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1 N°45 – novembre 2018 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET L’analyse et le projet de restauration de la chapelle Saint-Thyrse Stéphane Berhault, Architecte du Patrimoine, octobre 2018 En 2017, notre agence d’architecture spécialisée en étude et en restauration des Monuments Historiques depuis 1997 a été désignée par la Mairie de Castellane, propriétaire et maître d’ouvrage, comme maître d’œuvre du projet de restauration de la chapelle Saint-Thyrse à Castellane. Le monument a fait l’objet d’une étude diagnostic par le cabinet d’architecture Lefèvre- architectes en 2014. L'analyse de l’histoire du monument, avec l’étude de M. Mathias Dupuis, et l'état sanitaire général ont été validées. Les problématiques structurelles restaient difficiles à préciser et à solutionner. De même les questions de compréhension et de gestion de l'état des pierres de parement : si la pierre en œuvre a naturellement des caractéristiques particulières et bien connues, nombre d’édifices construit avec ce matériau et des techniques comparables ne présentent cependant pas de désordres. Ce fut le cas de la chapelle Saint-Thyrse pendant l’essentiel de son existence. La poursuite de ces questionnements a été intégrée par la conservation régionale des monuments historiques (DRAC PACA) et la mairie, maître d'ouvrage, dans la phase de maîtrise d'oeuvre. Il nous a semblé intéressant de pouvoir communiquer sur la méthode employée ainsi que sur les résultats d’une étude qui s’apparente au final à un diagnostic contradictoire. Il nous a semblé intéressant de pouvoir communiquer sur la méthode employée ainsi que sur les résultats d’une étude qui s’apparente au final à un diagnostic contradictoire, enrichissant l'approche méthodologique sur un monument complexe dans ses enjeux conservatoires et doctrinaux. Comme il se doit pour ce type de construction ancienne, il convient de suivre un ordre logique de progression dans l’analyse qui permet peu à peu de réduire le champ des inconnues et d’affiner les hypothèses permettant de statuer sur son état réel. C’est ainsi qu’il s’avère déterminant de réaliser les étapes suivantes : • Les relevés architecturaux ; • Le relevé des désordres et des pathologies ; • Les relevés et l’interprétation des déformations ; • L’analyse statique et structurelle. Bien entendu, la connaissance documentaire du monument doit être la plus complète possible car des phases anciennes de construction ou de restauration découlent bien souvent les pathologies affectant ensuite l’ouvrage. Les relevés architecturaux En dehors de photographies redressées, il n’existait aucun relevé architectural fiable concernant la chapelle Saint-Thyrse. Dans le cadre de notre mission, nous avons procédé à une campagne de relevés durant le mois de février 2018. Quatre architectes de l’agence étaient présents avec le matériel suivant : • 2 scanners 3D (global et sculptural) ; • 2 tachéomètres laser ;

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1 N°45 – novembre 2018 – Lettre d’information Patrimoines en Paca – DRAC / MET

L’analyse et le projet de restauration de la chapelle Saint-Thyrse Stéphane Berhault, Architecte du Patrimoine, octobre 2018 En 2017, notre agence d’architecture spécialisée en étude et en restauration des Monuments Historiques depuis 1997 a été désignée par la Mairie de Castellane, propriétaire et maître d’ouvrage, comme maître d’œuvre du projet de restauration de la chapelle Saint-Thyrse à Castellane. Le monument a fait l’objet d’une étude diagnostic par le cabinet d’architecture Lefèvre-architectes en 2014. L'analyse de l’histoire du monument, avec l’étude de M. Mathias Dupuis, et l'état sanitaire général ont été validées. Les problématiques structurelles restaient difficiles à préciser et à solutionner. De même les questions de compréhension et de gestion de l'état des pierres de parement : si la pierre en œuvre a naturellement des caractéristiques particulières et bien connues, nombre d’édifices construit avec ce matériau et des techniques comparables ne présentent cependant pas de désordres. Ce fut le cas de la chapelle Saint-Thyrse pendant l’essentiel de son existence. La poursuite de ces questionnements a été intégrée par la conservation régionale des monuments historiques (DRAC PACA) et la mairie, maître d'ouvrage, dans la phase de maîtrise d'oeuvre. Il nous a semblé intéressant de pouvoir communiquer sur la méthode employée ainsi que sur les résultats d’une étude qui s’apparente au final à un diagnostic contradictoire. Il nous a semblé intéressant de pouvoir communiquer sur la méthode employée ainsi que sur les résultats d’une étude qui s’apparente au final à un diagnostic contradictoire, enrichissant l'approche méthodologique sur un monument complexe dans ses enjeux conservatoires et doctrinaux. Comme il se doit pour ce type de construction ancienne, il convient de suivre un ordre logique de progression dans l’analyse qui permet peu à peu de réduire le champ des inconnues et d’affiner les hypothèses permettant de statuer sur son état réel. C’est ainsi qu’il s’avère déterminant de réaliser les étapes suivantes : • Les relevés architecturaux ; • Le relevé des désordres et des pathologies ; • Les relevés et l’interprétation des déformations ; • L’analyse statique et structurelle. Bien entendu, la connaissance documentaire du monument doit être la plus complète possible car des phases anciennes de construction ou de restauration découlent bien souvent les pathologies affectant ensuite l’ouvrage. Les relevés architecturaux En dehors de photographies redressées, il n’existait aucun relevé architectural fiable concernant la chapelle Saint-Thyrse. Dans le cadre de notre mission, nous avons procédé à une campagne de relevés durant le mois de février 2018. Quatre architectes de l’agence étaient présents avec le matériel suivant : • 2 scanners 3D (global et sculptural) ; • 2 tachéomètres laser ;

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• 4 télémètres laser ; • 1 nivellomètre laser rotatif automatique ; • 1 caméra numérique ; • 3 appareils photo numérique 10 MP ; • 2 appareils reflex numérique 16 MP 24x36 (objectifs 18 mm à 500 mm). Le but de ces relevés est multiple. Le premier est d’obtenir un fond géométrique juste (aux dimensions précises) permettant de localiser les matériaux, les pathologies et les déformations. En outre, ces documents permettent d’établir des chiffrages et des quantitatifs précis. Mais l’essentiel est d’offrir un « instantané » de l’état du monument avant l’étude et avant de futures interventions afin que les générations à venir puissent savoir quel était l’état exact du monument et juger en toute connaissance de cause le travail réalisé. Cette obligation de transparence est déterminante et nous ne déplorons que trop souvent l’absence des raisons ou des arguments qui ont conduit par le passé à tels ou tels travaux.

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Les relevés des désordres Sur la base des documents graphiques, l’ensemble des désordres est repéré et localisé. Il s’agit autant des fissures que des altérations de surface des parements. Des clichés accompagnent les repérages. Là aussi, ces documents s’avèreront précieux pour les successeurs qui auront à conduire dans quelques années ou décennies, voire davantage, un projet d’intervention sur l’édifice. Ils pourront notamment apprécier l’efficacité des solutions employées et seront également en position de mener une critique d’authenticité précise.

Les relevés des déformations L’analyse structurelle d’un monument construit en maçonnerie ou en pierre de taille est spécifique en raison de l’épaisseur importante des murs et des supports pour lesquels une étude basée uniquement sur les efforts et les contraintes mécaniques serait absconde.

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L’étude des déformations a pour but de mettre en évidence des anomalies pouvant s’expliquer par de multiples causes. Une fois identifiées, celles-ci peuvent apporter une lecture archéologique de premier ordre. Elle nourrit, en outre, l’analyse structurelle et le calcul des déformations car le monument reste l’unique référentiel durant toute l’analyse.

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L’attention est portée sur les déformations planaires exprimées sous forme de nivellométries des murs et des supports permettant la lecture et la mesure des effets (dévers, fruit, bouclage, gauchissement, etc.). Les mêmes causes produisant les mêmes effets, chaque déformation trahit un nombre restreint d’hypothèses, voire une seule, quant à ses origines. Cela permet de cerner une problématique et réduit les erreurs de jugements ou d’interprétation. L’analyse statique et structurelle Les différents types de pathologies présentes sur le monument ne sont pas analysables avec des techniques habituelles, graphiques ou algébriques, car elles nécessitent, davantage que des constats statiques de stabilité ou d’instabilité, une prise en compte des zones de contraintes selon les déformations de l’ouvrage dont la stabilité pure n’est évidemment pas à remettre en cause. Pour la chapelle Saint-Thyrse, une étude structurelle complète de la chapelle a donc été réalisée au moyen d’un modèle tridimensionnel respectant sa volumétrie et ses détails constructifs. Un calcul numérique voyant l’emploi de la méthode dite « aux éléments finis » utilisant des éléments volumiques a ensuite été mené en considérant une loi de comportement linéaire en milieu continu. Une seule caractéristique de matériau a été utilisée à ce stade dont l’objectif a été d’appréhender le comportement structurel intrinsèque de cette construction en faisant apparaître ses faiblesses, des sources de déséquilibre possibles ou des singularités en terme de report des charges et des sollicitations pouvant générer des fissures, des éclatements de blocs ou des délitements superficiels. Les valeurs numériques précises en terme de contraintes n’ont pas été recherchées car il aurait fallu mettre en œuvre des dispositifs de contrôle et de comparaison dont nous ne disposions pas (vérins plats, jauges de contraintes, etc.). A ce premier stade de l’analyse, seule l’appréciation du comportement général en terme de déformation et de déplacement des éléments est privilégiée. Un des premiers constats a été lié à la déformation créée par la poussée de la voûte en berceau originelle sur les murs gouttereaux. On a constaté un effet important de bouclage dû à la poussée générée par la voûte modélisée en maçonnerie : la comparaison avec les images des déformations non plus calculées mais relevées réellement a permis de montrer un comportement global analogue de déversement du mur toutefois sans l’effet de pointe que le calcul laissait présager (cf. image ci-après).

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Cependant, il est apparu clairement, par la comparaison des états sanitaires, des relevés de déformation et des résultats des calculs, des similitudes très intéressantes : comme un fait exprès, le calcul indiquait des zones de concentration de contraintes correspondant aux parements les plus déformés et comportant le plus grand nombre de blocs fracturés (cf. image ci-après).

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Nous avons par ailleurs noté une absence de l’effet de harpage à l’angle sud-ouest car au contraire du calcul, l’élévation sud présente en réalité une déformation accrue à son extrémité occidentale suggérant donc une faiblesse. Si l’on compare le déversement du mur sud (#12 cm) mais aussi sa déformation avec celui du mur nord, on constate que les deux murs se sont comportés quasi-symétriquement : il ne fait aucun doute qu’une voûte antérieure à l’actuelle a existé par le passé. Elle a profondément marqué les élévations qui se sont déformées. Même après sa disparition, la plasticité des maçonneries en a conservé « l’empreinte ». Les documents collectés en archives attestent que la voûte en béton dit « allégé » construite à l’instigation de M. Dominique Ronsseray, architecte en chef des monuments historiques (ACMH), en 1980 était voulue comme auto-portante et rigide (sans effet de poussée) mais avec un rôle de chaînage. Nous ne nous attarderons pas sur cette curieuse idée de vouloir

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chaîner les murs (d’autant que la voûte ancienne n’existait plus) dans une région sismique où naturellement ce type d’éléments de rigidité est fortement déconseillé… Nonobstant, nous ne décelons pas sur la voûte actuelle en béton de signes de faiblesses structurelles pouvant trahir une poussée même résiduelle en tête des murs : le modèle a intégré une voûte en berceau en maçonnerie et on peut voir sur l’image ci-dessous que son écartement prévisible en pied entraîne, comme pour tous les berceaux, une fissuration axiale à l’intrados que l’on ne retrouve pas sur l’actuelle voûte en béton badigeonné.

Le document en page suivante montre qu’hormis sur le chevet, il n’y a pas de pathologies structurelles sur la voûte de 1980. Enfin, la dernière zone de présence des fissures est à l’articulation entre l’abside et le clocher où nous trouvons des fissures verticales et traversantes. Le modèle permet de montrer que leur origine s’explique par le tassement différentiel des deux masses. Ce comportement étant amplifié naturellement en cas de séisme ou en cas de défaut du sol d’assise.

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■ Problématique des pathologies affectant la pierre de parement L’étude du CICRP - Centre Interrégional de Conservation et Restauration du Patrimoine (2012 et 2015) a mis en évidence une origine locale de la pierre qui s’avère être un calcaire marneux finement gréseux provenant d’un affleurement situé au sud. Les essais ont montré qu’en cas de saturation en eau, les résistances à la compression des blocs – très satisfaisantes au demeurant (en moyenne 6 MPa à l’Etat Limite de Service soit environ 60 kg/cm²) diminuaient de 25 à 50%, ce qui est très important. Par ailleurs, on peut retenir que la résistance à la compression est très différente selon que le bloc est posé sur son lit ou en délit : les valeurs sont alors quasiment divisées par deux. Le CICRP a, en outre, écarté la responsabilité des incendies ou du gel dans les pathologies constatées. Celles affectant les parements ont, selon toutes vraisemblances, une origine mécanique ce qui conforte la nécessité d’une analyse précise des contraintes. Nous avons récupéré quelques échantillons de pierre tombés au sol et nous avons réalisé plusieurs essais de ragréage avec une entreprise spécialisée en restauration des monuments historiques en pierre de taille. Le produit utilisé était une formulation composée de granulats de quartz lavés et calibrés, de carbonate de calcium, de liants hydrauliques, d’adjuvants et de pigments minéraux. Les essais se sont déroulés à partir du printemps 2018 et sont actuellement exposés aux intempéries. Nous vérifierons leur bon comportement dans le temps.

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© AEDIFICIO

■ Diagnostic général - Parti d’intervention La chapelle Saint-Thyrse à Castellane a une très longue existence car même si son histoire est assez peu documentée, elle possède les critères de l’architecture d’un premier art roman qui s’est développé juste après l’an Mil. Il s’agit d’un monument très attachant et on déplore l’attitude parfois très brutale avec laquelle nos contemporains ont procédé à sa «restauration». Les désordres l’affectant aujourd’hui sont grâce à cette étude, bien mieux identifiés et nous pouvons les résumer en quelques points. La voûte en béton armé de 1980 conçue par l’architecte en chef des Monuments Historiques ne génère pas de désordres apparents sur l’ouvrage. On peut regretter la présence du chaînage en béton armé qui en cas de séisme peut avoir une action désastreuse. Nous ne reprenons pas les idées de démolition même si, au demeurant, nous restons assez sceptique et même défavorable à l’introduction d’éléments de nature et de conception exogènes dans un monument ancien, qui plus est s’il est classé ou inscrit au titre des Monuments Historiques. La couverture en lauze réalisée sur la nef en 1980 semble avoir été fuyarde rapidement aux dires des rapports de l’architecte des bâtiments de France de l’époque (1987), justifiant la pose de la couverture provisoire par M. Francesco Flavigny, ACMH. Nous n’avons pu retrouver dans les documents d’archives le détail de la mise en oeuvre de la lauze. Si l’on en juge par sa pose sur le clocher, nous sommes en droit d’imaginer que les mêmes défauts ont été dupliqués : recouvrement insuffisant au regard de la pente des éléments unitaires et pentes de pose non respectée. Nous joignons un schéma ci-après insistant sur la différence entre la pente de toiture et celle des matériaux qui peut, en fonction de l’épaisseur de la lauze, conduire à des pentes faibles ou à plat voire avec une contrepente avec les conséquences que l’on imagine.

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Si une chape étanche est évoquée dans la liste des travaux de D. Ronsseray, elle porte sur la couverture de la seule abside. Nous avons préconisé la réfection de la couverture en lauze de la nef sur le support naturel qu’est la voûte avec interposition d’une étanchéité. De même, la couverture du clocher est prévue en réfection. L’absence de drainage et d’évacuation des eaux pluviales est constatée et nous recoupons les conclusions de notre prédécesseur. Le relief du terrain environnant favorise la rétention d’eau à la base des élévations alors que le substratum est déjà favorable à une imbibition prolongée. Ces problématiques accentuent les phénomènes de transferts capillaires et peuvent contribuer à la fragilisation des pierres de parement. Celles-là sont très altérées et les interventions du XXème siècle semblent avoir largement contribué à leur ruine partielle. On déplore en particulier les ragréages au mortier très hydraulique et à base de ciment et certains remaçonnage et coulinage au plâtre… Nonobstant, cette église romane a vécu presque mille ans et à la vitesse de dégradation que l’on constate depuis une quarantaine d’années, elle serait ruinée depuis longtemps. Ce constat renforce notre opinion d’interventions de « restauration » à l’origine quasiment exclusivement des désordres. L’étude du CICRP a montré combien le sens de pose et le degré de saturation en eau pouvait modifier les caractéristiques mécaniques jusqu’à diviser par 3 ou 4 la résistance à la compression des blocs. Dans ce cas, on comprend bien qu’une erreur de choix de la pierre, de pose et de profondeur peut avoir des conséquences sévères à la suite

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d’un chantier de restauration. De même, un écoulement d’eau parasite imbibant des parements peut générer des pertes de résistance ponctuelle dramatique car le cheminement des contraintes se déplace et les blocs en bon état subissent davantage d’efforts, les sollicitant à leur tour de manière excessive. Il convient donc de considérer le monument et les parements encore existants avec le plus grand soin car il s’agit d’éléments hautement vénérables ainsi que les blocs cassés ou délités que nous devons à toutes fins préserver le plus longtemps possible car il s’agit de matière authentique. Charge à nous de les consolider au moyen de ragréages adaptés et de consolidations réfléchies et réversibles. Nous avons proposé la mise en place d’une tranche expérimentale sur la petite façade nord afin de vérifier si le protocole de restauration ainsi que les produits de ragréage envisagés sont viables dans un environnement hostile voyant entre l’hiver et l’été des variations de température et d’humidité énormes. Avec le soutien d’un bureau d’études spécialisé en matériaux sur Monuments Historiques, un protocole sera mise en place pour les essais, leur contrôle et le suivi dans le temps. La chapelle Saint-Thyrse est un monument de la plus grande qualité. Ne reproduisons pas au XXIème siècle des attitudes techniques que les siècles suivants nous reprocherons comme nous le déplorons pour les décennies qui viennent de s’écouler. La restauration est nécessairement de plus en plus technique, tant en analyse qu’en intervention. Nous devons cela à des interventions qui depuis le XIXe siècle ont eu des conséquences insidieuses qui rendent plus complexe aujourd’hui qu’il y a deux siècles l’acte de restaurer.