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VÄXJÖ UNIVERSITET C-UPPSATS
Institutionen för humaniora (Franska, G3) Vt 2008
Marlene Sandblom Kolla Backe 2 434 31 Kungsbacka Tfn : 0702-45 95 44
L’impact culturel sur la politique de santé publique - une étude comparative entre la Suède et la France
Handledare: Jean-Georges Plathner
Institutionen för humaniora
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Table des matières
1. Introduction.................................................................................................................4 1.1. L’objet du mémoire……………………………........................................................4 1.2. Motivation du choix d’objet d’étude et délimitations................................................5 1.3. Plan du mémoire et théorie.........................................................................................5 2. Méthode........................................................................................................................6 3. Théorie..........................................................................................................................7 3.1. Choix de théorie..........................................................................................................7 3.2. Définitions des termes................................................................................................7
3.2.1. Santé – une notion contestée..............................................................7 3.2.2. Culture................................................................................................8
3.3. La théorie de culture de Pierre Bourdieu....................................................................8 4. Façons d’agir pour promouvoir la santé publique.................................................10 4.1. La médecine curative et la prévention......................................................................10 4.2. La prévention............................................................................................................11
4.2.1. Définition.........................................................................................11 4.2.2. L’intérêt de prévenir........................................................................11
5. La Suède.....................................................................................................................12 5.1. Introduction..............................................................................................................12 5.2. Histoire.....................................................................................................................12
5.2.1. La mise en place de l’état providence au 20ième siècle.....................14 5.2.1.2. De prototype de societé à une crise économique pour les services de santé.............................................................14 5.2.1.2. D’une politique curative à une politique préventive.............................................................................15
5.3. Le SIDA – exemple d’un travail de prévention lors d’un épidémie.........................16 5.4. La Suède et l’alcool..................................................................................................17
5.4.1. La politique de l’alcool suédoise.....................................................17 6. La France....................................................................................................................18 6.1. Introduction..............................................................................................................18 6.2. Histoire.....................................................................................................................19 6.3. Motivations du choix de l’approche curative de la France.......................................20
6.3.1. L’impact du syndicalisme médical sur la politique de santé et la notion de santé...........................................................................................20 6.3.2. L’impact du libéralisme sur la politique de santé............................21
6.4. Quels sont les dangers liés à un manque de prévention ?.........................................21 6.4.1. Le SIDA et l’affaire du sang contaminé..........................................21 6.5. Le tabac et une différence d’opinion publique.........................................................23
3
7. Analyse - comparaison des deux traditions de santé..............................................24 7.1. Application de théorie et comparaison des deux traditions de santé........................24 7.2. Discussion.................................................................................................................26 8. Conclusion générale...................................................................................................30 Références bibliographiques.........................................................................................32 Littérature........................................................................................................................32 Source d’internet..............................................................................................................33 Documents électroniques.................................................................................................33
4
1. Introduction Ce n’est plus pour gagner des guerres, comme c’était le cas autrefois, que les nations
cherchent à avoir une population en bonne santé. Or, que ce soit pour réduire les
dépenses de santé ou pour faire progresser le pays, l'objectif aujourd'hui est d’améliorer
la santé des habitants. Néanmoins, les procédés pour atteindre cet objectif sont parfois
très différents les uns des autres et on se demande d'où proviennent ces choix.
La France et la Suède sont deux pays qui malgré leurs points en commun
(européens, modernes et industrialisés) sont des opposés en ce qui concerne la santé
publique. La Suède met l’accent sur l’importance de la prévention tandis qu’on a en
France depuis longtemps une forte croyance en la médecine clinique qui a abouti à une
tradition plutôt curative. Comment expliquer ces différentes traditions et quel est leur
impact sur la santé publique? En Suède aussi bien qu’en France il y a des faits
paradoxaux. En France, l’apparition du SIDA dans les années quatre-vingt s’est
transformée en un scandale énorme, dont on parle toujours, malgré le fait qu’elle se
trouvait au premier rang de la recherche clinique et physiologique de cette maladie. En
Suède, la consommation de l’alcool est contrôlée par l’état de nombreuses façons. On a
une politique de l’alcool qui limite fortement la liberté individuelle et elle est
caractéristique de sa politique de la santé. Mais malgré une politique assez sévère et des
actions de prévention, la consommation ne cesse pas d’augmenter.
1.1. L’objet du mémoire
L’objectif de ce mémoire sera de comparer deux traditions de santé publique ; la
tradition préventive et la tradition curative choisissant la France et la Suède comme cas
d’étude pour analyser l’impact culturel sur la politique de santé. Le but est donc de
comprendre et d’expliquer pourquoi les systèmes de santé sont ainsi.
Les questions de recherche sont ainsi les suivantes :
• De quelle manière les façons d’agir, sont-elles differentes en Suède et en
France?
• Comment expliquer les différentes traditions de santé publique ?
5
1.2. Motivation du choix d’objet d’étude et délimitations La France est la Suède ont été choisies, car ces deux pays sont de bons représentants de
chaque tradition ; la tradition curative et la tradition préventive.
Consciente que l’état de santé d’une population peut avoir de nombreuses
explications, l’objectif n’est pas d’expliquer les résultats ni par la tradition curative ni
par la tradition préventive, mais de montrer à quoi sont dus les choix en ce qui concerne
la politique de santé. Je ne cherche pas non plus à expliquer à 100% la situation actuelle
dans chaque pays. Par contre, mon objectif est aussi de montrer l’impact que la
prévention peut avoir sur la santé publique et le comportement d’un peuple.
En Suède, le secteur public est aussi large qu’il est couteux et les services
de soins ont depuis longtemps montré leur limite. Les longues files d’attentes pour
l’accès aux soins et les manques de ressources qui font que le patient est souvent obligé
d’aller ailleurs et de payer pour cela de ses propres moyens, ne sont que deux exemples
d’un système de santé qui est loin d’être parfait. La situation est assez grave et les
responsables n’ont toujours pas de solutions satisfaisantes. Cependant, mon objectif
avec ce mémoire est d’analyser les effets de la prévention dans un système de santé et
non d’expliquer le manque de ressources.
1.3. Plan du mémoire et théorie
Le mémoire consiste en neuf chapitres. Dans l’introduction je motive le choix d’objet
d’étude, les questions de recherche et les délimitations et le chapitre deux est consacré
aux méthodes choisies. Dans le chapitre trois j’expliquerai l’impact historique sur la
politique de la santé contemporaine. La théorie de culture de Bourdieu sera au centre et
elle va expliquer en quoi les règles sociales sont le produit de l’histoire et que les
acteurs répondent aux structures sociales et culturelles. La différence entre la médecine
curative et la prévention sera explicitée dans le chapitre quatre. On y trouve également
la définition de la prévention et son importance pour la santé publique. La Suède est le
sujet du chapitre cinq où l’histoire sanitaire sera traitée avec la politique de l’alcool, qui
est un exemple très typique de la politique de la santé publique suédoise. Pour la France,
traitée dans le chapitre suivant, il y aura également une partie sur l’histoire. Les
exemples que j’ai choisis pour ce pays sont ceux de l’épidémie du SIDA et de la
politique du tabac. L’application de la théorie et la comparaison des deux traditions de
6
santé publique se trouvent dans le chapitre sept. Le mémoire se termine par la
conclusion dans le chapitre huit.
2. Méthode
Les méthodes utilisées dans ce mémoire sont la critique documentaire et le croisement
des sources et la méthode comparative.
La critique documentaire et le croisement des sources est une méthode qui
a été définie par les historiens et qui sert pour cette profession comme un outil très
important pour comprendre le passé par les documents collectés. Il s’agit d’interpréter
les documents et d’en tirer des conclusions. La méthode est pertinente pour ce mémoire
comme le but est de comprendre pourquoi la Suède a développé une tradition préventive
et la France une tradition curative. L’aspect historique est donc indispensable.
Premièrement il faut faire la critique documentaire, c’est-à-dire contrôler l’authenticité
des sources.1 La critique doit être à la fois interne et externe. Par critique interne on veut
dire la vérification de l’authenticité du contenu et critique externe veut dire qu’une
comparaison est faite avec d’autres sources du même genre.2 Cette démarche est
combinée avec le croisement des sources qui est un travail comparatif dans le sens où il
faut confronter la source à d’autres sources, autrement dit, croiser cette source pour
pouvoir décider si elle est utilisable ou non.3
La méthode comparative « a pour but de décrire et d’expliquer un
phénomène en dégageant ses caractéristiques singulières par comparaison avec d’autres
phénomènes plus ou moins proches. Reposant sur une opération de classement, le
raisonnement comparatif est à l’origine de très nombreuses typologies où se trouvent
condensés les cas empiriquement comparés.»4 Cette méthode est donc un moyen de
décrire la réalité en la classant.5 De regrouper les comportements et de les nommer,
comme dans ce cas en les appelant « tradition préventive » et « tradition curative » cela
1 Savarese, 2006, p. 142 2 Savarese, 2006, p. 143 3 Savarese, 2006, p. 143 4 Savarese, 2006, p. 156 5 Savarese, 2006, p. 154
7
nous aide à mieux les comprendre. Comparer les cas permet en effet de voir leur
singularité.6 Dans ce mémoire la comparaison sera faite avec l’aide de la théorie de
culture de Bourdieu.
Le matériel grâce auquel ce mémoire a pu être réalisé est surtout basé sur
de la littérature spécialisée et des documentes des sites officiels de santé.
3. Théorie
3.1. Choix de théorie
Il y a un nombre de théories qui sont utilisées pour expliquer pourquoi la politique d’un
pays est ce qu’elle est. Avec ce mémoire, je vais montrer l’impact sur la politique de
santé publique contemporaine, qu’a eu la culture comme elle s’est formée à travers
l’histoire des pays respectifs. L’histoire nous offre la perspective et la possibilité
d’analyser les problèmes et les événements de santé publique sur plusieurs niveaux.
Cela permet également de comprendre des phénomènes sociaux, en se concentrant sur
leur explication historique. Sans la perspective historique les convictions et les
comportements des gens peuvent nous paraître inexplicable, irrationnels et même
destructifs.7 Ces comportements qui se sont développés au cours de l’histoire et qui font
partie de la culture seront ensuite analysés avec la théorie de culture de Bourdieu.
3.2. Définitions des termes
3.2.1. La santé – une notion contestée
Définir ce que veut dire être en bonne santé n’est pas chose aisé. Suffit-il d’avoir un état
d’absence de maladie ou y a-t-il d’autres facteurs à considérer ? Faut-il séparer la santé
mentale et la santé physique ou l’une est-elle dépendante de l’autre ? En consultant le
dictionnaire on apprend que la santé est un « Bon état physiologique d’un être vivant,
fonctionnement régulier et harmonieux de l’organisme. » et « Fonctionnement plus ou
moins harmonieux de l’organisme, sur une période assez longue. »8 L’Organisation
6 Savarese, 2006, p. 158 7 Lupton, 1994, p. 15 8 Le Petit Robert, p. 1011
8
Mondiale de la Santé de son côté a une vue d’ensemble constatant que « La santé est un
état complet de bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une
absence de maladie ou d'infirmité. »9 Les avis sont différents et en réalité il n’existe pas
une seule définition reconnue partout dans le monde, et peut-être que ce fait est une des
raisons pour les problèmes de santé ; comment obtenir quelque chose, si on ne sait pas
le reconnaître ?
3.2.2. Culture
Comment définir la notion de ‘culture’ ? Dans la vie de tous les jours le terme a un
nombre de significations qui sont parfois contradictoires et les chercheurs dans
différents domaines utilisent ‘culture’ de façons différentes. Finalement l’idée est si
difficile à définir et le concept peut paraître flou et ambigüe au point où certains
scientifiques sociaux ont trouvé la notion non utilisable.10
Parfois en parlant de culture on voit cette notion comme quelque chose qui
nous relie avec d’autres personnes dans notre groupe. Si nous partageons les mêmes
mœurs, la même façon de voir les choses, etc. nous nous considérons comme membres
de la même culture. Quand nous sommes dans une nouvelle situation ou quand nous
rencontrons des personnes d’une autre culture nous devenons conscients des différences
culturelles. Cette manière de voir la culture, de la considérer comme un trait
caractéristique de tout un groupe ou toute une société, date du 19ième siècle quand les
Européens ont commencé à explorer et à conquérir le monde. C’est là où nous avons
découvert des différences entre les populations, donnant une manière plus comparative
de voir les sociétés humaines qu’avant.11 C’est cette définition qui sera utilisée dans ce
mémoire.
3.3. La théorie de culture de Pierre Bourdieu
Pierre Bourdieu, né en France en 1930, est le sociologue le plus influent depuis
Durkheim. Il a analysé un grand nombre de phénomènes sociologiques comme le
9 http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs220/fr/, (2008-04-17) 10 Spillman, 2002, p. 1 11 Spillman, 2002, p. 2
9
marché du travail en Algérie et les sources de misère et de pauvreté dans la prospérité
de la société moderne, pour donner quelques exemples.12
Évitant d’utiliser le mot ‘société’ Bourdieu, a préféré parler de différents
champs dans lesquels les activités sociales se passent ; le champ économique, culturel,
politique, religieux, etc. Chaque champ a ses propres règles, les jeux sont différents et
les participants ont en gros les mêmes intérêts mais du succès dans un champ ne se
transmet pas automatiquement à un autre.13
Bourdieu compare la vie sociale au sport, dans le sens où il faut toujours
se battre et une improvisation permanente est exigée. Pour cela il utilise cette métaphore
pour expliquer les phénomènes sociaux. Pour parler une langue étrangère, par exemple,
il ne suffit pas de connaître la grammaire, il est également nécessaire d’improviser dans
les contextes sociaux et culturels. La compréhension d’un jeu ne se trouve pas
seulement dans l’application des règles, il s’agit également d’avoir une sensibilité au
jeu.14
Pour expliquer les situations sociales et pour les comprendre, Bourdieu dit
qu’il faut se demander quel est le jeu que jouent les acteurs et analyser les risques que
prennent les participants. Le jeu peut être le commerce, où les acteurs poursuivent la
prospérité. Ça peut être la littérature, où ils cherchent du respect et ça peut être la
politique où les participants veulent du pouvoir. Les règles de chaque jeu impliquent des
contraintes aussi bien pour les joueurs que pour les façons dont ils font les choses. Ces
règles peuvent paraître non changeables et fixes, mais en réalité elles sont le produit de
l’histoire c’est-à-dire qu’elles ne cessent pas à changer. Quand on improvise ses actions
on répond en fait aux structures sociales et culturelles dans lesquelles on se trouve et à
ses propres expériences. Nous avons appris comment nous situer et agir efficacement
dans les pratiques culturelles existantes. Les contraintes sont en effet non seulement
externes mais aussi internes dans le sens où nous avons des idées préconçues de nos
possibilités. Nous ne pouvons pas simplement nous libérer de ces contraintes, non
seulement parce qu’elles sont au fond de nous, mais aussi parce qu’elles font parties de
notre savoir-faire de jouer le jeu. Autrement dit, elles font parties de la connaissance qui
12 Spillman, 2002, p. 274 13 Ritzer, 2003, p. 294 14 Ritzer, 2003, p. 275
10
nous permet non seulement de jouer le jeu mais de le jouer bien, d’improviser de
manière efficace et de continuer à essayer de réussir dans le jeu.15
Les jeux sont stratégiques et l’efficacité de la stratégie dépend des règles
du jeu mais pour réussir il faut connaitre les faiblesses aussi bien que les points forts de
l’adversaire.16 La confiance en soi est quelque chose qui s’apprend, selon Bourdieu et
c’est par l’expérience qu’on apprend les inégalités dans la société. On apprend à
différencier les choses, qui sont accessibles pour nous, des choses qui ne le sont pas. On
peut par exemple dire qu’on aimerait devenir footballeur mais on accepte qu’on n’ait
pas ce qu’il faut et on profite du sport uniquement pour le bien-être. Les jeux dans
lesquels on s’investit plus profondément sont ceux qu’on maîtrise le mieux, à
l’exception des jeux qui sont si importants pour nous, comme l’amour, le mariage,
l’éducation de ses enfants etc., que nous y participons quelles que soient nos
prédispositions.17
4. Façons d’agir pour promouvoir la santé publique
4.1. La médecine curative et la prévention
La différence entre la médecine curative et la prévention est que dans la médecine
curative on se concentre sur les organes et leurs fonctions tandis que la prévention à
pour objectif de changer les conduites humaines de façon positive selon le raisonnement
« mieux vaut prévenir que guérir ». La médecine apprend aux praticiens à comprendre
et à guérir les organes une fois que la maladie est déclarée mais pour les conduites
humaines elle n’a pas de réponse aussi concrète.18 La prévention sera évaluée dans les
parties suivantes, pour qu’on puisse mieux comprendre en quoi consistent les
différentes façons d’agir entre la France et la Suède.
15 Ritzer, 2003, p. 277 16 Ritzer, 2003, p. 275 17 Ritzer, 2003, p. 276 18 www.discip.ac-caen.fr/sbssa/IMG/pdf/resistance_au_changement.pdf, p. 1, (2008-06-03)
11
4.2. La prévention
4.2.1. Définition
La médecine préventive comprend aussi bien la prévention des maladies que la
promotion de la santé. Dans le premier cas l’objet et de diminuer ou bien d’éliminer
certaines causes de maladies spécifiques qui permet de freiner la propagation de
certaines maladies. Dans le deuxième cas, on cherche plutôt à améliorer l’état de santé
de la population en général et à renforcer la résistance aux causes de maladies.19
4.2.2. L’intérêt de prévenir
L’Union européenne note comme déterminants de santé les facteurs suivants ; mode de
vie (tabac, alimentation, drogues et autres substances, alcool et santé mentale),
environnement, déterminants socio-économique et génétique (il est possible d’être
génétiquement plus susceptible à certaines maladies).20
La médecine d’aujourd’hui sait faire des choses dont on ne pouvait même
pas rêver il y a 100 ans. La recherche a fait d’énorme progrès et les découvertes sont
transformées en pratique avec une efficacité impressionnante. Cependant, la médecine
curative est souvent incapable d’éliminer les causes des maladies et de remettre le
patient dans un état de santé parfait. Les maladies les plus courantes sont en grande
partie chroniques et quand elles nous frappent elles durent souvent toute la vie. Même
avec les connaissances qu’on a aujourd’hui, on peut rarement les guérir et il faut se
contenter de traiter les symptômes.
Les maladies les plus importantes dans les pays industrialisés ; le cancer et
les maladies cardio-vasculaires, sont dans la plupart des cas une conséquence du mode
de vie. En éliminant tous les facteurs de risques connus, il serait possible de prévenir
80% des décès dus aux cancers et aux maladies cardio-vasculaires. Néanmoins, il est
difficile d’identifier les comportements exacts qui sont dangereux pour la santé comme
aucun des ces risques connus n’est seul responsable des maladies.21
Pouvoir prévenir l’apparition d’une maladie inutile est quelque chose de
très désirable, un moyen d’empêcher la souffrance et une qualité de vie réduite. Pour
19 Orth-Gomér & Perski, 1999, p. 12 20 http://ec.europa.eu/health/ph_overview/pgm2008_2013_fr.htm, (2008-06-03) 21 Orth-Gomér & Perski, 1999, p. 18
12
citer un des plus grands théoriciens de la prévention dans Orth-Gomér & Peski ; « It’s
better to be healthy than ill or dead. That is the beginning and the end of the only real
argument for preventive medicine. » (Gregory Rose dans Preventiv medicin i teori och
praktik) A part de la dimension individuelle, il y a également des conséquences pour la
société à prendre en compte. Prévenir une maladie au lieu de la traiter quand elle est
déjà une réalité, peut être rentable et le travail préventif a souvent des effets secondaires
très positifs pour la société. Ceci dit, il est très difficile d’utiliser l’argument
économique, car après l’âge de 50 ans, il est de moins en moins rentable de mener une
stratégie préventive puisque, après tout, le patient qui coûte le moins cher est celui qui
est décédé.22 Dans les pages suivantes, nous verrons avec l’exemple de la politique
suédoise, comment la prévention peut poser des problèmes.
5. La Suède
5.1. Introduction
La Suède est connue pour son état providence, qui théoriquement garantit le bien-être de
tous les habitants. Les Suédois payent pour cela par les impôts ce qui a pour résultat une
pression fiscale importante qui garantit non seulement le financement des services
médicaux et les aides sociales, cela permet également de réduire l’écart entre les classes
sociales. Il existe un manque de confiance en la capacité de la population ; une mentalité
qui dit que les gens ont besoin d’être protégés et éduqués et qu’ils ne survivraient pas
sans conseils et recommandations sur tous les aspects de la vie de la part de l’état ; on
paye alors également par la réduction de la liberté individuelle en donnant le contrôle
aux pouvoirs publics. Un exemple de ce contrôle est la politique de l’alcool qu’on mène
en Suède depuis les années soixante-dix.
5.2. Histoire
C´était pendant le 18ième siècle que la santé de la population suédoise a, pour la première
fois, commencé d’être considérée comme une affaire publique. A causes de nombreuses
22 Orth-Gomér & Perski, 1999, p. 13
13
guerres et épidémies, la situation démographique était à considérer comme très grave et
de nombreuses actions pour la changer ont été lancées.23 Les maladies infectieuses
avaient gravement diminué la population qui était de deux millions à l’époque, un
chiffre qui a été classé secret pour que les ennemies ne connaissent pas l’état de
faiblesse dans lequel le pays se trouvait.24 Des inquiétudes sérieuses pour l’avenir du
pays ont mené à une augmentation du nombre de médecins et d’hôpitaux. On a aussi
trouvé important d’informer les gens sur des mesures sanitaires fondamentales à
prendre, ce qui a été fait par les médecins, les églises et les préfets.25 L’efficacité de ces
mesures préventives est évidement difficile à estimer mais il est clair que le
gouvernement suédois a fait des efforts pour lutter contre l’ignorance.26
Historiquement, la santé de la population a été problématisée quand le
gouvernement a senti de soucis pour le pays. Le besoin d’une main-d’œuvre productive
et d’un ordre social a motivé des actions prises pour améliorer la santé publique.27 A
l’époque on a considéré que la taille et la nature de la population avaient une grande
importance pour l’économie, la sécurité et la productivité du pays. La puissance du
gouvernement était dépendante des agriculteurs forts, des soldats capables et des
travailleurs en bonne santé. Il fallait donc prévenir autant que possible et au pire guérir
les maladies qui pouvaient menacer la main d’œuvre. L’utilité pour la société était au
centre et pour cela on s’est concentré sur ceux qui pouvaient être guéris tandis que la
santé du reste de la population est tombée dans l’oubli. Même en sachant que la société
était en grande partie à blâmer pour les maladies contemporaines, on a culpabilisé les
gens en disant que c’était plutôt une question de mauvaises habitudes, d’ignorance et de
paresse.28 Cependant, il existait aussi une croyance en les possibilités humaines par les
progrès scientifiques. La prévention des maladies par l’éducation allait promouvoir le
développement de la société.29
23 Olsson, 1999, p. 17 24 Niemi, 2007, p. 48 25 Olsson, 1999, p. 17 26 Olsson, 1999, p. 18 27 Olsson, 1999, p. 22 28 Olsson, 1999, p. 18 29 Olsson, 1999, p. 18-19
14
5.2.1. La mise en place de l’état providence au 20ième siècle
L’état providence a commencé à se mettre en place pendant les années 1930 et avec ceci
la relation état/citoyen a changé. On a commencé à s’occuper des faibles dans la
société ; les handicapés, les personnes âgées et les enfants sont pour la première fois
devenus une priorité.30 La vie de tous les jours devient de plus en plus dépendante des
institutions publiques.31 Pendant les années 50 et 60 on est convaincu que l’état doit
satisfaire à tous les besoins de la population, que ce soit l’éducation, les soins médicaux
ou l’aide sociale.32 Tout le monde devait avoir accès aux soins médicaux quelle que soit
sa situation financière ou son lieu d’habitation et ils devaient être gratuits et financés par
les impôts.33
La croissance économique des années 50 aux années 70 a permis d’encore
élargir le secteur public.34 Dans le cadre du nouvel état providence, de nouvelles
relations se sont créées aussi bien entre le public et le privé, qu’entre la société et
l’individu. Une commission d’enquête mise en place pour évaluer la santé publique a
exprimé un désir de diriger les mœurs de vie dans une certaine direction, ce qui a exigé
des connaissances renforcées des vies des familles. L’état providence donnait la sécurité
aux citoyens en échange d’un contrôle social augmenté. La vie privée n’était plus privée
si elle avait un impact négatif sur la nation. Ce pouvoir considéré comme positif allait
améliorer la situation économique et sociale.35
5.2.1.1. De prototype de société à une crise économique pour les services de santé
Vers la fin des années soixante-dix la Suède était considérée comme prototype de la
société moderne. Grâce à une croissance économique impressionnante, les Suédois
étaient parmi ceux qui avaient le meilleur niveau de vie dans le monde. L’ambition de
baisser le taux de chômage autant que possible, a eu pour résultat un système social plus
extensif que nulle part ailleurs. On était impressionné, non seulement de la quantité des
30 Sundin & Willner, 2007, p. 171 31 Olsson, 1999, p. 21 32 Olsson, 1999, p. 22 33 Olsson, 1999, p. 66 34 Olsson, 1999, p. 69 35 Olsson, 1999, p. 67
15
programmes et allocations accessibles aux citoyens, mais aussi de leur qualité. La
pauvreté ne semblait plus exister.36
La mortalité des maladies continuait à baisser et l’espérance de vie a
augmenté. Malgré ce qu’on pourrait s’imaginer, cela n’avait pourtant pas diminué les
coûts du service de santé. Au contraire, de nouveaux médicaments, une nouvelle
technologie et de nouveaux traitements augmentaient en effet les coûts. Les soins d’une
population âgée importante était aussi un coût qu’on n’avait pas vraiment eu
auparavant. Dans les années quatre-vingts on s’est rendu compte que la situation n’était
plus tenable et on a dû économiser dans un nombre de domaines. Les conséquences de
ces mesures ont fortement marqué les années quatre-vingt-dix. Le personnel a été
diminué, le taux de chômage a augmenté et le nombre de congés de maladie n’a jamais
été aussi grand.37 L’ampleur de l’état providence et du système social ont fait que la
Suède avait du mal à se sortir de la crise économique de ces années.38
5.2.1.2. D’une politique curative à une politique préventive
Dans les études des années 1960 et 70 on laisse beaucoup plus de place à la prévention.
L’expansion des services médicaux, faite après les guerres mondiales, n’avait pas
amélioré la santé des Suédois autant qu’on l’avait espéré et c’est la raison pour laquelle
on a réévalué les priorités. La croyance en la médecine scientifique diminuait et on a
commencé à penser que les problèmes pouvaient aussi avoir d’autres causes.
On se trouve aussi dans une situation où il est nécessaire de réduire les
coûts. La croissance économique a été accompagnée de maladies qu’on n’avait pas
vraiment connues auparavant. Pour faire des économies on a décentralisé les services de
soins et on a donné une place beaucoup plus importante à la prévention dans la politique
de santé publique. On parle donc d’une transition d’une politique curative à une
politique préventive voyant cela comme le seul moyen de résoudre les problèmes
financiers à long terme. Concrètement cela veut dire de travailler préventivement en
informant et en éduquant la population en matière de santé, de diminuer les groupes à
risque et d’essayer de détecter les menaces contre la santé avant qu’elles deviennent un
36 Porter, 1999, p. 236 37 Sundin & Willner, 2007, p. 195 38 Porter, 1999, p. 237
16
vrai problème. On considère les problèmes de santé contemporains comme un résultat
de la vie moderne et en éliminant le tabagisme, par exemple, et en améliorant
l’alimentation on estime pouvoir réduire de moitié les cas de maladies cardio-
vasculaires et les cancers du poumon.39 On a une forte croyance en les possibilités de la
prévention et on s’attend à de bons résultats voyant cela comme un investissement non
seulement pour l’état mais aussi pour l’individu.40 Il faut aussi dire qu’on avait une
vision large du terme « santé » prenant en considération, non seulement les facteurs
physiques, mais aussi les facteurs mentaux et sociaux.41
5.3. Le SIDA – exemple d’un travail de prévention lors d’une épidémie
Le SIDA était la principale préoccupation de santé publique dans les années quatre-
vingt et une vraie épreuve pour les institutions de santé. Il était vital d’arrêter la
propagation de la maladie le plus vite possible et des ressources importantes de l’état
ont été mises à la disposition de la délégation du SIDA pour qu’elle puisse mener un
travail de prévention extensif. Dans les évaluations on constate que les campagnes
d’informations ont probablement amélioré les connaissances de la population sur les
questions du VIH et inspiré les gens à se faire dépister. Or, on n’est loin d’être
convaincu qu’on a achevé l’objectif principal, c’est-à-dire de limiter la propagation. Un
autre problème qu’on avait était d’essayer de remplacer le sang qu’on a dû jeter après
avoir découvert que la maladie était transmissible par le sang. Le choix de l’acheter de
l’étranger, des États-Unis plus précisément, n’a pas forcément été la meilleure solution,
considérant que les donneurs de sang américains ne s’étaient pas fait dépister avant de
faire leur don du sang. En fait, la proportion d’hémophiles contaminés est comparable à
celle de la France. Par contre, la proportion de transfusés non hémophiles était plus
importante en France qu’ailleurs.42
39 Olsson, 1999, p. 83 40 Olsson, 1999, p. 84 41 Olsson, 1999, p. 85 42 Loriol, 2002, p. 130
17
5.4. La Suède et l’alcool
5.4.1. La politique de l’alcool suédoise
Comme exemple de la politique de prévention suédoise j’ai choisi la politique de
l’alcool, non seulement parce que c’est une politique de santé pour laquelle la Suède est
connue, et critiquée d’ailleurs (encore plus après l’adhésion à l’Union européenne en
1995), mais surtout parce qu’elle est un peu unique. En réalité, il n’existe pas beaucoup
de pays d’occidentaux qui ont une vision aussi sévère sur la consommation de l’alcool.
L’existence de Systembolaget est toujours un sujet de débat pour lequel les gens ont des
sentiments très forts et même si la majorité reste positive, il est clair que personne n’est
neutre. Et la question se pose – la consommation, augmenterait-t-elle vraiment autant
qu’on dit si elle n’était pas si contrôlée par l’état ?
En comparaison avec beaucoup d’autre pays, la Suède a une politique
d’alcool assez restrictive. Systembolaget qui est une entreprise publique, détient le
monopole de la vente d’alcool en Suède et il faut avoir 20 ans pour y aller et 18 ans
pour pouvoir entrer où ils servent de l’alcool.43 Depuis 1978, la publicité pour l’alcool
est interdite et le taux maximal d’alcool dans le sang en mg/ml toléré au volant est de
0,2.44
C’était en 1977 qu’on a adopté la politique d’alcool qu’on a aujourd’hui.
On a conclu que le but principal est de réduire la consommation totale pour avoir une
baisse des problèmes dus à l’alcool. Si on généralise, on peut dire que la politique de
l’alcool suédoise consiste en trois principes majeurs : limiter l’intérêt de profiter du
maniement de l’alcool, limiter la disponibilité de l’alcool et prévenir par l’information.45
La tradition d’une politique d’alcool sévère date du 19ième siècle comme
réaction à une consommation très élevée pendant le 18ième siècle et le début du 19ième
siècle. Après avoir appris à faire de l’alcool des céréales, l’alcool est devenu moins cher
que le vin et beaucoup plus accessibles dans tous les niveaux de la société. La
production se faisait surtout à la maison ce qui faisait qu’elle était impossible à
contrôler et la consommation d’alcool est devenue un gros problème de santé publique.
En 1855, on a eu de nouvelles lois qui réglaient la distribution. On a aussi vu des
43 http://www.iogt.se/templates/SimplePage____243.aspx, (2008-07-20) 44 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 369 45 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 369
18
mouvements exigeant une décence totale au début du 20ième siècle mais lors d’un
référendum en 1922 ils ont perdu de 49%. Le compromis a été une limitation du nombre
de litre autorisé par personne.46
Les réglementations sur l’alcool sont devenues parmi les plus importantes
dans la politique de santé suédoise. L’explication pourrait être liée au fait que malgré les
problèmes de surconsommation d’alcool en Suède il existait une forte tradition de
sobriété. Les raisons pour les mesures prises pour contrôler la consommation de l’alcool
sont les suppositions sur les effets sanitaires et sociaux de l’alcool mais aussi une forte
croyance de l’impact qu’on peut avoir sur la consommation.47 La stratégie de l’état a
surtout été d’essayer de diminuer la consommation totale au lieu de se concentrer sur
des groupes à risques comme c’est souvent le cas dans la prévention.48
Il est connu que les habitudes et valeurs concernant l’alcool varient selon
le pays et la culture. La tradition suédoise d’ivresse se distingue par exemple, de celle
des pays qui produisent du vin, comme celle de la France où l’alcool fait partie d’un
repas. On s’arrête en général après un ou quelques verres et l’état d’ivresse n’est pas
aussi habituel qu’en Suède.49 Cela fait que les pays ont des problèmes différents. La
mortalité en cirrhose est plus fréquente dans ces pays tandis que les problèmes en Suède
ont un caractère plutôt social ; accidents de route et actes de violence, etc.50
6. La France
6.1. Introduction
La politique de santé publique française se décrit avant tout comme contradictoire. Fort
sur la médecine curative mais faible sur le plan préventif. Mais malgré une médecine
curative de bon niveau et un mode de vie en moyenne plutôt bon, les résultats de santé
ne sont que médiocres, en comparaison avec d’autres pays dans la même situation, ce
qui a été expliqué par le fait que les inégalités de santé sont toujours importantes en
46 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 368 47 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 27 48 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 29 49 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 362 50 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 363
19
France. L’accès aux soins pour les plus pauvres a été facilité par la mise en place de la
CMU (la couverture maladie universelle) en janvier 2000, mais la source des problèmes
n’est pas uniquement le système des soins. Ces inégalités s’expliquent aussi par les
conditions de vie et de travail, les comportements à risques, les inégalités dans les
capacités économiques, culturelles et sociales à faire face aux atteintes à la santé, etc. La
question que l’on peut se poser est si pour lutter contre les inégalités de santé il faudrait
travailler préventivement. En comparaison avec la médecine curative les dépenses de
prévention restent très modestes, ayant même connus une baisse de 3% en 1980 à 2,4%
en 1997 des dépenses de santé.51
6.2. Histoire
Longtemps en France, comme en Suède, les interventions du pouvoir public avaient
surtout des objectifs économiques et politiques. Le but principal était de regagner le
contrôle après les désordres provoqué par la maladie. Cependant, l’émergence et
l’institutionnalisation de la profession médicale, la Révolution française et les conflits
autour de la mise en place des assurances sociales ont fait qu’on a progressivement
commencé à donner la priorité à la question de l’accès aux soins au même temps qu’on
a négligé peu à peu la prévention et la santé publique.52
Pendant la première moitié du 19ième siècle, la France était le leader du
développement d’hygiène public. La médecine clinique était donc un point fort pour les
Français. Même si on a profondément analysé les conditions sociales et la propagation
des maladies, la médecine préventive est restée sur le plan intellectuel.53 Contrairement
à l’Angleterre, les conclusions tirées de l'analyse des conditions sanitaires n’ont pas été
transformées en stratégie publique pour la prévention des maladies. En revanche, l’État
s’est fié aux anciennes structures de surveillance de santé qui dataient de l’ancien
régime, laissant les réformes aux initiatives locales.54
Jusqu’à la fin du 19ième siècle des actions en santé publique étaient
difficiles à réaliser, non seulement par manque de moyens, mais aussi du fait qu’on était
souvent contre l’idée que l’état intervienne de façon autoritaire en matière de santé. À 51 Loriol, 2002, p. 7-8 52 Loriol, 2002, p. 15 53 Porter, 2002, p. 99 54 Porter, 2002, p. 100
20
partir de la fin du 19ième siècle, après l’installation de la République et les deux guerres
mondiales, les circonstances politiques sont différentes, ce qui fait que de véritables
institutions et réglementations de santé publique peuvent enfin se mettre en place, même
si ces institutions de santé s’occupent principalement des secteurs et des domaines dont
ni la médecine de ville ni la médecine hospitalière ne veulent ou ne peuvent s’occuper.
Néanmoins, le syndicalisme médical se concentre sur la défense du libéralisme médical
et il arrive à empêcher tout projet qui pourrait menacer le statut de médecin libéral.
Successivement la notion de santé sera présentée comme synonyme de soins, un
mouvement qui est beaucoup aidé par les progrès thérapeutiques qu’on a eu durant cette
période. 55
6.3. Motivations du choix de l’approche curative de la France
6.3.1. L’impact du syndicalisme médical sur la politique de santé et la notion de santé
L’explication de la politique de santé française se trouve en partie dans l’histoire de la
relation entre les médecins et l’état qui a mené aux blocages sociaux et politiques, ayant
dicté les conditions des réformes.56 Après la Révolution française, l’identité libérale est
devenue très importante pour les médecins et c’est une mentalité qui influe sur leurs
actes même aujourd’hui.57
Aujourd’hui, nous pouvons constater que la plupart des ministres de la
Santé ont été des médecins, alors que, par exemple, le ministère de la Défense n’a
jamais été réservé uniquement aux militaires, ce qui fait que les médecins peuvent
empêcher un plan qui pourrait menacer leurs intérêts.58
En évitant de travailler pour l’état, il est possible d’avoir un paiement
direct entre le médecin et le patient, ce qui veut dire que les médecins sont dans la
position de décider leur salaire eux-mêmes.59
55 Loriol, 2002, p. 32 56 Loriol, 2002, p. 10 57 Loriol, 2002, p. 149 58 Loriol, 2002, p. 33-34 59 Porter, 1999, p. 241
21
6.3.2. L’impact du libéralisme sur la politique de santé
La devise « liberté, égalité, fraternité » constitue une des bases de la République depuis
la Révolution française. Selon le libéralisme, une tradition importante en France, tout le
monde est libre et responsable de ses actes. L’intervention de l’état, sauf en cas de crise,
n’est pas appréciée.60 Un exemple de l’impact de cette mentalité est la façon dont on a
raisonné sur la question de la consommation de l’alcool. Longtemps les pouvoirs
publics menaient un discours moralisateur sur ces questions mais, par respect de la
liberté, ils n’ont pas voulu intervenir, sauf en cas de désordre public. Vers la fin du
19ième siècle, on commence à se rendre compte des effets négatifs d’une
surconsommation d’alcool, même si on parlait surtout des alcools distillés, tandis que le
vin, le cidre et la bière sont considérés comme plutôt bons pour la santé. En 1915
l’absinthe est interdite mais aucune politique antialcoolique n’est mise en place.61 Peut-
être plus choquant est le fait que, jusqu’en 1970, l’ivresse au volant n’était pas, tant
qu’il n’y avait pas d’accident, un délit. Et pourquoi ? Ça aussi, c´était considéré comme
une affaire privée.62
6.4. Quels sont les dangers liés à un manque de prévention ?
Le problème avec une politique de santé publique, qui fait peu attention aux mesures
préventives, est qu’elle n’est pas prête à gérer l’apparition de nouvelles maladies. La
politique de santé française a même été décrite comme une politique qui n’est pas très
planifiée d’avance mais plutôt quelque chose qu’on développe au fur et à mesure que les
défis se présentent et par différent groupes d’intérêt relayés par l’engagement personnel
de certains responsables politiques.63
6.4.1. L’exemple du SIDA et l’affaire du sang contaminé
L’apparition du SIDA au début des années quatre-vingt a posé au système de santé
français un véritable défi, mais la France a une relation assez paradoxale avec cette
maladie. La France se situe au premier rang de la recherche clinique et physiologique,
néanmoins, elle a manqué de réactivité et n'a pas su mettre en œuvre les actions 60 Lindahl, 2007, p. 103 61 Loriol, 2002, p. 110 62 Loriol, 2002, p. 112 63 Loriol, 2002, p. 123
22
nécessaire pour faire face à la crise. Elle fut l'un des pays industrialisés les plus
gravement touchés, ce qui, selon Loriol, s’explique, par l’absence de savoir-faire en
santé publique par rapport à, par exemple, la Grande Bretagne ou la Suède où on a été
plus rapide à prendre les mesures nécessaires. 64
Considérant l’absence de vaccin ou de traitement efficaces et le fait que
les modes de transmission sont limités et connus, une politique de réduction des risques
est la seule solution à court terme quand la maladie est apparue, et pour un pays avec
une tradition plutot curative, cela peut être très dûr à réaliser. Comme on a cette
tradition en France, les actions en santé publique ne sont pas prioritaires, ce qui fait
qu’on y consacre peu de moyens.65 En plus, le SIDA n’a pas été prioritaire par rapport
aux maladies cardio-vasculaires, aux cancers et aux accidents de la route. Même après
qu’on avait découvert le virus et on avait des connaissances sur les modes de
contamination, les pouvoirs publics n’ont pas pris les mésures nécessaires pour arrêter
la propagation.66
En parlant du SIDA en France, on entend souvent le terme ‘l’affaire du
sang contaminé’ et par cela on veut dire le retard de quelques mois entre la mise en
évidence des risques, la découverte du test, l’innocuité des produits sanguins et les
décisions publiques.67 A cause de ce retard un nombre important de personnes a été
contaminé par des transfusions sanguines.68 Il faut attendre jusqu’en 1985 avant que le
dépistage soit rendu obligatoire pour chaque don du sang. C’est la première mesure
importante prise concernant le SIDA et pourtant elle est limitée à la transfusion
sanguine.69
1987 est l’année où le SIDA a finalement sa place sur l’agenda public et
en 1988 on ouvre les premiers centres de dépistages anonymes et gratuits.70
64 Loriol, 2002, p. 128 65 Loriol, 2002, p. 32 66 Loriol, 2002, p. 128 67 Loriol, 2002, p. 34 68 Loriol, 2002, p. 129 69 Loriol, 2002, p. 129 70 Loriol, 2002, p. 130
23
6.5. Le tabac et une différence d’opinion publique
Avec l’alcool, le tabac est une des principales cibles de l’action en santé publique mais à
cause d’intérêts sociaux et politiques l’intervention publique a tardé et pendant
longtemps, une telle intervention n’était pas non plus demandée par le peuple français.71
L’Association française contre le tabagisme a été créée en 1868 mais sans
vraiment avoir de pouvoir ou d’influence sur la politique tabatière, ce qui s’explique en
partie par le fait que des études sur les effets à long terme n’existaient pas encore, et à
cause des maladies infectieuses, qui étaient une préoccupation importante à l’époque,
les gens mouraient trop jeune pour voir les conséquences du tabac.72 En 1964, grâce aux
nouvelles études montrant les dangers du tabagisme, il est possible de le rendre
obligatoire de marquer sur les paquets de cigarettes le lien entre le tabac et le cancer.73
Dans les années soixante-dix, la profession médicale est plus au moins
d’accord sur les conséquences du tabagisme. Par contre, les avis se distinguent sur
quelles mesures prendre, comme il y a des médecins qui sont sensibilisés aux intérêts
des producteurs et distributeurs de tabac. Le manque d’opinion publique demandant des
mesures ‘antitabac’, qu’il y avait en Suède et aux États-Unis, est aussi unes des raisons
pour laquelle le ministère de la Santé a tardé dans son intervention.74
Or, en 1976, des mesures ont été prises. Elles peuvent être vues comme
plus symboliques que réelles mais il faut tenir compte du fait que des règles très
contraignantes ont été jugées dangereuses, risquant de susciter trop de mécontentement.
Parmi ces mesures nous trouvons ;
- l’interdiction de fumer dans les lieux publics
- l’interdiction contre la publicité à la télévision, à la radio, au cinéma et à
l’affichage pour le tabac.
Ce dernier peut paraître comme un grand pas dans la bonne direction, mais à l’époque
ce n’était pas une décision politiquement délicate comme la publicité n’était pas
considérée comme quelque chose de très efficace de toute façon. Même si ces mesures
71 Loriol, 2002, p. 123 72 Loriol, 2002, p. 124 73 Loriol, 2002, p. 125 74 Loriol, 2002, p. 125
24
n’ont pas eu d’impact énorme, elles ont aussi eu un effet de renforcement de la
légitimité de l’objectif de lutte contre le tabagisme.75
A partir de 1985 la consommation totale de tabac a enfin commencé à
décliner.76
7. Analyse – comparaison des deux traditions
« Identifier un problème de santé publique, le faire apparaître comme un enjeu collectif
nécessitant une intervention publique, constitue un travail à la fois scientifique, culturel
et politique.77 » (Marc Loriol dans L’impossible politique de santé publique en France)
Cette citation résume en quelque sorte la problématique soulevée dans ce mémoire et
montre bien la difficulté de la politique de santé publique, car pour réussir il faut, non
seulement les connaissances scientifiques, mais aussi la présence d’une politique et
d’une culture favorables aux interventions publiques.
7.1. Application de théorie et comparaison des deux traditions de santé
Le but de ce mémoire a été de montrer l’impact de l’histoire sur la politique de santé
publique et de l’analyser avec la théorie de culture de Bourdieu. Bourdieu dit que pour
comprendre la société il faut penser en termes de jeu dans le sens où il y a un nombre de
règles qui impliquent des contraintes aussi bien pour les joueurs que pour les façons
dont ils font les choses. Il faut également se demander quels sont leurs objectifs et quels
sont les risques que prennent les participants.
En Suède, l’objectif a longtemps été de contrôler la population. C’est
pendant les années 1950 et soixante que le gouvernement suédois est convaincu que le
rôle de l’état est de satisfaire à tous les besoins de la population, ce qui a fait qu’on a
aussi voulu diriger les mœurs de vie dans ‘la bonne direction’ et pour faire cela des
75 Loriol, 2002, p. 126 76 Loriol, 2002, p. 127 77 Loriol, 2002, p. 106
25
connaissances renforcées des vies des familles étaient exigées. On a donné aux citoyens
de la sécurité en échange d’un contrôle social.
Traditionnellement on trouve important d’informer et d’éduquer la
population en Suède et on a une forte croyance en les possibilités de changer les
habitudes des gens. L’absence de libéralisme a rendu possible le développement d'un
système basé sur le contrôle/la protection des gens, ce qui a été le cas pour la France où
le libéralisme est une idéologie dont ils sont fier.
La mentalité fait partie de la culture et une différence de mentalité peut en
fait avoir un impact considérable sur la politique de la santé. En France, par exemple,
c’est en grande partie à cause du manque d’opinion publique demandant des mesures
antitabac qu’une telle politique a tardé. Le peuple français est traditionnellement contre
l’idée que l’état intervienne en matière de santé, grâce à ou à cause du libéralisme, selon
la manière dont on voit la chose. Pour la Suède, on peut constater que, sans le
consentement de la population suédoise, il est peu probable que Systembolaget puisse
continuer à exister. La forte tradition de sobriété est un autre exemple de la mentalité
suédoise.
Ces règles, comme les appellent Bourdieu, sont le produit de l’histoire
comme on l’a bien vu à travers ce mémoire. L’improvisation n’est pas aussi improvisée
que l’on peut croire mais, en fait, une simple réaction aux structures sociales et
culturelles. Nos propres expériences et nos idées préconçues de nos possibilités influent
sur nos actions. La façon dont ces deux pays ont agi, quand le SIDA est apparu dans les
années quatre-vingt, est un bon exemple de l’impact des expériences conquises sur le
comportement.
A cause du statut de la profession médicale, la notion de santé sera
présentée comme synonyme de soins en France, et les médecins ont le pouvoir d’arrêter
des actions sociales ou publiques qui pourraient menacer leur statut de médecin libéral,
ce qui fait que des actions en santé publique sont parfois très dures à réaliser. C’est
encore un exemple de l’impact des structures sociales et culturelles dans la société.
En Suède, la croyance en la médecine scientifique a diminué quand on
s’est rendu compte que la santé des Suédois ne s’était pas améliorée autant qu’on aurait
voulu, malgré d’énormes investissements dans les services médicaux. La médecine avait
26
en quelque sorte échouée. Alors on a décidé d’essayer de prévenir les maladies au lieu
de les guérir, ce qui explique beaucoup le choix de l’approche préventive.
Une autre leçon de Bourdieu est que les jeux dans lesquels on s’investit le
plus, sont ceux qu’on maîtrise le mieux. Pour la France, qui est forte sur la médecine
clinique, ce raissonnement constitue probablement une grande partie de l’explication de
la politique de santé publique contemporaine. Pour la Suède, c’est grâce à la forte
tradition de santé publique et la croyance en les possibilités de faire une différence en
informant la population qu’on a réagi aussi vite dans la crise de SIDA.
7.2. Discussion
Les possibilités de la médecine moderne sont impressionnantes mais il y a quelques
facteurs qui font qu’on devrait considérer la prévention et la prendre au sérieux. Malgré
les progrès énormes qu’a faits la médecine ces dernières années, elle a ses limites ; la
guérison n’est pas toujours possible et souvent on ne peut que traiter les symptômes. Le
fait qu’on estime que ce serait possible de prévenir 80% des décès dus aux cancers et
maladies cardio-vasculaires en éliminant tous les facteurs à risques connus, est un
argument très fort pour la prévention. S’il s’agit d’un nombre aussi important, il serait
sans doute plus rentable de prévenir la maladie que de la traiter, même si on sait que
c’est difficile d’estimer les bénéfices économiques de la prévention. Le fait que le
manque de tradition en santé publique rend difficile pour un pays de manier l’apparition
de nouvelles maladies, comme cela a été le cas pour la France avec le SIDA, est
également un argument très fort pour la prévention.
Or, si la Suède a plus d’expérience pour manier l’apparition de nouvelles maladies, la
France est forte sur la médecine clinique, mais ni l’une ni l’autre n’arrive à atteindre un
résultat satisfaisant.
C’est clair qu’en Suède la prévention a été considérée non seulement
comme une solution mais surtout comme la solution. L’Etat contrôle autant que
possible, car les gens ne peuvent pas manier trop de liberté ; c’est l’argument principal
pour l’existence d’une entreprise publique qui détient le monopole de la vente de
l’alcool. Alors on éduque, informe et donne des conseils sur tous les aspects de la vie, et
peut-être qu’il n’y a pas de mal à cela ; c’est une question de préférences politiques, la
27
valeur qu’on donne à la liberté individuelle et le rôle qu’on pense que l’état devrait
jouer dans la vie des citoyens.
Pour le SIDA, on a réussi à éduquer les gens et à améliorer leurs
connaissances mais on ne peut pas dire que cela a été assez pour changer leurs habitudes
et donc arrêter la propagation. Il est clair qu’une population informée a plus de chance
qu’une population non informée et qu’il faut toujours essayer d’éduquer autant que
possible mais est-ce assez ? Au même temps, si on avait informé la population française
sur les dangers du tabac, la mentalité des Français aurait peut-être été différente,
exigeant une intervention de l’état.
Dans le cas de l’alcool, le contrôle de l’état, comme on a bien pu le
constater, est très présent, mais la question se pose ; la politique de l’alcool suédoise est-
elle efficace ? Traditionnellement on a trouvé important d’informer et d’éduquer la
population sur l’alcool et ces effets dangereux. En revanche, il faut constater qu’en
général des évaluations de ces mesures préventives ne sont pas faites et les évaluations
faites par d’autres pays ne disent pas la même chose. Certaines montrent que
l’information peut avoir un effet sur les attitudes mais sans que cela réduise la
consommation. Or, il existe des cas où on a réussi à changer la mentalité et les
habitudes par l’information. Par contre, la conclusion de nombreuses études est celle du
lien entre la volonté des parents d’offrir de l’alcool aux enfants et une consommation
plus élevée plus tard ; les enfants auxquels on offre de l’alcool à la maison boivent plus
quand ils sont plus âgés.78 Il semble qu’il est plus facile de changer les attitudes et
points de vue des gens que de changer leurs façons d’agir. Après plusieurs campagnes
pendant les années quatre-vingt on a vu une baisse de 79% à seulement 37% des parents
qui sont prêts à acheter de l’alcool à leurs enfants mineurs.79
L’état a souvent essayé de diminuer la consommation en augmentant les
prix. Selon de nombreuses études il n’y pas de différence entre les boissons alcoolisées
et d’autre bien de consommation, c’est-à-dire que si le prix augmente ou le revenu
baisse, la vente diminue et vice versa. Néanmoins, on a pu remarquer que les gens ont
tendance à boire plus de bières si les alcools forts sont très chers mais la consommation
78 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 37 79 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 375
28
totale baisse quand même.80 Par contre, avec un prix élevé il y a toujours le risque que
les gens vont trouver un moyen d’avoir l’alcool moins cher. Or, on estime que
l’importation illégale n’est pas supérieure à la baisse de vente qu’on obtient en
augmentant les prix.81
Plusieurs essais ont montré qu’il y a un lien entre l’accès et la
consommation d’alcool. En 1967-1968 on a autorisé la vente de bière forte dans les
supermarchés et la consommation a augmenté de plusieurs pour cents.82
Aujourd’hui on peut constater que malgré l’existence de Systembolaget les
Suédois boivent plus qu’ils n’ont fait pendant 100 ans. L’achat d’alcool par internet,
l’importation de l’étranger et la boîte à vin sont des exemples des facteurs contribuant à
ce fait. Les Suédois ont adopté la culture de prendre une bière après le travail, boire du
vin n’importe quel jour, tout en gardant leur propre tradition de se soûler le week-end.
Sans doute une combinaison dangereuse.83 On voit donc que la consommation d’alcool
des Suédois, est loin d’être modérée ; en fait, elle ne cesse d’augmenter. Bien sûr, la
situation pourrait être encore plus grave, mais de se dire que ça aurait pu être pire n’est
pas une raison pour ne rien faire. Je pense qu’il est temps de réévaluer une politique qui
constitue en quelque sorte l’identité de la politique de santé publique suédoise.
Malheureusement, il me semble que souvent, quand la question de la politique d’alcool
est abordée en Suède, on se contente de parler d’une suppression éventuelle de
Systembolaget. Je ne suis pas convaincue de cette pensée unique. Peut-être qu’en
augmentant l’accessibilité, on aurait encore plus de problèmes mais c’est aussi possible
qu’il n’y aurait pas de changement. Pour vraiment analyser cette question il faudrait un
mémoire consacré à ce sujet. Le plus important pour le moment n’est pas de débattre sur
la vente libre d’alcool mais de savoir comment changer les habitudes des gens et il est
clair qu’un monopole public n’est pas suffisant pour atteindre cet objectif.
Peut-être que la prévention peut aussi faire partie du problème, dans le sens où on risque
de trop se fier à cette façon de manier une crise ou un problème de santé publique, en
80 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 372 81 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 387 82 Carlsson & Arvidsson, 1994, p. 372 83 http://www.systembolaget.se/Applikationer/Knappar/OmSystembolaget/Systembolagshistoria.htm, (2008-05-08)
29
pensant que c’est tout ce qu’il faut. Dans un système avec une approche préventive il y
a toujours le danger, qu’on voit le contrôle des gens comme la seule solution. C’est bien
cela qu’a fait le gouvernement suédois pour traiter la surconsommation d’alcool. Et par
contrôle, je veux dire tout ce qui menace en quelque sorte la liberté individuelle ; que ce
soient des interventions publiques, des restrictions, des directives ou des interdictions
excessives. Il semble que la réponse est toujours ‘contrôle’ ; qu’il soit question de savoir
la source des problèmes ou bien la solution. Si on n’est pas content avec une situation
on dit qu’on ne la contrôle pas assez et on résout le problème avec une augmentation de
contrôle. Quand on a autorisé la vente des bières fortes dans les supermarchés pendant
deux ans, la consommation a augmenté, mais au lieu de faire une analyse plus extensive
et de chercher des explications supplémentaires, on s’est contenté de dire que
l’accessibilité augmente la consommation. Est-ce vraiment aussi simple que ça ? Peut-
être qu’au bout d’un certain temps, quand ce fait n’était plus une nouveauté, la
consommation aurait diminué ? Au même temps le respect exagéré de la liberté
individuelle peut avoir des effets négatifs pour la santé publique. En France,
contrairement à la Suède, on a considéré la consommation d’alcool, comme une affaire
privée, ce qui a fait que l’ivresse au volant était autorisée jusqu’à en 1970.
La tradition curative et la tradition préventive ont des avantages aussi bien que des
désavantages. La clé est de ne jamais se contenter et de réaliser qu’il faut toujours
chercher à s’améliorer et d’avoir le courage d’avouer que ce qu’on a fait jusqu’à présent
n’a pas le résultat souhaité ou que le résultat pourrait être meilleur. Et peut-être le plus
important ; de ne jamais arrêter de questionner pourquoi on fait les choses de la manière
dont on les fait.
30
8. Conclusion générale
Avec ce mémoire, mon objectif a été de comparer deux traditions de santé publique ; la
tradition préventive et la tradition curative choisissant la France et la Suède comme cas
d’étude pour analyser l’impact culturel sur la politique de santé. Le but est de
comprendre et d’expliquer pourquoi les systèmes de santé sont ce qu’ils sont et de
comparer les conséquences des méthodes choisies. Les questions de recherche ont été ;
de quelle manière les façons d’agir, sont-elles différentes en Suède et en France, et
comment expliquer les différentes traditions de santé publique ? Les méthodes chosies
pour répondre à ces questions ont été la critique documentaire et le croisement des
sources et la methode comparative.
Le mémoire a montré pourquoi la France a choisie une approche curative
tandis que la Suède a préferé la prévention. On a vu que les voies choisies par ces deux
pays n’ont pas été les mêmes. En Suède, on a voulu contrôler le peuple et on a considéré
que le rôle de l’état est de satisfaire à tous les besoins de la population. En France, le
liberalisme est important et comme on a laissé la liberté aux gens, on a été obligé de
guérir quand la prévention n’a pas été une option. En Suède, l’absence du liberalisme et
la forte croyance en les possibilités de changer les habitudes des gens ont rendu possible
de développer un système basé sur le contrôle/la protection des gens.
Contribuant au développement de ces traditions de santé publique sont
aussi des faits historiques. La profession médicale en France a, par exemple, fait que la
notion de santé a été présentée comme synonyme de soins, et les médecins ont eu le
pouvoir de faire en sorte que des actions en santé publique soient parfois très dures à
réaliser. La croyance en la médecine scientifique a diminué en Suède quand on réalisé
que, malgré de gros investissements, la santé des Suédois ne s’était pas améliorée autant
qu’on l’aurait voulu et cela a influencé la décision de prévenir. Pour la France, c’était le
contraire ; ils se trouvaient fort sur la médecine clinique.
À travers ce mémoire on a vu quelques exemples sur les conséquences des
approches choisies. La Suède de part sa tradition de santé publique, a pu réagir
rapidement dans la crise du SIDA, tandis qu’en France on a mis plus de temps pour
prendre les mesures néccessaires.
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La mentalité a aussi été importante pour la politique de santé. Le fait qu’il
n’y avait un certain laïcisme sur la prévention des dangers liés au tabac, les gens ont
consommé cette drogue sans se soucier des effets sur leur santé. Les dégâts sur la santé
sont apparu après plusieurs années de consommation, se qui a rendu encore plus
difficile la mise en place d'une prévention par les services publique. Le retard ainsi
accumulé condamne la France à trouver par la voie de la science un remède à chaque
symptôme. Pour la Suède, la forte tradition de sobriété et le consentement de la
population suédoise a permis à l’état suédois de garder Systembolaget. Mais la
consommation totale d’alcool ne cesse pas d’augmenter en Suède malgré une politique
d’alcool qui est basée sur la limitation de la disponibilité de l’alcool. La recherche a
aussi montré qu’en cas de crise la France, n’est pas très préparée.
Comme l’indique bien le titre du mémoire l’analyse de la politique de
santé publique réalisée, se limite à l’impact culturel. La situation de santé publique en ce
qui concèrne l’état de santé de la population et les dépenses de santé, peut avoir de
nombreuses explications et c’est un sujet qui, à mon avis, mérite d’être étudié plus
profondément dans les recherches à venir afin de trouver des moyens de réduire les
coûts de santé.
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Document électronique
Académie de Caen
www.discip.ac-caen.fr/sbssa/IMG/pdf/resistance_au_changement.pdf