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B U L L E T I N DE

L'ACADEMIE ROYALE DE MEDECINE DE

B E L G I Q U E

V I P SéRIE. — T O M E I I I . — N " i .

{Pages 95 à 120.)

E X T R A I T

Etude au microscope électronique des capillaires rétiniens

chez l'homme normal et diabétique,

par

D. TOUSSAINT e t P. DUSTIN.

BRUXELLES IMPRIMERIE MEDICALE ET SCIENTIFIQUE (SOC. AN.)

67, RUE DE L'ORIENT, 67

1 9 6 3

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Etude au microscope électronique des capillaires rétiniens chez l'homme normal

et diabétique

par

D. TOUSSAINT (*) et P. DUSTIN (**).

P a r m i les diverses al térat ions ré t in iennes rencontrées dans le d iabè te , la format ion de mic roanév rysmes à partir des capil­laires est la plus caractér is t ique et la plus spécif ique (Ballan-tyne et Loewenste in , 1944). Les d iverses é tapes de la dilatat ion locale des capil laires et de la t h r o m b o s e hyal ine secondaire des anévrysmes microscopiques ainsi fo rmés ont été décrites par de n o m b r e u x auteurs (cf. A s h t o n [1958], Hogan et Z i m m e r -m a n n [1962]). Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961) ont mon­tré combien l ' ana lyse de ces lésions était facilitée par une nou­velle mé thode d ' é t u d e des va i s seaux rét iniens examinés sur l ames , après digestion des tissus voisins par la trypsine. Cette ana lyse a mis en év idence u n fai t n o u v e a u : la nécrose précoce des « cellules mura les » ou pér icytes (***) qui forment , avec l ' endo thé l ium et la m e m b r a n e basa l e , la paroi des capil laires rét iniens. Cette nécrose pourrai t ê t re un des p h é n o m è n e s qui facili tent la format ion des d i la ta t ions anévrysmales . Son méca-

(*) Aidé par une s u b v e n t i o n du F o n d s National de la Recherche Scien­t i f ique Médicale (crédit no 253) et par u n « Fight for Sight Grant-in-Aid » d u « National Council to Combat B l l n d n e s s », Inc., New York, N. Y.

( • • ) Aidé par un Crédit aux Chercheurs du Fonds National de la Recher­che Scient i f ique.

(*•*) Nous emploierons dans ce texte le.s termes « cellules murales » et « péricytes » comme synonymes. C o m m e nous le verrons, les études mo­dernes, e n ind iquant la localisation de ces é l éments dans l'épaisseur m ê m e de la paroi vasculaire, d o n n e n t la préférence à l'expression « cellules mura­les ». Ces é l éments sont ident iques a u x cel lules de ROUGET (1873).

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n i sme demeure inconnu (Toussaint , 1960, 1961, 1962) (Plan­che I).

L ' é t u d e en microscopie électronique de ces lésions s 'est heur­tée jusqu ' ic i à deux p rob lèmes : celui de la nécessi té de dispo­ser de matériel fixé d a n s des condi t ions correctes, et celui que pose le repérage exact d ' u n mic roanévrysme dans une pièce incluse. C 'es t ainsi que Bloodworth (1962) qui a consacré des é tudes détail lées à la ré t inopath ie d iabét ique , n ' ava i t pu obser­ver en microscopie é lect ronique que la structure d ' u n capil­laire ne présentant pas de di la ta t ion anévrysmale . Y a m a s h i t a (1962) a observé en microscopie électronique deux anévrysmes d iabé t iques . L ' u n avait été fixé pendan t cinq ans dans l 'alcool avan t d ' ê t r e post-fixé à l ' ac ide osmique pour la microscopie é lect ronique et n e mon t ra que des images diff ici lement inter­pré tab les pour ces raisons techniques . L ' au t r e provenai t d ' u n e p ièce chirurgicale prélevée chez une f e m m e de 52 ans, d iabé­t ique, énucléée pour m é l a n o m e mal in ; on y voyait un ané-vrysme « hyal inisé », mon t r an t une basa le épaissie, et entouré d ' u n e zone hémorrag ique . Sa s t ructure n ' a été étudiée q u ' à de fa ibles grossissements (4.000 x ).

Nous avons eu la possibil i té d ' é tud ie r deux rét ines diabét i­ques fixées à l ' ac ide osmique p e u de t emps après la mor t (entre 10 et 20 minutes) et incluses d a n s de bonnes condit ions. L ' u n e

Abréviations uti l isées : B membrane basale C centrioles End endothé l ium G appareil de Golgl L lumière du capillaii'e Lip goutte le t tes l ipidiques N t i ssu nerveux de la rét ine Np noyau péricytaire (cellule murale) P péricyte ou cel lule murale Pn péricyte en voie de nécrose.

> PLANCHE I.

Préparations de vaisseaux rét iniens examinés à plat après digest ion par la trypsine.

a : rétine normale. Les noyaux péricytaires (P) se d i s t inguent par leur forme arrondie et leur s i tua t ion excentr ique de ceux de l 'endothél ium (cf. p lanches H et III).

b : rétine d'un suje t diabétique. Les cel lules murales apparaissent sous forme d'ombres (« ghost cells »), m a i s la s i tuat ion excentrique de leurs noyaux nécrosés permet a i sément de les ident i f ier (Pn). Deux micro-anévrys-mes s o n t visibles.

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d ' en t r e elles nous a permis de voir en microscopie électroni­que de nombreux anévrysmes , et de suivre toutes les é tapes d e leur format ion et de leur évolution. D ' au t r e part , nous avons c o m p a r é aux images observées celles de deux yeux normaux , énucléés chez des sujets âgés de 50 et de 40 ans, présentant un aspect normal à l ' oph ta lmoscope . Leur é tude nous a permis de mieux comprendre la na ture des cellules mura les et leurs relat ions avec l ' endo thé l ium et la m e m b r a n e basa le des capil­laires rétiniens. Les images observées dans l 'œi l d iabé t ique ne deviennent en effet in terpré tables q u ' à la lumière d ' u n e con­na issance précise de la s t ructure des capil laires normaux . Cette é tude , qui conf i rme le rôle impor tan t des cellules mura les ou péricytes dans les premiers s tades de la ré t inopathie diabéti­que , complè te ainsi les observat ions fai tes par Cogan, Tous­saint et K u w a b a r a (1961).

MATéRIEL ET MéTHODES.

I. Rétines normales.

L a première des ces rét ines est celle d ' u n h o m m e âgé de 50 ans. 11 présente une tumeur pa lpébra le mal igne , é tendue, ini t ia lement Irradiée. U n e intervention chirurgicale plast ique condui t à l ' énucléa t ion du globe devenu non fonct ionnel . La deux ième rétine est celle d ' u n e f e m m e de 40 ans qui est énu-cléée pour tumeur ré t in ienne mal igne , de petit volume, située au n iveau de l ' e space in termaculo-papi l la i re et de t endance ne t tement évolutive.

2. Rétines diabétiques.

L a meil leure qual i té d e la f ixation d ' u n e de nos rétines a eu pour conséquence que la plus g rande par t ie de ce travail est basée sur son é tude . Auss i est-il utile de préciser en quelques l ignes l 'histoire cl inique du cas.

11 s 'agi t d ' u n h o m m e de 38 ans, traité depuis l ' âge de 17 ans pour d iabè te . E n d é c e m b r e 1961, il a présenté un coma pas­sager de na ture mal dé te rminée . 11 entre à l 'hôpi ta l universi­taire Brugmann en c o m a hypog lycémique le 13 avril 1962. L ' e x a m e n des fonds d ' y e u x mon t r e un grand n o m b r e de micro-

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anévrysmes , quelques rares suf fus ions hémorragiques , et quel­ques exsudais crayeux superf ic ie ls . Les artères, bril lantes, sont de cal ibre irrégulier. Les veines sont dilatées, mais de cal ibre régulier. La glycémie r emon te progress ivement de 0,14 à 8,4 et enf in 4,7 gr/1. L ' u r é e passe de 0,88 à 4,40 gr/1. Le m a l a d e n ' a pu être tiré du coma . II présenta i t une anurie complè te . L 'au tops ie , pra t iquée le 24 avril (Dr. G . Carpent) mont re une th rombose de la veine f émora le gauche , avec infarctus pu lmo­naire et b ronchopneumon ie . Le panc réas , atrophié, pèse 15 gr, ma i s ne mont re pas de lésions des îlots. Les reins, légèrement augmentés de volume, sont le siège d e lésions débu tan tes d e glomérulo-sclérose d iabé t ique d e type Kimmels t ie l -Wilson.

La digestion t rypsinique des tissus ré tmiens mont re une impor tan te al tération des pér icytes t ransformés quasi complè­tement en « ghost cells » et des mic roanévrysmes à parois pré­sentant une mult ipl icat ion ne t te des cellules endothéliales. Les f r agment s de rét ine mis à plat et inclus en gélatine mont ren t une infil tration l ipoïdique impor t an t e des parois anévrysmales et des parois artériolaires. Il existe par ailleurs une g rande quant i té de lésions soudanoph i l e s au niveau de la couche ple-xi forme externe.

3. Techniques de microscopie électronique.

a) Prélèvement. — L ' énuc l éa t i on est suivie de l 'ouver ture imméd ia t e du globe oculaire ; la rét ine est isolée des aut res tissus oculaires et f ixée à l ' a c ide osmique t a m p o n n é à I %. L a f ixation est réalisée que lques minu t e s après l 'énucléat ion pour ce qui concerne les rét ines no rmales , 20 minutes après le décès pour la première rét ine d i abé t ique et 10 minutes après le décès pour la seconde. A p r è s environ 20 minutes de fixation de la rét ine entière à l ' ac ide osmique , elle est retirée du f ixateur et d isséquée, sous contrôle d e la loupe binoculaire, en f r agmen t s de 2 m m de côté choisis aux endroi ts présentant des micro­anévrysmes (ces lésions sont f ac i l emen t repérables en raison de leur coloration noire sur fond h a v a n e des tissus rét iniens sains) Les f r agment s sont ensu i te replongés dans le f ixateur .

b) Fixation. — La f ixat ion à l ' ac ide osmique à 1 % t a m ­p o n n é (selon Pa lade) à p H 7,3 a été d ' u n e durée d ' u n e heu re , entre 0" et 4" C.

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c) Déshydratation. — Les f r agmen t s subissent deux ba ins successifs d 'a lcool à 70" duran t chacun 10 minu te s ; deux bains successifs de m ê m e durée d 'a lcool à 90", et enf in trois ba ins successifs d 'a lcool absolu duran t chacun 30 minutes .

d) Inclusion. — Les f r agment s sont introduits dans une solu­tion à volumes égaux de méthacry la te de méthyle (formule de Pa lade) et d 'a lcool absolu p e n d a n t 30 minutes ; puis dans deux ba in s successifs d e 30 minu tes chacun de méthacry la te sans alcool et enf in pendan t 60 minu tes d a n s du méthacry la te addi­t ionné de catalyseur (Porofor Bayer). Les f ragments sont ensuite mis en capsule et placés à l ' é tuve à 45" C pendan t 48 heures . Les blocs de méthacry la te sont coupés au micro tome Porter-Blum avec couteau de d i aman t . Nous avons inclus 10 f r agment s pour chaque rét ine normale et 30 f r agmen t s pour chaque rét ine d iabé t ique . Les blocs de mé thac ry la t e sont examinés par trans­p a r e n c e (le bloc est d i rec tement p lacé sur le condensa teur d ' u n microscope optique) : nous repérons ainsi l ' emp lacemen t exact des lésions vasculaires. Nous nous sommes servis éga lement pour le repérage , de coupes semi-f ines colorées par la m é t h o d e de Gomor i à l 'urot ropine et au ni t ra te d ' a rgen t . Le microscope é lect ronique utilisé est un S iemens E lmiskop I, sous tension de 80 Kv, util isant deux condensa teurs . Les coupes recueillies sur grilles sont recouvertes d ' u n f i lm de ca rbone évaporé sous vide. Nous avons pris environ 100 pho tograph ies au n iveau des lésions anévrysmales des capil laires .

OBSERVATIONS PERSONNELLES.

Nous décrirons tout d ' a b o r d la s tructure des capil laires réti­n iens normaux , qui a été l 'ob je t d ' é t udes électroniques de Bloodworth (1962), de M a e d a (1959) et de Missotten (1961). Nous les complé terons sur cer ta ins points .

^ PLANCHE II. — Rét ine h u m a i n e noi-male.

Photomontage de quatre mlcrophotog iaphies électroniques, montrant la s i tua t ion des péricytes et de l ' endothé l ium par rapport à la lumière capil­laire. Celle-ci cont ient un globule i-ouge iGR). Le noyau d'un péricyte (Np) présente une forme arrondie, avec u n e encoche correspondant à la région de l'appareil de Golgi qui entoure les deux centrioles (C). L:i membrane basale entoure de nombreux pro longements péricytah-es (F).

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1. Rétines normales.

Les capil laires sont en rapport direct avec les structures nerveuses avoisinantes, cellules gangl ionnaires , f ibres ner­veuses et cellules gliales, qui p rennen t appu i sur la par t ie la p lus externe de leur m e m b r a n e basa le . L a qual i té de la fixa­tion était vérifiée par la conservat ion par fa i te de structures dél icates c o m m e les neurof i laments . Nous n ' a v o n s pas é tudié d a v a n t a g e le tissu nerveux qui présente une grande densi té , les cellules é tant , c o m m e dans le sys tème nerveux central , étroi­t emen t en contact les unes avec les autres .

N o u s décr i rons les capil laires en al lant de l ' intér ieur vers l 'extér ieur et en insistant sur cer ta ines complexi tés de leur paroi en relation avec la présence des cellules mura les .

Les cellules endothél ia les (Planches II, 111 et IV) présentent un cy top lasme clair contenant un ré t iculum endop lasmique b ien déve loppé , avec d 'assez n o m b r e u x r ibosomes et un grand n o m b r e de vacuoles de micro-pinocytose. De plus, cer taines micropf io tographies montrent de f ines s t ructures fibril laires in t racy toplasmiques sur la na ture desquel les nous ne pouvons nous prononcer . Les noyaux, ovalaires , ont une cf i romatine pé r iphér ique assez dense , sauf aux endroi ts où la double m e m ­b r a n e nucléai re est in ter rompue par des pores qui sont parfois très visibles (Planche IV). U n e semblab le disposit ion de la c h r o m a t i n e s 'observe au n iveau des cellules mura les (Plan­c h e III). Il ne semble pas que les régions pauvres en chroma­t ine et cor respondant aux pores nucléaires , soient l ' e f fe t d ' u n a r té fac t de f ixat ion. Les cellules endothél ia les sont en contact

> PLANCHE m . — Rét ine h u m a i n e normale.

Relat ions d'un péricyte avec la paroi capillaire. Le noyau du péricyte (Np) est for tement coloré. On note un aspect dis­

c o n t i n u de la chromatine au contact de la membrane nucléaire, vis-à-vis des pores de celle-ci. Les centrioles (C) sont entourés par u n appareil de Golgi (G) très développé. Entre la cel lule murale et l ' endothél ium (iT.ndi se glisse, dans l'épaisseur de la membrane basale, u n prolongement d'un péricyte (P). D'autres prolongements (F) s'observent à la partie supérieure de la planche. A noter l'absence de fibres dans les cel lules péricytaires. dont les prolongements ont un aspect plus clair que le cytoplasme de la ce l lule endothél iale . La membrane basale (B), de nature homogène, entoure les pro longements des péricytes. Elle présente plusieurs zones amincies, ind iquées par des f lèches, où le cytoplasme endothél ia l n'est séparé de celui des péricytes que par u n très mince espace.

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les unes avec les autres par des l ignes souvent obliques, les cellules se recouvrant par t ie l lement . Ces l ignes de contact sont par t icul ièrement denses, et ont la signification de desmosomes . Les Images observées aux forts grossissements ne montrent pas la présence d ' u n e subs tance intercellulaire part iculière. L ' en -do thé l ium des vaisseaux rét iniens ne présente pas de pores ana logues à ceux observés d a n s le rein et cer taines g landes endocr ines (Bargmann, 1958, 1959). L ' appa re i l de Golgi et les mi tochondr ies sont peu développés . Nous n ' y avons observé que ra rement des centrioles.

Les cellules endothél ia les s ' a p p u y e n t sur une m e m b r a n e basa l e anhiste , analogue aux m e m b r a n e s rencontrées dans de n o m b r e u x tissus de l 'o rganisme. Cette m e m b r a n e ne contient a u c u n e f ibre col lagène ou élas t ique. O n y aperçoit assez souvent , surtout à sa part ie la plus externe, des zones claires d ' a l l u re vacuolaire dont la signification exacte nous é c h a p p e (P lanche IV). Il ne semble toutefois pas qu ' i l s 'agisse d ' a r t é -fac t s ni de p h é n o m è n e s de dégénérescence associés à l ' âge , c o m m e le suppose Missotten ( l % l ) qui a décrit des lacunes semblab les .

L ' épa i s seur de cette m e m b r a n e basale , là où elle est régu­lière, est d ' env i ron 0,2 a . C e p e n d a n t , elle varie considéra­b lemen t d ' u n endroit à l ' aut re , du fait de ses relat ions com­plexes avec les cellules endothél ia les et mura les . En ce qui concerne les premières , nous avons observé des images qui suggèrent qu ' i l peut exister à cer tains endroits deux couches de cellules endothél ia les séparées par une l ame de subs tance

• > PLANCHE IV. — Rét ine humaine normale.

Relat ions des prolongements des péricytes (P) avec la membrane basale (B) : on remarque que la basale se divise de part et d'autre des prolonge­ments , et qu'elle est plus mince que sur le versant endothél ia l de ceux-ci. A ce niveau, on observe à u n endroit (f lèche) des relations complexes entre cel lules murales et endothél ium, qui ne sont séparées que par u n mince interstice. Noter l'aspect clair non fibrillaire des bras des péricytes, qui ne cont i ennent que quelques pet i tes vésicules sans ribosomes. Le cyto­plasme des cel lules endothél ia les (End) s i tuées de part et d'autre de la lumière vasculaire (L) cont ient beaucoup plus d'organites. Le noyau endo­thél ial , à gauche, montre une chromat lne périphérique avec des interrup­t ions a u niveau de pores nucléaires, analogues à celles d u noyau péricytaire de la p lanche III.

Dans sa partie la plus externe, la basale présente quelques zones claires, d'aspect vacuolaire (Vac) dont la s ign i f i cat ion n'est pas connue.

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basale . La topographie exacte des relat ions de ces cellules est complexe et il ne peut être exclu que la cellule la plus pro­fonde , dont on ne voit que des languet tes cytoplasmiques , soit d e na ture mura le .

Les péricytes ou cellules mura les appara issen t sous deux aspects , selon que l 'on observe une coupe passant par leur corps cellulaire ou une coupe de leurs longs prolongements . L e noyau , plus rond que celui des cellules endothél ia les , fait saillie à la surface du capil laire, c o m m e faisaient prévoir les observat ions de microscopie opt ique (Planches 11, III, IV) ; il est dense , à l 'except ion de la par t ie centrale et des régions voisines des pores de la m e m b r a n e nucléai re .

Cont ra i rement à celui des cellules endothél ia les , le cyto­p l a s m e se dist ingue surtout par le grand déve loppement de l ' appare i l de Golgi qui est d isposé dans la par t ie de cyto­p l a s m e la plus proche de l ' endo thé l ium au voisinage direct d ' u n d ip losome (Planche III). Nous avons été f r appés par la f r équence relat ive des centrioles des cellules mura les qui con­t ras te avec celle de l ' endo thé l ium, mais qui tient peut-être au carac tère plus arrondi, plus ramassé , de la part ie nucléaire et juxta-nucléai re de ces cellules. Les mi tochondr ies et le ré t icu lum endop lasmique sont peu déve loppés .

Les p ro longements des cellules mura les se retrouvent tout le long de la p lupar t des capi l la ires (P lanche IV). Notons cependan t que nous avons observé que lques capil laires appa ­r e m m e n t dépourvus de cellules mura l e s au n iveau de la coupe . Ces p ro longements sont formés d ' u n cy top lasme très clair, ne con tenan t que quelques rares peti tes vacuoles de pinocytose, p a s de r ibosomes, très peu de mi tochondr ies et un rét iculum e n d o p l a s m i q u e très peu développé . Cet aspect (( vide » con­traste avec celui du cy top lasme des cellules endothél ia les . Nous n ' a v o n s j amais observé dans le cy top lasme de ces cellules d e s s tructures fibrillaires qui pourra ien t ê t re homologuées à des fibrilles muscula i res lisses (Missotten, 1961). A u contraire , ce cy top lasme est moins fibril laire que celui des cellules endo­thél ia les (P lanches III et IV).

Les relat ions des p ro longements pér icytai res avec la m e m ­b r a n e basa le et avec l ' endo thé l ium sont par t icul ièrement impor tan tes en ce qui nous concerne . Ces p ro longements sont

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situés d a n s l ' épaisseur m ê m e de la basa le , ce qui justifie le te rme de cellules mura les . Le plus souvent la m e m b r a n e sépa­rant les cellules mura les de l ' endo thé l ium est plus mince que celle qui les sépare des structures nerveuses (P lanche II). L ' épa i sseur de cette m e m b r a n e varie d ' u n endroit à l ' a u t r e : nous avons observé plusieurs endroi ts où la couche de sub­s tance hyal ine f o n d a m e n t a l e s 'amincissa i t cons idérab lement , laissant p ra t iquement en contact les m e m b r a n e s des cellules mura les et des cellules endothél ia les (Planches III et IV).

Ces régions, dont la topographie est assez complexe , cor­respondent aux « trous » décri ts par Missotten (1961): il ne s 'agi t pas d 'ouver tures , et rien ne démon t re que la subs tance f o n d a m e n t a l e soit complè temen t absen te au n iveau de ces régions. Il s 'agi t donc d ' aminc i s semen t s localisés, qui doivent permet t re des connexions physiologiques étroites entre endo-thél ium et pér icytes . U n e image ana logue a été publ iée par Pa l ade (1961) d a n s une étude des capil laires du c œ u r du rat .

II semble que les p ro longements de plusieurs cellules mura les puissent s ' en t remêle r . Bien que ce p rob lème ne puisse être résolu que par des coupes en série, des images où l 'on observe, entre le cy top lasme pér inucléai re d ' u n e cellule mura le et l ' en­do thé l ium, des p ro longements ana logues à ceux que nous venons de décrire, s ' exp l iquent plus a isément si l 'on imagine que ces p ro longements proviennent d ' u n autre pér icyte que celui dont le noyau est visible (P lanche III).

D a n s la rét ine normale , nous n ' a v o n s observé, ni dans l ' endo thé l ium ni d a n s les cellules murales , de gouttelet tes lipi­diques ou d ' a m a s de ferrit ine. De plus, à l ' except ion des images vacuolaires peut-être artificielles men t ionnées plus hau t , on ne rencont re aucune s tructure ni aucun débr is d ' a u c u n e sorte dans les m e m b r a n e s basa les .

2. Rétines diabétiques.

Les micro-anévrysmes montrent en microscopie é lectronique des images très var iables , qui vont de lésions min imes de l ' endo thé l ium et des m e m b r a n e s basales , à un épaiss issement cons idérable de la basa le , avec nécrose et dispari t ion de l ' en­do thé l ium, about issant à la th rombose avec hémorrag ies péri-

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io8 LECTLRE. — D . TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

anévrysmales . D a n s tous les cas où le fait a pu être vérif ié, des lésions graves des cellules mura les ont été observées, et aucune cellule mura le intacte n ' a été rencontrée dans les rét ines de nos deux cas de d iabète . Nous décr i rons les lésions par ordre d ' in tens i té , en men t ionnan t éga lement les altérations que nous avons rencontrées dans le tissu nerveux au voisinage des vaisseaux altérés.

a) Lésions débutantes. — Parmi les p h é n o m è n e s les plus discrets, il faut signaler l ' accumula t ion de quelques gouttes l ipidiques d a n s l ' endothé l ium, par ailleurs normal . Ce phéno­m è n e est à met t re en rappor t avec le dépôt de gouttelettes semblab les dans les cellules mura les (Planche V) et parfois dans des cellules d u tissu nerveux, p robab lemen t de na tu re gliale. Par ailleurs, une des modif ica t ions de l ' endothé l ium f r é q u e m m e n t rencontrée , et qui conf i rme les observat ions faites en microscopie opt ique par Cogan, Toussa in t et K u w a b a r a (1961), est son hyper t rophie . Les noyaux, normalement allon­gés, augmen ten t de volume et leurs contours deviennent décou­pés. Le n o m b r e de cellules endothél ia les para î t augmenter , c o m m e le mont ren t cer ta ines images de capil laires dont la lumière est p resque virtuelle, t rop pet i te pour laisser passage à un globule rouge.

La m e m b r a n e basa le subit p récocement un épaiss issement : alors que son épaisseur normale ne dépasse pas 0,5 u. d a n s les régions où il n ' y a pas de cy top lasme péricytaire, elle atteint régul ièrement i ij. et plus dans les capil laires en voie d ' a l t é ra t ion . D a n s l ' épa isseur de cette basa le , on trouve souvent des débr i s sur la na tu re desquels nous reviendrons .

E n ce qui concerne les péricytes, nos observat ions sont l imitées à des images f ragmenta i res et à un petit n o m b r e d 'obse rva t ions ma i s elles permet tent c ependan t de conf i rmer les fai ts décrits par Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961). La

^ PLANCHE V. — Rét ine diabét ique (cas 2).

Un capillaire coupé longi tudinalement . et contenant dans .sa lumière u n leucocyte (Leuc. ). En bas. la membrane basale (B) e.st légèrement épaissie (environ 0.5 /i). En haut , elle entoure u n amas de cytoplasme paraissant mal f ixé et c o n t e n a n t une gout te le t te l ipidique (Lip): il s'agit d'un frag­ment de cel lule murale (Pn) en voie de nécrose. Le t issu nerveux voisin (N) est normal.

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I l O LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

p lanche VII mon t re une part ie d ' u n c h a m p microscopique d a n s lequel la topographie des lésions était par t icul ièrement claire. O n notera la présence d ' u n e cellule for tement altérée, ne mont ran t plus de noyau colorable, et occupant la situation excentr ique qui est celle des cellules mura les . Cette cellule « f a n t ô m e >i est tout entière entourée par la m e m b r a n e basale , ce qui pe rmet d ' a f f i r m e r qu' i l s 'agi t b ien d ' u n const i tuant de la paroi capi l la ire et non d ' u n e cellule advent ice ou nerveuse. La nécrose en t ra îne des images parfois homogènes , parfois granuleuses , avec quelques lamelles qui évoquent celles de l ' appare i l de Golgi ou de mi tochondr ies (Planche VI) . O n observe aussi quelques granulat ions plus denses qui pourraient ê t re de na tu re ferrugineuse .

Si l 'on se reporte ma in tenan t aux nombreuses images obser­vées d a n s d ' au t r e s capillaires, on est f r a p p é par la ressem­blance ent re cette cellule mura le nécrot ique et les nombreux débris que l 'on rencontre dans l ' épaisseur de la m e m b r a n e basa le épaiss ie . La p lanche V mont re un a m a s cellulaire mal déf in i , con tenan t une grosse enclave l ipidique. Sa situation est t yp iquemen t celle du pro longement d ' u n péricyte. L a plan­che VI se r appor te à des lésions plus avancées ; la basa le (ou plutôt la paroi vasculaire) est ici épaisse de 1 ij.. Elle est fo rmée de matér ie l ana logue aux m e m b r a n e s basa les normales , et de débr is cellulaires, parfois plus ou moins lamellaires, mêlés de gouttes l ipidiques. Des débris ana logues ont été ren­contrés typ iquement dans tous les anévrysmes examinés , et nous croyons que leur origine ne peut s ' expl iquer que par la nécrose des cellules murales . En effet , l ' on notera que les cellules endothél ia les , à ce s tade, sont plutôt hyper t rophiées et ne mont ren t aucun signe de lyse, et que le tissu nerveux voisin n 'es t le siège que de lésions peu impor tan tes : on peut

> PLANCHE VI. — Rétine diabét ique (cas 2).

Paroi très altérée d'un microanévrysme. La lumière (L) dont on ne voit qu'une pet i te partie, cont ient un globule rouge (GR) L'endothél ium (End) apparaît hypertrophique. La basale (B) est épaisse de plusieurs fi. Elle cont i ent de nombreux débris cellulaires provenant d'un péricyte (P) dont on dis t ingue encore quelques s tructures membranaires cytoplasmiques. Plu­sieurs gout te le t te s l ipidiques (Lip) t émoignent de l 'existence de processus nécrobiotiques. A certains endroits (Pn), on ne d is t ingue plus que des dé­bris informes, dont l'origine péricytaire est très probable.

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I 12 LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

en effet y rencontrer des a m a s denses de na ture ferrugineuse probable , et quelques gouttelettes graisseuses.

Dans les s tades plus avancés , on va voir l ' endothé l ium subir à son tour des al térat ions irréversibles. D a n s les plus gros anévrysmes observés, il n ' y avait plus aucune cellule entre la lumière rempl ie d ' h é m a t i e s et la basa le épaissie. La perméa­bilité vasculaire est alors modif iée , et des hémat ies intactes se rencontrent f r é q u e m m e n t en dehors des vaisseaux. Enf in , dans des lésions qui para issent correspondre aux anévrysmes « hyahnisés » de la microscopie optique, on trouve dans la lumière des a m a s d ' u n e subs tance peu t ransparente , disposée d e façon irrégulière, sans structure fibrillaire évidente. Nous pensons qu ' i l s 'agi t là de la subs tance hyal ine ou fibrinoïde, b ien que nous n ' a y o n s aucune preuve structurelle de la pré­sence de f ibr ine avec sa périodici té caractér is t ique. Des dépôts f ibr inoïdes para issent débuter au contact de la basale des capil laires di latés. O n peut donc résumer les phénomènes produits par le d iabè te dans les capil laires rét iniens de la façon suivante : épaiss issement d e la basa le qui peut contenir des débris cellulaires p rovenan t de la nécrose précoce des cellules murales , dépôts l ipidiques dans l ' endothé l ium, les péricytes et les tissus voisins, hyper t roph ie de l ' endo thé l ium par endroits, hémorragies , dispari t ion de l ' endo thé l ium dans les zones ané-vrysmales , th rombose progressive des vaisseaux dilatés. La disposit ion a n a t o m i q u e part icul ière des cellules mura les et leur fragili té dans le d iabè te , rendent pa r fa i t emen t compte des débris rencontrés dans la paroi des capil laires dilatés. Toute ­fois, le m é c a n i s m e d 'épa i ss i s sement de la basa le , conduisant à la nécrose endothé l ia le et à la rupture ou à la thrombose, d e m e u r e inconnu.

> PLANCHE VII. — Rét ine diabét ique (cas 2).

Paroi d'un capillaire en voie de di latat ion anévrysmale. L'endothél ium (End), dont on aperçoit la l imite nucléocytoplasmique. est encore intact, p lu tô t hypertrophié. La basale se dédouble pour enserrer une masse cyto-plasmique nécrot ique (Pn) contenant quelques s tructures granulaires et lamellaires: il s'agit d'un péricyte néci'otique, comme la comparaison avec les p lanches II et III permet de s'en assurer. Le t issu nerveux voisin con­t ient quelques amas de f ins granules très opaques (Pe), s i tués dans une cel lule névroglique, e t de nature ferrugineuse probable. Cette image cor­respond exactement à celle des péricytes nécrot iques ou « ghost cells » vue en mici'oscopie opt ique (planche I).

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114 LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

DISCUSSION.

D a n s leurs grandes lignes, nos documents rejoignent ceux de Y a m a s h i t a (1962), qui, rappelons- le , n ' ava i t observé q u ' u n seul anévrysme fixé dans d e bonnes condit ions. Ils conf i rment p le inement à l 'échel le de la microscopie électronique les obser­vations de Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961) sur la nécrose des péricytes. Rappe lons que ces auteurs , en décrivant cette nécrose au vois inage des zones anévrysmales , alors qu 'a i l leurs les cellules mura les pouvaien t être intactes, avaient appor té un a rgument important à la thèse selon laquelle cette nécrose entraînai t la t ransformat ion anévrysmale .

L ' i m p o r t a n c e des cellules mura les est ainsi soulignée, et nous voudrions à ce sujet rapprocher nos observat ions de quel­ques autres t ravaux sur la s tructure normale des capillaires, car elles peuvent jeter que lque lumière sur la fonct ion des cellules découvertes par Rouge t .

Les l imitations de la microscopie opt ique appara issent clai­rement à la lecture des t ravaux relatifs aux cellules de Rouget . Malgré la monograph i e r e m a r q u a b l e de Z i m m e r m a n n (1923), p resqu 'en t i è rement basée sur l 'ut i l isat ion de la m é t h o d e de Golgi, qui met très bien en év idence la forme complexe de ces grandes cellules, leur si tuat ion exacte par rappor t à la paroi capil laire ne fut précisée que par la microscopie élec­tronique. E n effet , pour Clark et Clark (1925), les cellules de Rouget , é tudiées chez des larves d ' A m p h i b i e n s , étaient des é léments mobi les du tissu conjonctif qui s 'accola ient aux capil laires en déve loppan t seconda i rement des pro longements entourant par t ie l lement ceux-ci . Ces auteurs , ayant observé la contracti l i té de capi l la ires d a n s des régions dépourvues de péricytes, nient que ces cellules aient une fonction vasomo-trice, hypothèse qui avait été d é f e n d u e par V i m t r u p (1922, 1923). Pour cet auteur , les péricytes sont les homologues des cellules musculai res lisses des artérioles terminales , et aura ient une fonction contract i le semblab le , chez les A m p h i b i e n s . Les relat ions entre péricytes et cellules adventiciel les sont discutées par Benninghoff (1926). 11 mon t r e que les premières n ' on t pas de fibril les ana logues à celles de f ibres musculai res lisses. Les cellules adventiciel les seraient pour lui des péricytes mobil isés.

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11 mont re leurs propr ié tés a throcyta i res , au niveau des capil­laires veineux de l ' ép ip loon du c o b a y e . Son point de vue est r é sumé par les conclusions su ivan tes : « les cellules advent i -cielles situées p ro fondémen t d a n s la paroi capillaire sont iden­t iques aux cellules de Rouget ». « Les péricytes se comportent c o m m e des f ibrocytes a t tachés à la paroi vasculaire. Elles n e sont pas des structures p e r m a n e n t e s c o m m e les cellules mus­culaires, mais des hôtes mobi les (« un ruh ig ») de la paroi . » P lenk (1928), dans une é tude des pér icytes du système nerveux central du Chat et du Ra t d o n n e u n e excellente illustration de leur localisation dans l ' épa i s seur m ê m e de la basale . Ils sont distincts des cellules advent ic ie l les de Marchan t , qui sont des f ibrocytes b a n a u x . St iénon (1932) adme t que les péricytes exercent une fonct ion contract i le régulatr ice du débit capil laire, sans qu ' i l s 'agisse de cellules muscu la i res . Cet auteur n ' a pu met t re en évidence aucune connec t ion entre les f ibres ner­veuses et les péricytes. U n e é t u d e his tochimique récente de Lande r s et coll. (1962) indique q u e les péricytes du cerveau du rat se r approchen t des cel lules muscula i res lisses, par leur r ichesse en adénos ine t r i phospha t a se ma i s elles diffèrent des cellules rét iculo-endothél iales p a r l ' absence de phospha tase acide .

L a microscopie é lectronique allait dès 1956 apporter des documen t s inf in iment plus précis sur les relat ions des péricytes avec la paroi capil laire, re la t ions qui ne pouvaient être que soupçonnées par la microscopie op t ique .

Fa rquha r et H a r t m a n n (1956) d a n s une brève note, relatent leurs observat ions des capi l la i res cérébraux chez l ' h o m m e et chez le chat . Sans m e n t i o n n e r les cellules de Rouget , il est clair que leur descript ion s ' y rappor te : « Le carac tère un ique des capil laires cé réb raux . . . est l 'exis tence d ' un é lément cel lulaire . . . complè temen t enser ré d a n s des compar t iments fo rmés par le cl ivage de la ba sa l e . Ces cellules ont une fo rme al longée, avec leur long axe para l lè le à celui des capil laires. Leur cy top lasme cont ient les s t ructures habituel les. Leurs noyaux sont un peu plus denses que ceux de l ' endothé l ium, et font saillie en s ' é lo ignant de la lumière des capillaires ». O n reconnaî t ra les carac tères que n o u s avons décrits plus hau t .

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LECTURE. — D. TOUSSAINT ET P. DUSTIN.

M a y n a r d , Schultz et Pease (1957) ont éga lement étudié les capil laires cérébraux du rat . Ils ont retrouvé des cellules com­plè tement enserrées par la m e m b r a n e basale . Leur cytoplasme ne ressemble pas à celui des f ibres musculaires lisses bien d i f férenciées . Leur si tuation d a n s la m e m b r a n e basa le est c ependan t ana logue à celle des f ibres muscula i res des arté-rioles. Elles seraient « une fo rme peu déve loppée ou primitive de cellules muscula i res lisses ». Les auteurs ment ionnent de p lus un fait que l 'on retrouve d a n s la r é t ine : l ' absence de pores de l ' endothé l ium.

B a r g m a n n (1958) a é tudié la s tructure des capil laires de la moel le osseuse du cfiat dont il donne une bonne représenta­t ion. 11 pense que ces cellules n ' o n t pas une fonct ion con­tractile, ma i s jouent un rôle d a n s les échanges à travers la paroi vasculaire.

M a e d a (1959) examine les capi l la i res rét iniens de l ' h o m m e et les décrits c o m m e formés de cellules endothél ia les reposant sur une m e m b r a n e basa le qui contient des péricytes et est entourée de cellules gliales.

Kisch (1960), dans une descript ion des capil laires du muscle et du cœur , reproduit que lques photographies électroniques de péricytes typiques. 11 n ' a pas é tudié la s tructure de leur cy toplasme, et ne men t ionne ni leur apparei l de Golgi ni leurs centrioles.

H a g e r (1961) a repris l ' é tude des capil laires cérébraux chez le H a m s t e r . 11 décrit la s i tuat ion des f ibres muscula i res des plus peti tes artérioles, et des péricytes des capil laires, qui sont tous deux situés d a n s l ' épa isseur de la basa le . 11 décrit les aminc i s sements de la paroi qui enserre les péricytes et que nous avons signalés plus hau t . 11 conclut que la signification fonct ionnel le de ces cellules n ' e s t pas claire. Les cellules adventiciel les seraient , elles, contenues dans un véri table e space pénvascu la i re , qui n ' ex is te q u ' a u n iveau des veines et des artères, et non des capil laires . Il défini t les péricytes par leur situation dans la m e m b r a n e basa le dédoublée . C 'es t pour cette raison que nous préférons le te rme de « cellule mura le », qui ne prête pas à confus ion avec des é léments situés autour des capil laires. Des cellules ident iques ont été décri tes par R a i m o n d i et coll. (1962) dans le cerveau du Chat , au cours

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d ' u n e é tude sur l ' œ d è m e cérébra l . Ces auteurs ont fixé leurs tissus par perfus ion de formol sa lé t a m p o n n é addi t ionné de sucrose à 7,5 %. L ' é t u d e d e la pe rméab i l i t é capil laire, réalisée au moyen d e ferri t ine, mon t re que cet te volumineuse molécule est c apab l e de traverser la paroi et migrer jusque dans le cyto­p la sme des cellules gliales voisines.

Ces é tudes de microscopie é lec t ronique de tissus no rmaux conf i rment ent ièrement nos observa t ions sur l 'œi l h u m a i n normal . Nous avons pu ajouter à ces observat ions la descrip­tion de l ' appare i l de Golgi et des centr ioles de péricytes, struc­tures qu ' i l est intéressant de me t t r e en rappor t avec l 'obser­vat ion anc ienne (Benninghof , 1926-27), de mitoses péricy-taires. Nous avons aussi attiré l ' a t t en t ion sur la complexi té des relat ions entre la basa le et les péricytes, et sur les zones d e contact entre cellules mura les et endothé l ium, dé jà obser­vées par H a g e r (1961), Pa l ade (196!) et Mîssotten (1961). Cont ra i rement à ce dernier , nous n ' a v o n s pas observé de struc­tures fibrillaires dans le cy top l a sme des péricytes. C o m m e nous l ' avons ment ionné , des f ibri l les très grêles sont plus fré­q u e m m e n t visibles dans le cy top l a sme des cellules endothé-liales que dans celui des cellules mura les , qui est particuliè­r emen t (( v ide », dès que l 'on se t rouve à quelque dis tance du noyau . Par ailleurs, nous c o m p r e n o n s m a l l ' a f f i rmat ion selon laquel le la m e m b r a n e basa le serait d e na ture élastique. Cette conclusion s ' a p p u i e sur sa colorabi l i té par la mé thode de Weige r t dans certaines c i rcons tances . Elle est en contradic­tion avec les données classiques et mode rnes sur la structure des capil laires. La m e m b r a n e b a s a l e présente en microscopie é lect ronique le m ê m e aspect anh i s t e et non structuré que l 'on re t rouve dans de nombreux tissus, pa r exemple au niveau du glomérule rénal .

Nos observat ions ne pe rme t t en t p a s de conclusions sur la fonct ion des cellules mura les . L a co ïnc idence de leur dégéné­rescence avec de graves a l té ra t ions de la paroi appor te peut-être u n documen t en faveur de l ' h y p o t h è s e d ' u n rôle t rophique de ces é léments . La présence d ' u n appare i l de Golgi déve­loppé , d ' u n e basophi l ie cy top la smique assez marquée au voi­s inage du noyau , où les r ibosomes sont nombreux est en accord avec cette hypothèse .

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LECTURE. — D. TOU.SSAINT ET P. DU.STIN.

L a dégénérescence élective des péricytes rét iniens dans le d iabè te soulève d ' impor t an t s p rob lèmes histophysiologiques qui d e m a n d e n t de nouvelles recherches . Il conviendrai t d ' é tu­dier de plus près les péricytes dans d ' au t re s localisations chez des sujets d iabét iques . Seuls, A a f e n a e s et Moë (196!) ont observé, en microscopie électronique, les capil laires de la pu lpe digitale des orteils chez deux sujets n o r m a u x et quatre d iabét iques . Ils notent que d a n s le d iabète , la paroi capillaire s épaissit par des dépôts de subs tance ayant la m ê m e struc­ture et la m ê m e densi té que la subs tance basa le . Ils ont observé que très f r é q u e m m e n t , des processus cytoplasmiques plats sont enrobés dans ce matér ie l qui est de ce fait disposé en deux ou trois couches. Des port ions nucléées de cellules sont occa­s ionnel lement rencontrées à ce n iveau . Les f igures de ces auteurs montrent qu ' i ls ont bien observé la présence de péri­cytes. Ils ne ment ionnen t pas de lésions dégénéra t ives particu­lières de ces é léments , et des recherches ultérieures devront mont re r si les cellules mura les de la rét ine sont les seules at teintes, et si cela était le cas , expliquer les causes de cette fragil i té part icul ière.

Les lésions oculaires du d iabè te ont souvent été rapprochées des lésions rénales du synd rome de Kimmels t ie l -Wilson . II est intéressant de savoir quelles sont les cellules qui, d a n s le glo-mérule , sont les homologues des cellules mura les . O n pourrai t penser que les podocytes , avec leurs pro longements très com­plexes, leur capaci té de prol i férat ion, sont des péricytes modi­fiés (ici, le te rme de pér icyte serait tout à fait correct). Tou te ­fois, la démons t ra t ion par Fa rquha r et Pa l ade (1962), de l 'exis tence d ' u n troisième é lément dans le glomérule, la cel­lule mésangia le , qui a des rappor t s étroits avec l ' endo thé l ium d ' u n e part , la m e m b r a n e basa le de l ' aut re , leur a suggéré que celle-ci pourrai t être l ' homologue des cellules murales . Cet te hypothèse nous para î t p le inement justifiée.

Ains i , l ' é tude au microscope électronique des rét ines d iabé­t iques soulève de nouvel les quest ions , tout en conf i rman t la fragil i té élective des cellules mura les . Elle a le méri te , pensons-nous, d 'a t t i rer l ' a t tent ion sur le rôle physiologique de ces dernières , que la microscopie classique avait u n peu délaissées depu i s les t ravaux de Rouge t (1873), Z i m m e r m a n n (1923) et Benninghoff (1926-27).

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RÉSUMÉ.

Les auteurs ont c o m p a r é la s t ructure , observée en micro-scopie électronique, des capi l la i res d e la rétine huma ine nor­ma le et de celle de deux d iabé t iques .

Les capil laires n o r m a u x ont u n e paroi complexe où les cellules de Rouge t (cellules m u r a l e s , péricytes) situées dans l ' épa isseur de la m e m b r a n e b a s a l e contractent des relations étroites avec les cellules endothé l ia les .

D a n s le d iabète , les observa t ions électroniques conf i rment la dégénérescence précoce des cel lules murales , décrite par Cogan , Toussa in t et K u w a b a r a (1961). La formation des anévrysmes diabét iques s ' a c c o m p a g n e d ' u n épaiss issement irrégulier de la m e m b r a n e basa le , d a n s laquelle on trouve de n o m b r e u x débris cellulaires p r o v e n a n t des prolongements des cellules murales nécrot iques . D a n s des s tades plus avancés , l ' endot l ié l ium dégénère à son tour . Enf in , la lumière de l ' anév rysme se comble d ' u n maté r i e l f ibr inoïde.

L a signification et le rôle phys io log ique des cellules mura les sont r ap idement discutés.

Les préparations de microscopie électronique et les micro­photographies ont été réalisées grâce à la collaboration de M™" L. Rosselli et de M. G. Vienne que nous remercions vive­ment ici.

Clinique Ophtalmologique (Prof. P. Danis), Laboratoire d'Anatomie Pathologique (Prof. P. Dustin) et Labora­toire de Microscopie électronique de l'Institut d'Anato­mie, Université libre de Bruxelles.

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