurJerry.
—Justement,Jerryetmoiallionsnousreposer.Enplus, tusais,entre l’avionet toutet tout,onabesoindese…rafraîchir.
—Jerry,votrechambreestaufondducouloir.—Pourquoiondortdanslachambredesgarçons?—Çan’estqueJerryquidortdanslachambredesgarçons.Toi,tuastachambre.—Papa,onvasemarierdansneufjoursetjesuisenceinte!—Ehbien,dansneufjours,vouspourrezdormirdanstachambre.Enattendant,Jerrydormiradans
lelitsuperposéavecAlexetMatt.N’est-cepas,Jerry?demande-t-ilavecsonairdetueurpsychopathe.—Papa,Jerryamalauxjambes.Lelitsuperposé,cen’estpasunebonneidée.Enplus,lasallede
bainsdesgarçonsesttoujourscrado…—Tuasraison.Ilseramieuxaurez-de-chaussée,surlecanapé-litdemonbureau.Enplus,ilaura
sapropresalledebains.J’aicommel’impressionquejenevaispasfairedecochonneriescettenuit…Jeregardemonpèredugenre«T’espassérieux».Enréponse,lesienmedit«Jesuistonpère,pas
dediscussion».—Jesuiscertainquetoutseratrèsbien,ditJerry,nouscoupantdansnotreconversationvisuelle.—Bonneinitiative,ajoutemonpère,sansbougerpourautant.Ducoup,Jerryposetimidementseslèvressurmonfront(oui,jedisbien«monfront»)ets’enva.J’hallucine!Je suis furieuse. Ça se voit, et surtout, ça s’entend quand je claque violemment la porte de ma
chambre.Jemevautresurmonlit,exaspéréeetexcessivementfrustrée.MoiquicomptaismeremonterlemoralavecunegrandedosedeSexy-Fossettes,c’estfoutu.Je soupire, ouvrema valise et attrapemon nécessaire de toilette tout en réfléchissant à un plan
démoniaquevisantàun rapprochementstratégiqueavecJerry.Parceque,pourdevrai,neuf jourssanssexe,c’estpaspossible,maisalorspaspossibledutout!
Chapitre4
J’arme mes doudounes, passe les doigts dans mes boucles, étale une pointe de rouge à lèvrescouleurceriseetchaussemesescarpinsàtalonsaiguillesbleumarine.Jeprendsuneposelascivedevantlemiroir…
Jerry,laprochainefois,tuyréfléchirasàdeuxfoisavantdedonnerraisonàmonpère…C’estparti!Jesorsdemachambre,attrapelaramped’escalieretentreprendsdeledescendrecommeunenfant
quiapprendàmarcher.Bon,jesuissexy,maisalorsquandjemarche,j’ail’aircloche!Entremaminirobetroppetitequiremontesansarrêt–pourtant,j’aimisuneculotteventreplatqui
me rentredans les fesses– etmes talons trophauts, certainement inventésparun fétichistedes talonsaiguillesàtendancesadomaso,jesensquelecheminjusqu’ausalons’annoncetortueux.
Arrivéeenbasdel’escalier,jeréajustemarobe,histoirequemesfessesnes’enrhumentpas,inspireungrandcoup,débranchelesconnexionsnerveusesdemespiedsetmerépèteàplusieursreprises«ladouleur,c’estdanslatête».
Déhanchementlangoureux,GertrudeetDominique(mesdoudounes)enplace,sourirecoquinactif,jesuisprête.J’entredanslesalonenmode«jesuisunebombesexuelle»et…metordslacheville.
Jerry,quiétaitprochede l’entrée,m’attrapeauvol.Sesmainssurmeshanchessontchaudes,sesyeuxgrismetranspercent,sonregardseperddansmondécolleté…etunsoupirs’échappedemeslèvres.
J’aichaudtoutàcoup…Jeposemesmainssursesavant-braspuissantsetmesensdéfaillir.—Maisqu’est-cequec’estquecettetenue?!hurlemonpère,mefaisantsursauter.Jerrymeplaquebrusquementcontrelui.—Je…je…Ben,jenesaisplusoùj’ensuis!Je collemes fesses contre Jerry et…Oh,my«gode»! Je savais que je souffrais pour la bonne
cause!Il toussote.Visiblement, il tentedese ressaisir,mais ladiablesseque jesuisne luien laissepas
l’occasion.Jefrottemesfessescontresamonumentaleérection.Samainsecrispesurmonventre.—Lola,jet’enprie,cen’estpaslemoment,meglisse-t-ilàl’oreille,lavoixchargéed’unetension
érotiqueàfaireexploserunecentraleélectrique.—C’estpascequedittonpénis,jerépondsàvoixbasseenluifaisantunclind’œil,cequilefait
s’étoufferavec…Non,maisdites-moiquejerêve?!
Jerrys’étrangleenavalantdetraversunegorgéedewhisky.Monexpressionaguicheuse«Viens,onvafairedesfoliesdenoscorps»alaisséplaceà«Qu’est-
cequetubois?Tuastrentesecondespourrecracheravantquejet’arrachelatête».Ilavalesasalive,regardeàdroite,àgauche…Laissetomber,mongars,tunet’ensortiraspasvivant.—Duwhisky, répond-il doucement. Il n’y avait pas de jus de goyave bio, argumente-t-il,mal à
l’aise.— Tu m’avais promis de ne pas boire jusqu’à l’arrivée du bébé ! je crie en portant
mélodramatiquementlamainàmonvisage.—Remets-toi,lagrosse,c’estjusteunverre,mejetteDamien,moqueur.Jeluilancemonregard«Mêle-toidetesfessesoujetetrucide».Etqu’est-cequ’ilfoutlà,celui-là,
d’abord?—T’essûrquetuveuxpasserlerestedetavieaveccetruc?demande-t-ilenrigolantàJerry,qui
nesemblepasapprécierl’humourdemonfrère.—Évidemmentqu’ilestsûr!jehurleencroisantlesbrassurmapoitrine.—DamienproposaitquevousalliezvoirThomas,ditmamèrepourchanger–ostensiblement–de
conversation.—Mouais,jelâche,pastrèsconvaincue.Jeneveuxpasquel’onsedisputedevantmafamille,maisjefaisbiencomprendreàJerryquenous
n’enresteronspaslà.—Non,rectification:jepensaisJerryetmoi,lanceDamien.—Commentça«Jerryetmoi»?jem’écrie,vexée.—Damien…,l’avertitmonpère.Etvoilà,jemecroiraisrevenueàmonadolescence,quandmesparentsobligeaientmesfrèresàme
trimballeraveceux.—Maman,c’estunesoiréeentregarçons!râleDamien.Non,maisjerêve!Commequoi,leschosesnechangentpas…J’aivraimentl’impressiond’avoirà
nouveauquinzeans!—Lola peut venir avec vous voir Thomas, et avant d’aller chercherMatt à l’aéroport, vous la
ramenez.Enplus,Alexdevraitêtrearrivéàcemoment-là.Donccommeça,vouslerécupérezaupassage,ditmonpère.
—OK,lecachalot.Alorsc’estparti!lanceDamienenavalantsonverred’untrait.—Ah,maisjenevoudraispasdéranger!jem’écrie,furieuse.—Non,maist’espaspossible…Ilfautquetufassesdeshistoiresdetout,s’énerveDamien.—C’estpasmoiquifaisdeshistoires,c’esttoi,Damien!—Pourtant,là,c’estbientoiquiesentraindecrier,merépond-ilcalmement.Ilmecherche…J’enlèveunechaussure.Çasentlafight.Jevaisluifairebouffersonpetitairarrogant…—Lola,m’interpelleJerryentenantmonmanteau.Jeleregardedetravers.Ilvoitpasquejesuisoccupée,là?— Je suis certain que Thomas va être ravi de te voir,me souffle-t-il enm’aidant à enfilermon
manteau.—Mouais…,jerépondsenlelaissantfairesanspourautantquitterDamienduregard.J’aibienenviedevoirThomas,etc’estpasfaux,jesaisqu’ilseracontentdemevoiraussi.—J’enaipasfiniavectoi!jemenaceDamienavecmachaussure.Pourtouteréponse,ilmetirelalangueetvamettresaveste.
Jerechaussemonescarpinetglisseàl’oreilledeJerry:—Si,parhasard,ilvenaitàchuterd’unemanièrefortuite…—Bon,lagrosse,onyva!s’écrieDamiendepuisl’entrée.Jerryravaleunsourireetmechuchote:—Jesuisvotrehomme,mademoiselleMorell.J’émetsun rirediaboliquequi finitparune sortedegrognement etm’avance,maindans lamain,
avecJerry.DamiengarelavoitureàbiendeuxpâtésdemaisonsdechezThomasetjeregrettedenepasavoir
changédechaussures.Jesuisultra-sex’,maisalors,jemarchecommesij’étaisbourrée.—TuneveuxpasrefaireuntourducôtédechezThomasvoirsitunetrouvespasuneplaceplus
près?jedemande,pasmotivéedutoutparl’expéditionquim’attend.—Unpeudemarchen’ajamaistuépersonne,etàCarnon,c’estdifficiledesegarer,ditDamienen
sortantdelavoiture.Bon,jevaisdevoirmarcher,semble-t-il,jerâlementalement.J’ouvremaportière,m’extirpeduvéhiculeet,unefoissurmespiedsendoloris,metordspresquela
cheville.Heureusement,jemerattrapeàuneboîteauxlettres.—Çava,Lola?m’interrogeJerry,lessourcilsfroncés.Jeprendsuneposelascive,unemainappuyéesurlaboîteauxlettres,avantdehocherlatête.—Sérieux,vousêtesspace,touslesdeux!s’exclameDamienensecouantlatête.—T’as qu’à partir devant puisque tu es si pressé, je lui rétorque en adressant unemoue sexy à
Jerry,quimeregarded’unairamusé.Damien,exaspéré,finitparprendreladirectiondelamaisonsansnous.—Tuasmisdeschaussuresdanslesquellestun’arrivespasàmarcher?medemandeJerryense
plantantdevantmoi.Jeplongedanssesyeuxgris,soupireetlèvelesyeuxauciel.—Jevoulaisquetumetrouvessexy,jeluiexpliqueengrimaçant.Ileffleuremonvisagedesamain,serapprochejusteassezpourquesonsoufflechaudcaressemon
cou.—Lola, tues la femme laplusbandantede laTerre,mechuchote-t-il avantdedéposerun léger
baisersousmonoreille.Jememords la lèvrepour retenir lesourire idiotquimenaced’apparaître,maisc’est sansgrand
succès.Cethommemerendfolle…Il semet à genoux devantmoi,me soulève un pied, ôte l’escarpin, embrassema cheville et fait
pareildel’autrecôté.Ilserelèveetmesort,lafossetteautaquet:—Jenepeuxpasteporter,maisjepeuxteproposermonbras.J’accepteavecunerévérenceetnousnousdirigeonsbrasdessusbrasdessousendirectiondechez
Thomas.Unefoisdevant laported’entrée, jeremetsmesescarpinsenadressantunsourirecompliceàJerry.Puis,j’entrelapremière,etmefige.Damienestlittéralementpliéderire,sousleregardfurieuxdeThomasetunerouquinerougecommeunetomate,entortilléedansuneserviettedebainet…quisaignedunez!
Alorsça,jenem’yattendaispas!Thomassortavecquelqu’un?—Lola?s’exclameThomasenmevoyant.Ilmesourit.Wouahou!Çafaitbienlongtempsquejenel’aipasvusourirecommeça!
Doncilssontbienensemble,aveclarouquine,etsemblentheureux…—Jecroisqu’ondérange,jelanceenriant.Larouquinemejetteundrôlederegard.Pasbesoindepluspourconfirmerqu’effectivement,ondérange.—Jevaisaller…,commence-t-elle,gênée.Ellenefinitpassaphraseetmontrelachambredudoigt.—Jeviensaussi,ditThomasenpassantlamainaubasdesondosetenlaretirantimmédiatement.J’enrevienspas…Thomasaunepetitecopine!—Prenezvotretemps,sortDamienenriant.—T’arrêtesjamais,toi,jeleréprimande.Sérieux,jen’aijamaisvuThomasavecunefille.Onpensaittousqu’ilétaitgayetqu’iln’osaitpasnousledire.Quoique…IlyaeuCatharina,sonexfollefurieuse,medis-jeengrimaçantàcesouvenir.—J.,retienstoncaniche,ilmord!répondDamien.Jeleregarde,outrée.—Jenesuispasuncaniche!jem’écrie,énervée.—Tevexepas,lagrosse,reprend-ilenpouffant.—Etjenesuispasgrosse!—Jecomprends,c’estpasfacilepourtoi.Mamannousaracontépourlarobe…,commence-t-il.Jejetteuncoupd’œilaffoléàJerry.Elleapasfaitça!?—Retirecequetuviensdedire!jehurleenattrapantunespatuledecuisinesurleplandetravail.—Ettuvasfairequoi?Jeterappellequet’esenceinte…—Maispasmoi,ditJerryenlançantunregardfroidàDamien.—Ah,tuvaspast’ymettre.C’estpasdemafautesiellerentrepasdanssarobe!Malèvreinférieurecommenceàtrembler,maisjerestedigne…Nepleurepas,Lola…—Damien,excuse-toi,l’avertitJerry.Enguisederéponse,monidiotdefrèresemetàrire.CequineplaîtpasvraimentàJerrypuisqu’il
sejettesurDamienetl’immobiliseenquelquessecondes.Sexy-Fossettes:1Damienl’abruti:0Ah,ah,ah!quej’aimemonSexy-Fossettessuperagentdanscesmoments-là!JeprofitequeDamiensoitsansdéfensepourmevengeràgrandscoupsdespatulesursesfesses.—Vilaingarçon!jesorsenlecorrigeant.Excuse-toi!Retirecequetuasdit!—Tiens,notrecoquinoudefranginenafiniavecsarouquine!lâcheDamien,sarcastique,latête
contreletapis.Oups!Jedonneunedernièretapepourlaforme,merelèveaussidignementquepossibleetfaisunsigneà
Jerry pour qu’il relâchemon abruti de frangin.Bon,maintenant quemon fiancé a vengémonhonneur,occupons-nousdesavoirquiestcettefille.
J’arrangemarobeetm’approchedelarousse,souriante.—Bonjour,jesuisLola,lasœurdeThomas.—Enchantée,répond-elleenmedévisageant.Jecroisqu’ellenousprendpourdescinglés…J’auraispeut-êtredûchoisirunautremomentpourmevengerdeDamien.Aupassage,jeneluiai
pasditmonderniermot,àcelui-là!
—VoiciJerry,monfiancé,jecontinuealorsqu’elleafficheleregarddeNémo.NémoouDori…Jenesaispas…Entoutcas,elleaunesacréetignasse…—Etmoi,jevousprésenteSamantha,mafiancée,lanceThomasfièrement.«Fiancée»?—Oh,monDieu!Toutesmesfélicitations!jememetsàcrierensautillantpartout.Jen’enrevienspas:Thomasvasemarier!jechantonnedansmatête.Aprèstoutcequiluiestarrivéaveclafolle,jesuisravie.—Lola,J.,jesuisvraimentheureuxquevoussoyezparminous,reprendThomas,toutsourire.Hum,c’estbizarre,larouquinesembleauborddumalaise…Est-cequ’ellenes’attendaitpasàofficialiserleschosesaussivite?—Oui,normalement,nousétionscensésn’arriverquelasemaineprochaine,maisfinalement,j’ai
réussi àme libérer avant. LeDragon a fini par céder ! Ça n’a pas été facilemais je l’ai harponnée,trucidée et laissée pour morte ! dis-je en partant dans un rire diabolique qui finit en reniflement decochon.
Laroussemeregardebouchebée.Franchement,ellemefaitvraimentpenseràDoriavecdeslunettes…—Euh, le Dragon, c’estma boss, jem’explique, de plus en plusmal à l’aise. C’est une garce
botoxéequimepourritlavie,jecontinue,maisbon,jenel’aipasvraimentlaisséepourmorte.Jeveuxdirequejemevenge,mais…enfin,jenelafrappepaspourdevrai.
Silencegênant.—J’aiunepoupéevaudouecachéedansmontiroir,jeconclus.OK…Elleestvraimentbizarreàmeregardercommeça.Jerrymeprenddanssesbrasetjemesensimmédiatementsoulagée,mêmesiMachinecontinuede
medévisager.—Ettuasdesnouvelles,J.?Tuensaisplus?demandeThomas.—Jenesaisrienencore,répondJerryenresserrantsonétreinte.Jemefondsunpeupluscontrelui.Jerryn’atoujourspasdenouvellesconcernantsademandede
posteàNewYork.Jesensquel’attentecommenceàluipeser,maisjenepeuxpasm’empêcherdepenserqueceserait tellementbiens’ilneretravaillaitpas.Ilpourraits’occuperdubébé…etdemoi…Maisd’unautrecôté,ceneseraitpasbienpourlui.Ilm’afaitpartdesondésirdereprendreuneactivité,doncjedoislesoutenir.C’estàluiqu’appartientcechoix.
Mais s’il choisissait la première solution… on baiserait comme des lapins en chaleur toute lajournée…
Desimagessuperhotmetraversentl’esprit.Bon,Lola,reprends-toi,c’estpaslemoment…—Alors,Samantha,çafaitlongtempsquevousvousconnaissezavecThomas?jel’interroge.Enréponse,elledevientencoreplusrouge,cequi,étrangement,faitressortirlerouxdesescheveux.Jemedemandesic’estsacouleurnaturelle…—Nousnoussommesrencontréslorsd’unesoirée,répondThomas.C’esttrèsévasif,toutça…Etellesemblesoudainementsoulagée.Pourquoi?Jesuissûrequec’estmêmepassacouleurnaturelleetqu’ellecacheuntruc.J’ouvrelabouche,maisThomasmedevanceendemandant:—EtMatt,ilarrivequand?—Cesoir.Ilatterrità20heures,répondDamien.Ellecacheuntrucénorme…J’ensuiscertainemaintenant.Etsic’étaitunmec,enfait?Mmh,pisteàexplorer…—Vousvenezmangeràlamaisoncesoir,Samantha?jeluidemande,l’airderien.
Jevaistoutsavoirdetoi…Mouahahahah!—Euh…Je…jenevoudraispasdéranger,ellebégaie,intimidée.—Oh!Maisvousnedérangezpas,Samantha…Aucontraire!jeluilance,unbrinsadique.—Je…Non,merci.Uneprochainefois,peut-être,ellerépondenremettantseslunettesenplace.J’hésite.Sij’insistetrop,ellerisquedeserendrecomptedequelquechose.Aprèstout,elleestpeut-êtrejustetimide.—Thomas,tuviensdînercesoir?Tant pis, siDori ne veut pasme donner d’infos, toi, tu ne résistes jamais àmes yeux de chat
botté.—JepensequejevaisresteravecSamantha,merépond-ild’untonpresqueenjoué.OK,detouteévidence,ilestsuperaccro.C’estpasdrôle!—Bon,trèsbien.Samantha,j’aiétéravie.Onserevoitdemain,jeluidisavecungrandsourire.—Euh…demain…,ellebégaie.— Le dîner de répétition aura lieu à 20 heures. On reste dans les mêmes teintes que pour le
mariage:champagneetcrème,jelacoupe.Sérieux,ellenepeutpasarticulerunephrasecomplète?—J’aihâted’assisterauconcoursdeMissTee-shirtmouilléauchampagne,larouquine!luilance
Damienavecunclind’œil.Thomasluijetteunregardnoirtandisquejeluitapel’épaulepourlesermonner.Damienmerenvoie
uneétrangegrimaceenguisederéponse.Jesoupire,lèvelesyeuxaucieletfinispardire:—Damien,arrêteunpeuetallons-yavantqueSamanthanousprennepourdesbarjots!—Elleestdrôlementjolie,cetterouquine,sortDamien,songeur,enserendantàlavoiture.—Damien,n’ypensemêmepas!jem’exclame.—Lola,quandmême!J’aijusteditque…Laissetomber,finit-ilsuruntonagacé.Tiens,c’estnouveau,çaaussi.Habituellement,ilrenchéritavecuneconnerie,maislà,non…—Bon,lagrosse,onpassetedéposer,melance-t-ilenouvrantlavoiture.—Commentça,me«déposer»?—Sortieentremecs,tutesouviens?Jejetteuncoupd’œilàJerryquis’installedifficilementducôtépassager.—Mouais,jeréponds,encorevexéedenepasêtreinvitée.Jecroiselesbrasetregardelepaysage,vannéed’avancedelasoiréeavecmesparentsalorsque
lesgarçonsvontfairelafête.MêmeThomasapréféréresteravecDori,jesonge,deplusenplusboudeuse.
***
J’embrasseunedernière foisLolaqui fait la têteetsourisquand je l’entendsrâlerenclaquant laported’entrée.
—Çayest,Roméo?Onn’apastoutelanuit!s’écrieDamien,déjàprêtàrepartir.Monvisagesecrispe.Jesaisqu’onnevapasfairelafête,quetoutcecin’estqu’uneexcusepour
Lola.Est-cequeleurpèreamisDamienaucourantdecequ’ilaapprisàmonsujet?Jeprendstrèsausérieuxsesmenaces,maisjenepeuxpasmerésoudreàtoutdireàLola.Ellenemelepardonneraitjamais…
Jemontedanslavoitureetattendsavecangoissecequivasuivre,lapeurauventredeperdrecellequej’aimeplusquemavie.Damienabeaudonnercetteimagedebeaugossequeriennetouche,jesaisquetoutçan’estqueduvent.Damienestunputaindebonagent.
Peut-êtremêmelemeilleuravecquij’aijamaisbossé.Maiscequilecaractériseavanttout,c’estl’amourqu’ilporteàsafamille,enparticulieràsapetite
sœur.Ilestprêtàtoutpourelle.Et,évidemment,moiplusencore…
Chapitre5
Vendredi13décembre
—Lola!Uncri,unsautsurlelit…—Safia,jesoupireencachantmatêtesousl’oreiller.—Debout,espècedelarve!crie-t-elleencoreplusfortenfaisantvolermacouette.Jeme redresse, attrape la couverture etme rallonge en lui jetantmon regard «Tu touches àma
couette,jetecrève!».—Vas-y,dors,cen’estpascommesi tutemariaisdanshuit jours.Tudoiscertainementavoirun
jeanquitraînequelquepartpourlaréceptiondecesoir.Avecunequeue-de-chevaletunpeudemascara,çadevraitfairel’affaire.
Jesoulèvelacouetteetlaregardedetravers.Lagarcemarqueunpoint…Jeneveuxnijeanniroberosebonbonpourcesoir.Jeveuxêtreuneprincesse,unange…enfin,un
trucquiadelagueule,quoi!UntrucquifaitdireàJerry:«Tuestellementmagnifique,faisonsl’amourtoutdesuite!»
Jesoupireànouveauetmedécideàquittermonlit.Ilvamefalloirdesheuresetdesheuresderavalementdefaçade…—Jolipyjama,melance-t-elle,unbrinmoqueuse.—C’estl’hiver!mejustifié-je.—C’estquoi,cetruc?Desoreilles?demande-t-elleentripotantmacapuchepolaire.—Pastouche,jeréponds,vexée,enécartantsesmains.Personnen’étaitcensémevoirdanscette
tenue.J’avaismismanuisetterougesupersexy,maisvuqueJerryestrentrétarddesasoiréeavecmesfrèresetquejemegelaislesfesses,j’aimisça,dis-jeenattrapantdesvêtementsdansmacommode.
—Bordel,maisilyaunequeueaussi!?poursuit-elleenrigolant.—C’estunecombinaisonpolaire!crié-jeenallantm’enfermerdanslasalledebains.—Tamèrem’aditquetuavaiseuquelques…soucisderobe,hier,continue-t-elleàtraverslaporte
delasalledebains.Jegrimaceausouvenirdelasijolierobequemamèreavaitchoisie.Elleétaitsibelle…maissi
serrée!Quellefintragique…Jemetslechauffage.Undoutemesaisit.—Mamèret’aditquoi,aujuste?—Tout,lance-t-elle,énigmatique.
Je me déshabille, fronce les sourcils. Sa réponse est vague, ce qui veut dire qu’elle ne saitcertainementpastout.
—Ehbien,lapremièreétaitmagnifique,maistroppetite,jedissobrementenmeglissantsousladouche.
—D’après ceque j’ai compris, tun’esplus labienvenuedans laboutique,maintenantque tu asmassacréunerobe,meraconteSafia.
Jerestepétrifiée.Çaveutdirequelaboutiqueatéléphonéetque,maintenant,mamèresait!Ellevametuer.Jepassematêtesousl’eau,attrapelegeldoucheetmesavonneenréfléchissantàunefaçondem’en
tirer.Mamain passe surmon ventre qui s’arrondit un peu plus chaque jour et un sourire éclairemon
visage.—Mon petit têtard n’est pas encore né que je vais déjà me servir de lui, je chuchote en me
shampooinant.Est-cequejedevraism’inquiéterdemescapacitésàêtreunefuturebonnemère?Aprèstout,jem’apprêteàmeservirdecepauvreenfant,quin’estmêmepasencorené…J’aimauvaiseconscience,quandmême…Doncjenevaispasêtresinullequeça!conclus-jeen
éteignantl’eau.—Cen’étaitqu’unregrettableaccident,jereprendsenmeséchant.—Moui… J’imagine qu’il est meilleur pour son ego de détruire une robe plutôt que d’avouer
qu’elleesttroppetite.Formulécommeça,çamedonneencoreplusmauvaiseconscience…Carenfait,dèsledépart,je
savaisquelarobeétaittroppetite.—Jenepensaispasqu’elleseraitsiserréeavantde lapasser ! jem’exclameenmetartinantde
crèmehydratante.Comment ajouter la mauvaise foi à la longue liste des choses qui vont faire de moi une mère
pitoyable…—En tout cas, ce serait sympaque tu ne fasses pas un remakede l’incroyableHulk ailleurs, se
moque-t-elle.—«Unremakedel’incroyableHulk»?!jerépèteenm’habillant.—Oui,tusais,lemectoutvertquidétruitsesfringuestouteslesdeuxsecondes!—J’avaiscompris.Mercipourcettecomparaisonflatteuse!—C’estvraiquelevertn’estpastacouleur,lance-t-elle,songeuse.—Jesuisenceinte,Safia,jeterappelle.—Jenevoisabsolumentpaslerapportaveclefaitquelevertnet’aillepas.—Jefaisaisréférenceàmonpoids,jechouine.Unefoismonjean,undébardeuretmonpullroseenfilés,jem’observedanslaglace.J’aivraimentunesalegueule,jeconstateenm’observantsoustouslesangles.—Tusais,jepensequedestasdefemmesprennentdupoidssanspourautantmettreenpiècesune
robeà700euros.700euros?!Lavache,mamèrevavraimentmetuer…—Dis,tupensesqu’avantdedescendre,tuaccepteraisdemelamontrer?demande-t-elle.Tandisquejemecoiffe,jesouris,sachantexactementcequ’elleveut.—Jenesaispas…,jelance,taquine,ensortantdelasalledebains.—Tudevraispeut-êtrel’essayer,histoired’êtrecertainedenepasrefaire…—Çava,j’aicomprisl’idée,jelacoupe.
Assisesurlelit,Safiamescrute.Jelèvelesyeuxaucieletattrapelahoussedanslapenderie,tropheureusedeluimontrermarobe
demariée.Ellel’adéjàvueenphoto,maisc’estPaulquim’aaccompagnéepourlachoisir,puisqu’ellevitmaintenantavecMattàLosAngeles.
Jelaposesurlelitetouvrelahousseavecsolennité.Safiavapourlacaressermaisjel’arrêted’ungeste.
—D’abord,tutelaveslesmains!jem’écrie,commesielles’apprêtaitàtuerquelqu’un.—Venantd’unefillequiafaitexprèsdeléchermavoiture,jetrouveçavexant.—Cen’esta-bso-lu-mentpasnégociable,jesorsencommençantàrefermerlahousse.Ellehésite,puisse lèveensoupirant.Jerouvre lahousse tandisqu’ellese lave lesmains.Àson
retour,elleeffleureduboutdesdoigtslesmotifsbrodés.—Elleestvraimentmagnifique,Lola,dit-elled’unevoixlégèrementenrouée.Jememordsleslèvrespournepassourirecommeuneidiote,maisc’esttrèsdur.—Tuneveuxpaslapasser?medemande-t-elleavecdesyeuxsuppliants.Jedétestelavoiravecceregard-là.Enplus,elleestbientropbelleavecsesyeuxvertsenamande
etsonteintmat…Ondiraitunestardecinéma.—Lola,bougetongroscul,ont’attendpourlepetitdéjeuner!crieAlexàtraverslaporte.—Désolée,onnousattend.Maisjetejurequetoutrentreimpeccablementdedans,jesorsàSafia.Nousrionsetjerefermelahousse,quejelaissesurlelit.Jesuistellementcontentequ’ellesoitlàpourm’aideràmepréparer.Jesavaisqu’unjouroul’autre
nos chemins prendraient des directions différentes et qu’elle ne serait plusma colocataire,mais je nem’attendaispasàcequecesoitaussirapide.J’aitoujoursPauletWill,etsurtout,maintenant,j’aiJerry,maismameilleureamiememanque.
J’espèrejustequeMattserendcomptedelachancequ’ila.En tout cas, ils semblent vraiment amoureux…Ce qui relève de l’exploit lorsqu’on connaîtmon
frère.Peut-êtrequ’unjourlesautresprendrontexemplesurlui.Thomassemblesurlabonnevoieavecla
Dorirousse…—Àquoitupenses?m’interrogeSafiaenmedévisageant.—Pasgrand-chose…TusavaisqueThomasavaitunecopine?Ilfautvraimentquej’enapprenneplussurelle…—Non.C’estsérieuxentreeux?—Jecrois.Je secoue la tête au souvenir d’hier soir, quand on les a surpris, et je soupire. Je suis tellement
heureuse de voir Thomas aussi épanoui. Il a vécu tant demoments difficiles avec Catharina, son ex-copineagentdoublepsychopathe.
Entoutcas,unechoseestsûre:j’aihâtederetrouvermonSexy-Fossettes!Lanuitdernièreaététerrible.JesuisenmanquedeJerry,desesfossettes,deseslèvres,desesmains…Quandjepensequenous
n’avonspasétéséparésuneseulenuitdepuisqu’ilestsortidel’hôpital!C’estquandmêmehallucinantquemon père dresse toutes ces foutues barrières entre nous. C’est pas comme s’il pouvait avoir desdoutessurmavirginité.Jesuisenceinte,doncforcément,Jerryyajouéunrôle…
J’aimaldormi.Jemesentaisseuleetabandonnée.Mêmequandilétaitauxsoinsintensifs,j’avaistrouvéunmoyend’êtreaveclui,etlà,àmoinsdedeuxsemainesdenotremariage…
Notremariage…Attention,crashdepetitegrosseaupaysdespaillettesetdesarcs-en-ciel…
J’entredans la cuisineavecun sourirebéat sur les lèvres.Mon regard tombe immédiatement surJerry,debout,lesmanchesdesonpullrelevéessursesavant-braspuissants.Illèvelesyeuxdesatassedecaféetmesourit.Paslesouriregenre«Salut»maislesourire«Aucunepetiteculottenemerésiste».Je rougis, j’ai chaud, je bous… Ses lèvres s’étirent un peu plus, apparition de la fossette… Je meliquéfie.
—Oh,mapauvrechérie!Tuasdéjàdesboufféesdechaleur,melancemamèreenm’embrassantsurlefrontpourmedirebonjour.
Jemerendscomptequ’évidemment,nousnesommespasseulsetjerougisencoreplus.—Lagrossesse,c’estunpeucommelaloterie,tunesaisjamaissurquoituvastomber,reprendma
mèreenmeservantmonboldeNesquiketenpréparantmachinalementdestartinesdeNutella.Tuasdesnausées?Desflatulences?Ceseraitfâcheuxque,quandtut’avancesversl’autel,tunesoispasbien,situvoiscequejeveuxdire…
—Lolavanouslâcherunventenmarchantversl’autel,ditAlexenrigolant.Monpères’étouffeenbuvantsoncaféetlecrachesurMatt,quisemarrecommeuncondelablague
pourried’Alex.Mamèretentedecalmertoutlemondetandisquejeresteimmobileetdeplusenplusrouge(difficiledesesentirplusgênée!!).JelèveunemicrosecondelesyeuxsurJerryquimeregardeintensément.
Aumoins il ne rigole pas, c’est déjà ça !me dis-je enm’installant à table aussi dignement quepossible.
—Mapauvre chérie,me ditmamère enme caressant les cheveux avant de taper sur la tête deDamien,quicontinuederire.
Jefourreunetartinedansmabouche,plusgênéequejamais.Franchement,iln’yapaspirequemafamillepourgâcherlesmeilleursmomentsdemonexistence!—Lemagasind’hieratéléphoné,ditmamèreenmescrutant,lessourcilsfroncés.Nooon,ellenevapasraconterçadevantJerry,quandmême!—Net’enfaispas,onvatetrouverunerobemagnifique!s’exclameSafiaenm’adressantungrand
souriredustyle«Nemeremerciepas».Jelèverapidementlesyeuxsurmamère,quicontinuedem’observer.Est-cequelatempêteestpassée?—Bien,maintenantquevousêtestouslà,votrepèreetmoiavonsàvousparler,ditfinalementma
mère.Jerespireànouveau.Jenem’étaispasrenducomptequejeretenaismonsouffle.Je jette un léger coupd’œil àmonpère qui se lève et se positionne aux côtés demamère.Elle
demandeàJerryd’allers’asseoiravecnous.Jegrimacequandilseplaceàcôtéd’Alex.Monpèrenelequittepasdesyeux.
Qu’est-cequisepasse?—Thomasn’estpaslà,constateDamienenmâchouillantsatartine.—Nousluiavonsdéjàparlé,commencemonpèreenprenantlamaindemamère.Jecommenceàêtreinquièteetmeredresse,unpeutendue.—Cesoir,c’estlagrandesoiréedeLolaetJerry,reprend-il,visiblementému.Mapetitefilleest
devenueunefemmeetbientôt,elleseraàsontourparent…Mamèreseserreunpeupluscontrelui,l’encourageantàpoursuivre.— D’ici quelques heures, des membres de la famille ainsi que des amis vont arriver. Je vous
demandedoncdebienvouscomporter.—Sérieux?Onn’estplusdesgamins!s’exclameDamien,outré.—Damien,jeterappellequ’àNoëlderniervousavezmislefeuàlagrangeparcequevousavez
essayédecuireladindeaulance-flammes,rétorquemamère.
—Sanscompterquetun’astoujourspascomprisqu’êtreunhomme,c’estaussisavoirgardersonpantalon,ditmonpèreenluilançantunregardnoir.(CequifaitrireAlexetMatt,quisecachentpresquesous la table pour éviter le courroux demon père.)Ça vaut aussi pour vous deux ! Je veux voir desadultes,pasunebanded’adosattardés,reprend-il.Etsouvenez-vousquevotremèren’estpaslabonneàtoutfaire.Sijevoisunechaussettetraînersurlecanapé,jevouslafaismanger.
—Quantàtoi,Lola,s’exclamemamère,onvaretournerfairelesboutiquespourtarobe,maisilesthorsdequestionquecequis’estpasséhiersereproduise.
Jemevoûtelégèrement.Bon,moiquicroyaisquej’avaisévitélepire!Jehochetimidementlatête,leregardrivésurlatable.Jerryvanousprendrepourunefamilledebarjots,sicen’estpasdéjàlecas.—Bien, passons à l’essentiel.Afin que tout se déroule demanière optimale, votremère etmoi
avonstoutorganisé,ditmonpèreenjetantunregardentenduàmamère.Ohnon…ohnon…Paslesdémonstrationsvisuelles…Jesoupireetm’avachisencoreplus.Safiasautille,surexcitée.Elle,elleadorecegenredetrucs.—Alex,lumière!s’écriemonpèreensortantlatélécommandedesapochearrièretandisquemon
frèreéteint.Pourquoi je ne peux pas avoir une famille normale ? me dis-je quand la musique deMission
impossibleretentit.Je jetteundiscretcoupd’œilàJerry,quisemblesurprisquand les laserssemettentenroute.Si,
aprèsça,ilveutencorem’épouser,çatiendradumiracle!Entoutcas,pourunefois,mesparentsn’ontpassortilegénérateurdefumée…Oups,j’aiparlétropvite!Quelquessecondesplustard,nousfaisonstousdegrandsgestespourchasserlesvolutes.Monpèredescendlefondblancetenclencheleprojecteur.Avant,nousfaisionsçadans lesalon,maisdepuisqu’ila installé lesdétecteursdefumée,çasepassedanslacuisine.Enplus,mamèredisaitquel’odeurimprégnaittouslestissus.Leplussimpleauraitétéquemonpèrelaissetombersonintroduction,maisc’estmalleconnaître!Ilallumelemicroetcommencesaprésentation.
—Commevouslesaveztous,danshuit jours, lafamilleMorellfranchiraungrandcap.(Ilprenduneinspirationetcontinue.)MapetiteprincesseLolavasemarieravec…
Illaissesaphraseensuspens.Mamèreluifrottelebrasavectendresse.Première image : moi enfant déguisée en mariée, puis une pièce montée, puis l’église où se
dérouleralacérémonie…—Notreobjectifestceci,dit-ilenencerclantavecsonstylolaserlaphotod’uncoupledemariés
souriantscertainementpiquéedansunmagazine.Samedi,15heures,heurelocale,Lolas’avanceradevantl’autel.Nousnedevonsrienlaisserauhasard.Damien,distributiondesdossiers.
« Dans chacun, vous trouverez le planning, les documents relatifs à la bonne exécution de vosmissions, différents plans ainsi que les descriptions des lieux. Je vous remercie de respecterscrupuleusementlestâchesquivoussontattribuées.Ensemble,nousvaincronsetnousferonsdecejour…(effetsdefuméeetdelumière,suivisdelavoixrobotiquedemonpère:)TheLola’sWeddingDay!
« Pour ce soir, nous avons confié l’organisation à la sociétéBeautifulDay,mais vous trouverezmalgrétoutunedescriptionprécisedudéroulementdelasoiréedansvotredossier.
Ilprendlavoixqu’ilutilisepournousgronderetnousobservedurementavantd’ajouter:— S’il prenait à l’un d’entre vous l’envie de ne pas suivre ce qui est indiqué, il en subira les
conséquences.La lumière se rallume, personne ne bouge. Mon père prend une grande inspiration et finit par
s’exclamerensouriant:—Çavaêtreungrandjour!
PuisilregardeJerrydetravers,lequeltoussote,malàl’aise,avantd’ouvrirledossieretdefairecommes’illelisait.
Àmoinsqu’ilneleliseréellement?!Jeparcoursdistraitementlesfeuillestandisquelerestedelafamillecommenceàseleverdetable.Jejetteuncoupd’œilàJerry.Enréponse,ilmesouritetdemandeuneautretassedecaféàmamère.Auboutdequelquesminutes,noussommesenfinseuls.Jerrys’installeàcôtédemoietm’observeuneseconde.Ilinspireprofondémentetpassedoucement
unemainsurmajoue.Jefermelesyeuxetmelaisseemporterparcesimplecontact.—Tum’asmanqué,cettenuit,jesouffleenrouvrantlesyeux.Jefroncelessourcilsetluitrouveunairencoreplustourmentéqued’habitude.—Toiaussi,finit-ilparmeglisseràl’oreille.Unfrissonparcourtentièrementmoncorps,etjesensdéjàlefeus’immiscerentremescuisses.—Etjenedispasçaparcequej’aidormidansunlitsuperposé,dansdesdrapsSpiderman,bercé
parlesronflementsdetonfrèreAlex,lance-t-ilavecunegrimace.Jememordsleslèvrespournepasrire,maissansgrandsuccès,etfinisparpouffer.—Tun’aspastropmalàtajambe?jel’interroge,enpassantdoucementmamainsursacuisse.Je vois sa pomme d’Adammonter et descendre lentement tandis que son regard tombe sur mes
lèvres.S’ilnem’embrassepasimmédiatement,jesensquejevaissombrerdanslafolie…Letempssemblesuspendu.Aucundenousnebougenineparle…Embrasse-moi…Marespirations’accélère,maisriennesepasse.—Jerry…,jecommence.Ilnemelaissepasfiniretposeseslèvressurlesmiennes.Sonbaiserm’électrise.Salanguepénètre
dansmaboucheetenlacelamienneavecdouceur,désespoiretpassion…Commentpeut-onressentirautantd’émotionsdansunsimplebaiser?J’aibesoindeplus!Jemonteàcalifourchonsurlui.Jelesenssetendrecontremonentrejambe.Sesmainssefaufilent
sousmonpulletcaressentmapeaunue.Jemefrottecontrelui.Ilattrapemesfessesetlespressedesesmainspuissantes.Jetiresescheveux,mordssalèvre,l’aspire,passemalanguedanssoncou…
Il est délicieux et il est àmoi, rien qu’àmoi…pour toujours…Bientôt, je seraiMmeLolaÉvaWalker,etriennecompteplusqueça!
Ungémissementavides’échappedemagorgequandj’entendssoudaintoussoterdanslapièce.JesensJerrysestatufier.Ilsedétachebrusquementdemoi,etj’encomprendslaraisonquandjevoismonpèrequinousobserve,lesbrascroisés,surlepasdelaporte.
JerrytentedésespérémentdecachersonérectionaveclepotdeNutella.Monpères’approcheetluiglisseàl’oreille,lamâchoirecrispée:—JecroyaisquenousavionsétéclairsquantàtoutrapprochementavantleTLWD…C’estquoileTLWD?jemedemandeavantdecomprendrequecesontlesinitialesdeTheLola’s
WeddingDay.—Trèsclair,monsieur,ditJerryentoussotant.Lolaetmoidiscutionsde…Ilsemblecomplètementdésarçonné.—…delasoirée!jem’exclame,sousleregardabsolumentpasconvaincudemonpère.Bonsang,j’aijamaisvuJerryaussinerveux!Jenepensaispasquemonpèreleterrifiaitautant…Bon,c’estvraiquemonpaterneln’estpasl’hommelepluscharmantdelaTerre.Hormisavecmoi:
jesuissaprincesse.
—Jepensequ’ildoitêtreplusévidentdeparleravecvotrelanguedansvotreboucheetpasdanscelledemafille.
Jemesensrougirdespiedsàlatête.Non,iln’apasosédirecequej’aicruentendre?—Lola,ton…amieestlà,ditmamèreenentrantdanslacuisineavec…Non,maisdites-moiquejerêve?Jeviensd’avoiruneattaque.C’estça,ilnepeutpasenêtreautrement!—Oh,oh,oh!faitSafiaenentrantàsontourdanslacuisine.—J’avoueque jem’attendaisàunautreaccueil, lance lediableenpersonneen regardantautour
d’elleavecunegrimaceécœurée.Jevaismeréveiller…Toutçan’estqu’unhorriblecauchemar!—Qu’est-ceque…Pourquoi…Cequejeveuxdire…C’est…Bonsang,jen’arriveplusàparler!—Natacha!Jenesavaispasquevousaviezétéinvitée,finitpardireJerry.Toutlemondedévisagemaboss,attendantdeconnaîtrelepourquoiducomment.—Damienm’aexpliquépour lafête-surprise.Jenevoulaispasmanquerça, lance-t-elleavecun
trucquiressembleà…unsourire.—Damienvousainvitée?demandemamère,surprise.—Biensûr!sortNatacha,commesic’étaitl’évidencemême.Nemeditespasque…Ilapasfaitça?Oh,monDieu!—DamiencoucheavecleDragon!jem’écrie,horrifiée.Toutlemondesetourneversmoi.Oups!Jecroisquejel’aidittouthaut!—Ehbien,effectivement,Damienetmoi,carjesupposeque«leDragon»,c’estmoi,noussommes
ensemble.—C’est…affreux!jecrieavantderendrel’intégralitédemonpetitdéjeunerparterre.L’assembléerecule,meregarde,fixelevomi,meregardeànouveau…Jerryattrapeuntorchonetmeletend.Ilcontournelaflaqueenfaisantattentiondenepasglisseret
s’approchedemoiendisantdoucement:—Assieds-toi.Jeresteimmobile,plantéedevantmaflaquedevomi.—J’aimeraisquel’onmemontremachambre,ditNatachad’untonhautain.Mamère l’observecommesic’étaituneétrangebêtequ’il fallaitéliminerdesamaisonavantde
crier:—Alex!Monfrèrearrivepresqueaussitôtets’arrêteàl’entréedelacuisineenlâchantunénorme«Beurk».—MontreàMmeDragonlapetitechambrerouge.—Jenem’appellepas…,commenceàriposterNatacha,avantd’êtrecoupéeparmamèrequilance
sèchement:—Maintenant!Mon frère attrape ma boss par le bras et l’embarque tandis que je finis par m’asseoir, sur
l’insistancedeJerry.—Lola,est-cequetuveuxunverred’eau?medemande-t-ildoucement.Jesecouelatêteavantdesoufflerentremesdents:—JevaistuerDamien!
Chapitre6
JevaistuerDamien…Jevaisluiarracherunàunlesonglesdesesorteilsd’êtrefourbe,etaprès,jeletuerai…
Lola,respire…Ensuite,jetueraiaussimagarcedeboss,etpourfinir,levendeurqui,lorsquenouscherchionsune
robe,m’aregardéedetraversetadit«Jenefaispaslesgrandestailles»…Lemondeentierestcontremoi!Jesuisauboutduboutdurouleau.Jemesensdéfailliràchaqueseconde.J’aibesoindesexe,de
Jerryou…dechocolat!Mespaquetsàlamain,jecourspresquejusqu’àHäagen-Dazsetcommandeunetripleration.—Jesuisdésolémaisnousn’avonsplusdechocolat,melancelevendeur.Lecielsenoircitinexorablement.Deséclairszèbrentlesnuages.JesuisHalleBerrydansX-Men.—C’estuneblague?jesouffleentremesdents.Moncorps entier est contracté.S’il nemedonnepas immédiatementduchocolat, je le réduis en
miettes.Il paiera pour tous les autres…De toute manière, ce mec est forcément suicidaire pour ne pas
vendredeglaceauchocolat.—Vousdevriezvousabstenir,cen’estpasbonpourvous,semêleNatacha.Vousêtesdéjàpleinede
cellulite, alors autant dire que dans sixmois, à la naissance de votremorveux, vous ne serez qu’unemasseinforme.
Levendeurdeglacelaregardelesourcilrelevé,l’airdedire«c’estquoi,cetruc?»,etmoi,jesouffle commeunbœuf, je transpire et suis à deuxdoigts de commettre unmeurtre sur la place de laComédie.
— Écoute-moi, petit, soit tume trouves du chocolat, soit je te gave de glace jusqu’à ce que tumeuresétouffédansunemaredelaittellementsucréequ’undiabétiquecrèveraitdanslaseconde.
—Lola!merappelleàl’ordremamèrequinousrejointàcemoment-là.Jegrognedecolèreenobservantlevendeurquipartencourantdanslaréserve.—Maisilsn’ontplusdechocolat…,j’expliquedoucementàmamère.—C’estcequej’avaiscrucomprendre.—Onpeutallervoirunautreglaciersituveuxabsolumentduchocolat,metranquilliseSafiaavec
unlégersourire.—Commeje l’expliquaisàLola, jenepensepasque toutecettegraissesoitbonnepourelle.Je
pensequ’unepomme…—Jeveuxduchocolat!jehurle,lespoingsferméslelongdemoncorps.
—MadameDragon,jepensequevousavezassezdonnédevotretempsetdevotrepersonnepouraujourd’hui,ditmamèreenpassantdoucementsamaindansmondos.
—Jenem’appellepas…—J’aiduchocolat!s’écrielevendeuralorsqu’ilrevientencourant,victorieux.— Si vous n’aviez pas autant de boutons d’acné prêts à exploser sur votre visage, je vous
embrasserais,jeluilanceavecungrandsourire.Ilrougitetmesertunemaxi-dosedechocolat.Sitôtlaglaceentrelesmains,jeladévoreavecdélectation,léchantchaquemillimètrecarrédela
minusculecuillèreenplastiquesousleregardchoquédeNatacha.—Bon,ehbien,maintenantquenousavonsunerobe,deschaussuresetdelaglace,nousdevrionsy
aller,ditSafiaenregardantsamontre.J’émetsunsongutturaldesatisfactionenréponseetsuislemouvementjusqu’àlavoiture.Commeàl’aller,Natachafaittoutuncinémapourmonteràl’avant.Maisjem’enfiche,jesuisloin,emportéeparladouceurduchocolat…Jechantonnedansmatêteen
lapantdoucementmacuillère.Letrajetderetoursepassedansunsilencepesant,entrecoupéparmonronronnementchocolaté.Par
contre, une fois l’euphorie de la glace passée, je reprends mon téléphone et continue d’envoyer desmenacesdemortpartextosàDamien.
Jetrouveçaexcessivementlouchequ’ilaitchoisidepartircouriravecMattpilecinqminutesavantl’arrivéedemagarcedebossbotoxée…
Coïncidence?Non,jediraiplutôtsadismecalculé.Jelehais,etdèsquejel’aurairetrouvé,jevaismevenger…UnsouriredefollequieffraieraitHannibalLecterenpersonnebarremonvisage.DamienMorell,tuvassouffrir…Ma mère gare la voiture devant la maison et nous sommes accueillis par le couple d’enfer
RaspoutineetChewbacca.—MonDieu,maisc’estpirequ’aucirque.C’estquoi,ceshorreurs!s’écrieNatachaenrepoussant
monchatduboutdesonescarpinhorsdeprix.Jesuistentéedecrier«Chewbacca,attaque!»maisjeneveuxpastuercettepauvrebêteàcause
d’uneingestiondebarbaqueavariée.—MadameDragon,ici,noussommestrèsrespectueuxdesanimaux,luiditfroidementmamèreen
attrapantRaspoutine.—Jenem’appellepas…—Maman,maman,viensvite!criesoudainAlex.Papanesesentpasbien!Mamèrelaissetomberlespaquetsqu’elletenaitàcôtédelavoitureetseruedanslamaison,suivie
deprèsparSafiaetmoi.Nousretrouvonsmonpèreallongésurlecanapé.Jerryluicaledescoussinsderrièrelatêtepourle
surélever.Mamèrepartendirectiondelacuisine,maisJerryluicrie:—C’estbon,ilaprissescachets.Mamèrefaitdemi-touretchuchoteàmonpère:—Çava,lescachetsvontfaireeffet.—Jevaisbien,soufflemonpère,encoreunpeuhagard.—Ondevraitappelerlemédecin,ditAlex,quitourneenrondàcôtéducanapé.—Non,cen’estpaslapeine,répondmonpèreenlançantunregardentenduàmamère.Jelesobserveetattendsdesexplications.— Il y a quelques semaines, on m’a diagnostiqué une légère faiblesse cardiaque. J’ai suivi un
régime,maisilsemblequ’unpontagesoitnécessaire.
—Oh,monDieu!Papa,pourquoin’as-turiendit?jem’écrie,leslarmesauxyeux.—Jevoulaisattendreaprèslemariage.C’estuneopérationcourante,iln’yapasàs’enfaire.C’est
simplementqu’avectoutecetteagitation,jesuisunpeufatigué.—Onpeutannuler,tusais,etattendrequetutesentesmieux,jeluichuchote.—Certainementpas.Jevaismereposeretçavaaller.—Mais,papa…—Lola,j’enaidéjàdiscutéaveclemédecin.Silescachetsnefontpaseffet,nousannulerons,mais
sinon,lafêteaurabienlieu,mecoupe-t-il.Jejetteuncoupd’œilàmamère,quimeglisseàl’oreille:—Vatepréparerpourtasoirée,jem’occupedelui.Je hoche la tête et Jerry m’aide à me relever. Il m’accompagne jusqu’à l’étage et me prend
doucement dans ses bras. Je ferme les yeux et le laisseme réconforter par sa chaleur et son odeur sifamilière.
—C’estdemafaute,lâcheAlexànotrehauteur.Jem’écartedeJerryetregardemonfrère,quisemblecomplètementsouslechoc.—Pourquoitudisça?jel’interrogeenm’approchantdelui.—Ilm’asurpris,souffle-t-il,lesyeuxbrillants.—Ilt’asurprisentraindefairequoi?—J’étaisautéléphoneavec…Etpapaaentendulaconversation…Je…jenesavaispasqu’ilétait
malade!—Alex,qu’est-cequepapaaentendu?—Papam’ademandéquijefréquentais.Ilsemblait…Ilm’aditquejeluimanquais,quejen’étais
jamaislà,etjeluiaiditpour…Marcetmoi,finit-il.—Marc,l’amiavecquituvoyages?Ilhochelatête.—Oh,Marcettoi,vousêtesensemble?Ilhocheànouveaulatête,maisplusfaiblement.Ilsemblecraindremaréactionetçamefaitdela
peine,carj’auraisaiméqu’ilmefasseassezconfiancepourm’enparler.Jem’approcheunpeuplusdeluietleprendsdansmesbras.Audépart,ilsemblesurpris,puisilfinitparmeserrerenpleurant.
—Alex,cemalaise,cen’estpasdetafaute,ettuasbienfaitdeledireàpapa.Tun’aspasbesoindecachercegenredechose,etencoremoinsàtafamille.
—Jenesavaispasqu’ilétaitmalade,mechuchote-t-ilenreniflant.—Alex?l’interpellemamère.Ilsetournemaisn’osepaslaregarder.—Monchéri, papavient deme raconter. Il s’enveut, il nevoulait pas te fairepeur. Il est juste
fatigué.PourquoitunenousasrienditpourMarc?—Je…jenesaispas…Mamèrenelelaissepasfiniretleserredanssesbrasàsontour.—Tonpèreveutteparler,finit-elleenluisouriant.Aprèsunebrèvehésitation,Alexsedirigefinalementverslesalon.J’entreprendsdelesuivremais
mamèrem’intimedeleslaisseretjesaisqu’ellearaison.Alexabesoindediscuteravecmonpère.Jesais qu’au premier abord,mon père ne semble pas facile, mais une chose est sûre, c’est qu’ils nousaimentplusquetout.
Jesoupireenpoussantlaportedemachambre…etmefige.—Non,non,non,non!jerépèteenm’avançantverslahousseposéesurmonlit.Depuisleseuil,Safiaétouffeuncrid’horreurenvoyantlahoussedemarobedemariéeéventréeet
pleinedepoils.
Jerrymeprenddanssesbras.Jen’avaismêmepasremarquéqu’ilétaitlà.JepleuredanssesbrastandisquemamèreetSafiaévaluentlesdégâts.
—Ilsemblequelahoussesoitlaplustouchée,maisilvaudraitmieuxquetupasseslarobe,ditmamère,lessourcilsfroncés.
Jehochelatête,encorelarmoyante,alorsqueJerrymesoutienttoujours.—Maisqu’est-cequisepasseici?s’écrieMattsurlepasdelaporte.Nousleregardonstous,interloqués.—Franchement,c’estflippant:papaetAlexpleurenttouslesdeuxenbas,etvous,voussemblez
pasmieux.—Damiencoucheavecmachefdespotique,ill’ainvitéeàmonmariagesansrienmedire.Papaest
malade,ilauntrucaucœur.Alexn’avaitpassuffisammentconfianceennouspournousdirequ’enfaitMarcestsonpetitami,etRaspoutineadéchirémarobe!jecrie,àboutdenerfs.
—Papaestmalade?demandeMatt,paniqué.— Il a juste une faiblesse cardiaque, tente de le rassurer ma mère. Les médecins ne sont pas
vraimentinquiets.—Enfait,Raspoutineafaitpipiaussi,chuchoteSafiaentenantunmorceaudehousseduboutdes
doigts.—Attendez!jecrie.JescruteMattuneseconde.—PourquoitunesemblespassurprispourAlexetMarc?jel’interroge,unsourcilrelevé.—Je…jenevoispasdutoutdequoituparles,lance-t-ilenévitantmonregard.J’étouffeuncriavecmamainetsouffle:—Tuétaisaucourant?Maisdepuisquand?Matt sembleembarrassé,ouvre laboucheet la refermequandAlexarrive, lesyeuxrouges.Nous
l’observonstous.—Euh,vousvousrendezcomptequec’esttrèsgênant?finit-ilpardire.—Commentvapapa?demandeMatt.—Ilvabien.Ilm’aditqueçan’avaitrienàvoiravec…enfin,mesrévélations.—C’estpourçaqu’ilafaitunecrisecardiaque?interrogeMatt,ànouveauinquiet.— Matt, mais tu n’écoutes rien ! Votre père n’a pas fait de crise cardiaque et Alex n’y est
absolumentpourrien!s’écriemamèreenmettanttouslesgarçonsdehors.Papaestsimplementfatigué,etmaintenant,vousalleztousvouspréparer!
MêmeJerryypasse. Ilnesemblepasvraimentd’accordavec l’idée,mais il finitparsuivremesfrères.
Mamèrerefermelaportedemachambreetjeregarde,lasse,marobedévastée.—Tuvaslapasseretonvaregardercommentonpeutarrangerleschoses,meglisseSafiaavecun
sourireréconfortant.C’estmoioujepassefranchementunejournéedemerde?!MêmeBruceWillis,àcôté,c’estunpetit
joueur!
***
J’enfilemavestedecostumeetsoupireenrepensantàmaconversationavecDamienetlepèredeLola.Moiquipensaisavoirtiréuntraitsurmonpassé,ilsemblequ’ilm’aitrattrapé,finalement.
Ilfautque…Enfait,non, jenesaispasquoifaire!LepèredeLolaveutquejediselavéritéàLola,Damien
veut…
Commetoujours,lesidéesdeDamiensontradicales!Jesecouelatête.Radicales,maisnécessaires.Jesensmagorgeseserrer.Jesaiscequejedoisfaire,maisjenesuispassûrd’enêtrecapable…Jemefrottelevisageetrelèvelatêtequandj’entendsquelqu’unfrapperàlaportedelachambre.Je
n’aipasletempsderépondrequecelle-cis’ouvresurLola.Jerestescotché.Elleesttellementbelle…Elleporteunerobecouleurcrèmequiépouselesformesvoluptueusesdesoncorps.—Tunedisrien,doncsoitjesuistrèsvilaine,soittellementmagnifiquequetuenasperdul’esprit!
melance-t-elle,moqueuse.J’aienviedeluirépondre:«J’aiperdul’espritlejouroùjet’airencontréedanscetascenseur»,
maisjenedisrien.Aulieudeça,jemelèveetmejettesurseslèvres.J’aibesoinderessentirautrechosequelapeurdelaperdre,detoutperdre…Jel’embrassecommesic’étaitlafin,commesic’étaitladernièrefoisquejepouvaisgoûteràelle,
àsoncorps.D’ungeste,elleverrouillelaportederrièreelle.Jeneperdspasdetemps.Jen’enaipas,detoutefaçon!
Doucement, j’écarte les bretelles de sa robe qui glisse comme par magie le long de son corpsvoluptueux.Monregards’arrêtesursapoitrinenue,quej’embrasseensuiteavecpassion.Lolasecambrequand je lamordille. Je passemes doigts de chaque côté de ses hanches et lui enlève d’ungeste sonstring.
Elleestnue,ettellementbelle…Jecaresseavec tendresse sonventre et jenepeuxpas retenir la larmequi coule le longdemon
visageets’écrasesurletapisàsespieds.—Oh,monDieu,Jerry,çanevapas?m’interroge-t-elleeneffaçantmalarmeavecsonpouce.—J’aitellementbesoindetoi,jechuchoteenpassantmamaindanssescheveux.Jeneluilaissepasletempsderépondre.Jelacoucheàmêmelesoletl’embrasseànouveau.Jene
suisqu’urgenceetdésespoir.Mesmainsparcourentsoncorps,tentantd’enmémoriserchaquedétail.Jedéboutonne mon pantalon, libère mon sexe et, sans attendre, la pénètre d’une seule poussée. Jem’immobiliseetmelaisseenvahirpar lasensationdemonsexeenelle.Moncœurmenaced’exploserdansmapoitrine.
Elleesttellementparfaite…Jevais et viens, sansdouceur.Mesdoigts s’enfoncent dans la chair tendrede ses fesses et je la
prendsplusloin,plusfort,jusqu’àmerépandredansuncri,ressemblantàunanimalàl’agonie.Ilmefautquelquessecondespourreprendremonsouffle.Jeroulesurlecôtéetmedemandedequoinouspouvonsbienavoirl’air.Lola,justevêtued’unepairedechaussuresàtalonsdorée,etmoi,complètementhabillé,monsexeramollisortantàpeinedemoncaleçon,tousdeuxallongéssuruntapisàl’effigiedeSpiderman.
Puis,finalement,l’imagemefaitsourire.Jemetourne,attrapeLolaparlanuqueetl’embrassetendrement.Elleposemamainsursonventre
etjelecaresseduboutdupouce.—Jet’aime,Lola,jefinisparluidiredoucement,monregardperdudanssesyeuxmarron.—Moiaussi,jet’aime,Jerry,meglisse-t-elleavecungrandsourire.Jedéposeunlégerchemindebaiserslàoùgranditlepetitboutdenousetdis,d’untonenjoué:—Tonpères’inquiètepourleprénomdenotrefuturenfant.Elleéclatederireavantdemerétorquer:—OnvaéviterJerryWalkerJunior,effectivement.Jel’embrasseetrépèteencaressantsonbeauvisage:—Effectivement.
Nousrestonspétrifiéslorsquequelqu’unfrappe.—Euh…j’aibesoinderécupérermaveste,enfait,lanceAlex,gêné,derrièrelaporte.NouséclatonsderireetjeregardeLolaserhabilleràcontrecœur.Jefinisparmereleveràmontour
etremettremonpantalon.Unefoisquenoussommesprésentables,LolaouvreàAlex,quinousregardeàtourderôle,lessourcilsfroncés,avantdedire:
—Çapuelaluxurequandonentre!Ilsecouelatêteavantdes’arrêterprèsdutapis.—Mamanvatetuer,s’écrie-t-ilenmontrantdudoigtunetachedespermesurletapisàLola,qui
rougitdelatêteauxpieds.—Jem’enoccupe.Vafinirdetepréparer,jeluidis.Lolam’embrassechastementsur la joueet repartendirectiondesachambre.Je regarde la tache
d’unairsceptique.Commentjevaisnettoyerça?—Onn’aqu’àenleverletapis,melanceAlex,visiblementamusé.J’acquiesceetl’enroulepourlecachercontrel’armoire.—Allez,allons-y,meditAlexenmetapantdansledos.Je le regarde etme dis que,mis à part Lola, c’est vraiment le seul de cette famille qui semble
normal.
***
—Jesuistellementcontented’êtrevenueplustôt!nouslanceNatachaenroulantdesfessesdansunerobetellementétroitequel’onsedemandecommentellepeutencoremarcher.
—Etmoidonc!jem’exclame,ironique.J’arrangemarobependantquel’ontraverseleparkingendirectiondumas.— Oui, quand je pense qu’un peu plus et je ne pouvais pas assister au mariage la semaine
prochaine… Le pauvre Damien en aurait été bouleversé, continue-t-elle en secouant la tête, l’airsongeuse.
Moi,jevaistele«bouleverser»quandjevaislechoper,celui-là!—Pauldoitêtretellementdéçu,achève-t-elle.Jemeplanteaumilieuduparking.—Commentça,Paulvaêtredéçu?jel’interroge,crispée.—Ehbien,àcausedelatempêtedeneige.LetraficaérienaudépartdeNewYorkaétéinterrompu
jusqu’ànouvelordre.—MaisPaulestmontémoin!jem’écrie.Commentjevaisfairesanslui?Non,maisc’estquoicecauchemarencore?!—Oh!c’esttellementgentildeproposer.Évidemmentquejeserairaviedevousaccompagnerce
jour-là!melance-t-elleavecunesortedegrimacequiestcenséeêtreunsourire.—Maisj’airienproposé!jecrie.Inspireetsouffle,Lola.Toutçaesttrèsmauvaispourtescheveux…—MadameDragon,voulez-vousboirequelquechose?luidemandemamèreenl’attrapantparle
braspourl’éloignerdemoi.—Jenem’appellepas…Oui, c’est ça, emmenez-la loindemoi, jeme sensàdeuxdoigts debouffer de la brochette de
Dragon!—Tuessplendide,meglissemonpèreàl’oreilleavecungrandsourire.—Merci,papa.Tuessûrqueçavaaller?Jemesenségoïstedemaintenircettesoiréealorsquemonpèrenesemblepasengrandeforme.
—Ma puce, ne t’inquiète pas. Je suis un vieux monsieur très coriace qui ne mourra pas avantd’avoirune ribambelledepetits-enfants.N’est-cepas,Walker ? finit-il en lançantunétrange regardàJerry,quisetientraidecommeunpiquet.
Bon,onestloind’unefranchecamaraderie,maisaumoinsilssemblentsesupporter.C’estdéjàça!Nous entrons dans la salle et sommes accueillis par des amis de la famille que je n’ai pas vus
depuisdesannées.JeleurprésenteJerry,quinesemblepasfranchementemballéparlasituation,maissemontrecourtoisetsouriant.Mattarriveàmahauteuretmeglisseàl’oreille:
—Damienvientd’arriveravecThomasetsacopine.Unsouriresadiqueéclairemonvisage.—Veuillezm’excuser,jelanceàMachins-Trucs(jenesuispassûredemesouvenirdeleursnoms,
enfait).Jecourspresquejusqu’àl’entrée.Jesuis furieuse, j’aicommeuneenviede lecogner,de le torturer. Jeveuxqu’ilpleure,qu’ilme
suppliedeluipardonneretqu’ildeviennemonesclavepourl’éternité.J’arriveàl’entréedumas,voisDorilarouquinesortirdelavoitureetposerunchiotàterre.Non, mais sérieux ! Est-ce que je trimballe Raspoutine à des soirées, moi ? Enfin, bref, on se
concentresurmontraîtredefranginquej’aiharcelétoutelajournéeetquin’amêmepasprislapeinedemerépondre.
Je l’aperçoisqui s’étiredans tous les sens. Il ne semblemêmepas avoir conscienceque, par safaute,j’aipassélapirejournéedemonexistence.
—Ahben,vousvoilàenfin!jecrieavecunevoixaiguë.Jesuisàboutdenerfsetmavoixaussi,ilsemblerait!Jetranspiredepartout,j’ailevisageenfeu…—Lola,tuessuperbe!m’intercepteThomasenmefaisantlabise.Ils’écarteetm’observe,lessourcilsfroncés.Jemesensbourréeàcraquerd’hormones,j’aichaud,j’aienviedepleurer…—Qu’est-cequisepasse?medemande-t-ilalorsquejem’efforcedenepasfondreenlarmes.—Cedînerestunecatastrophe,voilàcequisepasse!jehurleenlevantlesmainsauciel.Enfait,cen’estpastoutàfaitvrai.Ledînerest trèsbien, lemasestmagnifique,mesparentsont
vraimentmislespetitsplatsdanslesgrands…maisNatachaestlà.Etça,çagâchetout.PourquoiDamienmeregardecommeça?Jesensmalèvrequicommenceàtrembler.Ahnon!Jenevaispaspleurermaintenant!—Rentrons,dit-ilfroidement.Non,maisgenre,enplus,ilestencolère!Jerêve!JemetapetoutelajournéecettegarcedeNatachaetc’estluiquifaitlatronche!—Tun’espaslebienvenu,Damien,jesouffle.OK,c’estunpeuexcessif.Enplus,ilfautqu’ilrécupèreleDragon.Moi,j’enveuxpasunjourdeplus…—Qu’est-cequisepasse?répèteThomasquisemblesurpris.Etmerde,foutueshormones!Voilàquejepleure,maintenant!Jedevaismevenger,paschouiner!Ducoup,jememetsàpleurerencoreplusfort…—Demande-lui!jefinisparlâcherenessuyantunelarmesurmajoue.Çaveutpass’arrêter…,medis-jeensentantlacrisedelarmess’intensifier.Damienfroncelessourcilsetdétourneleregard, lamâchoirecrispée.Jelui jetteunderniercoup
d’œiletm’envaispresqueencourant.
Voilà,maintenant,jevaisavoirdestracesdemascaraetlevisagebouffi.C’estlepompon!J’aiplusqu’àallerauxtoilettespouressayerdelimiterlesdégâts.J’ouvrelaporteetgrimaceenvoyantmonreflet.Jedevaisêtreuneprincesse,pasunratonlaveur!Toutça,c’estlafautedeDamien.Ilvavraimentfalloirquejemevengeuntrucdefou…Je soupire enme disant que, la prochaine fois, ça serait bien que je nememette pas à pleurer
commeuneMadeleine.Jem’installe et fais pipi en réfléchissant à lameilleureméthode pourme débarrasser du couple
infernalNatacha/Damien.—Merde,merde,merde,j’entendsrâlerderrièrelaporte.JedistinguelesescarpinsrosesdeSafia,maisquandjesors,elleestdéjàpartie.J’arrangeunedernièrefoismatignasseetretourneauprèsdemesinvités.—Lola,jesuisdésolé,lanceDamiendansmondos.J’inspireungrandcoupetmeretourne.—Pourquoituasfaitça?jeluidemandeententantdenepasànouveaufondreenlarmes.—Jenel’aipasinvitée,avoue-t-ilensoupirant.Jel’observe.Ilsembles’envouloir…—PapaetmamanvoulaienttefaireunesurpriseetjesuisallévoirNatachapourqu’elletelaisse
quelquesjoursdecongésupplémentaires,etunechoseenentraînantuneautre…Ilfinitsaphraseavecungestedelamain.—Sérieux,tunepeuxpasgardertaqueuedanstonpantaloncommeunhommecivilisé!jem’écrie,
ànouveaumoi-même.Ouais,leshormones,çavabiencinqminutes!—Cettefemme,Lola,crois-moi,elleavaitfaim.—Peut-êtreque,pourunefois,tuauraispudire«non,merci»!Merde,Damien,c’estmaboss!Tu
terendscomptedansquellepositiontumemets?Jevaismemarieretj’attendsunenfant,tucroisquelechômageestunepossibilitéenvisageablepourmoi?
—Jen’yaipas…réfléchi,souffle-t-il.—Tun’yaspas«réfléchi»?!Commentcrois-tuqu’ellevaleprendrelorsqu’elleserendracompte
quetuneveuxpaslarevoiretquetuascouchéavecellejustepourquejepuisseavoirquelquesjoursdecongésupplémentaires?Etsurtout,demande-toiquelgenredepersonneçafaitdetoi!
Ilmeregardelessourcilsfroncés,maisneditrien.—Damien,soisadulte,jetermineavantdepartirrejoindreJerry.Dèsqu’ilm’aperçoit,unlégersourireapparaîtsursonvisage.Jememordslalèvrepouréviterau
mienderessembleràunsmileygéant.—Tuesalléprendrel’air?jel’interrogeavecunsourireàpeinecontenu.Ilpassedoucementsesdoigtssurmesbrasnusetmerépond:—Jevoulaisvoircesvignesdonttum’astantparlé.—Et?—Etjecroisquelasallequenousavonschoisiepourlaréceptiondumariageestplusadaptée.— C’est vrai qu’avec le recul je me dis que l’extérieur est magnifique, mais je ne suis pas
convaincueparl’opéra.Ilmeregardeetfaituneffortpournepasrire.—Tuaimes,toi?jel’interroge,amusée.—J’avouequec’est…particulier.
—Maintenant tuvas t’asseoiret tecalmer, lance froidementmonpèreàThomasqui semble trèsagité.Damien,vavoirdehorssitutrouvesSamantha,ordonne-t-ilsansquitterThomasduregard.
—Qu’est-cequ’il se passe ? je demande enposant doucementmamain sur l’épaule deThomaspourl’apaiser.
Ilsembleavoirunenouvellecrisedenerfs.PauvreThomas…Il souffrede stresspost-traumatiquedepuisdes années,maisdepuisqu’il amonté son agencede
sécurité,ilsemblaitallermieux.—Samanthaadisparu.J’airetrouvésonchiottoutseulquicouinaitaprèsavoiremmêlésalaisse
danslesvignes,ditDamienentenantunchiennoirdanssesbras.Thomasserelèvebrusquementenmebousculantaupassage.—Ilfautlaretrouver!s’écrie-t-il,nerveux.—Tusais,ellenedoitpasêtrebienloin,jechuchotedoucementpourlecalmer.Ilmefixe,lesyeuxinjectésdesang.—Tunecomprendspas,elleestendanger!—Thomas,àpartdessangliers,iln’yapasgrand-chosedehors,jeluisorsensecouantlatête.— Non, tu ne comprends pas ! Il y a un meurtrier psychopathe qui lui court après, reprend-il,
hystériquedésormais.Jejetteuncoupd’œilautourdemoi,medemandants’ilsouffred’hallucinations.—Onvaallerlachercher.Toi,turesteslàaveclechien,lanceDamien.—Oui,biensûr,valachercher,j’acquiesceencaressantdoucementledosdeThomaspourtenter
delecalmer.—Lola,onvatouslachercher!merétorqueAlex,lessourcilsfroncés.—Maisilfaitfroiddehors!Onestenpleinmoisdedécembre,jem’exclame.—Justement.SiSamanthaestperdue,ilvautmieuxlaretrouverrapidement,m’expliqueAlex.Toutlemondem’observe.Unpeuplusetjelesentendraisdire:«Maisquelgenredepersonnetu
es?»Moi,jedirais«frileuse»!Etmerde,jesuisbonnepourallermetrimballerdanslesvignes.Non,maissérieux,ilnemanquaitplusqueçapourfairedemajournéeunenfer!
Chapitre7
Promenons-nousdanslesvignes,tantquelesangliern’yestpas…Silesanglieryétait,ilnouscourserait…Maiscommeiln’yestpas,jenecourraipas!
—Lola,çava?medemandeJerryenm’attendantunpeuplusloindanslesvignes.— Ouais, je gère carrément ! je réponds, ironique. Tu sais quoi ? Lorsque j’ai choisi ces
magnifiquesescarpinsdorés, jemesuisdit :«Humm,c’est lapaire idéale!Tout-terrain!Jepourraismêmefaireunroadtripdansleschampsavec!»
Amusé,ilmeregardeleverhautlesjambestandisquejeremontemarobejusqu’àlamoitiédemescuisses.
—Sérieux,j’enaimarredecettejournéedemerde.Jevoulaismangerdespetits-fours,rireavecmafamille,montreràquelpointtuesgénial,etaulieudeça,jemeretrouveàcrapahuterdanslesvignes–etmêmepaspourbaiser!jerâle.
—Lola,j’avouequ’ilfaitunpeufraispour…,commenceJerryavantdes’interromprefaceàmonregardnoir.
Silence.—OK,jetelaisserâler!dit-ilenlevantlesmainsauciel.—Toutça,c’estlafautedeDamien.Ilpassesontempsàbaisertoutcequiaunvagin,etvoilàoù
çanousmène!—Trèsfranchement,lefaitqueDamienaitunerelationavectasupérieuren’aaucunrapportavecla
disparitiondelafiancéedeThomas,medit-ilenm’aidantàenjamberunfossé.—Non,maistunevaspasledéfendre!jel’avertisenpointantmonindexdanssadirection.—Quoi?Jen’aijamaisditça!—Remarque,c’estvraique,toiaussi,tuavaisl’habitudedetrempertonbiscuitpartout.—Je«trempemonbiscuit»?Çaveutdirequoi?s’écrie-t-il.—Tusaistrèsbien!—Lola…,commence-t-ilavantdes’arrêterbrusquement.—Pourquoi tu t’arrêtesdemarcher ? je luidemandealorsqu’il scrute le solbizarrement.Tuas
enfincomprisquej’avaisraison?—Ilyadestracesdelutte…,ilmerépondentouchantlaterreduboutdesdoigts.— Quoi ?! Mais on n’y voit rien ! je sors en m’approchant de lui pour voir ce qu’il regarde,
accroupi,avecautantd’attention.—Chut…,medit-ilenlevantlamainentrenous.Ilserelèvebrusquementetmepoussesurlecôté,presquedanslesvignes,enregardantautourde
lui.
—Non,maisnemepoussepascommeça!Sérieux,c’estlatactiquelaplusmerdiquedumondepouresquiverunedispute!—Lola,tais-toi,m’ordonne-t-il.—Ouh!Non,tunemeparlespascommeça,Jerry!jehurle.—Lola,shutup!mecrie-t-il.Etvoilà,maintenantj’aienviedepleurer!Jem’efforcedenepaslaissercoulermeslarmesquandjevoisJerrysauterdansuneravineàcôté
de nous. J’attrape mon téléphone portable dans ma poche et l’allume pour éclairer Jerry qui tientSamanthadanssesbras.
J’étouffeuncriavecmamainquandjeconstatequ’elleestligotée.MonDieu,Thomasavaitraison…—Calme-toi,Samantha!hurleJerryquitentedel’immobilisertantbienquemal.Lapauvreesttoutaffoléeetremuedanstouslessens.Jerry finit par ladétacher. Il lui parledoucement. Jene saispas cequ’il luidit,mais ça semble
l’apaiser.Jem’avancepourallerlesaider,maisJerrymecrie:—Lola,net’approchepas!—Est-cequ’ellevabien?J’appellelapolice!jeluirépondsenvenantverseux.—Lola,jet’aiditderesterlà-bas!mehurle-t-ilànouveau.Jecompose lenumérodessecours, leurdonnedes indicationssur le lieu,mêmesi jenesaispas
précisémentoùl’onest.—Est-cequ’elleestblessée?jedemandeànouveau.Personnenemerépond,doncjedisàl’agentquejenesaispasencore.Ilfaitnoiretlaravineestescarpée.Àchaquepasquejefaisdansleurdirection,laterresedérobe.JevoisqueJerryluienlèvecequisembleêtreunbâillonetluidemandesielleestblessée.Mais
ellenerépondpas,elleal’aircomplètementsouslechoc.Je raccroche avec les secours tandis que Jerry et Samantha remontent doucement la pente. Jerry
grimace.Jenesaispass’ilvaarriveràsoutenirSamanthatoutdulong,ilsembleavoirmalàlajambeetjenepeuxpasl’aidersansqueleterrainnes’effondreencoreunpeuplus.
—Jerry,faisattentionàtajambe!jeluicriedepuislechemin.Jel’aperçoisretirersonmanteauetledéposersurlesépaulesdeSamantha.Ils’immobilise,semblereprendresonsouffleettireànouveauSamanthaendirectionduchemin.Unefoisqu’ilssontpresqueàmahauteur,j’attrapeSamanthapourl’aider.Jejetteuncoupd’œilàJerryetluimurmure:—Jesuisfièredetoi.Ilm’adresseunpetitsourireenretouretfrottelesbrasdeSamanthapourlaréchauffer.Moncœurse
serre tout à coup quand je prends conscience que Jerry ne sera jamais heureux en travaillant dans unbureauouenrestantàlamaison.Notreviedefamilleneserajamaissuffisante.Ilestfaitpouraiderlesgens,poursauver lemonde…paspourêtrepèreaufoyer.Jesouris tendrementenmedisantquec’estaussipourçaquejel’aime.Unvéhiculesedirigeversnous.JereconnaisimmédiatementlaPorschedeThomasquisegare,etjevoisDamienensortir.
Thomasadûresteraumas.Jenesaispassic’estunebonneouunemauvaisechose.S’iltientvraimentàsarouquine,ildevraitêtrelà,avecnous…Jen’aipasletempsdepousserplusloinmesréflexionscarjevoisuneambulancearriver.—Çavaaller,jeglisseàl’oreilledeSamantha.L’ambulanceestlà,jecontinueenlafrottantàmon
tourpourlaréchauffer.Jenesaispassielletrembleparcequ’elleafroidouparcequ’elleapeur.
L’ambulances’immobiliseetunmédecinensort.Ill’enveloppeimmédiatementd’unecouverturedesurvie. Je propose àSamanthade l’accompagner dans l’ambulance,maisDamienyva àmaplace. JeretourneauprèsdeJerryetmelovecontrelui.
Jenepeuxm’empêcherdemedemandersic’estnousquiluiavonssauvélavie.Queserait-ilarrivésinousn’étionspaspassésparlà?Jerrymesouffledesmotsdoux toutenmecaressant lescheveux.J’inspiresonodeuret, l’espace
d’uneseconde,jemesensunpeumieux.Lapolicearriveenfin,et…Ben,disdonc,jenesavaispasquelespoliciersétaientsi…sexy!Ilmefaitpenseràquelqu’un…Ouuuuuh,àJamie!Bordel,c’estlesosiedeJamieSexyDornan!Je pouffe discrètement en me disant qu’il n’a pas besoin d’investir dans une matraque et des
menottes, il a déjà tout ce qu’il lui faut. Je le dévisage alors qu’il discute un peu avecDamien, puisl’ambulancepart.Apriori,Samanthaaquelquesecchymoses,maisriendegrave.
Thomas va certainement la rejoindre à l’hôpital, me dis-je, juste avant de le voir sortir de lavoiture.
JemedégagedesbrasdeJerryetluidemande,surprise:—Tuesdanslavoituredepuistoutcetemps?Il ne me répond pas et se rend directement auprès du sosie de Jamie, qui discute encore avec
Damien.JejetteunregardàJerry,dugenre:«Tuycomprendsquelquechose,toi?»Ilsecouelatête.Bon,aumoins,jenesuispaslaseule!—Onvaallerattendredanslavoiture,meglisseJerryàl’oreille.Unfrissonparcourtmondosetjelesuis.—Tuesunhéros,jeluichuchoteavecunsourirecoquin.Ilm’attrapelebrasetmetireversluipourm’embrasser.Jepensequ’onatrouvéunbonmoyenpourpasserletemps,medis-jeenluimordillantlalèvre.IlouvrelaportièrearrièredelaPorscheetunchiennoussautedessusensedandinantdanstousles
sens.—Maisqu’est-cequetufaislà,toi?jel’interrogealorsqu’ilmelèchelamain.—C’estlechiendeSamantha,merépondDamienenarrivantàmahauteur.—Et tuvasenfairequoi?Ondevraitpeut-être le luiamener, jedisencaressant lechiotquise
pelotonnecontremoi.—Non,jevaisledéposerchezThomas,medit-ilens’installantauvolant.—Etenparlantdechosesencombrantes…TucomptesfairequoideNatacha?Ildémarre,soupireetfinitparsouffler:—Jem’encharge…—Cesoir?—Cesoir.Unsouriresatisfaitéclairemonvisage.Bon,peut-êtrequeleschosesvontenfins’amélioreretquejevaisavoirunmariagederêvela
semaineprochaine,finalement,medis-jeenobservantJerryàladérobée.Bientôt,jeseraiMmeLolaÉvaWalker,etrienqueça,c’estdéjàlaconcrétisationd’unrêve…
Chapitre8
Unesemaineplustard…Unpsychopatheenmoins,beaucoup,voireénormémentdechocolatengloutipourcejour…TheLola’sWeddingDay!
—Tuesmagnifiiiiique,soufflePaulenajustantmarobe,leslarmesauxyeux.—J’espèrequeJerryvaêtredecetavis,jeluirépondsavecungrandsourire.—C’estcertain!s’exclameSafiaenm’aidantàfixermonvoile.—Maman,çava?Pour toute réponse, j’ai droit à une successiondehoquets humides. J’observemon reflet dans le
miroiretsoupire.Onyestarrivé!Bon,c’étaitpasgagnévulesdébuts,maislà,toutestenordre.Monpères’estreposé,aprissescachetsaucasoù,AlexainvitéMarcaumariage,Thomasafait
arrêterlepsychopathedesarouquine,DamienestdévouécorpsetâmeàNatacha…Mêmemarobeestparfaite!Mamèrel’aamenéechezleteinturier,puisacousudesperlesassorties
aubustierlàoùilyavaitdesmarquesdegriffures.Toutvabiendanslemeilleurdesmondes!—VousavezvuJerry?Iln’estpastropnerveux?jedemandesansquittermonrefletduregard.—Non,toutvabien!s’exclamePaulunpeutroprapidement.Silencegênant.Pourquoitoutlemondeseregardecommeça?—Tuesl’amourdesavie,évidemmentqu’il…vatrèsbien!serattrapetantbienquemalPaul.—Est-cequ’ilyaquelquechosequejedevraissavoir?j’interrogeenlesdévisageant.—Absolumentpas!s’écrieSafiaavecungrandsourirebizarre.—Onvavoiroùçaenest,lancePaulenattrapantSafia.—Turesteslà,onrevienttoutdesuite,s’exclament-ilsenpartantpresqueencourant.Jesaisqu’ilsmecachentquelquechose,maisbon,onvaattendre…,medis-jeavantdegrimacer
quandmamèresemouchebruyamment.—Maman,tudevraispeut-êtreallerterafraîchirunpeu?Bordel,elleamorflé!Ilvautmieuxqu’elleseremaquille,sinon,voilàlerendusurlesphotos!Elleacquiesceets’enva.Jeregardel’heure.Lemariagenedevraitplustarderàcommencer…Lepremierjourdurestedenotrevie…C’estcequem’aditJerryhiersoir,jemeremémoreavecunlégersourire.
Jenesaispascequisetrameencore,maisjesuissûred’unechose:dire«oui»àl’hommequej’aimesuffiraàrendrecettejournéeparfaite.
Jesursautequandquelqu’unfrappeàlaporte.J’ouvreavecungrandsourireàunjeunegarçonquejeneconnaispas.Ilmetenduneenveloppeavecunairnavréets’envaencourant.
—Bon,ben,merci,jesouffleenrefermantlaporte.Jeregardel’enveloppe.
Lola
C’estl’écrituredeJerry…Jel’ouvreetlis.
MachèreLola,Écrirecettelettreestcertainementlachoselaplusdouloureusequim’aitétédonnéedefaire.Hier,jet’aiditquecejourseraitlepremierdurestedenotrevie,etjemerendscompteàquelpointj’aieutort.Mavieacommencélejouroùj’aicroisétonregarddanscetascenseuretsefinitàl’instantoùtuliscettelettre.Jesuisdésolédenepasêtrel’hommequ’iltefaut.Chaquejour,j’aisouhaitédevenirmeilleur,devenirunautre,maisjemerendscomptequejenesuisquemoi,ettuméritestellementmieux,Lola.Jet’aime,J.
MonDieu,c’estimpossible.Jerelis.J’aibesoindem’asseoir…J’aviseunechaiseetm’ylaissetomber.Jerelisencore,onnesaitjamais…Unelarme,puisdeux…
Jesuisdésolédenepasêtrel’hommequ’iltefaut.
Laportes’ouvre,maisjenelèvepastoutdesuitelatête.Jedoisrelireencore.
Chaquejour,j’aisouhaitédevenirmeilleur,devenirunautre…
Jen’yarrivepas,mesyeuxsontpleinsdelarmes.JefinisparleverlatêteetreconnaislafiancéedeThomas.C’estquoi,déjà,sonnom?—Samantha?—Oui?merépond-elleavecsonairbizarre.Jeluitendslalettre,peut-êtrecomprendra-t-ellemieuxquemoi,parcequemoi…jenecomprends
pas…Commentpeut-ilmelaissersi,commeildit,ilm’aime?Pourquoiilm’abandonne?—Ilestparti…,jem’écriealorsqu’unviolentéclairdedouleurétreintmoncorpstoutentier.Ilestparti…Ilm’alaissée…Ilnereviendrapas…Toutestfini,mavieestfinie…Quelqu’unmeserrefort,maisjenesensplusrien.J’aimal…tellementmal…C’estimpossible,Jerrynem’auraitpasabandonnée,jemerépète.—Non,iln’auraitjamaisfaitunechosepareille,jedisdoucement.Jetentedemeressaisir.Jefermelesyeux,inspire,souffle.Jemerendscomptequejesuisblottie
danslesbrasdeThomasetquetoutlemondem’observe,mafamille,Safia,Paul,mêmeNatacha…
—Ilfaut…Jen’arrivepasàfinirmaphrase.J’ailesoufflecourt.—Ilfautleretrouver,jedisenmelevant.J’inspireprofondément,arrangemarobeetmetapotelevisage.—Jerryneseraitjamaisparticommeça.Illuiestarrivéquelquechose,c’estsûr…—Enfait,nouslecherchonsdepuisunmomentdéjà,lâcheMatt,malàl’aise.—C’étaitdoncçaquevousmecachieztous!jem’écrie.Depuisquand?jedemande,deplusen
plusanxieuse.—Laissez-nous,ditmonpèreavecautorité.Toutlemondeleregarde.Ilshésitentuninstant,puisfinissentparsortir.Moncœurbatàtoutrompre.Pourquoiai-jelafâcheuseimpressionquejenevaispasaimercequel’onvamedire?—Papa…,jelesupplie.Dequoi?Jen’ensaisrien.Peut-êtredemedirequetoutvas’arranger,queJerryvarevenir très
vite,quetoutçan’estqu’uncauchemar…—Assieds-toi,mapuce,medit-ilenm’indiquantunechaise.Jesecouelatêteenmerépétant:IlfautqueJerryrevienne.—Lola,tudevrais…—Parle!jecrie,àboutdesouffle.Moncœurmenacedesortirdemapoitrine.—LorsquejesuisrentréavectamèredeNewYork,j’aifaitdesrecherchessurJ.Audépart,jen’ai
rien trouvéde compromettant.Debons états de services, rien de particulier,mais en creusant un peu,certaineschosesme…
Ilsoupire,attrapemamain.— Il a menti, Lola. Il ne s’appelle pas JerryWalker, sa mère est décédée dans un accident de
voiture,mais…Ilsepasseunemainsurlevisage.Jen’aijamaisvumonpèrecommeça…Ilsembleavoirmal.Un
constatmefrappeimmédiatement,ilsouffrepourmoi.—Cen’étaitpasàmoide…—Papa?Mavoixn’estqu’unmiaulement.—J.aeuuneenfancecompliquée,mais jevoulaisqu’ilsoithonnêteavec toi, jevoulaisqu’il te
disetoutça…Jeretirebrusquementmesmains.—Tul’asmenacé?—Lola,tuallaisépouserunhommesansconnaîtrenisonnomnisonpassé.J’étouffeuncriavecmamain.—MonDieu,qu’est-cequetuasfait?—J’aidéfendumafille!s’emporte-t-il.—Non,tuluiasfaitpeur.Jesavaisqu’ilavaiteuuneenfancecompliquée,commetudis,maisje
saisaussiunechose,c’estqu’ilm’aime!—Alorspourquoinet’a-t-ilriendit?Ilachoisi,ilestparti.—C’esttoiquil’asfaitpartir!jehurleenlepoussant.Ilfautquejeleretrouve.—Lola !mecriemonpèreenm’attrapant lebras,mais jemedégageet sorsprécipitammentde
cettefoutuepièce.
Jetrébuchepresqueensortant.Lesinvitésquisontentraindequitterlamairiemedévisagent,maisjem’enfous.JedoisretrouverJerry…
Jecours,manquedetomberendévalantlesmarches,regardeàdroite,àgauche.Jesuisàboutdesouffle.
Jenesaispasoùlechercher…Deslarmescoulentlelongdemesjoues.JedoisretrouverJerry…—Lola!Damienm’attrapeparlebras.—Jenesaispasoùlechercher,jedisensanglotant.—Tuveuxallervoiràlamaison?demande-t-il,ensachanttrèsbienqu’iln’yserapas.Jesecouelatête.—Tu…JeveuxdireThomas,toiettouslesagentsdanslesparages,vouspouvezleretrouver.—Jesuistellementdésolé,Lola…—Appelezuneambulance!entend-oncrierquelqu’underrièrenous.—Papa!
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Lola–Petite,grosseetcomplètementlarguée
Chapitre9
Samedi21décembre
Uneinfirmièrepassedanslecouloiretmedévisage.Ellem’observedespiedsàlatête,manquedeseprendrelemuretcontinuesonchemin.
Ça,c’estsûrquejenepassepasinaperçue…Entremarobedemariée,monvoile,macoiffurequipartdanstouslessens,lestracesdemascaraet
monteintblafard,jesuisautop.Jesoupireetmediriged’unpasdécidéverslestoilettes.J’observemonrefletdans laglaceet,pendantun instant, jenemereconnaispas.Jeposemonportablesur le lavabo,attrape du papier-toilette, le mouille et entreprends de me laver le visage. Je m’applique à éliminerchaquemarquedemascara,effaçant lesvestigesdemeslarmes.Ellesmarbrentmonvisagecommelesblessuresd’uneguerreperdued’avance.
Oùes-tu,Jerry?J’aitentédelejoindre,encoreetencore.J’ailaissétellementdemessagesquesaboîtevocalen’en
accepteplus.Thomasaenvoyédeshommesàluichezmesparents.Onnesaitjamais…Mais rien !Onn’a rien retrouvé.Mêmesesaffairesontdisparu.Paula téléphonéàWill, restéà
NewYork,etluiademandéd’allersurveillerl’appartement.J’aicommeunétrangepressentiment…Lesentimentqueplusrienneseracommeavant…Unenouvellelarmecoulelelongdemajoue.Jel’essuievivementetinspire.Ilnem’apaslaissélamoindrechance,medis-je,lagorgeserrée.Mon père a eu tort de le mettre au pied du mur, mais Jerry ne m’a pas donné la chance de le
comprendre,deluipardonner…Etluines’estpasdonnélachanced’avoirunefamille.Mequitter est une chose,mais le bébé…Est-ceque lebébé a rendu sadécisionplusdifficile à
prendre?Jenesaispas.Detouteévidence,j’aiprissonangoisseàl’idéededevenirpèreàlalégère.Biensûr,jeveuxqu’ilrevienne,maisjenesuispascertainedepouvoirluipardonnercettenouvelle
trahison.Jemescrutedanslemiroir.Mesyeuxsontcreusés,sansvie,monteintestblafardetmacoiffureme
donneunairdefolleaubordduprécipice.J’ôtefinalementmonvoile,puisretireuneàunelesépinglesmaintenant mon chignon.Mes boucles retombent lourdement sur mes épaules. Je crois qu’après cetteépreuve,jeneseraiplusjamaisvraimentmoi-même.Jejetteuncoupd’œilàmonportablequin’affichetoujoursrienetrêvedeleprojetercontrelaglace,detoutfairevolerenéclat,qu’ilsebrise,toutcommejesuisbrisée.
Mais je ne le ferai pas, car je veux que Jerry puisseme joindre. Je garde l’espoir que tout vas’arranger,quetoutrestepossible.
Jeposeunemaintremblantesurmonventreetlaissecoulermeslarmesenpensantàtoutcequej’aiperduaujourd’hui.
Jerry…Unefamille…Etsijeperdaismonpèreaussi…J’ailatêtequitourne.Jemelaisseglisserausol,ramènelesgenouxcontremapoitrine,lesceinsde
mesbrasetpleure,lenezenfouidansletissusoyeuxdemarobedemariée.J’aimeraisêtreplusforte,maisjen’yarrivepas,jenesuisquemoi…queLola…Unefemmeentredanslestoilettesetm’observe,lesyeuxronds.Jemerelèveimmédiatementetne
luirépondspaslorsqu’ellemedemandesijevaisbien.Sij’allaisbien,jeneseraispasentraindepleurerdanslesW-Cd’unhôpital!Jerécupèremonportableetsorsenbredouillantquelquechosequejenecomprendspasmoi-même.La porte se referme. J’inspire un grand coup, essuie une fois de plus les larmes qui strientmon
visage et pars rejoindre ma famille dans la salle d’attente. Ils sont tous assis en silence. Quand ilsm’aperçoivent,ilsmeregardentavectristesse.
Est-cequec’estparceque j’aiprobablement tuémonpère,oubienparcequemon fiancém’aabandonnéedevantl’autel?Oualors,c’estpourlesdeux?
Je lisse le devant de ma robe blanche avant de porter mon attention sur Thomas, qui tient sarouquine dans ses bras. Je devrais être heureuse pour mon frère, mais je ne peux pas. Les voir seréconforter, si amoureux, ne fait queme rappelerma solitude et à quel point Jerrymemanque en cetinstant.
Dansunbonnombredemessages,jeluidisquemonpèreestàl’hôpitaletquej’aibesoindelui.Maisçaaétésansgrandeffet,semble-t-il,puisqu’ilnem’apasrappelée.
Dansd’autres,jeluiparledubébé,denous,maisçanonplus,çan’apasfonctionné.Est-cequ’ilécoutemesmessages,aumoins?Jem’avanceversThomas.IllèvelesyeuxetlâcheSamantha,quirougitenfixantsespieds.–Tuasdesnouvelles?jeluidemandepourlamillièmefois.–Non,Lola.Sij’enavais,jetel’auraisdit,merépond-ildoucement.Jesais,maisd’unecertainefaçon,çamerassuredeluidemander.Ilouvrelabouchepuislareferme.Jesaiscequ’ilpense,ainsiquetouslesautres.OnneretrouveraJerryques’ilaenviequecesoit lecas.Etpourquoichercherà toutprixun
hommequineveutplusdemoi?Maisjemefousdecequ’ilspensent,enfait!Ilsnesaventpasàquelpointilm’aime,etàquelpoint
çaluifaitpeur.Enfin,jecrois…–Tudevraispeut-être rappeler teshommes,oumêmeyaller.Tues lemeilleurdanscegenrede
chose…Jeveuxdire…pourretrouverlesgens.–Lola,jeteprometsdefairetoutmonpossible,maisc’esticiquejedoisêtre,maintenant.Papaest
entraindesefaireopérer,etjeneferairiendeplusquelesagentsquej’aimissurcetteenquête…enfin,pourretrouverJerry.
Thomasapeut-êtredelapeinepourmoi,maisilneprendpasçaausérieux.Sinon,ilneresteraitpaslà,àcâlinersarouquine.
–C’estjusteque…,jetenteànouveau.–Jesais,Lola,m’interrompt-ilenposantlamainsurmonépaule.Jelerepousseviolemment.–Non,tunesaispas,Thomas!jesors,plusfortquejenelevoudrais.J’inspireprofondément.Toutlemondemeregarde…
– Non, tu ne sais pas ce que je peux ressentir, là maintenant, je reprends plus doucement encommençantàpleurer.Aujourd’hui,jedevaismemarier,etaulieudeça,j’attendsdesavoirsimonpèrevamouriroupas,simonfiancévareveniroupas,si…
Jen’arrivepasàfinirmaphrase,lessanglotsm’enempêchent.Safiaselèveetmeprenddanssesbras,maisjelarepoussefermement.J’aibesoind’êtreseule.Je
neveuxplusqu’onmeregardeavecdelapeineoudelapitié.Jeparsencourant,aperçoisauboutducouloiruneportequiouvresuruncagibiaménagéenplacardpourentreposerlematérielmédicaletm’yengouffre.Jerefermederrièremoi,melaissetomberparterre,entrelescompressesetlesmédicaments,etéclateensanglotsenpensantàcequidevaitêtreleplusbeaujourdemavie.
Lepremierjourdurestedenotrevie…JecomposeànouveaulenumérodeJerry.Çasonne,messagerie.– Jerry, c’est… c’est encoremoi. Je… je ne peux pas vivre sans toi, reviens… Je t’en supplie,
reviens…Je…jesuisàl’hôpital…Jet’aime.Etjeraccroche,lesmainstremblantes,lesyeuxbaignésdelarmes.Sij’aipulaisserunmessage,c’estqu’ilaécoutélesprécédents!Marespirations’accélèreàcette
pensée.Est-cebonoumauvaissigne?…Jem’assiedsparterre,serrelesgenouxcontremapoitrineetimagineJerryvenirmechercher.Ilme
prendraitdanssesbras,plongeraitsonvisagedansmescheveuxettoutiraitbien…Soudain, la porte s’ouvre, mais ce n’est pas lui, c’est Damien. Il m’aperçoit, n’allume pas la
lumière,entredans lecagibiets’assiedàcôtédemoi,ensilence. Ilnedit rien,nemeregardepas, ilrestesimplementlà,àm’écouterpleurer.Jefinisparposermatêtesursonépaule.Ilpasseunbrasautourdemoi,maisnedittoujoursrien.
J’ouvrelesyeuxetmerendscomptequejemesuisendormiedanslesbrasdeDamien.Est-cequej’aidormilongtemps?Est-cequeJerryvarevenir?…J’inspireungrandcoupettentedemeressaisir.Damienn’apasbougéd’unpouce.J’aidûm’assoupirquelquesminutes,sansplus…Soudain,unéclairdedouleurmeparcourtledos.Jememordslalèvreenessayantdesoulevermes
jambes.Moncorpstoutentiern’estquesouffrance.Etjenefaispasréférenceàlaplaiebéantedansmapoitrine, mais à mes articulations et mes muscles complètement ankylosés…Damien attrape quelquechosedanssapocheetmeletend.Ilmefautunepoignéedesecondesàcausedelapénombrepourmerendre compte qu’il s’agit d’un paquet deKleenex. Jeme redresse et le saisis.Malgré lemanque delumière,jedistingueunegrossetachesombresursonépaule.
–Jet’aibavédessus,jechuchoteensortantunmouchoir.–Jesais,dit-ilsimplement.Jepréféreraisqu’ilmesorteunedesesblaguesvaseusesdontilalesecret.Maisjesaisqu’ilnele
ferapas.Ilregardetoujoursdevantlui,lamâchoirecrispée.–J’aidormilongtemps?jedemandeavantdememoucherbruyamment.–Jenesaispastrop.–Tupensesquepapava…Jen’arrivepasàfinirmaphrase.Déjàparcequel’idéeseuleestinsoutenable,etenplus,parceque
celapourraitrendrelachosepossible.Pourlemoment,jepréfèreimaginermonpèreimmortel…–Toutlemondemeurtunjour,Lola,dit-ildoucement.–S’ilmeurt,çaserademafaute,jelâcheensanglotantànouveau.
Damienmereprenddanssesbrasetsouffle:–Crois-moi,Quenelle, car j’ai beaucoupd’expérience dans ce genre de chose,même si pour le
momenttunelevoispas,tun’yespourrien.–C’estmoiqui…–Ilestmalade,Lola,mecoupe-t-ildurement.Alors,non,tun’yespourrien.Jehochelatête.Jesaisqu’ilaraison,maisjenepeuxpasm’empêcherdemereprocherdem’être
emportéecontremonpère,etjen’arrivepasnonplusàluipardonnercequ’ilafaitàJerry.–TusavaisqueJerryn’étaitpaslevrainomdeJerry?Ilsetend.Jeconnaislaréponseavantqu’iln’ouvrelabouche.–Oui.J’attendsqu’ilmedisesonvraiprénom,maisriennevient.–Etc’estquoi,alors?jedemande,agacée.Jelevoisesquisserunsouriremalgrél’obscurité.–Iltelediraquandilreviendra,mesort-il.S’ilrevient!jepenseinstantanément.Salettresemblaitassezdéfinitive,quandmême.Pasunmot,pasunephrase,pasuneexpressionquimepermettraitd’espérer,rien.Ilajusteécritque
c’étaitfini.Ilnem’alaisséaucunepossibilitéderetourenarrière…–Ilreviendra,Lola,ditDamien,sûrdelui,mecoupantdansmessombrespensées.Commej’aimeraisavoirsabelleassurance…,medis-jeenentendantuntéléphonevibrer.Damienattrapesonportable,quiestposéàcôtédelui,etlitlemessage.–Tuesprêteàsortirduplacard?medemande-t-il.Jesaisquesijedis«non»,ilresteraavecmoisansriendire.Maisilfautsortir.Jenepeuxpas
resteréternellementcachée,à tenterd’oublier la réalité.Pourtant,encet instant, jedonnerais toutpourpouvoiroublier,oumêmepourfairetairecettedouleurquiétreintmoncœur.
Jefinisparhochertimidementlatête.–Super,parcequej’avaisvraimentmalauxfesses!lance-t-ilenselevant.Ilm’aideàmeleveràmontour,puismeditavecunsourirerassurant:–Papavabien,ilvientdeseréveiller.Tuveuxallerlevoir?Jememordslalèvre,hésitante,etfinisparsoufflerunfaible«oui».J’aipeurquemonpèrem’en
veuille.Aprèstout,s’ilestlàcesoir,c’estvraimentdemafaute.Jemesuisemportéecontreluialorsquejesavaisquesoncœurétaitfragile.J’étaistellementaveugléeparladouleurqueplusriennecomptaitendehorsdeça.
Ets’ilnemepardonnaitpas?Je sursaute quandDamien pose samain dansmon dos pourm’inviter à sortir. Je le suis le long
d’innombrables couloirs, les yeux rivés au sol, avec l’impression d’avoir le poids dumonde sur lesépaules. Je me demande comment va réagir mon père. Ou comment je vais réagir, moi. Parce que,inlassablement,jemerépèteques’iln’avaitpasmenacéJerry,riendetoutcelaneseraitarrivé,etqu’àl’heurequ’ilest,jeseraismariéeàl’hommequej’aime.
Plusrienneseracommeavant,jelesais…Nousnousarrêtonsdevantuneporte.Damienmesaisitlamain,laserre,puislarelâche.Jeluijette
underniercoupd’œil,puisantunpeudanssaforce.J’inspire,ouvre…Pourvuqu’ilnemedétestepas.Moncœur tambourine violemment dansmapoitrine. Ilme faut quelques secondes pour lever les
yeux.Maislorsquemonregardcroiseceluidemonpère,jecoursverslui,lesyeuxemplisdelarmes.Jemeblottiscontreluiet,encetinstant,lepoidsdesregretsetdesremordsmequittent,nelaissantplusque
ladouleur.Jesuppliemonpèredelafairepartir.Ilmeserrefortenmechuchotantdesmotsapaisantsetenmecaressantlescheveuxcommequandj’étaispetite.Maisellenepartpas.Ellenepartirajamais…
***
Àtravers lehublot, je regarde lameràpertedevueet inspireprofondément.Si jepensaisavoirsouffert,cen’estriencomparéàcequejeressensencetinstant.
–Vousavezprislabonnedécision,meditunevoixféminineàcôtédemoi.Jetournelatêteetdévisagelajeunefemmequim’aparlé.Brune,lesyeuxd’unbeaubleu,ungrand
sourire.Elleestbelle,c’estindéniable.–Jem’appelleÉlia,seprésente-t-elleenmordantdanssalèvrerosecerise.Jenerépondspasettourneànouveaulatêteendirectiondelamer.Commentvais-jepouvoirvivreaprèsavoirfaitça…Lola…
***
–Lola…J’ouvrelesyeuxetdistinguemamèreàcôtédemoi.Jemerendscomptequejemesuisendormie
danslesbrasdemonpère.Jem’écartedeluienprenantsoindenepasleréveilleretdescendsdulit.– Tu devrais rentrer, maintenant, chuchote ma mère en me faisant un sourire qu’elle espère
réconfortant.–VousavezdesnouvellesdeJerry?jedemande,pleined’espoir.Mamèresecouelatêteetjevoislapeineassombrirsonvisage.Jejetteuncoupd’œilàmonpère.–Jevaisresterlàcettenuit,medit-elledoucement.–OK,jeluirépondsensortantdelachambre.Lorsqu’ellem’aperçoit,Safiaselèveimmédiatement.ElledonneunpetitcoupdepiedàPaulpour
leréveiller,maissansgrandsuccès.Ilseretourneetsemetàronflerplusfort.JememordslalèvrepournepasriremaisçadevientimpossiblequandSafiafaitunnouvelessaietqu’ilsemetàgrogner.
–Onn’aqu’àlelaisserlà,jesors,amusée.–Ahnon!vouslerécupérez!s’écrieuneinfirmièreenpassant.Onseregarde,Safiaetmoi,avantdesemettreàrireencoreplusfort,cequi,pourfinir,leréveille.
Ilnousobservesanscomprendrecequisepasse.–Pourquoivousriezcommeça?finit-ilparnousdemanderensefrottantlevisage.–OnplaintcepauvreWillquidoitsupportertesronflements,luisortSafiaenattrapantsesaffaires.–Je…jeneronflepas!Jerespirefort,sedéfend-iltantbienquemal.–Non,tufaisunbruitgenre«sanglierentraindemourirdansd’atrocessouffrances»,sortMatten
nousrejoignant,desbarreschocolatéespleinlesmains.En réponse, Paul croise les bras et regarde ailleurs pour bien nous montrer qu’il est vexé. Je
grimaceenapercevantDamienetNatachaauboutducouloir.Jel’avaisoubliée,celle-là!–Parfait,nousyallonsenfin!s’exclame-t-elle.D’unbloc,nousnoustournonstousverselle.Qu’elleestexaspérante!medis-jeenmeretenantdenepasluiexprimermafaçondepenser.– Je n’en pouvais plus de cette odeur et de tous ces gens, continue-t-elle de se plaindre. Il
sembleraitqu’ilsneconnaissentpaslachosequel’onappelle«savon».Oh,mapauvreLola!vousêtesdansunétatlamentable…
Jejetteuncoupd’œilàDamien,quisembleprendreénormémentsurlui.Àcetinstant,jenesuispascertained’avoirlaforcedelasupporter.
–Natacha,jepensequ’ilestl’heurepourvousderentrer,jeluidisdoucementenmedirigeantverslasortie.
– Je croyais que nous partions tous ensemble ? demande-t-elle en attrapant son tube de rouge àlèvresdanssonsacàmain.
–Jevoulaisdire,àNewYork.–Oh,jeneveuxpaslaissermonpetitDamientoutseul…,enchaîne-t-elleensetartinantleslèvres
desonrougecriard.–VotreplaceestàNewYork,j’affirmeencherchantenmoiunelueurdepatience.–CequeveutdireLola,monpetit chat, c’estquenous souhaitons rester en famille, lui explique
Damienavecunlégersourire.Sérieusement?Monpetitchat?C’est…beurkissime!Ellenousregardechacunnotretour,puisrangesonrougeàlèvresdanssonsacàmain.Pourquoiai-
jecommel’impressionqueçanevapasêtresimpledesedébarrasserd’elle?–Jevoisbienquevousessayezdememénager,maisregardecettepauvreLola,dit-elleàmonfrère,
elleressembleàuneserpillièremalessorée.Ilestévidentqu’elleabesoin…jediraisbiend’unmiracle,maisjecroisquemesservicesferontl’affaire.
Tandisquejeladévisage,mamâchoiresecontracte,mespoingsseferment.–Euh,jecroisvraimentqu’ondevraityaller,sortprécipitammentDamienenattrapantNatachapar
lecoude.–Mapauvrepetite,vousauriezdûvousdouterquecen’étaitpasunhommepourvous.Ilvousfaut
tournerlapageetchercherquelqu’undavantage…dansvoscapacités.Troptard:moncerveaus’estéteint,etmonpoingestpartitoutseul,frappantviolemmentmagarce
debossenpleinvisage.J’ail’impressionterriblequejen’auraispasdûfaireça!Hagarde,j’observelascène.Natachagîtausol,lenezensang.Damiententedel’aideràserelever,
maiselleseprendlespiedsdanssarobeetglissesurlesol.Toutlemonderestepétrifiéparcequivientdesepasser.Cependant, l’espaced’uneseconde, jecroisdistinguerun léger sourire sur les lèvresdePaul.
–Je…je…jesuis…Pasdésoléedutout!Jel’achèveraisbienavecuncoupdepied!–Vousêtesvirée!crie-t-elleenroulantsurlecôtépouressayerdeserelever.–Natacha,jevousassure,jesuis…Je n’ai pas le temps de terminer ma phrase que Damien lâche brusquement sa main et qu’elle
retombelourdementausol.–Maisqu’est-cequiteprend?luihurle-t-elleensetortillant.Jeresteimmobile.Jesaisquejedoisarrangerlasituation,maisaucuneidéenemevient,àpartune
énormeenviedel’achever.Jetenteunpasenavant,maisjem’arrêtequandDamienluisort:–Tul’asvirée,etmoi,j’aiassezdonné.–Hein?crieNatachasurleventre.Il s’approche et lui chuchote un truc à l’oreille, l’airmoqueur.En réponse,Natacha essaie de le
frapperavecsonsacàmain,maisDamienvoitlecoupvenirets’écarteàtemps.–Onyva?nousdemande-t-il.–Euh…ben,oui,jesors,sansplustropsavoiroùj’ensuis.Jecroisque,detoutemanière,onaatteintlepointdenon-retour.
Finalement, c’était pas si jouissif que ça de la frapper, me dis-je, un brin déçue. Dans monimagination,c’étaitbienplussympa.
JevoisPauldétalerverslasortieetcomprendsvitepourquoiquandNatachal’appelle,menaçantdelevireraussis’ilnevientpastoutdesuitel’aider.
–Jesuisdésolépourtontravail,meditDamienenposantsavestesurmesépaulesavantdesortirdel’hôpital.
–Çadevaitbienfinirpararriver,jerépondsensoupirant,carc’esttoutcequimevientàl’esprit.–Entoutcas,tuasunesacréedroite!conclut-ilenouvrantlavoiture.J’aurais dû lui donner un coup de pied, en fait. C’est pour ça que j’ai comme un goût
d’inachevé…–Jesais,jeluisorsenattachantmaceinture.Jejetteunderniercoupd’œilàmontéléphone,toujoursrien…Jerry,reviens…
Chapitre10
Mercredi25décembre
J’ouvre les yeux, m’étire comme un chat après une longue sieste et souris quand mon regardrencontreceluideJerry.
Moncœurseserre,submergéd’amour.Jenepensaispasquec’étaitpossibled’aimerautantquelqu’un…–Biendormi?medemande-t-ilàvoixbasseencaressantdoucementmescheveux.Monsourires’élargitencoretandisquesesdoigtsjouentavecmachevelure.Iln’yabienqueluipouraimermescheveux!Unfrissonmeparcourttoutàcoup.J’aifroid.Jemesenstriste,maisj’enignorelaraison.Ils’estpasséquelquechosedeterrible,maisjenemerappelleplusquoi…–J’airêvéquetum’avaisquittée,jeluisouffle,ensentantmagorgesenoueràcesouvenir.Jecroiselesbrassurmapoitrine.J’aideplusenplusfroid.Jerrycontinuedemecaresserlescheveuxsansunmot,leregardperdudanslevague.–Çafaisaittellementmal,jechuchoteenfermantlesyeuxuninstant.Quand je les rouvre, je suis dans ses bras. Le froid s’estompe petit à petit. Je me sens mieux,
apaisée,commeaprèsunaffreuxcauchemar.–Jet’aimeàenmourir,j’avoueenluimordantlalèvrequandsaboucheseposeenfinsurmoi.Jefermelesyeuxetm’abandonneàsesdélicieusescaresses.Sesmainsparcourentmoncorps,un
soupirm’échappequand ilme retiremaculotte. Ildéposeun légerbaiser sur l’intérieurdemacuisseavantdelamordredoucement.
–Jerry,nemequittepas,jegeinsalorsquesesmainspétrissentmesfesses.–Ilesttroptard,chuchote-t-il.–Ilesttroptardpourquoi?jedemande,soudainmalàl’aise.Pasderéponse.Jenesensplussesmainsniseslèvres.J’ouvrelesyeux.Iln’estpluslà.Ilestparti…Laréalitém’étreintviolemment.Cen’étaitqu’unrêve.Quelquechosemechatouille levisage. Je
portelamainàmajoueetmerendscomptequejepleure.J’inspireprofondément,jetteuncoupd’œilauréveil,5h45.Lejourn’estpasencorelevé,laluneéclaireleplafonddemachambred’enfant,etjemeposelamêmequestionenboucle:Oùes-tu,Jerry?
Unelarmecoulelelongdemonvisageets’écrasesurmataied’oreiller.Aujourd’hui,c’estNoël.
ÇadevaitêtrenotrepremierNoëlenfamille…J’aiessayéde le joindre, je luiaienvoyédesmessages,desmails,Thomasacrééuneéquipede
recherche,Damienfouilleauseindel’Agencepourvoirs’iln’auraitpasintégréunenouvelleéquipeouaumoinsdonnésignedevie…Rien,toujoursrien.
C’estcommes’ils’étaitvolatilisé.Iladisparu,toutsimplement,commes’iln’avaitjamaisexisté.Commesinousn’avionsjamaisexisté…Jecaressemonventrelégèrementarrondietmedisque,sijen’avaispaslepetitêtrequigranditen
moi,jen’auraisplusriendelui.Rien,plusrien…,jemerépèteensanglotantensilence.–C’estàcetteheure-ciqueturentres?JereconnaislavoixdeSafiadanslecouloir.Visiblement,ellefaitdeseffortspournepascrier.Jemetourneetregardeendirectiondelaporte.–Jefaiscequejeveux,grogneMatt.–Non,tunefaispascequetuveux!Cen’estpaslapremièrefoisquejesurprendsMattetSafiaentraindesedisputer.C’estmêmede
plusenplusfréquent.J’aiessayéd’enparleravecSafia,maisellem’assurequetoutvabien.–Lolameposedesquestions,s’écrieSafia.Doncilyabiendessoucis.–Et?–Etonétaitd’accord.–Iltemanque?demandeMattavecunevoixéraillée.–Tuessaoul,Matt.D’ailleurs,oùétais-tupassé?– J’étais avecDamien et Thomas.On est allés réveillonner avec la famille de Samantha. Tu es
jalouse?–DeSamantha?sort-elleenriant.–Oui,deSamantha.Elleestjolie!–Etsurtouttrèsavectonfrère.–Tun’aspasrépondu.–JenesuispasjalousedeSamantha.–Jenevoulaispasparlerdeça.Est-cequ’iltemanque?–Çaneteregardepas.–Ettoi,tuluimanques?Silence.Maisdequiparle-t-il?–Tuferaismieuxd’allertecoucher.–Iln’apaspeur?–Dequoiaurait-ilpeur?Mattrit.–Jenesaispas.Tupourraissuccomberdenouveauàmescharmes…,souffle-t-il.Jenedevraispasécouterça.–Arrête,luiditsèchementSafia.Enfin,c’estplutôtdifficiledenepasécouter,vuqu’ilssontdanslecouloirjustedevantmaporte.–Tuaimaisçaavant…,reprendMatt.–«Avant».–Tumebrisesettunet’enrendsmêmepascompte.–Matt,jenevaispasm’excuserencore.–Essaieaumoinsdelefaireunefois.
Silenceànouveau.–Jet’aimecommeunfou,Safia,ditMatttoutdoucement.Çanecomptepas?–Jesuisdésolée,cracheSafiacommesiçaluicoûtait.–Quejet’aimeoudem’avoirtrompéàlapremièreoccasion?Bordel!SafiaatrompéMatt?–Lesdeux,lâche-t-elle.–Est-cequetum’asaiméaumoins?luidemande-t-il,lavoixvibrantd’émotion.Bonsang,jesouffrepourMatt.Jen’auraispasdûêtretémoindeça…– Je l’ai cru, pendant un temps, puis j’ai compris que ce n’était pas toi que j’aimais mais la
perspectivedefairepartiedecettefamille.Non,jen’auraisvraiment,maisalorsvraimentpasdûassisteràça!Unbruitdeportequigrinceetseferme.Moncœurbatàtoutrompre.SafiaetMattnesontplusensemble?!Unsonétouffémeparvientdanscetétrangesilence.Quelqu’unpleure,etj’ailepressentimentque
cen’estpasSafia.Jemelèveetmedirigeverslaportesurlapointedespieds.Jefermelesyeux,inspireetouvre.Il
me faut quelques secondes pour l’apercevoir. Matt est assis par terre, la tête entre les genoux. Jem’approchedoucementetposelamainsursonépaule.
–Lola?Jesuisdé…–Nerestepaslà,jel’interrompsenl’attrapantparlecoude.Bordel,ilpuel’alcool!Ils’estaspergédevinouquoi?Ilselèveetmesuitdansmachambre.Puisilselaissetombersurmonlit,s’enrouledansmacouette
etmetourneledos.Ben,voyons!Je lui enlève ses baskets, attrape une couverture dans l’armoire et me couche à côté de lui. Je
regardeleplafondetgrimacequandilsemetàronfler.Çavaêtredurdeserendormiravecça…–Bah,alors,onafaitunesoiréepyjamaetonnem’apasinvité?J’ouvrelesyeuxetsursauteenvoyantDamiendebout,lesbrascroisésdevantmonlit.Jejetteuncoupd’œilàMatt,rouléenboulesousmacouetteetquidortlaboucheouverte.–TusavaisqueMattetSafian’étaientplusensemble?j’interrogeDamienenmelevant.–Oui,merépond-ilens’emparantd’unmagazinedegrossessesurmacommodeetenlefeuilletant.–Pourquoijesuistoujoursladernièreaucourant?!jem’exclameenattrapantmonpeignoir.–Lesgenst’aimenttrop,neveulentpastefairedepeine,enfin,lestrucshabituels,dit-ilentournant
lemagazinedanstouslessens.–C’estl’excuselaplusbidonquej’aiejamaisentendue,jeluirétorqueenluiprenantlemagazine
desmains.–Etpourtant,c’esttellementvrai,lâche-t-ilenhaussantlesépaules.Je secoue la tête enmedisant qu’il a tristement raison.Mais je préféreraism’arracher la langue
plutôtquedeluiavouer.JemepenchepourréveillerMatt,maisDamienm’arrêteenmetendantunpapier.–Laisse-ledormirencoreunpeu,ajoute-t-il.J’attrapelafeuilleetlis.
Lola,Jesaisquetuastoutentendu…
Blabla…
Jesuisdésolée,jenevoulaispasgâchertongrandmoment,doncjenet’airienditavantlemariage.
Blablaencore…
Pardonne-moi,jesaisquetuasbesoindesoutienplusquejamaisencemoment,maismaplacen’estplusici.Pasaprèscequis’estpasséavecMattcettenuit…
Reblabla…
Appelle-moiquandtuveux…
Rereblabla…
Safia
–Maisqu’est-cequec’estquecettemaniedemelaisserdeslettres!jesorsenfroissantlepapieretenlejetantàlapoubelle.
–C’estparceque,quandon te faitde lapeine, tuasun regarddechiotbattu,meditDamienentripotantunpetitchatenpeluche.
–«Unregarddechiotbattu»?–Oui,tusais,tuinclineslatête,talèvretrembleettutemetsàpleurer…C’estpasfaciledetevoir
triste.Onal’impressiond’avoirvoléunesucetteàunbébé.–Tumecomparesàunchiotetàunbébé?!jesors,lessourcilsfroncés.–Calme-toi,Quenelle!Moi, je t’aipasfaitde lettrederupture, lance-t-ilen levant lesmainsen
l’air.Jesoupire,croiselesbrassurmapoitrineetregardeparlafenêtre.Toutlemondem’abandonne…,medis-je,mélancolique.–Bon,prépare-toi,onvaprendrelepetitdéjeuneràl’hôpitalavecpapa.Etjetelaisseannoncerle
départdeSafiaàMatt,dit-ilenquittantlachambreavecunegrimace.Ilseretourneetmesort,avantdes’enaller:–Écris-luiunelettre,c’estàlamode,semble-t-il.J’attrapelechatenpelucheetluijetteaumomentoùilfermelaporte.Loupé!Jesoupire,metourneversMatt,et,pendantuninstant,envisagedenerienluidire.Non,c’estpeut-êtredouloureux,maislesnon-ditslesontencoreplus…Sceptique, j’observequelquesminutesmon frère endormi.Envérité, je ne sais pas tropquoi lui
dire.Ets’ilsemetàpleurer?jepenseengrimaçant.J’avoue que le voir dans cet état m’a fait énormément de peine. Lui qui n’est pas du style à
s’épanchersursessentiments…Pourtant,quandilétaitpetit,c’étaitunevraieMadeleine!ThomasetDamienpassaientleurtempsà
l’embêteretilchouinaittoutletemps.Lepauvre,ilétaitpetitetmaigrichon,toujoursdanslaluneetçaacreuséunfosséaveceux.Nous
sommesdesincompris,Mattetmoi.Perdusparmicesbrutes…Enfin,bref,ilalecœurbrisé.Ilestpeut-êtremêmebrisémenutoutcourt!Nousrafistoleronsnos
petitscœursensemble,jeluioffriraiuneépaulecompatissanteetuneoreilleattentive.Maisjevaisallerprendremadouched’abord,parcontre.
J’ouvremapenderieetensorsunedemesnouvellesrobes.Ehoui,malgrémonmoralenberne,çan’empêchepasmonventredepoussertelunchampignonatomique.Doncj’aidûinvestir,etfinalement,jeneleregrettepas,jemesensbienplusàl’aise.Enplus,j’avouequejeveuxrestercoquette.JemedisquequandJerryreviendra–parcequ’ilvarevenir,jelesens–,jepréfèreêtreàmonavantage.Çaseraitnulqu’ilrevienneetreparteaussitôtparcequejeressembleàuneserpillièredifformeetmalessorée.
J’attrapeuncollantnoir,dessous-vêtements,etdirectionlasalledebains.Jelisseledevantdemarobeetmedisquelerenduestplutôtpasmal.Elleestbleumarine,lecol
légèrementfroncé,etjel’aiagrémentéed’unefineceinturerougequimetmonventreenvaleur.J’arrangemescheveuxetsaisisdesescarpinsrougesdansleplacard.
–Salut,lagrosse,sortMattenguisedebonjour.Jemeretourneetleregardeémerger.–Qu’est-cequejefaislà?demande-t-ilensegrattantlesfesses.Çaaussi,j’auraispréférénepasyassister!–Tut’esdisputéavecSafiaetjet’airetrouvéentraindepleurerdanslecouloir,j’énonceavantde
memordreleslèvres.–Ahoui,quandmême,lâche-t-ilsimplement.OK,etjerépondsquoi,là?–Jesuispathétique,putain!ajoute-t-ilensoupirant.–Moi,j’auraisdit«malheureux»,maisbon…Ilrepousselacouetteets’assiedauborddulit.–Bon,jevaisprendreunedouche,dit-ilenselevant.–Safiaestpartie,jesorsavecunesortedesourirecrispéqui,jel’espère,veutdire«désolée».–OK.Ilsedirigeverslasalledebains.–Tuveuxuncâlin?jedemande,pascertainedesavoirquoidire.–Non!s’écrie-t-ilcommesijeluiavaisproposédelamortaurat.Ilouvrelaporte,suspendsongesteetchuchote:–Onn’enparleplusjamais,OK?–D’accord,jedisenhaussantlesépaules.Satisfaitdemaréponse,ils’engouffredanslasalledebains.Bon,ben,ças’estmieuxpasséquecequejepensais.J’hésite,m’avance,puisfrappeàlaporte.–Quoi?demande-t-ilsansouvrir.–Tusais,situveuxenparlerouêtreconsolé…enfin,jesuislà…–Maisputain,c’estbon,Lola!Jesuispasunenana!crie-t-il,vexé,àtraverslaporte.–Non,maistuasledroit…–Fiche-moilapaix!Bon,ben,jecroisqueledébat«ruptures,larmes,chagrinsd’amour»estclos.J’aimaconsciencepourmoietilsaitqu’ilpeutvenirmeparlers’illesouhaite.–Jetelaisse,alors,jedisavecunegrimace.Pasderéponse.Jejetteuncoupd’œilautourdemoi.–Bon,jelâcheenhaussantlesépaules.Jemeregardeunedernièrefoisdanslemiroir.Enfait,jesuislégèrementdéçueparsaréaction.Je
diraismêmevexée…C’estpasquejevoulaisqu’ilsemetteàpleureretàsemoucherdansmescheveux,mais…jene
saispas,ilm’aunpeuenvoyéebouler,quandmême!Oualors,ilahontedepleurerdevantmoi.
Ouais,çadoitêtreça,parcequejepeuxêtretrèscompatissanteetsupergentille,quandjeveux!Toujoursàl’écoute,prêteàrendreservice…L’amieetlapetitesœuridéale.Pourdevrai,jesuis
géniale, donc ça ne vient pas de moi, mais de lui, qui est beaucoup trop coincé pour exprimer sessentiments.
Jesecouelatête,fièredemafineanalyse,etdescendsretrouverlerestedelafamille,puisqueMattn’estqu’unhandicapésentimentalincapabledeprofiterdemonsoutiensansfaille.
–Alors?demandeAlexdèsqu’ilm’aperçoit.–«Alors»quoi?–Matt,commentva-t-il?m’interroge-t-ilàvoixbasse,commes’ilavaitpeurqu’onnoussurprenne.–Ilestsousladouche,jeluidissurlemêmeton.–Maistuluiasdit,tusais,pourSafia?continue-t-ilàm’interrogerenchuchotant.–Oui.–Et?–Etpourquoionchuchote?–Parceque!répond-il,agacé.Jeledévisage,nesachantpastropquoidire.–Alors,ilvacomment?–Ilesttriste,maisjecroisqu’ilvas’enremettre,jefinisparrépondre.–OK,lâcheAlexenhochantlatête,visiblementsatisfait.–Tunedisrien?medemande-t-il,lessourcilsfroncés.Bordel,jenecomprendsrienàcetteconversation!–Surlefaitquej’aiposédesquestions,ajoute-t-il.–Ah,d’accord,jeréponds,hésitante.–Bien,finit-ilensouriant.–Raviequecetteétrangeconversationtesatisfasse!Ilmetapotel’épauleets’enva,melaissant,perplexe,aubasdel’escalier.Jefroncelessourcilsetdécidedemeservirunjusd’orange.Monestomaccriefamineetjenesais
pasquandnousallonspartirfêterNoëlavecmonpèreàl’hôpital.–Salut,Quenelle.–Bonjour,Thomas,tuestrès…élégant!Cenœudpapillonesttrès…enfin,c’esttrèsrouge!–Tuaimes?medemande-t-ilavecungrandsourire.C’estuncadeaudeSamantha,ajoute-t-il,au
casoùjen’auraispasreconnulesgoûtsdechiottesdemafuturebelle-sœur.–Lechienn’apaslemême?–Non,celuideMauriceestbleu.Bon sang,mais quel nomà chier ! J’y arrive pas. Je ne sais pas, il n’y a pas assez de nomsde
chiens ? Non, il faut qu’elle choisisse un truc aussi moche que le nœud papillon. Moi, au moins,Raspoutine,c’estlaclasse!Çaenjette,quandmême…
–Oui,lacouleurfaittouteladifférence.Regardez-moisonsourireidiottandisqu’ilremetlenœudenplace.– J’ai donc… J’ai appris pour… hier soir… Enfin, comment va Matt ? m’interroge-t-il tout
doucement.Pourquoiilchuchote,luiaussi?–Ilvas’enremettre,jesorssurlemêmetonenlefixantintensément.Ilhochelatêteetmetapotel’épaule.–Bien,trèsbien.–Est-cequetuashontedemedemandersiMattvabien?jedemande,intriguée.–Non!s’écrie-t-il,avantd’ajouter:maisjepréfèrequeçaresteentrenous.
J’ouvrelefrigo,ensorslejusd’orange,attrapeunverreetmesers.–Doncçat’ennuiequejedisequetuasdemandédesnouvellesdetonfrère?– Non, c’est juste que… Laisse tomber ! s’exclame-t-il en partant, visiblement choqué par ma
question.Leshommessontunmystère…–Çayest,tuasmouchélenezdeMatt?demandeDamienenentrantdanslacuisine.–Cen’estpastrèsgentildeparlerdeluicommeça,jelegrondeentredeuxgorgéesdejusdefruit.
Etsiçavousintéressetousautant,pourquoinepasluidemanderdirectementcommentilva?–Maistusorsd’où?medemande-t-il,outré.Çasefaitpas!–Tuaspeurqu’iltedemandeuncâlinetquevousvousfassiezdestressesaucoindufeu?Jepouffeenvoyantsonairhorrifié.Alorsc’estça!Maisquellebandedemachos!–Ilapleurédanslecouloir!finitparlâcherDamien,visiblementsouslechoc.–C’estparcequ’ilaunchagrind’amour!jedisensortantunyaourtdufrigo.–Jenepensaispasquec’étaitsigrave…Enfin,ilapleuré,quandmême!–Tuesconscientqu’ilnevapasenmourir?Etquecen’estpascontagieux?–Jedevraisl’emmenervoirdesstripteaseuses,continue-t-il,songeur.–Iln’apasbesoindevoirdesfillesàpoil,crois-moi.–Maissi!Detoutefaçon,laissetomber,t’yconnaisrien!lâche-t-ilenrepartant.Aumoins,ilnem’apastapotél’épaule,medis-jeenmangeantmonyaourt.Ehben,voilàlabellebrochettedeboulets!
***
–Alors,BeauGosse,encoredanslesnuages?medemandeÉliaenposantlamainsurmacuisse.Jemelèveinstantanément.J’aibesoindemettredeladistanceentreelleetmoi.Ellebientropjolieetentreprenante,etmoibientropbourréetcon!–J.,tuneveuxpasrevenirt’asseoir,dit-elleentapotantlaplacequejeviensdelibérer.C’estuneputaindemauvaiseidée…–C’estbien,mesusurre-t-elleàl’oreillelorsquejemesuisrassis.J’ailatêtequitourne…Lola,tumemanquestellement…
Chapitre11
Mi-janvier
Jem’enveloppeunpeuplusdanslacouverturepolaireetmeperdsdanslacontemplationdujardin.Les arbres sont nus et quelques rares feuilles volettent dans tous les sens. C’est calme et tellementapaisant.Amusée,jesourisenregardantRaspoutinetenterd’enchoperunesansgrandsuccès.C’estsûrquec’estplusrapidequ’unsurimi!
Ilsetrémoussequelquessecondes,lesyeuxrivéssurlafeuille,avantdebondir.Enfin,jecrois…Sespattessemblentencorepluscourtesqued’habitude,alorsjenesuispascertainedutout…Ilagrossiànouveau,ondirait…Sonventretraînepresqueparterre.Enmême temps, ilpasseson tempsà réclamer,etmes frèresne lui refusent rien.Unmorceaude
pouletparci,unrestedelasagnesparlà,unléchouillagedeyaourtmaisonaubonlaitentierpourfaireglissertoutça…Onestloindurégimeimposéparlevéto!
–Tudevraisrentrer,tuvasattraperfroid,meditMattensortantsurleperronavecunetassedethé.–Heureusementquej’aimongentilgrandfrèrepourm’amenerunthébienchaud! je luirétorque
avecunlégersourireencoin.–Sérieux?chouine-t-il,leregardnaviguantentrelefauteuiletsatasse.–Tunevoudraispasquej’attrapefroid?Jesuisenceinte,Matt!Ilsoupire,metendsatasseavecunegrimaceets’assiedbrusquementàcôtédemoi.–J’ailedroitàunboutdecouverture,quandmême?medemande-t-ilentirantsuruncoin.–Arrête,tuvasrenversermonthé!jem’écriealorsqu’iltireencoreplusfort.–T’escarrémententortilléededans!grimace-t-ilencherchantunmoyenpourarriveràsesfins.Jeposelatassesurl’accoudoiretluitapesurlesdoigtsalorsqu’ils’apprêteàtirerencore.–Maistuvasmelaisserl’installer,oui?Tuvasenavoir,delacouverture,pasbesoindefairela
brute!Agacé,ilsoupireetlèvelesmains.Jedéplieleplaidpourleposersurnousdeux.–C’estpastroptôt,lâche-t-iltandisquejemeréinstalle.Enréponse,jeluifaismonregarddetueuseetsourisenbuvantunegorgéedethé.–C’estdé-li-cieux!jesouffleenadoptantunemoueinnocente.Ilmarmonneuntruc,maispeuimporte,carc’estmoiquiailethédelavictoire.–Tuasmaigri,non?jel’interrogeenledévisageant.–Ettoi,tuasgrossi,maispersonnenetejuge.–C’esttonrégimequitemetdemauvaispoiloutuastesrègles?jeluidemandeenpouffant.
–Jenesuispasaurégime!–Donctuastesrègles?–Bon,çava,j’aipleuréunefoisdanslecouloir,maisvousallezvousenremettre!s’écrie-t-il.–Lesgarçonst’ontencoretraînévoirdesfillesàpoil?–C’estagaçant!J’enaimarredefairedupaintballetd’allervoirdesfillessetrémoussercontre
unebarre,continue-t-il,visiblementénervé.–Mmh,jelâchesimplement.–JesaisqueDamiense faitdusoucipourmoi,et…c’estplutôtcooldevoirdes fillesàmoitié
nues,surtoutcellesavecdesgrosseins…Pourquoiilmeraconteça?J’airiendemandé,moi!–…maisbon,là,jeveuxpasseràautrechose,achève-t-il.J’hésiteàenchaînersurlesujet,parcequelesfillesauxgrosseins,çam’emballepastrop.–Tun’aspasmangédelasagneshiersoir.Encoreuntrucquemonchatobèses’estbienenfilé,enrevanche…–Je…j’évitetoutcequiestitalien,dit-il,l’airgêné.–Pourquoi?–Tusais,àcausede…Enfin,tuvois…Jefroncelessourcils,réfléchis,puisréfléchisencore,jusqu’àcequ’uneidéesaugrenuemepasse
parlatête.–TuesentraindemedirequetunemangesplusitalienparcequeSafiat’aquittépourunItalien?–Jesais,ditcommeça,çafaitidiot.Maisçanel’estpas!–Franchement,jenesuispaspersuadée,Matt,jeluidisdoucement.En plus, les Italiens font plein de trucs super bons à manger. C’est un vrai crime contre
l’humanitédelabouffe!–Moinonplus,finit-ilparavouer.Aumoins il se rendcomptede l’idiotiede lachose,c’estdéjàpasmal,medis-jeenbuvantune
autregorgéedethé.–J’airéservémonbilletd’avionderetour,m’annonce-t-ilenregardantRaspoutinequi,surledos,
n’arrivepasàserelever.Ilfautvraimentquejeleremetteaurégime.Jevaislelaissersetortillerunpeu,histoirequ’ilse
dépenseavantledîner…–TurentresdéjààLosAngeles?jedemandeententantdeprendreunairdétaché.Envérité,j’aimeavoirmafamilleautourdemoi.Malgrétouteslesrecherchesdemesfrères,jen’ai
aucunenouvelledeJerry,etjenesaispasquoifaire.Monpèreestrentrédel’hôpitalet,concrètement,jen’aiplusderaisonderesterici.MaisjenemesenspasprêteàrentreràNewYork.
Jecroisque,mêmesij’yaiPauletWill,jecrainsdemeretrouverseule.Sanscompterquejemeposedeplusenpluscettequestion:est-cequeJerryarécupérésesaffaires?Etj’avouequejenesuispascertainedesupporterlaréponse.
Ets’illuiétaitarrivéquelquechose?Moncœurseserre.Jesenslapaniquemesubmerger…–Viensavecmoi,lanceMatt,leregardtoujoursrivésurmonchatobèse.–Quoi?–TunevaspasretournervivreàNewYork,Lola,pastouteseule,dit-ilensetournantversmoi.
J’aiunegrandemaisonàLosAngeles,unepiscine,ilyadusoleil.Tuaurastoutcequ’iltefaut,medit-ilavecunsourirerassurant.
–C’esttrèsgentil,Matt,maisjenesaispas.IlfautquejeretourneàNewYork.–Pourquoifaire?
Jesecouelatête,cherchantuneréponse.–MavieestàNewYork.–Lola,tun’asplusdetravail,tuvischezSafiaettuesenceinte,medit-ildoucement.–Jesais.Enfin,jepaieunloyeràSafiaet…et…Jerryvarevenir,j’ajoutepourmoi-même.–Si tu viens chezmoi, tu n’auraspasde loyer à payer, et avec le bébéqui va arriver, ce genre
d’économieneserapasduluxe.Enplus,tutevoisvivreavecSafiaetlebébé?Jegrimace.JeneluiaipasditqueSafias’étaitinstalléeenItalie,avecsonMarcotellement…OK,
jesuiscertainequ’ilestenpartieresponsabledelafontedesglacesenAntarctique.Bon,çan’excusepascequ’elleafaitàMatt,maisbordel,qu’ilestsexy!
Enfin,bref,Mattn’apas tort. Jene travaillepluset jenevaispasvivrechezmameilleureamiejusqu’àlafindestemps.
Souvent, jemedis quemavie apris un tour auquel je nem’attendaispas. J’avouequ’êtremèrecélibatairechômeusenefaisaitpaspartiedemesprojets.
Jepose la tassesur lapetite tableàcôtédu fauteuil. Jeme forceànepaspenseràcequivasepassersiJerrynerevientpas,parcequ’ilvarevenir,jelesais.
Enfin,jecrois…Mattaraisonsurunpoint:jen’aiplusdetravail,et…Jesensmagorgeseserrer.J’inspireungrand
coup.SiJerrynerevientpas,jeseraiseuleetsanstravail.–Jenepeuxpas,jeluidisensentantdeslarmescoulerlelongdemesjoues.Ilsoupireetmetapotelatête.Jemetourneversluietledévisageavecunegrimace.–Jerêveoutumeconsolescommesij’étais…unchien?–Oooh,jenesuispasdouépourcegenredetruc.Etpuis,detoutefaçon,tupleurestoutletemps!–Ben,tuvois,c’estpourcegenrederaisonquejeneveuxpasvivrecheztoi!Etc’estpasvrai,je
nepleurepastoutletemps,jetermine,lavoixaiguë.–QuandtufinirassurlecanapédeDamienàcôtéd’untasdechaussettessales, tupenserasàma
villaetàlapiscine,medit-ilenselevant.–Ah,ça,jenecomptepasallerchezDamien!jeluicriealorsqu’ilestdéjàpresquerentré.Ils’arrêteet,avantdefermerlaporte,mesort:–Etj’avaiscrachédanslethé!–Non,mais…beurk!Sérieux?JecrachouilleetaperçoisChewbaccacourirversmoi.Maisqu’ilestcon,cechien,ilpensequejel’appelle!Jelerepousse,deplusmauvaispoilquejamais.EtsiMattavaitraison…Est-cequejedoisprévoirunplanderechange?EtsiJerrynerevenait
pas?Ets’ilrevient,queva-t-ilsepasser?Jesuiscoupéedansmespenséesparmonobèsedechatquiémetunmiaulementdésespéré.–C’estbon,j’arrive!jelâcheenallantleremettresursespattes.Jeleretourne,arrangesonchariotetlesoupèse.–Tuesvraimentgrascommeuncochon,monpauvreRaspoutine!Ilmeregardeintensémentavecsesyeuxjaunes.Jecroisquejel’aivexé!–Àpartirdedemain,jeteremetsaurégime,jeluidisalorsqu’iltournelatête.Bon,cettefois,c’estsûr,jel’aivexé.Jelereposesurlesoletl’observepartirentrottinant.Jejetteuncoupd’œilcirculaire,croiselesbrasetsoupire.AvecousansJerry,jedoiscontinueràvivre,meconstruireunavenir…
Chapitre12
Février
–Net’enfaispas,toutvatrèsbiensepasser,mechuchotemamèreenmetapotantlamain.Je ne réponds pas et laissemon regard se perdre dans lamasse de nuages.L’avion atterrit dans
quelquesminutes:nousysommes.NewYork,merevoilà!Cen’estpasfranchementleretourquej’espérais…Toujourspasdenouvellesde Jerry. J’en suisarrivéeau stadeoù jecroisavoircomprisqu’ilne
reviendrapas.Oui,jecroisavoircompris,carilyadesjoursoùjesembleavoiracquiscettecertitude,etd’autres
oùjecontinued’espérerquetoutçan’estqu’uncauchemar.Enl’occurrence,onestplutôtdansunjouroùjesombredansundésespoirprofond,carjedoismeconfronteràmonanciennevie.Ancienne,carj’aiofficiellementdécidéderestervivreenFrancechezmesparents.Autantdirequecen’estabsolumentpasl’éclate,maisaprèsmûresréflexions,çarestelameilleuresolutionpourlebébéetmoi.
Et puis, ce n’est pas comme s’il y avait beaucoup de possibilités. Safia a décidé de s’installerdéfinitivement en Italie et, du coup, de vendre son appartement new-yorkais. Elle m’a quand mêmedemandésijesouhaitaisyrester,maisjen’allaispasluidire:«Nelevendspas!Jesuisdésespérée,enceintejusqu’auxoreilles,seuleetsansboulot!»
Enfait,j’enaimêmepaseubesoin,toutlemondelesait…Toutlemonde,saufJerry…Oubienillesait,maisils’enfoutroyalement…
Jesoupirerageusement.Commentpeut-onenarriverlàsivite?J’avaisuneviesupercooljusteavantJetravaillaispourcettegarcedeNatachaavecPaul,quiavaittoujoursquelquesgentillesattentions
etdescupcakespourmoi.Jen’étaispascomplètementsatisfaite,maisaveclerecul,jemerendscomptequemavieétaitplutôtgéniale.Jepartageaisl’appartdeSafia,jesortaislesoir…enfin,j’avaisunevie,toutsimplement!
Maintenant, jevoueunehaineféroceauxascenseurs–d’ailleurs, ilsontde lachanceque jesoistropgrossepourprendrelesescaliers,sinonjelesboycotteraistous–,jefaisdugrastoutelajournéesurlecanapé,nevoismesamisqueparwebcam,nesorsquerarement…Mêmemesfringues,jelesachètesurleNet!Engros,jen’aiplusvraimentdevie.Jerryestpartiavecaussi,ilfautcroire!
Àchaqueséparation,ilyaungagnantetunperdant.Jecroisquejesuisofficiellementlalooseusehors catégorie. Je suis grosse, j’ai unevergeture sur la fessedroite, je suis au chômage…Mavie esttragiquement ennuyeuse. Tandis que Jerry – qui ne s’appelle pas vraiment Jerry, d’ailleurs – n’a
certainementpasprisdixkilosdanslagueule,lui!Non,j’imaginequ’ilfaitjenesaispasquoiavecjenesaispasqui…Est-cequ’ilm’aoubliée?Remplacéeparunefilleplusbelle,plusmince,plus…
Jeconclusmapenséeparungrognement.Ilfautquej’arrêtedepenseràtoutça.C’estpasbonpourlemoral.Enplus,çamedonnefaim,etsi
jecontinuecommeça,jevaisaccoucherd’unbébéhippopotameetavoirencoreplusdevergetures.L’avionamorceladescenteetjemesensdeplusenplusdemauvaisehumeur.– J’adoreNewYork, souffleDamienenmatantdemanièreabsolumentpasdiscrète les fessesde
l’hôtessedel’airquipassedansnotreallée.Elleseretourneetluiadresseungrandsourireavantdecontinuersontravail.–J’aimepasleshôtessesdel’air,jelâche,plusgrognonquejamais.Je ne comprends pas pourquoi ils ont tous tenu àm’accompagner.Mamère, passe encore,mais
Thomas,DamienetAlex,jenecomprendspas!Thomas psychote d’avoir laissé Dori, Alex passe son temps à envoyer des messages (que je
soupçonneêtrecoquins)àMarc,etDamien,ben,c’estDamien!–TucroisqueSamanthaaeumonmessage?medemandeThomasenvérifiantpourlacinquantième
foissontéléphone.–Certaine.Maisellenerépondpasparcequ’elleesttombéefolleamoureusedumanagerduQuick
pendantl’entretien.D’ailleurs,encemomentmême,elleestentraindefairedesfoliesdesoncorpsentredeuxQuick’nToast!jeluisors,deplusenplusmorose.
JevoisThomassedécomposersousmesyeuxetmerappelletoutàcoupquemonfrèren’aqu’uneconnaissancelimitéedel’humourou,pire,dusarcasme.
–C’estuneblague,Thomas!jefinispardirequandunelueurdepaniqueilluminedangereusementsonregard.
Ilvérifiedenouveausontéléphone,encoreplusstressé.–Nel’écoutepas,Thomas.Ellen’apasmangédepuisplusdedeuxheuresetçalarendgrognon,
s’esclaffeAlex.–Pourquoit’eslà,Alex,déjà?–Parcequejen’allaispaslouperlafiestanew-yorkaise!merépond-ilcommesic’étaitlogique.–Onnevapasfaire«lafiesta».Onvatrier,emballermesaffairesetenmettrecertainesdansle
garagedePauletWill.–Non,toi,tuvasfairetoutçaavecmaman,etnous,onvafairelafête!Jerestebouchebée,souslechoc.–C’estpourçaquevousêtesvenus?–Tucroyaisquoi?demandeDamienenfaisantunclind’œilàl’hôtesse,quirougit.–Excuse-moid’avoirpenséquevousvouliezmesoutenirdanscetteépreuve,jesors,vexée.–Bah,non,c’estpourçaquemamanestlà…pasnous,ditDamienenselevant.–Tuvasoù?jeluidemande.–Jevaisbaiserl’hôtesse,mechuchote-t-ilavecungrandsourire.–Boncourage,lestoilettessontminuscules,jelâche,grognon.Ilm’envoieunclind’œiletpartchassersaproie.Enréponse,jeluitirelalangue.–Tuveuxpasvérifiersituasduréseau?m’interrogeThomas.–Thomas,onestdansunavion!Alors,non,jen’aipasderéseau.Enplus,elleestfolledetoi!
C’estbizarre,jesais,maisc’estcommeça.Donccalme-toi.Jesuisinterrompueparlasonneriedesontéléphone.Commentçasefaitqu’ilaitduréseau,lui?J’ouvrelabouchepourl’interroger,maisj’abandonne
quandjevoissonsourireidiotàlalecturedumessage.
–Elleditquejeluimanquedéjà!sort-ilavecunairaussicrétinqu’amoureux.Bordel,soncasestdésespéré!
***
–J’adorecetteville!s’exclameÉlia,desétoilespleinslesyeux.NewYork…Bonsangquejedétestecetteville!Déjà, à l’origine, je n’étais pas sensible au charmede lamétropole,maismaintenant, c’est pire.
ChaquecoindecettefoutuevillemefaitpenseràLola.– Tu es sûr que tu peux venir ici ?me demande-t-elle en entortillant unemèche de ses cheveux
autourdesonindex.–Jetel’aidit,jemesuisrenseignéavant.–Jenecomprendspastroppourquoituasbesoindeforcerlaserruresituhabitesici.–J’aisimplementoubliélesclés,jesorsenmeconcentrantpournepastropfairededégâts.Et jemevoyaismal téléphoneràSafia,oudemander ledoubleàPaul, l’amideLola, j’ajoute
pourmoi-même.Quelquessecondesplustard,laportes’ouvreetlessouvenirssebousculent.C’estcommesi jevenaisretrouverLola…,medis-jeenapercevantsonécharpesuspenduedans
l’entrée.Jel’imaginetoutàcouptraverserlecouloiretmesauterdanslesbras.Unlégersouriresedessine
surmeslèvresavantd’êtreeffacéparlesremordsetlatristesse.Siellemevoyaitàcetinstant,ellenemesauteraitpasdanslesbras,elle…Jenesaispascommentelleréagirait,maissesbeauxyeuxmemanquentàenmourir.–Tuveuxbienm’attendrelà?Jen’enaipaspourlongtemps,jedisàÉliaavantqu’ellen’entredans
l’appartement.Ellemefixelonguement,unsourcilrelevé.– Je vais t’accompagner, me lance-t-elle avec un léger sourire qui essaie de rendre la phrase
amicale.–J’aibesoinquetufassesleguet,tucomprends?jetente.Ilesthorsdequestionque je la fasseentrerchezLola.Rienque l’idéequ’ellepuisserespirer le
mêmeairqu’elleouneserait-cequeposersesmainssurcequiluiappartientmedonnelanausée.–Jecroyaisquetut’étaisrenseigné?–J’aimenti,jerépondsrapidement.Ellefinitparsoupirer,mejetteundernierregardd’avertissementetrestesurlepasdelaporte,les
brascroisés.Jeneperdspasdetempsetmerendsdirectementdanslebureauoùsontrangéesmesaffaires.Je
rassemble rapidement les dossiers dont j’ai besoin et, une fois terminé, je les pose sur la table de lacuisine.Jejetteuncoupd’œilàÉlia.Ellegardelesyeuxrivéssurlarue.Jeprendsunpapieretunstylo,mepasseunemainsurlevisage,incertain.
Jenedevraispasfaireça…maisc’estplusfortquemoi.
***
–Lola,jesaisquetuesfatiguée,maisaccélère!mesortDamien,àboutdepatience.Jeralentisencoreetluijetteuncoupd’œilnonchalant.–Tuveuxquejeportetonsacàmain?demande-t-il,deplusenpluscrispé.
–Jenevoudraispastecharger!jeluilance,faussementinnocente.–Compte tenuque jeportedéjà tesdeuxvalises, tonvanity et la sacochede tonordinateur, j’ai
enviededirequejenesuisplusàçaprès.Enguisederéponse,jeluitendsmollementmonsac.–Bien,maintenant,marcheplusvite,lance-t-ilenl’attrapantbrusquement.Ilavance,m’attend,puisavanceencore…J’avouequejenefaisabsolumentaucuneffort.–Tuvois,tuauraiseuquelqu’undanstavie,tun’auraispasétéchargédem’accompagnerrécupérer
mesvalises!jeluilanceenprenantlabouteilled’eaudansmonsacàmainquipendouilleàsonépaule.–Dois-jeenconclurequetumefaispayermoncélibat?–Tun’espascélibataire,tuesenattented’unplancul!jerétorqueenrangeantlabouteille.–Jesuisjeune,beauettrèssexy,Lola.–Etsurtouttellementseul!jelecoupeenprenantuntondramatique.–Tudevraisêtrecontenteque,contrairementauxdeuxautres,jen’aipersonneàappelerpourdire
qu’onestbienarrivés.Sinon,tuauraisdûtetrimballertesaffairesdanstoutl’aéroport.–Jesuispasbête,j’auraisprisunchariot!jesorsalorsquenousretrouvonslerestedelafamille
devantl’aéroport.Damienme jette un regard, et je lis son envie deme tuer à cet instant. Je hausse les épaules et
grimpedansletaxipendantqu’ilchargelesvalisesdanslecoffreaveclechauffeur.–Tuasdelachanced’êtreenceinte,magrosse,lance-t-il,rougeetensueur.–J’aisurtoutlachancedet’avoir!jeluisorsavecunsourireexagéré.–Bon,alors,SamanthaaeuleposteauQuick,commenceànousraconterThomas.Maisqu’est-cequ’ons’enfoutquesarouquineaitdécidédefairedeshamburgers!medis-jeen
enfilantmeslunettesdesoleil.EllepeutbiensetransformerenfriteetseroulerdansdelasaucepourRustiques,siçapeutlui
faireplaisir!Àchaquecoinderue,unsouvenirm’assaille.Mesamismemanquent,cetteviememanque…Avec
ousansJerry,NewYorkresteNewYork!Letaxiarrivedansmarueets’arrête.J’ai l’impressionde rentrer chezmoi aprèsune longueabsence.Quand jepenseque, bientôt, cet
appartementserahabitépard’autrespersonnes,moncœursebriseànouveau.Oh!là,là,jenesuismêmepasencoredescenduequej’aidéjàenviedepleurer!J’inspireettentedenepasfondreenlarmesenm’extirpantduvéhicule.–Qu’est-cequit’arrive,lagrosse,t’estoutebizarre?medemandeDamienenouvrantlecoffre.–Riendutout,c’estsimplementquejenem’attendaispasà…Jenefinispasmaphraseetmemetsàpleurer.–Maispourquoituasdemandé?!s’écrieThomasensoupirant.Jeleregarde,complètementoutrée.Àcroirequejepleuretoutletemps!Bon,c’estvraiquejepleurebeaucoup,maisquandmême…Pourlapeine,jeleslaissesedémerderaveclesbagages.Jesors lesclésdemonsacàmainetmefigedevant laported’entréeentrebâillée.Safiaétanten
Italie,c’estmauvaissigne.–Etmerde,restelà,m’ordonneDamienenposantlesvalisesetenpassantdevantmoi.–Qu’est-cequ’ilya?medemandemamèrequimerejointavecAlex.–Laporteaétéforcée,jeluidisavecunegrimace.Etaccessoirement,j’aisuperenviedefairepipi!–Toutsembleenordre,ditThomasenressortantavecDamien.
–OK,jepeuxallerauxtoilettes?jedemandeensautillant.Damienhochelatêteavecunairbizarre.Jepassedevantluiencourantpresque,maisjem’immobiliseaumilieuducouloir.–Aufait,pourquoiquelqu’unauraitforcélaportepournerienvoler?jel’interroge,étonnée.–Parceque…,commenceThomasenregardantsespieds.–J.nedevaitpasavoirlesclés,finitpardireDamien,malàl’aise.–Oh!jesors,confuse.Ilsm’observenttousalorsquejemedemandecommentréagiràcetteinformation.J’ouvre,fermela
bouchepuisfinisparmedirigerverslestoilettes.Aprèstout,jem’attendaisbienàcequeJerryviennerécupérersesaffaires,maisjenepensaispas
qu’iliraitjusqu’àforcerlaporte.S’ilavaitbesoindesclés,ilauraitpumelesdemander,oumêmeàPauletWill.
Unfrissonmeparcourt.Est-cequ’ilmehaitaupointderejetertoutcequia,deprèsoudeloin,unrapportavecmoi?Iln’amêmepaseu lecourageni ladécencededemanderdesclés. Il apréféré forcer la serrure
plutôtqued’affronterlasituation.Marespirationsebloqueet,àcetinstant,j’ailacertitudequ’ilnereviendrapas.Il…Jemepasseunemainsurlevisage,tentedereprendremonsouffle.C’estfini.Je le savais, mais j’avais encore, dans un coin de mon esprit tourmenté de grande romantique,
l’espoirqu’ilreviendraitversmoi,versnous.–Lola,toutvabien?m’interrogemamèrederrièrelaportedestoilettes.Jesecouelatête,caraucunsonnepeutsortirdemabouche.Mondiaphragmesemblebloqué.MonDieu,j’arriveplusàrespirer!Ilfautquejesorted’ici.Tremblante, j’essaied’ouvrir laporteàplusieurs reprises,mais jen’yarrivepas. Jecogneavec
mespoingsdetoutesmesforcesetfinispardistinguerlesvoixdemesfrèresetdemamère.Jemelaisseglisser au sol. Des larmes coulent le long demes joues. La porte s’ouvre. Des brasm’attrapent, meportent etme déposent surmon lit. Jeme roule en boule et geins de douleur tandis quemamèremecaresse les cheveux. Leurs regards posés sur moi et emplis de tristesse me semblent soudaininsupportables,mais aucun sonneveut sortir demagorge, alors je ferme lesyeuxet priepourmoinssouffrir.
Quandjelesrouvre,machambreestplongéedanslapénombre.Jeregardeautourdemoietmedis
quec’estunesagedécisiondeneplusvivreici.Mesyeuxtombentsurlefauteuilàcôtédelacommodeet,pendantuninstant,jel’yvois,installé,mescrutantdesesyeuxgris.
Quanda-t-ildécidéquenotrecouple,notrefamillenevalaientpaslapeinequ’ilsebatte?Quanda-t-ilcessédem’aimer?Jefermeànouveaulesyeuxet laissemeslarmesinonder l’oreiller.J’yfrottemachinalementmon
nez,espérantytrouversonodeur,sanssuccès.Ilatoutpris,mêmeça…Decolère,jelejettecontrelemuretmerouleenbouledanslacouette.J’attrapel’autreoreiller,et
sursauteaucontactd’unmorceaudepapier.
Lola,tumemanquestellement,situsavais.Soisheureuse,jet’aime.J.
Non,maisjerêve?!–Sijetemanquetellement,ducon,t’asqu’àrevenir!jecrieendéchirantlafeuille,follederage.Lesboutsdepapiersemettentàvolerdanslachambre,maisriennem’arrête.Jelesdéchirejusqu’à
enfairedesconfettis.–Qu’est-cequisepasse?demandemamèreenouvrantlaporte.–Rien,jesouffleenessuyantmeslarmes.Elleobserve,interloquée,lesboutsdepapierépars.–JevaistéléphoneràPaul,jesorspouréviterd’avoiràrépondreàd’autresquestions.Ellehochelatêteetnem’endemandepasplus.Jequittelachambreetmedirigeversl’entréeafindeprendremonportabledansmonsacàmain.Je
sélectionnelenumérodePauletsourisquandildécrocheauboutdetroissonneries.Jeneveuxpasresterdanscetappartementuneminutedeplus.J’yaitropdesouvenirs.
Chapitre13
Mars
Jemepasseunemainsurlevisageet,commetouslesmatins,jeregrettelasecondeoùj’aiouvertlesyeux.Cettesecondequireprésentelefugaceinstantoùmatête,encoreembrumée,nesesouvientpasàquelpointmoncœursouffre.
Sedirequec’estfinin’effacepasladouleur.Jedonneraistoutpournepluspenseràlui,maisilmehante.Jelehais,jel’aime,ilfaitpartiede
moi.Ils’estintroduitdansmatête,dansmoncœuretneveutplusensortir.J’enrageàlapenséequ’enfait,c’estmoiquinelelaissepaspartir,etjemehaispourça.
Jerrynereviendrapas.Jelesaismaisçanechangerien.Jepenseàluidèsl’instantoùj’ouvrelesyeux.Chaquesoir, jesupplie jenesaisqui–monesprit,unDieu,peu importe–de l’oublier,mais lematin,ilestdenouveaulà,accompagnédecettedouleurlancinantequinemequitteplus.
Jene comprends toujourspas lebutdupetitmotqu’ilm’a laissé lorsqu’il estvenuchercher sesaffairesàNewYork.
Si je lui manquais vraiment, il serait revenu ! Et s’il m’aimait tellement, il ne m’aurait pasabandonnéecommeunemerdedevantl’autel!
Non,maisquelgenred’hommeestcapabledecegenredechose…Jefermelesyeuxettentedemecalmer.Ilestbientroptôtpoursemettreencolère.Jesensmagorgeseserrer,marespirationsebloquer.Voilàquej’aienviedepleurer,maintenant!JehaisJerry,jehaislesyeuxgris,jehaislesfossettes,jehaisleshommesetjehaislematin!Monventresemetànouveauàgigoter.Parcontre,ça,j’adore,medis-jeavecunlégersourire.Jeposedoucementmamainàl’endroitoùilm’asemblépercevoirunpiedetmonsourires’élargit
quandjeperçoisunnouveaucoup…puisunautre…puisencoreunautre…Monsourires’effaceetlaisseplaceàunegrimacelorsquemavessieappelleàl’aide.–Iln’estque7h45,jechouineenregardantmonréveil.C’estpasvrai,c’esttroptôt…,jecontinue,
commesimesparolesallaientcalmermonpetitdiable.Jetenteuncaressagedebidonavecdespetits«chut»,maisçanefonctionnepasdesmasses.Cetenfantn’estpasencorenéqu’ilaimedéjàmetorturer!Etvas-y,coupdepiedretournédanslavessie!Bordel,maisc’estquoi,cemôme,unninja?Ilfautvraimentquejemelève,maisjesuistellementbienauchaud.
Jepointeleboutdemonnezpouruneestimationmétéoexpress.Températureextérieure…Tropfraîche!Euh,çavapaslefaire!Aaaah,monpetitdiablesemblesecalmer…Àmoilesommeilsupplémentaire,lagrassemat’jusqu’àpasd’heure…Je rentre la tête sous les couvertures, remue mes fesses de gauche à droite jusqu’à trouver la
positionidéalepourmonhibernation.Satisfactiondecourtedurée,jegrognelorsquemonventresemetdenouveauàgigoter.Bon,là,jecroisquec’estlesignal:Bougetesfessesavantdetefairepipidessus.OK,nouveauplan:jemelève,jecoursjusqu’auxtoilettes,jefaiscequej’aiàfaireetretourneme
coucher.Simple,clair,rapide.Enplus,jel’aidéjàfait!Jemesouviensdumatinoùj’avaisdormidanslachambred’hôteldeJerryetoùjem’étaispris
lemur.Çan’étaitqueledébutdenotrerelation…Unsourirenostalgiquefendmonvisageavantd’êtreremplacéparunevilainegrimaceaccompagnée
d’uneboulequineveutplusquittermapoitrinedepuis…qu’ilm’aabandonnée.Cette pensée me tire une larme, que j’essuie rageusement. J’en ai marre de pleurer. Je mange,
pleure,dors,pleure,mange…Jedois reprendre ledessus et çan’est pas enm’apitoyant surmon sort que ça changeraquelque
chose!Bon,jepenseraiàtoutçaplustard,mavessiedevientuncasdésespéré.Allez,versionkamikaze!Je soulèvemacouetted’ungestevifetassuré,m’extirpedemon lit etmedandineaussiviteque
possiblejusqu’auW-C.Unefoismapetiteaffaireconclue,jetentederetournerdansmonlit,maisjesuisinterrompueparla
voixdemamère.–Tuesdéjàdebout,mapuce?dit-elledepuisleseuildemachambre.J’ouvrelabouchepourrépondre,maisellenem’enlaissepasletemps.–Habille-toietmetsteschaussons,tuvasattraperfroid.Dépêche-toi,jetepréparetonchocolatet
testartines,finit-elleenredescendantsansattendre.Bon,jecroisquemonplanhibernationesttombéàl’eau!Leproblème,danscettemaison,c’estqu’unefoisrepéré,onnepeutpasretournersecoucher.Carje
sais que si je ne descends pas (avec des chaussons aux pieds), ma mère va venir me chercher etm’expliquerqu’«ilfautselevertôtpourlepetitdéjeuner,sinon,après,onesttoutdécaléetcen’estpasbonpourlasanté…»Blablabla…jusqu’àcequejemelèveensoupirantetqu’ellemegavedetartinesauNutella.
Nutella…Lemotrésonneenmoicommeunedoucemusique.Je suis sûrequedesgensontperdu l’esprit pour cettedélicieusepâte à tartiner au légergoûtde
noisette.Certainssontpeut-êtremêmemorts…Cetteintenseréflexionmedonnefaim…Enfait,j’aitoutletempsfaim!Lesjoiesdelagrossesse…Monventregonfleaufuretàmesurequemonfessieraugmentedevolume.Ils’agitd’unthéorème
mathématiquetrèscomplexecommeceluidunéant,ouuntrucdanslegenre.J’attrapemon peignoir polaire rose, enfilemes chaussons-chaussettes antidérapants poilus etme
rendsdanslacuisine.
DepuismondépartdeNewYork,j’aiprisconsciencequejen’auraisplusaucuneviesexuelleavantles dix-huit prochaines années.Alors que jusque-là, jeme concentrais sur le désespoir d’avoir perduJerryetblablabla(onnevapaslarefaire,vousavezcompris l’idée),unsoiroùj’étaisdesortieavecPaul,Willetd’autresamisnew-yorkais,j’aicompris.Déjà,avecunbébé,rencontrerquelqu’un,c’estpasfacile;enplusavecdeskilosentrop,çadevientcompliqué.Etsionajoutedesvergetures,çadevientcarrémentmissionimpossible!Lalisteesttellementlonguequejemedisquemoncasestfoutu(sitantestque j’aienviederencontrerquelqu’und’ailleurs,cequin’estpas lecaspour lemoment).Donc,àpartir demaintenant, j’ai décidé de vivremon célibat à fond et qu’un relooking s’imposait. Je nemedoucheplustouslesjours,j’optepourdestenusconfortablestrèsmoches,etdepuisquej’aicassémonpeignelasemainedernière,j’aicomprisquemecoifferneservaitplusàrien.
Toutcommel’amour!Çafaitsouffriretc’estnul!Mmmh,çacommenceàsentirlabouffe…Accélération.Jemedandinedeplusenplusviteàmesurequel’odeurdestartinessefaitsentir.LeNutellan’attendplusquemoi!jechantonne.Jepousselaporteetconstatequetoutlemondeestdéjàlà.Depuismonmariage,oudumoinsletruc
catastrophiquequiaeulieucejour-là,mesfrèressontbeaucoupplussouventàlamaison.Damienétaitdéjàpasmalprésentpuisqu’iltravailleavecmonpèresurcertainesmissions.Alex,lui,semblevouloirrécupérerdeseslonguesabsencesetresteaussidanslecoin.Parcontre,onn’apasvuMattdepuisqu’ilest rentréàLosAngeles.Et ilasupermalprisdenepasêtre invitéauweek-endfiestadesgarçonsàNewYork.
MêmeDorilarouquineestlà,avecsonchienaunomàchier.Ellem’observeavecsesyeuxvertsbizarres,labouchelégèremententrouverte,toutenlecaressant.Qu’est-cequet’as,Dori?T’asjamaisvudebaleineéchouéedansunocéandedésespoir?J’attrapemonmalheureuxRaspoutinequinesaitplusoùdonnerdelatêteentreChewbietMaurice.Caroui,contrairementàmoietàma loosesentimentale,monchatvitunepassiondévoranteavec
deuxchiens. Je croisque soncœur appartient àChewbi,maisqueMaurice et sapetitequeueen tire-bouchonlerendentfou!RaspoutineobserveMaurice,puisChewbiquidortauxpiedsdemonpère,etémetunmiaulementdésespéré.
Etvoilà,lepauvre,dansquelétatilsemet!Rouquineleregardedetraversetserresonchiencontreelle.Disquemonchatn’estpasassezbienpourtonMaurice,tantquet’yes!Ilestbeaucommeuncamion,monchat!Depuisquejel’aimisaurégime,ilalepoilbrillantettout
doux.Mêmesonchariotestmagnifique.Lasemainedernière,commejem’ennuyais,jel’aipeintenrosemétalliséetj’yaicollédesstickers.Monchatestfashion!
Etpuis,qu’est-cequ’elleficheici,aufait?Mêmesielleaenfiléunsurvêt’rougeaffreux,jenelavoispascourirdixbornesavecsonchienquipètetoutletemps.Quandilssontensemble,mesfrèresenprofitentsouventpourfaireunloooongjoggingsurlaplage.Trèsfranchement,jecroisqueleseulsportqu’ellepratique,c’estdemettrecetaffreuxsurvêt’!
–Salut,grosseQuenelle!–Arrêtedel’appelercommeça,Alex,leréprimandemamère.–OK,alors,salut,lagrosse!C’estvraiqu’elleneressembleplusàunequenelle.Elletientplusde
l’hippopotamedeFantasiamaintenant,lance-t-ilensemarrant.Enguisederéponse,jem’installeàtableetémetsungrognement,cequi,évidemment,faitriretoute
latribu.Jevoismêmemonpèretenterdesedissimulerderrièresatasse.J’adoreêtrelecentred’intérêtdetoutelafamille!Ceciestuneremarqueironique,celavadesoi.
Plus le temps passe, plus j’envisage de prendre un appartement. Sauf que,même si ce n’est pasl’aspectfinancierquimegêne–puisqueentremesindemnitésdelicenciementetl’argentdemeslivres,
jem’entireassezbien–,j’avouequelasolitudemefaitpeur.Jen’aijamaisvécutouteseuleetjenemesenspasprêteàl’expérimenter,avecmagrossesseetmoncœurenlambeaux.
Jevaismieux,maishonnêtement,cen’estpasencoreça.Ilmefaudradutempspourm’enremettre,etjeneparlepasd’unpointdevuesentimental(mêmesijeneportepasvraimentleshommesdansmoncœurencemoment),maisplutôtpsychologique.
Danslefond,jesaisquemonhistoireesttristementbanale.Jenesuispaslaseulefilleenceinteàs’êtrefaitplaquer.Maisquandçavousarrive,vousensortezmarquéeàjamais.
Heureusement, j’ai lachanced’avoirma famille,aussienvahissantequebizarre.Mais là, je sensquelemomentdecouperlecordonestvenu.Premièrement,pourmasantémentale,etdeuxièmement…pourmasantémentale,encore!
Jepourraism’incrusterchezMattenCalifornie,maismaintenantquej’aitoutici,redéménageraussiloinnemesemblepasunebonneidée.
Durdeprendreunedécision,carilm’enparletouteslessemaines!Enfait,jecroisqueMattsesentexclu.MêmeAlexaréussiàrevenirunmomentdanslecoin.Ilaprofitédesesvisitespourmonteruneexpositiondansunegalerieparisienne.Ducoup,onlevoitpresquetouslesweek-ends,cequin’estpaspourmedéplaire…
–Tiens,mapuce,nelesécoutepas,tuesmagnifique,meditmamèreenposantdevantmoiunboldeNesquiketdestartines.
–Merci,maman,dis-jeenfourrantunetartinedeNutelladansmabouche.–Etpuis,net’enfaispas,unefoisquetuauras…,commenceThomasenagitantlamaindevantmon
ventre.–Accouché ? je sors à sa place, puisque de toute évidence, le fait de prononcer lemot lemet
étrangementmalàl’aise.Jelecomprends,jenemesenspasnonplustrèsbienàl’idéequ’untrucdelatailled’unedinde
sortedemonvagin.Ilhochelatête,puisreprend:–Enfin,tupourrasteremettreaukickànouveauettudevraisperdrerapidement,achève-t-ilavecun
sourirerassurant.J’aitoujourseudessoucisdepoids.Lepire,çaaétéàl’adolescence.MaisgrâceàThomasetau
sport, j’ai réussi à me stabiliser. Par contre, je ne pense pas qu’une fois moins enceinte, je lesaccompagnerai tous les matins. Déjà parce que, eh bien, c’est le matin, et en plus, parce que dixkilomètres,quoi!
Franchement,jen’arrivepasàsavoirsileshommesdecettefamillesontfousoucourageux.Jepenchesérieusementpourlapremièreoption!medis-jeenobservantdiscrètementDamienqui
regardesonrefletdanssacuillèrepourvérifierqu’iln’apasdecéréalescolléesauxdents.Enfin,bref…–Lola,dépêche-toidefinirtonchocolat,mesortmamèreenfaisantlavaisselle.Commetouslesjoursdepuisquatremois,j’ail’impressiond’avoirhuitans.Mamèremeprépare
touslesmatinsmonchocolatchaudavecdestartinesdeNutella.Etlepire,c’estquandmesfrèressontlà.Ils se bagarrent, m’embêtent, et mon père en rigole en se cachant derrière de multiples accessoires.Commequoi,riennechangejamaisvraiment.OnpourraitpenserqueRouquineajouteunje-ne-sais-quoiaupaysage,maisonnel’entendpas…Jamais…Pouruneraisonquejeneparvienspasàm’expliquer,Thomas semble complètement accro à cette fille muette, aux yeux étranges et au goût vestimentaireapproximatif.
Enplus,jesuispersuadéequesacouleurdecheveuxn’estpasnaturelle.Pendantuntemps,j’aimêmeenvisagéqu’ellesoitunhomme,maisçasemblepasêtreça.
Entoutcas,elleluirendbien!Elleleregardedesesyeuxbizarrescommesimonfrèreétaitundieuvivant.C’estaffreusementpathétique!Lepire,c’estlafaçondontilss’occupentdeMaurice.Lasemainedernière,labêteaeuledroitàunethalassodéstressante.Ilsl’emmènentaussiparfoisvoirunpsypourchien.Genre,c’esttraumatisantd’êtreleuranimaldecompagnie!
–Ilfautqu’onyaille!lancetoutàcoupThomas,lesyeuxrivéssurSamantha,quisembleretenirsonsouffle.
Jesuissûrequ’ilspassent leur tempsàbaisercommedes lapins,cesdeux-là,medis-jeen lesregardantpartirencourantpresque.
C’estdégueulasse!Non,maisvraiment,ilsn’ontaucuneretenue.Depuismesgenoux,Raspoutineobservelaporteserefermeretlâcheunmiaulementsonore.Elleauraitaumoinspulaissersonpéteurdechienperturbédireaurevoiràmonchat!Ducoup,jelereposeparterreetilvasecoucherenronronnantàcôtédeChewbi,quil’accueille
avecuneléchouille.Çafaittellementlongtempsqu’onnem’apasléchouillée,moi…Pleurepas,Lola,pleurepas…J’inspireungrandcoupetregardemonpèreselever,débarrassersonpetitdéjeuner,etsortir…le
planning!Matristesselaisseplaceàunintenseagacement.Chaquejour,àl’heuredecefoutuplanning,jeme
rappelleàquelpointmaviecraint,mavieestpourrie,mavieestladéfinitionmêmeduterme«àchier».Car oui, tous les jours,mon père nous prépare un planning quasimilitaire. Pourquoi quasi ? Je
devraisdirecomplètement!Ettoutlemondeypasse:Damien,quivaetvientaugrédesesmissions.Alex,quigèresesallers-retoursàlacapitale,mamèreet,biensûr,moi.
Encequimeconcerne,c’estplus tranquille,carmonpèremeconsidèrecommeunepetitechosefragilequin’apourseulbutdanslaviequedepondreunbongrosbébé.LorsdemonretouràNewYork,j’aipris ladécision,enplusdevivremoncélibatà fond,dedéveloppermapassionpour l’écriture– chose quemon père n’intègre pas. Je pense que le fait que j’écrive des romans érotiques y est pourbeaucoup.Mais,pourmapart,jeconsidèrecelacommeunvéritabletravail.Entoutcas,pourmonpère,la seule incertitudedema journée consiste à savoir àquelleheure jevaism’endormirpourma siestequotidienne.
OK,ilapastort,jenesuisjamaiscontreunpetitsomme!D’ailleurs,aujourd’hui,jeneveuxpastropm’avancer,maisjepensequeceserasurlecanapévers14h17,durantlegénériqued’Arabesque.
Ilestloinletempsoùjefaisaisdukickboxing,duvélo,delacourseàpied,quej’avaisuntravail,desamis,unevie…Jerry…
–Tuescontente,Lola?medemandemonpèreavecungrandsourire.Vuquetut’esplaintdetonmanqued’exercice,ons’estditquelejardinageteferaitplaisir.
–Quellefolie!Jenesaispassijevaismeremettredetantd’efforts!–Tupréfèrescontinuerletricot?m’interrogemamèreavecunelueurd’espoirdansleregard.–Non,maman,jecroisqueletricotetmoiavonsbesoindefaireunbreaknécessaireànotrebonne
entente.Ildevientdeplusenplusurgentquejeparted’ici,medis-jeenmastiquantmadernièretartine,de
plusenplusmaussade.Jemeursd’ennui, jefaisdugras, lasiestedevantArabesqueet, les joursoù j’aide lachance, je
jardine–etencore,avecdesgantsdésinfectés,etj’aidespausesobligatoirestouteslesdixminutes.Tropcool,malife!Envieuse, je regarde l’emploi du temps des autres, qui ont des réunions et pleins d’autres trucs
prévus.MêmeAlexleglandeurfaitdeschosesintéressantes!Achatdepeintureenville,allerchercherlescoursesauDrive,prendredel’essence…
Bon,OK,c’estpasnonplussuperexaltant,maisc’estpasdufoutujardinage.Alorsrienqueça,çarendsonplanningsupergénial!
Peut-êtreque,sijeluifaisducharme,ilm’emmèneraenville.Jepourraismangerdelaglaceauchocolat, m’acheter un bouquin, peut-être même une paire de chaussures… Le chocolat et leschaussures,çaremontetoujourslemoral…
Enplus,jebloquesurmonnouveauroman,doncçasetente.Parcontre,monpèrenevapasêtrecontent.Iln’aimepasqu’ondérogeauplanning.Jevaisdevoir
lajouerdiscrétos.Detoutemanière,soitj’arriveàm’incruster,soitjemependsàunplantdetomate,auchoix!Alexdébarrassesonpetitdéjeuner,ducoup,jemedépêche.C’estmaintenantoujamais,jedoisle
choperdanslesescaliersseulàseul.Tandisqu’ilcommenceàmonter,jefourrelederniermorceaudetartinedansmaboucheetmelève
rapidement–enfin,j’essaie.–Doucement,Lola…,sortmamèreenlavantlatablependantquemonpèresèchelavaisselle.–Ilfautquej’aillefairepipi!jem’écrieenpartantencourantpourrattrapermonfrère.Le bon côté de la grossesse, c’est cette super excuse.Onpeut la placer n’importe où, n’importe
quand.Merde!Ilesttroprapide,oumoipasassez.Jeneperdspasespoiretaccélèreendirectiondela
chambredesgarçons.Troptard,laporteestfermée!Pasgrave,jetentequandmêmeetgratteàsaporte.–Alex,jel’appelledoucement.Allez,ouvre…,jelesupplieengrattantplusfort.–Quoi?demande-t-ilenouvrant,sabrosseàdentsdanslabouche.Jemefaufiledanssachambreetrefermelaporte.Ilmeregarded’unairamuséetretournedansla
salledebainsfinirdesebrosserlesdents.–Emmène-moi,jesorsalorsqu’ilcrachedanslelavabo.Ilserincelabouche,cracheànouveauetdemande:–Où?–Enville!Allez,s’ilteplaît,onneditrien,jemecacheraidanslavoiture!–Te«cacher»?Onnepeutpasdirequetupassesinaperçue.Enplus,tunemarchesvraimentpas
vite.–Soissympa,pitié,jel’imploreenluifaisantmonregardspécialdepetitesœurmalheureuse.–OK,maissionsefaitchoper,c’estdetafaute.–Promis!jechantonneensautillant.–Soisprêtedanstrenteminutes.Tum’attendsducôtéouestdelagrange.–OK!jelanceencommençantdéjààpartir.–Lola?m’interpelleAlex.–Oui,jerépondsavecungrandsourire.Jesuistoutexcitée!C’estletrucleplusamusantquejefaisdepuisquatremois!–Prendsquandmêmeletempsdetedoucher,dit-ilengrimaçant.–OK!jelanceenm’enallantdenouveau.–Euh…etcoiffe-toiaussi,parcequefranchement,tescheveux,là,çadevientcompliqué!–«Compliqué»?–Bizarre,approximatif,indéfinissable…–C’estbon,j’aicompris!jelecoupesèchementenpartant,furieuse,dansmachambre.Jesorsdemacommodeuneculottequimontejusqu’endessousdemesnichonsetunsoutien-gorge
mégarenforcé.Franchement,jenesenspassimauvaisqueça,medis-jeensoulevantlebraspourmerenifler.
Oh,putain!Jesensleratcrevé!Etpasfraîchementcrevé,plutôtbiendepuisunesemaine.Alexa raison, ilvautmieuxque jemedouche.Çaserait conde se faire repéreràcausedemon
odeurpestilentielle.Directionlasalledebains!J’allumelalumièreetsursauteenapercevantmonreflet.Ilaégalementraisonpourmescheveux.Jesecouelatêteetfilesousladouche.Jemerécureàfondetarrosematignassed’unedoubledose
dedémêlant.Une fois terminée, j’ouvred’un coup sec le rideaudedouche et fends la buée enmedéhanchant
commeShakira.Jesuissexy,aventurière…Aujourd’hui,jenepleureraipas,jenechouineraipas,jenenoierai pasmondésespoir dans un océan de bouffe. Je suisLolaMorell, et je suis une survivante del’amour!
Yepa!J’aibienfaitdemelaver.Déjà, jesens lepropre,etenplus, j’ai l’impressiond’avoirperduune
bonnecouchededésespoir.Àmoinsqu’ilnes’agissejustedecrasse…Commequoi,ilnefautjamaissous-estimerlepouvoirdugeldouche!Je me sèche, me tartine une bonne dose de crème anti-vergetures et enfile mes sous-vêtements
«maintiende l’extrême». J’enchaîneavecquelques flexions,basculemes fesses enavant, enarrière,lève une jambe puis l’autre. Cette culotte est hideuse, mais je dois bien avouer qu’elle est trèsconfortable.
J’essuielemiroirdelamainpourychasserlabuéeetinspireungrandcoupavantdem’occuperdemescheveux.
J’enappelleauxdivinitéscapillairesafindemevenirenaidedanscettepérilleusemission.J’attrape la nouvelle brosse que ma mère m’a achetée et entreprends de les démêler. Quelques
nœudsfontbiendelarésistance,maisj’arriveàobtenirunrésultatsatisfaisant.Mêmemescheveuxsontdemoncôté,aujourd’hui!
Toutçaannonceunebellejournée,jelesens…Etjenedispasçaparcequejenevaisnitricoternijardiner!
JemefaisunetresseàlaLaraCroft,histoiredememettreenmodeaventure.Bon,maintenant,desvêtements…J’ouvregrandmonarmoireetdécided’opterpourunlooksport.Ilvautmieuxquejesoisàl’aise,onnesaitjamais,sijedoiscourir…Mouais, onvaprierpourque jen’aiepas à courir. Jemarche commeuncanardobèse, donc les
accélérations,çadevientvitecompliqué!J’enfiledesleggingsnoirsavecungrandpullachetésurInternet,desbottesplatesetmonmanteau.
Jemetsmonsacenbandoulière.Etvoilà,Lolaisback,etelleestautaquet!Maintenant,passagecompliqué:nepassefairerepéreravantd’atteindrelagrange!Alexn’apastort,mongrosventrenepassepasinaperçu.Jesorsdiscrètementlenezdemachambre.Coupd’œilàdroite,àgauche,personne.Jemarchesur
lapointedespiedsjusqu’àl’escalier,medissimuleautantquepossibledanslesombres.Toujourspersonne.Jedescendslesescaliersenfaisantattentionauxmarchesquigrincent.Arrivéeenbas,jemecache
derrièreleportemanteau,entendsmamèrequiestdanslacuisineavecmonpère.Beurk…Ilssebécotent!Sérieux,cinqgaminsetilsn’enontpasmarre!Aumoins,ilssontoccupés.Jepeuxpasserdevantlaportesansmefaireremarquer.Go!
Je franchis la porte d’entrée et la referme silencieusement. Accroupie, je longe la maison pourpassersouslesfenêtres,tourneaucoindelagrange,etaperçoisauloinlavoiture.
Jepresselepas.Alexdémarre,ouvrelaportièrepassager.Jemonte,mecachejusqu’àlasortiedelapropriété–on
nesaitjamais.Auboutdequelquesminutes,jegrimace.Jecommenceàavoirmalauxgenouxàforcederesteraccroupie.–Allez,c’estbon,attachetaceinture,melanceAlexenseretenantderire.Jemerelèveavecsoulagementetm’installeenfinsurlesiègeavecungrandsourire.Yapasàdire,désobéiràmonpère,c’esttoujoursaussiamusant!Mêmemonbébéjediestcontent,
iln’arrêtepasdefairedescabriolesdansmonventre.–Tunedevaispasécrireaujourd’hui?medemande-t-ilenenclenchantleclignotantpourtourner.–J’avouequejebloquepasmal,jeluidis,songeuse.C’est terrible, j’ai décidé de me lancer dans une carrière d’écrivain à temps complet, mais je
n’arriveàrien.Cequivafinirparêtreproblématique!–Peut-êtrequec’estparcequetuenasfiniavecJuliaetquetuasbesoindepasseràautrechose?–Commenttusaisquemonhéroïnes’appelleJulia?jedemande,surprise.Jeneparlejamaisdemesbouquinsavecmafamille.Ilyapeu,c’étaitunsecretbiengardé.Maisil
yaeul’enquêtedeJerry,etmafamilleaalorsapprismonpasse-temps.Jusqu’àprésent, j’avaisplutôtl’impressionquetoutlemondefaisaitcommesiçan’avaitjamaisexisté.
–Parcequejet’ailue!Jevoulaisvoircequemapetitesœurécrivait.–Et?Attention,lefameux«et?»del’écrivain.Deuxmalheureuseslettresquiveulenttoutdire…Qu’est-
cequetuenpenses?Est-cequeselontoijeserailaprochaineJ.K.Rowlingdel’érotisme?Est-ceque,situtrouvesçanulàchier,tuvasquandmêmemeledire?
–Et…cen’estpasmalécrit,maisjepensequecen’estpascequetudevraisécrire.– Ah, nous y voilà ! Forcément, comme toujours, écrire de la littérature érotique, c’est nul, et
blabla…Jeveuxdire,c’estaussidifficilequ’autrechose.–Lola!mecrieAlex.Jemetaisinstantanémentetleregarde,lesyeuxronds.Jen’aipasl’habitudedel’entendrecrier.Il
esttoujourssicalme.–Cequejeveuxdire,reprend-ilmaintenantqu’ilatoutemonattention,c’estquesitubloques,ça
signifiepeut-êtrequetuesàlarecherched’autrechose.–«D’autrechose»?–Tu as vécu desmoments difficiles, ces derniers temps, et l’art évolue enmême temps que son
auteur.Penses-y.Jefroncelessourcilsetréfléchis.Effectivement,Alexn’apas tort.Jen’arrivepasàécrire leshistoiresdeJuliacar jenesuisplus
danscetétatd’esprit.Jedevraispeut-êtrem’autoriseràécrirecequej’aivraimentenvied’écrire.Messynapsessemettentenmarche,uneétincelledecréativitéjaillit.Jesouris.Jesaiscequejevaisécrire!–Tuvois,ceregard,jelereconnais:c’estceluidel’inspiration,dit-ilenriant.Jerisàmontour.Ilaraison.Pourquoinepasselancerdansunenouvelleaventurelittéraire?Cela
nem’empêcherapasdereveniràJuliaplustard.
Chapitre14
Mars
Élionaregarda lecorpssansviedesonami.Soncœurs’arrêtadebattreàcet instant.Désormais,plus rienneseraitcommeavant.Passanslui…Commentcontinueràsebattre–oumêmeàvivre?Pourtant,elleledevait,ellelesavait.L’avenirdeTerrafantasiadépendaitd’elle.Maisenserait-ellecapable?–Tonpeuplecomptesurtoi,luiditungnomeauvisagetuméfié.–Jenepeuxpas…,souffla-t-elleendétournantenfinlesyeuxducorpsinertedeGuylo.Sesyeuxs’emplirentde larmesmalgréelle.Sacage thoracique tressautaen rythmeavecdescrisd’unanimalagonisant.Illuifallutquelquessecondespourserendrecomptequelesplaintesvenaientd’elle.Elletombaàgenouxdanslamaredesang…
–Lola,viensmanger!
Sacagethoraciquetressautaenrythmeavecdescrisd’unanimalagonisant.Illuifallutquelquessecondespourserendrecomptequelesplaintesvenaientd’elle.
C’esttrès,trèsmauvais,ça,medis-jeeneffaçant.–Lola,ThomasetSamanthaviennentd’arriver!s’écrieànouveaumamère,commesiçaallaitme
fairedescendreplusvite.
Maisenserait-ellecapable?–Tonpeuplecomptesurtoi,luiditungnomelevisagetuméfié.–Jenepeuxpas…,souffla-t-elleendétournantenfinlesyeuxducorpsinertedeGuylo.Sapeinefutdecourtedurée.Undessbiresdel’impitoyableJerryal’attaqua,maisÉliona…
–Lola,onsertl’apéritif!Tuécrirasteshistoiresdenainsplustard!s’énervemamère.–C’estpasdesnains,c’estdesgnomes!jecrieendirectiondelaporte.Jegrimace,regardel’heure:19h28.Sijenedescendspasimmédiatement,mamèrevapiquerune
criseetjen’auraipasdechips.Àregret,j’enregistredoncmontexteetrejoinslerestedelafamille.J’entredanslesalon,manquant
detrébuchersurMauriceentraindelécherlederrièredemonchatquisembleauxanges.–Ah,enfin!s’écriemamèreenm’apercevant.–Tuviensjustedem’appeler,maman,jedisenmeservantunverredejusdefruits.–Çaavance,tonlivre?medemandeThomasavecungrandsourire.–Oui,jepensedeplusenplusàyinsérerdeszombies,jerépondsavantdeboireunegorgée.
–Deszombiesenplusdesgnomes?Tun’aspaspeurqueçafasseunpeutrop?Enfin,jenesuispascertain…
–Samanthanousparlaitdesafuturecroisière,nouscoupemamère.–J’aimaisbienl’idéequ’unearméedezombiesdévorelacervelledeJerrya, jepoursuis,malgré
l’intrusiondemamèredanslaconversation.–L’océan Indien aumois d’avril, c’est bien. Par contre, vous risquez d’avoir chaud, relancema
mère.Bon,jecroisqu’avecmonhistoiredezombies,j’aiperduThomas,vusafaçondem’observer.–Vouspartezencroisière?jedemandeàThomaspourm’intégreràlaconversation.Manifestement,jesuisuneauteureincomprise,lelotdetouslesgrandscréatifs.–SeulementSamantha.Ellepartavecsafamillepourlerenouvellementdesvœuxdemariagedesa
sœur.Commec’estpasdutoutintéressant,toutça!Non,maisfranchement,monhistoiredezombiesestbienpluscoolqu’unecroisièresurl’océan
Indien…–IlsvontàlaRéunion,meditmamère,enthousiaste.–Ouch,Rouquinevacramer!jem’exclameenprenantunegrossepoignéedechips.CommeDorimedévisagedesesyeuxbizarres,jemedisquesoitelleveutdeschips,soitelleest
vexéequeje l’appelleRouquine.Dansledoute, je lui tendsmamainpleinedechipsécrasées.Elle laregarde,meregarde…
–Tuenveux?jefinisparluidemanderalorsqu’elleneréagitpas.Ellesecouelatêteetrougit.– Tu as intérêt de prévoir une sacrée dose de crème solaire, je lui sors en délogeant une chips
coincéeentremesdentsavecmalangue.–Je…Oui…,tente-t-elledecommuniquer.– Sinon, comment se passent tes recherches d’appartement ?m’interroge Thomas en passant son
brasautourdeDori.–C’estunepertedetemps!s’exclamemonpèredepuisl’autreboutdelapièce.Mesparents–enfin,surtoutmonpère–necomprennentpasmonbesoind’indépendance.Poureux,
çan’estqu’uneperted’argent,enplus,écrivainn’estpasunmétier,etenfin,jesuisinconscientecarmonutérusest,semble-t-il,prêtàexploseràtoutmoment.
Lefaitestque,danslarégion,l’immobilierestcher,quejen’aipasdetravailetque,sansungarantsuperbéton,çaparaîtimpossible.Autrementdit,jesuiscondamnéeàresterdanscettemaisonjusqu’àlafindemesjours!
Bon,OK,jedramatiseunpeu,là.Onvadire,jusqu’àcequemasituations’améliore.ThomasserreplusfortSamanthacontreluietmeregardeavecungrandsourire.–Samanthaetmoi enavonsparlé, et si tu esd’accord,bien sûr,Raspoutineet toi,vousêtes les
bienvenuscheznous.Jelesobserveuninstant,stupéfaite.D’uncoup,Doriremonteconsidérablementdansmonestime!–Jevaischerchermesaffaires!jerépondsenmedirigeantd’unpasfermeversmachambre.–Ahnon,jeunefille!Onvad’abordmanger,m’interpellemamère.Jehochelatêteetmefaisuneraison:cesoir,c’estgratindepommesdeterre!–Merci, je dis timidement à Thomas et à Samantha (qui sourit. Je diraismême quime sourit à
moi!).Est-cequeDorim’aimeraitbien?Jepouffeàcetteidée.Non,elleaimemonfrèreetmonfrèrem’aime!
Maisons’enfiche,jevaisvivreauborddelamer.Etvousnelevoyezpas,là,maisdansmatête,jedanse!
Je me vois déjà faire de longues promenades dans le sable, écrire sur la terrasse, aller mebaigner…
–Jen’aipasfaim,mecoupedansmespenséesmonpèrequipartdanssonbureau.Toutlemondemeregarde,etj’aicommeladésagréableimpressionquejesuisresponsabledesa
mauvaisehumeur.Je posemon verre sur la table, enfourne dansma bouche les chips qui restaient dansmamain,
prends la direction dubureau, retourne finalement prendremonverre, le bois d’un trait (les chips, çadonnesoif!)etvaisretrouvermonpère.
Unefoisdevantlaportedesonbureau,jemeredresseet inspireprofondément.Jefrappe.Pasderéponse.
–Papa,c’estmoi,jedisavecmavoixdepetitefille.–J’aipasfaim,grogne-t-ilenréponse.Jegrimace,incertaineàl’idéedecequejem’apprêteàfaire,maisjelefaisquandmême:j’ouvre
la porte sans en avoir l’autorisation.Monpère est debout, le regard perdupar la fenêtre. Je ferme laporte.Ilseretourneenfinetm’observe.
–Tuparsdéjà,c’estça?medemande-t-ildurement.–Non,papa,jepartiraiaprèsmanger,jeluisorsavecunlégersourire.–Quand je te regarde, je te vois encore commemonbébé, puis je vois tongros ventre et jeme
rappellequetun’esplusunbébéetquetuvasenavoirunàtontour.Ilsoupire,sonregardseperdànouveaudanslejardinpuisrevientsurmoi.– Lola, ma chérie, je suis très heureux de devenir grand-père, mais pendant ces dernières
semaines…Tuavaistellementbesoindenous…Etj’avouequej’aiaimét’avoirtoutprèsdemoi.Tuesmapetitefille,termine-t-il,lagorgenouéeparl’émotion.
Émueàmon tour, je traverse lapièceet le serredansmesbras. J’enfouismonvisagecontre sontorseetsouffle:
–Jeleseraitoujours,papa.JevaisjustechezThomas,quihabiteàcinqminutesd’ici.–Jesais,maisçamerassurequandtueslàetquejepeuxveillersurtoi.–Papa…–Jesais,tuesunegrandefille,maisjemesensresponsablede…Jem’écarteencomprenantoùilveutenvenir.–Papa,aumariageet,enfin…honnêtement,mêmeaprès,jet’enaivoulupourJerry,jecommence,
lavoixenrouéeausouvenirdecetteterriblejournée.J’aimisdutempsàpardonneràmonpère,merépétantque,s’iln’avaitriendit,peut-êtrequeJerry
neseraitpasparti.–Maismaintenant,jecomprends.C’estluiquiachoisidepartir.Lui.Etpastoi,jecontinue.Monpère,lui,n’auraitjamaisfuisesresponsabilités.Carc’estcequefaitunhommequivousaime.
Ilnefuitpas.Ilreste,ilvousépaule.– Je suis triste parce qu’être trahie par celui qu’on aime, c’est dur, mais ce qu’a fait Jerry est
impardonnable.Qu’ilmequittemoi,c’estunechose,maisenquatremois,ilnem’ajamaisappeléepourdemandercommentallaitsonenfant.C’estvraiqu’iln’estpasencorené,mais lesimplefaitdesavoirqu’ilgrandirasanspère,çamefaitplusmalquetoutlereste.Parcequemoi,j’aieulachanced’avoirleplusmerveilleuxdespapas,etquemonenfantneconnaîtrajamaisça,jetermineenpleurant.
Monpèremereprenddanssesbrasetmecaresse lescheveuxtandisquemes larmes inondentsachemise.
***
–Joshua,vatecoucher,jechuchotepournepasqu’ilnousentende.–Veuxpas,merétorquemonpetitfrèreavecungrandsourire.J’aimeraisbiensourire,moiaussi,maisjenepeuxpas.Jesaisques’ilnousentend,ilvanousfaire
dumaletjeneveuxpasqueJoshuaarrêtedesourire.J’écartemacouvertureetmelèveàmontoursurlapointedespieds.J’attrapelamaindeJoshuaqui
commenceàsortirsapetitevoituredelacommodeetessaiedeletirerjusqu’aulit.–Laisse-moi,s’écrie-t-il.Jemefigelorsquej’entendsunbruitenprovenancedusalon.Moncœurcognedansmapoitrine.Il
nedoitpasnousentendre.Maintenantquemamann’estpluslà,iln’yapluspersonnepournousprotéger.–Joshua,vadanstonlit!jedistoutbas.Maisc’esttroptard.Joshuahésiteuninstant,puiscourtsecachersoussacouverture.Laportes’ouvreviolemment,mais
jenebougepas.JeneveuxpasqueJoshuaarrêtede sourire…, jeme répète alorsqu’il s’approchedemoi, les
yeuxrougesdecolère.Lepremiercouptombe.J’aimal.Jemerouleenboulepourtenterd’éviterlescoupsdepied.JeneveuxpasqueJoshuaarrêtedesourire…Jemeréveilleensursaut.Mapoitrinesesoulèveets’abaissefrénétiquement.Jesuisentortillédansmesdraps,ensueur.Je
lesouvrebrutalementetm’assiedsauborddulit.Jen’enpeuxplusdetoutça,medis-jeenmefrottantlevisage.Quand j’ai quitté Lola, j’étais sûr d’avoir pris la bonne décision.Maismaintenant, jeme rends
comptequejenepourraiplusrevenirenarrièreet…J’inspireprofondément,jetteuncoupd’œilàÉlia,quiestcouchéesurleventre.Lacourbedeson
dos,desesfesses…Elleestparfaite…Tellementbelle…Jemelèveprécipitamment.J’aibesoind’unedouche.
Chapitre15
Avril
Seizièmejourdemonexil.Lesétrangeshabitantsdulieugloussentencoredanslachambredufond…
Je fronce les sourcils, tente de me concentrer sur mon texte, mais abandonne en entendant unnouveaucouinementintempestif.
–Thomas…chuttt…IlfautpasréveillerLola,soufflelafemelleauxyeuxétranges.Enréponse,lemâleenrutémetungrognementguttural.J’attrape une pleine poignée de la réserve personnelle de Dragibus de Rouquine et la fourre
rageusementdansmabouche.Commesilefaitd’avoirmisunautocollantrougeestampillé«Samantha»allaitm’empêcherde
lesmanger!C’estbien,elleaencoredesrêves,elle!Maisqu’est-cequim’aprisd’accepterdevivreaveceux?Chaque jourquipassene faitqueme rappelerma solitude, alors je suisobligéedemangerpour
oublier.Jen’aijamaisétéaussigrosseetaussipathétiquedemavie.Cetteoverdosedesucremedonnedelacelluliteetdesboutons.
Je suis au bout du bout du rouleau et ça, c’est vraiment la merde, me dis-je en attrapant unenouvellepoignéedebonbons.
Heureusement,demain,Machines’envamarinerdans l’océanIndienavecsafamille.CequiveutdirequeThomasvacertainementpassersontempsàbosserpouroublierl’absencedesarousseetquej’aurailesuperbeappartementavecvuesurlamerpourmonchatcul-de-jatteetmoi.
Unsourireseformesurmonvisageàcettepenséeavantd’êtreeffacéparuncouinementétrange.Maisc’estpasvrai!OnsecroiraitdansLeLivredelajungle,maissanslesdoublagesenfrançais.
JefroncelessourcilsenimaginantBaloogrognantcommeunvraiours.PasditqueçafasseautantmarrercecondeMowgli!
–Ohnon,pasça,gémitlemâle,àboutdesouffle.Ilfautvraimentquejeparted’iciDamienavait raison,c’est insupportable !Quand je luiaiditque j’emménageaischezThomaset
Samantha, ilm’a souhaitébonnechanceetm’aoffertuncasqueaudio. Jepeuxvousdireque j’aivitecomprispourquoi!
Donc,maintenant,iln’yaplusbeaucoupd’optionsquis’offrentàmoi:
Numéro1:jevisavecuncasquesurlesoreilleséternellement=Pasenvisageable:ilmeratatinelescheveuxsurlehautducrâne,doncj’ail’aircon.
Numéro2:lespousseràrompreetfairedeThomasmonserviteurdévoué=Pasenvisageablenonplus,carj’auraistroppeurqu’ilmetuedansmonsommeilpoursevenger.
Numéro 3 : prendre un appartement = Envisageable, mais compliqué : j’ai besoin d’un garantpuisquejen’aipasdetravail.Etpuis…évidemment,jepourraisdemanderàThomasdeseportergarant,maismavieestaussiennuyeusequepathétique,ettorturermonfrèreetsontrucrouxesttellementplusamusant!Jedoisavouerqu’ilssonthyperpatients,mêmesijesensRouquineatteindreseslimites.
QuantàThomas…Ladernièrefois,sansvraimentlefaireexprès,j’aimisdelaglaceauchocolatsurlecoussinducanapé.Ilafaillifaireuneattaquequandjel’ailéché!D’ailleurs,depuis,ilapréférétoutrecouvrird’unehousseplastifiéequicolleauxfessesquandons’assied.
Àcetteallure,jepensequequandjepartirai,leurappartementneressembleraplusàrien.Jedélogeméthodiquement lesbonbonscolléssurmesdentsetme lève,unsouriremachiavélique
auxlèvres.Jejetteunderniercoupd’œilauxannoncesd’appartementssurmonordinateurportableetfixema
ported’unaircalculateur.Jel’ouvrebrutalement,prendsunairmalheureuxetmedirigeverslachambredeThomas.
Etvas-yqueçagazouille…Jecommenceàgratter.Pasderéponse.–Thomas?j’appelledoucement.Toujoursrien.Jegratte à laporte en appelantmon frèredeplus enplus fort jusqu’à finir pary tambouriner en
continutoutenhurlantsonprénom.Ilouvreetmeregarde,lesyeuxécarquillés,lescheveuxébouriffés.Ilsembletellementperduque
ç’enseraitpresquetouchant.–Qu’est-cequ’ilya?demande-t-ilenm’observantdelatêteauxpieds.–Ilyaplusdebonbons,jelâchetoutsimplement.–De…dequoi?Jesorslepaquetdederrièremondosetluidisànouveauenluitendant:–Ilyaplusdebonbons.Ill’attrape,letournedanstouslessensetvoitlenomdeSamanthadessus.–Mais,iln’étaitpasàtoi,mesort-il,lessourcilsfroncés.Attention…1,2,3…–Nemecriepasdessus…Jeveuxjustedesbonbons…Tuneterendspascompte,jesuistellement
seule!jem’écrieenmemettantàpleurerdefaçonthéâtrale.–Je…jesuisdésolé…jevaisvoirs’ilyenad’autres!finit-ilenregardantàdroiteàgauche.–Samanthaenaencore,jecrois,jesorsencontinuantdepleurer.–Euh,jenesaispas…–Si…Ellelescachedansledeuxièmetiroirdelasalledebains,dansuneboîtevidedetampons
hygiéniques…,jedisentredeuxhoquets.–Euh…jevaisvoir…,dit-ilenretournantdanslachambre.–Qu’est-cequisepasse,encore?luidemandeSamantha.–Elleveutdesbonbons,luichuchote-t-il.Silence.–Mais,c’estmesDragibus!s’exclame-t-elle.–Jet’enachèteraidemain,promis,luidit-il,visiblementmalàl’aise.–Ilfautquetuarrêtesdecéderàtoussescaprices,luisortSamanthadurement.
–Maisellepleure…,souffle-t-il.Silence.Jel’entendsrevenir.Jemevoûtelégèrementetbaisselatête.–Euh,tiens,fait-ilenmetendantlaboîtedetamponsrempliedesachetsdeDragibus.–Merci,jechuchoteenlesprenant.Jerenifleencoreuncoupetretournedansmachambre.Lesbonbonsdelavictoire…
***
JeregardelaphotodeLola,passemonindexsurlacourbedesonventreetsouris.Elleestmagnifique…Untasdequestionsmesubmergent.Filleougarçon?Est-cequeLolaadéjàchoisiunprénom?Est-
cequ’ellem’aoublié?Àcettedernièrequestion,monsourires’évanouit.Ellenelesaitpas,maiselleestlafemmedema
vie.Sanselle,monexistencen’estplusqu’unesuccessiondejoursdontleseulbutestdesurvivre.Etàlapenséequ’ellem’oublieetqu’ellemeremplaceparunautrehomme,jemesensmourir.
–Encore?medemandeÉlia,avecunemoueréprobatrice.Sansunmot,jeremetslaphotodanslapochearrièredemonjean.–SiQ.apprendquetuasencoreunephotodetachèrefiancée,çanevapasluiplaire,situvoisce
quejeveuxdire.Mesmuscles secontractent,mon regardseposesurÉlia. Je la fixe jusqu’àcequ’ellebaisse les
yeux.Jen’aimepascegenredemenaceetellelesait.–Garde-la,taphoto,siçapeuttefaireplaisir!Maisunefoisquetasijoliefiancéeseraaucourant
detoutcequetuasfait,ellenevoudraplusdetoi,lâche-t-elleavecungrandsourire.Elleserapproche,posedoucementsespaumessurmontorseetsouffle:–Danstouslescas,ç’enestfinientrevous,ettulesais.Elle se hisse sur la pointe des pieds et dépose un léger baiser surmonmenton avant de partir.
J’observelemouvementdeseshanchesquis’éloignent.Ellearaison.C’estfini…Toutestfini…
***
Cours,Tyler…Cours…Moui,tuasraison,arrachecevilaintee-shirt…Qu’est-cequ’ilesttorridecemec,medis-je,hypnotiséeparlesabdossaillantsdeTylerHoechlin.Oui…Grognepourmoi…Montéléphonevibre.Je jetteuncoupd’œiletsoupireenvoyantquec’estencoreunmessagede
Matt.
Qu’est-cequetufais?JeregardeHotwolf.
Jerépondssansquitterlasériedesyeux.Noooon…Ellevapasl’embrasser?
Montéléphoneseremetàvibrer,etMauricevientsedandinerdevantmoiàcemoment-là.Jechopelechienetregarde,lesyeuxécarquillés,Alisonposerseslèvressurcellesd’Isaac.–Lola, tu saisqueMauricen’apas ledroitdemonter sur le canapé sans sa couverture,me sort
Thomasdepuislacuisine.Maisilsvoientpasquejesuisoccupée,là!Qu’est-cequ’ilsont,tous,àvenirm’embêter!–Mmh,ilestsurmesgenoux,jeréponds.Scottvapasêtrecontentdutoutquandilvaapprendrequ’AlisonsefaitbizouillerparIsaac.Ilestcharmantluiaussi…Ildevraitenleversontee-shirt…Thomass’approcheavecunecouvertureetMauricevas’ycoucherdocilement.–Cechienestcommetoi,mortellementennuyeux,jem’exclameenmepenchantpournerienlouper
demasérie.–Jeteremercie,Lola,çamevadroitaucœur.Mmhderien,déga…Jerêveouilamissurpause?!Maisc’est…Maisc’estscandaleux!–Jepeuxsavoirpourquoituasmissurpause?jedemande,àdeuxdoigtsdel’étriper.–Jedoisteparler.Ilaintérêtàcequecesoitcostaud,sinon,jevaisfairedesavieunenfer!Non,ça,c’estdéjàle
cas…Ben,çavaêtrepire!–J’aidécidéderejoindreSamanthapendantsacroisière.Youhouuu ! Je vais avoir l’appartement pour moi toute seule… Faisons comme si cette
perspectivenemeréjouissaitpastrop.–Tuasdécidéçaquand?–Ilyaunmoment,enfait.JeprendsleprochainvolpourlaRéunion.Leprochain?C’estquand?Aujourd’hui?–AvecMaurice?jedemande,l’airderien.Toutd’abord,jevaisprendreunmégabaindanslasuperbaignoiredeleursalledebains.Jegrimaceenpensantquec’estpeut-êtrepasunetrèsbonneidée.Ladernièrefois,jen’arrivaisplus
àensortir,etRouquineadûm’aider.Encoreunmomentdemaviequejepréfèreoublier.–Non,c’esttoiquivaslegarder,medit-ilensortantungrosclasseurbleudutiroir.JefixelaphotodeThomas,SamanthaetMauriceenguisedecouverture.Bordel!Finalement,lepluspathétiqueentrenousdeux,c’estThomas!–MauriceMorell?jesors,amusée.–Pourlemoment,c’estMauriceGarnier,maisj’espèreque,bientôt,ceseraMorell.Pathétiquementpathétique!–Oh!–Oui.–TuvasrejoindreSamanthapourluidemanderd’adoptersonchiot?jesorsenpouffant.–Non,pourlademanderenmariage!–Tucroisqu’ellevadire«oui»?jedemandesansréfléchir.–Pourquoi?Tupensesquec’est trop tôt?Qu’elle refusera?Oh,monDieu,elleveut rompre?
m’interroge-t-ilavecunevoixhautperchée.–Non!Jedisaisçacommeça!Elleestfolledetoi.Pourvuqu’elleaccepte!J’espèrenepasêtrealléetroploin…Etsielleluidisait«C’estmoiou
tasœur»?Ilseraitfoutudemechoisir!–Situsavaisquelquechose,tumeledirais?Sielledit«non»,ils’enremettrajamaisetçaseramafaute.
Etsiellelequitte,quic’estquivam’aideràmettremeschaussures?Ou…pire,jen’auraispluspersonne à torturer ! Pourvu qu’elle ne supprime pas la seule chose qui me rende heureuse. J’en aitellementbavécesderniersmois,ettorturerDori,c’esttellementmarrant…
Etvoilàquemeshormonespointentànouveauleurnez!J’aiétéméchanteavecRouquineet,parmafaute,ellevajeterThomascommeunegrossemerde,etjedevraimarcherpiedsnus,etjen’auraipluspersonneàquivolersesbonbons!
Thomasm’observe,attendantvisiblementquejerépondequelquechose.–Oui,jenelalaisseraipasbrisertoncœurcommeJerrymel’afait,jesorsententantderefouler
meslarmes.Jevaistrouvercommentlafairerester.Peut-êtreque,pendantuntemps,jepourraisêtregentilleavecelle?Non,ellevasedouterdequelquechosesijechangedecomportementd’unseulcoup…–Revenons-enàMaurice,mesortdemessongesThomasentapotantleclasseur.Ungenred’adaptationendouceur…–Jeveuxquetulegardespendantquejeneseraipaslà,reprend-il.Le problème de l’adaptation en douceur, c’est que Dori est en train de faire un remake de La
croisières’amuse.Doncçavaêtrecompliqué…–Qu’est-cequej’aimeraispartirencroisière,jelecoupe,enpleineréflexion.Maisvoilàlasolution!Jeregardeauloinuninstantetj’ail’impressionderevivreBraveheartàmoitouteseule.Unefolle
dosedecourage,d’audaceetd’impétuositémesaisitàcet instant.Si j’étaisdansunfilm,unemusiquesuperinspiranteretentiraitàcemoment.Peut-êtreAlivedeSia.
Ouais,elleestintense,cettechanson!–Lola,lechien!mecoupeànouveauThomas.Ilnevoudrajamaisquejevienneavecluiencroisière,medis-jeenlescrutant,agacée.–Oui,bon,çava!Jelenourriraietlesortirai.Soispasgrognoncommeça.S’iln’ymetaucunevolonté,aussi,jenerisquepasd’arrangerleschoses!Pourtant,leplanesttellementgénial.Moi,lesoleil,untransat…Jediraisunoudeuxtrucssympasà
Rouquine.Du style que ses cheveux sont… indescriptibles, par exemple…Non, ça risque d’êtremalinterprété…Oubien…Bonsang,riennemevient!
–Ilnesuffitpasdelenourriretlesortir,reprendThomasenouvrantsonclasseur.Mauriceabesoindesoinsparticulierscomme…
IlmemontredesphotosdeMauricesurledos,etlà,jedoismerendreàl’évidencequeThomasestcinglé.Oupathétique.Oubienpathétiquementcinglé.
–Là, par exemple.Tu as comment lemasser, et surtout, quel type demassage il faut adopter enfonctiondesonhumeur.
Mesyeuxs’agrandissentaufuretàmesurequejelis.–Maisqu’est-ceque…«Fatigué?Couinementsupérieuràdeuxminutes?»Maisqu’est-ceque
vousfaitessubiràcettepauvrebête?!–C’estjusteque,deuxsemaines,c’estlongpourunpetitchien.Cesontdesrepères…Maisqu’est-cequec’estquecesconneries?–«Lemassagedoitêtrerelaxant.Presserlespointssensiblesentresescoussinets».Commesij’allaismasserlescoussinetsd’unchien!–Oui,tudois…–J’hallucine,tuasmêmefaitunDVDexplicatif?!–Oui,c’estpourquetuvisualisesbien.–Bonsang,Samanthaettoi,vousêtescomplètementfrappadingues!
–Enréalité,c’estsurtoutmoi.–Çanem’étonnepas,onreconnaîtbientapatte!jesorsenriant.–Donc…,iltentedereprendre.Sapatte…oh,bonsang,cequejepeuxêtredrôle!–Passonsaurepas.Quand je pense que je vais devoir masser leur chien pendant qu’ils vont bronzer dans l’océan
Indien.Iln’yavraimentaucunejustice.C’estmoiquidevraispartirencroisière!–Tusaisquejen’aimêmepaseudevoyagedenoces?jelecoupeenm’imaginantsuruntransatau
borddelapiscineavecTylerHoechlin.–C’estnormal,puisquetunet’espasmariée!s’écrie-t-il.Jeleregarde,horrifiée,et…voilà,jepleure!–Jesuisdésolé,Lola,jenevoulaispas…–Ohnon, tu as tout à fait raison, jeneme suispas«MARIÉE» ! je reprends, enmemettant à
pleurerencoreplusfort.Moiquicommençaisàmesentirmieux,etvloup,ilmebalanceça!–Écoute,tupartiras…–QUAND?jecrie.Jesuisénorme!Sijevoulaisfaireunvoyage,ceseraitmaintenantoujamais…
Après,jeseraiseule…avecmonbébé…Ilsoupireetselaissetomberdanslefauteuilàcôtéducanapé.Jechercheautourdemoi:pasdemouchoir!Jelorgnelecoussin.–N’ypensemêmepas!mesortThomas,lessourcilsfroncés.Cequi,pouruneraisonm’échappantcomplètement,faitredoublermessanglots.Thomassortsontéléphonedesapochependantquejepleureenfixantlecoussin.–Regardez s’il resteuneplacepour levolMontpellier-laRéunion,demande-t-il.OK, lâche-t-il,
quelquesminutesplustard,l’airdépité,avantderaccrocher.Tuasdixminutespourfairetesvalises,melance-t-il.
Jeleregarde,lesyeuxécarquillés.–JevaisàlaRéunion!jem’écrieenbondissantdejoie.–Ilsemblerait,souffle-t-il.Jeleserredansmesbrasetparsencourantendirectiondemachambre.J’attrapemontéléphoneetenvoieunmessageàMatt.
JevaisàLaRéunionavecThomas!!IlvademanderDorienmariage!
Jesorsmavalise,yjetteunmaillotdebainetlesacdevêtementsdegrossessed’étéquej’aiachetérécemment.
Montéléphonevibre.C’estMatt…
Tucroisquejepeuxveniraussi?
Jeréfléchisunesecondeetmedisquesij’yvais,iln’yapasderaison.
Oui.
Puisjebouclemavalise.C’estletruclepluscoolquejefaisdepuiscinqmois!Jecroisque jevaisêtreplusgentilleavecThomasetRouquineàpartirdemaintenant.Ou,en
toutcas,jevaisessayer!
Chapitre16
Mi-mai
–Çafaisait longtempsque jene t’avaispasvuesourirecommeça,meditAlex,enmeregardantavecsesyeuxdegrandfrèrefier.
Pourtouteréponse, je luiadressemonplus jolisourireavantdemeremettreàfarfouillerdansleplacardàlarecherchedemonchapeau.
– Dois-je en conclure que tu te plais, ici, finalement ? m’interroge-t-il en poussant un amas devêtementssurmonlitpours’asseoir.
– J’avoue qu’au départ, ce n’était pas évident,mais jem’y fais. J’adore vivre à côté de lamer.Raspoutinepeutgambadertoutelajournée,etj’aipresquefinimonromanfantastique!
–Zombieornotzombie,alors?–Ilfaudralelire,jeluisorsavecunclind’œil.–Tanouvelleéditriceenpensequoi?–Ehbien,jenesaispasencore.Maissiçaneluiplaîtpas,jel’enverraiàd’autres,jeluiréponds,
sûredemoi.Jetrouveenfinmongrandchapeau,levissesurmatêteetreprends:–J’avouequejel’aisurtoutécritpourmoi.J’avaisbesoinde…jenesaispascommentdire…–FairearracherlecœurdeJerrypardeszombies?–Entreautres,jesorsavantdem’esclaffer.Alex n’a pas tort. J’avais besoin de faire ce que je n’avais pas eu l’occasion de faire en vrai :
arracherlatête,lecœuret,aupassage,lespartiesintimesdeJerry.J’enaifinidesouffrirpourunhommequineveutplusdemoi.Çan’apas été facile,maismaintenant, çavabeaucoupmieux. Je croisquecequi a tout changé,
c’est lemariage deThomas et de Samantha.C’est ça que je veux. Je veux unhappy end, je veux unThomasetSamantha,unPauletWill(quimecassentlespiedsaveclesphotosdeTeckyleurteckel).
Jenesuispasparfaite,mais jeméritemieuxquecequem’a fait Jerry.J’aimisdu tempsàm’enremettre,maisjevaissurvivre,etmonpetitJedietmoi,onvaêtrelesplusheureuxdelaTerre.
–Allez,magrosse,onvabronzer!lanceAlexenselevantd’unbond.Jelesuisgaiement,enm’emparantaupassagedelacouverturedansleplacarddel’entrée.–Onvaprendrelesoleil,tuveuxvenir?jeproposeàSamanthaententantdenepasrire.–Enfait,jesuisencoreunpeu…–Rouge?jefinispourelleenpouffant.
J’avouequejen’avaisjamaisvuquelqu’und’aussicramé!–C’est vrai que tu as une jolie teinte.Entre la tomate et le potiron, je dirais, lui ditAlex en la
dévisageantouvertement,cequilafaitrougirencoreplus.Finalement,jel’aimebien,cetteDori.–À toutà l’heure,Rouquine, je lâcheenpassantdevantelle touten tâchantd’ignorer leséclairs
danssesyeux.J’aiditquejel’aimaisbien,pasquec’étaitdevenumameilleureamie!–Jesuiscontentequetusoislà,jedisàAlexensautillantpresqueendirectiondelaplage.–Moiaussi,Quenelle,mesouffle-t-ilensouriant.–Mêmesimoiaussij’auraisaiméveniràlacroisière,ajoute-t-ilavecunemouededépit.–TunevaspasfairetonMatt!jem’écrie.–IlrabâcheencoreleséjouràNewYorksanslui?–Ilsesentmisà l’écart.Et jecroisqu’iln’atoujourspasoubliéSafia, jesorsenchaussantmes
lunettesdesoleil.–C’estvraiqueThomasaattrapédespouxensefaisantmordreparunsinge?medemande-t-il,
amusé.–Alors,enfait,non.Lemédecinaditqu’ilrisquaitd’attraperdespoux.Ducoup,ilapsychotétout
leséjouretilafalluregardertouslesjourss’iln’enavaitpas.Alexsemetàrire.C’étaitpastriste,cettecroisière,etjesuiscontented’yavoirparticipé.Thomas
etsarouquinem’auraientpresqueréconciliéavecl’amourtellementilsétaientbeaux.–Tusaisquoi?Installelacouverture,jeterejoins.Jevaischerchermapochetteàdessin,melance
Alexunefoissurlaplage.Jehochelatêteetleregardes’éloignerverslavoiture.J’inspireungrandcoup.Leventsouffleàcemoment-làet,commepourparfairecetinstant,lebébé
medonneuncoupdepied.Jedéposelacouverturesurlesableenchantonnantet,enattendantAlex,jedécidedemetremper
lespiedsdansl’eau…oupas,enfait:elleestgelée!Jeplongeunorteil,histoirededirequejel’aifait,etretrouvemonfrèrequiestdéjàinstallé.–Onn’estpasbien,là?jesorsenrestantplantéedevantlacouvertureavecunegrimace.Ilnem’écouteplusetfixelameravecsonregardinspiréquej’adore.Alex,Mattetmoisommeslabranchecréatricedelafamille,tenantdenotremèrenotreimagination.DamienetThomasressemblentdavantageànotrepère.Ilssontcarrés,danstouslessensduterme,
etpossèdenttouteslesqualitésquifontd’euxdesupersagents.Bon,maintenant,lesouci,c’estcomments’asseoiravecunminimumdedignité.Habituellement,je
viens lematin très tôt, ou en toute finde journée avecDori.Et– j’ai hontede l’admettre–mais ellem’aide(àmereleveraussi).
–Tunet’assiedspas?finitparmedemanderAlex.–Jeprofitedelavue.–Tuveuxuncoupdemain?–Allez,oui,jeveuxbien,puisquetuinsistes,jesorsavectoutelamauvaisefoipossible.Ilselèveenriant.Une foismes fesses sur lacouverture, jemedisqu’après touscesexercices,unepetite siestene
seraitpasderefus.
***
Rendez-vousà17heuresaveclesfichiers.
Q.
Jen’aimepasçadutout.Ils’agitd’untest,j’ensuissûr.Untestpourvoirsij’aioubliéLola?Oupourvérifiermonimplicationdanssesplansmachiavéliques?Oubienlesdeux…
Éliaavaitraisonpourlaphoto.J’ai besoin deme défouler. J’enfile un jogging,mes baskets et rajoute une casquette.On ne sait
jamais,jesaisquelefrèredeLolanevitpasloin,jenevoudraispasqu’onmereconnaisse.Unefoisenbasdel’hôtel,jem’étireunpeuetgrimacequandjeressensunedouleurviveàlahanche.Jecommenceàtrottiner.Ma jambevabeaucoupmieux. Jeneboitequasimentpluset j’arrivemêmeàcourir.Maisnemettonspas…
Jemefige.Lola…
***
J’ouvreunœil.J’aichaudauxjoues.Jem’étire,ouvrel’autreœil.Jemesuisendormieauborddel’eauetj’adoreça!Par contre,mon visage ne semble pas apprécier lemanque de crème solaire. Je dois être rouge
commeuneDori.Jediraisbien«commeunetomate»,maislaRouquineesttellementplusreprésentativequ’unetomatequ’ilfaudraitdemanderàl’Académiefrançaisedechangerl’expression.
–Ben,mazette,t’asprisunsacrécoupdesoleil.T’asmêmelamarquedeslunettes!J’avaisoubliéquetugrillaisaussifacilement,lanceAlexentouchantmesjouesduboutdel’indexavecunegrimace.
Ilrangesesaffaires,selèveetmetendlamainpourm’aideràmemettredebout.–Allez,viensmagrosse,onvanourrirlebébé!lance-t-ilenramassantlacouverturependantqueje
m’étire.DeretourchezThomas,nousposonstoutdevantl’entrée.–Rouquineestpartiedéjeuneravecsoncherettendre,jedisàAlexenlisantlemotsurlatable.–Jet’invite?–Avecplaisir!Je lorgnemesbasketsetmedisfinalementquelesballerines,c’estmieux,etsurtoutplusfacileà
enfiler.
***
Ilfautquejeparted’ici…Jenepeuxpasresterlà,àlaguetterdevantchezThomas!Putain,s’ilmerepère…Siellemerepère…Jemepasseunemainsurlevisage,deplusenplusagité.Jedoispartir,jelesais,maissijepouvaislavoirneserait-cequ’unesecondedeplus…Comme pour exaucer mes souhaits, Lola finit par sortir de la maison avec son frère Alex. Ils
discutent,rientetprennentladirectionduport.Jemefaufilederrièreeux,m’arrêtantàplusieursreprisesàcausedeleurfaibleallure.Elleestencoreplusbellequesurlaphoto.Elleaprisdescouleurs,etsescheveuxsontplusclairs,aussi…
Je sais qu’elle va bien, j’aimême pu avoir les échographies du bébé,mais j’aimerais tellementpouvoirposermamainsursonventreetsentirnotrebébébouger…
J’interrompsmespenséesquandLolaetAlexchoisissentunrestaurant.J’aviseunpalmierettentedemecacherderrièreletroncautantquepossible.
Jenesaispassij’arriveraiàpartir,àlalaisserencore…J’aimeraistellementluiparler…Est-cequ’ellealumonmotàNewYork?Moncœursemetàbattreplusfortquandlaplusgrandequestionquejemeposemebrûleleslèvres
etlapoitrineàm’enrendrefou.Est-cequ’ellem’aimeencore?
***
–J’ailuqu’onsupportemoinslesoleilquandonestenceinte.J’auraisdûemporterlacrèmesolaire,melanceAlexenm’observant,lessourcilsfroncés.
–Quoi?T’asluçaoù?–Unmagazinequitraînaitdanslestoilettesdesparentsetjem’ennuyais,commence-t-ilenattrapant
lemenu.Jeleregarde,l’airétonnée.Ilrelèvelatêteetmesort:–Ilsdisentquec’estàcausedeshormones.Commesicettedernièrephraseexpliquaitlefaitquemonfrèrelisedesmagazinesdegrossesseen
s’ennuyantauxtoilettes.–Franchement,Alex,c’estbizarre.–Jenepensepas.Jenesuispasunexpertenbiologie,maisc’estbienprobablequeleshormones
aientuneincidencesurlapeau.–Jeparlaisdufaitquetulisesdesmagazinesdefemmeenceinteauxtoilettes.–Danslestoilettesoulesalon,jenevoispascequeçachange.–Jefaisaisréférenceaufaitquetulisesdesmagazinesdecegenre,etnonaulieu!–Ehbien,peut-êtrequesituleslisais,tuauraissupourcettehistoired’hormones!merétorque-t-il,
lessourcilsfroncés.Mamèreachètepleindemagazines,soi-disantpourmoi,maisjen’ensuispascertaine.Ladernière
fois,j’aitrouvémonpèreentraindelireunarticlesurlarééducationdupérinée.Ilspassentleurtempsàme tripoter leventre, à regarderdesémissionsetdesbouquins sur lesbébéset les femmesenceintes.Bientôt,ilyenaunquivamedirequ’illuiapousséunvagin!
J’aimêmeeuledroitàunelistedeprénomsdelapartdechacund’entreeux.Etc’estàceluiquivagagner.Touteslesdeuxsecondes,ilsmevantentleurchoix.
Jemedemandemêmes’iln’yapasunpariencours.–Sinon,pourleprénom,tuasjetéuncoupd’œilàmaliste?medemande-t-il,l’airderien.Qu’est-cequejedisais?–Oui,maisilsnemeplaisentpas,jeluirépondsavecunlégersourire.– Comment ça ? Il y en avait des vraiment chouettes ! lance-t-il, outré. Coccinelle ? Ou bien
Gabin…,continue-t-il.–«Coccinelle»?–C’estoriginal.–C’estlemoinsqu’onpuissedire.Noussommesinterrompusparlaserveuse,àquijecommandeuncocaetunepizzaquatrefromages.
J’aibesoindegras!
Tandisquejelaregardepartir,j’aperçoisauloinunhommeavecunecasquettedebase-ballbleue.C’estdrôle,ilmesemblefamilier…
–Donc,moinsoriginal…LucieetBernard?mecoupeAlexdansmespensées.–T’asfaitunpari,ouquoi?–Jenevoispaspourquoitudisça,chouine-t-il,vexé.–Bernard,Coccinelle,Émeraude…Etpourungarçon,enplus ! J’avoueque jene saispasquoi
dire.Jemedemandejusteoùtuvascherchertoutça.–Arrête,c’estquandmêmemieuxquecequet’aproposéThomas!–J’avoue,jeconfirmeenriant.–C’étaitquoidéjà?–Charles-VincentetMardoche,dis-jeengloussant.–Etaprèsça,tucritiqueslesmiens!–Émeraude,pourungarçon,jetrouvel’idéeunpeuétrange.–C’estmieuxqueCamomille.–C’estvrai.Mamann’apasététrèsinspirée,là.–EtMatt?–Shakira.–Bordel,çadoitêtreduràporter!–Commetudis…–Damien?–Tom,jesouffle.Monsourires’effacelégèrementenprononçantleprénom.Damienl’avaitproposéavantqueJerry
nes’enaille.Jetrouvaisçamignon,àcemoment-là.TometJerry…Maismaintenant,jenesaisplusquoipenser.DéjàparcequeJerryn’estmêmepassonvraiprénom,
ensuiteparcequ’ilneverracertainement jamaiscetenfant,vuque jen’aiplusaucunenouvellede lui.Est-cequ’illuiarriveseulementdepenseràsonbébé,oumêmeàmoi?
–Bon,donne-moijusteunindice.Ildoitbienyenavoirunquiteplaît?medemandeAlex.Jetoussotepourmeressaisiretluilance,taquine:–Jenetedirairien.Tudevrasattendre,commelesautres.–Dis-moijustesic’estunefilleouungarçon,mesupplie-t-il.Aaaah,j’aimepasquandilmefaitceregard-là!Alexestbientropcharmant…etillesait!Jemeredresseetluirétorque,sûredemoi:–Jenesaispas.Etjetel’aidéjàdit,ceseraunesurprise.–Lola,tumenstrèsmal!Pourtouteréponse,jememetsàrire,cequil’agaceencoreplus.NoscommandesarriventmaisAlexnelâchepasl’affaire.–Margarita!s’exclame-t-il,commes’ilvenaitd’avoirunerévélation.Jeregardeautourdemoietaperçoisànouveaul’hommequinousobserve.Ilmeditvraimentquelquechose,maisilestbeaucouptroploinpourquejedistinguebien.Jeplisselesyeuxfaceausoleiletfinisparlaissertomber.–Alors,tuaimes?medemandeAlex.–Leprénom,lapizzaoulecocktail?Ilréfléchitunesecondeetmesort«Lestrois!»enhochantlesépaules.–Jen’appelleraipasmonenfantMargarita.EtpourquoipasTequila,tantqu’onyest!
–J’aimeassezTequila,merépond-il,l’airsongeur.Maisonditquec’estmoiquil’aiproposé,situlechoisis,continue-t-ilenfourrantunénormemorceaudepizzadanssabouche.
–Alex,sérieusement,qu’est-cequevousavezparié?Ilseredresseetmesort,l’airfaussementinnocent:–A-bso-lu-mentrien!Jeleregarde,ilmeregarde…Etaprès,onditquec’estmoiquimensmal!Unepizza,monfrère,lesoleil,monbébéquigigotedansmongrosventre…Uninstantparfait!
***
Jepresselepas,arriveàl’hôteletunefoisdansl’ascenseur,j’enlèvemacasquette.Putain,j’auraispasdûfaireça.Lesmainstremblantes,jemefrottelevisageavantd’expédierunviolentcoupdepoingdanslacage
enfer.J’inspireprofondémentavantquelesportesnes’ouvrent.Mespasrésonnentdanslecouloir.Jesors
lacartemagnétiquedemapocheetouvrelaportedemachambre.–Ehbien,moncœur,oùétais-tupassé?medemandeÉliaensortantnuedelasalledebains.–Jemesuisditquedescroissantsteferaientplaisir!jeluisorsavecungrandsourire.–Àcerythme-là,jevaisfinirparêtreénorme!s’exclame-t-elleentriturantsonventreultra-plat.–Tuasdelamarge,jeluisouffleavecunsourireencoin.Ellesemblesatisfaitedemaréponseetretournedanslasalledebains,melaissantseulavecmes
regrets.Jenesaispascequimepeineleplus.D’êtrepartidurestaurantoudel’avoirvue.D’êtreparti,incontestablement.Jenepensaispasquej’enaurailaforce,mais…l’enjeuestbientropimportant.
Chapitre17
J’auraispasdûmangerdepizza,medis-jealorsqu’uneremontéeacidem’indisposedenouveau.Jetourne,meretourne,mereretourne,songeàmamèrequiditque,quandonadesremontées,c’est
quelescheveuxdubébésontentraindepousser,imaginequejevaisaccoucherdeKingKong,grimaceàl’idéed’avoirunbébépoiluqu’ilfaudraitquej’épile…
Bon,fautquejeprenneuntruc,j’enpeuxplus.Est-cequesijeprendsunantiacide,çavaempêcherlespoilsdubébédepousser?Est-cequesijeposecegenredequestionaugynéco,ilvametrouverbizarre?Certainement!Onvaéviter.Parcontre,riennem’empêchedefairedesrecherchessurInternet.Googlesauracertainementme
répondre.Jemelève,medirigeverslasalledebainsetm’arrêtequandj’entendsThomasdanssonbureau.–Nonseulementcetenfoirésepermetdemettremasœurenceinteetde la laisserdevant l’autel,
mais, comme si ça ne suffisait pas, il s’introduit dans mon agence pour me voler des dossiersconfidentiels!hurle-t-il.
IlparledeJerry?–Calme-toi,Thomas,luiditunevoixquejereconnaisimmédiatement.ThomasparledeJerryavecmonpère…J’entendsmonfrèresoupirer.Ilnedécolèrepas.J’essaiedefaire tairemoncœur,quis’estmisà
cognerviolemmentdansmapoitrine,maisc’estsanssuccès.C’estlapremièrefoisdepuiscinqmoisquej’aidesnouvellesdeJerry.–Nouspensonsqu’ilarejointl’équipedeQ.etquec’estpourellequ’ilavolécesinformations.«Q.»?Jecroyaisqu’elleétaitenprison!Etpourquoiill’aiderait?–Est-cequ’onadunouveauàproposdesonévasion?–Non,Damienétaitsurlecoupavantlemariage,maisaprès,lenouveaudirecteurdel’Agencel’a
missurautrechose.Q.s’estéchappéeetpersonnenemel’adit?J’enaimarredecettefoutuemaniedenejamais
rienmedire!Jerrynetravailleraitjamaispourelle,j’ensuispersuadée.Elleadûlemenacer…oumemenacer…
Moncœur accélère encore à l’idée qu’il a peut-être choisi deme sauver, qu’il nem’a pas justequittée,qu’ilm’aimevraiment…qu’ilyaunespoirpournousdeux…
– Mes hommes ont pu récupérer quelques infos, mais rien de concret, explique Thomas. Il estaccompagnéd’unefemme.Selonlespremiersélémentsdel’enquête,ilsentretiennentuneliaison.
Une femme…Une liaison… Je manque une respiration et m’appuie contre le mur pour ne pasm’effondrer.
Ilyaencoreuneseconde,jepensaisqu’ilm’aimaitpeut-être,jepensaisque…Oh,monDieu…–Tulesaisdepuisquand?demandemonpère.Jerestesuspendueàcesmots.J’attendslaréponsecommeonespèreunebouéedesauvetage.J’ai
l’impressiond’êtreperdueenpleinetempêteetquerien,plusriennepourramesauver.–Nousavonsdesphotosd’euxjusteaprèssafuitedumariage.Lemariage…Ilm’aquittéepouruneautre…Monestomacsesoulève.Jeposeunemaintremblantesurmabouche.J’aimal,tellementmal…Silence.–Ilsontdéjàl’airplutôtintimes,sortmonpèreavecdudégoûtdanslavoix.«Intimes»?Ilétaitintimeavecellealorsquenousétionscensésnousmarier?Commentest-ce
queçaapuarriver?Pourquoijen’airienvu?J’entendsunesortedebruitsourdetcomprendsqu’ils’agitd’uncoupdepoingsurlebureau.–Regarde-moiça!C’estdatédulendemainetonlesvoits’embrasser!criemonpère,fouderage.C’estellequ’ilachoisie.Seslèvresàelle,soncorpsàelle…Ilm’aditqu’ilm’aimait,qu’ilnepourraitpasvivresansmoi,alorsquec’étaitàellequ’ilpensait,
c’étaitavecellequ’ilvoulaitêtre,etpasavecmoi!–Jepensequ’ilvautmieuxneriendireàLola,souffleThomas.Ben,voyons!Çanem’étonnemêmeplus!–C’estpréférableeffectivement,vusonétat.Elleadéjàassezsouffert.J’essuieunelarmeégaréesurmajoue,memordsleslèvrespourqu’ilsnem’entendentpaséclater
ensanglots.–Ilvaudraitmieuxquej’yaille,tamèrevas’inquiéter,ditmonpère.Il me faut quelques secondes pour intégrer l’information et que je reparte me cacher dans ma
chambre.Exténuée,jemelaissetombersurmonlit.Depuisledébut,Jerrysemoquedemoi.Ilnem’acertainementjamaisaimée,etlebébén’estquele
fruitd’unmalheureuxaccident.Maispourquoim’avoirdemandéeenmariage?Pourquoiilnem’apaschoisie,moi?Nous?Iln’amêmepaseulecouragedemedireenfacequ’ilnevoulaitpasfairesavieavecmoi.Ils’est
enfuicommeunlâche.Jepasseunemainsurmonventreetsensbouillirlacolèrequisommeilleenmoidepuisbientrop
longtemps.Jevaisleretrouver.Jeveuxqu’ilmeregardeenfaceetqu’ilmedisequ’ilnem’aimepas,quejen’aijamaiscompté
pourlui.J’essuierageusementmeslarmes.J’aibientroppleurépourlui.Ilneméritepasmonchagrin.Lolaestderetouretellen’estpascontentedutout…
DécouvrezlasuitedesaventuresdeLoladansleprochainépisode:
Lola–Petite,grosseetprêteàtout
Chapitre18
Toujoursmi-mai
Voilàoùj’ensuis…Couchéedansmonlit, lesjambesetlesbrasécartés,leregardperdudanslacontemplationduplafondetsurtout,encoreunefois,lecœurenlambeaux.
Enfinpasexactement-exactement.Parceque,vuqu’ilest4heuresdumatin,jedistinguepasgrand-choseduplafondàpartdesombres.
Maispourtoutlereste,c’estça!medis-jeensoupirant.Jesuisépuisée…Q. s’est échappée. Jerry m’a quittée pour une autre et, accessoirement, a rejoint l’équipe de
psychopathesdesonex-chefàlacoiffuredePlaymobil.Jeveuxdireque,lemec,ilnepeutpasjustemequitter.Non,ceseraittropsimple.Ilfautqu’enplus
il rejoigne lecôtéobscurde la forceet s’embarquedans jenesaisquelplan torduquineconsisteenaucunefaçonàsauverlemonde!
Jecroisqu’onpeutdirequec’estlepomponsurlegâteau.Ouuntrucdanslegenre…Jenesaispas,jenesaisplus…,medis-jeenmefrottantlevisage.Monmondes’estànouveaueffondréparsafaute.Encore!Ilyacommeunairdedéjà-vu…Jesuisirrécupérable.Pathétiqueetgrosse…Jesensmagorgeseserrer,malèvreinférieuresemettreàtrembler.J’yenfoncemesdents,mords
plusfortpournepasmeremettreàpleurer.Malgrétout,unelarmecoulelelongdemajoue.Jel’essuierageusement,encolèrecontremoi,contreJerryquim’aabandonnée,etencorecontremoi,quipleureunhommequinememéritepas.Jerenifleencherchantàtâtonsunmouchoirdanslapénombre.
–Lemondeestcontremoi ! jecrieenmemettantàpleureràchaudes larmesquand jeme rendscomptequelaboîteestvide.
Furieuse,jelajettecontrelemuretmelaisseretombersurlelit.Raspoutinesursaute,m’observe,outréquej’aieoséperturbersonsommeil,etserecouche.Ilmejetteunderniercoupd’œilquisembleêtreunavertissement,«Situmeréveillesànouveaujetebouffe»,etserendort.
–Tuescensémeréconforter,saletédematou!jeluihurleenmemettantàpleurerencoreplusfort.Ronronthérapie,hein?!Quelleblague,çaaussi!Lavieestfaitedemensonges:l’amour,c’estnuletçafaittropmal.Etpuis,leschatsneserventàrien!Ilsnesontréconfortantsqu’entredeuxsiestesouquandonleur
donneàmanger.Lagrossesse,c’estnulaussi.J’arrivemêmeplusàmemettresurlecôté,àmoinsdeme
tractercommeunebaleineéchouée.Jenevoisplusmespiedset,quandauprixd’intenseseffortsj’arriveàlesapercevoir,ilsressemblentàdesKnackiobèses.
Mavieestunmensonge…Ladéfinitionmêmedumensonge…Mondernierespoirpourtrouverunmouchoirrésidedansmonoreiller.Jepasselamaindessouset
entrouveunpastropcrado.Jenesuisqu’uneidiote,unesotte,unegourdasse!Unmecsupersexymeditqu’ilm’aime,etmoi,j’ycrois.Jemevoisdéjàacheterunemaisonavec
une jolie barrière blanche, un labrador nomméPupuce et une ribambelle de gamins qui jouegaiementdanslejardin.
Maiscommentest-cequej’aipucroirequemoi,Lola,petite,grosse,jepouvaistombersurl’hommedemesrêvesetêtreheureusejusqu’àlafindemesjours?!
Leshappyends,c’estpourlesHeidiKlum,paslesValérieDamidot!–Moi,j’aiunphysiqueàmaroufler,pasàm’envoyerunmecquiressembleàunepubpourparfum,
jesorsenmemouchantbruyammentavantdejeterleKleenexparterre.Lefaitqu’ilm’aitabandonnéelejourdenotremariageauraitdûmemettrelapuceàl’oreille,mais
noooon!Jepersisteàcroireauxcontesdefées,auxécureuilsquiparlentetauxmouettesquinetechientpassurlatête.
Onn’abandonnepasquelqu’unqu’onaime.Onchéritchaquejourpasséaveclui,onnelelaissepascommeunvieuxmorceaudefromagerestétroismoisaufonddufrigoetquicommenceraitàavoirdespoils.
Donc,voilàoùj’ensuis:moncerveautourneenboucle,mesyeuxmepiquentsansinterruptionetdesremontéesacidesmebrûlentlagorge.
Je regrette d’avoir mangé de la pizza, bu du coca, surpris cette conversation entre mon père etThomas,d’êtrearrivéeenretardautravaililyahuitmoiset,surtout,d’avoircruencetteidiotiedebasétagequ’estl’amour.
Jesuisépuiséeàforcedechercherdanslestréfondsdemamémoireunsigne,ungeste,n’importequoi,quiauraitpumeprépareràcettecatastrophe.Épuiséedemerépétersanscesse«Jerryt’aquittéepour une autre ». Épuisée de me demander s’il m’a aimée ou si j’ai rêvé tous ces moments passésensemble.
Je ferme lesyeuxet repenseàcettevieque j’ai tant imaginéeavec l’hommeque j’aiaiméetmedemandecequ’ilm’enreste,hormismonpetitJediquigranditenmoi.
J’étaistellementpersuadéeque…qu’ilm’aimait…,medis-jeenétouffantmonchagrindansmonoreiller.
Je prends une grande bouffée d’air, tente de refoulermes larmes etme tourne sur le côté.Enfin,j’essaie!
Jesuisénorme,doncc’estgalère.Jemedandine,metracte,meredandine.J’ail’impressiond’êtreunphoqueobèseperdusurlabanquise.
C’esttellementglamourqu’onsedemandebienpourquoimonfiancéestpartiavecuneautre…Etpuisd’abord,c’estqui,celle-là?C’estpasquej’étaistoujourssursondos(pasmongenre:moi,jesuisconfianteetconne),maisje
nevoispasavecquiilauraitpumetromper.Çaaussi,c’estpathétique.Monmecmetrompeetjen’yvoisquedufeu.Etlepire,c’estquec’est
unerécidive!C’estpaslapremièrefoisqu’unmecmetrompe.C’estmêmecommeçaquej’aifiniàNewYork.
Maisnon,moi,j’oublie.Jemedisqueleshommesnesontpastousdessalaudsinfidèlesetvlan !Çatefrappeenpleinetronche,commeunbusquitepercute.C’estviolentettut’enremetspastoujours.
Tudeviensunesorted’estropiéede l’amour.Tu traînes lapatte,espérantneplus rencontrerdebusaucoindelarue.Saufqu’ilssontpartout,cesconsdebus!
Nathan,Jerry…touslesmêmes!J’ai envie de retrouver Jerry, de lui arracher les couilles et de manger du chocolat – mais pas
forcémentdanscetordre-là.Jesoupire,melèveetobserveRaspoutinequidortcommeunbienheureux.Jepassedoucementma
mainsursondospoilu.Zéroréaction.Jesuisblasée…–Tupourraisaumoinsfairesemblantquemonmalheur te toucheunpeu, je luisorsenenfonçant
monindexdanssongrosventretoutmou.Enguisederéponse,ilouvrelesyeux,m’adresseungros«maouh»etserendort.–Salebête,va!Sic’estcommeça,net’attendspasàcequejepartagemonprochainrepasavec
toi!Ilnemeresteplusqu’unseulami:lefrigo.Lui,ilrépondtoujoursprésentet,enplus,ilaledon
pourseremplirtoutseul.Bon,OK,c’estDorietThomasquileremplissent.Maispourmoi,çarestetoujoursaussimagique.Je l’ouvre, fouineetgrimaceenne trouvantquedesfruits,des légumes,desyaourtsallégésetdu
lait.C’estuneurgence,là!JevaisquandmêmepasmangeruneCracotteouunepomme!MaisjesaisqueRouquinecachedeschoses…Jefarfouilleunpeuplusetunemballagedebrocolisattiremonattention.Jel’ouvresansfairede
bruit.EncoreunevictoiredeLola!Desmoussesauchocolat…Bienessayé,Rouquine!Jesorslespotsetlis,songeuse,lemotqu’elleacollédessus:
Lola,c’estmesmousses,ÀMOI.Situlesmanges,jelediraiàtongynéco!Samantha
Mêmepaspeur!Etpuis,mongynécoest fouousuicidaire,parcequemettreunefemmeenceinteaurégime, il faut
êtrecarrémentdérangé!Jedoisfaireattention…Blabla…mangercinqfruitsetlégumesparjour…blablabla.Moi,jesuisd’avisquelechocolatvenantducacaopoussantsurlecacaotierquiestlui-mêmeune
plante, il s’agit d’un fruit. Donc je vais manger deux de ces mousses et ne mangerai que trois fruitsaujourd’hui.
Çamesemblejuste,jechantonneenouvrantdélicatementl’opercule.Jedansepresqueenallantchercherunecuillère.Petiteougrosse?Telleestlaquestion…Petite !Parcequesi j’enprendsunegrosse, j’aurai finiendeuxbouchées,etc’estpas lebut.Le
chocolat, c’est comme le sexe. On peut être brutal, mais il faut aussi savoir se délecter de chaquesensation.Et là, jevaismangermamousseauchocolat commeon faitunedéclarationd’amour : avectendresse.
Jetrempemacuillèredanslepotetlalèchedoucement.J’enronronneraipresque…Tiens,enparlantderonron,quivois-je?Monchatcul-de-jatte,bienévidemment!
–Raspoupou,situcroisquejevaispartagermamousseavectoi,tutemetslapattedansl’œil.Ilmescruteuninstantdesesyeuxjaunesetretournesecoucher,vexé.Non,maisunpeuplusetjecroiraiquel’amourquemeportemonchatn’estqu’intéressé!Bon,OK,ilestcarrémentintéressé,medis-jeenléchouillantlacuillèredanstouslessens.Jeregardelesecondpotdéjàvideetsoupire.C’estbientroppetit,cetruc!Il faut se rendre à l’évidence, ces machins, c’est de l’arnaque ! C’est fini en trois cuillerées !
Rouquineaachetédespotspourlilliputiensaurégime.Maisbon,ilfautquejesoisraisonnable,doncjeremetslesautresaufrigo.Jelapeunedernièrefoislacuillèreetlarangedirectementdansletiroir.Jesaisquec’estdégueu,maisenfait,jem’enfiche!Puisjepassemonindexsurlesbordsdupot,histoiredenerienlaisser.Résultat:ilestplusproprequesijel’avaislavéoulaisséauxbonssoinsdeRaspoutine.Bon,maintenant,jedoisdissimulermonméfait.J’attrapeletubedecolledansletiroirdumeubledel’entrée,ouvrelefrigo,positionnelepotvide
surunedesétagèrespourprofiterdelalumièreetm’appliqueàrecollerlalanguette.Jecomptejusqu’àdix,appuieunedernièrefoissurl’opercule,remetsletoutdansl’emballagede
brocolisetfermelaportedufrigo.Etvoilà:nivuniconnu!UnlégersourireilluminemonvisagequandjepenseàlatêtequeRouquinevafairequandelleva
vouloirmangersesmousses.C’estvilain,maistellementamusant!medis-jeendodelinantdelatête.Jeregardeàdroite,àgauche.Jedevraisretournermecoucher,maisjenesuispascertainequemon
cerveaumelaisseenpaix.Jehaislapetitevoixnasillardedansmatêtequichantonne:«Jerrynet’ajamaisaimée.Ils’est
servidetoipourvolerdesinformationsàtonfrère.Ilt’aquittéepouruneautre…»Machinalement,jejetteuncoupd’œilendirectiondelachambredeThomas.Ilnemedirariensur
lecambriolageàsonagence,nis’ilaretrouvéJerry.Pourtant,jedonneraitoutpourpouvoirm’expliqueraveccethommequimefaittantsouffrir.Siseulementj’avaisunindicesurl’endroitoùilsecache…
Jem’approchedoucementdubureau,sanscertitudedetrouvercequejecherche,maismunied’unechosequimefaitcruellementdéfautdepuisdesmois:l’espoir.
Jeposemamainsurlapoignée,ouvre,mefaufileàl’intérieuretrefermeimmédiatementensilence.Du bout des doigts, je caresse le bois du bureau, trouve l’interrupteur de la lampe, allume, posemesfessesdanslefauteuiletmetrémoussedegaucheàdroite.
C’estqu’ilestconfortable,sonfauteuil,quandmême…Jesoupire,songeuse.JenepensepasqueThomaslaisseraittraînerdesinformationssurJerryici,maisenyréfléchissant
bien,hiersoir,jel’aientenduallerdirectementsecoucherunefoismonpèreparti.Jescrutelatableenbois quasiment vide, survole une rangée de stylos parfaitement alignés et me ravise. Thomas estexcessivementmaniaque.Sijebougelamoindrechose,ils’enrendraimmédiatementcompte.J’ouvreuntiroiretmordsmalèvreàlavued’undossierbleu.
Sic’estbiencelui-là,ilestdrôlementmalcaché!Jejetteuncoupd’œilendirectiondelaporte,hésiteuninstantetfinisparmedécider.Jesaisqueje
nedevraispasfouillerdanssonbureau.Maisjesaisaussiquemecacherdesinformationssurmonfiancédisparu,c’estmal.Donc,jefaiscequejeveux,etpuisc’esttout!
Enplus,siçasetrouve,cen’estmêmepasledossierdeJerry.Thomasl’acertainementcachédansunendroitplus…
–Merde,ilestencoreplusbeauquedansmessouvenirs,cecon!jecracheentombantsurunephotodeJerryennoiretblanc.
Alorsquemoi,jeressembleàunebaleinequiauraitboufféPinocchio,leTitanicetDiCaprioàelletouteseule,lui,ilestcanon.Ilressembleàunestardecinéma.Lavieestinjuste!
Siondevaitcompterlespointsdanscetteséparation,ilgagneraithautlamain…Etregardez-moiça!jefulmineentombantsurunephotodeluitorsenuauborddelaplage.Lui,il
apasdesoucisdevergeture!Vas-yqu’ilestbeaucommeundieugrec.Regardez-moicespectorauxetcesabdosdefou!Ondiraitunepubpourjenesaisquoi…Lescheveuxébouriffésparlevent,leregardpénétrant…Pfff, quel gros nul !Ouais, il est là, genre «Regarde comme je suis trop sexy avecmestablettesMilkaetmonsourireColgate»maismoi,jesaisque…que…ilronflelanuitetquelechinoislerendmalade!C’estlegenrededétailquiruinelesex-appeal,ça!
Duboutdesdoigts,jesuislescontoursdesonvisageetsoupire.Même si, pour lui, tout ce que nous avons vécu ne comptait pas, pourmoi, ça reste lemeilleur
momentdemavie.L’espaced’uninstant,j’aieul’impressiondecompter,d’êtreunique…–Prisesurlefait!s’exclameSamanthaenouvrantbrusquementlaporte.Jelèvelesyeuxsurelle.Ellealesjouesrouges,sescheveuxrouxpartentdanstouslessens,mais
elle ne dit rien. Elleme regarde et semble surprise. Elle scrute le bureau, sans doute à la recherched’emballagesdebonbonsvides.
–Qu’est-cequetufais?m’interroge-t-elleauboutdequelquessecondes.Jemetsmonindexsurmeslèvres,melèveetvaisfermerlaporte,letoutsoussonregardinterloqué.–Tuesunefemme…,jecommence,incertaine.–Tuvaspasrecommenceravecça?!s’écrie-t-elle.Hein?!–Eh oui, je suis au courant du bruit que tu as fait courir surmoi au début dema relation avec
Thomas.Alors,oui,jesuisunefemme,etnon,j’aijamaisétéungarçon!finit-elleàboutdesouffleetrougecommeunetomate.
–Euh,OK,jesors.Silence.Ellemedévisage,méfiante.– Ce que je voulais dire, c’est qu’en tant que femme, tu peux comprendre ce que j’éprouve, je
reprends.–Encore?lâche-t-elleenlevantlesmainsauciel.Jecomprendsquecequetuvisencemoment
n’estpasfacile,maistudoiscommenceràpenseràautre…–Maisnon!jelacoupe,avantdereprendre:ThomasaretrouvéJerry!–C’estpourçaquetufouillesdanssonbureau?souffle-t-elleenjetantuncoupd’œilendirection
delaporte.–Oui,jevoudraisparleràJerry.Jeveuxjuste…–Lola,soupire-t-elle,s’iln’estpasvenutevoir,jecroisqueçaveutdireque…Ellelaissesaphraseensuspens,nevoulantpasmefairedavantagedepeine.–Ilestpartipouruneautre,jedissimplement.Ellemeregarde,l’airdedire«c’étaitprévisible!».–Etjeveuxdesexplications.–Jenesuispascertainequecesoitunebonneidée,cetteconfrontation,danstonétat.–Jenesuispasmourante,maisenceinte.–Lola,jepensequetudevrais…passeràautrechose,chuchote-t-elle,malàl’aise.–Jeleferaiaprèsluiavoirparlé.Ellesecouelatête.Detouteévidence,ellenesemblepassatisfaitedemaréponse.–Oùest-il?demande-t-elleavecunegrimace.
–J’aipaseuletempsdevoir,tuesarrivéetroptôt,jelâcheenretournantàmondossier.–Jenepensevraimentpas…–Benalors,arrêtedepenser!jelacoupeenreprenantmalecture.–TudevraisenparleravecThomas…– Et puis quoi encore ? Comme s’il allait me donner des infos. Si je n’avais pas surpris sa
conversationavecmonpère,jenel’auraisjamaissu.–Ils’inquiètepourtoi…–J’enaimarrequel’onmecouvecommesij’étaisunepetitefleurfragile.–Ilfautbienquequelqu’unveillesurtoi,chuchote-t-elle.Jemeredresseetlatoiseensilence.Ellen’apastort.Certes,mafamillemesurprotège,maisjen’ai
personned’autre.–Veillersurquelqu’un,çan’estpasluicacherlavérité.–Jesais,maisThomast’aime.Ettuasdéjàtellementsouffertqu’ilvoulaitcertainementt’éviterune
peinesupplémentaire.–Samantha,jeveuxsimplementqueJerrymediseleschosesenface.Tupeuxlecomprendre?–Oui,finit-elleparsouffler.QuiauraitcruqueDoriseraitd’accordavecmoi?J’ensuisépatée!Devrais-jem’attendreàla
findumondeouuntrucdanslegenre?Jenem’attardepasplus sur cetteminivictoire et retourne àmondossier.Onne sait jamais, elle
pourraitchangerd’avis.–Ilal’airenforme,souffle-t-elle,songeuse,enlorgnantlaphotooùilesttorsenu.Jeluijetteunregardnoir,cequilafaitrougirànouveau.Jesaisqu’ilnem’appartientplus,maisje
nepeuxm’empêcherdememontrerpossessivequandils’agitdeJerry.Jemanqueune respirationquand je tombesurunephotounpeuflouedeJerryaccompagnéd’une
bellebrunequiluisourit.Iln’amêmepasl’airheureux,alorspourquoiill’achoisie?Surlasuivante,ilss’embrassent.Enfin,jecrois…Pareil,laphotosembleprovenird’unecamérade
surveillance,doncellen’estpasclaire.LedernierclichémontreJerrydanslebureaudeThomas,àsonagence.–Iln’yariend’autre,jesoupire,désespérée.Finalement,voirtoutçam’afaitplusdemalquedebien.Sanouvellecompagneestbienplusbelle
quemoiet…Jefroncelessourcils,approchelaphotodelalumière.–Élia,jesouffleentremesdents.–Tulaconnais?m’interrogeSamantha.Unefouledesouvenirsmereviennentenmémoireetjesenslaragem’envahir.Desannéesdedésir
de vengeance refoulé remontent à la surface et se mélangent à mes hormones de femme enceinte. LecocktailMolotovdelamort…
–Onpeutdireçacommeça,jelâcheenrefermantledossier.–C’estunedetesamies?medemandeRouquine.–Non,c’estplutôtunsouvenirdésagréable,jerépondsenleremettantsoigneusementdansletiroir.J’aicommeuneénormeenvied’écouterduhard-rock,d’allerchercherunbazookaetdefairetout
péter…Elle,surtout…EtJerryaussi…Et…enfin,tout…Jerrym’aquittéepourcettegarced’Élia…Jeprendsunegrandeinspirationetsors:–Tusenscetteodeur?jedemandeàRouquine.Ellerenifleautourd’elle,lessourcilsfroncés.
–Boisdesantal?–Euh,oui,maintenantque tu ledis…Mais jevoulais surtoutdireque ça sent lavengeance ! je
déclare.–Tunesaismêmepasoùilssetrouvent!s’exclame-t-elle.J’aiquandmêmelafâcheuseimpressionqu’ellenemeprendpasvraimentausérieux.–Cen’estqu’undétail,Rouquine,ilfautvoirau-delà.Est-cequelesSauvageonssecontententdu
NordinfestédeMarcheursblancs?Non!Ilscontinuentd’espéreretpassentlemur…–Premièrement,arrêtedem’appelercommeça.Deuxièmement,Lola,ilfautvraimentquetuarrêtes
aveccettesérie.Çaterendbizarre.–Jedompterailesdragonss’illefaut,etcrameraileculdeJerryetdel’autrepétassed’Éliaavant
demontersurletrônedefer…–Vraiment,Lola,jecroisquePaularaison.Évitederegardercegenredeséries.Etpuis,çafait
combiendetempsquetulecherches?–Jenelecherchaispas,jelaissaisThomas,Damienetmonpèrelefaire,jemedéfends.–Tudevraisjuste…laissercouler,Lola.–Ahoui,parcequetuesunmodèledulaisser-couler,toi!jem’agace.–Jenevoispaspourquoitudisça.–Jenesaispas,peut-êtreparcequetuesalléecollerunetruitepourriesouslelitdetacousinepour
tevengerd’unmecquit’aplaquéelesiècledernier.–Tuneconnaispastoutel’histoire!s’écrie-t-elle,cramoisie.–Enquoiest-cequec’estdifférent?–Parceque!–Waouh,quelleréponse!«Parceque»?!–Qu’est-cequisepasse?grondesoudainThomasdepuisl’encadrementdelaporte.–Riendutout,jemarmonneenjetantuncoupd’œilàSamantha,quifixerésolumentlesol.Etzut!EllevatoutraconteràThomas,etjenevaispaspouvoirretrouverJerry,ettousmesplans
devengeancevonttomberàl’eau…–J’ai…euh…Lolafouillaitdanslesplacards,finitpardireRouquine.–Lesplacardssontdanslacuisine,ditThomas,lessourcilsfroncés.–Jen’airientrouvédanslesplacards,alorsjemesuisditque,peut-être,tucachaisdesDragibus
danstonbureau,j’enchaîne.Ilsoupire,visiblementmoinstendu,etreprendavecunevoixplusdouce:–Lola,situasfaim,tupeuxmangerdesbiscottessanssel,maisriend’autre.–Jesais,jelâche,lesyeuxtoujoursrivéssurSamantha.– Tu dois te surveiller. Le médecin a été clair. Tu as pris trop de poids et il y a risque
d’hypertensionetdediabètegestationnel,continue-t-il.–Jesais,jesouffleentremesdentsenmenaçantThomasduregard.Oui,jesuisunpeususceptiblequandils’agitdemonpoids.Bon,OK,carrémentsusceptible!Franchement,mettreunefemmeenceinteaurégime,yapasidée,sérieux!–Jeretournemecoucher,jegrogne.Etpourmontrermonmécontentement,jeclaquelaportedemachambre.Jemelaissetombersurlelitetréfléchisàmavengeance.Doriaraison,çavapasêtrefaciledutout…Maisriennem’arrêtera.
***
–Cen’étaitpasprévucommeça!jem’écrie,furieux.
–Etàquoivousattendiez-vous,agentJ.?–Lescamérasdevaientêtreneutralisées,jesouffleentremesdents.–Jenevoispascequecelachange.Ellel’afaitexprès.Àl’heurequ’ilest,Loladoitsavoirquejemesuisintroduitdansl’agencede
sécuritédesonfrèrepourluivolerdesdossiers.Et,connaissantThomas,ilvametraquersansrelâche.Riennel’arrêterajusqu’àcequ’ilparvienneàsesfins.
–Voussaveztrèsbiencequeçachange!jelâche,plusfurieuxquejamais.–Commec’estmignon.AprèscequevousavezfaitsubiràcettepauvreMlleMorell,pensiez-vous
réellementquevousaviezencoreunechancedelarécupérer?Ducoindel’œil,j’aperçoisÉliaquitterlapièceensilence.Elledoitsentirqueçavachauffer.Et
ellearaisondefuirtantqu’ilenestencoretemps.–Non,maissafamille,quimelaissaitpourlemomentrelativementtranquille,nevapasenrester
là.Est-cecelaquevouscherchez,Q.?AvoirlesMorellàvosbasques?Vousvenezdeleurdéclareruneguerrequevousallezperdre!
–Quiditquejevaisperdre?melance-t-elleavecungrandsourire.–Vousn’êtespasdetailleetvouslesavez.–Un peu plus et on croirait que cette perspective vous réjouit, souffle-t-elle enme caressant le
torse.Attention,J.,j’aiplusd’unecordeàmonarc.Nel’oubliezjamais,reprend-elleenapprochantsonvisagedumien.
J’écartesesmainsetlarepoussesansménagement.–Nemefaitespasregretterdevousavoirchoisie,jelâche,leregardnoir.–Nousavionsunaccord,ilmesemble,dit-elleenserecoiffant.–Accordque,pourmapart,jesuis.–J.,dites-vousbienquecesoir,jevousairenduservice.MlleMorellnevousreprendrapas.Etde
toutefaçon,safamillevoushait.Ellevousconsidéraitdéjàcommeunennemiàabattre.Jen’airienfaitquinel’étaitdéjà.
–C’estcequevouscroyez,Q.?VouspensezqueT.vavous laisserutiliser les informationsquenousavonsvoléessansriendire?
Ellerit,sedirigeverslasortie,ouvrelaporteetmelance,justeavantdelarefermer:–Jepensequelejeunefaitquecommencer.Jefixeuninstantlebattantfermé,impassible,avantdelaisserlibrecoursàmarage.Jefracassetout
danslachambred’hôtel.J’ail’impressiondedevenirfou.Toutça…Riendetoutçan’envautlapeine!Jenesaispas…Jenesaisplusoùj’ensuis…Siunhommesedéfinitvraimentparseschoixetsesactes,jen’aimepaslapersonnequejesuis,
quej’aiétéetquejesuisentraindedevenir.Cen’étaitpasdutoutcensésepassercommeça.Maisdésormais,jenepeuxplusrevenirenarrière.Désormais,queT.metraqueoumetue,peuimporte…
Chapitre19
J’ouvreunœil,puisdeux,mepasseunemainsurlevisage,enlèvelemouchoircollésurmajoue,grimacededégoût,lejetteparterreetregardeleréveil.
Ilest10h30.J’ai finiparm’endormirentre«castrer Jerrypendant sonsommeil»et« trouverun trucquipue
pourlecacherdanssavoiture».Ladernièreidéem’aétéinspiréeparRouquineetsonhistoiredetruitepourriecachéesouslelitdesacousine.
Finalement,ellepeutêtredrôlequandelleveut,cetteDori.Bon,lehic,dansmesidées,c’estqu’ellesdépendenttoutesdelamêmecondition.Unlégerdétail…
voireunedonnéecarrémentindispensableàleursréalisations:jenesaispasoùestJerry.C’estgênantpuisqu’ellesconsistentpresquetoutesàsevengerdirectementdeluienluiarrachantaumoinsunepartiedesoncorps.
Je ne suis pas particulièrement fétichiste, mais pour le coup, j’aime assez l’idée de garder untrophéedemachasseàl’homme.D’ailleurs,jemedemandesicen’estpasparpeurdemesreprésaillesqu’ilseterrejenesaisoù.Unpeucommeunetaupequiauraitpeurdelatondeuseàgazon.Ilsaitàquelpointjepeuxêtrefollementgarce–oumême,complètementfolle–quandjeledécide.
–Oh ! non ! Jeme suis endormie surmonBic ouvert ! je râle en ôtant l’objet du délit demonoreiller.
Ehben,voilà!Pleinedebonnevolontédansmavengeance,j’aivoulumettreaupointunsuperplandans le but de retrouvermon ex-fiancé fugueur.Et vuque j’ai unemémoire de poisson rouge (aucunecomparaisonavecDori,merci),j’aidécidéqueprendredesnotesétaitunebonneidée.
Auboutd’unmoment,gagnéeparl’ennui,jemesuismiseàdessinerunculd’éléphant.Pourquoi?Jen’ensaisrien!Maisj’aicontinuéavecceluid’unchat,d’unesourisetjemesuisrenducomptequeceluiduzèbren’étaitpasfacileàfaire.Çavientdesrayures,jecrois.
Enfin, bref, voilà le résultat : zéro idée, ou rien qui me soit véritablement accessible, des culsd’animauxdiversetvariésetdesmarquesdestylopartoutsurlajoue.
–Etpuis,c’estquoicetteodeurdecramé?!Jemelève,plusronchonquejamais,glissemespiedsdansmeschaussons,megrattelafessedroite,
me rappelleque j’yaiunevergeture, attrape lacrème,m’enverseunebonne rasadedans lapaumeetl’étalesurmazébrure.Jereposelepotensoupirant.Jesensquejevaispasêtreautopaujourd’hui.Jesuisaussiénergiquequ’unescargotneurasthénique,etpuis,j’aipaslemoral…
Certainsdiront«commed’habitude».Jeleurrépondraiqu’ilsonttoutàfaitraisonetquejen’enaimêmepashonte.Jemepréparejustementàdevenirunevieillefilleaigrie,mèrecélibatairevivantavec
sonchathandicapé,sonfrère,uneDorietuncarlinaffublédeproblèmesgastriques.Maviefaittellementrêverqu’ondoitpouvoircomprendremonétatdedépressionintense.
J’ouvre la porte de ma chambre et suis accueillie par un énorme nuage de fumée et Rouquinesecouantuntorchondanstouslessensaumilieudusalon.Jel’observesautersurlecanapéettenterdecréeruncourantd’airenouvrantlabaievitrée.Elleretraverselapièceenressautantsurlecanapépourfairepareilaveclafenêtredelacuisine.
JemedemandesiThomassaitqu’ellesautesurlecanapé…Probablementpas,medis-jeenhaussantlesépaules.Jesoupire,lassede…beaucouptropdechoses,enfait.Lalisteesttroplongue.Doncjesuislasse,
pointbarre,etvaiséteindrelefour.–Tuasencoremisleslasagnessurgeléesemballéesdanslefour?jedemandeenattrapantunverre
dansleplacard.–Non!Je…jenesuispasidiote!crie-t-elle,vexée,ensecouantànouveausontorchon.–Tusaisbienévidemmentquec’estpareilpourlesautrestrucssurgelés?Ilfautretirerlecartonet
leplastique,jedisenouvrantlefrigo.Jesorslejusd’orangeetm’ensersungrandverre.–Ettoi,tusaisquetuasl’équivalentdedeuxgrossesorangesdansceverre?merétorque-t-elle,
rouge,ensueuretlescheveuxenbataille.Jel’observe,unsourcilrelevé,boisunegorgéedejusetsouris.Enréponse,ellegrogneànouveau
avantdeselaissertombersurunechaise.–J’enaimarre,jesuisbonneàrien,souffle-t-elle.J’attrapeunbol,descéréalesetmesersavantdem’asseoirenfaced’elle.Jedevraisluidireuntruc
sympa,dugenre«maisnon,tuexagères,tuesfortedanstoutuntasdedomaines»,maisj’aipasenviedoncjemecontentedemangermescéréalesenl’observant.
Ellefinitparseleveretsortiruntruccarbonisédufour.Ellelescruteensoupirantànouveau,l’airdésespérée.
–C’étaitcenséêtrequoi?jedemandeentredeuxbouchés.–UngâteauSpider-Man.–Ahbon?–Oui!grogne-t-elle.–PourquoitufaisungâteauSpider-Man?–Pourmonneveu,dit-elleenlejetantàlapoubelle.–C’esttrès…gentil,jesors,surprise.PasqueDorinesoitpassympa.Elleestsurtoutbonnepoireet troptimidepourdirequoiquece
soit.C’estd’ailleurscequejepréfèrechezelle.Maisjenepensaispasqu’elleappréciaitunautreêtrehumain,àpartmonfrère…etsonchien!
–Masœurpaiehabituellement60eurosdansunepâtisseriepourungâteaucommeça.Doncjeluiaiproposédelefairepour30.
Jecomprendsmieux.Rouquine, à son grand désespoir, ne trouve pas de boulot. Elle avait trouvé au Quick, mais
finalement,ellearefusé.Çanecorrespondaitpasàcequ’ellecherchait,blabla…Cequi,danslefond,m’arrange bien, car j’ai fait d’elle mon esclave personnelle. Elle m’aide à mettre mes chaussures,m’asseoirsurlesablepourliresurlaplage,mereleverd’unpeupartout(enfin,toutcequiesttropbas,engros),etpuis,ellemetientaussiunpeucompagnie,j’avoue.Rouquines’acharneàchercherleboulotidéal,unpeucommeleschevaliersdelaTablerondeleSaintGraal.Ellesaitqueçaexiste,maisoù?Telleestlaquestion…
– Tu ne sais pas cuisiner, je lui sors, comme si ça allait répondre à toutes ses questionsexistentielles.
Autantl’arrêterdèsledébutd’uneénièmeélucubrationdecarrièrefoireuse.Carc’estunfait,elleest nulle. La personne la plus nulle en cuisine que la Terre ait jamais portée, selonmoi. Ses talentsculinairessontàlahauteurdesescheveux,ouencore,desonhideuxjoggingàpressionqu’ellecontinuedeporter,commesiellen’avaitpaspercutélafindesannées1990.Àchaquefoisquejelavoisavec,jem’attendsàvoirles2Be3entrerensaltoarrièredanslapièceavantdedéchirerleurstee-shirts.
–Enfin, il suffitde suivreune recette ! Jedoispouvoir le faire, lâche-t-elleen fixantunboutdepapier.
J’avouequecettefacultéqueRouquineadecontinueràespérermelaissepantoise.Ellepensequ’enmettantdesmotssursespaquetsdebonbons, jene luimangeraipas,qu’elleva
finirpar trouver leboulotdeses rêvesouencore,qu’un jour,pouruneraisondéfiant toute logique, jedeviendraisympaavecelleetarrêteraidel’appeler«Rouquine».
–Detouteévidence,non,jelanceavantdem’emparerànouveaudemonjusd’orange.Dedépit,elles’avachitunpeuplussurlachaiseavantdem’observeravecsesyeuxbizarres.Pourquoij’ail’impressionqu’elleveutmedemanderquelquechosemaisqu’ellen’osepas…Oualorsellechercheàm’hypnotiser?–Lola…jesais…que,enfin,tuvois…Donc,elleveutmedemanderuntruc!Maisva-t-elleyarriver?–Jefaislegâteauettum’aidesàretrouverJerry,jedisenpoussantmonbolversellepourqu’elle
ledébarrasse.–Jenesaispastrop…Enfin,jenesaispascommentfaire…–Pourlegâteauoupourmonex?–Jediraisbienlesdeux,maislà,jefaisaisréférenceàJerry.–J’aimapetiteidée.Etpuis,jecuisinetrèsbien.–OK,lâche-t-elleàcontrecœurenselevantavecmonbol.Jesouris,victorieuse,alorsqu’ellelelave.Aufonddemoi,jesuispresquedéçuequ’ellenesesoit
pasunpeubattue.Enplus,ellen’amêmepasrâlépourmonbol.Mêmedanslanégociation,cettenanaestennuyeuse.
Enfin,bref…Ànousdeux,Spider-Man…,medis-jeenmelevant.Jemelavelesmains,sorsunsaladier,unyaourt,delafarine,dusucre,desœufsetdelalevure.–Chocolat?jeluidemande.–Masœurvoulaitunmarbré,ditRouquineenm’observant,lesyeuxronds.–Alorschocolat!Jeprendsunautresaladieretpréparedeuxappareils,unauchocolatetl’autrenature.–Tuleveuxcomment?Rond?jel’interrogeenfouettantmapréparation.–Àvraidire,j’aifaituncroquis,lance-t-elleenmetendantunefeuille,incertaine.Jeregardesesdessinsetdoisavouerqu’iladelagueule,sonSpider-Man.DoncDorisaitdessiner.
Commequoi,parfois,encreusantbeaucoup,voirecarrémentjusqu’aunoyauterrestre,onpeuttrouverdesqualitésàcertainespersonnes.
–Tuveuxlesfairecommentlestraitsnoirs?–J’aiachetéunstyloalimentairenoiretdelapâteàsucrerouge,chuchote-t-elle.–OK,c’esttoiquivasfaireledessus.Jesuisnulleendessin,etapparemment,c’estpastoncas.Ellemeregarde,surprise.Ehoui,jeviensdeluifaireuncompliment.Est-cequelapâtisseriemerendraitsympa?C’estvraiquelesucreadoucitmonhumeur…Bon,j’yréfléchiraiplustard.
Je dépose mes deux préparations dans le plat et mélange délicatement pour marbrer le gâteau.J’ouvrelefour,baisselethermostatetyinstallemonchef-d’œuvreàmi-hauteur.
–Etvoilà!jelancealorsqueDoriscrutelegâteauàtraverslavitredufour.–Jevaisallerprendremadouche,jelanceenmettantenmarchelaminuterie.–Tunerestespaspoursurveillerlegâteau?–Non,j’aimislaminuterie.–Ets’ilsemetàfumer,jefaisquoi?– Premièrement,mes gâteaux ne fument pas.Deuxièmement, j’ai vraiment besoin de prendre une
douche.Ettroisièmement,tudoisrangeravantqueThomasnerentrepourledéjeuner.–OK!lâche-t-elleensurveillanttoujourslefour.Bon,jelaissetomber!Jemerendsdansmachambreprendredequoim’habiller.Je ne sais pas quel genre de tenu on adopte lorsque l’on retrouve son ex qui vous a plantée
devantl’autel,medis-jeenexaminantl’intérieurdemonplacard,songeuse.Lalogiquevoudraitquejemettequelquechosedesexy.Maispastropnonplus…Ilfautquejesois
naturellementsexy…Jepourraismettreunpantalon,maisj’aipeurdemesentirboudiner.Sinon,marobenoire…Non,
elleesttrophabillée…Finalement, je sors une robe à fleurs avec une attache en portefeuille sur le devant et pour les
chaussures, une paire de ballerines roses à bouts pointus. Jem’observe une seconde dans la glace etdécidederéfléchiràmescheveuxindomptablesaprèsladouche.Jeretournedanslacuisinepourvoiroùenestmongâteauavantd’allerprendremadoucheet retrouveDoriexactementdans lamêmepositionquetoutàl’heure.
–Samantha,j’étaissérieuseausujetdurangement,jedisalorsqu’ellenebougetoujourspas.–Thomasnerentrepasmanger,aujourd’hui.IlavaituneaffaireurgenteauGrau-du-Roi.–Quelgenred’affaire?–Jenesaispas.Jepensequeçadoitavoirunrapportaveclecoupdefildecematin.Lebureaul’a
appeléà7heurespourunehistoiredefichiersdisparus.–Ettumeledisquemaintenant?jecrie.–JenepensaispasquelefaitqueThomasnerentrepast’ennuieraitautant,dit-elle,surprise.–Maisnon!C’estsurtoutqu’ildoitavoirunepisteàproposdeJerry!–Jenepensepas…–Maissi,enfin!jelacoupe.C’estcommeçaqueThomasl’aretrouvé.C’estparcequeJerrys’est
introduitàl’Agencepourvolerdesfichiers.–Jenesuispascertainequetoutçasoitlié…– Samantha, tu es un vrai boulet des enquêtes ! Si tu devais être un agent secret, tu serais
l’inspecteurGadgetsansgadget.–Je…–Non,maissérieux!DirequetuascrupendantunmomentqueThomasétaitunserialkillerfande
DanyBrillant.Etlà,rebelote,tuasunindicegroscommeunemaisonettulaissesfiler!–Non…Je…–Àmoinsque…Tuavaiscompris?Tuavaisfaitlarelationaveclecoupdetéléphone,maistuas
omisdem’enparlercar,enfait,tunevoulaispasm’aider!–Lola,ilfautvraimentqueturegardesmoinslatélé.–Jenevoispaspourquoitudisça,jesorsencroisantlesbras.Aulieuderépondre,ellesecouelatête,exaspérée,avantdereporterànouveausonattentionsurle
gâteauquidoredanslefour.
–Bien,changementdeplan.Jevaisprendremadouche,ettoi,turetrouvesThomas,jelance.Rouquinem’observefixementetj’aicommel’impressionqueceplann’estpasàsongoût.–JedoisfinirlegâteauSpider-Man,Lola.–Tunesupportespastonneveu,nitasœur,ni…Enfait,aucunêtrehumainàpartThomas!Doncsi
tu plantes ta sœur qui ressemble à un robot, je ne pense pas que ça va te poser un gros problèmedeconscience.
–Annabelleneressemblepasàunrobot.–Si,tusais,lesrobotsultra-réalistesetflippantsdeperfection.Elleouvrelabouchepuislareferme.–Tuavaisremarquécommelapeaudesonvisageestlisse?medemande-t-elle.–Unrobot!–Humm,fait-elleendodelinantdelatête.Jedoisvraimentterminercegâteau,finit-ellepardire.–Roooh,jegrogne.Sic’estpourl’argent,jeteledonnerai.–Non,c’estpas…Etpuis,onvaenfairequoi,dugâteau?–Lemangeraugoûter!–Non,c’estpas…Enfin,onavaitdit…–Jenecomprendspaspourquoitutiensabsolumentàlefaire.–C’estpas…Parceque…–Wall-Eaurait-elleditunechosequitefaitpenserquetudoislefaireabsolumentpourprouverque
tun’espasunelooseuse?–«Wall-E»?–Oui,lepetitrobotquiramasselespoubelles…–Hein?!–Oui,tusais,cedessinaniméaveclerobot!Etvuquetasœurressembleàunrobot…–Lola,onvaarrêterl’abonnementauxfilmsenillimité,mesort-elle,l’aireffrayée.–Tunepeuxpascomprendrelablaguepuisquetun’espasdrôle,detoutemanière,jesors,vexée,
aumomentoùlaminuteriedufoursonne.Dori le regarde de ses yeux bizarres et l’ouvre tout doucement comme si elle avait peur que le
marbréluiexploseauvisage.Bon,décidément,ellenebougerapastantquesonfoutumachinSpider-Manneserapaslivré…Et
moi,jenesuispasenétatdequoiquecesoit,etj’aibesoind’uneassistanteesclave.Je soupire, attrapeun torchonet lapoussed’uncoupde fesses. Je sors legâteaudu four sous le
regarddeRouquine.–Nouveauplan,jecommence,résignée.Jevaisprendremadouche,tuterenseignespoursavoiroù
setrouveThomas,etcommeça,lemarbréaletempsderefroidir.Ensuite,onfaitleSpider-Man,onlelivreetons’occupedeJerrylaFouine.Çateva?
Ellem’observe.Jerêveouellemerésiste?–Quoiencore?jedemande,àboutdepatience.–Jen’aimepasvraimentl’idéedemeservirdeThomaspour…–Ahnon!jelacoupe.J’aifaittonstupidegâteau.–Lola,jepensequenousdevrionsenparleravecThomas.–Maisqu’est-cequetupeuxêtrerabat-joie,alors!–Jene…–Situnem’aidespas, je luidiraipourlacrèmequetucachesderrièreleplacarddelasallede
bains,jelâcheavecunemouedepeste.Car,oui,jesuisunepeste,etjel’assume!
–Tun’aspas…Jenetecroispas!–TunemecroispascapablederaconteràThomas,oumêmeàmesfrères,quetucachesunecrème
quiestcenséefairegrossirlesseins?Souslechoc,elleportelamainàsabouche,etlà,jesaisquej’aigagné.–C…Comment?Tunepeuxmêmepastereleverdelabaignoiretouteseule!–Onvadire quemagourmandise ne connaît aucune limite, je réponds, gênée au souvenir de ce
momentpeuglorieuxoùjen’arrivaispasàsortirdemonbain.Jemesuisvuemouriraussifripéequ’unpruneau.–Jepourraisraconterdestasdechoses,moiaussi,ellesouffleenregardantailleurs.–Mêmepaspeur!Elleestécarlate,hésitante…Jesensqu’ellelâcheprise…–Enplus,jeferaidesmimesquandjeraconterail’histoiredelacrème,jecontinue.Elleregardeàgauche,àdroiteetfinitparattrapersonportablesurlecomptoir.Elleappuiesurune
touche.–Oui,c’estmoi…Çava…Tuesoù,alors?Tuyrestesjusqu’àquelleheure?Jesourisetmedisquemondésirdevengeanceneconnaîtaucunelimite.Unpeuplusetj’auraispresquemauvaiseconscience…Jedisbien«presque».Elleraccroche,reposesontéléphoneetmeregardeensilence.–Ilestsurunepiste.–Quellepiste?–Unhôtelproched’ici.–Prochecomment?–Lola,ondevaitfinirlegâteau…–Procheoù?jecrie.–L’HôtelBleu.–Celuiauboutdelarue?jedemande,souslechoc.–Ondevraitfinirlegâteau,Lola.–J’emmerdetongâteau!jelâcheenmedirigeantverslaported’entrée.–Lola!m’appelleSamantha.–QUOI?!–Tun’aspasdechaussuresettuesenpyjama,finit-ellepardiretoutdoucement.Jebaisselesyeuxetconstatequ’ellearaison.J’hésiteuneseconde,puisfinisparenfilerunepaire
detongsposéesdansl’entrée.–Tunevasquandmêmepasyallerenpyjamaetavecdesmarquesdestylosurlajoue?!s’écrie
Samantha.–Jenevaispasprendrelerisquequ’ilfileencore,jerépondsensortantd’unpasdécidé.
***
J’observelesvaguesquisefracassentsurlesrochersetinspireunegrandeboufféed’airmarin.Ilesttempspourmoideprendreunedécision.
«Temps»…Toutestrelatif…Àforcedevouloirgagnersurtouslestableaux,j’aitoutperdu.Pendant un instant, le mot « famille » résonne en moi. C’est un mot qui n’a pas vraiment de
signification,finalement.Ilnedevraitmêmepasfairepartiedemonvocabulaire.Etpourtant,jemesuisprisàespérerque,peut-être,toutétaitpossible,quejepouvaispeut-êtretoutrattraper,quemeserreurspouvaientêtreréparées.
Ilfautquetoutçasetermine.Maintenant.
Jescrutel’horizonetunsouvenirvieuxdeplusdevingtansm’assaille.J’aieuunefamille,unjour…–Joshua,réveille-toi,jechuchoteenlesecouantlégèrement.Ilouvresesyeuxencoreensommeillés,bâilleetmeregarde,nesemblantpascomprendrecequ’il
sepasse.–LePèreNoëlestpassé,jeluidisensouriant,surexcité.Niunenideux,ilselèveetnouscouronsjusqu’ausalon.Seullebruitdenospassurlecarrelage
troublelecalmequirègnedansl’appartement.Joshuaarriveenpremierdanslesalonet,dèsquesesyeuxtombentsurlespaquetsposéssouslesapin,ilsautilleettapedesmains.Ilattrapeunpremiercadeauemballéd’unjolipapieravecdespetitesvoituresetlesecouedanstouslessens.
–Onnedoitpaslesouvrir.Ondoitd’abordréveillerpapaetmaman,jeluirappelle,mêmesij’aimoi-mêmetrèsenviededéchirerlepapier.
Il regarde le paquet et le reposeavecun soupir. Jepassemamaindans sa tignasseblonde etsouris,fierdelui.
–Allez,onvavoirpapaetmaman,jeluilanceenprenantsapetitemaindanslamienne.Noustraversonslecouloir.Jetapetimidementàlaportedelachambredepapaetmaman,mais
Joshuan’attendpasetouvre.–Qu’est-cequec’estquecevacarme!hurlepapa.Joshuasefigeetcourtseréfugierderrièremondos.–C’estNoël,jedisfaiblement.Mamanselèveetvientversnousensouriant.–EtjecroismêmequelePèreNoëlestpassé,dit-elleavecuneétrangevoixaiguë.Jeserremonpoingquandlafaiblelumièreducouloiréclairesonvisage.Mesyeuxnevoientque
lesmarquesquis’ydessinent.Elleattrapesonpeignoiretl’enfilemaladroitement.–Etsivousalliezouvrirvospaquets?souffle-t-ellealorsquejecontinuedelafixer,lespoings
serrés.C’estledernierjourquenousavonspasséenfamille.
Chapitre20
–Jenepensepasquecesoitunebonneidée,souffleSamanthaàcôtédemoi.–Onn’avaitpasditque tudevaisarrêterdepenser? je sors, sansmêmeprendre lapeinede la
regarder.Laregardersignifieraitarrêterdefixersanscillerlaportebleuedel’hôteloùestcensésecacher
Jerry.Ets’iln’yestpas…Oupire,s’ilyest…Moncœurcognedansmapoitrinecommes’iltentaitdefuircequivasepasser.Ilaraison.Jenesuispassûrequ’illesupporte.–Lola…–Tudevraisallerfinirtongâteau,jelacoupe,leregardtoujoursrivésurlaporte.Jesuisobnubiléeparcebleu.Ilbrouillemavue,troublemespensées…Rouquineaprobablementraison.Jedevraisrentreràl’appartementetoublier.Oublierquel’homme
quineveutpasquittermonespritsetrouvepeut-êtrelà,àquelquespas…Quejen’auraisqu’àtraverserlarue,pousserlaportebleueetdemanderàlaréceptionlenumérodesachambre.
–J’aidesDragibusàlamaison,situveux,Lola,lanceDori.Jel’observe,surprise.–Tutentesdem’acheteravecdesbonbons?Tupensesvraimentquejelaisseraistomberl’idéede
pouvoirenfinfairefaceàl’hommequim’abriséepourdesDragibus?–Euh…oui,enfin,peut-être…–Detoutefaçon,jelesaidéjàmangés,jesorsdansunlongsoupir.–Pasceux-là!Ilssontbiencachés,dit-ellefièrement.–Samantha,situfaisréférenceàceuxquetuasplanquéssoustonmatelas,si,jerétorque,prochedu
désespoir.Jeneseraispascontreunpeudesucre,là,toutdesuite…–Pourdevrai?–Oui.Enfin,franchement!Souslelit…–Maiscommenttuasfait?Tun’arrivesmêmepasàmettreteschaussurestouteseule!–J’étaisauborddel’hypoglycémie,jechouine.–Onpourraitaumoinss’éloignerdelapoubelle,lance-t-elle,blasée.– Ben non, enfin, sois logique ! Si on se met devant la poubelle, il risque de nous voir, je lui
explique.–Quirisquedevousvoir?
Soudain, nous sursautons toutes les deux et remarquonsMatt, en train demanger unmorceau degâteautoutennousenobservant.
–Maisqu’est-cequetufaislà?jedemandeavecunevoixsuraiguë.–Jepassaisparlàetjevousaivues.–Tupassaisparlà?!Çafaitunpeuloindecheztoi,quandmême!LosAngeles,c’estàcombien
d’heuresdevol?–Plusmaintenant,lance-t-ilavecungrandsourire.–Commentça,«plusmaintenant»?jel’interroge,intriguée.–Jesuisvotrenouveauvoisin.–Comment?Quoi?Pourquoi?Où?demandeRouquine,quisembleauborddugouffre.–Oui,l’appartementjusteau-dessusétaitàlouer.Jemesuisditquec’étaitunsigne…–Mais…qu’est-cequetumanges?jelecoupeenregardantplusattentivementcequ’iltientdanssa
main.–Dugâteau.Jel’aitrouvésurlatabledelacuisinechezThomas.D’ailleurs,ilestsuperbon…–Non,maisc’estpasvrai!MongâteauSpider-Man!s’écrieDori.Jecroisqu’onestentraindelaperdre,là…–Situnevoulaispasqu’onlemange,ilfallaitmettreunmot!sedéfendMattenlaregardantsans
l’onced’unremords.–De toutemanière, on a dit qu’on s’en fichait deWall-E, alors arrête de dramatiser ! je dis à
Samanthapourtenterdeluiremonterlemoral.–Onavumeilleuraccueil,quandmême!sortMattenmangeantgoulûmentsongâteau.–Non!Toi,tuasditqu’ons’enfichait.Moi,j’aiditqu’ilfallaitfairelegâteauets’écarterdecette
poubelle puante. Surtout qu’on n’est même pas bien cachées puisque Matt nous a trouvées ! finitSamantha,rougeetàboutdesouffle.
–Onestcachéespourlesgensquiarriventenface,pasdececôté,jesorsavecdegrandsgestes.Matt,jeveuxbiendugâteau,s’ilteplaît,jesorsenlorgnantlemorceauquemonfrèretientdanssamain.
–Jevaist’enchercher,souffle-t-ilavecungrandsourire.Etunefoisquevousaurezfini…Enfait,jenesaispascequevousfaites…Maisbon,peuimporte,cesoir,onpendmacrémaillère!
MattrepartetDorimefixeavecdeséclairsdanslesyeux.–Quoi?Ill’adéjàentamé.Tunecomptaispasamenerungâteauàmoitiémangé?jedisenhaussant
lesépaules.–Pourquoijenepeuxpasjusteavoirunebelle-mèreacariâtrecommetoutlemonde…,selamente-
t-elleavantdes’asseoirsurunecagette.–Jenesaispasdequoituteplains.Mamèreestcharmante,jelanceenfixantànouveaulaporte.–Cen’estpaselleleproblème,chuchote-t-elleenmelançantunregardmauvais.Ah,forcément,ma
journéen’auraitpasétécomplètesansl’interventiond’unautreMorell,lance-t-elleendésignantDamienquiarrivesurletrottoird’enface.
C’estbizarre,ilnesemblepasvenirdechezThomas,nis’yrendre…Jem’accroupisderrièrelapoubelleetleregardeprendreladirectiondelaportebleue.–Pourquoiilnevientpasversnous?demandeSamanthatoutbas.–Parcequ’ilnevientpaspournous.–Quelleétrangecoïncidence…–Jenecroispasauxcoïncidences.EnvoieuntextoàMattpourqu’ilmeramènemes jumelleset
mestalkies.Rouquinesoupireenattrapantsontéléphoneportable.–Ildemandeoùtulesasmis.–Danslecartonrosequiressembleàuneboîteàchaussures,aufonddelapenderie.
–Ildit«OK».–Damienvientd’entrerdansl’hôtel,jechuchote.–Jevoisça…Mattdemandes’ildoitprendreçaaussi,m’interrogeSamanthaenseretenantderire
alorsqu’ellememontreunephotodemonfrèrequiregarded’unairchoquéunvibromasseur.–J’aidit«lecartonrose»,pasl’autre!jerépondsenretournantàmasurveillance.SamanthapouffecarrémentquandMattenvoieunephotodeluimenottéettenantunfouetroseentre
lesdents.–Ildemandes’ildoitprendretacombinaisonenlatex,maisilémetquelquesdoutessurlefaitque
turentresdedans.–Super,ilestpasprèsdemelâchermaintenant…–Effectivement!lance-t-elleavantdeseremettreàrire.Mais pourquoi je lui ai demandé d’aller chercher quelque chose dans mon placard ? je
m’interrogeenmepinçantl’arêtedunez.Etsurtout,comment j’aipupasseràcôtédu faitque l’appartementau-dessusdechezThomas
étaitàlouer?–Lola,tuneveuxpasquel’onrentremaintenant?–Non,Samantha,jenelâcheraipasl’affaire!–Sincèrement,siJerrysecachevéritablementdansunhôtelàcinqminutesàpieddecheznous,ce
n’estabsolumentpasdiscret.Etsionrentremaintenant,onauraletempsdefaireunautregâteau.–C’estpasfaux,jesouffleenfixanttoujourslaporte.–Oui,onaétéplutôtrapidespourlepremier.Jemedisquesilerésultatn’estpastropmauvais,je
pourraipeut-êtremelancerlà-dedans…JemetourneetobserveSamantha,lessourcilsfroncés.–Maisdequoituparles?jeluidemande.–Dugâteau!JesecouelatêteenmedisantqueDoriresteraéternellementDori.–Tiens,Damiensortdel’hôtel,meditSamantha.–C’estbizarre,iln’yestpasrestélongtemps,jedis,surprise.–Jerryn’estpaslà.Cequin’estpasvraimentsurprenant,situveuxmonavis.Parcequejenevois
pastropl’intérêtdevenirsecacher…– Tu sais quoi, Rouquine ? J’avais assez bien compris l’idée la première fois, je la coupe
sèchement.–Siçasetrouve,Damienajusteprisunechambrepourlui…Jeluijetteunregardnoir,maisellecontinuemalgrétout.–Çaseraitcompréhensible,s’ilaenvied’êtreunpeutranquille,finit-elle.Là,toutdesuite,j’aibienenviedel’étrangler!–Maisoùest-cequ’ilva?jedemandeenobservantDamientraverserlarouteetemprunterlepetit
cheminquimèneverslaplage.–Verslaplage,ondirait.–Jecroisque,ça,j’avaisassezbiendeviné,figure-toi!C’étaitplusunequestionquin’attendpas
vraimentderéponse,tuvois.Jem’accroupisunpeupluspourqu’ilnem’aperçoivepasetcontinuedel’observer.Zut,ildisparaîtderrièrelesbâtiments.Toujoursaccroupie,tantbienquemal,j’avanceendirection
delaplage,suiviedeprèsparDori.Bon sang, que ça fait mal aux fesses, cette position ! Je devrais peut-être faire un peu plus
d’exercice…
–Lola, cen’estpas…, lanceDori,qui estdéjàauboutde la ruelle etobserve laplaged’unairbizarre.
Jemeredressepourallerplusviteetlarejoins.Jemefige.–Jerry!jelacoupe,lagorgeserréeparl’émotion.Pendantuninstant,jenerespireplus,etletempssuspendsoncours.Jerrysetientlà,devantmoi,àquelquescentainesdemètres.IlobserveDamiens’avancerverslui.
Ilsemblemêmel’attendre.Pourquoivoit-ilmonfrère,s’iltravaillesoi-disantpourdevilainscriminels?Arrivé à sa hauteur,Damien lui parle et lui tend une enveloppe. Jerry hésite un instant avant de
l’ouvrir. Il regarde lecontenuavecbeaucoupd’attention,sepasseunemaindans lescheveux,rangeletoutetsetourneverslamer.
–Finalement,j’avaistort!Ilestvraimentidiot,lanceSamantha.Jel’observeetelles’exclame:–Maisenfin,ilestcenséêtrerecherchéetilsepromèneàcinqminutesdecheznous!–Tucroisqu’ilyaquoidansl’enveloppe?medemandeSamanthaàvoixbasse.–Jesaispas,maisj’adoreraislesavoir…,jesouffleenlesfixant.–Alors,qu’est-cequej’ailoupé?nousfaitsursauterMatt,lesmainschargéesdegâteauxetunsac
plastiqueaupoignet.–Putain,tupeuxpasfairedubruitcommetoutlemondequandt’arrives!jesorsenluiprenantle
sac.Je farfouille, repousse le fouet etd’autres trucsqu’il a crubon se trimballer et sors les jumelles
dansuncridevictoire.–Ehbien,onnesaitpaspourquoiDamiendiscuteavecJerry,commenceàluiexpliquerSamantha
enprenantunmorceaudegâteau.–Commentça,Jerry?s’écrieMattendonnanttoutàDori.–Maisvouspouvezpasvoustaire?!jelanceententantdemeconcentrersurlascènequisejoue
surlaplage.Qu’est-cequej’aimeraissavoirliresurleslèvres…–Euh…Lola…,souffleRouquineàcôtédemoi.–Quoiencore?jem’écrieenmeretournantpourlaregarder.EllememontredudoigtMattquisedirigeversJerryetDamiend’unpasdécidé,lespoingsfermés.–Oh!jelâche,lesyeuxécarquillés.Je m’avance, puis m’arrête à mi-chemin. Je suis comme tétanisée. Mes jambes ne veulent plus
avancer.–J’appelleThomas,lanceSamanthaenattrapantsontéléphone.Matts’avancetoujoursverseux.DamienetJerryl’aperçoiventet…Jecroisquej’aiperdulecontrôledelasituation,là!Matt frappeviolemment Jerryqui s’étaledans le sable.Damien tented’immobiliserMatt,qui lui
metuncoupdecoudeavantd’attraperJerryparlecoletluifilerunnouveaucoupdepoing.Bouge,Lola!Jedevraisyaller,direàMattd’arrêterou…Bouge,Lola!J’entendsuncrissementdefreinsderrièremoi.Deshommesennoircourentsurlaplageendirection
deDamien,MattetJerry.Bouge,Lola…Les hommes cagoulés attrapent Matt, qui se démène dans tous les sens. Damien se relève
difficilement,prenduncoupdepied, recule, sembleencaisser le choc. Jerryest à terre. Jene levois
plus.Toutlemondes’agiteautourdelui.–Lola,çava?m’interrogeRouquineàcôtédemoi.Jenerépondspas.Jenesaispasquoifaire.JenesaispassijedoisallervoirJerry.Jenesaispas
sijedoism’inquiéterpourlui.Uneautrevagued’hommesennoirnousdépasse.JereconnaisThomaspuisqu’ils’arrêteuninstantà
notrehauteuravantderepartirencourantendirectiondemesautresfrères.Mattsembleavoirdumalàsecalmer,maisilfinitpararrêterdegesticulerdanstouslessens.–Ondevrait…rentrer,tenteànouveauSamanthaàvoixbasse.–Non,jerépondstoutdego.–OK,lâche-t-elledansuncouinement.Immobiles, nous restons là, à observer cettemasse informed’hommes sans savoir ce qu’ils font.
Puis,Thomasattrapequelquechosederrièresondosetsebaisse.Ilssontentraind’arrêterJerry?J’enai laconfirmationquelquessecondesplus tard,quandmonfrère lerelèvemenotté. Ilsemble
avoirdumalàresterdebout.Mon regard se pose sur Damien qui se tient à l’écart. Il nous jette un regard – enfin, surtout à
Rouquine, je crois. Je jette un coup d’œil à ma voisine, mais elle ne semble rien avoir remarquépuisqu’ellealesyeuxrivéssurThomasetJerry.
Ilyaquelquechosequiclochedansl’attitudedeDamien.Jel’aidéjàsurprisàregarderSamanthaplusieursfois,etàchaquefois,danssonregard,jediscerneunesortedetristesse.
Uneidéesaugrenuemetraversel’esprit,maisjelachasseimmédiatementpourrevenirauprésent.PourquoiDamiendiscutaitavecJerry?ThomasconfieJerryàseshommesetsedirigeversnousd’unpasrapide.JesensSamanthaseraidir
àcôtédemoietcomprendsimmédiatementpourquoiquandmesyeuxcroisentceuxdemonfrère.J’avoue que je n’ai pas souvent eu l’occasion de le voir furieux, mais à cet instant précis, je
comprendspourquoiSamanthal’a initialementprispouruntueurensérie.Ondiraitmonpère,endeuxfoispire!
–Qu’est-cequevousfaiteslà?nousinterroge-t-ilsèchement.–Onsepromenait,jetenteavecunetoutepetitevoix.–Enpyjama?crie-t-il.–J’aideslubiesétranges,jechuchote.–C’estpourçaquetum’asposétoutescesquestions?demande-t-ilàSamantha,quiestvisiblement
souslechoc.–Oui,répond-ellesansbroncher.Ilreculed’unpas.Bahoui,forcément,maintenant,ilsesenttrahiettoutletralala!Maisbonsang,
ellenepeutpasmentircommetoutlemonde!Quelleplaie,cetteDori!–C’estmafaute…,jecommence.–Tut’esserviedemoi!crache-t-il.–Ellevoulaitsimplementluiparler,tentedeluiexpliquerSamantha.–Neluienveuxpas,Thomas,j’essaiedeladéfendre.–C’estuncriminel.Ilestdangereux,dit-il,lesyeuxtoujoursrivéssurSamantha.Etvousvousêtes
misesendanger.–Ilnem’auraitpasfaitdemal!jem’écrie.Thomassetourneversmoietmeréponddurement:–Sic’estcequetupenses,tuastort.Toutcommetuaseutortdecroirequecethommet’aimaitet
quetuavaisunquelconqueaveniraveclui.Ils’estservidetoi,toutcommedenotrefamille,pourarriveràsesfins.Ilestpeut-êtretempspourtoidegrandir,Lola.
Moncœurmanqueunbattement.Est-cequ’ilaraison?MesyeuxtombentsurJerryquimefixeintensémentet,pendantuninstant,jenevoisquesesyeux
gris.Jemesenspriseaupiègeparsonregard…Etsoudain,l’évidencemefrappe.Ilnem’aimepas,n’apasvouludemoi…denous…Thomasaraison.Il se fiche tellementdeceque jepeux ressentirqu’il sepermetde logeràquelquescentainesde
mètresdecheznous.J’auraispulecroiser.Ildevaitlesavoiretilesttoutdemêmelà.Ilacambriolélebureaudemon
frèreet,commepournousmontreràquelpointtoutcecin’apasd’importancepourlui,ilestlà.Bonsang,maisqu’est-cequejeficheici?Jemesensmal.J’aimal.Monventresecontracte.Jelecaressedelamain,maismatêtetourne,ma
visionsetrouble.Unelarmecoulelelongdemajoue.Ladouleurrevient,plusforte.Jetombeàgenoux.Mamains’enfoncedanslesable,commesimoncorpsvoulaitypuiserdelaforce.Maisrien,plusriennesemblepouvoirarrêterladouleur.
Soudain,lenoir.Puisplusrien…
Chapitre21
Mesyeuxsuiventlesmouvementscirculairesdesaiguilles.Troisheures…Cela fait troisheuresque je suisdanscette foutuepièce,attachéàcette foutue
chaise!medis-jeentirantsurmesliensavantdegrimacerdedouleur.Bonsang,Mattnem’apasloupé!Toutmon corps est douloureux. J’ai certainement plusieurs côtes cassées, ainsi quemon nez. Le
sangaséchésurmonvisageetlestachescraquellentàchacundemesmouvements.Maisladouleurm’importepeu.Toutcequicompte,c’estLola.Voilàtroisheuresquemoncœurs’estarrêtédebattre.Magorgeseserreausouvenirdesasilhouetteimmobilesurlesable,del’ambulancequil’emporte,
delapaniquedanslesyeuxdesesfrèresetdeSamantha.Pourvuqu’elleaillebien…qu’ilsaillentbien…Laportes’ouvre,interrompantmessuppliquessilencieuses.–CommentvaLola?jedemandeàThomassansattendre,malgrémamâchoiredouloureuse.– Ce n’est pas à toi de poser les questions, crache-t-il en me regardant froidement avant de
s’installersurunechaiseenfacedemoi.Ilposeundossiermarrondevantluietm’observe.–Çafaittroisheuresquejesuislà.JeveuxsavoircommentvaLola,jesorssansbaisserlesyeux.–Tuasperduledroitdeprononcerneserait-cequesonnomlejouroùtul’asabandonnée,ettule
sais,dit-il,leregardsombre.Nousnousscrutonsuninstantensilence,puisilreprend:–Jenetecachepasmasurpriselorsquej’aiapprisquetulogeaisauboutdemarue.Tuesfouou
suicidaire?–CommentvaLola?jeredemande.–Àmonavis,tun’esqu’unidiot.Cequim’intrigueégalement,c’estcequetufaisaisavecmonfrère
surcetteplage.Je m’obstine à poser la même question. Je ne sais pas ce que Damien lui a dit, et tout ce qui
m’importe,encetinstant,c’estl’étatdesantédeLola.Ilsortl’enveloppedudossierqueDamienm’adonnésurlaplageetl’ouvre.Ilétalelecontenuet
croise lesbras.Mesyeuxseposentsur l’imagelaplusnetteetun légersourires’étiremalgrémoisurmonvisage.
–Pourquoiavais-tulesdernièreséchographiesdemasœursurtoi?Donc,Damienneluiariendit…
***
–MademoiselleMorell, vous devez vous calmer, chuchote l’infirmière en prenant à nouveaumatension.
–Jesuishyper-calme!jehurle,avantdelereformulerplusdoucement.–Cen’est pasparcequevousmurmurezque cela ferabaisservotre tension,m’informe-t-elle en
retirantl’appareil,l’airamusée.–Toute cette tension n’est pas bonne pour le bébé,ma puce, ditmamère tout bas enme fixant,
visiblementinquiète.–Jesais,jedéclare,avantdesoupirer.J’observe l’écranquiaffichemon rythmecardiaqueetceluidubébéetmepasseunemainsur le
visageavantdefermerlesyeux.Jenedoispasaccouchermaintenant,c’esttroptôt.EtjedoisaussiarrêterdepenseràJerry,àson
regard…Jemereprendsenjurantquandjemerendscomptequel’imagedeJerrynequittepasmespensées.Jehaislesfossettes.Jehaislesyeuxgris.Jehaisleshommes…Jegrimacelorsquejeressensunenouvellecontraction.Ilfautquejemecalme.Jenedoispenserqu’àmonbébé.Riend’autren’importe…
***
Du sang coule le long demes doigts.Mes yeux n’arrivent pas à se détacher de la silhouetteimmobileétenduesurlesol.J’hésiteentrefuiretmelaissertomberparterre.Lecouteaudecuisinetombe sur le carrelage, le bruit me fait sursauter. Je finis par lever les yeux et vois Joshua quim’observeenpleurant.
–Ilfautquetupartes,jeluidisdoucement.Ilsecouelatête,veuts’approchermaisjel’arrêted’ungeste.–Vavoirlagardienne.Magorgeseserre.Jetentederéprimermeslarmes.Joshuanedoitpasmevoirpleurer.–Lapolicevatemettredansundonjon,dit-ilentripotantlavestedesonpyjama.–Net’inquiètepas.Maintenant,tudoispartir.Ilhésiteetsedirigeverslaporte.Ilsetourneet,enguised’aurevoir,jeluiglisse:–Soisheureux,Joshua.J’ouvrelesyeuxetjetteuncoupd’œilcirculaire.Jesuistoujoursattachéàmachaiseenfer,seul.Thomas, n’obtenant rien de moi, a fini par se lasser au bout de quatre interminables heures
d’interrogatoire.Jejetteuncoupd’œilàl’horloge.Celafaitdouzeheuresquejesuislà…Monestomacréclameàmanger,mes lèvresetmagorgeàboire.MonespritesthantéparLolaet
d’autreschosesauxquellesjemerefusedepenser.Chaquegestemedemandedepuiserdanslesdernièresforcesquimerestent,maisje lèvequandmêmelesyeuxpourobserverl’horlogeaccrochéeenfacedemoi.Jesuisànouveauladansedesaiguilles.
Le temps, c’est tout cequ’ilme reste.Le tempsde repenser àmes erreurs, deplongerdansmessouvenirs…
Vaincu, je ferme les yeux. J’espère juste que,même si jemeurs,Lola et Joshua auront une bellevie…
Unbruitdeportequiclaquemeréveilleensursaut.J’ouvrelesyeuxetvoisThomas.Iladélaissésonhabituelcostumesombrepourunjoggingetunsweat.
–CommentvaLola?jedemandeimmédiatement,lavoixenrouéeparlafatigueetlasoif.Ilbaisselesyeuxuninstantetfinitpardire,aprèscequ’ilmesembleêtreuneéternité:–Mal.Jemeredresseetattendsqu’ilmedonneplusd’informations.–Thomas!jelesupplie.–Pourquoituavaisleséchographiessurtoi?medemande-t-ilànouveau.–Parmitoutestesquestions,c’estcellequirevientleplussouvent,jeremarque.–RépondsetjetedonnedesnouvellesdeLola.Jefermelesyeuxuneseconde.–Jenevoispascequ’ilyad’étrangeàprendredesnouvellesdesonfuturenfant.Ilsecouelatête,commesicequejevenaisdedireétaitfantasque,voireimpossible.–Jenetecroispas,affirme-t-ilfinalement.–CommentvaLola?jel’interrogeànouveau.Jemefichequ’ilmecroitounon.Ilmescrute,semblanthésiter,etfinitparparler.–Elle ade l’hypertension, cequi aprovoqué ledébutdu travail.Lesmédecins luiontdonnéun
produitpourstopperlescontractions.Onnesaitpasencoresicelavafonctionner.Ondoitsepréparerdansl’éventualitéoùlebébéviendraitplusrapidementqueprévu.
–Qu’est-cequedisentlesmédecinssilebébénaîtmaintenant?Jen’aurais jamaisdûsuivre lesordres idiotsdeQ. !Ellevoulaits’assurerdemafidélitéenvers
elleenmetestant.EllesavaitcertainementqueLolasetrouvaitchezThomas.–Lebébénaîtraitavecunmoisetdemid’avance,àquelquesjoursprès,doncjenesaispastrop,me
répond-il,leregardlégèrementperdu.JedoissortirdelàetretrouverLolaàl’hôpital,medis-je,lecœurbattant.–C’estDamienquim’adonnéleséchographies.Tudevraisl’interroger,jelance,avantd’avalerma
salive.–C’estçaquevousfaisiezsurcettefoutueplage!s’exclameThomas.– Jenepeux rien tediredeplus.Va levoirouappelle-le,peu importe,maisdis-luique jedois
rejoindreLola.–Tumeprendspour tonmessager ?Et est-ce que tu sous-entendrais quemon frère participerait
égalementàdesactivitéscriminelles?souffle-t-il,furieux.–Jenesous-entendsrien,etsituveuxdesinformations,c’estàluiquetudoisposertesquestions.Il s’approche demoi, les poings serrés, et s’immobilise à quelques pas. Ilm’observe un instant
avantdepartirenjurant.Bonsang,Damien,nemelâchepasmaintenant…
***
J’observe les chiffres qui s’affichent sur l’écran à côté de moi. A priori, mes contractions ontdiminuéenintensité,maisellessonttoujoursprésentes.Jejetteunrapidecoupd’œilàmamèrequidortdanslefauteuildanslecoindelachambred’hôpital.
–Tuveuxquelquechose?medemandemonpèretoutdoucement.Enguisederéponse,jesecouelatête.–Tudevraisterendormir,Lola,dit-ilenselevant.Ilarrangemescouvertures,puiscellesdemamère.
Jeplongemonregarddanslesien,sirassurant,etfermelesyeuxlorsqu’ilmemurmure:–Toutvatrèsbiensepasser,mapuce,j’ensuiscertain.
***
Unhommefendlafumée.Jel’observe,àdemi-conscient.Combiendetempsai-jedormi?Jecherchel’horlogedesyeuxmaisn’arrivepasàlirel’heure.Sansperdredetemps,l’hommeme
détache.Jecroisesonregardquimesembleàlafoisinconnuettellementfamilier.–OùestLola?jedemandetoutbas.Ilnerépondpas.Jenesaispass’ilm’aentendu.–Lola,jerépèteplusfort.–Dépêche-toi,ilsarrivent!s’écrieauloinunevoixféminine.L’hommepassemonbrasautourdesoncou,mesoulève,etnousnousdirigeonsverslasortie.–Maisquiêtes-vous?jedemandeenlescrutant.Ilouvrelabouche,maisn’apasletempsdemerépondre,cardescoupsdefeurésonnentdansle
couloir.–Jenedevraispaspartir,jedisententantdelerepousser.Est-ceunplandeDamienpourquejepuisseretrouverLola?Jen’aipasle tempsderéfléchirdavantagecar l’hommem’assommeaveclemanchedesonarme
aprèss’êtreexcusé.JeveuxretrouverLolaetlebébé.Jeneveuxpluslalaisser…Jeveuxmafamille…–Réveille-toi,grandfrère,meditunevoix.L’attaque,Lola…J’ouvredifficilementlesyeux,nediscernerienhormisuneombre.Je meurs d’envie de demander des nouvelles de Lola, mais je ne sais pas qui m’a enlevé, ni
pourquoi.Je cligne des paupières et distingue un homme, grand et blond. Son regard m’interpelle. Je le
reconnaîtraisentremille.Iln’apaschangé…Jeretiensmonsouffleunesecondeetmelèveprécipitammentdulitdecampoùj’étaisinstallé.–Joshua,jesouffle,lavoixemprunted’émotion.Ladernièrefoisquejel’aivu,cen’étaitqu’unenfant,maisc’estunhommemaintenant,medis-
je,deslarmesstriantmesjoues.Ilmeprenddanssesbrasetmeserrecontreluiavantdereculer.–Désoléde…Jeneterminepasmaphrase,nesachantpasexactementcequejeveuxdireoumêmecomment le
formuler.J’airêvétantdefoiscetinstant,etmaintenant,jenesaispasquoifaire…Jefinisparexprimercequejeressens,toutsimplement:–Jesuistellementheureuxdetevoir,jedisenmepassantunemainsurlevisage.Ilhochetimidementlatêteetjesoupire,soulagédelevoirenforme.–Commentas-turéussiàt’échapper?jel’interroge,intrigué.–UncertainD.m’aretrouvéetm’alibéré,m’explique-t-ilenfixantlesol.–Damien…Ilatenusapromesse…
–Jenecomprendspas:ilt’alibéréett’aenvoyémechercher?–Pasvraiment,lance-t-il,gêné.–Commentça«pasvraiment»?–Jedevaisattendreici,enfait.–Seul?jedemande,surpris.–Non,ilyad’autresagents,maisilssontdanslapièceàcôté.–Etc’estaveceuxquetuesvenumechercher?–Pourquoitumeposestoutescesquestions,Jullian?–C’estque,jenet’aipasvudepuisunbonnombred’années,maisj’imaginemalmonpetitfrère,
professeurdemathématiques,orchestrertoutcequ’ils’estpassétoutàl’heure.– On va dire que ces derniers mois, j’ai appris pas mal de choses, dit-il avant de hausser les
épaules.Ilmemanquepasmal d’informations pour comprendre ce qu’il s’est passé,mais je ne veuxpas
braquerJoshuaavecdavantagedequestions.–TusaisoùestDamien?jefinispardemander.Jesuisheureuxderetrouverenfinmonfrère,maisjedoisabsolumentavoirdesnouvellesdeLolaet
dubébé.Damiennedoitpasêtreloin,s’ilyadesagentsàcôté.–Ilm’aditqu’ilavaituneaffaireurgenteàréglermaisqu’ilallaitrevenir.–Ilaparlédesasœur,Lola?jedemande,plusvivementqu’ilnelefaudrait.Ilsembleréfléchiruninstant,puisfinitparsecouerlatêteavantdedemander.–QuiestLola?Jeveuxdire,àpartêtrelasœurdeDamien?J’esquisseunlégersourireavantderépondre:–Mafemme.Enfin,pasvraiment.Maisiln’apasbesoindeconnaîtrecertainsdétails.Joshua…C’estincroyable.Toutcequej’aisacrifiérécemmentpouravoirlachancedeluiparler,
deluidiretoutcequejerêvedeluidiredepuistoutescesannées…Maintenantqu’ilsetientdevantmoi,alorsquejescrutelestraitsdesonvisagequiressemblenttantàceuxdenotremère,jeneregretterien.
–Tafemme?Elleestcommetoi?–«Commemoi»?jerépète,necomprenantpasoùilveutenvenir.–Tusais,unespion.–Non,Lolan’estpas…uneespionne,jeréponds,amusémalgrémoi.Lola,quidittoujourscequ’ellepense,quinesaitabsolumentpasmentir…Elleneseraitpasune
trèsbonneespionne,selonmoi!Maisbon,c’estpourtoutescesraisonsquejesuisfoud’elle,jecrois.– Jullian, je ne comprends pas. Qui sont ces gens qui t’avaient enfermé, et qu’est-ce qu’ils te
voulaient?Jeréfléchisuninstantetfinisparluilivrerlavérité.–L’hommequimeretenait,c’estThomas,unancienagentàquij’aivolédesinformationspourQ.
Cequ’ilvoulait,c’étaientdesinformationssurelleetsonorganisation.–Ettuluienasdonné?–Non.Jenesavaispasquetuétaislibreetjenevoulaispasrisquermacouverture.–«Tacouverture»?–C’estunelonguehistoire,Joshua,etmaintenantquetueslibre,çan’aplusd’importance,jelance,
nesouhaitantpastropm’appesantirsurlesujet.Je l’examineun instant. Je suis heureuxde le retrouver et de le savoir en sécurité,mais quelque
chosemedérangedans sonattitude. Jeme rendscompteaussiqu’ilyaune sortede fosséentrenous.Joshuan’estplusunenfant,etils’estpassétellementdechosesdepuisladernièrefoisquel’ons’estvus.
Nous nous sommes quittés dans l’horreur et nous nous retrouvons plus âgés mais nos vies sontencoremenacéesaveclaprésencedeQ.
–Tusais,onadutemps.Damienn’estpasrevenuet…Ilnefinitpassaphrase,maisjecroissavoiroùilveutenvenir.–Joshua,jenepensaispasnonplusterevoirunjour,jeluiavoueenordonnantàmeslarmesdene
pascouler.–Pasmoi.J’étaissûrquecelaarriverait.Parcontre,jen’imaginaispasquecelasepasseraitdans
detellesconditions.Maisjelesavais.Jesourisetluidemande:–Etselontoi,celadevaitsepassercomment?–Alors, lapartieactionde l’histoire tecorrespondbien.Je t’ai toujours imaginéenunesortede
JamesBondprêtà toutpoursauver lemonde,commence-t-ilens’asseyantsur le litdecamp.Lorsquej’étaisenfant,jemedisaisquetunevenaispasmevoirparcequetuétaistoujoursenmissiontopsecrète.Finalement, je n’étais pas loin de la vérité !Enfin, bref, jeme disais qu’un jour, tu rencontrerais unegentillefilleetquetuviendraismevoirquandtuposeraisenfintesvalises.
Mon sourire s’élargit en pensant à Lola et au bébé, et surtout, à l’invitation de mariage à sonintentionquej’avaiscachéedansletiroirdubureauàNewYork.
Lorsquejeleregardedanslesyeux,jenevoisquel’enfantinnocentqu’ilétait,etpourtant,c’estbeletbienunhomme.
–Malgrétoutescesannées,jemesuistoujoursditquesitun’étaispasavecmoi,c’estqu’ildevaityavoirunebonneraison,achève-t-ilenfixantsesmainsqu’ilfrottecompulsivementsursonjean.
–Tuasraison,Joshua.Toutescesannées,jen’étaispas…quelqu’undefréquentable.Maisjen’aijamaiscessédepenseràtoi.
–Etmaintenant,ilyaLola?Jepasseunemaindansmescheveuxetdécidedeluiparlerdetoutcequifaitmonbonheur.–Oui,maintenant,ilyaLola…etnotrebébé,jechuchotepresque.–Unefemmeetunbébé?demande-t-il,surpris.–Pastoutàfait,pourlebébé.C’estprévupourle27juin,maisLolaadûêtrehospitalisée.C’est
pourçaquejedoisparleravecDamien,tucomprends?Ilm’observeensilenceetselèved’unbond.–Tudevraistereposer,finit-ilparmedire.Mamâchoiresecrispe.Quelquechosemedéplaîtdanssonregard,maisjedécidedenepasécouter
moninstinctquimeditdefuirtantqu’ilenestencoretemps.–Jen’aipasletempsdefairelasieste,Joshua,jedoiscontacterD.–Jesuisdésolémaisilnevapasêtredisponibleavantunbonmoment,dit-ildoucementavantdese
dirigerverslaporte.Lorsque celle-ci s’ouvre, soudain, les pièces du puzzle s’assemblent dans ma tête. Tandis que
Joshuasort,deuxhommesarmésmetiennentenjoue.J’observemonfrère–s’ils’agiteffectivementbiendelui–enregrettantdenepasavoirécoutémon
instinct.–Désolé,Jullian,maistuvasdevoirresterlà,lâche-t-ilavantdedisparaître.Laporteserefermelourdement,melaissantseuldanslapièce.
Chapitre22
Çafaittroisjoursquejesuiscouchée,àregarderenalternanceleplafond,latélévisionet,lorsquel’ennuime gagne trop, des vidéosYoutube d’animaux sur la tablette quemamèrem’a apportée pourpouvoirfairemalistedenaissance.Troisjoursquej’attends,priantàchaqueinstantquemonbébérestebienauchauddansmonventre.Troisjoursquejemerendscomptequ’aucunchagrind’amourneméritedemettrelaviedemonenfantenpéril.
Thomas a raison. Je ne suis qu’une petite idiote immature. Il ne l’a pas dit comme ça,mais çarevientaumême.Parcequ’unhommem’aquittée,j’aiarrêtédevivre.Etfinalement,jen’ainimaisonnifoyeràoffriràmonenfant.
–Hello,mapuce,mecoupemamèredansmessinistrespenséesenentrantdanslachambre.–Bonjour,maman,jeluirépondssansentrain.–Lemédecinn’estpasencorepassé?m’interroge-t-elleenposantsesaffairessurlachaiseàcôté
demoi.Pourtouteréponse,jesecouelatête.– Je suis sûre que ça va aller, me dit-elle enme caressant les cheveux, réconfortante, avant de
s’asseoir.–J’espère,jelâchesimplement.–Tuas regardé lesitepour leberceau?medemande-t-elleenattrapant la tabletteposéesurma
tabledechevet.Non,j’aitrouvéleschatsquiseprennentpourdesninjasplusintéressants!–Oui,maisjepréféreraislevoirenvrai,passurunordinateurouunetablette.Etsurtout,çaserait
mieuxsij’avaisunlieuoùlemettre.–SamanthaetThomasseraientravisdevousaccueillir,tulesais.–ThomasapardonnéàSamantha?Vuquemonfrèrenemeparleplus,jeluiaiadresséunlongmailexpliquantencoreetencoreque
toutétaitdemafaute,quelapauvreRouquinenel’avaitpastrahi,etc.Maisjen’aipasplusdenewsdesapart.
Rouquinem’aenvoyéunmessagepouravoirdemesnouvellesetm’aproposédepasser, tout enéludantmesquestionsausujetdeThomas.Maisj’airefusé.Jeneveuxpascréerplusdetensionqu’iln’yenadéjàentreelleetmonfrère.
–Net’enfaispaspourça.Occupe-toiplutôtdegardercebébébienauchaudencorequelquetemps,meditmamèreencaressantmongrosventre.
–Jevoisd’icil’ambiancedanslabaraque,siThomasmefaitlatroncheainsiqu’àSamantha…–Thomasnetefaitpaslatête.NiàSamantha,d’ailleurs.Ilestjuste…Thomas,conclut-elle.
–Hyper-protecteur,maniaqueducontrôle…–Jevoulaisdirequetonfrères’inquiètepourtoietSamantha.Allerau-devantd’undangerdanston
étatn’étaitpasdutoutunebonneidée,mecoupe-t-elle.–J’aicompris!jem’exclame,agacéed’avoirlamêmeconversationdepuistroisjours.Mouais, je me sens quand même très seule sans Dori et Thomas… Comme quoi j’aime bien
Rouquine,danslefond!–Maman,jevoulais justeparleraveclepèredemonenfant.Unhommequej’étaisàdeuxdoigts
d’épouser.Jen’aipaspenséquejecourais,nimêmeSamantha,unquelconquedanger.–Lola,J.n’estpas…–Unhommebien,jelacoupeavechumeur.J’aibiencomprisçaaussi!–Cen’estpascequejevoulaisdire.Mais…–Maman, je voudrais parler d’autre chose, s’il te plaît, je l’interromps à nouveau, sentant les
larmesmonter.–Bien.On peut parler de ta liste de naissance, si tu veux, dit-elle avec un léger sourire enme
montrantlatablette.–Maman,jevaisavoirunbébé,jeveuxmonappartementàmoi.Pasvivreencolocationavecmon
frère,safemmeetleurchien.Si j’avais mon chez-moi, ce serait tellement merveilleux. J’ai définitivement besoin de mon
indépendance.–Jesais,Lola.Maisvivreseule,pourtoi,encemoment,c’estcompliqué.Situlesouhaites,tupeux
reveniràlamaison.–Destasdefemmesélèventseulesleursenfants.C’estcompliqué,certes,maisçasefait.–Machérie,cen’estpaspourçaquetunepeuxpasvivreseule.Contrairementàcequetusembles
penser,tuvast’ensortiretfaireunetrèsbonnemère.Maisc’esttropdangereuxtantqueQ.estenliberté.MonDieu…C’estça…EncorecettegarceàlacoiffuredePlaymobil!–Dis-moiquevousn’yêtespourriendanslefaitquejenetrouveaucunlogement?Mamèresetendlégèrementet,sansqu’elleouvrelabouche,jeconnaislaréponse.C’estpourça
quejen’aipassuquel’appartementau-dessusdechezThomasétait libreetqu’aucundemesdossiersn’étaitaccepté.Mesparentsveulentquejerestetranquillementcouverchezmonfrère,bienensécurité.Etcommeilcraignaitpourmoi,Thomasavaitdûposterdeshommesàcôtédechezlui,aucasoù.C’estpourçaqu’ilssontarrivéssirapidementsurlaplage…
–Lola,jet’assurequec’estmieuxcommeça.–Situledis…,jelâche,lassedetoutesceshistoires.Jemesensfatiguéedetoutça.Jedevraisn’avoirqu’àpenseràmonbébéetm’inquiéterdesavoir
s’il va faire ses nuits, m’interroger sur l’allaitement etme préoccuper de tas d’autres choses commen’importequelle jeunemaman.Pas songer àdespsychopathesquiveulentobtenirdes codesou je-ne-sais-quoiencore!
–TusavaisqueJerryavaitunfrère?medemandemamèrepourchangerdesujet.Jesecouelatête.Encoreunechosequ’iln’apasvoulupartageravecmoi,medis-je,tristement.Jecroisquehormismonlit,ilnesouhaitaitpaspartagergrand-choseavecmoi.Etpourfinir,ilena
trouvéunautre.Élia…Rienquedepenseràelle,jesensungoûtdebiledansmabouche.–Ils’appelleJoshua.Ilestplusjeunequelui.Àlamortdeleurpère,ilaétéplacédansunefamille
quiafiniparl’adopteretilestdevenuprofesseurdemathématiquesàl’universitédeToronto.
–Jenesavaispas, jedis,nevoyantpasvraimentoùelleveutenvenir,misàpartque j’ai failliépouserunétranger.
–Selonlespremiersélémentsdel’enquêtedeThomasettonpère,JoshuaauraitétékidnappéparQ.quelquesjoursavantvotremariage,m’annonce-t-elle.
– Et tu penses que je suis la prochaine dans son planmachiavélique ?! jem’exclame, avant dereprendre:elleadéjàJerry.Moi,jenesaisrien,jenesersàrienetlefaitqu’ilm’aitquittéemontrebienl’étenduedesessentimentsàmonégard,jefinistristement.
–Justement,souffle-t-elleavecunlégersourireavantdemecaresserànouveaulescheveux.J’ouvre labouchepour luidemanderplusd’explicationsmaissuis interrompueparquelqu’unqui
frappeàlaporte.Lemédecinentre.Jemeredresseetattendslesrésultatsavecappréhension.–Mesdames,noussalue-t-ilavecunsourireréconfortant.–Bonjour,nouslâchonsenchœur.–Bon,jenevaispasvousretenirlongtempsaujourd’hui.–Çasignifiequejevaispouvoirsortiretquelebébévabien?jedemande,anxieuse.–Toutàfait,Lola,votretensionabienbaissé,lescontractionsontdisparuetlebébéestenpleine
forme.Jemesensallégéed’ungrandpoidsetaccueillelanouvelleavecunsoupirdesoulagement.–Parcontre,cepetitdiablotinsemblepressédesortir,donconcontinuelerégime,etsurtout,repos,
enévitantbientoutessourcesdestress.Ici,jevousainotélescoordonnéesdedifférentessages-femmes.Voustéléphonezetprenezrendez-vous.Parsécurité,jepréfèreuncontrôlejournalier.Votrehypertensionn’estpasàprendreàlalégère,dit-ilenmetendantunpapieraccompagnéd’uneordonnance.
–Etsilebébévenaitdanslesjoursquiviennent?demandemamère.–Lolaentredanssatrente-troisièmesemaine,doncsilebébénaissaitaujourd’hui,ilneseraitpas
considérécommeprématuré.Àl’heureactuelle, ilmesuredéjàquarante-sixcentimètresetestestiméàplusdedeuxkiloshuit.Cequiveutdirequ’àterme,çadevraitêtreunbeaubébé.Malgré tout,chaquejourqu’ilpasseauchaudestunbénéficepourluiouelle.
–C’estunefilleouungarçon?l’interrogemamère,lesyeuxbrillantd’excitation.–Maman!Jet’aiditqueçaseraitunesurprise,jelareprends,cequifaitrirelemédecin.Ellelèvelesmainsauciel.–Jemerépète,maisçaseraitplussimplesionconnaissaitlesexe,essaie-t-elledemeconvaincre
unefoisdeplus.–Maman,tuattendrascommetoutlemonde.–Lola,vouspourrezsortirenfindematinée.Mesdames,jevousdisàtrèsvite,maispastrop,finit-
ilavecunclind’œil.Nousleremercions,etunefoislaportefermée,mamèrereprendleshostilités.–J’aivudespetitesrobesroses,avecdeschaussons…–Maman,onnevapasenreparler.Garçonoufille,tuattendras.Jesuiscertainequelesmagasins
t’accueillerontàbrasouvertslorsquelebébéseralàetqu’ilsauronttoutcequ’ilfaut.Ellesoupire,puisattrapesontéléphone.–Jevaisdemanderàl’undetesfrèresdevenirtecherchertoutàl’heure.Jedoisemmenertonpère
chezlecardiologueà11heures.–Jepeuxveniravectoi,cen’estpasgrave.–Lola,c’estàl’autreboutdelaville,doncnon.–Maman!AlexestàParis,ThomasetMattmefontlatronche,Damien,jenesaispascequ’ila,
maisluiaussisembleavoirdécidédem’éviter…–Arrêteaveccettehistoire.ThomasetDamientravaillent.EtMatts’enveutd’avoirfrappéJ.–Vraiment?Ils’enveut?jedemande,surprise.
–Onvadirequ’officiellement,oui,puisquec’estcequ’iladitàtonpère.–PapaaengueuléMattparcequ’ilacognéJerry?Mevoilàdoublementsurprise!–Jenepensepasquelaviolencesoitlasolution,tulesais.Donctonpèrem’aditqu’ilavaitparléà
Matt.C’estdingue,aprèstoutescesannées,monpèreesttoujoursaussifoudemamère.Etcommeilsait
qu’ellen’aimepasquenousnousbagarrions,ducoup,monpère luiment. Il luiditqu’ilnousgronde,maisjesais,parexpérience,quelaplupartdutemps,onresteàjouerauxcartesdanssonbureau.Unefoislapartieterminée,ilditàmamèrequ’ilnousaparlé.
–TupensesvraimentquePapaasermonnéMatt?–Onvadirequ’officiellement,oui,lance-t-elleenriant.Jecroisquepersonnen’ajamaiseulecœurdedirelavéritéàmamère,maisapparemment,ellen’a
pasbesoinquequelqu’unlaluirévèle:ellelaconnaîtdéjà!Jesuiscertainequesiçaavaitétémonpèresurcetteplage,ilauraitfaitpareilqueMatt.Enfin,bref,vivementqueQ.et toutesacliquesoientarrêtées,que jepuisse retrouverma liberté.
Quant àThomas etDamien, je n’y crois pas une seconde.Habituellement,mes frères,mêmeoccupés,trouventtoujoursdutempspourmoi.Etcettefois-ci,aucunn’estvenumevoiràl’hôpital.
Ilyaquelquechosedelouche…–Mattviendratechercher,melancemamèreenrangeantsontéléphone.–Mouais,jegrommelle.–Jesuisraviequeçatefasseplaisir,conclut-elleensaisissantsesaffairespourpartir.Ellemefaitunebisedanslescheveuxetmedit:–Situveuxrevenirt’installeràlamaison,n’hésitepas,mapuce.Jenerépondspasetlaregardesortir.Unefoisseule,jem’affaledanslescoussinsetmepasselesmainssurlevisage.Àcetinstant,j’aimeraistantfairepartied’unefamillenormaleetnepasavoiràm’inquiéterde
toutça…
***
–Salut,frérot,lanceJoshuaenouvrantlaporte.Jenerépondspasetl’observedéposercequiestcenséêtremondéjeunersurlesol.–Tun’auraispasdûtenterdet’échapper,dit-ilenscrutantlesecchymosesquiornentmonvisage.–Pourquoitufaisça?jedemande,lamâchoirecrispée.Ilreculed’unpasetregardedistraitementsespieds.–Malgré toutes ces années, tu n’as pas changé.Tune te rends pas compte que tes actes ont des
conséquencessurlaviedesautres.Ilréfléchituninstantetreprend:–J’avaisunevie, Jullian,maisun jour,alorsque jemerendaisàmon travail,elleadenouveau
changé,etdenouveaupartafaute.Onm’aenlevé,emprisonné,affaméettorturé.Toutçapourtoi.–Pourmoi ?! je répète.Ce n’est pasmoi qui t’ai enlevé, que je sache, je lui dis en serrant les
poings.–Tuconnaislathéorieduchaos?m’interroge-t-il,unpeuailleurs,enignorantmaremarque.–Tumecomparesà«lathéorieduchaos»?–Beaucoupdegensconnaissentceterme,maispasladéfinitionréelle.Onl’appellecommunément
«L’effetPapillon».
Je m’adosse contre le mur et me prépare psychologiquement à une nouvelle élucubrationmathématiquedontjenecomprendsrien.Troisjoursquejesuisretenudanscettepiècecomprenantpourseulmeubleunpetitlit.Lepremierjour,j’yavaisaccès.Maisdepuisquej’aituécinqgardesdurantmapremièretentativedefuite,jesuisenchaînéaumurenface.Cesmêmeschaînesnem’ontpasempêchédetenter de fuir à plusieurs reprises. Chacune d’entre elles n’a pas été une franche réussite,mais je necomptepasabandonner.
Deplus,ThomasacertainementprévenuetinterrogéDamien,cequiveutdirequ’ilsdoiventêtreàmarecherche.
Cequejenecomprendspas,c’estl’implicationdeJoshuadanstoutecettehistoire.Selonmoi,ilnes’agit que d’un nouveau pion de Q. Il ne sait pas se battre. Il ne me demande aucune informationconfidentielle.Ilsecontentedem’ameneràmanger,demeposerdesquestionssurmescentresd’intérêtetdemeracontercesmachinssurPythagoreouje-ne-sais-quoi.Entoutcas,jesuissûrd’unechose,c’estquemonfrèreestbienunmathématicien,etqu’ilestfranchementennuyeux.
–…Enmathématiques,lathéorieduchaosétudielecomportementdessystèmesdynamiques…Bonsang,ilnes’arrêtejamaisavecsestrucs!C’estpeut-êtresamanièreàluidemetorturer…–…Desdifférencesinfimesdanslesconditionsinitiales…–Joshua?jelecoupe.Ilrelèvelesyeuxversmoietm’observe.–Oui?–Pourquoituaidesdescriminelsenmeretenantenotage?–Jeneveuxpasmourir,répond-il,commesic’étaitévident.–Effectivement,ditcommeça,c’estd’unelogiqueàtouteépreuve,jesouffle.Ilrestesilencieuxunmoment,etcommejen’ajouterien,ilreprendsonexplication.–Donc,celaentraînedesrésultatstotalementdifférentspourdetelssystèmes…Jefermelesyeuxetmelaisseenvahirparmespensées.J’espèrequeLolaetlebébévontbien…
***
–Eh,lagrosse!mesaluedoucementMattenentrantdansmachambred’hôpital.–Tiens,maisneserait-cepasundemesfrères?jem’exclametoutenpliantundemespantalons
pourlerangerdansmavalise.Ilmeregarde,sepasseunemaindanslescheveux,l’airmalàl’aise.–Jecommençaisàm’inquiéterdenevoiraucund’entrevouspointersonnezd’imbécileici.–Jesuisdésolé…Jen’aipasréfléchi…Quandj’aivuJ.surcetteplage,j’airepenséàtoutcequ’il
t’afaitendureret…etpuisvoilà,finit-ilenhaussantlesépaules.–Turegrettes?jeluidemandeenlefixantdroitdanslesyeux.–Non.Sic’étaitàrefaire,jelereferai,souffle-t-il.Je m’approche de lui, me mets sur la pointe des pieds et dépose une bise sur sa joue en lui
chuchotant«merci».Jefinisenluitapotantl’épauleetajoute,alorsqu’ilmesourit:–Neconsidèrepasçacommeunencouragement.–Paslemoinsdumonde,dit-il,toujourssouriant.Jeretourneàmavalise,vérifiequejen’airienoubliéetlaboucle.–Qu’est-cequet’aditlemédecin?–Lebébévabien.Ilfaitdeuxkiloshuitenvironetilestdanslesstarting-blockspourquittermon
utérus.
–Ettatension?–Unmagnifique12.8.–Bien,toutçamesemblesatisfaisant…–Situessatisfait,alorstoutvabien!jelanceenriant.De fait, je suis réellement soulagée. J’ai passé les dernières soixante-douzeheures sous contrôle
constantetj’aieuvraimentpeurpourmonbébé.Jepasselamainsurmonventreetsongeque,maintenant,jedoisluipréparerunniddouillet.
Mattattrapemavaliseetjelesuisjusqu’àlavoiture.Jem’installesurlesiègepassagertandisqu’illarangedanslecoffreet,unefoisauvolant,ilmedemande:
–Tuveuxalleroù?Unefolleenviedecrier«loin»meprend,maisjemecontentededire:–Jenesaispas.Jepensequemaplaceestchezpapaetmaman.–Samanthaarangétachambre.Jecroisqu’ellet’aimebien.Jememetsàrireàcetteidéesaugrenue.–Jevaisbientôtaccoucher,Matt,etjenepensepasquemaplacesoitchezThomasetRouquine.–Tun’asqu’àvenirchezmoi!–Lefameux«cheztoi»quiauraitdûmerevenirdedroit…J’espèrequec’esttrèsmocheetquetu
asdescafardsenguisedecolocataires,jesors,pleinedemauvaisefoi.–Tuvasêtredéçue,cetappartestgénial.–Tellementgénialquetuenasoubliédevenirmevoirpendanttroisjours.–Premièrement, jene t’aipasoubliée.Enplus,mamannousenvoyaitdesmessages tout le temps
pour nous donner de tes nouvelles. Et deuxièmement, tu n’imagines pas à quel point c’est galère dedéménagerd’aussiloin.
–Commesijenesavaispas!Matt,désoléemaisjeneteplaindraipas!Etpuis,c’estquoi,cettehistoire?Tut’esréveilléunbeaujourettut’esdit«Tiens,etsij’allaisvivreàCarnon»?
–Enfait,j’ypensaisdepuisNoëldernier,souffle-t-il.–JecroyaisquetuaimaisvivreàLosAngeles?–Avant.Etpuis…–IlyaeuSafia,jefinispourlui.–Tumetrouvesnul?–Non,tul’aimais,c’esttout.–Mouais.–Tunemangestoujourspasitalien?jedemande,curieuse.–Je…jesuisallergiqueaugluten.Etpuis,jemesurveille,aussi.Jemeretiensdenepasrire,vusonairtrèssérieux.–Bon,tuvienschezmoi,alors?–Tut’imaginesvivreavecmoietunbébé?jeluidemande.Unlégersourireilluminesonvisage.JesecouelatêteenmedisantqueMattferauntrèsbonpapa
poule,unjour.–Jeveuxlaplusgrandechambre,jesorsencroisantlesbrassurmapoitrine.Sonsourires’élargitetildémarre.Toutenregardantlepaysagedéfiler,jem’interrogesurl’avenirquim’attend.Avant,àNewYork,je
savaisoùétaitmaplace.Maisdésormais,jenesaisplus.Finalement,unecolocationavecMatt,çapeutêtresympa.Entoutcas,enattendantdetrouverunchez-moi,c’estmieuxquerien.
–Bon,alors,pourlemoment,j’aidescartonspartout,doncc’estlebazar.Maistuvasvoir,onvaêtrebien,melance-t-il,toujoursensouriant.
–Aumoins,déménagermesaffairesdevraitêtrerapide,puisquejenefaisquemonterd’unétage.
–C’estvrai,j’avaispaspenséàtesaffaires,souffle-t-ilavecunegrimaceensegarant.–Tuchangesdéjàd’avis?jem’écrie,scandalisée.–Maisnon!C’estjustequej’aimalaudos.Çafaittroisjoursquej’arrêtepas.–Matt,tusaisqu’ilesthorsdequestionquejedormeparterre.–T’enfaispas,magrosse,jevaisdemanderàThomasdem’aider.–Boncourage!Ilm’enveutencored’avoirembarquéSamanthadansmeshistoires.–Jenepensepas…Maisc’estvraiqu’ilestunpeugrognon,encemoment,ditMattensortantdela
voiture.C’estamusantmaisjenedéfiniraispascommeçaunThomasencolère…,medis-jeenlesuivant
dansl’allée.–Maisc’estpasvrai!hurleThomasdanssontéléphoneensortantdechezlui,l’airfurieux.–Grognon,hein?jem’exclame.Ilsefigeennousvoyantetraccrocheinstantanément.–Lola,tun’espaschezpapaetmaman?medemande-t-ilsèchement.Bon,ilmehait…–Mattm’aproposéderesterchezlui,jerépondssurlemêmeton.C’estbon,jenevaispaslesuppliernonplus!–Bien…OK,conclut-ilenregardantlesol.Jecroiselesbrasdevantmoietlefixeensilence.–Tachambreestprête,situveuxyrester…Je…Enfin,tupeux.–Merci,maisMattaproposédemontermesaffairesdèsaujourd’hui.– Euh, on ne s’emballe pas, Lola. Tu peux peut-être rester au moins cette nuit chez Thomas et
Samantha?Jemetourneetl’observedugenre«tutefousdemoi?».LetéléphonedeThomasseremetàsonner.Illeregarde,sepasseunemainsurlevisageetlâcheun
laconique«Ilfautquej’yaille!»avantdepartirencourant.–Tuvoisqu’ilmefaitlatronche,jedisàMattalorsqueThomasestdéjàauvolantdesaPorsche.–Ilestpeut-êtrejustepressé?Jelèvelesyeuxauciel,soupireetmarmonneun«Maisbiensûr!»avantd’allervoirRouquine.
J’ouvrelaportesansprendrelapeinedefrapperetsuisaccueillieparMauriceetRaspoutine.–Hello,jenesavaispasquetusortaisaujourd’hui,ditSamanthaenmevoyant.–Si,çavamieux.Jedoisserrerlescuissesetprendrecontactavecunesage-femmepourmettreen
placeuncontrôlejournalier.–Bien.C’estunebonnenouvelle,dit-ellesansmeregarder.–JesaisqueThomasfaittoujourslatronche.Jesuisdésolée,jefinispardire.–Ilnefaitplus…Entoutcas,non,çava,maiseuh…–Bonsang,Rouquine,tupeuxpasfaireunephrasecomplète?!jelacoupe.–Ilnefaitpaslatête!lâche-t-elle,vexée.–Pourtant,quandilestsorti,cen’estpasl’impressionqu’ildonnait.–Il…avaitdeschosesàfaire.–«Deschosesàfaire»?Elleestdeplusenplusrouge,sonregarddevientfuyant.–Dis-moitout,Rouquine,jesusurre.–Destrucs…,lance-t-elle,deplusenplusincertaine.–Bon, alors, la bonne nouvelle, c’est que j’ai réussi à trouver un coin pour poser ta valise. La
mauvaise,c’estquepourquetuyaccèdes,çavaêtrecompliqué!sortMattenentrantàsontour.–Commentça?demandeDori.
–Jem’installechezMatt,j’explique.–Lola,jetejurequeThomasnefaitpaslatête.Ilestjuste…–C’estJerry,c’estça?jedemandebrusquement.SamanthaobserveMatt,deplusenplusmalàl’aise.–Doncc’estça,jesouffletristement.Çafait trois joursque jem’efforcedenepaspenseràcet instantsur laplage,cemomentoùnos
regardssesontrencontrés…–Nevousinquiétezpas,jeneferaiplusd’histoire,jelâcheenbaissantlatête.–Lola,ditdoucementSamantha.Jerry,sorsdematête…J’observelesoluninstant,inspireetdemandeàMatt,lagorgeserrée:–Bon,tumelemontres,cetappartement?–Allez,viens,magrosse,medit-ilenmeserrantdanssesbras.Jelesuisjusqu’aubasdesescaliers.–Ilestévidentquetut’occuperasdescourses?jelanceenobservantlavoléedemarches.–Désolé, jen’aipaseu le tempsdefaire installerunmonte-charge!semoque-t-ilenm’aidantà
monter.Jeluilanceunregardmauvaisavantdereprendremonascension.J’arriveàsahauteuretrisenle
voyantfrétillerd’excitation.–Tuesprête?medemande-t-il.–Matt,jesuisgrossecommeunebaleineetjeviensdemonterbeaucoupdemarches,alorsouvre
cetteporte,quejepuisseenfinposermesfesses!Illèvelesyeuxaucielets’exécute.J’avancedanslevestibule,découvreunepremièrechambreàdroiteavecsasalledebains.–Tuvasvoir,c’estquasimentlemêmequeceluideThomas,m’expliqueMatt.– Il n’y a pas de buanderie, je constate enme rendant dans la salle de bains que je trouve plus
grandeducoup.–Oui,tuvasvoir,lecoinsalonaussiestplusspacieux,commence-t-ilalorsqu’ons’ydirige.–Oùest-cequetuvasmettretonpiano?jedemandeenouvrantlabaievitrée.–Dansmachambre.J’ailaplace,etenplus,jepréfèreêtretranquillepourtravailler.–Tupeuxlemettredanslesalon,tusais,çanem’ennuiepas.J’adoret’écouterjouer.–J’aiunpianonumériquemaintenant,donclaplupartdutemps,tun’entendrasrien,puisquej’utilise
desécouteurs.–Waouh,jen’imaginaispasuneterrasseaussivaste!jelecoupeenouvrantlabaievitrée.–Oui,j’avouequeçaaétéunebonnesurprise.Parcontre,jevaisinstallerquelquechosepournous
protégerdusoleil,sinon,onvarôtircommedeuxdindesàNoël!Jerisdesaremarqueetrentrepourdécouvrirladeuxièmechambre.–Celle-là,c’estlatienne,dit-ilenm’ouvrantlaporte.–C’estlamêmequecelledeThomasetSamantha.–Oui,j’aipenséquel’onpourraitaménagerl’espacedressingetenfaireuncoinpourlebébé.–C’estunetrèsbonneidée.Enplus,lachambreestsuffisammentgrandepouryajouterunearmoire
etunpetitbureau.Jeregardeautourdemoietmedisquetoutesttrèsbien.Monbébévaavoirsonespacepourlui…–Jesaisquecen’estpaslaviequetuespérais,jesuisdésolé,souffleMattenmescrutant.–Non,maissitoutsedéroulaitcommeprévu,lavieseraitbienennuyeuse,jelanceavecundemi-
sourireenrepensantàmesrêvesdefamillemodèled’ilyaquelquesmois.Est-cequ’illuiarrived’ypenser,luiaussi?jemedemandeenrevoyantJerrysurlaplage.
Etqu’est-cequevoulaitdiremamèreàl’hôpital?Ilm’auraitquittéepourmeprotéger?…Jesecouelatêteàcetteidée.Jenedoispluspenseràlui…–Bon,j’aiplusqu’àallercherchertesaffaires,lanceMattsansentrain.Je lui sourisetmedisque,après tout,peut-êtreque riende toutçan’étaitprévu,mais j’aide la
chanced’avoirunefamillequim’aime.Grâceàeux,cetenfantvaêtreleplusheureuxdelaTerre.
Chapitre23
Finmai
– Je trouve leWinnie l’oursonplus sympa,me lanceMatt en scrutant le berceau sous toutes sescoutures.
J’ycroispas,ilvafinirpardemanderauvendeursilecontrôletechniqueestrécent,medis-jealorsqu’ilappuiedessusavecunairsatisfait.
–Jetrouvelejauneaveclespoussinsplusconfortable,jeluisorsentâtantlebordmolletonné.–Tuenpensesquoi,Samantha?luidemandeMattenfaisantdesgrandssignesendirectiondecelui
qu’ilachoisi.Jelèvelesyeuxaucieletfinisparrirequandelleluirépondrêveuse:–J’aimebienlerose.–NotreRouquineaurait-elledesenviesdebébés?jelataquine.Saréactionnesefaitpasattendre,ellerougitdespiedsàlatêteetsemetàbégayer.–Ellen’apas tort.Le roseest très joli,maisça seraitplus simple sionétait sûrsquec’estune
fille!sortMattenfixantmonventre.Ilattendquoi?Quelebébéluiréponde?–Jevousl’aidit,ceseraunesurprise.IlsoufflevisiblementmécontentetretourneàsonberceauWinniel’ourson.–Donconprendcelui-là!s’exclame-t-il.–Non,jepréfèrelespoussins.–LeWinnieiramieuxaveclafresquequenousavonschoisie,dit-il,commesisonargumentallait
finirdemeconvaincre.–Lafresqueestjaune,Winnieestjauneetlespoussinssontjaunes!jecrie.–Onn’aqu’àprendrelemoinscher,ditSamanthadoucement.Onladévisage.Hein?!–Maispourquoifaut-ilquetusoistoujoursrabat-joie?jeluisors.–Parcequeçafaitplusd’uneheurequel’onestdanslemagasinetqu’onn’aencorerienacheté!Ellemarqueunpoint…–Ellearaison.Matt,leprixduWinnie?Etsanstricher!–Ilestà199,90euros,dit-ilavecungrandsourire.Jeregardemonétiquette.Zut!–Jeveuxvérifier,jesors,demauvaisefoi.
J’attrapeleprixetrelèvelatête,blasée,alorsqueMattaffichetoujourslemêmegrandsourire.–Ilvatrèsbienalleraveclafrise,chantonne-t-il.–Elleestjaune!Lespoussinsaussiétaientjaunes!–Bon,lapoussettemaintenant,lanceSamanthaavantdesoupirer.J’adore:ellerâle,alorsqu’enfait,elleesttoutecontented’êtrelà.Ellecroitqu’onnelavoitpas
regarderleschaussons,rêveuse.Elleestrestéebiendixminutesàtripoterdeschaussettestoutàl’heure.Jecroismêmequ’elleaprisdesphotospendantqu’onavaitledostourné!
–Jetepréviens,c’estmoiquichoisis,j’avertisMatt,quicomparedéjàlespoussettes.J’attrapemontéléphonequivibreetlisunmessagedeDamien.
Arrêtedet’inquiéter,jevaisbien.Jeterappelledèsquepossible–D.
Pas vraiment la réponse que j’espérais. Ça fait depuismon séjour à l’hôpital que je tente de lejoindre,et sans résultat. Je saisqu’ildemandedemesnouvellesàmamère,àSamantha,àMatt,maisavec moi, silence. Tout comme Thomas, d’ailleurs. Depuis qu’il a arrêté Jerry, on ne le voit plus.Samanthaditqu’ils’enveutdes’êtreemportésurlaplageetsesentresponsabledemonmalaise,maisjesensqu’ilyaplus.Ilsm’évitent…
Lorsquejesuisrentréedel’hôpital, j’aidormideuxjourschezeux,letempsquel’onaménageledressingpourlebébé,etjenel’aipasvu.
–J’enaitrouvéunequifaitcombinécommetuvoulais,melanceMattenvenantversmoi.Jecontinuedefixermontéléphone,nesachantpasquoirépondreaumessagedeDamien.–Qu’est-cequ’ilya?finitparmedemanderMatt.–Rien,jedisensoupirant.DamienetThomasm’évitentetjenesaispaspourquoi.–Jecroisquecettehistoired’arrestationaremuépasmaldechosesetque,maintenant,ilsdoivent
gérerl’après.Çan’arienàvoiravectoi,Quenelle,medit-ildoucement.–Jenesaispas.Ilyaquelquechosequicloche…–Pourquoitupensesça?medemande-t-il,surpris.–Tuasremarquéqu’ilyadeshommesdeThomasquinoussuiventdepuiscematin?–Vraiment?–Oui,bon,enfinbref,jeneveuxpaspenseràçamaintenant.Jedoismeconcentrersurlescourses,
parcequecebébésemblepressédesortiretqu’onn’aencorerienàpartunberceau.–Tuasraison,dit-ilavecundemi-sourireavantdereprendre:jevaisdemanderauvendeurleprix
delapoussettecombiné.Situveuxl’avisdeSamantha,elleestaufond,elleregardelesvêtements.Encoreleschaussettes!C’estquoi,cettefixation?Jesavaisqu’elleétaitbizarre!medis-jeentraversantlemagasin.QuantàThomasetDamien,çaleurpassera.Jenedoispaslaissercettehistoireprendreledessus.Jedoisresterconcentréesurl’arrivéedubébé…D’ailleurs,jesuistellementconcentréequejefoncedansunedame.–Excusez…,jecommenceavantdelareconnaître.Jemetourne,regardeendirectiondeMatt,maisilestoccupéaveclevendeuretmetourneledos.Detoutemanière,c’esttroptard…,medis-jealorsquel’onm’empoigneetmeposeunbâillonsur
labouche.
***
Jejetteuncoupd’œilendirectiondelaporteenmedemandantpourquoiJoshuan’estpasencorepassé.Uneétrangeroutines’estmiseenplacedepuisque jesuis là.Monfrèremerendvisite tous les
jours à la même heure, me dépose mon repas, me parle mathématiques, me pose des questions surdiverseschosesqui,selonmoi,sontsansintérêt,puisrepart.Mêmesij’avouequejeprendsgoûtàsesvisites,celanem’empêchepasderéfléchiràdesplansdefuitedèsquel’occasionseprésente.
Laportes’ouvreenfinetJoshuaapparaît,maiscettefois-cisanssonhabituelplateau-repas,nison«Salut,frérot».Ils’approched’unpasvif.J’ouvrelabouchepourluidemandercequ’ilsepasse,maisilmefaitsignedemetaire.
Alorsqu’ilsortquelquechosedesapocheet tentededéverrouillermeschaînes, jediscernedesbruits de pas dans le couloir. Quand ils se rapprochent, Joshua recule vivement et reste immobile àl’entréedelacellule,têtebaissée.
Toujours attaché, je tire impatiemment surmes liens,mais ilme fait denouveau signedenepasbouger.
Je me demande une seconde ce qu’il se passe, mais finis par comprendre quand j’aperçois Q.entouréed’hommesarmésentrerdanslapièce.
–AgentJ.,raviedevousrevoir,melance-t-elleensedirigeantversmoiavecunsourirecharmeur.JejetteunregardàJoshua,quiobservelascèneavecunlégersourirecomplaisant.–Joshua,chéri,vousavezétémerveilleux,sortQ.aprèsavoirdéposéunlégerbaisersurlabouche
demonfrère.N’est-cepas,J.?J’avaisdesaffairesurgentesàrégleretjem’inquiétaisterriblementdenepasêtrelàpourvousaccueillir,maisvotrefrères’estsigentimentproposéquejen’aipaspuluirefuser.
– Vous n’étiez pas obligée de vous donner tant de mal si vous souhaitiez me parler, je crache,furieux.
–J.,jesuissincèrementdésolée,maisvotreattitudemelaissaitpenserquevousn’étiezpasàcentpourcentavecnous,enchaîneQ.sansprendreencomptemaremarque.
JemeredresseetfusilleJoshuaduregard.Sijecomprendssacrainteetsacoopérationpouréviterunemortcertaine,iln’estpasnonplusobligédecoucheravecelle!
– Donc, mon arrestation par Thomas avait été orchestrée… pour voir si j’allais lui vendre lamèche?
–Nedramatisezpas.Quoiqu’ilsepasse,nousavionsdéjàprévudevousrécupérergrâceàl’aidedeJoshua.Etquellen’apasétémasurpriselorsquej’aidécouvertquevousrevendieznosinformationsàl’Agenceetquevotreseulbutétaitdelibérervotremalheureuxpetitfrèredenosgriffesacérées.
Sontonsarcastiquem’intrigue.Joshuan’auraitpasétékidnappé?!–J’aicommel’impressionqueJoshuanesesentaitpasendanger, jesors,espérantenapprendre
plus.–Ehbien,audépart,cen’étaitpasgagné,maisgrâceàquelques…argumentsbienplacés,Joshua
s’estviterenducomptedecequiétaitlemieuxpourlui.Doncilabienétékidnappé,maisiladécidédecoopérerparlasuite…Ilnem’apasmenti.D’uncôté,celamerassure,maisd’unautre,jenesaistoujourspasdequelcôté
ilest.A-t-ilvéritablementsuccombéàQ.?S’est-ilfaitluiaussiendoctriner?–Qu’est-cequ’ont’apromispourtrahirtafamille?jeluidemande.–Lavengeance,lâche-t-ilsimplement.–«Lavengeance»?jedemande,surpris.–Tut’esdéjàdemandéquelgenredeviej’avaiseupartafaute?Jesecouelatête.Bonsang,est-cequ’iljoueunrôlepourQ.oulepense-t-ilvraiment?–Jenecomprendspas…Toi,tuaseuunefamille.Ilst’aiment,ilst’ontadopté…–Tum’astoutvolé,dit-ilenattrapantunrevolverderrièresondos.«Toutvolé»?!Maisqu’est-cequ’ilraconte?
–Jenecomprendspas,jesors,toutensuivantsesgestes,lesyeuxécarquillés,alorsqu’ilsecouemaladroitementsonarmeenparlant.
–Notremère,notrepère,çaneteditrien?–Joshua…Mamanestmortedansunaccidentdevoitureetnotre…Ilneméritaitmêmepascenom!
jem’exclame.–Commentoses-tuteréserverledroitdevieoudemort?–Ilallait…Je…Jenecomprendsrien…Est-cequ’iljouelacomédie?Messouvenirssemélangent.Lascènequej’avaistantprissoind’oublier,demettredecôtédansma
mémoire,mesubmerge.Dansundernierespoirpourmedéfendre,pournousprotéger…Joshua,quimeregardeavecsesyeuxbleusinnocents…Lecouteau…Lapeur…
–Jesuisvraimenttouchéeparcesretrouvailles,maishélas,nousavonsdelavisite.DoncJoshua,tujouerasplustard,lanceQ.,quisembleagitée.
Jejetteuncoupd’œildansladirectionqu’ellenequittepasdesyeuxetmoncœurs’arrêtedebattreàcetinstant.Unhommeentredanslacellule,unefemmedanssesbras,etilnemefautpasplusd’unquartdesecondepourlareconnaître.
–Lola!jem’écrieenmedirigeantverselletandisquel’hommelaposeparterre.Mes chaînes sont tendues au maximum, mais elles me permettent quand même de m’approcher
d’elle.Je tombeàgenoux,caressesescheveux, l’appelle inlassablement.Ellenebougepas.Des larmes
coulentlelongdemonvisage.–Qu’avez-vousfait?Elleestenceinte,monstres!jehurleenlaserrantcontremoi.Satêteretombemollementsurmonbras.–Lola,jet’enprie,réveille-toi…,jelasupplie.Ilfaut…Ilfautquejel’emmèneàl’hôpital…Jemeredresse,passeunemainsoussesgenoux,l’autresoussesépaulesetlasoulève.Joshua,Q.etleurshommesm’observent,prêtsàtirer.Je cherche une solution,mais n’en vois aucune. Je suis toujours attaché. Si je bouge, onme tire
dessus,etsurLolaaussi.Jelaserreunpeuplusfort.Jenesaispasquoifaire…Jelavoisrevenirdoucementàelle.–Laissez-lapartir,parpitié,jedemande,lecœurbattantàtoutrompre.Abattez-moisic’estceque
vousvoulez,peum’importe,maislaissez-latranquille,jetermine,lavoixérailléeparl’émotion.L’undesgardesvientchuchoterquelquechoseàl’oreilledeQ.,quimeregardelonguementavantde
soupirer.Elleluiadresseunsignedemainetildéguerpitaussivitequ’ilestvenu.Ellesembleencolère.JeprieintérieurementpourquecesoitlesfrèresMorellquilamettentdanscetétat.
–Embarquez-les,etvite,lance-t-elle,lamâchoirecrispée.Jebaisselatête,plongeuninstantdansleregarddeLolaquim’observeensilenceetl’étreintplus
forttandisqueleshommesdeQ.s’approchentdenous.Jemetends,prêtàmebattre.–Non,onn’aplusletemps.Plustard!ditJoshuaàQ.enfixantLola.Q.m’observe,puisfusilleduregardmonfrèrequirenchéritnéanmoins:–Ilsarrivent,jelesentends.Furieuse,ellefinitparjurer,puisordonnebrusquementàseshommesdesereplier.Avantdepartir,
elles’immobiliseuninstantsurleseuil.–Vouspouvezremerciervotrebonneétoile,J.,maisjen’enaipasfiniavecvous.Elleavanced’unpasdeplus,s’arrêteànouveauetlâche,avantdedisparaître:
–JepasserailebonjouràD.devotrepart.Damien…IlsontcapturéDamien.Joshuame jette un dernier coup d’œil et chuchote avec un léger sourire avant de partir : «Sois
heureux,Jullian.»Monsangseglaceuninstantetjecomprendsquemonfrèren’yestpeut-êtrepaspourriendanscette
libérationprovidentielle.–Jerry,chuchoteLola.Jeplongemonregarddanslesien,ettoutcequej’aienviedeluidire,toutcequejedoisluidirese
bouscule dans ma tête. Mais rien ne vient. Ses yeux se referment. Je m’assieds par terreprécautionneusement,Lolatoujoursdanslesbras,etplongemonvisagedanssescheveux,parcourssoncouavecmonnez,mabouche.Mesdoigtss’enfoncentdanslachairtendredeseshanches.Jenedevraispasprofiterdelasituation,maisc’estplusfortquemoi…
Ellem’atellementmanqué.J’aicrumourircentfoisavantdepouvoirprofiterdecemoment.Jeposedélicatementunemainsursonventreetmelaisseenvahirparlebien-êtrequececontactme
procure.–Jevousaimeàenmourir,touslesdeux,jesouffleententantdenepasmelaissersubmergerpar
l’émotion.Lolabougelégèrementet,lorsquejelèvelesyeux,jemerendscomptequenoussommescernés.–Lâche-la,lanceThomasenmepointantavecsonarme.–Jenesaispascequ’ils luiont fait,mais tudevraisappeleruneambulance, je réponds, lavoix
enrouée.–Nem’obligepasàrépéter,jen’hésiteraipasunesecondeàtetireruneballeentrelesdeuxyeux.Nosregardssecroisent,mamâchoiresecrispe.Jeneveuxpasm’écarterd’elle.Jeneveuxplusles
quitter.–J.,nemeforcepasàfaireça,répète-t-il.–Tusaisbienquejeneluiferaiaucunmal,jetente.–Toutceque jesais,c’estque tuesrecherchédanscinquante-huitpaysetque tuescoupablede
beaucouptropdecrimespourtenirmasœurenceintedanstesbras.–C’estmafamille…–Cen’estpluslecasdepuisunmomentettulesais.–Tuasappeléuneambulance?–Oui,elleattenddevant.–Laisse-moijuste…–Non,dit-ilenaffirmantsaprisesursonarme.Je regarde une dernière fois Lola, me retiens de faire un nouveau geste, trop conscient que je
pourraisêtreabattuaumoindremouvement,etlareposedélicatementsurlesol.Jemerelèveetm’écartesanslaquitterdesyeux.J’observesasilhouetteimmobilealorsquedeshommesmeplaquentbrutalementcontrelemuretmefouillent.Peuaprès,desambulanciersaccourent.IlsdéposentLolasurunbrancardetlasortentdelacellule.
–Pourquoiavoirfaittantdegrabugespourt’extrairedemonagenceetfinalementtelaisserlà?medemandeThomasenrangeantsonarme.
–Damiennet’ariendit?jedemande,surpris.–Niparlé,nivu.Ilestinjoignable,m’apprend-il,insondable.LesdernièresparolesdeQ.mereviennentenmémoire.–C’estparcequeQ.retientDamienenotage,jelâche.Etc’estpourquoi,auxyeuxdeThomas,jesuistoujoursaussicoupable…
–Damien?Enotage?C’estquoi,ça?Unnouveaumensongepourjenesaisquelautreplantordu?s’énerve-t-il.
–Jesuisunagentdouble,Thomas.–«Unagentdouble»?dit-ilenriantpresque,commesilaperspectivedemesavoirinnocentétait
impensable.– Lorsque Q. s’est échappée, Damien est venu me voir pour que j’intègre son équipe afin de
l’espionnerainsiqueseshommes.–Iln’auraitjamaisfaitçaàLola,souffleThomas.–Renseigne-toiauprèsdel’Agence.D.estmonagentdeliaison,jelanceenleregardantdansles
yeux.Thomassecouelatête,maisn’ajouterien.Ilfaitsigneàseshommesdem’évacuer.Ilsmedétachentrapidementetjelessuissansmefaireprier,espérantapercevoirLola.Maintenant
quemacouvertureesttombée,ilesthorsdequestionquejeresteloind’elle.–Appellel’Agence!j’insiste,unefoisdehors,toutenfixantl’ambulance.–C’estdéjàfait,lance-t-ilalorsqu’ilnesembletoujourspasmecroire.–Tun’aspasdûinterrogerlesbonnespersonnes,alors.Ilsoupire,revientversmoietsouffle,énervé:–Etselontoi,quifaudrait-ilcontacterpouravoircegenred’information?–Tun’asqu’àappelerledirecteur,jefinispardire.Ilmescrute,sansriendire.–Thomas,jesaisqu’ils’agitd’unamitrèscherdelafamilleMorell.Justeuncoupdefil!Je ne sais pas ce qui l’énerve le plus : la perspective deme savoir innocent ou apprendre que
Damiennel’apasmisdanslaconfidence…Monregardtombeànouveausurl’ambulance.CommentvaLola?Est-cequ’elleesthorsdedanger?jemedemandealorsqueThomass’écarte,
sonportableàlamain.Jenesupportepasdedevoirpatienteràquelquesmètresd’elle.Maplaceestdanscetteambulance,
avecLola.Respire,J.,tun’aspaslechoix…J’observeànouveauThomas,quisembles’agiterautéléphone.Ilmejettedescoupsd’œilenbiais.
Jesaisqu’ilsluiconfirmentàprésenttoutcequejeluiairévélé.Ilraccroche,rangesontéléphonedanssapocheetordonneà l’undeseshommesdemedétacher. Jemefrottemachinalement lespoignetsenobservanttoujoursl’ambulance.
–N’ysongemêmepas.Masœurn’estpasunjouet.–Jenel’aijamaispensé.– Pourtant, tu t’es permis de jouer avec elle. Si tu savais à quel point tu l’as fait souffrir, siffle
Thomas,leregarddur.–Jen’aipasjouéavecelle.J’aifaitcequetuauraisfaitpoursauverl’undetesfrèresettulesais,
jedéclare.Lasimpleidéedetoutcequ’aenduréLolaparmafautemerendmalade.–Non,jen’auraisjamaisfaitçaàSamantha.Contrairementàtoi,j’aiconsciencedelavaleurdece
quej’ai,souffle-t-ilensecouantlatête.–Tulaisseraistonfrèremourirparamour?–Cequevousavez fait àLolaest impardonnable.Tu luiauraisparlé,elleauraitcompris.Tuas
préféré la laisserdans l’ignoranceetmettreendangersavie,ainsiquecellede l’enfantqu’elleporte.Contrairementàtoi,jefaissuffisammentconfianceàSamanthapourtoutluidire.
–Jen’aipaschoisi!jecriepresque.
–Onatoujourslechoix,J.Toi,tuaschoisidet’enfermerdanslemensonge.N’approcheplusdemasœur,memenace-t-il.
–Cen’estpasàtoideprendrecettedécision,jesouffle,lamâchoirecrispée.–Heureusementpourtoi,sinon,tuseraisdéjàmort.Ilfautquej’aillesortirDamiendumerdierdans
lequelils’estfoutu.Situlafaissouffrirànouveau,jetetue,déclare-t-ilenmeregardantdanslesyeux.–Jesais.Lechoix…Est-cequesij’avaistoutditàLola,elleauraitcompris?Jenecroispas…UnmédecinaideLolaàsortirdel’ambulanceetjerespireànouveau.Jemepasseunemaindansles
cheveuxetl’angoissem’étreint.Etsiellenemepardonnaitpas…
***
J’observeJerryquidiscuteavecThomasàquelquesmètresdemoietmeremémorelemomentpassédanssesbras,sesregards,sesmainspossessivesquimeretenaientcommes’ilnevoulaitplusjamaismequitter.C’étaitilyaàpeinequelquesminutes,etpourtant,j’ail’impressionquec’étaitilyauneéternité.
Moncorpsestdéjàenmanquedelui.Jemedétestepourça…Ilapassédoucementsonnez,seslèvreslelongdemoncou.Ilamurmurémonprénomcommesi
c’était lachosequicomptait leplusaumonde.Ilaposésamainsurmonventreetasembléretenirsarespirationquandlebébéadonnéuncoup.
Est-cequej’airêvétoutça?Il tourne la tête, me regarde quelques secondes et fixe à nouveau Thomas. Mon frère semble
incroyablement agité, à bout de nerfs. Ilm’observe à son tour, se passe unemain sur le visage avantd’ordonnerquelquechoseàl’undeseshommes.Jerryresteimmobile,lesyeuxrivésausol.Moncœurcognefortdansmapoitrine.
Jenecomprendspaspourquoiiln’estplusenétatd’arrestation.J’ailafâcheuseimpressiond’êtreencoreunefoisàcôtédelaplaque.
IlavaitétéarrêtéàcausedesacollaborationavecQ.,ellemekidnappe,etmaintenant,ilestlibre…Ilnetravaillepluspourelle?
Jetentedemeremémorercequ’elledisaitmaisjenemesouviensderien.Çaavaitunrapportavecsonfrère,jecrois…Lesparolesdemamèreàl’hôpitalmereviennentenmémoire.Ilm’auraitquittéepoursauversonfrèreetmeprotéger?Jesecouelatête.Jepréfèreéviterdepenseràça.Jeneveuxpasretomberdanscecerclevicieux.
J’aimistropdetempspourarriveràrespirerenfinsanspleurer,alors,non,ilnem’atteindraplus!Il se passe une main dans les cheveux, relève la tête et je ne vois plus que ses yeux gris qui
m’observent.Ilfautquej’arrêtedeleregarder…Jedevraisfairecommesisaprésencenem’importaitpas.Oui,genre«Jesuispasséeàautrechose
etçanefaitpascinqmoisquejepleurecommeuneMadeleineparcequ’ilestparti».Jeregardeàdroite,àgauche,tentedeprendreuneposedétachée,lesmainssurleshanches,puisle
longducorps,leregardauloin…J’aipasl’impressionqueçamarche,franchement.J’aiplusl’airempotéequ’autrechose…Oupire,
ondiraitquej’aienviedefairepipi.Jegrimaceàcetteidéeetfinisparcroiserlesbrasdevantmoi.
Décontractée,détachée…Est-cequ’ilm’observeencore?Jedevraispeut-êtrejeteruncoupd’œil…Justehistoired’êtrecertaine…–Lola!s’écrieMattenmerejoignant,àboutdesouffle.Ilmeprenddanssesbrasetmeserreàm’étouffer.Quandjecouine,ilmerelâcheenfin.–Jesuisdésolé!Ons’estfait tellementdesoucis,s’excuse-t-il,alorsqueSamanthaarriveàson
touretmescrutedesesyeuxbizarres.–Çava,jevaisbien,jelesrassureimmédiatement.–Lemédecinapristatension?m’interrogeMatt.Samanthacontinuedem’observer.Ellesembleencoreinquiète.–Oui.Elleestunpeuélevée,maisc’estbon.–J’appellelasage-femmepourqu’ellepasseàlamaisontefairel’électrobidule.J’ouvrelabouchepourrépondre,maisjen’aipasletempsdedirequoiquecesoitquemonfrère
parledéjàdemonutérusaveclasage-femme.–Tuessûrequeçava?medemandedoucementSamantha.–Oui,jedoisjustemereposer.–Jesuisdésolée,personnene lesavusvenir.Heureusement, lesgardesdeThomasn’étaientpas
loin.Onafaitaussiviteque…–Rouquine,tun’yespourrien.Etnet’enfaispas,jevaisbien,jelacoupe.Bon,OK.Envrai,jel’aimebien,maDori.Voilà,jel’aidit,maisçaresteraquandmêmeunsecret.
Jenevoudraispasgâchercettemerveilleuseententeentrenous.Etsurtout,jepensequesijelatorturaismoins,elletrouveraitçabizarre.
Ellefinitparhocherlatêteetjetteuncoupd’œilàThomasqui,dèsqu’ill’aperçoit,luiadresseunlégersourire.
–Vas-y.Jet’assurequeçava,jeluiredisenvoyantqu’ellehésiteàmelaisserseule.Ellesemordlalèvreetsedirigeversmonfrère,quilaserreimmédiatementdanssesbras.Parfois,
quandjelesvoisaussiamoureux,moncœursebriseencoreunpeuplus…–Commentvas-tu?medemandeunevoixdansmondosquimefaitinstantanémentfrissonner.Maisqu’est-cequ’ilfaitlà?!Jepensaisquenousavionsunaccordtacitequidisaitqu’ildevaitau
moinsmepréveniravantdem’adresserlaparole!Parcequelà,voilà,jemesensconne.J’étaispasprêtedutout!
Jeluifaisfacemalgrétout,ententantderassemblerlesbribesdemoncouragequisembles’êtrefaitlamalle,etobserveobstinémentsespieds.
Oui,évidemment,lessiens.Lesmiens,çafaitdéjàunmomentquejenelesvoisplus.Ilm’ademandéquoi,déjà?Pourquoi faut-il que sa voix soit aussi sexy ? Pourquoi faut-il que je sois aussi enceinte ? Et
pourquoijenemesuispasmaquilléeavantdesortir?–Lola,tuvasbien?meredemande-t-il,plusdoucement.Non.Jemesensgrosseettriste,voirecarrémentdésespérée…–Commeunefemmeenceintedeplusdehuitmois,jebaragouinesansleregarder.Détachée…Voilà,jesuishyper-détachée…Ellessontsympas,seschaussures…Habillésansvraimentl’être…J’aimisquoi,déjà,commechaussures,moi?Zut,jenesaisplus.Sijetendslajambepourregarder,
ilvatrouverçabizarre…Onvaéviter,çavautmieux.–Lemédecint’aauscultée?m’interroge-t-il.
–Depuisquandmonétatdesantét’intéresse-t-il?jesors,enleregardantdroitdanslesyeuxcettefois-ci.
Sonregardesttourmenté.–Jem’inquiète,tuétaisinconsciente…–Jenelesuisplus.Pourquoij’aiditça?Çaneveutriendire!Bon sang, j’avais oublié qu’il était si grand etmoi si petite…Et que ses yeux étaient si beaux,
aussi…J’observesapommed’Adamquimonteetquidescend.Ilestvraimentbientropsexy,cecon!–Lemédecint’aditquelechloroformen’étaitpasundangerpourlebébé?–Tueslibreànouveau?jedemande,lessourcilsfroncés.–Oui…C’estunelonguehistoire…–…quetunecomptespaspartageravecmoi,jetermine.C’estbien,aumoins,çamerappellequeriennechange.–Tuesmagnifique,souffle-t-il,lavoixrauque.–Belle tentativedediversion…Jem’attendaisplutôtà«C’estsecretdéfense», jedisententant
d’imitersavoix.Ilsecrispeunpeuplus.Ilnesemblaitpass’attendreàcegenrederéactiondemapart.Genre,ilpensaitqu’uncomplimentbienplacéallaitmefairetoutoublier?–Jesuisdésolé,Lola…–Dem’avoirlaissée,denepasêtrepartiplustôt,dem’avoirfaitcroirequetum’aimaispourmieux
allert’envoyerenl’airavecuneautre,denepasavoirmisdepréservatiflorsquel’onacouchéensemblela première fois auKansas, dem’avoir demandée enmariage ou juste dem’avoir rencontrée ? je lecoupe.
Lola:50000000Sexy-Connard:0Ilsemblecherchersesmotsmaisjeneluienlaissepasletemps.Danstouslescas,c’estfini.–Jedoisrentrer,jesuisfatiguée,jedissèchementenmedirigeantversMattquiattendunpeuplus
loin,lespoingsfermés,prêtàseruerànouveausurJerryaumoindresignedemapart.Ilfautquejeparte.Sinon,jevaispleurer,etjeneveuxpasqu’ilmevoiepleurer.J’aimafierté.Jevaisattendred’êtredansmachambre,danslenoiretavecmonchatpourça.Commeunegrande.Enpassantàcôtédelui,jetentedel’ignorerautantquepossible.Leregardauloin,Lola…–Onrentre?jedemandeàmonfrèreenrefoulantdifficilementleslarmesentraindemonter.Ilhochela tête,passeunbrasprotecteurautourdemesépaulesetmeguidejusqu’àlavoiture.Je
suistentéedejeterunderniercoupd’œilàJerrymaisjemeretiensdejustesse.Çaneserviraitàrienàpartmefaireencoreplusdemal.
ThomasvachercherSamanthaet,unefoistoutlemondeàbord,jemelaisseconduireensilence.Detoutemanière,mon esprit est trop saturé d’informations pour que j’émette lemoindre son. La voituregarée, jem’extirpe du véhicule et entreprends de gravir les escaliers avec lenteur.Ce qui, en soi, nechangepasvraimentded’habitude.Saufqu’aujourd’hui,atteindrel’appartementmesembleparfaitementinsurmontable.Parfois,jemedemandesi,quandj’ailedostourné,quelqu’unn’ajoutepasdesmarches.
Ilfaudraitquejelescompte,àl’occasion…
Matt ouvre la porte, me laisse passer et je file dans ma chambre sans demander mon reste. Jem’agrippeàlaporteferméecommesiellemeprotégeaitdel’extérieur,deJerry,demessentiments…
J’aitellementsongéàcemomentoùjepourraisluiparleret,pourfinir,jen’aimêmepassupportédemeretrouverfaceàlui.
Thomasaraison.Cethommeestdangereux.Ilfaitdemoicequ’ilveut,etjemedétestepourça.D’ailleurs,jenecomprendstoujourspaspourquoiilestlibre.Jemepasseunemainsurlevisage.Encoreunefois,onmetientàl’écart,etjenesuisaucourantde
rien!C’estpeut-êtremieuxcommeça…Qu’ilsrèglentleursaffairessansmoi,tousautantqu’ilssont!En
plus,j’enaimarredemefairekidnapper.Ilyapasdecongéprénatalpourça?Sérieux,jesuistropenceintepourleursconneries!Jefinisparlâcherlaporteetmedirigeverslasalledebains.Jem’arrêtedevantcequi,àl’origine,
était ledressingetobserve la frise jaune.Mesyeux tombentsur lacouverturequemamèrea tricotée,poséesurlacommode.Jefinisparlaprendreetlaserrercontremoi.
Simoijenesuispasensécurité,est-cequemonbébélesera?Ilvautpeut-êtremieuxquejerestechezmesparentsletempsquetoutçasoitterminé…J’enaitellementmarre…,medis-jeensentantunelarmecoulerlelongdemajoue.Je repose la couverture, sèche mes larmes et m’allonge sur le lit. Le regard perdu dans la
contemplationduplafond,j’entendslasonnetteet,quelquessecondesplustard,descoupsàmaporte.Lasage-femme…Mattestd’uneefficacitéredoutable.Jemeforceàmelever,examinemonvisagedanslemiroiraupassage.Super,j’ailesyeuxbouffis,medis-jeavantd’allerouvrir.– Jerry ! jem’écrie, surprise, nem’attendant pas à tomber nez à nez avec sa silhouettemassive
devantmaporte.–Jedoiste…parler,dit-il,lavoixlégèrementéraillée.–Tuascinqminutes,lanceMattderrièrelui.Jerryseretourne,agacé,etregardemonfrère,lesbrascroisés,quichuchote:–Tuluifaisdumal,jet’étripe.Les lèvres pincées, Jerry hoche la tête et reporte son attention sur moi. Puis, il regarde avec
insistancemachambre.Bon,ilsembleraitqu’ilveuilleentrer.Jefinisparm’effaceretlelaissepénétrerdansmachambre,
quimesemblebienminusculemaintenant.–Lasage-femmevaarriverd’uneminuteàl’autre,dis-jepourluifairecomprendrequejeneveux
pasqu’ils’attarde.Enfin,jecrois…– Je sais, ton frère me l’a dit, répond-il en saisissant un lapin en peluche, qu’il repose
immédiatement.–Qu’est-cequetuveux?jefinispardemander.Saprésenceestoppressante.Jenesaispasquelleattitudeadopter.Ilmeregardefixement,puisbaisselesyeux.–Toutàl’heure,tum’asdemandésijeregrettaisde…–Jesaiscequej’aidit,jelecoupesèchement.Jeveuxqu’ilreste,jeveuxqu’ilparte…Jeveuxtoutoublier…Il semble déstabilisé par ma réaction. À croire qu’il est tellement sûr de lui qu’il pensait
sincèrementquej’allaislesupplierdemedirequ’ilm’aimeàenmourir.–Jeneregrettepasdet’avoirrencontrée.
–Raviepourtoi,parcequecen’estpasmoncas,dis-jeententantdenepasdéfaillir.Jenedoispasluimontreràquelpointilmetouche…Niregardersapommed’Adamquimonteetquidescend,nisamainquis’attardedanssescheveux,
nisesavant-brasquimerappellentàquelpointj’aiaimém’yraccrocherlorsquejecroyaisencoreàsesmots…
–Jenesuispas…,commence-t-ilensepassantlesmainssurlevisage.Lola,telaisserseuletoutcetempsaétéladécisionlaplusdurequej’aiejamaiseueàprendre.
–Contentedesavoirqu’aumoins,jenet’aipasfacilitélatâche.–Peut-êtreque…un jour…onpourrait…dîner, finit-il saphrase,commes’ilnesavaitpasquoi
dire.–«Dîner»?jerépète,surprise.–Déjeuner?Oumême…justeboireuncafé?–Tum’asabandonnée,enceinte,lejourdenotremariage,tut’esfaitarrêterpourcollaborationavec
descriminels,etmaintenant,tum’invitesàboireuncafé?–Je…Leschoses…nesontpascequ’ellesparaissent.–Oh!pardon!Parcequefinalement,tunem’aspaslarguéeparcourrierlejourdenotremariage?
C’estétrange,pourtant,ladernièrefoisquej’aivérifié,toietmoi,onn’étaitpasmariés!–Non,dansl’absolu,c’estvrai.Maisjenel’aipasfait…degaietédecœur.–C’estuneblague?«Degaietédecœur»?–Lola…–Tusaisquoi?Jevaisnousfaciliterlatâche:jesuisdésolée,maisçanevapasêtrepossiblepour
moipendantlesdix-huitprochainesannées,jelanceencaressantmonventre.Silence.Ilregardefixementlesol,semblecherchersesmots.–Tudevraispartir,maintenant,jedispourmettrefinàcetteconversation.De toutemanière, aucune des questions quime brûlent les lèvres ne veut les quitter.Alors c’est
mieuxcommeça,finalement.–Jet’aime…–Tunem’aimespas,Jerry.Ouquelquesoittonnom,d’ailleurs.Sic’étaitlecas,tunem’auraispas
abandonnée.Jesuisenceintedeplusdehuitmoisetàaucunmomenttunet’esdemandésij’avaisbesoindequelquechose.
–Jem’appelleJullianKing,j’aitrente-deuxansetunfrèreplusjeunequemoi,Joshua,souffle-t-il,lesyeuxrougesetlavoixtremblante.
Ma gorge se serre. Je suppliementalementmes larmes de ne pas couler,mes jambes de ne pascourirverslui,mesmainsdenepasletoucher…
–Tudevraispartir,jedisànouveau,sansconviction.–Ma…mère…mamèreestmortequandj’avaisneufansdansunaccidentdevoiture.Marespirationestchaotique.–Jeveuxquetupartes,jechuchote,enpuisantlaforceaufinfonddemoipourresterdebout.–Monpère…–Tuaseuuneenfancedifficile,jelecoupe.J’aicompris,maisçan’excusepastout.Maintenant,je
veuxquetupartes,jeterminesuruntonplusferme.–Jet’enprie,jepeux…–Non,tunepeuxplus.Jenecomprendspasàquoitujouesetjeneveuxpaslesavoir.Jevaisavoir
un enfant et, contrairement à toi, je compte lui offrir le meilleur. Maintenant, va-t’en, je conclus enouvrantlaportepourluisignifierquelaconversationestterminée.
Net’effondrepas,net’effondrepas…,jemerépètealorsqu’ilavanceversmoi.
Letempssembles’arrêterlorsqu’ils’immobiliseàquelquescentimètresdemoi.Ilposesamainsurmonventre,approcheseslèvresdemonoreilleetmurmure:
– Aux dernières nouvelles, le bébé pèse deux kilos neuf cent cinquante, mesure quarante-septcentimètresetseporteàmerveille,malgrétessoucisdetension.Lasage-femmepassetousles joursà17heures,etmêmesijen’étaispasprésent,j’aivutoutesleséchographies.J’airespectétonsouhaitdenepasconnaîtrelesexedenotreenfantetjevousaimetouslesdeuxcommeundingue,finit-ilenposantseslèvresdansmoncou,lamaintoujourssurmonventre.
Sachaleurm’enveloppe,jefermelesyeux,etlorsquejelesrouvre,ilestdéjàentraindefranchirleseuildelaported’entrée.
J’aibesoindem’allonger…J’ignorecomment,maisjeparvinsmiraculeusementjusqu’àmonlitetm’ycouche.Jefermelesyeux
etdonneenfinlibrecoursàmeslarmes.Jullian…
***
Jedévale lesmarches, trébuche,me relève. Jen’arriveplus à respirer.Les larmesbrouillentmavue.
Jenesaisplusoùaller…Etsijeremontais…Etsijelasuppliais…Jen’aipasditcequej’auraisdûdire,toutcequej’aigardépourmoiduranttouscesmois.J’aurais
dûluidirequejenepeuxpasvivresanselle,quej’aimelebébé,quejelaveux,lesveuxtouslesdeux…–Sitôtlibre,sitôtchezelle?–Élia,dis-jeenpassantunemainsurmonvisagepourséchermeslarmes.– Il sembleraitque les retrouvaillesne se soientpas sibienpasséesqueça, lance-t-elleavecun
grandsourire.–Qu’est-cequetuveux?jeluidemandefroidement.–Tumemanques,J.,souffle-t-elleens’approchantdemoi.–Va-t’en,jeluilance,lamâchoirecrispée.–Aprèstoutcequenousavonspartagé,tumejettescommeunemoinsquerien?pleurniche-t-elle
avantdeprendreunemoueboudeuse.Jeserrelespoingsetsenslacolèremonterenmoi.– Je te rassure, jene suispas jalouse ! J’étaisdans lecoinet j’ai apprispourcettemalheureuse
histoiredekidnapping.Alorsjemesuisditquej’allaispasservoircommentallaitLola,continue-t-elle.Jenerépondsrienetlaregardeavecdégoût.Jenesaispascequ’ellefaitlà,maisçanemesemble
pasdebonaugure.–TusavaisqueLolaetmoisommesdevieillesconnaissances?medemande-t-elleenposantses
mainssurmontorse.Jelesrepousseimmédiatement,commesicesimplecontactmebrûlait.–Enfait,plusquedevieillesconnaissances.Maisjeneveuxpast’ennuyeravecça,souffle-t-elle
enprenantladirectiondel’appartementdeLola.Je la rattrape, la force à se retourner, agrippe son cou de mes mains, la soulève et la plaque
durementcontrelemur.–Mavisitedecourtoisiepeutattendre,situpréfèresjouer,dit-elleàboutdesouffleenfrottantsa
jambecontrelamienne.Enréponse,jeresserremaprisesursagorge.Elleouvrelabouche,cherchevainementdel’air,et
l’espaced’uninstant,jemedemandequelleseraitlacouleurdesesyeuxsansvie.J’approchemeslèvres
desonoreilleetmurmure«Dégage»avantdelalâcherbrusquement.Elletombeàgenouxetsemasselagorgeententantdereprendresonsouffle.
–Jeterevoisoujetecroise,jetetue,jeconclusalorsqu’elleserelèvedifficilement.–Si tucroisqu’onenafini, toietmoi, tu temets ledoigtdans l’œil,J.,crache-t-elleentitubant
dansl’allée.Jelaregardefranchirleportailetmedisqu’effectivement,çanefaitquecommencer.Q…J’aitoutperduparsafaute.Sielleveutlaguerre,elleval’avoir…
Chapitre24
J’observeleplafond.Sesmotssemblentneplusvouloirquittermonesprit.Jullian…Ils’appelleJullianKing…C’estquandmêmeplusjoliqueJerry,mêmesifinalement,jel’aimaisbien,sonprénomdesouris.Je
m’yétaisfaiteavecletemps.Enplus,çaluidonnaitunje-ne-sais-quoid’attendrissant.J’avouequeJullian,çaluivabien…,medis-jeensecouantmesbouclesblondes.Direquejene
saisriendecethommequej’aifailliépouser…Lepèredemonenfant…Jecaressedoucementmonventreetgrimacelorsquejesensunecontraction.J’aiapprisàlesidentifiermaintenant.Lemédecinditquec’estnormald’enavoiràcestadedema
grossesse,mais à chaque fois, je ne peux pasm’empêcher dem’inquiéter. Il est encore trop tôt pouraccoucher.Lachambren’estpasprêteetjen’aipasterminéd’achetertoutcequ’ilfautpourlebébé.Enrevanche, j’ai déjà préparé la valise pour la maternité, dans laquelle j’ai pris soin de mettre deuxpyjamas,unbleuetunrose.
–Oui?jedemandelorsquej’entendsfrapper,mêmesijesaisquec’estMatt.Ilentreavecunetasseetmelaposesurmatabledenuit.–Jemesuisditqueçateferaitdubien.–Tuesunevraiemèrepoule,jelanceensouriant.–La sage-femmea dit que tu devais rester couchée jusqu’à ce que ta tensionbaisse, dit-il, l’air
inquiet.–Jesais,etregarde,jesuiscouchée!Jesoupirequandjelevoisattraperletensiomètre.–Contractions?demande-t-ilenmel’enfilantsurlebras.–Sérieux?Tuespirequemaman!–Tun’aspasrépondu,dit-ilenl’allumant.–Oui.Maislemédecinaditquec’étaitnormal.–Çadépendsiellessontrégulières,continue-t-ilenobservantl’écrandel’appareil.–Ellesnelesontpas.Arrêtedet’inquiéter.–Tuaseuunedurejournée,jeterappelle.–Jesais,j’yétais,figure-toi.–Arrêted’êtregrognon,çafaitmontertatension.Qu’est-cequ’ilpeutêtreagaçant,parfois!–TusavaisqueJerrys’appelaitenfaitJullian?
– Il change quand même souvent de nom, ce type, non ? s’exclame Matt en m’enlevant letensiomètre.
–Ilnechangepasdenom!Lorsquejel’airencontré,ils’appelaitJeremypoursamission.Ensuite,ilm’aditquesonnométaitJerry,etmaintenant,c’estJullian.C’esttout.
–C’estbiencequejedis,ilchangesouventdenom!Mouais,ilapastort,enfait…–Maispourquoiilm’aditqu’ils’appelaitJerry?C’estbizarre,non?–Sansvouloirêtrevexant,jecroisquecetypeestbizarre,lance-t-ilenrangeantl’appareildanssa
boîte.C’estpasfauxnonplus…– Bon, tu restes couchée. Tu as encore de la tension. Et tu penses bien à chronométrer tes
contractions.–Oui,maman!jememoquealorsqu’ilquittelachambre.–Tuasdelachancequejenesoispastamère,vilainefille!dit-ilenriantavantderefermerla
porte.Jerisetgrimacelorsqu’unenouvellecontractionarrive.Jeregardel’heure.Bon,toutvabien,elles
nesontpasrégulières…
***
J’ôtelecrandesûretédemonrevolveretobserveunedernièrefoisleplandubâtiment.–Tun’étaispasobligédevenir,meditThomas,crispé.–Damienfaitpartiedemonéquipe,jeluirappellefroidement.–Onestsuffisammentnombreuxpourl’extraire.–Ehbien,tantmieux,alors,çaseraunepromenadedesanté.–Tuasraison,c’estpascommesitudevaist’occuperdetafemmeenceinte,lance-t-ilenrangeant
sonarme.Touchéenpleincœur,medis-jeententantdenepasmontreràquelpointsaremarquem’affecte.Ilaraison,jedevraisêtreavecLola,pasici.Maisellem’amontréqu’ellen’enavaitpasenvie,et
l’accablerencemomentn’estdetoutefaçonpaslameilleureidée.Jecompteluilaisserdutemps,toutenluimontrantquejesuisprésent.
–Onyva!crieThomasàseshommes,quiprennentposition.Jel’arrêtealorsqu’ilpasseàmahauteuretluisouffle:–J’espèrequetusaiscequetufais.Q.n’estpasunedébutante.–Moinonplus,lâche-t-ilavantdes’éloigner.Mamâchoiresecrispe.J’aiunmauvaispressentiment.
***
–Bon,OK,lavaliseestdansl’entrée,lanceMattentournantsurlui-même.–Jecroisqu’ilvaudraitmieuxdemanderàRouquinedeconduire,ilmesemble,jedisalorsqu’ilse
prendlespiedsdansladitevaliseets’étaleparterre.–Jevaisbien!hurle-t-ilenserelevant.– Tantmieux, parce quemoi, pas ! je crie enme pliant en deux de douleur quand une nouvelle
contractionm’assaille.
Mattmeregarde,pétrifié.–Matt!jel’interpelle.Pasderéaction.Jeclaquedesdoigts.Toujourspasderéaction.JefinisparattraperundesWinniequitraînentdansl’entréeetluiendonneungrandcoupsurlatête
pourlefaireréagir.Ilmeregardeetmedittoutdoucement:–Tuvasavoirunbébé.Àcetinstant,j’hésiteentreêtreattendrieouluifaireboufferlapeluche.Finalement,jecrie:–Oui,merci, je suis au courant ! Je le sens bien puisqu’il tente de se faire lamalle entremes
cuisses!Ilneluienfautpaspluspourattraperlavaliseetdévalerl’escalierencourant.Ilprendmêmesoin
deverrouillerlaported’entrée.Leproblème,c’estqu’ilaoubliéqu’ilfallaitquemoiaussijesortedel’appartement!
Jepatiente,etilfinitparrevenirm’ouvrir.–Euh,désolé,baragouine-t-ilenmeprenantlebraspourm’aideràdescendrelesmarches.– Dans ta course-poursuite avec ma valise, tu as évidemment dit à Rouquine que l’on partait à
l’hôpital?Ilsefige.–Non,maistuesunboulet!jem’exclameenluidonnantuneclaquesurl’épaule.–C’estbon,onyva!râle-t-ilenmetraînantendirectiondechezSamanthaetThomas.IlouvreetnoustombonssurSamanthaenchaussonsflamantsrosesaffaléesurlecanapéentrainde
regarderBobl’éponge.Dèsqu’ellenousaperçoit,ellesursauteetdemande:–Qu’est-cequ’ilsepasse?Jen’aipasletempsderépondrequ’unliquides’écouleàmespieds.–Jecroisquejeperdsleseaux!MattetSamantham’observent,lesyeuxécarquillés.Àcetteallure,onn’estpasàl’hôpitalavantunmoment!
***
Le premier escadron franchit les portes du hangar. Thomas entre à son tour avec son équipe. Jecomptementalement, et alors que jem’apprête à faire signe àmon équipe d’avancer à son tour, uneviolentedétonationseproduit.Jemesensprojetéenarrière.Moncorpsretombelourdementsurlesol.
Lola…
***
–Rouquine,accélère!jecrieàSamanthaqui,pouruneraisonquim’échappe,s’estditquerouleràtrentekilomètresàl’heurealorsquemonutérusestprêtàexploserétaitunebonneidée.
–Cen’estpasmavoiture,alors…Jepréfèrenepasroulertropvite,souffle-t-elle,concentréesurlaroute.
–Samanthaaraison.Etpuis,onn’estpassipressés,ditMattencaressantletableaudebordavecfierté.
Matt a décidé d’investir dans un 4×4 flambant neuf récemment. Alors, oui, la voiture est supergéniale, spacieuse et blabla, mais un seul Thomas plein de TOC était déjà bien suffisant dans cette
famille!–«Paspressés»!Moi,j’ail’impressiond’êtreuncitronquiseprépareàfinirentarte!jehurle
alorsqu’unenouvellecontractionm’assaille.– Lola, calme-toi. La sage-femme nous a dit que pour un premier accouchement, il fallait bien
compterdixàtreizeheures.–À cette allure, on va arriver pile à temps, alors, je lance en changeant de position pour tenter
d’êtreplusàl’aise.–Enplus,enchaussons,c’estpasvraimentpratique,argumenteRouquinealorsquejegrognesurla
banquettearrière.–Gardebienlaserviettesoustesfessesetarrêtedegigoter,tuvassalirlessièges,chouineMatten
m’observant,lessourcilsfroncés.–Dites-moiquejerêve!Jesouffrelemartyreettoi,tut’inquiètespourtanouvellevoiture!jelui
lance,avecunregardquiveutdire«Répondsetjet’étripe».–OnauraitdûprendrelaCliopourrie,geint-ilenmereluquant,l’airdésespéré.–Non, celle-là est très bien.LaClio estminuscule.En plus, vu son état, je n’étais pas certaine
qu’onarriveàbonportàtemps,jeluirépondsententantderoulerlégèrementsurlecôté.–Mavoituren’estpasaussijolieniaussispacieuse,maiselleroule,mercibien!râleSamantha,
vexée,ens’arrêtantàunénièmefeu.–Maispourquoiilyaautantdefoutusfeux!jegrogneenm’affalantunpeuplus.–Parcequ’onestenville,répondMattentripotantuntrucsurletableaudebord.–Cen’étaitpasunequestion! je lanceenluidonnantpresqueintentionnellementuncoupdansle
dosententantdem’étirer.–Arrête,tuvassalirlavoiture!grogne-t-ilenmelançantunregardmauvais.En réponse, je lui tire la langue avant de remuermes fesses de droite à gauche avec un sourire
victorieux.–Continuecommeçaettuvasalleràlamaternitéàpied!lance-t-ilenseretournantpourtenterde
remettrelaservietteenplace.–Franchement,jesuissûrequej’iraisplusvit…–Onyest!mecoupeDori.–Gare-toilà-bas,luiditMattenmontrantlefondduparking.–Non,devant!Jenevaispasfaireunkilomètrejusteparcequetuaspeurqu’onrayetavoiture,je
chouine.–Lamarche,c’estbonpourcequetuas!souffle-t-il,concentrésurlamanœuvredeSamantha.–Rouquine,nel’écoutepas!Ilditn’importequoi,jegeinsenmetordantdedouleur.–Troptard,lagrosse,onestgarés,chantonneMatt.Ilsortdelavoiture,ouvrelecoffreetattrapelavalisetandisqueRouquinem’aideàm’extirperde
labanquettearrière.Unefoisdehors,jeregardelaportedelamaternité,puisMattquiretirelaservietteavecunegrimacededégoût,puisànouveaulaporte.
–Çava,ellen’arien,souffle-t-ilenexaminantlessiègesaveclalampedesontéléphoneportable.–Jesuisraviedenepasavoirlaissél’empreintedemesfessessurtabanquettearrière,jelance,
ironique,lamâchoirecontractée.–Oui,moiaussi!dit-ilenattrapantmavaliseavantdemelancerensautillant:Allez,c’estpastout
ça,maisilyaunbébéquiattendpoursortir!–S’ilpouvaitattendrequejesoisconfortablementinstalléeensalledetravail,çaseraitgénial.Bon,ben,c’estparti!jemedisenentreprenantlatraverséeduparking.Auboutdequelquespas,je
maudisMatt,les4×4,Jerryavecsesfoutuesfossettes,lesparkings,leschaussonsflamantsroses–etpasforcémentdanscetordre-là!
–Lola,courage,onyestpresque!mechuchoteSamanthaalorsquejesuisaffaléesurlecapotd’unevoiture.
–Tuauraisquandmêmepuchangerdechaussures,jeluirépondsenlorgnantseschaussonsflamantsroses.
Ondiraitqu’ilssefoutentdemagueule!– J’ai envoyé unmessage à Thomas pour qu’il m’amènemes ballerines, me répond-elle à voix
basse.–Mouais,jegrogneenmeredressant.Jejetteuncoupd’œilàMattquipointesontéléphonedansmadirectionavecunsourired’abruti.–Mais…qu’est-cequetufais?!jeluidemande,deplusmauvaispoilquejamais.–Jetefilme!–Tume…quoi?– Oui, dans quelques années, ce bébé sera grand et pourra visionner les précieux moments qui
précèdentsanaissance!–Maispersonnen’aenviedevoirça!jem’écrie,prêteàluiarrachersonfoututéléphone.Ilreculeendirectiondelamaternitéetjelesuis,dansl’idéedefracassersonportablesursatête
d’abruti.Etfinalement,j’arriveauxportescoulissantessansm’enrendrecompte.Samanthasonneetuneinfirmièrenousaccueilleavecungrandsourire,etsurtout,unfauteuilroulant,
àmonplusgrandsoulagement.–Godzilla,meprésenteMattavantdesemettreàriretandisquejeposemesénormesfessesdansle
fauteuilavecunsourirevictorieux.Je lui lance un regardmauvais,mais il continue de rire niaisement en regardant l’infirmière, qui
n’arrivepasàdétachersonregarddeschaussonsdeRouquine.Oui,lesflamantsroses,çasurprend…–Monnom,c’estLolaMorell,jelanceententantdemettreuncoupdepiedàmonfrère.Juste«tenter»,parcequ’envrai,leverlajambe,c’estimpossible.–Bien,madameMorell,onvavousinstaller,dit-elleenmefaisantroulerjusqu’auxascenseurs.Putaindebordeldemerde!Jemepenche,reposemonbustesurlelit,placebienmesfessesenl’air,tentedepenseràquelque
chosed’agréableetfinispargeindre:–Droguez-moi,achevez-moi,maisfaitessortircebébédemonutérus,parpitié!–Tudoisteconcentrerdavantagesurtarespiration,ditdoucementMattenmemassantlebasdudos
toutenfilmant.Jetentedeluipiquersonportabledesmains,maisilesttroprapideetsedécaled’unbondenriant.Jetournelatêtedanssadirectionetl’observeengrognant.–Jevaist’enfoutre,moi,delarespiration!Etarrêtedemefilmer!Cequineleconvaincabsolumentpas,puisqu’ilsemetàrireencoreplusfort.Jemerelève,prêteàl’étrangler,maissuisstoppéenetparunenouvellecontraction.Sonportablesemetàvibrer.Iljetteunregardàl’écran,lessourcilsfroncés,etéteintlacaméra.–Euh,Samantha,tuneveuxpas…Jedoistéléphoner…,dit-ilensedirigeantverslaporte.–Fuis,tantquetupeuxencoremarcher!jem’écriealorsqu’ilestdéjàpresquesortidelachambre.Quandilrevient,jel’étripes’ilmereparledeconcentrationdupérinée,derespirationoudejene
saisquoi.Et il fautque je luipique sonportable,aussi…,medis-je alors qu’unenouvelle contraction se
profile.
Je tented’inspirerprofondément,mais jene ressensqu’unedouleur insupportabledans lebasdemonventre.
–Tuveuxréessayerleballon?tenteRouquineenmelemontrant.Saufquejenevoisriend’autrequelesflamantsrosesqu’elleporteencoreaupied.–Non,jeveux…Enfait,j’ensaisrien.Tusaissimamèrenevapastarder?–Onl’aappeléequandonestpartisdel’appartement,doncjepensequeoui.Elleposeunemainsurmatailleetmedit:–Allonge-toi.–Non,jepréfèreresterencoreunpeudebout,jesouffleengrimaçantdedouleur.–OK,commetuvoudras.Elleattrapelespetitesballesenmousseetlesfaitroulersurlebasdemondos.Jefermelesyeux.
Jedoisadmettrequeçafaitunbienfou.–Tunevoudraispasrappelermamère?jeglisse,affaléesurlelitpendantqu’ellememasse.–Mattdoitêtreentraindel’appeler,dit-elledoucement.–C’estjustequeçafaitbienuneheurequ’onestlàetjenecomprendspaspourquoiellemetautant
detemps.–Tunedoispast’inquiéterpourça.–Samantha,jeneveuxpasaccouchertouteseule,jefinisparavouerenravalantmeslarmes.J’aienviedeluidemanderd’appeleraussiJerry/Jullian,maisj’aipeurqu’ilneviennepas.Alors,
jepréfèreneriendire.–JesuisavectoietMattn’estpasloin,tusais.–Jesais.Jefermelesyeuxetserrelesdentsquandunenouvellecontractionarrive.–Finalement,jeveuxbienm’allonger,jedisunefoisqueladouleurestpassée.Dorim’aideàm’installer sur le lit, remonte légèrement ledrapetm’observebizarrement.Ellea
toujourseuunregardétrange,maislà,ilyaunje-ne-sais-quoi…–Tuesenceinte,n’est-cepas?jeluidemandeavecunpetitsourireencoin.Ellerougitetfaitvisiblementungrandeffortpournepassourirecommeuneidiote.Sijen’avaispassimal,jemeféliciteraisd’êtreaussiperspicace.Maisjesouffretrop,alorsjegardelavictoirehumble.–Tuvasêtreunetrèsbonnemère.Parcontre,pourThomas,çavaêtrecompliqué!jelance,cequi
lafaitrire.–Merci,dit-ellesimplemententriturantledrap.Laportedelachambres’ouvre.Pendantuninstant,j’espèrevoirentrermamèreouJerry,maisce
n’estqueMattquiapporteduchocolatetunebouteilled’eau.IlresteuninstantimmobileàregarderSamantha,puismefixeàmontour.Ilouvreunepremièrefois
labouche,larefermeetfinitparmedire,lavoixlégèrementenrouée:–Jemesuisditquetuauraispeut-êtresoif.–Qu’est-cequ’ilya?Tuaseumaman?–Elle…nevapastarder,dit-ilenjetantunnouveaucoupd’œilàSamantha.Rouquine le regarde, l’air pas convaincue.De toute évidence, je ne suis pas la seule à voir que
quelque chose cloche.Mais je n’ai pas le tempsdemeposer davantagede question car unenouvellecontraction,plusviolentecettefois-ci,arrive.
–Samantha, tuveuxbienallerchercherlasage-femme,s’il teplaît? je luidemande, lamâchoirecrispée.
Ellehochelatêteets’envaenregardantunedernièrefoisMatt.J’agrippeledrapetleserredetoutesmesforces.
–Qu’est-cequisepasse?jedemandeàMatt,àboutdesouffle.–Tudoisteconcentrer…–Matt,oùestmaman?jecriealorsqu’unenouvellecontractionm’assaille.–Lola,tudoistecalmer…Je n’en peux plus. La douleur est trop forte. Je n’entends plus ce qu’ilme dit et ne vois pas le
médecinetlasage-femmeentrerdanslapièce,suivisdeRouquine.Matt tourne la tête, blanc comme un linge, quand le docteur soulève le drap et commence à
m’ausculter.Lasage-femmequittelapièceencourantetlegynécologueannonce:–Ah,ehbien,voilàunbébébienpressé!–Onvaensalled’accouchement?jedemandeavecunsourirecrispé.Moncalvaireestpresqueterminé!jechantonnedansmatête,unpeuinquiètemalgrétout.J’auraisaiméquemamèreouqueJerrysoitlà,medis-je,peinée.–Non,onn’aplusletemps!lance-t-ilenriant.Lasage-femmeréapparaîtavecunchariot.Ilsydéposenttoutuntasdechoses,maisjenevoisrien
carunenouvelledouleurmeprenddansledosetleventre.Jejetteuncoupd’œilàMattquihésiteentrefuirouseroulerenbouledansuncoinetsensquel’on
meprendlamain.JelèvelesyeuxetvoisSamanthaquim’encourageensouriant.Deslarmescoulentsurmesjoues.
–Çavaaller,monsieur?interrogelemédecinenregardantMattsedécomposeràvued’œil.Samanthaprendpitié,l’attrapeparlamancheetletireversnous.Ilfinitparposersamainsurmes
cheveux.–Bien,Lola,àlaprochainecontraction,onpousse…Iltermineàpeinesaphrasequec’estdéjàlemoment.Jepousse,geinsdedouleur,pousseencore,pleureetsensunpoidsdansmonventreseretirer.Unhurlement,etmeslarmesdedouleurlaissentlaplaceàdeslarmesdejoie.–C’estunefille!annonceledocteur, triomphant,ennousmontrantunbébétoutrougequis’agite
danstouslessens.Lasage-femmel’enveloppeetposesurmonventrecepetitêtrequise tortille.Jeprendsmafille
dansmesbras,etd’uncoup,plusrienn’existeàpartsespetitsyeuxnoirsquimescrutent.Jepassemonindexsursajoueetsourisenreniflantbruyamment.
JelèvelatêteetvoisMattquipleurecommeuneMadeleine,leportableànouveaupointédansmadirection.
–Elleestmagnifique!s’extasieDori,encoreplusrougeetavecdesyeuxencoreplusétrangesqued’habitude.
–Elleestparfaite,jesouffleenadmirantmafille.Jegrimace en entendantMatt renifler et pleurer encoreplus fort à côtédemoi. Il rapproche son
téléphoneetcalesoncoudesurmonépaulepourbienfilmermonbébésoustoutessescoutures.–Onvaluifaireunepetitetoiletteetlapeser,meditlasage-femmeenmeprenantmonpetitbout.Jelalâcheàcontrecœur.–Qui lui fait sapremière toilette?demande la sage-femmeen regardant tourà tourmon frèreet
Samantha.Je voisMatt qui retient son souffle et lui fais signe de la suivre, amusée.En plus, comme ça, il
lâcheraenfinsonfichuportable.Ilprendmaladroitementlesacquej’avaispréparéaveclesvêtementsetrejointpresqueencourantlasage-femme.
Monsourires’estompelégèrementquandmespenséessetournentversJerry.
Il n’est pasvenu. Jene saispas si quelqu’un l’a appelé,mais si ça avait été le cas, est-cequ’ilseraitlà?
DécouvrezlasuitedesaventuresdeLoladansleprochainépisode:
Lola–Petite,grosseetcomblée
Chapitre25
Jen’arrêtepasdepenseràJoshua,àmamèreetàlui…àtoutcesangsurlesol…Jamaisjen’oublieraicetteodeur…–Net’enfaispas,Jullian.Ilyadesmomentsdanslavieoùtoutnoussembleperdu.Maisjesuis
sûred’unechose:aujourd’huiestlepremierjourdurestedetavie.Tupeuxtoutrecommenceràzéro.Tu peux être qui tu veux. Alors, choisis bien, termine l’assistante sociale enme regardant avec unsourirepleind’espoir.
Je l’observe un instant, vide d’expression, puis je regarde à nouveau la maison, ou plutôt lecentrededétentionquiseralemienjusqu’àmesdix-huitans.
–QuevadevenirJoshua?jedemanded’unevoixsanstimbre.–Ilestpetit.Jesuiscertainequ’ilvarapidementtrouverunegentillefamillepourl’accueillir.Jehochelatêteetfranchislaportedugrandbâtiment.Lepremierjourdurestedemavie…Jeneveuxpasdurestedemavie.Jeveuxuneautrevie…UnevieavecmamèreetJoshua…–Jullian,attends,melancel’assistantesocialeenm’attrapantparlebras.Ellesebaisseetplongesonregarddanslemien.–Duhautde tesonzeans, tu es lepetit garçon leplus courageuxde laTerre. Je veuxque tu
n’oubliesjamaisça,souffle-t-elleenmescrutantavectristesse.–Sic’étaitlecas,mamèreneseraitpasmorteetjeseraisavecJoshua.Paslàdansuneprison.
C’estcequ’onfaitauxmeurtriers,non?Onlesmetdansdesprisons.–Tun’espasunmeurtrier,Jullian.Tuasdéfendutonpetitfrère,dit-elle,lessourcilsfroncés.Jenerépondspas,çanesertàrien.Ellenecomprendpas.Moi,jesais.J’aiprislecouteauetje
l’aienfoncéjusqu’àcequ’ilarrêtedecrieretdefrapperJoshua.Ilyavaitdusangpartoutetilestmort.
Jel’aitué…J’ouvre lesyeuxet lesrefermeimmédiatement.Matêtemefaitatrocementmal.Jemeforceà les
rouvrir.Ilsmebrûlent.Jetentederoulersurlecôtépourmerelever,maismoncorpssouffrelemartyre.Alors,jeclosànouveaulespaupièresetrêvederetrouverLola.Quetouts’arrangeenfin.Quejelaserredansmesbras…
Jeluidiraiàquelpointjel’aime.Jeleluicrierai.Uneviolentedouleurauthoraxmefoudroie.J’essaiedereprendremonsoufflemaisl’airnesemble
plusvouloirentrerdansmespoumons.Auprixd’uneffortcolossal,jeparviensàmetournersurlecôtéetcracheunpeudesang.J’observelatacherougesurlesoletjureensilence.Jelèvelesyeux,contemplelascènequisejoueautourdemoietai l’impressiond’êtreenenfer.Descorpssansvie,desmembres
arrachésjonchentlesol.Uneépaissefuméegriseobscurcitlesalentours.Jegrimacequandjesensmontéléphonequivibredansmapoche,maisn’yprêtepasattention.Soudain,jedistingueunesilhouettequiserapproche.
Pourvuquecesoientlessecours…,jeprieensilence.Jefermelesyeuxlorsquejereconnaisl’hommequis’avanceetretombesurledos.Jepassedoucementlamainderrièrematailleetattrapemonarme.–Tuesvenuterminerletravail?jelancealorsquejelesensàmescôtés.–Tuasl’airmalenpoint,dit-il,sansjoie.–Tuvois,jesuisirrécupérable.Jenechangepas,Joshua.Mêmemaintenant,jetefacilitelatâche,
jesors,acerbe,avantdemeremettreàtousseretàcracherdusang.–Tudevraisêtreàl’hôpital,souffle-t-ilavantdesebaisseretdemeprendremonarmedesmains.–Joshua,ilyadestasd’endroitsoùjedevraismetrouver,effectivement.Àl’hôpitalpourmefaire
soigner,avecLoladansmesbrasàregarderuncoucherdesoleil,oumêmeentraindepeindrelachambredenotrebébé.Maiscertainementpasici,àattendrequemonfrèremetue,c’estvrai,jedisdoucement.
–Jenecomptepastetuer.J’émetsunriremoqueuretgrimacededouleurenmetenantlescôtes.Joshuasebaisse,attrapemontéléphoneparterreets’assiedàcôtédemoi.–Qu’est-cequetuveux,alors?jel’interroge,àboutdesouffle.–Q.m’aditqu’ellecomptaitfaireexploserlehangar.Jevoulaissavoircommenttuallais.–Ehbien,jeteremerciedetantdesollicitude…Jenemesenspastrèsenforme,commetupeuxle
constater.Déçudemevoirenvie?–Non,jesuiscontentquetusoistoujoursvivant.Jenecomprendspas les raisonsdesaprésence,alors je restesurmesgardes,mêmesi j’aibien
conscienceques’illuivenaitl’idéed’enfiniravecmoi,jenepourrairienfairecomptetenudemonétat.Jedécidedechangerdesujetpourgagnerdutemps.Lessecoursnevontcertainementpastarder…
–CommentvaDamien?jedemandeavecunegrimace.–Ils’estéchappé,dit-ilenriant.–«Échappé»?Ilnerépondpasetcontinuedesourire,commelorsqu’ilétaitenfantetqu’ilavaitfaitunebêtise.–Tul’asaidé?jel’interroge,ennesachantpasquoipenserdecettehypothèse.–Onvadirequejesuisparfois…ungarçondistrait.Jefroncelessourcilsenmedemandants’ilditvrai.–Pourquoiaurais-tufaitunechosepareille?jesors,surpris.Ilnerépondpasetjereprends,agacé:–C’estpourçaquetueslà?Tut’esditquejesauraisoùsecacheDamien?Il regarde dans sa main sans un mot. J’observe à mon tour et y vois mon portable qui vibre à
nouveau.Ilesquisseunsourireavantdemedire:–Jecroisquetuvasdevoirattendreunpeuavantdemourir.Jel’observe,sanscomprendreoùilveutenvenir.– Tu as une fille. Trois kilos cent cinquante, quarante-sept centimètres, ajoute-t-il avant de me
montrerunephotodeLolasouriantequitientdanssesbrasunbébéemmitouflédansunecouverturerose.Ilmetendletéléphoneetjenepeuxdétachermonregarddecetteimage.Unefille,j’aiunefille…Joshuaserelèveetmesouffle«Toutesmesfélicitations»avantdepartir.–Attends!jel’interpelle.Ilseretourneetmedévisage.–Pourquoitunem’aspastué?jefinisparluidemander.
–Tuesmonfrère,Jullian,merépond-ilenpoursuivantsonchemin.Mêmeaprèssondépart,jecontinued’observerdanssadirection.«Tuesmonfrère,Jullian…»,jemerépète.Ilauraitpumetuermaisilnel’apasfait.EtpourquoiavoiraidéDamienàs’échapper?–Monsieur,m’interpelleunpompiercourantversmoiavecunetroussedesecours.–Monsieur,vousm’entendez?meredemande-t-il,commejeneréagispas.Jefinisparhocherlatête.Ilm’examinerapidementetdemandequel’onamèneunecivière.Jeprendssurmoipournepashurlerdedouleurlorsquedeuxhommesm’yinstallent.–Attendez!crieunevoixquejereconnaisinstantanément.Martial.LepèredeLola.–OùestThomas?m’interroge-t-ilsanspréambule.– Il est entré dans le bâtiment avec son équipe un peu avant l’explosion, je l’informe, sachant
pertinemmentquejesuisentraindeluiapprendrelamortd’undesesfils.Jesuisdésolé,j’ajoutealorsquelesilences’abatsurnous.
–Jevais…Onvaleretrouver,finit-ilpardire.Jepréfèrenerienrépondre.Jeneveuxpasleconforterdanssesespoirs,niluidirelefonddema
pensée.Personnenepourraitsurvivreàunetelleexplosion.–MonsieurMorell,jel’interpelle,avantqu’ilnes’éloigne.Jenesaispassic’estvrai,maisavant
quelessecoursn’arrivent,JoshuaestvenumedirequeDamiens’étaitéchappé.–Jelesais,dit-il.Ilavanced’unpas,s’arrêteetmescruteuninstantavantd’ajouter:–Thomasm’arévéléquevousétiezunagentdouble…Quandbienmême,vousneméritezpasma
fille.Jeneprendspaslapeinederépondre.Aprèstout,iln’yariendenouveau.Jesuisseulementsurpris
lorsqu’ildemandeauxambulanciersdem’emmenerdanslemêmehôpitalqueLola.–Merci,jesouffle,alorsquelechariots’ébranle.
***
Jemefrottelevisageetcontinuederegarderfixementlaportequisedressedevantmoi.Àpeinelasage-femmeavait-elleterminémessoinsquemamèrem’apprenaitlanouvelledel’explosion.
–Mapuce,tudevraisretournertecoucher,ditdoucementmamèreenberçantmafilledanssesbras.–Jenesaispas,jeluiréponds.C’estlavérité,jenesaispasquoifaire.CarJerrysetrouvederrièrecetteporte,blessé,etjenesais
pas comment il va. Je sais simplement qu’il est arrivé il y a plus d’une heure et que des médecinss’occupentde luiencemomentmême.Thomasest toujoursportédisparu,etmoi, je reste là,àscrutercettefoutueporte,parcequejenesaispasquoifaired’autre.Sijelaquittedesyeux,j’aipeurqu’ilsepassequelquechosed’affreux.
Jerryetmoi,c’estcompliqué.Onnevapassementir.Ilestpartienmelaissantenceintedevantl’autelpourfairejenesaisquoi,maisj’aimecethomme.Enfin,jel’aimais…Etmerde!Jel’aimeencore.Jesouhaiteraistellementneplusressentirtoutça,aprèscequ’ilm’afaitsubir,maisc’estplusfort
quemoi.
Jeluienveuxterriblementdem’avoirabandonnéepourpartiravecuneautre,faireéquipeavecunecriminelleousauversonfrère(j’avoue,jen’aipastoutcomprisdanscettehistoire),maispasaupointdeleperdrepourtoujours…
J’essaiedecontenirmeslarmes,maisfinisquandmêmeparenessuyerune,égaréesurmajoue.–TuasdesnouvellesdeThomas?jedemandeàmamèresansquitterlaportedesyeux.–Lola,pasplusqu’ilyadeuxminutes.Jesoupire,désespérée.–Tupourraisallerprendreunedouche,çateferaitdubien,tenteànouveaumamère.–CommentvaSamantha?–Mattl’aemmenéechezsesparents.Elleavaitbesoinderespirer,etpourlemoment,ellenepeut
rienfaired’autrequ’attendre.Toutcommemoi…Est-ceque,lorsquetoutçaserafini,JerryrepartiraavecÉlia?Est-cequ’ilvoudravoirsafille?Il
aditqu’ilnousaimait,maisest-cequejepeuxlecroire?Aprèstout,illedisaitaussiavant,maisilestquandmêmeparti.
–TucroisqueThomasest…Bon sang, je n’arriverai jamais à finir unephrasepareille tellement cette perspectiveme semble
impensable.–Lola,justeunedouche.Tudoisfaireautrechosequ’observercetteporte.Lapetitechoisitcemomentpours’éveiller.Mamèremela tendet je lapelotonnecontremoi.Je
plongemonregarddanssesyeuxnoirsetdéposeunlégerbaisersursonfront,cequisemblel’apaiserpuisqu’elleserendort.
–Jecroisqueladouche,c’estunetrèsbonneidée,lancelavoixdeDamienderrièremoi.Jemeretourneetl’observes’avancerversnousenboitant,levisagefermé.Mamèreleprenddans
sesbras,puisl’observelonguementavantdeluidire:–Tuesblessé,Damien,tudevraisêtrecouché.–Jevaisbien,maman,luirépond-ild’unairtriste.Jevoulaisaiderpourlesrecherches,mais…–Non,çava,tuenasassezfait,lecoupe-t-ellefroidement.Choquéeparletondesavoix,jejetteuncoupd’œilàmamère.–Maman,Damienn’estpasresponsabledel’explosion!jeledéfends.Mamèreetmonfrères’observentensilence,puisDamiensetourneversmoietmeditdoucement,
ens’approchant:–Alors,montre-moicettemerveille.Illafixelonguementet,pendantuninstant,j’ail’impressionqu’ilseretientdepleurer.–Thomasest…mort?jedemande,prised’unétrangepressentiment.Ilnemerépondpasetgardelesyeuxrivéssurmafille.–Lola,jetel’aidit,nousn’avonspasdavantagedenouvelles,répondsèchementmamère,agacée.–Mamana raison, tudevraisallerprendreunedouche. Jevais rester là,et sionensaitplus, je
t’appelle,ditDamien,toujourssansmeregarder,l’airéteint.–Thomasnepeutpasmourir,jesors,aveclafâcheuseimpressionquel’onmecachedeschoses.SaufqueDamienn’avraimentpasl’airbien.–Jesais,dit-ilenlevantfinalementlesyeuxversmoi.–Samanthaestenceinte,alorsilnepeutpas,jesors,commesic’étaitunraisonnementimplacable.Damienblanchitsoudainement.J’aicommel’impressionquejeviensdeluiarracherlecœur.–Damien,çava?–Oui,répond-ilsèchement.–Honnêtement,tumefaispeur.TuensaisplusàproposdeThomasettuneveuxpasnousledire?
–Non,jen’aipasdenouvellesdeThomas.JenesavaispasqueSamanthaetluisongeaientà…–…sereproduire?jefinispourlui.Enréponse,ilmejetteunregardnoir.–Damien,ilsviennentdesemarier.Doncçanemesurprendpas…Qu’est-cequite…MonDieu!
TuesamoureuxdeSamantha!jem’exclame.J’ai beaum’être pasmal focalisée surma petite personne ces derniers temps, j’ai quandmême
constatéqu’illaregardaitbizarrementparmoments,etqu’ill’évitaitdeplusenplus.–Nedispasn’importequoi,lance-t-ilfroidement.Nousnousscrutonsensilenceetjemedemandeencoreunefoiscommentj’aipupasseràcôtéde
ça.Jemedoutaisqu’ilyavaitanguillesousroche,maispasàcepoint…D’unautrecôté,comptetenuquejen’aipasvuvenirlefaitquemonfiancéallaitmequitterdevant
l’autel,jecroisqu’ilestdésormaisofficielquejen’aiaucunsensdel’observation.–Vaprendretadouche,Lola,ditànouveauDamien,quisemblepluscrispéquejamais.Lebébés’agiteànouveau.Jeregardel’heure.–Jevaisnourrirlapetiteetprendreunedouche,jedissuruntonquisignifie«J’enaipasfiniavec
toi».–Tuasbesoindemoi?medemandemamère,quinecessederegarderDamiendetravers.Finalement, jenedevaispasêtre laseulequin’avaitpasvuvenir lecoupdel’amourettedemon
frère.–Non,çava,jeréponds.Detouteévidence,elleveutresterdiscuteraveclui.Etpuis,j’avouequejenesuispastrèsàl’aise
avecl’allaitement,alorsjepréfèreêtreseule.C’estpasfaciledetrouverlabonnepositionpourmettremapuceauseinetjeneraffolepasdememontrertoplessdevantmamère.
Jeparviensàmachambreplusfatiguéequejamais,avecmafilleplusaffaméequejamais.–Maisoui,tuvasmanger,moncœur,jeluisouffleendéposantunbaisersursonfront.Cettefois-ci,çan’estd’aucuneffet:elles’agiteencoreplus.J’avise le fauteuil dans le coin de la chambre, y posemes fesses avec une grimace et rabats la
couverture. J’ai l’impression qu’un busm’a roulé dessus et qu’il s’est acharné. J’ouvremon haut depyjama et approche ma fille de mon sein. Je grimace un peu plus quand elle se met à téter avecconviction.
Bordel,j’avaispasassezmalpartout!Jejetteuncoupd’œilaupetitbiberonposésurlatableàlangeretlescruteintensément.Jesensmes
yeuxquiseferment.Jelesrouvre,fixeànouveaulebiberon,lesreferme.
Chapitre26
–Jedormaispas!jem’exclameenmeréveillantensursaut.Jeregardemesbrasnus.Mafille!Oùestmafille?Affolée,jesoulèvelacouverture,bondis,prêteàarpenterlaTerreentières’illefautpourretrouver
monbébé,etmefigeinstantanémentquandmonregardtombesurlui.–Jesuisdésolé, jenevoulaispas te réveiller,medit Jerry toutdoucementencaressant lapetite
mainpoteléedenotrefilleensouriant.–Je…C’estlebiberon!Ilm’ahypnotisée!jesors.Maisbonsang,qu’est-cequejeraconte!Ilmeregarde,amusé,etfinitparmedire:–Cen’estpasquelavuemedérange,loindelà,maisjecroisquetudevraisterhabiller.Jebaisselesyeuxetremarquemapoitrinenuedardantfièrementdutéton.Jerougisàlavitessede
lalumièreetrabatslespansdemonhautdepyjama.–Je…jereviens,jelance,mortifiée,encourantverslasalledebains.Jerefermevivementlaporteetyresteadosséeunmomentavantdemerendrecomptequejesuis
danslenoir.J’allumelalumièreetsursautelorsquejecroisecequisembleêtremonreflet.Bonsang,j’aimorflé!Mescheveuxpartent dans tous les sens,mesyeux sont cernés etmon teint est aussi pâleque les
fessesdeDracula.Maisqu’est-cequeJerryfaitlà?J’aidormitantqueça?Jecroyaisqu’ilétaitblesséoujenesaisquoi?Est-cequ’ilm’aregardéedormir?C’estmarrant,maislaréponseàcettedernièrequestionmesembleaussiterrifiantequ’excitante.EtThomas…J’entrouvrelaporteetobserveuninstantensilenceJerryquinem’apasvue.Ilestassisdansun
fauteuil roulant, une couverture de l’hôpital sur les genoux. Il semble épuisé et présente quelquesecchymosesauvisage,mais ilsouritànotrefille. Ilsepenche, luimurmurequelquechoseetsouritdeplusbelle.
Jecroisquejenel’aijamaisvusourirecommeça…Ilal’air…enpaix,moinstorturé…Soudain,illèvelesyeuxetm’observeàsontour,surpris.
–JevoulaissavoirsituasdesnouvellesdeThomas,jedemande,lavoixenrouée.–Tonpère l’a retrouvé. Il souffred’unecommotioncérébrale, aplusieurs côtes ainsiqu’unbras
cassés,maisilaeubeaucoupdechance.Jefermelesyeuxetrespire,profondémentsoulagée.JelesrouvreetdétailleJerryuninstant.Ses
larges épaules, samâchoire carrée, ses yeux gris tempête. Pendant une seconde, plus rien n’existe endehorsdesonregard.
Bonsang,desmoisàsouffrirlemartyreetj’aimetoujourscethomme…Etmerde!jejurementalement.–Ilsembleraitquetoiaussitusoischanceux,jedisdoucement.–Oui.Cenesontquedesblessuressuperficielles.–Tudoisêtrecontent,tuvasbientôtpouvoirteremettreàtestrucsd’espions,jelâche,avantdele
regretterquandjevoissonvisagesefermer.OK,c’estcompliquéentrenous,maisjen’aipasnonplusbesoindel’asticotercommeça.Enmêmetemps,c’estinjuste.Lui,ilesttropsexyavecnotrefilledanslesbras(ondiraitunepub
pourdescouchesouuntrucdans legenre)et ilnesemblemêmepasmalheureux,alorsquemoi, jeneressembleàrienetj’ailecœuraussibriséqu’ilyaquelquesmois.
Etpuis,detoutemanière,c’estluiquiacommencéenmequittantavecunelettre!Quelgenred’hommefaitdeslettresderupture,d’ailleurs?Desringards,sansaucundoute…Mouais,c’estunringardbiensexy,quandmême…–Lola,jetel’aidit,jenepartiraiplusmaintenant.Jebaisselesyeuxetobservelesol–qui,soitditenpassant,esttrèsmoche.Iltoussoteetfinitparchuchoter:–Merci.Jesecouelatête,necomprenantpaspourquoiilmeremercie.Ilmeremercied’êtreunepeste?–Avantdeteconnaître,jenepensaispaspouvoirêtreheureux,avoirunefamilleetjenecroyais
certainementpasenlavieniauxmiracles.Maistoutachangéaujourd’hui,finit-ilensouriant.Biiiip,moncerveauvientdedécéderetmoncœurd’exploser.HeuredudécèsdeLolaMorell:en
fait,j’ensaisrien,jesaismêmeplusqueljouronest!J’ouvrelabouche,cherchequelquechosed’intelligentàdireetlareferme,fautedemieux.Jerrymeregarde.Ilsembleattendreuneréponse,maisriennemevientàpart:–Jevaisprendreunedouche.Jeretournedanslasalledebainsettented’apaisermesbattementsenposantunemainsurmoncœur
quisemblevouloirbondirhorsdemapoitrine.Poitrinequej’aidenouveauàl’air,quiplusest!Ilvientdemefaireunedéclaration,etmoi,j’avaislesnichonsàl’air!jem’écriementalement.
Saletésdepressionsquinetiennentpas!Jecroiseànouveaumonrefletdanslaglaceetsursautedeplusbelle.Donc,j’avaislesseinsàl’airetcettetronche-là!Jemepencheetcollemonfrontsurleborddulavabo.Lola,reprends-toi…,jemerépète.Lesmots,cenesontquedesmots.Cequicompte,cesont lesactes.Etcetypet’aabandonnée
commeunemerdedevantl’autel,medis-jepourgarderlatêtefroide.Je ne suis pas certaine que çamarche, parce qu’après deux longuesminutes, j’ai toujours autant
enviedemecollercontreluietdel’embrasserjusqu’àl’asphyxie.Bon,alors,onvapenserautrement:cen’estpasparcequejepenseçaqu’ilestobligédelesavoir.Jemerelève,froncelessourcils.–Maisqu’est-cequejeraconte?!jem’exclameenmedéshabillant.
Le fait est que j’ai des sentiments pour lui.Ce qui est logique, après tout. Je viens quandmêmed’avoirunenfantavecluietj’aifaillil’épouser.
J’ouvrel’eauetmefige.Etsij’avaismalcompris?Ilnem’apasditqu’ilétaitfoudemoioujenesaisquoi,ilm’aremerciéepoursafille.Iladitqu’ilnepensaitpasavoirdefamilleunjour…C’estlaloose,ça.En réalité, c’était un remerciement pour avoir pris plus de vingt kilos dans la tronche, mes
vergetures,etjeneparlemêmepasdel’accouchement!Heureusementquejen’aipassortiuntrucdugenre«Moiaussi,jet’aimeàlafolie,mêmesituas
étéleplusgrosconnarddelaTerre».Jemeglissesousladoucheavecunegrimacetantmoncorpsestdouloureux.S’ilm’aremerciéepoursafille,est-cequeçaveutdirequ’ilcompteaumoinsparticiperàson
éducation?Uneimageterrifiantemetraversel’esprit :moi, toujoursaussi informe,quimepromèneavecdes
restesdepetitspotscollésdanslescheveux,et lesamedi,Jerryquiviendraitcherchersafilleavecsanouvellecopine(qui,elle,évidemment,ressembleétrangementàHeidiKlum!).
Jepassematignassesousl’eauetmesavonnefrénétiquementdespiedsàlatête.Jetentedepenseràautrechose,maisHeidirevientàlacharge.Ets’ilsfontd’autresenfants?EtsimafilleaimeplusHeidiquemoi?Moncœurs’accélère.Jecroisquejesuisentraindefaireunecrised’angoisse!Jecoupel’eau,mesèchevivementetm’enrouledansuneserviette.Jeprendsunegrandeinspirationettentederelativiser.J’yarrivepas!medis-jeenmemettantàpleurer.–Toutvabien?demandeJerryàtraverslaporte.–Ouich,jerépondsenm’essuyantlenezavecmaserviettedebain.–Tuessûre?–C’estjusteleshormones,jesorsenhoquetant.–Lola…,commence-t-il.Pourune raisonquim’échappe, le simple faitqu’ilprononcemonprénomme faitpleurerencore
plusfort.–Lola…,essaie-t-ilànouveau.Jemeretourneetlevoisàl’entréedelasalledebains.Ilsetientcontrelechambranleetsemble
avoirdumalàresterdebout.–Jesuisdésolé,jenevoulaispastefairedepeine,toutàl’heure,souffle-t-il.–C’estpasça,jedisenmemordantlalèvrepourarrêterdepleurer.Ilm’observe,deplusenplusperdu.–Alorspourquoitupleures?medemande-t-il.–Pourrien,jerépondsenreniflant.Ilfaitunpasversmoi,maischancelle.–Tudevraisretournert’asseoir,jeluidisenm’approchantpourl’aideràregagnersachaisetouten
reniflantbruyamment.Ilmefixeuninstant,puispassesonbrasautourdemesépaules.Jecommenceàavancer,maispas
lui.Ducoup,jerestesurplace.Jelèvelesyeuxet,quandjemeretrouvehappéeparlessiens,jemedisquejenemeremettraijamaisdujouroùilm’aquittée.Moncœursouffriratoujours,parcequejenepeuxpasm’empêcherdel’aimer,etdelehaïràlafois.
–Pourquoitupleures,Lola?demande-t-ilànouveauplusdoucement.Jesecouelatête,baisselesyeuxetdécidedenepasluidirecequejeressens.Jemetrouvedéjà
assezridiculecommeça.Ladernièrefoisquejeluiaiouvertmoncœur,ilenafaitdelachairàpâté.–Jesuisjustefatiguée.C’estleshormones,jesouffleenletirantdoucementpourqu’ilavance.Ilm’observeuninstant,commes’ilvoulaitajouterquelquechose,maisneditrienetsedirigeavec
moiverssonfauteuil.Ils’ylaissetomberensoupirantetattrapemonbrasavantquejefassedemi-tour.–Lola,jevaisfaireensortequetunepleuresplusjamaisàcausedemoi,chuchote-t-il.Je le scrute quelques secondes et dégagemon bras avant de retourner dans la salle de bains en
silence.Jesenslepoidsdesonregardsurmoi,maisjedécidedel’ignorer, toutcommemoncœurquipleuretoujoursdepuislejouroùilm’alaissée.J’aiapprisilyaquelquesmoisquel’amour,çaneservaitàrien.
J’inspireprofondémentetfermelaportedelasalledebains.Jeneveuxpasqu’ilsemarieavecHeidiKlum,maisjeneveuxplusressentircequej’airessenti
lorsqu’ilm’aquittée.Doncmessentimentsresterontlàoùilssont,aufonddemoi.Jeretiremaserviette,sors lepotdecrèmedemonvanityet fronce lessourcilsenregardantmes
fessesdanslemiroir.Toujourscettefoutuevergeturequimenarguedepuismafessedroite!Jesoupireetmebadigeonnevivement.
JenedevraispaspenseràJerryettoutça,maisplutôtàmonbébéquin’atoujourspasdeprénom.Jeveuxluioffrircequ’ilyademieux.Aujourd’hui,jesuisdevenuemaman,etc’esttoutcequidevraitcompter.
Je croise à nouveaumon reflet, qui est passé d’« effroyable » à « passablement vilain », etmedemandemalgrémoisiJerrymetrouvemoche.
Oui,jedevraism’enfoutre,maisvoilà,j’yarrivepas!J’ouvrema valise en soupirant et en observe le contenu. Je passe en revuemes pyjamas et me
décidepourunensemblesobreencotonbeigequis’attachesurledevant.Ilest joli, simpleetenvoieunmessageclair :«Gardepour toi tesyeuxde lover, jenesuispas
intéressée. »Ou alors : « Je viensd’accoucher, et les attaches sur le devant, c’est plus pratiquepourallaiter.»
Jecroisquejeprêtebeaucoupdesensàcepauvrepyjama…J’enfile une culotte qui remonte jusqu’àmes seins, un soutien-gorge d’allaitement, et enfin, mon
pyjamacouleurcrème.J’observemeschaussettesducoindel’œiletdécidedepassermontour.J’aimalpartoutetnesuispascertainedepouvoiratteindremespieds.
Enfin,j’attrapeunecrèmehydratanteeffetbonnemineetlaregarde,hésitante.Bon,onvalamettre!MaispaspourJerry,pourlesphotos…Çaseraitconquej’aieunesalegueulesurlesphotos,quandmême…Jel’appliqueavecprécautionetmedisquejeressemblemaintenantàunecarottepasfraîche,hésite
entreajouterdelapoudreetlaissertelquel.Résolue,j’attrapefinalementmonfonddeteintTerracottaetm’enbadigeonne.Bien.Maintenant,ondiraitquejereviensduski!Jeprendslegantdetoiletteetmedébarbouille.LestyleDracula,c’estbienaussi,aprèstout.Etpuis,detoutemanière,lemalestfait:Jerrym’adéjàvuesansrien.Enfin,jeveuxdireMatt!Il
m’adéjàpriseenphotosansmaquillage.Je me sèche les cheveux après les avoir démêlés, puis décide de les attacher en un chignon
désordonné,parcequej’enaimarre,quejeveuxretournermecoucher,etque,finalement,jemefichedeJerryetdesphotos.
J’observeunedernièrefoismonrefletetdoismerendreàl’évidence:j’aitoujoursunesaletête,ettoutçam’aencoreplusépuisée!
Jesoupireetretourneàmonbébé–etàmonexbientropbeaupourêtrehonnête.J’ouvrelaporteetsuisaccueillieparAlex,quis’écrie:–Ehben,unpeuplusetonappelaitlespompierspourt’extirperdecettesalledebains!–Jenepensaispasquevousétieztouslà!jem’exclameenjetantuncoupd’œilmauvaisàmonlit,
quiestinaccessible,puisqueMattyestaffalé.– Ma puce, elle est magnifique, souffle mon père, les yeux rougis, en berçant ma fille qui est
certainementdéjàpasséedebrasenbras.–Merci,papa.Alors,commentvaThomas?jedemande,enremarquantqueniluiniRouquinene
sontlà.–Bien.SamanthaetThomasse…retrouvent,medit-il,lessourcilsfroncés.–«Seretrouvent»?jerépète,amusée.–Pitié,nem’endemandepasplus,mafille,lance-t-ilenriant.–Bon, alors,Lola ?On s’impatiente ! lanceMatt enm’observant puis en se tournant vers Jerry,
commeungaminquiattendlematindeNoël.Je coule un regard en direction de Jerry pour voir s’il comprend de quoi il s’agit,mais pas de
réaction.Ildemeuredansuncoindelachambreetnesemblepasvraimentàsonaise.Enmêmetemps,vuqueMattet luisesontbattusladernièrefois…Enfait, rectification:monfrèrecognait,maisJerrynesemblait pas chercher à se défendre.Mais bon, le résultat est lemême : tousmes frères rêvent de lefrapper,doncforcément,çanedoitpasfranchementlemettreenconfiance…
–Lola,onveutsavoircommentelles’appelle!chouineAlex,surexcité.Jetoussote,malàl’aise.Déjàparcequejen’aipasderéponseàleurapporter,etenplus,parceque
j’avouequejen’yaipasréfléchi.Jenesaispas,j’aitoujourseulesecretespoirqueJerryseraitlàetqu’ondécideraitensemble.Minederien,choisir lenomqu’unêtreportera toutesavie,çan’estpasàprendreàlalégère!Etpuis,jen’aipaseudecoupdecœurnonplus,malgrélafouledepropositionsdemafamille.Etlà,maintenant,voilàqu’ilsm’observenttous,etjenesaispascommentleurannoncer.
–Lola,tuaseupleindelistespourt’aiderdanstonchoix,glisseMattenselevantetserendantàcôtédemonpère,quibercetoujourslapetite.
Jegrimaceausouvenirdelasienne.– Je sais, pas la peine de me mettre la pression ! Et non, elle ne s’appellera pas Shakira ou
Coccinelle,oujenesaisquoiencore.J’observeJerryquijetteuncoupd’œilàsafillepuisàmonfrère, l’airdedire«Pitié,ni l’unni
l’autre».–Effectivement,aucundesdeuxn’iraitàmamerveille,lanceMattensouriant.Sa«merveille»?!–Tuesconscientquec’estmonbébé,pasletien?jetente,lessourcilsfroncés.–Mamandoitêtrefatiguée,elleneditquedesbêtises.Parcequetoutlemondesaitquejesuiston
tontonpréféré!gazouille-t-ilàmafilleenpassantleboutdesonnezdanssespetitesbouclesnoires.Jelèvelesyeuxaucieletsecouelatête.Finalement,vivreavecluivaêtreàdoubletranchant.Le
bon côté, c’est qu’il s’occupera de la petite, le mauvais, c’est qu’il ne la lâchera pas facilement !Heureusement,j’allaite,doncjesuissûrequ’ilmelalaisseraaumoinspourqu’ellesenourrisse.
–Matt,lâchel’affaire.Ilssontnuls,tesprénoms!s’exclameAlexenlepoussantpourserapprocherdemafille.
Jesoupireetmetraînejusqu’àmonlitdésormaislibre.Jelesconnais,çavadurerunmoment,cettehistoiredeprénom,alorsautants’installerconfortablement.
–En plus, c’estmoi, son tonton préféré.Hein, que c’estmoi ? babille-t-il àma fille qui pionceroyalementdanslesbrasdesongrand-père.
Je jetteuncoupd’œil àDamienqui se tientdansuncoin. Je le trouveétrangement silencieux. Ilm’observeàsontouretjen’arrivepasàinterprétersonregard.Ilal’airterriblementtriste.
S’ilaimevraimentRouquine,çadoitêtreduràvivre.Sij’avaissu,jeneluiauraispasannoncécommeça,qu’ilsvontavoirunbébé…–Bon,lesgarçons,çasuffit,grondemonpèreenallants’asseoiraveclapetitedanslefauteuil.MattetAlexsejaugentunedernièrefoisduregard.–Entoutcas,net’inquiètepas,j’airefaitunelistedansletrain,ditAlexensortantunefeuilledela
pochedesonjean.Ilmelatendavecungrandsourireetretourneauprèsdemafille.–Anastasia,qu’est-cequetuenpenses?interroge-t-illebébé.Est-cequejeluidisquemafilleneluirépondrapasoujelelaissemarinerencoreunpeu?jeme
demandeendépliantlepapier.–Alors?finit-ilpardire.Jegrimace.–Siaumoinsonsavaitquelstyletucherches!grogne-t-il.–Elleneveutpasl’appelercommel’affreusedemi-sœurdeCendrillon,ça,c’estsûr!Non,mais
sérieux!EtpourquoipasJavotte!s’exclameMattencroisantlesbras.C’estpasplutôtAnastasie,lenomdelademi-sœurdeCendrillon?–Babe!lanceànouveauAlex,mecoupantdansmesréflexions.LesyeuxdeJerryjettentdeséclairsetjemeretiensderire.Ilnesemblepasfranchementapprécier
cetteproposition.–Maisenfin,c’estpasuncochon!s’énerveMatt.–J’aimaisbienCamille,tentemamère.–Augustine,ditmonpère.Je secoue la tête. Je jetteunnouveaucoupd’œil àDamien. Il commenceàm’inquiéter àne rien
dire.–Damien,tun’aspasdeproposition?jeluidemande.Toutlemondel’observedurement.OK,ilsembleraitquej’aiencoreloupéunépisode…–Hernanda,lance-t-ilavecunsourireencoin.–Sérieux?Tucroisquejevaisappelermafillecommeça!jem’écrie.–Kristen,ditJerry.Surpris,nousnousretournonstousverslui.–C’étaitleprénomdemamère,ajoute-t-il.–C’esttrèsjoli,jesouffle,souslecharme,ensouriantcommeuneidiote.Arrêtedeluisourirecommeça,Lola…Jefroncelessourcilsettentedeprendreunairplushostile.–Non,maiss’ilsortleprénomdesamamandécédée,forcément,onn’aaucunechance!râleMatt
enlevantlesmainsauciel.–Non,là,c’estvraimentpascool,geintAlexàsontour.–Maisqu’est-cequevousavezparié,àlafin?jedemande,intriguée.–Pfff,çan’aplusd’importance,selamenteMatt.–Lolan’apasencoredit«oui»,ditJerry.Ducoup,touslesyeuxsebraquentsurmoi.–KristenMorell,çasonnebien,effectivement.Leurs yeux s’agrandissent etma famille nous observe, Jerry etmoi, tour à tour. Jerry semble en
colère.Apriori,j’aiditquelquechosequ’ilnefallaitpas.
Ilmedévisagecommesijel’avaisgiflé.– Je pensais plutôt KristenWalker…OuKing, si tu veux que je reprennemon premier nom de
famille,lance-t-il,lessourcilsfroncés.–Bon,ondevraitallervoircommentvaThomas!s’exclamemamèreenbousculantlesgarçonsen
directiondelaporte.–Ahnon,j’aipastrèsenviedelesretrouverencoreàpoil,râleMatt.Mamèresefichecomplètementdesesréticencesetlepousseplusfort.Monpèretoussote,malàl’aise,etselève.Ilregardelebébé,puismoi,puisJerry.Ilsemblenepas
savoirquoifairedenotrefille.–Jevaislaprendre,dit-onenchœuravecJerry.–Aprèstout,elledortbien.Jevaislamettredansleberceau,ditfinalementmonpère.Illadéposedélicatement,larecouvreetjetteundernierregardàJerryavantdequitterlapièce.– Jerry…Enfin…Jullian, jenevoulaispas temanquerde respect.C’est justeque tun’étaispas
présentjusque-là,etjenesavaispasquetuvoulaisqu’elleportetonnom,jeluiexpliquedoucement.Silence.–C’esttafille,tupeuxlavoirquandtuveux,j’ajoutealorsqu’ilcontinuedemefixersansdireun
mot.–Lorsqu’unnouvelagententreàl’Agence,onluidemandes’ilveutchangerdenom,commence-t-il,
unpeuailleurs…Certainsviennent,commemoi,defoyersbrisés,demaisonsdecorrectionoumêmedelaprison,doncc’estunefaçondedémarrerunenouvellevie.Surlecoup,onseditainsiquetouteslesportesnoussontdésormaisouvertes,maisaufinal,unnomresteunnometnenousdéfinitpasentantquepersonne. J’ai beau changer de nom, je suis toujours le même. « Jerry » est autant mon nom que«Jullian».Ilscorrespondentjusteàdeuxpériodesdemavie.
Jefroncelessourcilsetmedemandepourquoiilmeracontetoutça.C’estparcequ’ilnesaitpasquel nom de famille donner à sa fille ? Ou bien qu’à force, il ne sait plus lui-même comment ils’appelle?UnesortedeDrJekylletMrHydeduprénom…
–Elleestparfaite.Jenesaispastropsielleteressembleousiellemeressemble…Jediraisquec’estunmagnifiquemélangedenousdeux,dit-il.
Jenesouffletoujoursrien.C’estmoioulaconversationestbizarre?!J’aipascompriscommentilvoulaitquelapetites’appelleenplus…–Jeneveuxpasvouslaisser,ajoute-t-il.Jefroncelessourcilsetfinisparluidemander:–Ducoup,tuveuxquenotrefilles’appelle…–…Kristen.Çaneteplaîtplus?m’interroge-t-il,surpris.–Jeparlaisdunomdefamille.Parcequej’aipasvraimentcompriscommenttut’appelles,enfait,
jefinisparavouer.–Tuveuxquejereprennemonnom?medemande-t-il.– Non, c’est juste que j’ai pas compris comment tu t’appelles, en vrai ! Si, quand tu es né, tu
t’appelaisJullianKing,maisquetuaschangédenomaprès…Légalement,c’estquoitonnom?–Monnomlégal?répète-t-il.–Oui, je veux dire, tu as changé de nom,mais c’est pas vraiment légal. Tu as rempli un papier
disantquetonnom,çaseraitJerryWalker?Ilm’observeetsembleprendresurluipournepasrire.–Tutemoquesdemoi?jedemandeencroisantlesbrassurmapoitrine,vexée.Ilsecouelatêteetmesourit.–Tum’asmanqué,Lola,dit-ilsimplement.
–Çanerépondpasàmaquestion…,jesouffle,lessourcilsfroncés.–Tousmespapiersadministratifs,monimmatriculationauximpôts,mesdocumentsd’identification
sontaunomdeWalker,merépond-ilfinalement.–Maisc’estpasvraimenttonvrainom?–Cen’estqu’unnom,maissitupréfèresKing,jepeuxchanger.–J’avouequecettehistoireestexcessivementcompliquée.–Jesuisunhommecomplexe,lance-t-ilavecunlégersourire.Neregardepassesfossettes,Lola…Paslesfossettes…Etmerde!Pourquoifaut-ilqu’ilsoitaussicraquant?!Ilselève,posedoucementsamainsurleventredenotrefilleetsouffle:–Bienvenuedanscemonde,KristenÉvaWalker.Moncœurnevapastenirladistance…
Chapitre27
–Matt,rapprochel’écran!criePaul,complètementsurexcité,depuisl’autrecôtédel’Atlantique.Car,oui,monfrèreadenouveaurevêtusoncostumedepaparazzi.Saufque,cettefois-ci,ilaposé
sontéléphonepours’emparerdelatablette.PauletWillprofitentdoncd’unemeilleurequalitépourvoirmapuceenvisio.
Mattserapproche,zoomesurlapetite,tandisquemoi,jecontinuedesourire,crispée.Ilfautdirequeçadoitbienfaireuneheurequel’onnousobservesoustouslesangles.
–Commeelleestbelle!s’extasieWill.Jecroisqueçafaitaumoinslacinquantièmefoisqu’illedit.Elleestbelledeprofil,deface,vue
dedessous,dedessus,etmoi,là,j’enaimarre!–Elleestquandmêmeunpeurouge,lancePaul.–Ellevientdesortird’unvagin!Alors,forcément,elleestpasàsonavantage,jesors,vexée.Benoui,mafille,c’estlaplusbelle,na!Etelleestpasrouge.BonOK,elleestrouge,maisd’unrougemignon!Mattredressel’écranpourmefilmer.–Maistuesbiengrognon,ditWillens’approchantdesacaméra.–Will,tuestropprès,onvoittestrousdenez,jesors,deplusenplusagacée.Ilestbientôt9heures,cequiveutdirequeJerrynevapastarder,etjen’aipaseuletempsdeme
préparer.Enplus,ondoitdiscuter.Jesorsdelamaternitédemainetnousn’avonspasparlédelasuite.Car, oui, trouver unmoment tranquille avecma famille envahissante, ça n’est pas simple.Hier, aprèsl’histoireduprénom,jepensaisquenousaurionsunpeudetemps,maisilsn’ontpasvoululâcherlebébéetl’ontprisenphotosoustouteslescoutures.
–Matt,tuferasunephotodeKristenaveclepyjamarose.Tusais,celuiaveclespetitesailesdansledos,lancePaul,alorsqu’onentendTeckyleteckeljapper.
Pourleurmariage,j’aieulabonneidéedeleuracheterunchiot.Souslecoup,çamesemblaituneidéevraimentsympa.Ilsavaienttellementd’amouràdonner…Trop,enfait!
Parcequedepuis,TeckyasapageFacebook,undressingetsaproprechambre.–Regarde,Teckyaussiveutvoirlapetite,s’amusePaulenattrapantlechien.Pourtouteréponse,jetendslebrasetappuiesurleboutonmarche/arrêt.–Maispourquoituaséteint?!râleMattentournantlatablettepourlarallumer.–J’aipasfaitexprès,jesors,detrèsmauvaisefoi.–Biensûrquesi,jet’aivue!Tuastendulebras.–Onétaitdansuntunnel,jelanceenmelevantpourposerlapetitedansleberceau.
–Hein?!Maisqu’est-cequeturacontes?–Onnecaptaitplus,jechuchoteenposantKristenquidortetenlabordantavecsacouverture.–Oncaptaittrèsbien,ditMattencroisantlesbras.–Crois-moi,fairelaconversationavecTecky,c’estpasdrôle.Donconnecaptaitplus,jeréponds
enmedirigeantversmontéléphonequiafficheunappeldeWill.–Mais…Jerêveoujeviensdetevoirluiraccrocheraunez?lanceMatt.–Tusaisquoi?Jevaisallerprendreunedoucheettelaisserfairelaconver…Jen’aipasletempsdefinirqueMattm’arracheletéléphonedesmainsetrépondaudeuxièmeappel
deWill.–Salut,non,LolanousjoueunremakeduGrinch!JetirelalangueàMattetattrapemonpeignoirdanslefauteuil.–Oui,pasdesouci.Dèsqu’onlereçoit,jeprendraiKristenenphotoavec…Oui,jemettrailepetit
doudouavec…Çaseratropchou…Jedevraispeut-êtreacheterunchienaussiàMatt.OualorsjevoleMaurice,lechiendeSamanthaet
Thomas…Maisçarisqued’êtrecompliqué,vucommeilstiennentàleurbestiole.Jevendraisbienlesservices de Raspoutine, mais soyons honnêtes, mon chat cul-de-jatte est plus capricieux que MariahCarey.
– Lola, maquille-toi et coiffe-toi ! J’aimerais qu’on fasse les photos avec Jerry, Kristen et toiaujourd’hui,melanceMattavantquejen’entredanslasalledebains.
–Maisonlesadéjàfaiteshier!–Oui,etc’estpourçaquejetedemandedetemaquiller.–Distoutdesuitequej’aiunesaletronche!jem’exclame.–Paul,dis-lui,lance-t-ilàsontéléphone.Ilmetlehaut-parleurettendlebrasdansmadirection.–Iln’apastort!Lola,j’aivulesphotos.Etmetsdel’anticernes,surtout,meditPaul.–Non,mais je rêve!Le jouroù…Non,enfait,voussavezquoi?Vousm’agacez, tous!Jevais
prendremadouche!jerâle,vexée.J’entredanslasalledebains,allumelalumièreetsursauteencroisantmonreflet.Ouch!–Ondiraitmamère!jechouinedevantmonreflet.
***
Jeconsultemamontre.Ilestpresque9heuresetlemédecinn’esttoujourspaspassé.J’allume,puiséteinslatéléauboutdequelquessecondes.Enfait,jen’aimepaslaregarder,àpartquandLolaestcontremoi. Je m’adosse à la tête de lit et grimace de douleur. J’ai plusieurs côtes cassées, mais j’espèrepouvoirsortirdemain,enmêmetempsqueLolaetKristen.Jen’aipaslamoindreidéedel’endroitoùjevais loger ni comment les choses vont se passer avec elles, mais je sais que je vais faire tout monpossiblepourêtreauprèsdemafamille.Jemepasselesmainssurlevisage.Inlassablement,jemeposecettequestion:«Est-cequeLolam’aimetoujours?»Ellemehantelittéralement.
Onfrappeàlaporte,cequimecoupedansmespensées.–Oui?jelance.Damienentre.Sonvisageestdur,sesyeuxsansvie.–Jevenaisvoircommenttuallais,dit-ilens’asseyantdanslefauteuilàcôtédemoi.–Jevaisbien,ettulesais,jeluiréponds.Ilsembleperdu.–Qu’est-cequ’ilya,D.?jeluidemande.
Onnepeutpasdireàproprementparlerquel’onsoitamis.Maispourmoi,finalement,ilestceluiquis’enrapprocheleplus,jecrois.TouscesmoisloindeLolaontétéexcessivementdursetilatoujoursété làpourmoi. Ilmedonnaitdesnouvelles,mepassaitdesphotosetvérifiaitqu’ellenemanquaitderien.
Illèvelatêteetfinitpardiredoucement:–Jesuisdésolé,J.Jefroncelessourcils.–Tuesdésolédequoi?jel’interroge,necomprenantpasoùilveutenvenir.L’airagité,ilsemetdebout.Ilsemblefébrile.–Tulesaistrèsbien.C’estmoiquit’aiditdequitterLolapoursauvertonfrère.Jesuisresponsable
de tout cemerdier, lance-t-il en se passant unemain dans les cheveux. Thomas a faillimourir… J’aicru…Bonsang,masœurnetepardonnerapeut-êtrejamais!Etaufonddemoi,jelesavais,jesavaistoutça,maisjenepensaisqu’àcettefoutuemission,finit-ilpresqueencriant.
«Ma sœur ne te pardonnera peut-être jamais. Et au fond de moi, je le savais »…, je répètementalement.
–Etpourfinir,rienn’achangé,àpartquetuastoutperduparmafaute.Q.esttoujoursenliberté,tonfrèretoujoursprisonnier…Alors,jesaisquetutefichescertainementdemesexcuseslamentables,maisjevoulaisquetusachesquejevaisarrangerleschoses.
–«Arrangerleschoses»?Ilsedirigeverslaporte,meregardeunedernièrefoisetmedit,lavoixéraillée:–PrendssoindeLolaetdemanièce.–D.,qu’est-ceque…–Promets!mecoupe-t-il.–Tusaistrèsbienquejemourraispourelles,jerépondsdurement.Ilsemblesatisfaitdemaréponsepuisqu’ilacquiesceets’enva.Jeresteunmomentinterdit,àmedemanderdansquoiDamienvaencores’embarquerets’ilaraison
pourLola.Ellenemepardonnerajamais…Je tente de repousser les craintes qui neme quittent plus depuis desmois, mais elles sont trop
présentesetmenacentdemesubmerger,jen’yarrivepas.Ilfautquejefassequelquechose,jenepeuxpasresterlà,àattendrevainement.Jemelèveavecdifficulté,regardelefauteuilroulantquinecessedemerappelermadernièrehospitalisationetmapeurdeneplusjamaispouvoirmarcherunjouretattrapevivementlacanne.
Plusjamaisjenem’assiéraidanscefauteuil.Jeveuxjoueravecmafille,pasqu’ellemepromènecommeunimpotent.J’ouvrelaporteetemprunteavecpeinelecheminverslachambredeThomas.Aprèscequimesembleêtreuneéternité, j’yarriveenfinet frappeà laporte.Samanthaouvreetm’observe,l’airsurprise.
–Euh,désolée…Bonjour,Jerry,finit-ellepardireenrougissant.–Bonjour,Samantha.Est-cequejepeuxparleravecThomasuninstant?jedemandepoliment,en
gardantpourmoique,sijenem’assiedspasdanslesminutesquisuivent,ilyadeforteschancesquejem’écroule.
–Bien…Biensûr,dit-elleenmelaissantentrer.Jemetraîneàl’intérieurdelachambreettombenezànezaveclepèredeLola.Thomassemblelui
aussisurprisdemevoir.Ilestassisdanssonlitetm’observeensilence,lessourcilsfroncés,levisagesansémotion.
Avecunsourireattendri,ils’adresseàsafemme.–Samantha,tunevoulaispasvoirLolaetKristen?
Ellehochelatête,attrapeunsachetdebonbonsetnouslaissesansunmot.–Jepeux?jedemandeenpointantunechaisequimefaitdangereusementdel’œil.–Biensûr,ditThomas.Jem’yinstalleetnousnousscrutonsensilence.–Jen’aipaseul’occasiondeteféliciterpourtafille.Elleesttrèsbelle.Noussommesalléslavoir
hiersoiravecSamantha,maistuétaisdéjàparti.Jerêveouladernièrepartiedesaphraseressembleàunreproche?Jenesuispaspartidemonpleingré.JepiquaisdunezetLolaademandéàsonfrèreAlexdeme
raccompagnerjusqu’àmachambre.Pourmapart,j’auraispréféréresteravecmafemmeetmafille.MaisjemegardebiendeledireàThomas.
–Damienestvenumerendrevisitecematin,jelance,tendu.–Ilvousaditqu’ilavaitétésuspendudesesfonctions,etvuquevousêtestoutaussiresponsablede
cettechienlit,vousvousêtesditquevouspouviez tenterd’arranger leschoses?commence lepèredeLola.
Ilaétésuspendudesesfonctions?– Jenevoulaispasvous l’annoncer si tôt,maispuisqueDamienn’apas su tenir sa langue…Le
conseil administratif de l’Agence a décidé de vous renvoyer pour faute grave. Vous recevrez lesdocumentssouspeu,continue-t-il.
–«Fautegrave»?Jen’aifaitquesuivrelesordres!jedis,deplusenplusénervé.–Desordresqui émanaientdeDamien,unagentquin’était en aucuncas l’undevos supérieurs.
Après,monfilsa,pourunefois,décidéderéfléchiretasouhaitéassumerl’intégralitédesactescommis.Cequiveutdireque,sivoussouhaitezfaireappelencorroborantsaversion,vousdevriezavoirgaindecause.Jepensesincèrementquevotreplaceauseindel’Agenceseraplusfacileàreconquérirqu’auseindenotrefamille.
JeserrelespoingsetobservetouràtourThomasetsonpère.Donc,poureuxdeux,ilestclairquejen’aiaucunechanceavecLola.
J’accuselecoupetmedemande,hésitant,sijedoisleurrapportermaconversationavecDamien.–Votrefilsnem’apasrévélésasuspensionauseindel’Agence.Ilm’afaitpartdesavolontéde
rétablir leschoses. Jepensequ’ilvaessayerde retrouverQ.parsespropresmoyens.Et,avec tout lerespectque jevousdois,Damienn’est pasun irresponsable sans cervelle.C’est un trèsbonagent, etmêmesileschosesnesesontpasdérouléescommeillesouhaitait,ilatouttentépourserviraumieuxlesintérêtsdel’Agenceetdevotrefamille,jetermineenmelevant.
–Si,selonvous,cequevousavezfaitsubiràmafilles’appelle«serviraumieuxsafamille»,vousdevriezappelervotreenfantKristenÉvaMorell.
Mamâchoiresecrispe.–Mafamilleestmapriorité,jelance,plustenduquejamais.–Non.Lamienneenestune.Entrente-septansdecarrière,jen’aijamaisfaitsubiràmafamillece
quevousvousêtespermisdefaireàLola.–Tudevraispartir,maintenant,Jerry,lanceThomas,leregarddur.L’espaced’uninstant,jemedemandes’ilsouhaitequejesortedesachambreoudelaviedeLola.–Loladoitm’attendre,jedispourfairecomprendrequejenecomptepaslalaisserànouveau.Ilsnerépondentpas,etjem’envaisensilence.Unefoisdanslecouloir,jeprendsunesecondepourrespirer.Damien,qu’est-cequetuvasencorefairecommeconnerie…?
***
–Donc,tuesenceinte?demandedoucementMattàRouquine,quirougitàlavitessedelalumière.Elleregardeàdroite,àgauche,maisAlexrevientàlacharge.–Tusais,c’estunetrèsbonnenouvelle,souffle-t-ilavecunsouriremachiavélique.Maisqu’est-cequ’ilspréparentencoretouslesdeux?Rouquineposelesyeuxsurmafillequidortdanssesbras.SiellepensequeKristenval’aideràsedépêtrerdecesdeux-là,ellesemetledoigtdansl’œil!JeprendsunenouvellepoignéedeDragibusqueDorim’aamenésetobserveavecdélectationson
supplice.–Allez, je t’en prie,ma Sammy,ma Samounette,ma rouquine préférée, tu peux nous le dire, la
supplieMatt.–Oui,finit-elleparavouerenrougissantencoreplus.Entrelerougedesonvisage,lerouxdesescheveuxetlerosepoupondemafille,onsecroiraiten
automne.Commec’estjoli…Jememoquementalementavantdeprendreuneautrepoignéedebonbons.MattetAlexseregardent,victorieux.–C’estunefilleouungarçon?demandeAlexensautillant.–Tu as des préférences pour les prénoms ? demandeMatt à son tour.Non, parce queLola était
vraimentchiante,maispastoi!lance-t-ilànouveauavecunsourirecompliceàSamantha.–Hey!Jevousrappellequejesuislà!jerâle.–Alors?l’interrogentAlexetMattenchœur.–Non,maisenfait,vousêtesdespsychopathesdesbébés,touslesdeux!jem’exclame.Ilsnem’écoutentdéjàplus,tropoccupésàamadouerRouquineavecleurhistoiredeprénoms.Quelqu’un frappe à la porte et je crois que Dori est tentée de sauter dans les bras de Damien
lorsqu’ilentretellementAlexetMattl’agacent.L’airmalàl’aise,Damienjetteunlégercoupd’œilàSamantha,puisàmesfrères,quil’observent
durement.Je fronce les sourcils, surprisepar leuraccueil,et finispar saluerDamienavecungrandsourire
encourageant. Jenesaispascequ’il sepasse,maissic’estdûàsessentimentspourRouquine, je lestrouveunpeusévères.Jenepensepasqu’ilaitfaitexprèsdetomberamoureuxd’elle.
–J’aimeraisparleravecLola,dit-ildoucement.Mes frères le regardent une dernière fois de travers et s’en vont en silence. Samantha dépose
délicatementKristendansmesbrasetadresseun légersourireàDamienavantdepartir. Il le lui rendavecunregardd’unedouceurquejeneluiconnaissaispasetjenepeuxpasm’empêcherdeleplaindre.Jesaiscequeçafaitd’aimeràsensunique,etjenelesouhaiteàpersonne.
Une fois seulavecmoi, il caresseduboutdudoigt lapetitemainpoteléedeKristenavecunairattendri.
–Tuveuxlaprendre?jeluidemande.Ilhésiteethochetimidementlatête.Iltendlesbraset,unefoislebébécontrelui,ilsefige.–Çava,Damien?–Jen’osepasbouger!dit-il,lesyeuxgrandsouverts.Jememordsleslèvrespournepasrire.–Tunel’avaispasencoreeuedanslesbras?jel’interroge,surprise.Ilmesemblaitpourtantquetoutlemondeavaiteul’occasiondelaporter…–Non,lorsqu’onestarrivéshier,ilssesonttousjetéssurelle,finit-ilenhochantlesépaules.Elle
esttrèsbelle,ajoute-t-ildoucement.
–Qu’est-cequ’ilsepasse,Damien?C’estàcausedecequeturessens…–Jet’enprie,encoreuneseconde,Lola,mecoupe-t-il,lavoixchevrotante.–Damien,tum’inquiètes,jesouffle,deplusenplusangoisséeparsonattitude.Illèvelesyeuxversmoietcequej’yvoism’effraieencoreplus.Damienestunroc.C’estlegenredepersonnequifaittoutletempsdesblagues,sûrdelui,etsurqui
onpeutsereposer.Maislà,jenelereconnaispas.–Tuvasmedétesterdansquelquesminutes,alorsjeveuxprofiterencoreunpeudecetinstant.–Damien,jenevaispastedétester…Enfin,tuesmonfrère,jenepeuxpas.Tum’agacesparfois,
oui,maisjenepeuxpastedétester,jeluidisdoucement.Ilnerépondpasetdéposeunlégerbaisersurlefrontdemafille.–C’estàcausedecequeturessenspourSamantha?Tusais…–Arrêteavecça,mecoupe-t-ildurement.–Damien,j’aiconsciencequecen’estpasfacilepourtoi,maistupeuxmeparler.–Lola,jet’enprie,lance-t-il,agacé,avantdesoupirer.IlregardeunedernièrefoisKristenetladéposedélicatementdanssonberceau.–JenesuispasamoureuxdelafemmedeThomas,dit-il,leregardperdudanslacontemplationdu
sol.–Tu essaies de convaincre qui, là ?Non, parce que franchement, j’y crois pas une seconde ! je
m’exclame.–C’estmafautesiJerryt’aquittée,lâche-t-ilenmeregardantcettefoisdanslesyeux.–Quoi?Hein?Jenecomprendspas…–Quelquesjoursavanttonmariage,Q.s’estéchappéeetj’aiapprisqu’elleavaitfaitkidnapperle
frèredeJ.Audépart,jevoulaism’enoccupersansmonéquipe.Maislasituationestdevenueingérableetjemesuisrenducomptequ’iln’yavaitaucuneissue.J’aitoujourssuqueQ.avaitdessentimentspourJ.etj’aidécidédem’enservir.Audépart,ilnevoulaitpas,ilarefusédepartir.Tuétaisenceinteetvousdeviezvousmarier.Ilvoulaitsauversonfrère,maisiln’arrivaitpasàserésoudreàtequitter.
Ilnevoulaitpasmequitter…–Jeluiaiditquelaseulesolutionpoursauversonfrèreétaitdefairecroireàtoutlemondequ’il
t’avaitquittée.J.voulaittoutterévéleravantlemariage.Ilmerépétaitsanscessequetucomprendraislasituationetquetuferaissemblantde…
Ilfaitunepause,baisselatêteetlasecouelégèrementavantdereprendre.–Maisj’aieupeurqueçatemetteendanger,etpuissurtout, jemedisaisquetoutçanedurerait
qu’unesemaineoudeux,pasplus.–Tun’avaispasconfianceenmoi?–Non…Oui,Lola.JenevoulaispasqueQ.aitlemoindredoute.–Mais…MaispourquoiJerrynem’ariendit,lui?Pourquoia-t-ilcessédemefaireconfiance?–Jeneluiaipaslaissélechoix,avoue-t-il.–Commentça?jedemandeenfermantlespoings.–Jeluiaimenti.JeluiaiditqueQ.voulaitbienlibérerJoshua,maislesoirdumariage.Etaussi,je
luiaipromisquejetedirailavérité.–Maistunel’aspasfait.Àl’hôpital,aprèslemariage,onétaittouslesdeuxdanscetteespècede
placardettunem’asriendit.Samâchoiretressautelégèrement.–Ettuascontinuéàmementir,j’ajouteàvoixbasse.Ilneditrien,neniepas.– Si tout ce que tume racontes est vrai, pourquoi Jerrym’aurait laissé une lettre ? je demande,
suspicieuse,pensantqu’ilmementpourprotégerl’hommequim’avéritablementtrahie.
Ilinspireprofondémentetmerépondenmeregardantànouveaudanslesyeux.–Jeluiaidemandédel’écrireaucasoùleschosesnesedérouleraientpascommeprévu.–Alors…Tuluiasmentiaussi?Tusavaisdèsledépartcommentleschosesallaientsepasser…,
jesouffle,mesurantl’ampleurdesatrahison.Ilm’amenti,ilamanipuléJerry…–Comment tu as pume faire une chose pareille tout en continuant àme regarder dans les yeux
pendanttouscesmois?Tuasbrisémafamille!Tuasbrisélaviedemafille!Etpourtonseulintérêt!jehurle.Tum’astrahie!
–Oui,finit-ilparavoueravantd’essuyerunelarmeégaréesursajoue.–Ilsétaienttousaucourant…,jedisdoucement.Toutemafamillem’amenti…–Non, ils ne l’étaient pas,Lola. Personne n’était au courant.Thomas a tout découvert après ton
kidnapping.Q.étaitencolère,carJ.afinipargrillersacouverture.Ilvoulaitteretrouver,ilnesupportaitpluscettesituation.Lesautresnelesaventquedepuishier.Avantça,personnen’étaitaucourant.MêmeJ.n’estpasaucourantdemesmanigances.Jeneluiaipasavouéquejen’avaispashonorémaparoleduranttouscesmois.
–Alorsc’estpourçaqu’ilssonttousencolèrecontretoi?jedemandeenpleurant.Ilhochelatête.–Jeveuxque tupartes, jechuchoteenessuyantmes larmes.Jenepeux…plus…Tuesallé trop
loin…,j’ajoute,lecœurserré.–J’espèrequ’unjour,tumepardonneras,souffle-t-ilavantdepartir.Jeregardelaporteserefermer.Jesuisbrisée.Damienétaitcertainement lapersonneenqui j’avais leplusconfiance.Et ilm’atrahiedelapire
desfaçons.IlatoutfaitpourqueJerrymequitteetilm’aregardéesouffrirtouscesmoissansriendire.Commentpeut-onfairesubirçaàquelqu’unqu’onaime…?
Chapitre28
Leregardperdudanslevide,jetentedefairelepointsurcequejeviensd’apprendre.Jerryn’ajamaissouhaitémetrahirnim’abandonner.C’estdoncDamienleresponsable.Etsurtout,Jerrym’aime…,medis-je,unpeuperdue.Enfin,jecrois.Aprèstout,peut-êtresessentimentsont-ilschangéavecletemps?Oupire!Etsi,enmevoyantgrosseetflasque,ilavaitchangéd’avis?JebaisselesyeuxpourvoircommentjesuishabilléeetmerendscomptequeKristens’estencore
endormie en tétant. Je l’admire un instant, bouffie de satisfaction maternelle, puis je décide de larecoucher.
S’ilnem’aimeplus,c’estqu’ilnem’aimaitpasvraiment.Onaimeunefemmequ’ellefasseun36ou…Euh…
Pourquoijepenseàça?Jemefaisdumal,là!Déjàparcequejen’aijamaisfaitun36,etenplus,parcequeçafaitbienlongtempsquelatailledemesfessesnesemesureplus!
Jetournelatêteetlouchesurmonpostérieur.J’auraisquandmêmedûyallermollosurlesbonbons!Imaginonsqu’onserabiboche,etqu’une
foisqu’ilmevoitnue,ilparteencourant…Jedevraismemettreaurégime,voirecarrémentarrêterdemanger…
Finalement,ledétesterestbeaucoupplussimple!Saufquejeneledétestemêmepas,enfait.Jeme suis évertuée à l’oublier, àneplus l’aimer, à lehaïr…ethonnêtement, çan’apas étéune
francheréussite!Jevaisdanslasalledebainsetallumelalumière.Jemepostedevantlaglace,etcequej’yvoisme
faitpenseràuncanichezombieobèse.J’inspireetmedisque,mêmeavecbeaucoupdemaquillageetunsacrétutocontouring,moncasestfoutu.
J’ouvrelerobinetetmepasseunpeud’eaufraîchesurlevisage.Aprèstout,jeviensd’accoucher.Alorsj’aidescernes,lescheveuxdanstouslessens,unpyjama
confortable,etsurtout,pasunetailledeguêpe.Doncs’ilnem’aimepluspourça,c’estqu’ilnem’aimaitpasvraiment.
Jesoupire.IlfautquejeparleavecJerry.Pourluidirequoi?Jen’enaipaslamoindreidée.Jenesuispascertainedepouvoiroubliertoutcequej’aiendurécesderniersmoissimplementen
medisantqueDamienenestleresponsable.Monfrèreestcoupabledanscettehistoire,maisJerrydoit
assumersapartd’erreur.Ilauraitpumedirecequ’ilsepassaitavecsonfrèredepuisledébut.Ilachoisidemecacherlavérité,toutautantqueDamien.
Je regagnemon lit enme traînant commeune larvedépressive.Enpassant, jem’arrêtedevant leberceauetunlégersouriresedessinemachinalementsurmeslèvres.
Jenepeuxplusnepenserqu’àmoi,quepourmoi.Mafillemérited’avoiretdegrandirdansunevraiefamille.
Commemoi…,medis-je enme remémorantmonenfance, entourée et chérie parmonpère etmamère.
Lapriverdetoutça,pourunesimplequestiond’orgueil,n’estpasunesolution.Jen’oublieraipascequej’airessenti,maisjepeuxdonnerunechanceàJerry.
Quisait,peut-êtrequenous feronsmieuxque ladernière fois? Il arriverapeut-être àme faireconfianceetàcontinuerdem’ouvrirlesportesdesonpassé.
J’arrange la couverture, caresse doucement la petitemain potelée deKristen etme recouche. JedevraisprofiterquetoutlemondesoitallérendrevisiteàThomaspourmereposerunpeu.
Jem’épuisemoi-même,avectoutescesréflexions.Jefermelesyeuxquelquessecondesetentendsfrapperàlaporte.Pourquoiàchaquefoisquejecommenceàm’endormironfrappeàlaporteoulebébésemetà
pleurer?!–Jeveuxdormir,jechouineavecunegrimaceavantdelancerun«oui»pasconvaincudutout.Laportes’ouvreetjecroisquemamâchoirechoisitcemomentpoursedécrocher.–Tesparentsnet’ontpasapprisàfermerlabouche?Ondiraitunetruitepasfraîchehorsdel’eau.–Élia!jecracheavecdégoût.Mon regard examine rapidement son corps svelte, sa gueule angélique et, à cemoment-là, je la
détesteencoreplus.Jenepensaispasqueçapouvaitêtrepossible,maisfinalement,rienn’estimpossibledansl’horreur!
–Raviedeterevoiraussi,maBFF!chantonne-t-elle.Jenerépondspasetcontinuedel’observer.Oh!lagarce!ElleportedesLouboutin!– Tu as vraiment une sale tronche ! me lance-t-elle en jetant un coup d’œil à Kristen avec une
grimace.–Jeteremercie,jem’entraînedurpourça,jeluirétorque.–Toujoursaussicomique,jevois,souffle-t-elle.–Ettoi,toujoursaussisalope?jesorsavecunlégersourire.–Tum’enveuxencore?s’exclame-t-elle,faussementoutrée.–D’avoircouchéavecNathan?Pasvraiment.–Non,jenefaisaispasréférenceàcettestupidehistoirequidatedulycée!Etpuis,ilétaitvilain.
Finalement,jecroisquejet’airenduservice.Grâceàmoi,tuespartieàNewYorkettoutça.Ellemarqueunelégèrepauseetreprendensouriant.–C’esttellementdommagequetun’ysoispasrestée!–Sérieux,Élia,qu’est-cequetuveux?Qu’est-cequetuficheslà?jedemandeenposantunemain
protectricesurlebordduberceau.Jen’aimepassaprésence.Malgrélafatiguedel’accouchement,jemesensprêteàluidéchiqueter
latêtes’illefaut.–Jesuisvenueterendrevisite.C’estcequefontlesamiesdanscegenred’événement,tusais.–Onn’estplusamies,jeluirappellefroidement.–Pasfaux.J’avoue,j’étaiscurieusedevoircebébéqueJ.attendaittant.Jerryluiaparlédubébé?Jenesaispassicetteperspectivem’enchanteoumeterrifie…
Etsi,malgrétoutcequem’aracontéDamien,Jerryavaitcédéauxcharmesdecettedinde? jemedemandeavecunegrimaceécœurée.
Jel’observeensilence,attendantdeconnaîtrelasuitedesonpetitmanège.– Bon, j’avoue tout ! lance-t-elle en levant les bras. Je me fiche royalement de ton rejeton. Je
chercheJ.–Etpourquoitulecherches?jedemande,suspicieuse.Jecroyaisqu’elletravaillaitpourQ…Ellevientmemenacer?lemenacer?–Àvraidire,pourplusieursraisons,commence-t-elleens’asseyantdanslefauteuilàcôtédemon
lit.Q.etmoin’avonsplusvraimentlesmêmes…–Tesparentsontapprisquetutrafiquaisavecunecriminelleettonpèreamenacédetedéshériter?
jelacoupe.C’estmarrant,même après tout ce temps, c’est encore lamême chose. Je connaisÉlia depuis…
toujours.Nospèresétaientdevieuxamisetcollègues.Ducoup,onatoutfaitensemble.Elleétaitlaseuleàcomprendrecequisepassaitchezmoi.Jen’avaispasbesoindeluimentir,etellenonplus.Doncelleaétémameilleureamie.Enfin,jusqu’àcequ’ellecoucheavecmonpremiergrandamourdulycéeetquejefuieàNewYorkpourtoutoublier.
–Exactement,finit-ellepardire,leregardailleurs.–Etalors?–Etalorsj’ensaisrien,Lola! lâche-t-elleencroisantlesbras.IlfautquejeparleavecJ.,c’est
tout.Tusais,entrenous,ilyavraimentuntruc.J’aibesoindelui,finit-elle.«Untruc»?Queltruc?Restecalme,Lola…Siçasetrouve,cen’estpascequetucrois…–Jesaisbienquevousvenezd’avoirunbébé.Pourça, ilaétéclairdès ledébut,sa fillepasse
avant tout.Jene l’empêcheraipasde lavoir, jenesuispasunmonstrenonplus.Mais jecroisqu’ilapeurdetaréaction.
Ellefaitunepause,m’observeuninstantetreprend:–Lola,çafaitunmomentquevousêtesséparésdésormais.Aprèstoutcequ’ilt’afaitsubir,jesuis
certainequetun’asplusdesentimentspourlui…Est-cequetupeuxluidire,s’ilteplaît?mesupplie-t-elle,avecunemouedepeste.
Bonsang,jecroisquejevaismetrouvermal…– Je…Tudevraispartir,maintenant, je sors, lamâchoire crispée, en tentantdenepas fondre en
larmes.–Oh,monDieu!s’exclame-t-elleenriant.Après toutcequ’il t’a fait, tu l’aimesencore?Mais,
Lola,àpeineavait-ilquitté l’églisequ’ilétaitdéjàentremescuisses!Tuméritesmieuxqueça.Tuasbeaumedétester,s’il t’avaitvraimentaimée, iln’auraitpassautédansmonlità lapremièreoccasion,finit-elle en se levant. Je suis désolée. Il m’a dit qu’il t’en avait parlé, termine-t-elle en quittant machambre.
Laportesereferme,emportantavecluimoncœur.
***
Jeplaquemamaincontrelemurettentedereprendremonsouffle.Jecalculeladistancequ’ilmeresteàparcourirpouratteindrelachambredeLola.
Lesparolesdesonpèrerésonnentencoreenmoi.J’aimemafamilleetjemebattraijusqu’auboutpourelle!medis-jetelunmantraenrepartant,
ignorantmesmembresdouloureux.
Jeme focalise surmon objectif qui est de retrouverLola etKristen.Lorsque jeme trouve enfindevantlaportedeleurchambre,jefermelesyeuxetsouris,victorieux.Jemeredressepuisfrappe,avantdejurer:j’aioubliélesfleursdansmachambre!Hier,jem’envoulaistellementdem’êtreprésentésansrienque,ducoup,cematin,j’aidemandéàl’unedesinfirmièresd’allerenacheter.Peineperdue:sijeparslesrécupérerdansmachambre,jen’arriveraicertainementpasàrevenir.
Lolanerépondpas.Dois-jefrapperànouveau?Ellen’estpeut-êtrepasdanssachambre.J’hésite,puisfinalementouvre.Jemefigesurleseuilenladécouvrantentraindepleureràchaudeslarmesavecnotrefilledanslesbras.
–Lola?jel’appelleenmesentantmedécomposer.Ellelèvelesyeuxsurmoietmoncœursebrise.–Lola,qu’est-cequ’ilsepasse?Lebébévabien?jedemandeenm’approchantdequelquespas.Ellehochelatête,etjerespireànouveau.–Qu’est-cequetufaislà?mequestionne-t-elle,commesimaprésenceétaituneaberration.–Tum’asditquejepouvaisveniraprèslavisitedemonmédecin,jeréponds,incertain.Jegardepourmoilefaitquejenel’aifinalementpasvuparcequejen’enpouvaisplusd’attendre
delesvoirtouteslesdeux.Ellelèvelatêteets’essuielenezavecsonavant-bras.–Lola,qu’est-cequ’ilsepasse?jel’interroge,ànouveauinquiet.Ellemeregardeuninstantavectristesseetfinitparmedire:–Damien…est…venu.Jesoupire.Doncilatenupromesse.IlatoutditàLola.Jel’observe,jetteuncoupd’œilaulit,hésite…Jene
veuxpaslabrusquer,maisj’aimeraistellementêtreauprèsd’elle.Jem’approche un peu plus etm’assieds sur le bord. J’attends une seconde pour voir si elleme
demandedem’éloigner,maiselleneditrien.EllealeregardrivésurKristenquidortcontresonsein.–Jesorsdel’hôpitaldemain.Jenesaispascequet’aditlemédecin,quandtupourraspartir,mais
situveuxvoirKristen,envoie-moiunmessageavant,s’ilteplaît,finit-ellepardiredoucement.Magorgeseserre.Jesensquej’ailoupéquelquechose,maisjenesaispasquoi…–Damient’aexpliquécequ’ils’estpassé…lejourdumariageettoutlereste?jedemande,malà
l’aise.J’aipeut-êtrefaitcertaineserreurs,maisjeveuxqu’ellesachequejenel’aipaslaisséeparceque
jerefusaisdel’épouser.–Oui,merépond-ellesèchement.–Bien,donctusaisquejesuispartipourJoshua,pasparceque…–Lepassé,c’estlepassé.Jenevoispasl’intérêtdeleremueréternellement,mecoupe-t-elle.Jemepasseunemainsurlevisage,deplusenplusperturbé.Jenepensaispasque,grâceauxaveux
deDamien,ellemesauteraitdanslesbras,maisj’avouequejenem’attendaispasàtantd’hostilité.–Lepasséestimportant,puisquec’estenteledissimulantquenousensommeslà,jedis,d’unton
malassuré.–Jerry,onenestnullepart,toietmoi.Jetel’aidit:pourmoi,c’estterminé.«Terminé»…Lemotrésonneenmoi.Ilmedévaste.–Mais…jeneveuxpasqueçasoitterminé,jesouffle,souslechoc.Ellelèvelesyeuxsurmoi,plantesonregarddanslemien,etcequej’yperçoismeterrifie.–Éliaestvenue.Elletecherchait,dit-ellesimplement.–«Élia»?jerépète,lessourcilsfroncés.
–Tuascouchéavecelle?medemande-t-elle,d’unevoixtellementfaiblequejenesuispascertaindecequej’entends.
–Élia?jerépète,lavoixchevrotante.–Tuascouchéavecelle,n’est-cepas?mecrie-t-elle,cettefois-ci.–TuconnaisÉlia?Vousêtesvraimentamies?jedemande,tentantdecomprendrepourquoielleme
parled’Élia.Donccettegarcedisaitvrai…,jemedis,souslechoc.–Elleestvenue?Ellet’amenacée?jel’interrogeensentantlapaniquemonterenmoi.J’auraisdûdemanderàThomasdeposterungardedevantlachambre.Non,j’auraisdûresterhiersoir!Je ne voulais pas la brusquer, mais dans le même temps, je n’ai pas suffisamment songé à sa
sécurité.Bonsang,cettegarceadéjàessayéd’atteindreLolailyaquelquesjoursetjen’airienfait!–Tudevraispartir,Jerry,souffleLola,leregardfuyant.–JevaisdemanderàThomasd’envoyerungarde.Elleneviendraplus.Jetejurequejevaistout
fairepour…–Va-t’en!hurle-t-elle,cequiréveillelapetite,quisemetàpleurer.–Lola,cen’est…–Ellet’ademandédepartir,lanceunevoixmasculinederrièremoi.JemeretourneetvoisAlexetMattquisetiennentsurleseuil.Jemepasseunemainsurlevisage.Lasituationestentraindem’échappercomplètement.–Lola,jelasupplieànouveau.Ellenerépondrien.–Lola,jeteprometsquej’empêcheraiÉliaouquiconquedevousfairedumal,jetenteànouveau,à
boutdesouffle.Jenepeuxpaslaperdre…Pasmaintenant.Jeremarqueunegouttetombersurledrapetmerendscomptequejepleure.–Jerry,tudevraissortirmaintenant,lanceànouveauMatt,lespoingsfermés.–Lola,jenecomprendspascequ’ilsepasse!Laisse-moiunechance.Jepeux…Dis-moicequetu
veux que je fasse et je le ferai. Je peux rester, surveiller que… Élia ne revienne pas. Tu seras ensécurité…
–Jeveuxquetupartes,mecoupe-t-elledurement.Jemepasseunemaindanslescheveuxetmelèveavecdifficulté.Jejetteunderniercoupd’œilà
LolaquiberceKristenentraindepleurerdanssesbrasetquittelachambre,lecœurenmiettes.Àpeineai-jefranchilaportequeMattlarefermebrusquement,melaissantseulfaceàmeserreurs.
Chapitre29
–Tuneprendspaslesfleurs?medemandeAlexensaisissantmadernièrevalise.–Non,jerépondssansmêmeyjeterunregard.–Tun’aspas lu lemot?m’interroge-t-ilenpointantdudoigt lacartequidépassedubouquetde
roses.–Non.Jesaisque touscescadeauxviennentdeJerry.Depuisqu’ilaquittémachambrehier, ilm’a fait
livrerdesfleurs,deschocolatsetmêmeungrosballonroseaffreux.Jen’ai luaucunedesescartes,etc’estbienmieuxcommeça.
Oh!c’estsûr!Ildevaitêtretrèsmalheureuxpendantprèsdesixmoisentrelescuissesd’Élia!–Ondevraityaller.J’aiditàMattqu’onl’attendraitdanslehall.Jen’avaispas le couragede revoir Jerry,mais jenevoulaispaspartir sansqu’ilpuissedire au
revoiràsafille.Jenesaispasquandilpourrasortirdel’hôpital,alorsj’aidemandéàmonfrèred’allerlevoiraveclapetite.
Il n’amême pas pris la peine de nier ! je hurlementalement en repensant à notre conversationd’hier.
Jeluiaipourtantdemandéclairements’ilavaitcouchéavecelle!Maistoutcequ’ilm’aservi,c’estunspeechsurlasécurité!Maisquelgros…gros…–C’estbon,tun’asrienoublié?mecoupeAlexdansmespenséesalorsquejeratatineunchausson
danslecreuxdemamain.–Normalement,non,jelanceenhaussantlesépaules.IlvoitpasquejesuisoccupéeàmaudireJerry!Hier,j’étaissouslechoc.Maislà…Là,j’aienviedeluiarracherlespartiesintimes!–Tuasregardésoustonlit?medemande-t-ilenjetantunrapidecoupd’œilunpeupartoutdansla
chambre.–Hein?Euh,oui,j’airegardé.C’estpasvrai,j’avaislaflemme.Maisbon,jesuiscertainequ’iln’yariendecamouflélà-dessous.JesoupireenpensantàKristen.J’aibeaulehaïr,jesaisqueJerrydoitvoirsafille…–Lola,jet’attends!melanceAlex,chargécommeunemule.–Ouais,jegrogneensortantdelachambre.Alexmesuitjusqu’àl’ascenseur,monoreillersouslebras,tirantmavaliseàroulettesd’unemainet
portantlesacdeKristendel’autre.Uncoupleavecunbébéseposteàcôtédenouspourl’attendre.Jecoule un regard vers eux. L’homme embrasse sa femme et tous deux sourient en regardant leur bébéassoupidanslecosy.Unintensesentimentd’injustices’abatsurmoi.
Pourquoijenepeuxpasavoirça,moiaussi?Quandonlesregarde,çaal’airtellementsimpled’êtreheureux.Lesportesdelacageeninoxs’ouvrent.Nousentronstousetjelesdévisaged’unairmauvaisalors
qu’ilscontinuentàsebizouilleretàsourirecommedesimbécilesheureux.J’aienviedeleurbalancerdestrucsdessus…J’aimepaslesgensheureux!Enplus,leurbébéestmoche,medis-jeenlefixant.Alexfinitparmemettreuncoupdecoude,alors je lâche l’affaireetsoupireavantdecroiser les
brassurmapoitrine.L’ascenseurarriveàdestinationet jemehâtededescendreavanteux.Mais jem’arrêtenetquand
monregardcroiseceluideJerryquitientKristendanssesbras.Alexmepassedevantetjemedécideenfinàavancer.–Bonjour,mesalueJerry,incertain.–Jenem’attendaispasàtevoir,jerépondsdurement.Ilsembleencaissermaremarque.–Lemédecinmelaissesortir.Jevoulaissavoirsiçanetedérangepasquejevousraccompagne.JefusilleMattduregard,quilèvelesmains,l’airdedire:«C’estàtoideprendreladécision.»Jerryluijetteégalementuncoupd’œil,malàl’aise.Detouteévidence,Mattadûluidirequec’était
àmoidevoir,cequinem’étonnepasdelui.Saufquec’étaitjustementpournepasmeretrouverenfacedeluiquejel’avaisenvoyé!Bonsang,enplusd’êtrechiant,monfrèrenesertvraimentàrien!–Voyons,biensûrqueçanemedérangepas,jesorsavecmauvaisefoiàJerry,quifinitparsourire
timidement.Maisbonsang,évidemmentqueçamefaitchier!J’aipasenviequ’ilsoitavecmoidanslavoiture,nidanslamêmepièce,nidanslamêmeville…Je
neveuxpluslevoir!Àchaquefoisquejelevois,jepenseàÉlia.–Ondevraityalleralors!lanceMattavecunsourirecrispé.Jel’observeuninstant.Simesyeuxétaientdesrevolvers,ilseraitmortàcetinstant.–Tuveuxuncoupdemain,Alex?demande-t-ilàmonautrefrère,lavoixhautperchée.Tuasraisond’êtreterrifié,monpetit…Jem’approchedoucementdeluiet,avecungesteaussilentquecalculateur,jesorslapetitevestede
Kristendusacàlangerqu’ilportesurl’épaule.Mattsemblerespirerànouveauquandjem’éloigneetmeplantedevantJerry.–J’aimerais la luienfileravantdesortir.Tumeladonnes? jedemandeen tendant lesbraspour
récupérermafille.Jerryjetteuncoupd’œilàKristenetmemurmureenplongeantsonregarddanslemien:–Elledorttellementbien.Çaseraitdommagedelaréveiller.Jepeuxt’aideràlaluimettre,situle
souhaites.Pourquoiest-cequej’ail’impressionqu’ilmefaitunepropositionindécente?Çadoitêtresavoix…Mêmesavoixestsexy!J’inspire enmedisant :On se calme, Lola, il ne s’agit que demettre une veste à ta fille, pas
d’arracherlesvêtementsdeJerryetdeluilécherletorse!Maisqu’est-cequejeraconte?!Jem’approchejusqu’àsentirsonparfumm’envelopperetattrapelepetitpoingdemafille.Jeme
mordsleslèvresettentedefaireabstractiondelachaleurdesoncorps,denosdoigtsquisefrôlent,demoncœurquibattropfort;jemeconcentrejustesurlefaitdepassercettesaloperiedevesteàKristen.
Mamain sepose sur son torsemalgrémoi. Je la retire immédiatement et finisd’attacher lepetitmanteau.Pouruneraisonquim’échappe,jelèvelesyeuxetcroiseleregarddeJerry.
Àchaquefois,j’oublieàquelpointsesyeuxsontbeaux.Sonregardestdoux,réconfortant.Pendantuninstant,undésirirrépressibledemeblottircontreluimesaisit.
–Ondevraitluimettresacapuche,mesusurre-t-il.Bordel,cettehistoiredevestedevienthot!Jemesenstoutechose…–Oui,jefinisparmiauler.Ilsourit légèrement, frôlevolontairementmamainet rabat lacapuchesur la têtedeKristen. Ilse
pencheetmeglisseàl’oreille:–Ilnefaudraitpasqu’elleattrapefroid.Je ferme les yeux, puis me ressaisis et m’écarte de lui enm’écriant intérieurement : Lola, sois
forte!Faisluibouffersesyeuxdelover!JetournelatêteetvoisMattetAlexquinousobservent,l’airsceptiques.Jerry,lui,estétrangement
souriant.Ilestfierdesonpetiteffet…S’ilcroitqueçavasuffire,ilsemetledoigtdanslafossette,moi,jevousledis!Sexy-Fossettesautopdulover:40.Lolalalooseusequisefaitdesfilmspourunesimplehistoiredefrôlementdedoigts:–50!
***
Mattgarelavoituredansl’alléeetAlexmedemandeenmeregardant:–Tuveuxquejemontelecosy?–Oui,jesuisdésolé.Mondosmefaitencoresouffrir,jeréponds,malàl’aise.Lavoitureabeauêtrespacieuse,deuxadultesdeplusd’unmètrequatre-vingtetuncosyàl’arrière,
çafaitunpeutrop.Ducoup,jemeretrouvecollécontrelefrèredeLolaetàchaquefoisqu’ilmeparle,saboucheestjusteàcôtédemonoreille.C’estmarrant,maisdansmonimagination,c’étaitLolaquisetenaitàcôtédemoidanslavoitureetquimeparlaitàl’oreille.
J’auraismêmepeut-êtrepuluivolerunbaiser, jemedis,songeur.Jejetteuncoupd’œilàLolaquisetientdroitecommeun«i»surlesiègepassager.
Est-cequ’elleabienlulescartesquejeluiaienvoyées?Entoutcas,unbaisernesemblepasàl’ordredujour.J’aiplutôtl’impressionqu’ellechercheunmoyensûrpoursedébarrasserdemoncadavre…Jesoupireenlavoyantdescendreetattraperlesacàlanger.–Matt,tuvaspasrecommenceravectonfoututéléphone!hurle-t-ellealorsqu’ilnousfilme,lamine
réjouie.–Jenet’écoutepas!chantonne-t-ilenzoomantsurKristen.La porte d’entrée de chez Thomas s’ouvre et le chien de Samantha vient nous rejoindre en se
dandinantsuivide…Catzilla.C’estmoiouilestencoreplusgrosquedansmessouvenirs?IlsefrotteauxjambesdeLolaquilecaresseensouriantetpassedevantmoienmeroulantsurles
pieds.Puisilretournedansl’appartementdeThomas,quinousrejointàcemoment-làavecSamantha.–Tunem’aspasditquetusortaisaujourd’huitoiaussi,luidit-elleensouriant.–Tuconnaisleshôpitaux,maintenant,ilslaissentpartirlesgensdeplusenplustôt.Pasvrai,Jerry?
demande-t-ilenmejetantunregard.Commentai-jepuoublierqu’ilsavaittoujourstoutsurtout?
Lemédecinnevoulaitpasmelaissersortiraujourd’hui.Ducoup,jeneluiaipasvraimentlaissélechoix.C’estdéjàassezcompliquécommeçaavecLola,alorsjen’aipasbesoinderesterseulàattendrejenesaisquoidansunechambre.
–Jesuisheureuxdevoirquetuvasmieux,jeluilancesèchement.Jenepensepasqu’ilaitobtenunonplusl’autorisationdesortir,comptetenudelagravitédeses
blessures.Ilmefixeuninstant,commes’ilcomprenaitoùjeveuxenvenir,etfinitparportersonattentionsur
lecosy.–Jesaisquejeteledisàchaquefois,maisjetrouvequ’elleteressembleénormément,souffle-t-ilà
Lolaavecunlargesourire,silargequeçalerendpresquehumain.–Jenesaispas…Jediraisquec’estunbonmélangedeJerryetmoi,luirépond-elle,rêveuse.Jesouris.MoiaussijetrouvequeKristenressembleénormémentàLola,etj’adoreça.Maisj’aime
encoreplusqueLolapensequec’estunpetitmorceaudenous.–EtsionallaitinstallerKristen?lanceMatt,surexcité,encontinuantdefilmerlapetite.Alexs’empareducosyetcommenceàmonterlesescaliers,suivideLolaetdeSamantha.–Jerry,j’aiquelquechoseàtemontrer,meditThomasavantquejen’aillerejoindrelesautres.L’airsurprise,Samanthaluijetteuncoupd’œil,maisilluifaitsignedesuivrelegroupe.NousattendonsquetoutlemondesoitentréchezMatt,puisjedemandesanspréambule:–Qu’est-cequ’ilsepasse?–Tuavaisraison.Damiens’estmisentêted’enterminerlui-mêmeavecQ.–Ilvasefairetuer,dis-jeavantdesoupireretdesecouerlatête.–Jesais.Ilobservelesoluninstantetj’enprofitepourluidemander,crispé:–Tut’esrenseignépourÉlia?Ilesthorsdequestionqu’ellecontinueàmenacermafamille,medis-je,lespoingsserrés.– Oui, je n’avais pas fait le rapprochement durantmon enquête avant que Lolame le dise. Les
photos étaient floues, et honnêtement, elle a bien changédepuis son adolescence.En fait,Élia est uneanciennecopinedelycéedeLola.Sonpèreestunamidelafamille.Ilaétélecoéquipierdenotrepèreunmoment…Enfin,bref, ilm’aditqu’ilsechargeaitpersonnellementdesafille.Maisdansn’importequelcas,elleneferaitjamaisdemalàLola.Ellessechamaillent,maisçan’irajamaisplusloin.
Je ne suis pas d’accord avec lui. Je l’ai côtoyée suffisamment pour savoir que, malgré lesapparences,Éliaestunetueuse.
–SiLolaaétéaussibouleversée,jepensequel’ondevraitdavantages’enméfieretpassimplementlarenvoyerchezsonpère.
Thomasmefixeunmomentetfinitpardire:–Sicequit’inquiète,c’esttaliaisonavecelle,net’enfaispas,toutlemondeestdéjàaucourant.
Masœurnes’estpassentiemenacée,maishumiliée.«Liaison»…Maisqu’est-ceque…–Jen’aipaseudeliaisonavecÉlia!jedisaveccolère.–Cen’estpasàmoiqu’ilfautledire,lâche-t-ilavantdemonterchezMattàsontour.Souslechoc,jemepasseunemaindanslescheveux.Alorscommeça,Lolacroitquej’aieuuneaventure?!Etmerde!Mesyeuxs’écarquillentausouvenirdenotreconversation.Ellemel’ademandé…Jem’ensouviens,toutàcoup,lecœurbattant.Etj’étaistellementfocalisésurlefaitquemafamillecouraitundangerquejen’aipas…
Etmerde!Jemonte les escaliers aussi viteque jepeux et, lorsque j’entre en trombedans l’appartementde
Matt,toutlemondeseretournepourmedévisager,maisjem’enfiche.JeneveuxqueLola.Moncœurbatàunevitessefolle.Jedoisluiparler.Luidirelavérité,quejen’aimequ’elle.Commentest-ceque jepourraisneserait-cequetoucheruneautrefemme?!
–Tuveuxboirequelquechose?finitparmedemanderAlex.–Non…merci,peut-êtretoutàl’heure,jerépondsdistraitement.Jejetteuncoupd’œilcirculaireetnelavoispas.–Lolanourritlapetite,m’informe-t-ilavecunlégersourire.–Merci,jechuchoteavantdemedirigerverssachambre.JemeplantedevantlaporteetfrappeaumomentmêmeoùMatts’écrie:«Barbecueparty!»Je tends l’oreillepourécouter la réponsedeLola,maisses frères font tropdebruit.Ducoup, je
décidedetentermachanceetouvrelaporte.Lolalèvelesyeux,étonnée,enmevoyant.Quantàmoi,jen’arrivepasàdétachermonregarddenotrefillequitêtegoulûmentsonsein.J’ouvrelabouche,maisjen’aipasletempsdeparler.
–Tuveuxbienfermerlaporte,s’ilteplaît?medemande-t-elle.Ilmefautunesecondepourquel’informationmemonteaucerveau.Jesuisfébrile,moncœurbat
beaucouptropvite,mesmainssontmoitesetjesuisàboutdesoufflealorsquejeresteimmobile.IlmefautfairedeseffortsinsurmontablespournepasfixerenpermanencelamagnifiquepoitrinedeLola.
Etsiellenemecroyaitpas?EtsiellechoisissaitdecroireÉlia?–Çava?medemandeLolaalorsquejerestetoujoursplantédevantlaporte.Jemepasseunemaindanslescheveux,plusnerveuxquejamais,etfinisparlâcher:–Jen’aipascouchéavecÉlia.Lolam’observeet jemerendscompteque j’auraispeut-êtredûchoisirunmomentseulavecelle
pourluiparler.Mafillen’apasbesoind’êtretémoindemamiseàmort!–Jamais,j’ajoute,alorsqueLolarestemuette.Jesuisdésolé,je…jenesuispasdouépourcegenre
dechose.J’aimeraisbienêtreundecestypesavecpleind’éloquence,maisjenelesuispas.Jenet’aijamaistrompée.Etjen’aijamaisregardéuneautrefemmecommejeteregarde.Tueslafemmedemavie,Lola.
Jefermelesyeuxettentedepoursuivre.Jepasseunemaintremblantedansmescheveux.Pourquoielleneditrien…?–Avantlemariage,jecauchemardaisàproposdemamère.Tupensaisquec’étaitparcequej’avais
peurdem’engageravectoi,maisnon,j’ai toujourseucescauchemars.Jelesfaisdepuisl’âgedeneufans.Monpèreétaitunivrogne.Ilbattaitmamèreet…monfrèreetmoi.Unjour,ilm’afrappétellementfortquejesuisrestéinconscientplusieursjours.Àmasortiedel’hôpital,mamèreadécidédequittermonpère.
Jereprendsmarespirationavantdecontinuerlerécitdel’épisodequiestcertainementleplusdurdemavie.
– Elle avait entassé toutes nos affaires dans notre vieille voiture et il ne nous restait plus qu’àrécupérerJoshuaquiétaitcachéchezlasœurdenotrevoisine.
J’évitederegarderLolaquimedévisage,leregardbrillantdelarmes,etpoursuis:–Unchauffardnousestrentrédedans.Mamèreestmortesurlecoup.–Tuétaisavecelledanslavoiture?demande-t-elleàvoixbasse.–Oui,jelâche,l’airabsent.JelèvelatêteetaperçoisLoladeboutdevantmoi,notrefilledanslesbras.Jeplongemonregard
danssesbeauxyeuxtristesetsouffle:
–Lola,jet’aimeàenmourir.Jenet’aipastrompée.J’aifaitdeserreurs,oui,maiscertainementpascelle-là…
Jecessedeparler lorsqu’elle seblottit contremoi. Je ferme lesyeuxet laisse librecoursàmeslarmes.Jeposedoucementmesmainsdanssondosetlaserrelégèrementjusqu’àsentirsarespirationetcelledeKristencontremontorse.
–Jet’aime,Lola,jechuchoteennichantmonvisagedanssescheveuxcouleurmiel.Jefermelesyeuxetespèredetoutemonâmequesoncœuràelleaussibatencoreunpeupourmoi.
Chapitre30
J’ouvrelesyeuxetilmefautquelquessecondespourcomprendrecequim’aréveillé.Kristen…JeregardelapetitenichéeaucreuxdesbrasdeLolaetsouris.Voilàcommentjeveuxmeréveillerchaquematinjusqu’àlafindemesjours.Avecmafilleetmafemmeàmescôtés…Unpincementaucœurmefaitravalermonsourire.Cen’estpasparcequ’hiersoirj’aisentiLolaplusprochedemoiqueleschosessontgagnéespour
autant.Nousn’avonspas reparléd’Éliaoumêmedumariage.Jenesuispascertainqu’ellemecroieou
qu’elleveuillemedonneruneautrechance.Jepensesurtoutqu’elleferaaumieuxpournotrefille.Malgrétout,jesuissoulagéd’avoirpartagéunepartiedemonpasséavecelle.Jecroisquej’avais
besoindeluidévoilercetaspectdemaviepournouspermettred’avancer.Jemerendscompteégalementquej’auraisdûluiparlerbienavant.J’aitoutvoulugarderpourmoi,
etfinalement,jen’airienfaitd’autrequedecréerunfossédansnotrecouple.JemepasseunemainsurlevisageetregardeKristenquis’agitedanstouslessens.–Coucou,maprincesse,jechuchotealorsqu’ellecommenceàpleurerplusfort.Jejetteuncoupd’œilàLolaquidortprofondémentetprendslapetitedansmesbras.Hier,nousavonsparléunmomentdemamèreet,vaincuesparlafatigue,LolaetKristenontfinipar
s’endormir.J’aihésité(enfin,paslongtemps)etj’aifiniparm’allongeràcôtéd’elles.Compte tenu de son caractère, si ça l’avait gênée, Lolam’aurait demandé de partir.Ce qui peut
signifierdeuxchoses:soitqu’ellemelaisseunepetitechance,soitqu’elleétaitbientropfatiguéepourexigermondépart.
Kristenm’observeavecsespetitsyeuxnoirsetarrêtedepleurer.Jedéposeunlégerbaisersursonpoingetfroncelessourcilslorsqu’elleseremetàhurler.
Bon…JeneveuxpasréveillerLola,maisj’avouequejenesaispastropquoifairenonplus!Jeréfléchisuninstantetdécidedelachanger.Jemelèveavecunegrimacededouleuretcherchedu
regarddequoiœuvrer. Je finispar aviseruncoussin avecune serviettedebain surunmeuble. Il y amêmedescouchesetdeslingettes.
–Bon,alors,jetepréviens,mafille:jesuisunpapadébutantetjen’aijamaischangédecouche.Aumoins,commeça,sesattentesneserontpastropgrandes!Jeladéposesurlaservietteavecdélicatessetoutenmedisantquemêmeunebombeàretardement
estplusfacileàmanipuler.Premièreétape:détacherlepyjama.
Concentré,j’étudielachoseetmesouviensquel’ouvertureestsurlesfesses.Jepassedoucementmesmains sous elle et tentede trouver comment çamarche. Je tire légèrement, et l’unedespressionslâche.
Finalement,c’estsimple,ilsuffisaitdetirer!Jedégageunejambe,puisl’autre,etmajoieestdecourtedurée.Ilyaencoreunecouchedevêtements!Bon, là, c’est facile, je trouve les pressions du premier coup. Je soulève l’espèce de culotte
intégraleetscrutelacouche.–Jedevraispeut-êtrepréparerlematérielavantdeteretirercemachin,jesouffle.Je jetteuncoupd’œil circulaireet attrape lepaquetde lingettesavecunbébé jouffluet souriant
poséàcôtédescouches.Jecroisque l’idée, c’est justede lui retirer, lanettoyeravec les lingetteset remettreunecouche
propre…Duboutdesdoigtsjedécollelesscotchsdechaquecôtéetouvrelacoucheavecinquiétude.Honnêtement,jen’aiaucuneidéedecequejevaisytrouver!Finalement,pasgrand-chose.C’esthumide,maispasplus.–Jesuiscontentquepourunepremièreavecpapa,tun’aiespas…Jen’aipasletempsdefinirmaphrasequ’ungeysersortidenullepartjaillit.–Bordel!jejureenattrapantunepoignéedecouchespourendiguerleflot.Jerêveoutuviensde
fairepipisurpapa?jeluidemande,encoresouslechoc.J’observemamainquitientlescouchesethésite.Ellevientdefairepipi,ellenedevraitpasrecommencertoutdesuite…,medis-jeensoulevant
justeassezpourvoirsiçacouleencore.Çasembleêtreterminé,maisjevaistoutdemêmerestersurmesgardes…J’ôte l’amas de couches sales et jette le tout dans la poubelle posée à côté de moi. Je prends
plusieurs lingettes etm’appliqueànettoyer ses fesses, ses cuisses, sespieds,mesbras,mesmains, laserviette,etunefoisquej’aitoutbienfrotté,j’attrapeunenouvellecouche.
Jeladéplieetmerendscomptequejenesaisplusoùsetrouvel’avantetl’arrière.Jecroisquelesattachessontdansledos…
***
–Jenedormaispas!jecrieenmeréveillantensursaut.Jeregardeautourdemoietmerendscomptequej’aiencoreperdumonbébé.J’entendsJerryjurer
etmedisquel’unetl’autrenedoiventpasêtreloin.Jemedemandecombiendetempsjemesuisassoupie…Jeregardel’heure: ilest4heuresdumatin.Bon,vuquejenesaispasàquelleheurejemesuis
endormie,lecalculrisqued’êtrecompliqué!Jecroisquej’aisombréquandJerrymeparlaitdelacollectiondeporcelainedesamère…Alors,audépart,j’étaisraviequ’ilpartageenfintoutçaavecmoi.Parcontre,lorsqu’ilacommencé
à me parler de sa mère… En toute honnêteté, j’étais bien trop fatiguée pour faire comme si tout çam’intéressait.Franchement, lapassiondesamèrepour le tricotou lesgrenouillesenporcelaine,c’estpastrèsemballant!
Enfin,bref…J’écarquille lesyeuxet jetteuncoupd’œil autourdemoi.Alors, soit il s’est également endormi
tellementcequ’ilracontaitétaitennuyeux,soitils’estpermisdesevautrersurmonlit!Jenesaispassij’appréciebeaucouplefaitquel’onredevienneproches…
IlyaencorecettehistoireavecÉliaquiresteensuspens,etjenesuispascertainedelecroireàcentpourcent.
Ilestvraique,normalement,Jerrynementpas.Ilometsimplementdedirelavérité.Maisjenesaispas…
Elleestsexy,cettegarce,etd’aprèscequej’aivusurlesphotos,ilssemblaientproches.Et puis, c’est pas parcequ’ilm’a raconté que samère était unegrande fandeSantaBarbara et
qu’elleneloupaitaucunépisodequejevaisreveniraveclui!Bon,çanesertàriendemeprendrelatête,ilnes’estrienpassé.S’ils’étaitpasséuntruc,jem’ensouviendrais?Bonsang,jenesuispassûre!Jesoulèvel’élastiquedemonpantalonetaperçoismaculotte.Jepasseunemainsurmesseins:tout
estenplace,làaussi.Ilfautvraimentquejeprennedesvitamines,deladrogueouuntruc!Lafatigueestentraindeme
vrillerlecerveau!Jemedécideàmeleveret,lorsquej’arrivedevantlatableàlanger,j’éclatederire:Jerryaune
couchecolléesurl’avant-bras,uneautresurlesdoigtsetmafilleestentortilléedansdeslingettes.–Jecroisquelasituationm’aunpeuéchappé,finit-ilpardire.–Jevoisça!jem’exclameenriantencoreplusfort.Ilfinitparesquisserunsouriretimideetmoncœurmenaced’exploseràcetinstant.Bordel,jecraquetoujoursautantpourlui!Maisj’aicettepetitevoix,dansmatête,quimechantede
nepasluifaireconfiance.–Tuveuxuncoupdemain?jefinispardemanderententantdenepassourirecommeuneidiote.–J’avoue.Etj’aiaussibesoind’unedouche,dit-ilavecunegrimace.Jeposelamainsurmabouchepourretenirunhoquetdesurprise.–Notrefillet’apissédessus?jedemandeavantdemeremettreàrire.Mafilleestgéniale!Elleluiafaitpipidessus…C’estvilain,maisj’adore!–Lola,jet’ensupplie,aide-moi,ajoute-t-il,l’airpenaud.Jem’approche,retire lescouchescolléesd’uncoupsec,enlèveles lingetteset les jette.J’attrape
unenouvellecoucheet l’enfileàKristensous leregardadmiratifdeJerry.Puis je larhabilleet lance,amusée:
–Tudevraisallerprendreunedouche.Etaccessoirement,melaisserdormiretréfléchiràtoutça.Maissurtout,dormir!Ilsepasseunemaindanslescheveuxetdéposeunlégerbaisersurlefrontdubébé.Ilrelèvelatête
et reste un moment à regarder mes lèvres avant de reculer. Lorsqu’il s’éloigne pour remettre seschaussures,jemesensdéçue,malgrémaraisonquimehurlequec’estunebonnechose.Carjenedevraispas…Onadit…Rectification,j’aiditqu’ondevaitselaisserdutemps.Etc’esttrèsadulte,très…
Lavache,j’auraispréféréqu’ilm’embrasse.Paslongtemps,justeunpeu…Je soupire et vais déposer Kristen dans son berceau. Ce changement de couche semble l’avoir
épuiséeetunedouchemeferaitdubienàmoiaussi.Etfroide,depréférence!Histoiredemeremettrelesidéesenplace.
–Jevaisàl’hôtel,je…Ils’interromptetfinitparmedemander:–Tuveuxbienquejerevienne?Demain.Situveuxbien?Pour toute réponse, je hoche la tête. Il s’approche, hésite et finit par saisir une mèche de mes
cheveuxentresesdoigts.Jesaisquejedevraisécartersamainetreculer,maisjen’yarrivepas.C’estcommesimoncorpsappelaitlesien,commesi…
Ses lèvres se posent sur les miennes. Je me redresse, surprise, mais en un clin d’œil, touts’évanouit.Plusrienn’existeàpartmesseinsquifrôlentsontorse,sonodeurquim’enveloppe,salanguequi caressemes lèvres. Je ferme les yeux et me laisse emporter par son baiser. Sa langue enlace lamienne, nos lèvres ne semblent plus vouloir se quitter, sesmains s’attardent dansmes cheveux, et lesmiennes…sursesfesses!
Pourquoij’ailesmainslà?jemedemande,sanspourautantarrêterdelescaresser.Noscorpsserapprochentet,sanstropsavoircomment,jemeretrouvecouchéesousluidansmon
lit. Ses mains descendent avec lenteur le long de mon corps, son érection frotte déjà contre monentrejambe.Ilsoulèvedoucementmontee-shirtd’unemain,etlà,brusquement,ilserelève.
Ilm’observe,l’airperdu,etsepassenerveusementunemaindanslescheveux.Jelescrute,surpriseetsoudainmalàl’aise.Jemeredresseetm’écartedelui,lagorgeserrée.
–Jecomprends,passerd’Éliaàmoi…–Quoi?crie-t-il,presqueàboutdesouffle.Jetentedecontenirmeslarmesmaisellescoulentdéjàsurmesjoues.–Non,Lola,c’est…,ilcommenceavantdebaisserlesyeux,l’airgêné.Maisjenemelaisseplusamadouer.Jeveuxqu’ilparte.Jedescendsdulit.–Lola,jen’airienfaitavecÉlia!C’estjuste…Ils’arrêteànouveau,sepasseunemainsurlevisage.–Lola,tuméritesmieuxqueça.Nousméritonsmieuxqueça.J’aimetetoucher,t’embrasseret…Son téléphone sonne à ce moment-là. Jerry marque une pause et reprend lorsque la sonnerie
s’interrompt.–Tunepeuxpassavoiràquelpoint j’aienviedetoi.Maisjeneveuxpasquetuleregrettes.Je
veuxêtresûrquec’estcequetusouhaites.Jeveuxànouveautoncœur,Lola,etriend’autre.Je le dévisage en silence. Je ne sais pas quoi répondre car j’ignore si je serai enmesure de lui
abandonnerànouveaumoncœur.J’aibeautoujoursl’aimer,unamoursansconfiance,c’estillusoire.–Jevais…allerprendreunedouche,reprend-il,latêtebaissée.Ilselèveetvarécupérersesaffaires.Alorsqu’ilentrebâillelaporte,ildittoutbas:–Ilnes’estrienpassé,niavecÉlianiavecaucuneautrefemme,Lola.Jenedispasquejen’aipas
ététenté,quejen’yaipaspensé,mais…jen’auraispaspu.Ilmeregardetristementetajouteavantdepartir:–Iln’yaeuquetoiàpartirdujouroùjesuismontédansl’ascenseurdeHEH,etiln’yauraquetoi
jusqu’àlafindemesjours,Lola.Jefermelesyeuxetordonneàmoncœurd’arrêterdemehurlerdeluicouriraprès,maisc’estpeine
perdue.Quandjelesrouvre,iln’estpluslà.Nefaispasça,Lola…Troptard,jesuisdéjàdanslesalon,etrestetétaniséelorsquelaported’entréesereferme.–Lola,puisquet’esdebout,tuveuxpasm’ameneràboire?medemandeAlex,affalésurlecanapé
etencaleçon.–Tuessérieux?!jem’exclameavecunegrimace.–C’estpascommesijetedemandaisdeteleverexprès!geint-il.Je soupireetvaisdans lacuisinechercherunebouteilled’eau. Je la lui tendsetm’installeà ses
côtéssurlecanapé.Ilouvrelabouteille,boitetmefixeuninstant.–Qu’est-cequinevapas,Quenelle?finit-ilparmedemander.–Jemesensunpeuperdue,jeluiavoue.–Parfois,ilfautarrêterdeseposerdesquestions,lance-t-il.–Jenepeuxpas.Jeneveuxpassouffrircommej’aisouffert…
–Laisse-moi résumer : tuesmalheureuseparcequ’il t’aquittée,etmaintenant, tuesmalheureuseparce qu’il veut revenir avec toi ? Quenelle, tu vas continuer ad vitam aeternam à te remuer lesméninges,ruminerlepassé,etpourfinir,tuserastristecommetonchatquandonarefusédeluidonnerunmorceaudemergueztoutàl’heure.
– Alex, je ne peux quand même pas oublier tout ce qu’il s’est passé ces derniers mois en unclaquementdedoigts!
–Certes,maistunepeuxpasvivresanslui.Lola,tun’aspasarrêtédel’aimerunseuljourdepuisqu’ilestentrédanstavie.Etvucommec’estparti,tul’aimerasjusqu’àlafin.
Ilaraison.Ilfautêtrehonnête,moncœurappartientéternellementàJerry.–PourMarcettoi,c’estaussicommeça?jeluidemande,curieuse.–Non.J’aimeMarc,maispascommetuaimesJerry,oupeuimportesonnom.Etjepréfère.Vous,
c’estlapassion,etc’estcequifaitquevousêtesperpétuellementauborddel’explosion.Marcetmoi,c’estlaraison.Ons’aimesanspassionetaveccalme,finit-ilensouriant.
–Jecroisqu’ilm’atrompéeavecÉlia,j’avouefaiblement.–Jenecroispas,s’exclame-t-il.Jel’observe,surprise.–Ellesavaitqu’ellen’avaitpaslamoindrechance,etducoup,elleadûjoueràl’allumer.Maisils
n’ontrienfait.–Commenttupeuxenêtreaussicertain?–Parcequ’ilt’aime.Ilteregardeavecdesyeuxdemerlanfrit.–Ilm’aime,jelesais,maisl’unn’empêchepasl’autre.Ilhausselesépaulesenguisederéponse.–Etpuis…elleacouchéavecNathan!jecontinue.–C’estquiNathan?demande-t-il,lessourcilsfroncés.–Monpetitamiaulycée.–Euh…Situledis!–Tupensesvraimentqu’ilnem’apastrompée?–Jenepensepas,jelesais.Ilsoupireetreprend:–Lola,d’aprèsceque j’aicomprisdepuis ledébut, Jerryétaitcensé revenirune foissamission
terminée.Tucroisvraimentqu’ilauraitprislerisquedeteperdrepourunestupidehistoiredeculavecunenympho?
–Alors…pourquoiellem’amenti?–Jen’enaipaslamoindreidée.Elleestcertainementjustejalouse,dit-ilenhaussantlesépaulesà
nouveau.Jeleregardeensilence.–Tudevraisalleraulit,lance-t-il.–Jecrois,oui,jesouffleenmelevant.Jedéposeunbaisersursonfrontetretournedormir.Enfin,simoncerveaumelaissetranquille!
Chapitre31
Jerefermelaported’entréedechezLolaetresteuninstantsurleperronàmedemandersijesuisdevenufou.Carcelafaitsixmoisquejen’aipastouchéunefemme,sixmoisquejerêvedel’instantoùmeslèvresseposerontànouveausurcellesdeLola,oùmesmainspourrontànouveaucaressersapeaudélicate…
La sonnerie de mon portable me coupe dans mes pensées et, compte tenu de la tailleimpressionnantedemonérection,c’estpeut-êtremieux.
JesorsmontéléphonedemapochetoutendescendantlesmarchesetvoisunmessagedeThomas.
Rejoins-moichezmoi,immédiatement–T
Etmerde!Çanesentpasboncettehistoireencore,medis-jeenm’yrendantsansattendre.Jefrappeetlaportes’ouvresurThomas,l’airencoreplusfroidqued’habitude.–Quesepasse-t-il?jedemande.IlmelaisseentrersansunmotetjemefigequandmesyeuxtombentsurJoshua,installédansundes
fauteuils.Dèsqu’ilm’aperçoitilselèveetmedévisageàsontour.–Pourquoias-tuétésilong?m’interrogeDamien,quifaitlescentpasdanslesalon.–Jen’aipasàmejustifierdutempspasséavecmafemmeetmafille.Surtoutaprèsavoirconsacré
sixmoisàunemissionquin’avaitpasétévalidéeparladirection,jeluiréponds.–Tuesaucourant?souffle-t-ilenbaissantlatête.–Tu tedoutaisbienqu’une fois renvoyépour fautegrave, j’apprendrais lavérité, je lui réponds
froidement. J’ai lu intégralement ta déposition à l’attention du conseil de l’Agence. Tu as été très…consciencieux,jefinis,lamâchoirecrispée.
–Vous réglerezvoscomptesplus tard.Nousavonsd’autresproblèmesbienplusgravesà traiter,nouscoupeThomasenregardantJoshua.
Jemepincel’arêtedunezquelquessecondesettentedereprendremoncalme.Hier, aprèsmonaltercation avecLola à l’hôpital, je suis retournédansma chambre et j’ai eu la
« bonne » surprise de découvrir les documents relatifs à mon licenciement dans ma boîte mailprofessionnel.Ceux-ciétaientaccompagnésdeladépositiondeDamienetd’unmessagemedemandantsijesouhaitaisfaireappel.
Thomasaraison.J’auraibienletempsderéglermesproblèmesavecDamienplustard.– Alors, qu’y a-t-il ? je redemande, puisque ma question lorsque je suis entré est restée sans
réponse.DamiensortunecléUSBdesapocheetmelatend.
–Jevoulaisenfinirunefoispourtoutes,dit-ilsimplementalorsquejelaluiprendsdesmains.Jesecouelatête,necomprenantpasoùilveutenvenir.–J’aitrouvélaplanquedeQ.etaipiquétouteslesinfos…–…maisleschosesontmaltourné?j’ajoute.Ilhochelatête.–Joshuaetmoiavonsdétruit toutessesbasesdedonnées.Ilneluiresteplusaucuneinformation.
Nousdevionstoutfaireexploser,etQ.avec,maiselleatrouvélesexplosifsetlafindenotreplanaunpeucapoté,finit-ilavecunegrimace.
–Joshuaettoi?jerépèteenregardantmonfrère.–Jenet’enaijamaisvoulupourpapa…oumaman,Jullian,commence-t-il,malàl’aise.–Tunevoulaispasmourir,jelâchesimplementenmeremémorantsesparoleslorsquej’étaisretenu
prisonnierparQ.Ilhochetristementlatête.–Jesuisdésolé…Jenesuispasaussicourageuxquetoi…–Si,biensûrquetuescourageux.Seulementmoinstéméraireetsurtoutbeaucoupmoinsidiotque
moi.Tuasfaitcequ’ilfallait,jelecoupeenluitapantsurl’épauleavecunlégersourire.Ilme sourit à son tour et finit parme donner une accolademaladroite. Je jette un coup d’œil à
Damienquinousobserveet,pendantuninstant,jecroisvoirbrillerunéclatdefiertédanssonregard.Jenesaispassijevaispouvoirluipardonnerlefaitdes’êtreservidemoiduranttouscesmois,maisjesuissûrd’unechose:monfrèreestlibre,etcegrâceàlui.Onestpeut-êtrequittesfinalement…
–Pourquoies-tumouillé?medemandeJoshuaenobservantmonpantalondetravers.–Mafillem’apissédessus,jeluidisenriant.Ilm’observeavecunegrimacededégoûtetThomasdemande:–Damien,quandtudis«unpeucapoté»,qu’est-cequecelasignifieexactement?–Q.nousasurprisalorsquenousarmionslesexplosifs.Nousavonsréussiànousenfuiràtemps.–Mais…àl’heurequ’ilest,elledoitvouschercherpartout!jem’exclame.LolaetKristen…Thomasjetteuncoupd’œilangoisséàlaportedesachambreoùSamanthadoitdormir,comptetenu
del’heure,etrépèteplusdoucement:–Ellevousrecherche?–Damien,nemeditespasquevousêtesvenusvousplanquerchezThomas ! Iln’ya rienqui te
choque?jesors,horsdemoi.–Etoùvoulais-tuqu’onaillesinon?sedéfend-il.–IlfautmettreLolaetKristenensécuritéimmédiatement,jelâche.NousnousregardonsuninstantavecThomas,puisilattrapesonportableenjurant.
***
–Lola,réveille-toi,ditquelqu’unenmesecouant.J’ouvrelesyeuxetmeretrouvenezànezavecAlex.Jesursauteetdemande:–Maisqu’est-cequ’ilsepasse?–Ilfautquetupartes,dit-il,visiblementpaniqué,toutenjetantdescouchesdansunsac.–Quoi?jem’exclameenmelevant.Ilmelancemonmanteauetcrie:–Maintenant!–Maisenfin,jenecomprendsrien,jesorsenregardantautourdemoi.
–DamienavoléuntrucimportantàQ.et…ilfautt’enfuirauplusvite,tucomprends?–Pasvraiment.Laportes’ouvreàcemoment-làsurMatt.Ilm’observeavecdesbiberonsàlamain.–C’estbon?Tuesprête?medemande-t-il,àboutdesouffle.–Maisqu’est-cequetufais?jeluidemandealorsqu’ilentasselesbiberonsdanslesacd’Alex.–Lola,ilfautqueKristenettoipartiez,répond-ilsimplementalorsqu’unedéflagrationretentit.AlexposesonsactandisqueMattcontinuedelerempliretcourtverslesalon.–Ilsviennentdefaireexploserleportail,hurle-t-ilenrevenantdanslachambre.Moncœurcommenceàs’emballer.Jejetteuncoupd’œilàKristenquidorttoujoursetdistinguedescoupsdefeuaurez-de-chaussée.Sansréfléchirdavantage,j’enfileleporte-bébéavantdel’yinstallerrapidement.–Onvapasserparlebalcon.Ilyauneéchelledesecoursquimènedirectementàlaplage,jesors
enm’yprécipitant.MattouvrelabaievitréeetmedévisageuninstanttandisquemonregardoscilleentreluietAlex.–Ilfautquevousveniez,jeleursouffle,sachantpertinemmentqu’ilsneleferontpas.Alexsecouelatête,faisantvisiblementuneffortpournepaspleurer.–Jet’aime,Lola,lance-t-ilalorsquejenebougetoujourspas.Jenepeuxpasleslaisser,ilsvontsefairetuer…Kristenchoisitcemomentpourseréveiller.Jelaregarde,puismesfrères,etentreprendsdedétacherleporte-bébé.J’inspireprofondémentetletendsàMatt,quisecouelatête.–C’esttoiquicoursleplusvite,jesouffleenpleurant.–Lola,non…Çavaaller,jetelepromets,ditMatt,lavoixchevrotante.J’inspireunegrandeboufféed’airpourmedonnerducourageetcrie,enluiinstallantrapidementle
porte-bébéavecKristendedans:–Matt,maintenant!Jem’emparedusacetletendsàAlex.–Non,cen’estqu’unsac.Jereste,medit-ilenlerepoussant.– Il abesoinde toipourdescendre l’échelle, je lâcheen le luimettantdans lesbraspresquede
force.–Alorstuviensaussi,lance-t-il.Jesecouelatête.–C’estmoiqu’ilscherchent,pasKristen.Etsijesuislà,ilsnevouspoursuivrontpas.Jesuisune
bonnemonnaied’échange,doncQ.nemetuerapas,jeluiexpliquecalmementavantdedéposerunlégerbaisersurlefrontdemafille.
Plusieurs coups de feu retentissent. Matt m’observe, ferme les yeux et court vers l’échelle desecours.
–Situmeurs,jetetue!lance-t-il,prêtàdescendre.Jemeforceàluisourireetleregardes’évanouirdanslenoiravecmafille.–Alex,vas-y!jelance,lamâchoirecrispée.Alorsqu’ilstententdedéfoncerlaporte,ilchuchote:–Nemeurspas,Lola.Jesecouelatêteetleregardepartiràsontour.Éliaestlapremièreàmerejoindresurlebalcontandisquedeshommesarmésdéferlentdanstout
l’appartement.Elleattrapeunearmederrièresondos,ôtelecrandesûretéetlapointedansmadirection,maisjenebougepasd’unpouce.
–Lola,dit-elleavecunsourire.Je l’observe en silence, en me disant que plus longtemps je ferai diversion, plus mes frères et
Kristenserontensécurité.–Jesuisétonnéedenepastrouvertoncherettendreavectoi,souffle-t-elle,vénéneuse.Àcetinstant,jecomprendsqu’Alexavaitraison.Éliaamentisurtoutelaligneàproposdesasoi-
disantrelationavecJerry.Envérité,elleatoujoursétéjalouse,d’unejalousiemaladive.Mêmeaulycée…–Jecroyaisquevousviviezunegrandehistoired’amourtouslesdeux?jerétorque.–Tusaisquetuvasmourir?lance-t-elle.Jenerépondspas,carjelesavaisdéjàaumomentoùj’aiprisladécisiondelaisserMattetAlex
partiravecmafille.Etjeneleregrettepas.–Puisquetafinestproche, jevaistefaireuneconfidence:c’estvrai, jen’aipascouchéavecJ.
Pourtant,j’aitouttenté,maisilatenubon.Tupeuxmourirenpaix,maintenant,dit-elle.Sondoigtestprêtàappuyersurlagâchette.Lorsqu’uncoupdefeuretentit,jesursaute,etÉliatombe
ausol.J’observeavechorreursonsangsedéversersurlesdallesdelaterrasse.Dansl’encadrementdelabaievitrée,Q.observeÉliaavecdégoût,puisavanceàmarencontre.–MademoiselleMorell,mesalue-t-elleavecunemouedédaigneuse.Jenerépondspasetcontinuedefixerlecadavred’Élia.–Jenel’aijamaissupportée,ditQ.,commesicelalégitimaitlefaitdeluitireruneballedansla
têtedesang-froid.Bon,trêvedepolitesse,jeveuxlacléUSB,dit-elleencroisantlesbras.–Jeseraisraviedepouvoirvousaider,maiscen’estcertainementpasmoiquil’ai,jeluiréponds,
lavoixtremblante.– Jem’en doutais,mais je suis sûre que vous pouvez passer un ou deux coups de fil et trouver
quelqu’unquimelaremettrabienvolontiers.Lola,nepleurepas…Nepleurepas,jemerépète,auparoxysmedel’angoisse.–Jenesaispasquil’a,jechuchote.Sij’appelleJerryouDamien, ilsvontveniretsefairetuer.Si jen’appellepersonne,c’estmoi
quimeurs…–Allons, faites un effort,mademoiselleMorell, il serait dommage que votre fille se retrouve si
rapidementorpheline.JefermelesyeuxetpenseàKristen,àlasensationdesonpetitcorpspotelécontrelemien…–Jenesaispas…,jedisànouveau,alorsqueleslarmescoulentlelongdemesjoues.Q.soupiredelassitude.J’ouvrelesyeuxetaperçoislecanondesonarmepointédansmadirection.Nebougepas,Lola…–Unsimpleappeletvouspourrezretrouvervotrefille,souffle-t-elle.Jesecouelatêtealorsquemessanglotsredoublent.Jenepeuxpasfaireça…Jeneveuxpasmourir,maisjenepourraipasvivreensachantquej’ai
trahimafamille…–Jeperds…Q.n’apasletempsdeterminersaphrasequel’undeseshommes,puisundeuxième,s’écroulentà
terre. Ilmefautquelquessecondespourcomprendrequ’onleur tiredessus.Jedistinguequelquechosecommeuneballedetennistomberàmespieds,puisunefuméenousenveloppe.
Jemejettemachinalementàterre,tandisquedescoupsdefeufusententoussens.L’échelledesécurité…Jerampedanssadirection,maisquelqu’unm’attrapeparlacheville.–Vousn’ireznullepart!cracheQ.enmetirantverselle.–Etpuisquoiencore!jecrieenmedébattant.
J’aviselepicàbrochettequitraîneàcôtédubarbecue,tendslebrasmaisQ.metireplusfort.Jetente de lui asséner un coup de pied,mais rien n’y fait, je n’arrive pas àme dégager.Dans la cohuegénérale,quelqu’unmarchesurmamainetQ.enprofitepourprendrel’ascendantenmemontantdessusafin de m’étrangler. Je la repousse. Ses mains se serrent autour de ma gorge. J’étouffe, tente de ladéséquilibrerenbougeant lebassin,maiselle resteàcalifourchonsurmoi, enserrant toujoursplusmagorge.J’ailatêtequitourne.Jemanqued’air.Mais,alorsquejepensequec’estlafin,jenesensplusson emprise. Je me tourne sur le côté pour reprendre ma respiration et vois mon père qui la frappeviolemment.Je jetteuncoupd’œilautourdemoietaperçoisJerry,Damien,Thomas,ainsiqu’unautrehommequejeneconnaispassebattrecontreleshommesdeQ.MêmeAlexestrevenupourlesépauler.
Je rampe à nouveau endirectiondupic et le saisis aumoment oùun coupde feu retentit. Jemetourneetvoismonpères’écrouleràterre,etQ.,àboutdesouffle,tenantunearme.Sansréfléchir,jemeredresse,m’approche deQ. qui fixe toujoursmon père avec un léger sourire, brandis le pic et le luienfoncedanslapoitrine.Ellemeregardeenfin,l’airsurprise,etàcemoment-là,plusrienn’existeàpartsesyeuxquim’observent,écarquillés.Jeretirelepicetassèneunnouveaucoup.Sonarmeluiglissedesmainsetelles’écrouleausol.
–Papa!s’écriequelqu’underrièremoi,maisjeresteimmobile.JecontinuedescruterQ.allongéesurlesol,monarmeimproviséefichéedanssapoitrine.J’entendsànouveauhurler«Papa»,maisjeneparvienstoujourspasàbouger.Quelqu’unmebouscule,desbrasm’entourent.Surprise, jemedébats avantdeme rendrecompte
quec’estJerryetmeblottiscontresontorseenpleurant.Au bout de ce qui me semble une éternité, je m’écarte de lui et vois mes frères à genoux qui
pleurent.Papa…
Chapitre32
J’inspireprofondémentet tentede faire levidedansmonesprit. J’observe lesmotsnotéssurmafeuilleetnevoisriend’autrequedesgribouillis.
L’égliseestpleine,et le seulbruitque jediscerneestceluidemoncœurquibat tropviteetquicognedansmestempes.
Jen’auraispasdûaccepterdelirecetexte…Perdresonpèreestuneépreuvesuffisammentdouloureuse,alorspourquoiyajouter l’angoissede
lireuntexteenpublicdansuneéglise,devantlesêtresquimesontlepluschersaumondeetquiviventégalementlejourleplusdifficiledeleurvie?
Mon regard se pose sur Jerry, assis au premier rang à côté de son frère. Ils se ressemblenténormément,mêmesiJoshuaestpluspetit,plusfinetaencoredanssesyeuxunelueurinnocented’enfantquiagranditropvite.
Jenesaispaspourquoijesongeàçaalorsquejesuiscenséelirecefichutexteetquetoutlemondeattendl’instantoùlepremiermotvasortirdemabouche.
Peut-êtrequ’aufonddemoi,jesuisunpeujalouse.Jerryaretrouvéunêtrecher,etmoi,j’enterrelapersonnelaplusimportantedemavie.L’hommequim’atoujourssoutenue,enversetcontretout…
MesyeuxtrouventceuxdeJerryet,pendantuninstant,plusrienn’existeendehorsdesonregard.Uncielenpleinetempête…Jefermelesyeuxunesecondeetlaissemoncœurparler.« Papa, tu as été le premier homme dema vie, le seul en qui j’ai toujours eu une confiance
absolue.Tuétaismaréférence,toujoursàl’écoute,legéantdansl’ombredequij’aifaitmespremierspas ; celui qui m’a appris patiemment tant de choses, qui m’a donné les armes pour affrontersereinementlavie;celuiavecquij’aipartagétantdejoiesetquim’asoutenuedanstantd’épreuves.
«Papa,tum’avaispréparéàbeaucoupdechoses,maistunem’avaispasprévenuequ’ilseraitsidifficiledetedireaurevoir.
«Jenesaispassijeseraiassezfortepourcontinueràmebattresanstoi.»Jefaisunepause,tentedereprendremonsouffle,maismeslarmesm’enempêchent.Jemepasseunemainsurlevisageetreprends,lavoixhésitante:«Je suis et resterai éternellement tapetiteprincesse.TaLolapétillante et pleinede vie.Età
chaquefoisquej’iraitroploinouquejem’écarteraidudroitchemin,jet’imaginerai,toi,tessilences,tessourcilsfroncésoutes«Lola!»avantdegrondercommeunoursmalléché.
«Papa,tun’imaginespaslevidequetulaissesdansnoscœursetdansnosvies…«Noust’aimonstant.
«Mercipourtoutcequetuaslaissé,toutcequetunousasappris,toutl’amourquetunousasportéinconditionnellement.
«Adieu,Papa.»Jeterminemalectureenmedemandantsijevaistrouverlaforcederetourneràmaplace.Alorsque
jesensmesjambesvaciller,unemainmesoutient.JelèvelesyeuxetvoisJerry.Iln’apasbesoindemeparlerencetinstant.Jesaisqu’ilseralàpourmoi,etqueplusriennepourra
nousséparer…–Lola.Je lève les yeux des bodys que je suis en train de plier et aperçois Jerry, appuyé contre le
chambranle.Ilportetoujourssoncostumesombre,maisadétachésacravate.J’essuieunelarmeégaréelelongdema joueet coursmeblottirdans sesbras. Ilme serre fort et jeme laisse envelopperpar sonparfumréconfortant.
–J’aimeraistellementprendretapeine,mesouffle-t-ilenmecaressantlescheveux.Pourtouteréponse,jerenifleetessuiemonnezsursachemise.Cela fait deux semaines que l’enterrement a eu lieu. J’essaie de ne pas tropm’abandonner àma
tristessepournepasaffecterKristen,maisparfois,lorsquejesuisseule,jesuisassaillieparcettepeinequinesemblepasmequitter.
–TuasdesnouvellesdeDamien?jedemandepourchangerdesujetenm’écartantlégèrementdelui.
–Non,désolé,merépond-il.–Jenecomprendspascommentilapunepasveniràl’enterrement!jem’exclameensecouantla
tête.IlsembleavoirdisparudelasurfacedelaTerre.Mamèremeditqu’ilreviendralorsqu’ilsesentira
prêt.Moi,jemefichequ’ilsesenteprêtounon.Notrepèren’estpluslà,etonatousbesoindesunsetdesautres…
–Ils’enveut.Ilsesentresponsabledecequis’estpassé.JefroncelessourcilsetplongemonregarddansceluideJerry.–Laisse-luidutemps,Lola,mechuchote-t-ilavantdecaresserdoucementmajoue.–Embrasse-moi,jemurmure.Ilmesouritetmedit:–Jeneveuxpasprofiterdetatristesse,Lola.Jevoudraisquetumepardonnes.– Jeveuxque tum’embrassesparceque j’en ai envie, pasparceque je suis triste, je dis enme
mettantsurlapointedespieds.Noslèvresnesetrouventplusqu’àquelquescentimètres.Jesenssonsoufflecontremabouche.Il
hésite,puisfinalements’écarte.–Viensavecmoi,dit-ilenmeprenantparlamain.–Jenepeuxpas,jedoism’occuperdeKristen!jem’exclame.– On n’en a pas pour longtemps. Matt et Joshua vont la garder un moment, dit-il en souriant
mystérieusement.–S’ilsarriventàsedétacherdeleurjeudeFIFA!jesorsavantderire.Joshua a décidé de rester vivre un peu avec nous, pour le plus grand bonheur de Jerry. Ils
apprennentdoucementàseconnaître,etc’estpassuperfacilepourmonSexy-Fossettesdetoujourssuivresonmathématiciendefrère.
–Oui,j’aivuqu’ilsyjouaientencore.Maisaumoins,Joshuaneparlepasde…cestrucsdemaths,lance-t-il,unbrindésespéré.
–Enréalité,iladitqu’iltentaitunnouvelalgorithmeavec…Enfait,j’aipascompris,jefinisparavouer.
Joshuaesttrès,trèsintelligent,etparfois,jen’arrivepasàsuivresesexplications.Maisbon,sinon,ilestcharmant;beaugarçonettrèsgentil.Ilsembleréellementheureuxdepouvoirpasserdutempsavecsonfrère.
Jerrymeprendparlamainetjelesuisfinalementjusqu’ausalon.Jejetteuncoupd’œilàmafillequidortpaisiblementdanssontransatalorsqueMattetJoshuasemblentdonnertoutcequ’ilsontpourgagnerunmatchdefootvirtuel.
–Matt,onvasepromener.Onpeutvous laisserKristen?demandeJerry,qui semble légèrementnerveuxtoutàcoup.
–Oui,oui,répondmonfrère,concentrésursapartie.–Matt,tuessûr?jel’interroge,voulantêtrecertainequ’ilabienentendu.Je me méfie toujours quand je pose une question alors que les garçons jouent. Ils ne sont pas
forcémentattentifs…–J’aidit«oui»,Lola,lance-t-il,avantdebondirducanapéparcequ’ilamarquéunbut.IlremuedesfessesdevantJoshua,lequelnesemblepasappréciersadéfaite.–Jevaismettremeschaussures,jedisfinalement.Carquedired’autre?!J’attrapemesballerinesetlesenfilependantqueJerrymetendmaveste.Ilm’aideàlapasseretme
glisseàl’oreille:–Net’enfaispas,jesuiscertainqueKristenmaîtrisecomplètementlasituationetquelesgarçons
serontbiensages!Ilsemetàriredesablagueetjedoisavouerqu’iln’apastort.Onsedemandequi,demafilleou
desgarçons,estl’adultedanslapièce.–Tum’emmènesoù?jedemandeunefoisdehors.–Tuverras,dit-ilenmeprenantlamain.Je sens la chaleur de sa paume contre lamienne, de ses doigts qui effleurentmon poignet, et sa
présencemeréconforte.Onnes’estpasquittésdepuis…enfin,depuiscetteterriblenuit.Quand, lematin, jen’aimêmepas la forcedemettremeschaussures tellementmoncœursouffre,
c’estluiquimechausse.Ils’occupedeKristenetesttoujoursprésentsansrienattendreenretour.Nousarrivonsauboutdelarueetjesuissurpriselorsquenousneprenonsladirectionniduportnidelaplage.
–Tuneveuxpasmedire oùonva ? je demande, deplus enplus curieuse, alors quenousnousengageonsdansunquartierrésidentiel.
–Non,lâche-t-ilavecunlégersourire.–Moiquipensaisquetum’emmenaisdansuncoinsombrepourmefairesauvagementl’amour,je
suisdéçue,jeluidisenmemordantlalèvrepournepaspoufferdevantsonairchoqué.Jevoissapommed’Adammonteretdescendreetsourisdeplusbelledevantmonpetiteffet.–Bien,puisquenousn’allonspasnousenvoyerenl’air,faisonslaconversation,jelance,amusée.–Avecplaisir.Tuasunsujetdepréférence?medemande-t-ilenmesourianttoutessexyfossettes
affûtées.–Commentçasepasseàl’AgenceavecThomas?jel’interroge,enignorantmoncœurquibatla
chamade.–Étonnammentbien.Lorsquej’aiapprisqu’ilprenaitunposteàladirection,j’étaisunpeuinquiet.
Mêmesij’aidésormaisuneplaceplustranquilledansl’administrationgrâceàladépositiondeDamien,j’avaispeurqu’ilsoitunpeurudeavecmoi.
–Etfinalementnon?
Ilmeregarde,mesourittendrementetreprend:–Non.Jesuistrèsbienàmonnouveauposte,Lola,sic’esttaquestion.Jebaisselatêteetmedemandesimonintentionétaitsitransparente.– Je saisque tuaimesêtre sur le terrain.Et jeneveuxpasque,dansquelque temps, tu regrettes
d’avoirchoisicepostedebureau.–Lola,déjà,j’iraidetempsentempssurleterrain,etsurtout,jeveuxêtreavecmafamille,dit-il
fermement.Jehochela têtesansrienajouter.C’està luidefaireseschoix,etsinousvoulonsconstruireune
vraierelation,jedoisluifaireconfiance.Jerrys’arrêtedevantunemaisonetm’observeétrangement.Pourquoisemble-t-ilaussinerveux?–Mais…Qu’est-cequetufais?jeluidemandealorsqu’ilsedirigeverslaported’entrée.–Viens,lance-t-ilenmetirantverslui.Ilsortuneclédesapocheetdéverrouillelaporteavantdemefairesigned’entrer.Jejetteuncoup
d’œilcirculaireàlagrandesallevide,maisnecomprendstoujourspasàquiappartientcettemaison.–Tuveuxvisiter?m’interroge-t-il,visiblementagité.Jel’observe,lessourcilsfroncés.–Ilyaquatrechambres,unbureau,deuxsallesdebainsetunjardinquimèneàlaplage.–Tuasachetécettemaison?–Non.Ilsepasseunemaindanslescheveuxetajoute:–Jevoulaisd’abordquetuvisites.Sielleneteplaîtpas,cen’estpas…–C’estlacuisine,là-bas?jelecoupeenmontrantlapiècedufond.–Oui,elledonnesurlejardin.Jem’avancepourmieuxvoir.Jegrimacedevantlesmeublesquiontconnudesjoursmeilleurs.–Elleestmoche.Ilfaudraitlarefaire,jelanceenadmirantlejardinparlafenêtre,aveclameren
toiledefond.–Onpeutaussiouvrir lacuisinesur lesalon, lemurn’estpasporteur,m’informe-t-ilenscrutant
chacundemesfaitsetgestes.– J’aime bien les cuisines fermées. En plus, elle est grande. Du coup, on pourra y manger, je
réponds,songeuse.Jepoursuismavisiteettombesurunbureauquidonneégalementsurlejardin.–Ilyaquandmêmedestravauxderafraîchissementàfaire,jedis,unpeuailleurs.–Jemesuissurtoutditquetuaimeraislavue.Tupourraisécrireavecvuesurlamer,chuchote-t-il.Jenerépondspasetmontevoirleschambres.Jepousseunepremièreporteetmesyeuxbrillenten
découvrantundressingainsiqu’unesalledebainsavecbaignoireetdouche.Lesautrespiècessontpluspetites,maisdetaillesrespectables.
–Lescomblessontaménageables,m’informe-t-ilensepassantunemaindanslescheveux.–Dites-moi,JerryWalker…Quatrechambres,unbureau,descomblesaménageables…Vouspensez
formeruneéquipedefoot?Ilsemetàrireetmesouffleens’approchantdangereusementdemoi:–Dumomentquec’estavecvous,mademoiselleMorell.Jememordsles lèvresetrêvequ’ilm’embrasseenfin,mais il reculeetm’inviteàentrerdansla
deuxièmesalledebains.–Tusouhaitesrevoirlerez-de-chaussée?medemande-t-il.–Non,jeveuxquetum’embrasses.–Tun’aspasencorevul’extérieur,dit-ildoucementenregardantmeslèvresavecenvie.
Jesoupireetcapitule,lesuivantjusqu’aujardin.J’admirelabalançoire,lepetitportailquimèneàlaplage,etenfin,lecoindupotager.–Alors,qu’est-cequetuenpenses?demande-t-il,deplusenplusnerveux.–C’estunjolipotager,jelâche,pasfranchementconvaincue.–Épouse-moi,lance-t-il,raidecommeunpiquet.–Pardon?–Silamaisonneteplaîtpas,onpeutenvisiterd’autres.–Jerêveoutuviensdemedemanderenmariage?–Oui.–Etensuite,tum’asdemandésilamaisonmeplaisait?–Oui.–Tuesbizarre.–Jesais.Ettun’espasobligéederépondretoutdesuite.–Pour lamaisonoulademandeenmariage? jedemande,deplusenplusamuséedevantsonair
paniqué.–Ehbien,lamaisonn’estvraimentpaschère,etc’estunsecteurtrèsdemandé,donc…–J’aimebienlamaison,jelâcheavecunsourireencoin.Ilsepasseunemainsurlanuqueetsembleretenirsonsouffle.–Jen’épousepasleshommesquejeviensàpeinederencontrer.Ilvafalloirsemontrerunpeuplus
convaincant,monsieurWalker,jesouffle.– Que tu « viens de rencontrer » ? lance-t-il en souriant avant de m’attirer vers lui et de
m’embrasseravecpassion.Jem’agrippeàsescheveuxetprofitedelachaleurdesoncorps,deseslèvrescontrelesmiennes.
Noslanguess’affrontentdansunduelsansfin.Toutàcoup,ils’écartedemoietmeregarde,àboutdesouffle,avantdechuchoter:
–Alors,onachètelamaison?Jememordsleslèvrespournepaséclaterderireethochelatête.–Jet’aime,Lola.–Jet’aime,Jerry,Jullian,ouquelquesoittonnom!
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©2017HarperCollinsFranceS.A.
Conceptiongraphique:AliceNussbaum
©ehidna–Fotolia.com
ISBN9782280364263
Tousdroitsréservés,y comprisledroitdereproductiondetoutoupartiedel’ouvrage,sousquelqueformequecesoit.Celivreestpubliéavecl’autorisationdeHARLEQUINBOOKSS.A.Cetteœuvreestuneœuvredefiction.Lesnomspropres,lespersonnages,leslieux,lesintrigues,sontsoitlefruitdel’imaginationdel’auteur,soitutilisésdanslecadred’uneœuvredefiction.Touteressemblanceavecdespersonnesréelles,vivantesoudécédées,desentreprises,desévénementsoudeslieux,seraitunepurecoïncidence.HARLEQUIN,ainsiqueHetlelogoenformedelosange,appartiennentàHarlequinEnterprisesLimitedouàsesfiliales,etsontutiliséspard’autressouslicence.
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