L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

27
BULLETIN DE L ' ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE DE BELGIQUE VIP S éRIE. — TOME III. — N" i. {Pages 95 à 120.) EXTRAIT Etude au microscope électronique des capillaires rétiniens chez l'homme normal et diabétique, par D. TOUSSAINT et P. DUSTIN. BRUXELLES IMPRIMERIE MEDICALE ET SCIENTIFIQUE (SOC. AN.) 67, RUE DE L'ORIENT, 67 1963

Transcript of L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

Page 1: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

B U L L E T I N DE

L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE DE

B E L G I Q U E

V I P SéRIE. — T O M E I I I . — N " i .

{Pages 95 à 120.)

E X T R A I T

Etude au microscope électronique des capillaires rétiniens

chez l'homme normal et diabétique,

par

D. TOUSSAINT e t P. DUSTIN.

BRUXELLES IMPRIMERIE MEDICALE ET SCIENTIFIQUE (SOC. AN.)

67, RUE DE L'ORIENT, 67

1 9 6 3

Page 2: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

Etude au microscope électronique des capillaires rétiniens chez l'homme normal

et diabétique

par

D. TOUSSAINT (*) et P. DUSTIN (**).

P a r m i les diverses al térat ions ré t in iennes rencontrées dans le d iabè te , la format ion de mic roanév rysmes à partir des capil­laires est la plus caractér is t ique et la plus spécif ique (Ballan-tyne et Loewenste in , 1944). Les d iverses é tapes de la dilatat ion locale des capil laires et de la t h r o m b o s e hyal ine secondaire des anévrysmes microscopiques ainsi fo rmés ont été décrites par de n o m b r e u x auteurs (cf. A s h t o n [1958], Hogan et Z i m m e r -m a n n [1962]). Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961) ont mon­tré combien l ' ana lyse de ces lésions était facilitée par une nou­velle mé thode d ' é t u d e des va i s seaux rét iniens examinés sur l ames , après digestion des tissus voisins par la trypsine. Cette ana lyse a mis en év idence u n fai t n o u v e a u : la nécrose précoce des « cellules mura les » ou pér icytes (***) qui forment , avec l ' endo thé l ium et la m e m b r a n e basa l e , la paroi des capil laires rét iniens. Cette nécrose pourrai t ê t re un des p h é n o m è n e s qui facili tent la format ion des d i la ta t ions anévrysmales . Son méca-

(*) Aidé par une s u b v e n t i o n du F o n d s National de la Recherche Scien­t i f ique Médicale (crédit no 253) et par u n « Fight for Sight Grant-in-Aid » d u « National Council to Combat B l l n d n e s s », Inc., New York, N. Y.

( • • ) Aidé par un Crédit aux Chercheurs du Fonds National de la Recher­che Scient i f ique.

(*•*) Nous emploierons dans ce texte le.s termes « cellules murales » et « péricytes » comme synonymes. C o m m e nous le verrons, les études mo­dernes, e n ind iquant la localisation de ces é l éments dans l'épaisseur m ê m e de la paroi vasculaire, d o n n e n t la préférence à l'expression « cellules mura­les ». Ces é l éments sont ident iques a u x cel lules de ROUGET (1873).

Page 3: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

9 6 LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

n i sme demeure inconnu (Toussaint , 1960, 1961, 1962) (Plan­che I).

L ' é t u d e en microscopie électronique de ces lésions s 'est heur­tée jusqu ' ic i à deux p rob lèmes : celui de la nécessi té de dispo­ser de matériel fixé d a n s des condi t ions correctes, et celui que pose le repérage exact d ' u n mic roanévrysme dans une pièce incluse. C 'es t ainsi que Bloodworth (1962) qui a consacré des é tudes détail lées à la ré t inopath ie d iabét ique , n ' ava i t pu obser­ver en microscopie é lect ronique que la structure d ' u n capil­laire ne présentant pas de di la ta t ion anévrysmale . Y a m a s h i t a (1962) a observé en microscopie électronique deux anévrysmes d iabé t iques . L ' u n avait été fixé pendan t cinq ans dans l 'alcool avan t d ' ê t r e post-fixé à l ' ac ide osmique pour la microscopie é lect ronique et n e mon t ra que des images diff ici lement inter­pré tab les pour ces raisons techniques . L ' au t r e provenai t d ' u n e p ièce chirurgicale prélevée chez une f e m m e de 52 ans, d iabé­t ique, énucléée pour m é l a n o m e mal in ; on y voyait un ané-vrysme « hyal inisé », mon t r an t une basa le épaissie, et entouré d ' u n e zone hémorrag ique . Sa s t ructure n ' a été étudiée q u ' à de fa ibles grossissements (4.000 x ).

Nous avons eu la possibil i té d ' é tud ie r deux rét ines diabét i­ques fixées à l ' ac ide osmique p e u de t emps après la mor t (entre 10 et 20 minutes) et incluses d a n s de bonnes condit ions. L ' u n e

Abréviations uti l isées : B membrane basale C centrioles End endothé l ium G appareil de Golgl L lumière du capillaii'e Lip goutte le t tes l ipidiques N t i ssu nerveux de la rét ine Np noyau péricytaire (cellule murale) P péricyte ou cel lule murale Pn péricyte en voie de nécrose.

> PLANCHE I.

Préparations de vaisseaux rét iniens examinés à plat après digest ion par la trypsine.

a : rétine normale. Les noyaux péricytaires (P) se d i s t inguent par leur forme arrondie et leur s i tua t ion excentr ique de ceux de l 'endothél ium (cf. p lanches H et III).

b : rétine d'un suje t diabétique. Les cel lules murales apparaissent sous forme d'ombres (« ghost cells »), m a i s la s i tuat ion excentrique de leurs noyaux nécrosés permet a i sément de les ident i f ier (Pn). Deux micro-anévrys-mes s o n t visibles.

Page 4: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE
Page 5: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

98 LECTURE. — D . TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

d ' en t r e elles nous a permis de voir en microscopie électroni­que de nombreux anévrysmes , et de suivre toutes les é tapes d e leur format ion et de leur évolution. D ' au t r e part , nous avons c o m p a r é aux images observées celles de deux yeux normaux , énucléés chez des sujets âgés de 50 et de 40 ans, présentant un aspect normal à l ' oph ta lmoscope . Leur é tude nous a permis de mieux comprendre la na ture des cellules mura les et leurs relat ions avec l ' endo thé l ium et la m e m b r a n e basa le des capil­laires rétiniens. Les images observées dans l 'œi l d iabé t ique ne deviennent en effet in terpré tables q u ' à la lumière d ' u n e con­na issance précise de la s t ructure des capil laires normaux . Cette é tude , qui conf i rme le rôle impor tan t des cellules mura les ou péricytes dans les premiers s tades de la ré t inopathie diabéti­que , complè te ainsi les observat ions fai tes par Cogan, Tous­saint et K u w a b a r a (1961).

MATéRIEL ET MéTHODES.

I. Rétines normales.

L a première des ces rét ines est celle d ' u n h o m m e âgé de 50 ans. 11 présente une tumeur pa lpébra le mal igne , é tendue, ini t ia lement Irradiée. U n e intervention chirurgicale plast ique condui t à l ' énucléa t ion du globe devenu non fonct ionnel . La deux ième rétine est celle d ' u n e f e m m e de 40 ans qui est énu-cléée pour tumeur ré t in ienne mal igne , de petit volume, située au n iveau de l ' e space in termaculo-papi l la i re et de t endance ne t tement évolutive.

2. Rétines diabétiques.

L a meil leure qual i té d e la f ixation d ' u n e de nos rétines a eu pour conséquence que la plus g rande par t ie de ce travail est basée sur son é tude . Auss i est-il utile de préciser en quelques l ignes l 'histoire cl inique du cas.

11 s 'agi t d ' u n h o m m e de 38 ans, traité depuis l ' âge de 17 ans pour d iabè te . E n d é c e m b r e 1961, il a présenté un coma pas­sager de na ture mal dé te rminée . 11 entre à l 'hôpi ta l universi­taire Brugmann en c o m a hypog lycémique le 13 avril 1962. L ' e x a m e n des fonds d ' y e u x mon t r e un grand n o m b r e de micro-

Page 6: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

DIABèTE ET ALTéRATIONS RéTINIENNES. 99

anévrysmes , quelques rares suf fus ions hémorragiques , et quel­ques exsudais crayeux superf ic ie ls . Les artères, bril lantes, sont de cal ibre irrégulier. Les veines sont dilatées, mais de cal ibre régulier. La glycémie r emon te progress ivement de 0,14 à 8,4 et enf in 4,7 gr/1. L ' u r é e passe de 0,88 à 4,40 gr/1. Le m a l a d e n ' a pu être tiré du coma . II présenta i t une anurie complè te . L 'au tops ie , pra t iquée le 24 avril (Dr. G . Carpent) mont re une th rombose de la veine f émora le gauche , avec infarctus pu lmo­naire et b ronchopneumon ie . Le panc réas , atrophié, pèse 15 gr, ma i s ne mont re pas de lésions des îlots. Les reins, légèrement augmentés de volume, sont le siège d e lésions débu tan tes d e glomérulo-sclérose d iabé t ique d e type Kimmels t ie l -Wilson.

La digestion t rypsinique des tissus ré tmiens mont re une impor tan te al tération des pér icytes t ransformés quasi complè­tement en « ghost cells » et des mic roanévrysmes à parois pré­sentant une mult ipl icat ion ne t te des cellules endothéliales. Les f r agment s de rét ine mis à plat et inclus en gélatine mont ren t une infil tration l ipoïdique impor t an t e des parois anévrysmales et des parois artériolaires. Il existe par ailleurs une g rande quant i té de lésions soudanoph i l e s au niveau de la couche ple-xi forme externe.

3. Techniques de microscopie électronique.

a) Prélèvement. — L ' énuc l éa t i on est suivie de l 'ouver ture imméd ia t e du globe oculaire ; la rét ine est isolée des aut res tissus oculaires et f ixée à l ' a c ide osmique t a m p o n n é à I %. L a f ixation est réalisée que lques minu t e s après l 'énucléat ion pour ce qui concerne les rét ines no rmales , 20 minutes après le décès pour la première rét ine d i abé t ique et 10 minutes après le décès pour la seconde. A p r è s environ 20 minutes de fixation de la rét ine entière à l ' ac ide osmique , elle est retirée du f ixateur et d isséquée, sous contrôle d e la loupe binoculaire, en f r agmen t s de 2 m m de côté choisis aux endroi ts présentant des micro­anévrysmes (ces lésions sont f ac i l emen t repérables en raison de leur coloration noire sur fond h a v a n e des tissus rét iniens sains) Les f r agment s sont ensu i te replongés dans le f ixateur .

b) Fixation. — La f ixat ion à l ' ac ide osmique à 1 % t a m ­p o n n é (selon Pa lade) à p H 7,3 a été d ' u n e durée d ' u n e heu re , entre 0" et 4" C.

Page 7: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

l o o LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

c) Déshydratation. — Les f r agmen t s subissent deux ba ins successifs d 'a lcool à 70" duran t chacun 10 minu te s ; deux bains successifs de m ê m e durée d 'a lcool à 90", et enf in trois ba ins successifs d 'a lcool absolu duran t chacun 30 minutes .

d) Inclusion. — Les f r agment s sont introduits dans une solu­tion à volumes égaux de méthacry la te de méthyle (formule de Pa lade) et d 'a lcool absolu p e n d a n t 30 minutes ; puis dans deux ba in s successifs d e 30 minu tes chacun de méthacry la te sans alcool et enf in pendan t 60 minu tes d a n s du méthacry la te addi­t ionné de catalyseur (Porofor Bayer). Les f ragments sont ensuite mis en capsule et placés à l ' é tuve à 45" C pendan t 48 heures . Les blocs de méthacry la te sont coupés au micro tome Porter-Blum avec couteau de d i aman t . Nous avons inclus 10 f r agment s pour chaque rét ine normale et 30 f r agmen t s pour chaque rét ine d iabé t ique . Les blocs de mé thac ry la t e sont examinés par trans­p a r e n c e (le bloc est d i rec tement p lacé sur le condensa teur d ' u n microscope optique) : nous repérons ainsi l ' emp lacemen t exact des lésions vasculaires. Nous nous sommes servis éga lement pour le repérage , de coupes semi-f ines colorées par la m é t h o d e de Gomor i à l 'urot ropine et au ni t ra te d ' a rgen t . Le microscope é lect ronique utilisé est un S iemens E lmiskop I, sous tension de 80 Kv, util isant deux condensa teurs . Les coupes recueillies sur grilles sont recouvertes d ' u n f i lm de ca rbone évaporé sous vide. Nous avons pris environ 100 pho tograph ies au n iveau des lésions anévrysmales des capil laires .

OBSERVATIONS PERSONNELLES.

Nous décrirons tout d ' a b o r d la s tructure des capil laires réti­n iens normaux , qui a été l 'ob je t d ' é t udes électroniques de Bloodworth (1962), de M a e d a (1959) et de Missotten (1961). Nous les complé terons sur cer ta ins points .

^ PLANCHE II. — Rét ine h u m a i n e noi-male.

Photomontage de quatre mlcrophotog iaphies électroniques, montrant la s i tua t ion des péricytes et de l ' endothé l ium par rapport à la lumière capil­laire. Celle-ci cont ient un globule i-ouge iGR). Le noyau d'un péricyte (Np) présente une forme arrondie, avec u n e encoche correspondant à la région de l'appareil de Golgi qui entoure les deux centrioles (C). L:i membrane basale entoure de nombreux pro longements péricytah-es (F).

Page 8: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE
Page 9: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

I 0 2 LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

1. Rétines normales.

Les capil laires sont en rapport direct avec les structures nerveuses avoisinantes, cellules gangl ionnaires , f ibres ner­veuses et cellules gliales, qui p rennen t appu i sur la par t ie la p lus externe de leur m e m b r a n e basa le . L a qual i té de la fixa­tion était vérifiée par la conservat ion par fa i te de structures dél icates c o m m e les neurof i laments . Nous n ' a v o n s pas é tudié d a v a n t a g e le tissu nerveux qui présente une grande densi té , les cellules é tant , c o m m e dans le sys tème nerveux central , étroi­t emen t en contact les unes avec les autres .

N o u s décr i rons les capil laires en al lant de l ' intér ieur vers l 'extér ieur et en insistant sur cer ta ines complexi tés de leur paroi en relation avec la présence des cellules mura les .

Les cellules endothél ia les (Planches II, 111 et IV) présentent un cy top lasme clair contenant un ré t iculum endop lasmique b ien déve loppé , avec d 'assez n o m b r e u x r ibosomes et un grand n o m b r e de vacuoles de micro-pinocytose. De plus, cer taines micropf io tographies montrent de f ines s t ructures fibril laires in t racy toplasmiques sur la na ture desquel les nous ne pouvons nous prononcer . Les noyaux, ovalaires , ont une cf i romatine pé r iphér ique assez dense , sauf aux endroi ts où la double m e m ­b r a n e nucléai re est in ter rompue par des pores qui sont parfois très visibles (Planche IV). U n e semblab le disposit ion de la c h r o m a t i n e s 'observe au n iveau des cellules mura les (Plan­c h e III). Il ne semble pas que les régions pauvres en chroma­t ine et cor respondant aux pores nucléaires , soient l ' e f fe t d ' u n a r té fac t de f ixat ion. Les cellules endothél ia les sont en contact

> PLANCHE m . — Rét ine h u m a i n e normale.

Relat ions d'un péricyte avec la paroi capillaire. Le noyau du péricyte (Np) est for tement coloré. On note un aspect dis­

c o n t i n u de la chromatine au contact de la membrane nucléaire, vis-à-vis des pores de celle-ci. Les centrioles (C) sont entourés par u n appareil de Golgi (G) très développé. Entre la cel lule murale et l ' endothél ium (iT.ndi se glisse, dans l'épaisseur de la membrane basale, u n prolongement d'un péricyte (P). D'autres prolongements (F) s'observent à la partie supérieure de la planche. A noter l'absence de fibres dans les cel lules péricytaires. dont les prolongements ont un aspect plus clair que le cytoplasme de la ce l lule endothél iale . La membrane basale (B), de nature homogène, entoure les pro longements des péricytes. Elle présente plusieurs zones amincies, ind iquées par des f lèches, où le cytoplasme endothél ia l n'est séparé de celui des péricytes que par u n très mince espace.

Page 10: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE
Page 11: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

LECTURE. — D . TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

les unes avec les autres par des l ignes souvent obliques, les cellules se recouvrant par t ie l lement . Ces l ignes de contact sont par t icul ièrement denses, et ont la signification de desmosomes . Les Images observées aux forts grossissements ne montrent pas la présence d ' u n e subs tance intercellulaire part iculière. L ' en -do thé l ium des vaisseaux rét iniens ne présente pas de pores ana logues à ceux observés d a n s le rein et cer taines g landes endocr ines (Bargmann, 1958, 1959). L ' appa re i l de Golgi et les mi tochondr ies sont peu développés . Nous n ' y avons observé que ra rement des centrioles.

Les cellules endothél ia les s ' a p p u y e n t sur une m e m b r a n e basa l e anhiste , analogue aux m e m b r a n e s rencontrées dans de n o m b r e u x tissus de l 'o rganisme. Cette m e m b r a n e ne contient a u c u n e f ibre col lagène ou élas t ique. O n y aperçoit assez souvent , surtout à sa part ie la plus externe, des zones claires d ' a l l u re vacuolaire dont la signification exacte nous é c h a p p e (P lanche IV). Il ne semble toutefois pas qu ' i l s 'agisse d ' a r t é -fac t s ni de p h é n o m è n e s de dégénérescence associés à l ' âge , c o m m e le suppose Missotten ( l % l ) qui a décrit des lacunes semblab les .

L ' épa i s seur de cette m e m b r a n e basale , là où elle est régu­lière, est d ' env i ron 0,2 a . C e p e n d a n t , elle varie considéra­b lemen t d ' u n endroit à l ' aut re , du fait de ses relat ions com­plexes avec les cellules endothél ia les et mura les . En ce qui concerne les premières , nous avons observé des images qui suggèrent qu ' i l peut exister à cer tains endroits deux couches de cellules endothél ia les séparées par une l ame de subs tance

• > PLANCHE IV. — Rét ine humaine normale.

Relat ions des prolongements des péricytes (P) avec la membrane basale (B) : on remarque que la basale se divise de part et d'autre des prolonge­ments , et qu'elle est plus mince que sur le versant endothél ia l de ceux-ci. A ce niveau, on observe à u n endroit (f lèche) des relations complexes entre cel lules murales et endothél ium, qui ne sont séparées que par u n mince interstice. Noter l'aspect clair non fibrillaire des bras des péricytes, qui ne cont i ennent que quelques pet i tes vésicules sans ribosomes. Le cyto­plasme des cel lules endothél ia les (End) s i tuées de part et d'autre de la lumière vasculaire (L) cont ient beaucoup plus d'organites. Le noyau endo­thél ial , à gauche, montre une chromat lne périphérique avec des interrup­t ions a u niveau de pores nucléaires, analogues à celles d u noyau péricytaire de la p lanche III.

Dans sa partie la plus externe, la basale présente quelques zones claires, d'aspect vacuolaire (Vac) dont la s ign i f i cat ion n'est pas connue.

Page 12: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE
Page 13: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

i o 6 LECTURE. — D . TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

basale . La topographie exacte des relat ions de ces cellules est complexe et il ne peut être exclu que la cellule la plus pro­fonde , dont on ne voit que des languet tes cytoplasmiques , soit d e na ture mura le .

Les péricytes ou cellules mura les appara issen t sous deux aspects , selon que l 'on observe une coupe passant par leur corps cellulaire ou une coupe de leurs longs prolongements . L e noyau , plus rond que celui des cellules endothél ia les , fait saillie à la surface du capil laire, c o m m e faisaient prévoir les observat ions de microscopie opt ique (Planches 11, III, IV) ; il est dense , à l 'except ion de la par t ie centrale et des régions voisines des pores de la m e m b r a n e nucléai re .

Cont ra i rement à celui des cellules endothél ia les , le cyto­p l a s m e se dist ingue surtout par le grand déve loppement de l ' appare i l de Golgi qui est d isposé dans la par t ie de cyto­p l a s m e la plus proche de l ' endo thé l ium au voisinage direct d ' u n d ip losome (Planche III). Nous avons été f r appés par la f r équence relat ive des centrioles des cellules mura les qui con­t ras te avec celle de l ' endo thé l ium, mais qui tient peut-être au carac tère plus arrondi, plus ramassé , de la part ie nucléaire et juxta-nucléai re de ces cellules. Les mi tochondr ies et le ré t icu lum endop lasmique sont peu déve loppés .

Les p ro longements des cellules mura les se retrouvent tout le long de la p lupar t des capi l la ires (P lanche IV). Notons cependan t que nous avons observé que lques capil laires appa ­r e m m e n t dépourvus de cellules mura l e s au n iveau de la coupe . Ces p ro longements sont formés d ' u n cy top lasme très clair, ne con tenan t que quelques rares peti tes vacuoles de pinocytose, p a s de r ibosomes, très peu de mi tochondr ies et un rét iculum e n d o p l a s m i q u e très peu développé . Cet aspect (( vide » con­traste avec celui du cy top lasme des cellules endothél ia les . Nous n ' a v o n s j amais observé dans le cy top lasme de ces cellules d e s s tructures fibrillaires qui pourra ien t ê t re homologuées à des fibrilles muscula i res lisses (Missotten, 1961). A u contraire , ce cy top lasme est moins fibril laire que celui des cellules endo­thél ia les (P lanches III et IV).

Les relat ions des p ro longements pér icytai res avec la m e m ­b r a n e basa le et avec l ' endo thé l ium sont par t icul ièrement impor tan tes en ce qui nous concerne . Ces p ro longements sont

Page 14: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

DIABèTE ET ALTéRATIONS RéTINIENNES.

situés d a n s l ' épaisseur m ê m e de la basa le , ce qui justifie le te rme de cellules mura les . Le plus souvent la m e m b r a n e sépa­rant les cellules mura les de l ' endo thé l ium est plus mince que celle qui les sépare des structures nerveuses (P lanche II). L ' épa i sseur de cette m e m b r a n e varie d ' u n endroit à l ' a u t r e : nous avons observé plusieurs endroi ts où la couche de sub­s tance hyal ine f o n d a m e n t a l e s 'amincissa i t cons idérab lement , laissant p ra t iquement en contact les m e m b r a n e s des cellules mura les et des cellules endothél ia les (Planches III et IV).

Ces régions, dont la topographie est assez complexe , cor­respondent aux « trous » décri ts par Missotten (1961): il ne s 'agi t pas d 'ouver tures , et rien ne démon t re que la subs tance f o n d a m e n t a l e soit complè temen t absen te au n iveau de ces régions. Il s 'agi t donc d ' aminc i s semen t s localisés, qui doivent permet t re des connexions physiologiques étroites entre endo-thél ium et pér icytes . U n e image ana logue a été publ iée par Pa l ade (1961) d a n s une étude des capil laires du c œ u r du rat .

II semble que les p ro longements de plusieurs cellules mura les puissent s ' en t remêle r . Bien que ce p rob lème ne puisse être résolu que par des coupes en série, des images où l 'on observe, entre le cy top lasme pér inucléai re d ' u n e cellule mura le et l ' en­do thé l ium, des p ro longements ana logues à ceux que nous venons de décrire, s ' exp l iquent plus a isément si l 'on imagine que ces p ro longements proviennent d ' u n autre pér icyte que celui dont le noyau est visible (P lanche III).

D a n s la rét ine normale , nous n ' a v o n s observé, ni dans l ' endo thé l ium ni d a n s les cellules murales , de gouttelet tes lipi­diques ou d ' a m a s de ferrit ine. De plus, à l ' except ion des images vacuolaires peut-être artificielles men t ionnées plus hau t , on ne rencont re aucune s tructure ni aucun débr is d ' a u c u n e sorte dans les m e m b r a n e s basa les .

2. Rétines diabétiques.

Les micro-anévrysmes montrent en microscopie é lectronique des images très var iables , qui vont de lésions min imes de l ' endo thé l ium et des m e m b r a n e s basales , à un épaiss issement cons idérable de la basa le , avec nécrose et dispari t ion de l ' en­do thé l ium, about issant à la th rombose avec hémorrag ies péri-

Page 15: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

io8 LECTLRE. — D . TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

anévrysmales . D a n s tous les cas où le fait a pu être vérif ié, des lésions graves des cellules mura les ont été observées, et aucune cellule mura le intacte n ' a été rencontrée dans les rét ines de nos deux cas de d iabète . Nous décr i rons les lésions par ordre d ' in tens i té , en men t ionnan t éga lement les altérations que nous avons rencontrées dans le tissu nerveux au voisinage des vaisseaux altérés.

a) Lésions débutantes. — Parmi les p h é n o m è n e s les plus discrets, il faut signaler l ' accumula t ion de quelques gouttes l ipidiques d a n s l ' endothé l ium, par ailleurs normal . Ce phéno­m è n e est à met t re en rappor t avec le dépôt de gouttelettes semblab les dans les cellules mura les (Planche V) et parfois dans des cellules d u tissu nerveux, p robab lemen t de na tu re gliale. Par ailleurs, une des modif ica t ions de l ' endothé l ium f r é q u e m m e n t rencontrée , et qui conf i rme les observat ions faites en microscopie opt ique par Cogan, Toussa in t et K u w a b a r a (1961), est son hyper t rophie . Les noyaux, normalement allon­gés, augmen ten t de volume et leurs contours deviennent décou­pés. Le n o m b r e de cellules endothél ia les para î t augmenter , c o m m e le mont ren t cer ta ines images de capil laires dont la lumière est p resque virtuelle, t rop pet i te pour laisser passage à un globule rouge.

La m e m b r a n e basa le subit p récocement un épaiss issement : alors que son épaisseur normale ne dépasse pas 0,5 u. d a n s les régions où il n ' y a pas de cy top lasme péricytaire, elle atteint régul ièrement i ij. et plus dans les capil laires en voie d ' a l t é ra t ion . D a n s l ' épa isseur de cette basa le , on trouve souvent des débr i s sur la na tu re desquels nous reviendrons .

E n ce qui concerne les péricytes, nos observat ions sont l imitées à des images f ragmenta i res et à un petit n o m b r e d 'obse rva t ions ma i s elles permet tent c ependan t de conf i rmer les fai ts décrits par Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961). La

^ PLANCHE V. — Rét ine diabét ique (cas 2).

Un capillaire coupé longi tudinalement . et contenant dans .sa lumière u n leucocyte (Leuc. ). En bas. la membrane basale (B) e.st légèrement épaissie (environ 0.5 /i). En haut , elle entoure u n amas de cytoplasme paraissant mal f ixé et c o n t e n a n t une gout te le t te l ipidique (Lip): il s'agit d'un frag­ment de cel lule murale (Pn) en voie de nécrose. Le t issu nerveux voisin (N) est normal.

Page 16: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE
Page 17: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

I l O LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

p lanche VII mon t re une part ie d ' u n c h a m p microscopique d a n s lequel la topographie des lésions était par t icul ièrement claire. O n notera la présence d ' u n e cellule for tement altérée, ne mont ran t plus de noyau colorable, et occupant la situation excentr ique qui est celle des cellules mura les . Cette cellule « f a n t ô m e >i est tout entière entourée par la m e m b r a n e basale , ce qui pe rmet d ' a f f i r m e r qu' i l s 'agi t b ien d ' u n const i tuant de la paroi capi l la ire et non d ' u n e cellule advent ice ou nerveuse. La nécrose en t ra îne des images parfois homogènes , parfois granuleuses , avec quelques lamelles qui évoquent celles de l ' appare i l de Golgi ou de mi tochondr ies (Planche VI) . O n observe aussi quelques granulat ions plus denses qui pourraient ê t re de na tu re ferrugineuse .

Si l 'on se reporte ma in tenan t aux nombreuses images obser­vées d a n s d ' au t r e s capillaires, on est f r a p p é par la ressem­blance ent re cette cellule mura le nécrot ique et les nombreux débris que l 'on rencontre dans l ' épaisseur de la m e m b r a n e basa le épaiss ie . La p lanche V mont re un a m a s cellulaire mal déf in i , con tenan t une grosse enclave l ipidique. Sa situation est t yp iquemen t celle du pro longement d ' u n péricyte. L a plan­che VI se r appor te à des lésions plus avancées ; la basa le (ou plutôt la paroi vasculaire) est ici épaisse de 1 ij.. Elle est fo rmée de matér ie l ana logue aux m e m b r a n e s basa les normales , et de débr is cellulaires, parfois plus ou moins lamellaires, mêlés de gouttes l ipidiques. Des débris ana logues ont été ren­contrés typ iquement dans tous les anévrysmes examinés , et nous croyons que leur origine ne peut s ' expl iquer que par la nécrose des cellules murales . En effet , l ' on notera que les cellules endothél ia les , à ce s tade, sont plutôt hyper t rophiées et ne mont ren t aucun signe de lyse, et que le tissu nerveux voisin n 'es t le siège que de lésions peu impor tan tes : on peut

> PLANCHE VI. — Rétine diabét ique (cas 2).

Paroi très altérée d'un microanévrysme. La lumière (L) dont on ne voit qu'une pet i te partie, cont ient un globule rouge (GR) L'endothél ium (End) apparaît hypertrophique. La basale (B) est épaisse de plusieurs fi. Elle cont i ent de nombreux débris cellulaires provenant d'un péricyte (P) dont on dis t ingue encore quelques s tructures membranaires cytoplasmiques. Plu­sieurs gout te le t te s l ipidiques (Lip) t émoignent de l 'existence de processus nécrobiotiques. A certains endroits (Pn), on ne d is t ingue plus que des dé­bris informes, dont l'origine péricytaire est très probable.

Page 18: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE
Page 19: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

I 12 LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

en effet y rencontrer des a m a s denses de na ture ferrugineuse probable , et quelques gouttelettes graisseuses.

Dans les s tades plus avancés , on va voir l ' endothé l ium subir à son tour des al térat ions irréversibles. D a n s les plus gros anévrysmes observés, il n ' y avait plus aucune cellule entre la lumière rempl ie d ' h é m a t i e s et la basa le épaissie. La perméa­bilité vasculaire est alors modif iée , et des hémat ies intactes se rencontrent f r é q u e m m e n t en dehors des vaisseaux. Enf in , dans des lésions qui para issent correspondre aux anévrysmes « hyahnisés » de la microscopie optique, on trouve dans la lumière des a m a s d ' u n e subs tance peu t ransparente , disposée d e façon irrégulière, sans structure fibrillaire évidente. Nous pensons qu ' i l s 'agi t là de la subs tance hyal ine ou fibrinoïde, b ien que nous n ' a y o n s aucune preuve structurelle de la pré­sence de f ibr ine avec sa périodici té caractér is t ique. Des dépôts f ibr inoïdes para issent débuter au contact de la basale des capil laires di latés. O n peut donc résumer les phénomènes produits par le d iabè te dans les capil laires rét iniens de la façon suivante : épaiss issement d e la basa le qui peut contenir des débris cellulaires p rovenan t de la nécrose précoce des cellules murales , dépôts l ipidiques dans l ' endothé l ium, les péricytes et les tissus voisins, hyper t roph ie de l ' endo thé l ium par endroits, hémorragies , dispari t ion de l ' endo thé l ium dans les zones ané-vrysmales , th rombose progressive des vaisseaux dilatés. La disposit ion a n a t o m i q u e part icul ière des cellules mura les et leur fragili té dans le d iabè te , rendent pa r fa i t emen t compte des débris rencontrés dans la paroi des capil laires dilatés. Toute ­fois, le m é c a n i s m e d 'épa i ss i s sement de la basa le , conduisant à la nécrose endothé l ia le et à la rupture ou à la thrombose, d e m e u r e inconnu.

> PLANCHE VII. — Rét ine diabét ique (cas 2).

Paroi d'un capillaire en voie de di latat ion anévrysmale. L'endothél ium (End), dont on aperçoit la l imite nucléocytoplasmique. est encore intact, p lu tô t hypertrophié. La basale se dédouble pour enserrer une masse cyto-plasmique nécrot ique (Pn) contenant quelques s tructures granulaires et lamellaires: il s'agit d'un péricyte néci'otique, comme la comparaison avec les p lanches II et III permet de s'en assurer. Le t issu nerveux voisin con­t ient quelques amas de f ins granules très opaques (Pe), s i tués dans une cel lule névroglique, e t de nature ferrugineuse probable. Cette image cor­respond exactement à celle des péricytes nécrot iques ou « ghost cells » vue en mici'oscopie opt ique (planche I).

Page 20: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE
Page 21: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

114 LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

DISCUSSION.

D a n s leurs grandes lignes, nos documents rejoignent ceux de Y a m a s h i t a (1962), qui, rappelons- le , n ' ava i t observé q u ' u n seul anévrysme fixé dans d e bonnes condit ions. Ils conf i rment p le inement à l 'échel le de la microscopie électronique les obser­vations de Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961) sur la nécrose des péricytes. Rappe lons que ces auteurs , en décrivant cette nécrose au vois inage des zones anévrysmales , alors qu 'a i l leurs les cellules mura les pouvaien t être intactes, avaient appor té un a rgument important à la thèse selon laquelle cette nécrose entraînai t la t ransformat ion anévrysmale .

L ' i m p o r t a n c e des cellules mura les est ainsi soulignée, et nous voudrions à ce sujet rapprocher nos observat ions de quel­ques autres t ravaux sur la s tructure normale des capillaires, car elles peuvent jeter que lque lumière sur la fonct ion des cellules découvertes par Rouge t .

Les l imitations de la microscopie opt ique appara issent clai­rement à la lecture des t ravaux relatifs aux cellules de Rouget . Malgré la monograph i e r e m a r q u a b l e de Z i m m e r m a n n (1923), p resqu 'en t i è rement basée sur l 'ut i l isat ion de la m é t h o d e de Golgi, qui met très bien en év idence la forme complexe de ces grandes cellules, leur si tuat ion exacte par rappor t à la paroi capil laire ne fut précisée que par la microscopie élec­tronique. E n effet , pour Clark et Clark (1925), les cellules de Rouget , é tudiées chez des larves d ' A m p h i b i e n s , étaient des é léments mobi les du tissu conjonctif qui s 'accola ient aux capil laires en déve loppan t seconda i rement des pro longements entourant par t ie l lement ceux-ci . Ces auteurs , ayant observé la contracti l i té de capi l la ires d a n s des régions dépourvues de péricytes, nient que ces cellules aient une fonction vasomo-trice, hypothèse qui avait été d é f e n d u e par V i m t r u p (1922, 1923). Pour cet auteur , les péricytes sont les homologues des cellules musculai res lisses des artérioles terminales , et aura ient une fonction contract i le semblab le , chez les A m p h i b i e n s . Les relat ions entre péricytes et cellules adventiciel les sont discutées par Benninghoff (1926). 11 mon t r e que les premières n ' on t pas de fibril les ana logues à celles de f ibres musculai res lisses. Les cellules adventiciel les seraient pour lui des péricytes mobil isés.

Page 22: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

DIABèTE ET ALTéRATIONS RéTINIENNES. " 5

11 mont re leurs propr ié tés a throcyta i res , au niveau des capil­laires veineux de l ' ép ip loon du c o b a y e . Son point de vue est r é sumé par les conclusions su ivan tes : « les cellules advent i -cielles situées p ro fondémen t d a n s la paroi capillaire sont iden­t iques aux cellules de Rouget ». « Les péricytes se comportent c o m m e des f ibrocytes a t tachés à la paroi vasculaire. Elles n e sont pas des structures p e r m a n e n t e s c o m m e les cellules mus­culaires, mais des hôtes mobi les (« un ruh ig ») de la paroi . » P lenk (1928), dans une é tude des pér icytes du système nerveux central du Chat et du Ra t d o n n e u n e excellente illustration de leur localisation dans l ' épa i s seur m ê m e de la basale . Ils sont distincts des cellules advent ic ie l les de Marchan t , qui sont des f ibrocytes b a n a u x . St iénon (1932) adme t que les péricytes exercent une fonct ion contract i le régulatr ice du débit capil laire, sans qu ' i l s 'agisse de cellules muscu la i res . Cet auteur n ' a pu met t re en évidence aucune connec t ion entre les f ibres ner­veuses et les péricytes. U n e é t u d e his tochimique récente de Lande r s et coll. (1962) indique q u e les péricytes du cerveau du rat se r approchen t des cel lules muscula i res lisses, par leur r ichesse en adénos ine t r i phospha t a se ma i s elles diffèrent des cellules rét iculo-endothél iales p a r l ' absence de phospha tase acide .

L a microscopie é lectronique allait dès 1956 apporter des documen t s inf in iment plus précis sur les relat ions des péricytes avec la paroi capil laire, re la t ions qui ne pouvaient être que soupçonnées par la microscopie op t ique .

Fa rquha r et H a r t m a n n (1956) d a n s une brève note, relatent leurs observat ions des capi l la i res cérébraux chez l ' h o m m e et chez le chat . Sans m e n t i o n n e r les cellules de Rouget , il est clair que leur descript ion s ' y rappor te : « Le carac tère un ique des capil laires cé réb raux . . . est l 'exis tence d ' un é lément cel lulaire . . . complè temen t enser ré d a n s des compar t iments fo rmés par le cl ivage de la ba sa l e . Ces cellules ont une fo rme al longée, avec leur long axe para l lè le à celui des capil laires. Leur cy top lasme cont ient les s t ructures habituel les. Leurs noyaux sont un peu plus denses que ceux de l ' endothé l ium, et font saillie en s ' é lo ignant de la lumière des capillaires ». O n reconnaî t ra les carac tères que n o u s avons décrits plus hau t .

Page 23: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

M a y n a r d , Schultz et Pease (1957) ont éga lement étudié les capil laires cérébraux du rat . Ils ont retrouvé des cellules com­plè tement enserrées par la m e m b r a n e basale . Leur cytoplasme ne ressemble pas à celui des f ibres musculaires lisses bien d i f férenciées . Leur si tuation d a n s la m e m b r a n e basa le est c ependan t ana logue à celle des f ibres muscula i res des arté-rioles. Elles seraient « une fo rme peu déve loppée ou primitive de cellules muscula i res lisses ». Les auteurs ment ionnent de p lus un fait que l 'on retrouve d a n s la r é t ine : l ' absence de pores de l ' endothé l ium.

B a r g m a n n (1958) a é tudié la s tructure des capil laires de la moel le osseuse du cfiat dont il donne une bonne représenta­t ion. 11 pense que ces cellules n ' o n t pas une fonct ion con­tractile, ma i s jouent un rôle d a n s les échanges à travers la paroi vasculaire.

M a e d a (1959) examine les capi l la i res rét iniens de l ' h o m m e et les décrits c o m m e formés de cellules endothél ia les reposant sur une m e m b r a n e basa le qui contient des péricytes et est entourée de cellules gliales.

Kisch (1960), dans une descript ion des capil laires du muscle et du cœur , reproduit que lques photographies électroniques de péricytes typiques. 11 n ' a pas é tudié la s tructure de leur cy toplasme, et ne men t ionne ni leur apparei l de Golgi ni leurs centrioles.

H a g e r (1961) a repris l ' é tude des capil laires cérébraux chez le H a m s t e r . 11 décrit la s i tuat ion des f ibres muscula i res des plus peti tes artérioles, et des péricytes des capil laires, qui sont tous deux situés d a n s l ' épa isseur de la basa le . 11 décrit les aminc i s sements de la paroi qui enserre les péricytes et que nous avons signalés plus hau t . 11 conclut que la signification fonct ionnel le de ces cellules n ' e s t pas claire. Les cellules adventiciel les seraient , elles, contenues dans un véri table e space pénvascu la i re , qui n ' ex is te q u ' a u n iveau des veines et des artères, et non des capil laires . Il défini t les péricytes par leur situation dans la m e m b r a n e basa le dédoublée . C 'es t pour cette raison que nous préférons le te rme de « cellule mura le », qui ne prête pas à confus ion avec des é léments situés autour des capil laires. Des cellules ident iques ont été décri tes par R a i m o n d i et coll. (1962) dans le cerveau du Chat , au cours

Page 24: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

DIABèTE ET ALTéRATIONS RéTINIENNES. 117

d ' u n e é tude sur l ' œ d è m e cérébra l . Ces auteurs ont fixé leurs tissus par perfus ion de formol sa lé t a m p o n n é addi t ionné de sucrose à 7,5 %. L ' é t u d e d e la pe rméab i l i t é capil laire, réalisée au moyen d e ferri t ine, mon t re que cet te volumineuse molécule est c apab l e de traverser la paroi et migrer jusque dans le cyto­p la sme des cellules gliales voisines.

Ces é tudes de microscopie é lec t ronique de tissus no rmaux conf i rment ent ièrement nos observa t ions sur l 'œi l h u m a i n normal . Nous avons pu ajouter à ces observat ions la descrip­tion de l ' appare i l de Golgi et des centr ioles de péricytes, struc­tures qu ' i l est intéressant de me t t r e en rappor t avec l 'obser­vat ion anc ienne (Benninghof , 1926-27), de mitoses péricy-taires. Nous avons aussi attiré l ' a t t en t ion sur la complexi té des relat ions entre la basa le et les péricytes, et sur les zones d e contact entre cellules mura les et endothé l ium, dé jà obser­vées par H a g e r (1961), Pa l ade (196!) et Mîssotten (1961). Cont ra i rement à ce dernier , nous n ' a v o n s pas observé de struc­tures fibrillaires dans le cy top l a sme des péricytes. C o m m e nous l ' avons ment ionné , des f ibri l les très grêles sont plus fré­q u e m m e n t visibles dans le cy top l a sme des cellules endothé-liales que dans celui des cellules mura les , qui est particuliè­r emen t (( v ide », dès que l 'on se t rouve à quelque dis tance du noyau . Par ailleurs, nous c o m p r e n o n s m a l l ' a f f i rmat ion selon laquel le la m e m b r a n e basa le serait d e na ture élastique. Cette conclusion s ' a p p u i e sur sa colorabi l i té par la mé thode de Weige r t dans certaines c i rcons tances . Elle est en contradic­tion avec les données classiques et mode rnes sur la structure des capil laires. La m e m b r a n e b a s a l e présente en microscopie é lect ronique le m ê m e aspect anh i s t e et non structuré que l 'on re t rouve dans de nombreux tissus, pa r exemple au niveau du glomérule rénal .

Nos observat ions ne pe rme t t en t p a s de conclusions sur la fonct ion des cellules mura les . L a co ïnc idence de leur dégéné­rescence avec de graves a l té ra t ions de la paroi appor te peut-être u n documen t en faveur de l ' h y p o t h è s e d ' u n rôle t rophique de ces é léments . La présence d ' u n appare i l de Golgi déve­loppé , d ' u n e basophi l ie cy top la smique assez marquée au voi­s inage du noyau , où les r ibosomes sont nombreux est en accord avec cette hypothèse .

Page 25: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

LECTURE. — D. TOU.SSAINT ET P. DU.STIN.

L a dégénérescence élective des péricytes rét iniens dans le d iabè te soulève d ' impor t an t s p rob lèmes histophysiologiques qui d e m a n d e n t de nouvelles recherches . Il conviendrai t d ' é tu­dier de plus près les péricytes dans d ' au t re s localisations chez des sujets d iabét iques . Seuls, A a f e n a e s et Moë (196!) ont observé, en microscopie électronique, les capil laires de la pu lpe digitale des orteils chez deux sujets n o r m a u x et quatre d iabét iques . Ils notent que d a n s le d iabète , la paroi capillaire s épaissit par des dépôts de subs tance ayant la m ê m e struc­ture et la m ê m e densi té que la subs tance basa le . Ils ont observé que très f r é q u e m m e n t , des processus cytoplasmiques plats sont enrobés dans ce matér ie l qui est de ce fait disposé en deux ou trois couches. Des port ions nucléées de cellules sont occa­s ionnel lement rencontrées à ce n iveau . Les f igures de ces auteurs montrent qu ' i ls ont bien observé la présence de péri­cytes. Ils ne ment ionnen t pas de lésions dégénéra t ives particu­lières de ces é léments , et des recherches ultérieures devront mont re r si les cellules mura les de la rét ine sont les seules at teintes, et si cela était le cas , expliquer les causes de cette fragil i té part icul ière.

Les lésions oculaires du d iabè te ont souvent été rapprochées des lésions rénales du synd rome de Kimmels t ie l -Wilson . II est intéressant de savoir quelles sont les cellules qui, d a n s le glo-mérule , sont les homologues des cellules mura les . O n pourrai t penser que les podocytes , avec leurs pro longements très com­plexes, leur capaci té de prol i férat ion, sont des péricytes modi­fiés (ici, le te rme de pér icyte serait tout à fait correct). Tou te ­fois, la démons t ra t ion par Fa rquha r et Pa l ade (1962), de l 'exis tence d ' u n troisième é lément dans le glomérule, la cel­lule mésangia le , qui a des rappor t s étroits avec l ' endo thé l ium d ' u n e part , la m e m b r a n e basa le de l ' aut re , leur a suggéré que celle-ci pourrai t être l ' homologue des cellules murales . Cet te hypothèse nous para î t p le inement justifiée.

Ains i , l ' é tude au microscope électronique des rét ines d iabé­t iques soulève de nouvel les quest ions , tout en conf i rman t la fragil i té élective des cellules mura les . Elle a le méri te , pensons-nous, d 'a t t i rer l ' a t tent ion sur le rôle physiologique de ces dernières , que la microscopie classique avait u n peu délaissées depu i s les t ravaux de Rouge t (1873), Z i m m e r m a n n (1923) et Benninghoff (1926-27).

Page 26: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

DIABèTE ET ALTéRATIONS RéTINIENNES. 119

RÉSUMÉ.

Les auteurs ont c o m p a r é la s t ructure , observée en micro-scopie électronique, des capi l la i res d e la rétine huma ine nor­ma le et de celle de deux d iabé t iques .

Les capil laires n o r m a u x ont u n e paroi complexe où les cellules de Rouge t (cellules m u r a l e s , péricytes) situées dans l ' épa isseur de la m e m b r a n e b a s a l e contractent des relations étroites avec les cellules endothé l ia les .

D a n s le d iabète , les observa t ions électroniques conf i rment la dégénérescence précoce des cel lules murales , décrite par Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961). La formation des anévrysmes diabét iques s ' a c c o m p a g n e d ' u n épaiss issement irrégulier de la m e m b r a n e basa le , d a n s laquelle on trouve de n o m b r e u x débris cellulaires p r o v e n a n t des prolongements des cellules murales nécrot iques . D a n s des s tades plus avancés , l ' endot l ié l ium dégénère à son tour . Enf in , la lumière de l ' anév rysme se comble d ' u n maté r i e l f ibr inoïde.

L a signification et le rôle phys io log ique des cellules mura les sont r ap idement discutés.

Les préparations de microscopie électronique et les micro­photographies ont été réalisées grâce à la collaboration de M™" L. Rosselli et de M. G. Vienne que nous remercions vive­ment ici.

Clinique Ophtalmologique (Prof. P. Danis), Laboratoire d'Anatomie Pathologique (Prof. P. Dustin) et Labora­toire de Microscopie électronique de l'Institut d'Anato­mie, Université libre de Bruxelles.

BIBLIOGRAPHIE.

AAPENAES, O. et H. MOE. Diabètes, 10, 253-259, 1961. ASHTON, N. Adv. Ophthal, 8, 1-84, 1958. BALLANTYNE, A. J. et A. LOEWENSTEIN. Brit. J. Ovhthal, 28, 593-

598, 1944. BARGMAISTN, W. Dtsch. med. Wschr., 83, 1704-1710, 1958.

Page 27: L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE

I 2 0 DISCUSSION.

BARGMANN. W. Histologie und mikroskopisch Anatomie des Menschen. G. Thieme Verlag. Stuttgart, 3. Auflage, 1959.

BENNINGHOFP. A. Z. Zellforsch., 4, 125-170. 1926-1927. BLOODWORTH. J. M. B. Jr. Diabètes, 11, 1-22, 1962. CLARK, E. R. et E. L. CLARK. Ajner. J. Anat., 35, 239-264, 1925. CLARK, E. R. et E. L. CLARK. A7Jier. J. Anat., 35, 265-282, 1925. COGAN,, D. G., D. TOUSSAINT et T. KUWABARA. Arch. Ophthal..

66, 366-378. 1961. FARQUHAR, M. G. et J. F. HARTMANN. Anat. Rec., 124, 288-289. 1956. FARQUHAR, M. G. et G. E. PALADE. J. Cell. Biol., 13, 55-87, 1962. HAGER, H. Acta Neuropath., 1, 9-33, 1961. HOGAN, M. et L. ZIMMERMANN. Ovhthalmic Pathology, Saunders. Phi-

ladelphia, 2d édition, 1962. KISCH. B. Electron microscopy of the cardiovascular System, C. C. Tho­

mas, Springfield. Ist english édition, 1960. LANDERS, J. W., J. L. CHASON. J. E. GONZALEZ et W. PALUTKE.

Lab. Invest., i l , 1253-1259, 1962. MAEDA, J. Jap. J. Ophthal, 3. 37-46, 1959. MAYNARD. E. A., R. L. SCHULTZ et D. C. PEASE. Amer. J. Anat,

100, 409-434, 1957. MISSOTTEN, M. L. Bull. Soc. belge Ophtal, 129, 382-393. 1961. PALADE, G. E. Circulation, 24, 368-384, 1961. PLENK, H. Anat. Anz., 68, 369-377, 1928. RAIMONDI, A. J., J. P. EVANS et S. MULLAN. Acta Neuropath., 2,

177-197. 1962. ROUGET, C. Arch. Physiol. norm. Path., 5, 603-663, 1873. STIENON, L. Arch. int. Med. exp., 7, 231-243, 1932. TOUSSAINT. D. Bull. Soc. belge Ophtal., 123, 530-546. 1960. TOUSSAINT. D. Bull. Soc. belge Ophtal., 129, 428-444, 1961. TOUSSAINT, D., D. G. COGAN et T. KUWABARA. Arch. Ophthal. 67,

42-44, 1962. VIMTRUP, Bj., Z. Anat., 65, 150-182, 1922. VIMTRUP, Bj. Z. Anat., 68, 469-482. 1923. YAMASHITA. P. Arch. Ophthal, 67, 785-790, 1962. ZIMMERMANN, K. W. Z. Anat., 68, 29-109, 1923.