La Zone de Boxe vol 33

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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe Juillet, 2011 Numéro 33 - Portrait de Bermane Stiverne - Être fan de boxe au Québec, c’est dispendieux - Le classement livre pour livre québécois Photo Vincent Ethier

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En vedette Armando Rayon Hernandez, Bermane Stiverne, Michael Gadbois, Philippe St-Martin, Jean Pascal, Lucian Bute et la Zone en Roumanie

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Magazine La Zone de Boxe 7ième année – numéro 33

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Le seul magazine au Québec dédié uniquement à la boxe

Juillet, 2011Numéro 33

- Portrait de Bermane Stiverne- Être fan de boxe au Québec, c’est dispendieux - Le classement livre pour livre québécois

Photo Vincent Ethier

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Magazine La Zone de Boxe

2755 Clermont Mascouche (Québec) J7K 1C1

[email protected] Éditeur François Picanza Rédacteur en chef Pascal Roussel

Collaborateurs Jean-Luc Autret Richard Cloutier François Couture Jean-Sébastien Delisle Jonathan Dion Martin Laporte Karim Renno Philippe St-Martin Correcteur/Réviseur Pascal Lapointe François Couture Véronique Lacroix Monteur Martin Laporte Photo page couverture Vincent Ethier Le magazine la Zone de boxe fut fondé en 2004 à Mascouche par François Picanza. Ce magazine est maintenant offert gratuitement sur le web.

La Zone de Boxe magazine

7e année, numéro 33 Juillet 2011

03 – L’Éditorial 3 – Le mot du rédac format géant 0 6 – Entrevue : Armando Rayon Hernandez

11 – Portrait de Bermane Stiverne 14 – La télé et Jean Pascal 20 – Entrevue : Michael Gadbois 24 – L’amateur de boxe et sa tirelire 28 – Bute en Roumanie 30 – La boxe et moi : Philippe St-Martin 32 – Classement livre pour livre québécois

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Le mot du rédac format géant

Contenu de ce numéro : Je vous le dis tout de suite, j’ai un coup de cœur majeur pour cette édition du magazine. C’est qui lui? Vous ne le connaissez pas, mais c’est pourtant l’entraîneur le plus occupé lors des cartes de boxe au Québec depuis les cinq dernières années. Armando Rayon Hernandez est un visage connu, mais vous ne savez rien à son propos. C’est Armando qui est dans le coin de tous les boxeurs mexicains qui viennent jouer le rôle des adversaires sur nos cartes. Jean-Luc Autret, un collaborateur régulier du magazine, l’a rencontré pour nous et nous raconte son extraordinaire histoire. C’est qui lui? (prise 2) Peut-être que celui-ci vous est aussi inconnu. Mais vous connaissez sûrement le site Web pour lequel il travaille. Le site boxrec.com est devenu une référence indispensable à

l’amateur du noble art qui veut connaître les fiches des boxeurs. Philippe St-Martin, éditeur canadien du site, nous raconte comment est née son histoire d’amour avec la boxe et quelles sont ses tâches chez boxrec.com, dans le cadre de notre chronique habituelle La boxe et moi. Un boxeur qui commence à être connu Michael Gadbois est un boxeur qui a fait la pluie et le beau temps chez les amateurs. Maintenant boxeur professionnel, cet athlète de St-Hyacinthe espère suivre les traces de son modèle Sébastien Demers. Jean-Sébastien Delisle, nouveau collaborateur au magazine, l’a rencontré lors du gala à Lévis le 27 mai dernier. Quand un boxeur est l’invité d’un talk-show à la télé… Les boxeurs parlent souvent mieux avec leurs poings. Mais pour embellir leur image publique et aider à la vente des billets, on leur demande à l’occasion de se présenter dans des talk-shows télévisés. Parfois l’animateur ou l’animatrice du talk-show ne connaît rien à la boxe et cela se termine souvent en discussion où l’horrible question sur le sexe avant un combat revient inévitablement. Heureusement pour nous, lors de la visite de Jean Pascal à Pénélope pour la promotion de Pascal-Hopkins II, la préparation de l’entrevue avait été prise en main par François Couture, un collaborateur régulier du magazine qui est recherchiste de métier. Il a obtenu la permission de nous montrer ce qu’est un dossier de recherche pour la télé, celui qu’il avait préparé pour Pénélope à la SRC. Bermane Stiverne, nul n’est prophète en son pays Puisque qu’il n’est pas « promoté » par Interbox ou GYM, Bermane Stiverne est peu connu de l’amateur de boxe québécois. Pourtant, il s’est mérité la chance de se battre en combat de championnat du monde des poids lourds dans les 12 prochains mois. Richard Cloutier nous offre un portrait de ce boxeur québécois d’origine haïtienne qui se bat dans l’écurie de Don King. L’amateur de boxe québécois et sa tirelire qui commence à être vide La boxe, c’est des gros sous. Parfois pour le boxeur qui connaît du succès, parfois pour le promoteur qui connaît du succès. Mais c’est toujours des gros sous dans le portefeuille du fan de boxe. Et de plus en plus. Aurons-nous atteint bientôt notre capacité de payer pour voir notre sport favori? Lisez cette analyse de Jonathan Dion pour en savoir plus. La Butemania roumaine et les péripéties d’un collaborateur au pays de Dracula Lucian s’était déjà battu en Roumanie une fois, en 2005, contre Donnie McCrary. Mais Bute n’était qu’à son douzième combat, il n’était pas encore champion du monde. Ce n’était rien par rapport à la folie du 9 juillet dernier à Bucarest. Martin Laporte, collaborateur régulier du magazine, était là (le chanceux!). Vous connaissez déjà le résultat du combat contre Mendy, mais dans son reportage, Martin vous décrit ce que vous auriez pu voir si vous aviez été sur place. Et il vous raconte par le fait même ses aventures. Ce ne fût pas facile…

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Top 10 livre pour livre québécois Cela fait à peine six mois que nous l’avions fait, mais il s’est passé tant de choses au cours de cette demi-année que nous sentions le besoin de rafraîchir notre classement livre pour livre québécois. Dix collaborateurs du magazine ont accepté de nous livrer leur classement afin qu’on puisse en faire un savant mélange et vous offrir ce qu’on croit le plus juste et réaliste. Mais nous le savons bien, ce genre de compilation est toujours propice à la critique, peut-être ne serez-vous pas d’accord. Difficile de classer 10 boxeurs venant de catégories de poids différentes. Mais peu importe, quel plaisir nous avons à faire cet exercice! (Les plus perspicaces d’entre vous auront remarqué cette superbe présentation copiée-collée du numéro de janvier où nous avions aussi fait ce classement livre pour livre québécois)

Les commentaires du rédac Petite revanche de la régie Il y a un truc qui est passé inaperçu lors du dernier gala GYM au Centre Bell, car il y avait tellement de choses à regarder et à vérifier. La régie des sports de combat du Québec avait accepté, bonne joueuse, de laisser la place à des officiels étrangers pour la finale Pascal-Hopkins II. Mais Michel Hamelin s’est fait un petit plaisir pour la demi-finale, il en devait une à notre bon ami Gary Shaw… Comment mettre Gary Shaw en gros pétard? Tu lui attribues pour le combat de Dawson-Diaconu les officiels suivants : 1. L'arbitre Michael Griffin, que Shaw a traité de « bastard et motherfucker » au combat Pascal-Dawson. 2. Le juge Woodburn, qui donna un inexplicable 108-101 à Pascal lors du duel contre Dawson et avoua le lendemain qu’il avait tout simplement inscrit le pointage du 11e round à l’envers sur sa carte. Outré, Gary Shaw avait crié à la table de Michel Hamelin « As long as I’m in boxing, Jack Woodburn will never judge a fight again ». 3. Le juge Paquette, qui a donné une nulle de 113-113 à Pascal-Hopkins. 4. Le juge Roussel, qui a donné une nulle à Funeka-Guzman à Québec en novembre 2009, ce que le jovial Shaw avait décrié en grande pompe dans tous les médias. Il paraît que le sensuel Gary Shaw courait après Michel Hamelin à la pesée du vendredi. Je félicite Michel Hamelin pour cette belle initiative et je soupçonne qu’il devait avoir un beau sourire quand il a fait ces assignations.

Demers contre Dirrell, il faut en penser quoi? Un peu comme vous tous, l’annonce du combat entre Sébastien Demers et Andre Dirrell m’a jeté par terre. On s’entend tous que le clan Dirrell cherchait un combat facile pour son retour après des problèmes neurologiques et c’est sous cet angle-là que Demers fût sélectionné. Demers a une belle fiche, pas trop de puissance, surtout à 168 livres. Ne pas le voir ainsi serait une aberration. L’équipe de Demers a accepté le défi parce qu’eux ne voient pas Sébastien en victime, et ça aussi, c’est normal. Ils vont affronter Dirrell en espérant créer une surprise. J’ai lu plusieurs fois sur des forums que

Gary Shaw (à droite), le nouvel ami de Michel Hamelin. (Photo Vincent Ethier)

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Demers était envoyé à l’abattoir par son clan et par son promoteur GYM. Premièrement, sachez que Sébastien n’est plus sous contrat avec GYM depuis octobre dernier. Deuxièmement, c’est toujours le boxeur qui a le dernier mot. Demers va à Oakland affronté Dirrell parce que Demers le veut. Et croyez-moi, la bourse est excellente. Le promoteur de Dirrell a fait

une première offre qui fut refusée, et le clan Demers a fait une contre-offre qui fut acceptée. On ne peut pas empêcher un boxeur de faire de l’argent, c’est un peu ça le but d’un métier, non? Sébastien s’est construit avec les années une superbe fiche de 31-4. S’il peut la monnayer un peu et vivre de la boxe encore quelques années, moi je ne vois pas de mal à ça. Je ne dis pas souhaiter que Sébastien devienne un journeyman de service, mais je dis qu’on devrait le laisser faire ce combat sans trop chigner. Vous allez me dire que Sébastien revient de deux retentissants K.O. par Vera et St-Juste. C’est vrai. Mais Sébastien est en pause depuis plus de sept mois. Ce n’est pas comme s’il montait dans le ring après deux semaines de repos. S’il subit un autre K.O, la régie lui fera passer des tests au moment de son renouvellement de permis et si les résultats ne plaisent pas aux gens de la régie, ils ne lui renouvelleront pas son permis, c’est tout. Le Québec, avec sa régie des sports de combat qui exige des tests sérieux, est probablement l’un des endroits au monde où il est le plus difficile d’obtenir (ou de renouveler) un permis de boxeur. Parlez-en à Walid Smichet, Joe Gatti et Tommy Morrison. J’ai décidé de souhaiter bonne chance à Demers contre Dirrell. En passant, depuis quelques semaines, Sébastien Demers est copropriétaire du complexe sportif GYMAX à St-Hyacinthe. Si c’est grâce à ses bourses de boxeur qu’il a réussi à se payer ça (entre autres ses bourses contre Abraham en Allemagne et Dirrell en Californie), et bien tant mieux. Il se prépare déjà pour son après-carrière.

N.B à quelques jours de mettre le magazine en ligne, nous apprenons que le combat pourrait être repoussé à une date ultérieure. Pascal Roussel Rédacteur en chef format géant

Sébastien Demers va affronter Andre Dirrell à Oakland le 5 août. (Photo Jonathan Abenhaim)

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Armando Rayon Hernandez, nomade de la boxe Par Jean-Luc Autret Depuis bientôt cinq ans, un matchmaker ayant beaucoup de vécu fréquente les rings de boxe québécois. Bien peu d’amateurs sont capables d’identifier cet individu; avec la collaboration de mon bon ami Raynaldo pour la traduction, j’ai pu rencontrer l’homme qui est derrière la présence des nombreux boxeurs mexicains sur nos programmes locaux. Depuis le 30 septembre 2006, Armando Rayon Hernandez fournit des boxeurs provenant du Mexique aux différents promoteurs québécois. À cette première occasion, Marc Ramsay et GYM cherchaient des boxeurs pour Olivier Lontchi et Manolis Plaitis. Un ami du Costa Rica a mis Armando en contact avec l’organisation montréalaise et le lien est toujours aussi bon de nos jours. Aujourd’hui âgé de 61 ans, Armando a voyagé un peu partout sur la planète. Au cours des quarante dernières années, il a agi autant comme entraîneur, gérant que matchmaker. Voici un portrait en profondeur de son cheminement de carrière.

Entraîneur avant le temps « Après une courte carrière de neuf combats amateurs, ma fiche était de 6-3-0, je suis devenu entraîneur un peu par hasard. À la suite d’une appendicite, l’entraîneur au club s’est retiré pour quelques semaines. On m’a demandé de le remplacer et, après huit mois laissé à moi-même et grâce au succès que j’avais obtenu, j’ai été nommé officiellement entraîneur du club. J’étais alors âgé de vingt et un ans seulement. J’ai gardé ce poste pendant onze ans, puis je suis devenu aussi gérant et je le suis toujours aujourd'hui », explique Armando. Nous sommes alors à la fin des années 70, la boxe est très populaire au Mexique. Quotidiennement, plus de deux cents boxeurs fréquentent le gym où travaille Armando. Il y a jusqu’à une dizaine de gérants dans le gymnase et une vingtaine de clubs de cette dimension sont établis dans la capitale du Mexique. Guadalajara et Monterrey sont aussi des villes importantes dans le développement du noble art à cette époque. L’intérêt pour la boxe au sud des États-Unis à été créé par la chaîne de télé Televisa, qui présente régulièrement ce sport sur ses ondes. Le décès du propriétaire de la chaîne, dans les années 90, a tué le marché. Depuis deux à trois ans, le réseau TV Azteca a commencé à diffuser des combats en sol américain

mettant aux prises des Mexicains. Ses concurrents Cadena 3 et Televisa ont réagi en s’intéressant de nouveau à la boxe.

Salvador Sanchez, un grand champion Comme tout entraîneur, Armando rêve d’amener l’un de ses protégés en championnat du monde et, bien sûr, d’en sortir gagnant. Le Mexicain a eu ce privilège et il a pris le temps de nous parler du parcours de son champion : « En 1975, un jeune boxeur de seize ans nommé Salvador Sanchez devient professionnel; c’est rien d’exceptionnel chez nous, mais avec lui, il m’apparaît évident qu’il a beaucoup de talent. Rapidement, Sanchez, surnommé « Chava », gravit les échelons. Après cinq ans chez les pros et une fiche de 33-1-1, il obtient sa chance en championnat du monde à la WBC en février 1980 (il n’y avait que deux associations à cette époque). Nous étions vraiment contents qu’il ait sa chance et on savait qu’il pouvait gagner », affirme son entraîneur, le regard rempli de souvenirs. Son adversaire, le Californien Danny Lopez, détient le titre des poids plumes (126 livres) depuis quatre ans, il a remporté ses neuf défenses et son avant-dernier affrontement a été choisi combat de l’année 1979 par le magazine The Ring. Arrivé négligé, Sanchez domine complètement le champion en titre. Il l’emporte par K.-O-T. au treizième round. Le combat revanche se déroule dans le même style : arrêt de l’arbitre au quatorzième round.

Armando Rayon souhaite accompagner encore longtemps

ses boxeurs mexicains. (photo Vincent Ethier)

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Salvador Sanchez, le champion du monde, sous les ordres d’Armando Rayon. (photo courtoisie Armando Rayon)

Un an et demi après avoir obtenu son titre, Sanchez affronte le Portoricain invaincu Wilfredo Gomez, en août 1981. Celui-ci est alors champion des super-coqs (122 livres) depuis 1977. Le Mexicain est étincelant et il l’emporte en huit rounds. Cette victoire lui permet d’être nommé boxeur de l’année 1981 par The Ring. Moins d’un an plus tard, le 21 juillet 1982, Sanchez est en vedette en finale au Madison Square Garden pour affronter le jeune Ghanéen Azumah Nelson. Il l’envoie au plancher au septième et au dernier round, le Mexicain l’emporte par K.-O-T. à 1:49.

Malheureusement, moins de deux semaines plus tard, le boxeur originaire de Tianguistenco fait un violent face-à-face alors qu’il est au volant de sa nouvelle Porsche 928; cet accident met un terme à son passage sur la Terre. Au final, il a défendu son titre avec succès à neuf reprises. En 1991, Sanchez a été intronisé à l’International Boxing Hall of Fame. Il est encore aujourd’hui une légende au Mexique. « Cette époque a été très spéciale pour moi. Salvador était un boxeur incroyable, très complet : sa puissance, sa vitesse, ses contre-attaques étaient incroyables. Il aurait dominé sa division très longtemps. Son décès a été un tremblement de terre pour moi et tout son entourage. J’ai beaucoup appris de cette aventure et j’ai choisi d’en garder les bons souvenirs », nous raconte l’ancien entraîneur de Sanchez. Une carrière internationale Après cette importante réalisation dans sa carrière, Armando poursuit son chemin dans le monde de la boxe. Dans les années 90, il devient agent de boxeurs pour l’importante firme Top Rank. Pendant une dizaine d’années, il consacrera une partie de son temps à repérer de nombreux boxeurs mexicains et à leur faire gravir les échelons de ce sport.

« Son décès a été un tremblement de terre pour moi et tout son

entourage »

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À la même époque, Armando travaille sur de multiples galas en Europe. En plus de se rendre à plusieurs reprises à Paris, il collabore aussi à des galas en Italie ainsi qu’avec la célèbre firme allemande Universum de Wilfried Sauerland.

Armando est en contact avec de nombreuses organisations de boxe. Par exemple, en mars 1998, il est invité à assister au premier combat professionnel du Danois Mikkel Kessler, lui qui avait récolté plusieurs titres amateurs dans les années précédentes. Sans surprise, Kessler remporte son combat. « Pour avoir vu plusieurs fois Lucian Bute et Kessler, j’ai bien de la difficulté à prédire qui l’emporterait, ce serait un combat difficile pour ces deux très bons boxeurs », prédit le Mexicain. La boxe québécoise à travers ses yeux Depuis l’automne 2006, l’industrie de la boxe au Québec a beaucoup évolué. Rappelons-nous que, lors de la première visite d’Armando, Jean Pascal se battait pour son premier titre nord-américain. Dans les mois précédents, Joachim Alcine a obtenu le titre d’aspirant obligatoire à la WBA alors qu’Hermann Ngoudjo, Lucian Bute et Adrian Diaconu sont tous classés dans le top 15 de leur division respective, chacun détenant au moins deux titres nord-américains. « J’ai pu voir grandir la boxe d’ici en quelques années. Une grande confiance s’est développée chez les boxeurs du Québec. Je crois que c’est en partie grâce au sérieux et au professionnalisme des organisations. C’est vraiment agréable pour moi d’amener des boxeurs ici parce que je sais qu’ils seront respectés à l’intérieur comme à l’extérieur du ring », observe Armando. À travers les années, le matchmaker mexicain a collaboré avec

plusieurs organisations québécoises. « Je ne peux pas vous dire le nombre de fois où j’ai participé à un gala de GYM, j’en ai fait plusieurs

dizaines certainement. J’ai aussi fourni des boxeurs lors de deux galas d’Interbox et lors de certains galas d’Ali Nestor. Je suis aussi allé quelques fois en Ontario, à Mississauga, pour Logan McGuinness. Mon gars a même passé proche de lui passer le K.-O. le 24 juin dernier; il a finalement perdu par décision majoritaire », raconte-t-il. Pour lui, les organisations québécoises n’ont rien à envier aux majors américains ou européens. « Avec plusieurs champions du monde au cours des dernières années et la venue des gros réseaux de télé américains, Montréal est devenu un joueur important dans le circuit. Même s’il ne fait pas toujours très chaud, je suis toujours bien content lorsque j’atterris ici », ajoute avec le sourire le matchmaker mexicain. Pourquoi faire venir des Mexicains? À travers ces années, bien des amateurs se sont questionnés : quel est l’intérêt pour un promoteur de faire venir des boxeurs du Mexique? Armando a plusieurs explications et, contrairement à certains mythes, ce n’est pas prioritairement pour économiser des sous. « Les boxeurs mexicains sont très endurants. Avant de devenir professionnels, ils doivent avoir fait plusieurs dizaines de combats amateurs et surtout, ils doivent avoir participé à des combats de huit et dix rounds. Alors, lorsqu’ils montent sur un ring d’ici pour un quatre ou un six rounds, ils ont déjà beaucoup d’expérience. Sur un ring étranger, les Mexicains sont bien conscients qu’ils ont une bien mince chance de l’emporter. Certains viennent seulement pour le chèque; dans leur cas, c’est souvent leur unique sortie à l’étranger. Par contre, plusieurs offrent une très bonne opposition et c’est pour ça qu’ils sont invités à revenir régulièrement », affirme Armando.

Salvador Sanchez, sacré boxeur de l’année 1981 par le prestigieux magazine The Ring. (photo

courtoisie Armando Rayon)

« C’est vraiment agréable d’amener des boxeurs ici

[Québec] parce que je sais qu’ils seront respectés à l’intérieur comme à l’extérieur du ring »

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Effectivement, certains boxeurs ont multiplié les voyages au Canada en l’espace de quelques mois. Par exemple, Cesar Soriano est venu ici à six reprises en un peu plus de deux ans et il a fait la limite avec Dierry Jean, Ali Chebah, Jo Jo Dan, Kevin Bizier et Logan McGuinness. Il est bien difficile pour eux de remporter un combat, mais parfois ils passent très près de le faire. Des exemples : Daniel Ruiz a perdu dans une décision majoritaire face à Logan McGuinness, tout comme Aldo Valtierra face à Tony Luis, alors que Pedro Navarrete a perdu par décision partagée face au Roumain Viorel Simion. Isaac Bejarano a passé bien près de réussir un miracle en obtenant une nulle majoritaire face à Kevin Lavallée. Des bourses bien appréciées Au Mexique, il est important de savoir qu’il n’y a ni aide sociale, ni assurance-chômage. Avec plus de cent millions de personnes, ce pays se débrouille sans nos nombreux programmes sociaux. Selon certaines études, 30 % de la population mexicaine a un revenu égal ou supérieur au revenu québécois moyen. Par contre, 42 % de la population vit dans la pauvreté; il y a donc de grandes inégalités dans la distribution de la richesse. « Les boxeurs mexicains montent régulièrement sur le ring, que ce soit ici ou chez eux. Les bourses mexicaines sont bien moins élevées qu’au Québec. Ici, comme dans la majorité des États-Unis ou en Europe, on respecte certains barèmes. Pour un combat de quatre rounds, un boxeur peut s’attendre à recevoir entre 1 000 et 1 500 $, pour un six rounds, c’est aux alentours de 1 800 à 2 000 $; pour huit rounds, c’est de 3 000 à 4 000 $; enfin, pour un dix rounds, c’est de 4 000 à 6 000 $. La bourse va également varier selon l’adversaire », explique Armando.

Avec de telles bourses, les boxeurs mexicains ne peuvent se permettre d’attendre le prochain appel pour vivre uniquement de leur sport préféré. « Les gars qui viennent se battre ici ne passent pas leurs journées à s’entraîner. En plus de travailler à temps plein, plusieurs ont une famille dont ils doivent s’occuper. Par exemple, Isaac Bejarano, qui s’est battu quatre fois à Montréal, a récemment divorcé. Il travaille comme chauffeur de taxi à Mexico, en plus de s’occuper de ses deux enfants. Il commence à travailler à cinq heures du matin, il revient pour le déjeuner des enfants, il va les reconduire à l’école, il retourne sur la route, revient pour le dîner, repart ensuite dans son taxi jusqu’à seize heures. Après avoir fait le souper des enfants, il vient finalement s’entraîner au gymnase! », révèle l’entraîneur mexicain. Les meilleurs de chez lui Avec quarante ans d’expérience, Armando est un observateur attentif de la boxe mexicaine. Ses impressions en ce qui concerne l’élite mexicaine ont évidemment été abordées. « Actuellement, pour moi, les trois meilleurs boxeurs de mon pays sont Giovanni Segura, Humberto Soto et Juan Manuel Marquez, qui affrontera Manny Pacquiao en novembre prochain. Ce sont évidemment des gars qui évoluent dans des petites divisions, puisque les Mexicains sont généralement petits. Le meilleur de tous les temps est certainement Julio Cesar Chavez; il a remporté cent sept de ses cent quinze combats et il a détenu six titres mondiaux. Ce sera une légende pour toujours au Mexique », nous explique-t-il. Plus proche de nous, Marc Antonio Rubio a vaincu David Lemieux en avril dernier et Julio Cesar Chavez Jr a obtenu une décision majoritaire face à l’Allemand Sebastian Zbik pour devenir champion WBC des poids moyens. Ces deux Mexicains pourraient bien s’affronter dans les prochains mois. « Je pense que Rubio est meilleur, grâce à sa force de frappe, on l’a

Rayon, l’homme dans le coin des visiteurs mexicains, ici avec Aldo Valtierra.

(photo Vincent Ethier)

« Les trois meilleurs boxeurs de mon pays sont Giovanni Segura, Humberto

Soto et Juan Manuel Marquez»

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bien vu face à Lemieux. Je ne serais pas surpris que Chavez Jr tente de l’éviter au maximum; il n’est vraiment pas du même niveau que son père », ajoute Armando. Le secret de son succès Après quatre décennies à gagner sa vie avec la boxe, Armando a développé des habitudes de travail qui lui ont permis de voyager sur tous les continents : « Mon expérience m’a appris à quel point il est important de respecter sa parole et comment se construit et se détruit une réputation. Je ne travaille pas en considération du court terme. Je n’ai jamais eu peur de suggérer des boxeurs dont je ne suis pas le gérant, je réfère même à d’autres matchmakers, au besoin. De plus, que ce soit avec des boxeurs dont je suis le gérant ou pas, je leur offre toujours le même type d’encadrement lors des galas à l’étranger », explique Armando. Toujours actif sur la scène internationale en 2010, il s’est notamment rendu à deux reprises en Afrique du Sud. Il a aussi participé à des galas à Philadelphie, dans un grand casino au Connecticut, ainsi qu’à San Francisco. On doit aussi ajouter à son palmarès treize visites dans la belle province et trois autres en Ontario. Bien que la boxe ait pris beaucoup de son temps à travers toutes ces années, Armando a été le propriétaire d’une entreprise de nettoyage à sec de 1975 jusqu’en mars dernier. Ce revenu stable lui a permis d’avoir une belle qualité de vie à travers les hauts et les bas de la boxe. Son sport préféré occupant trop de son temps, il s’est résolu à vendre le commerce appartenant à sa famille depuis 1940. Bien qu’il se prépare doucement pour sa retraite, il n’a nullement le goût de la prendre rapidement et il souhaite accompagner encore longtemps ses boxeurs mexicains.

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Qui est Bermane Stiverne ?

Par Richard Cloutier Le 25 juin dernier, le poids lourd de Laval Bermane Stiverne (21-1-1) affrontait l'Américain Ray Austin (28-5-4). Télédiffusé en direct sur HBO depuis le Family Arena de Saint-Louis, dans le Missouri, ce combat avait comme enjeu la ceinture WBC Silver, offrant au gagnant le statut d'aspirant obligatoire au champion du monde. Stiverne, à la quarante-troisième seconde du dixième engagement, l’a emporté par K.-O.T. C’est donc dire que Bermane «B.Ware» Stiverne pourrait bientôt se retrouver sur le même le ring que l'Ukrainien Vitali Klitschko (42-2-0), actuel champion du monde WBC des poids lourds. Ce dernier a toutefois un combat à livrer auparavant : un duel prévu le 10 septembre, en Pologne, face à Tomasz Adamek (44-1-0). Stiverne sera son prochain rival, à moins que le vétéran champion de 39 ans, qui détient sa couronne depuis 2004, ne décide de prendre sa retraite. Rares, dans l’histoire de la boxe au Québec, sont les pugilistes s’étant retrouvés aussi près d’une ceinture de champion du monde. On peut jouer les blasés en évoquant les récents exploits d’Éric Lucas, Dave Hilton Jr., Leonard Dorin, Joachim Alcine, Adrian Diaconu, Jean Pascal et Lucian Bute, mais dans les faits, surtout en ce qui a trait à la division des poids lourds, la situation actuelle de Bermane Stiverne est non seulement particulièrement méritoire : elle est unique. Les premiers pas de Bermane Stiverne Mais qui est donc ce boxeur ayant fait ses classes dans les gymnases de la belle province, ayant représenté le Canada à de nombreuses compétitions internationales alors qu’il était chez les amateurs et qui,

maintenant, pourrait bien être le prochain champion du monde québécois ? Aujourd’hui âgé de 32 ans, Bermane Stiverne est né le 1er novembre 1978 à LaPlaine, en Haïti. Il a grandi dans une famille comptant quatorze enfants, étant lui-même le plus jeune des cinq garçons.

Comme le raconte le chroniqueur de La Presse Ronald King dans le cadre d’un billet publié le 15 janvier 2010 : « Il a vécu une partie de son adolescence à Miami, puis à Laval (…) Il a gardé les buts au niveau midget AAA à Laval. Il a ensuite obtenu une bourse de la prestigieuse université Michigan State pour évoluer au poste de secondeur. Une grave blessure au genou l’a forcé à se tourner vers la boxe. » C’est à l’âge de dix ans que le jeune Bermane quitte Haïti avec sa mère et ses sœurs afin d’aller vivre à Miami. Il s’adapte difficilement à son nouvel environnement; la langue se révèle notamment un obstacle majeur à son intégration. À douze ans, il entre finalement à l’école secondaire. Rapidement toutefois, son attitude l’amène à vivre de dures expériences. Lorsqu’un jour la police le ramène à la maison, sa mère décide de l’envoyer vivre au Québec, avec son père. Au Québec, Bermane se tourne vers le sport. Il joue notamment au basketball et au football. Aussi, selon ce que rapporte Ronald King, c’est son père, adepte du kick-boxing et élève d’Alain Bonnamie, qui l’oriente éventuellement vers la boxe.

Bermane à la pesée lors de son combat au stade Uniprix en 2008.

(photo Vincent Ethier)

« Lorsqu’un jour la police le ramène à la maison, sa mère décide de l’envoyer vivre au Québec, avec son père. »

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Entre 1999 et 2005, Bermane Stiverne sera couronné six fois champion des gants dorés du Québec. À quatre reprises il se retrouvera également champion du Canada. Dans l’ouvrage Jean Pascal, le diamant brut devenu champion du prestigieux Ring Magazine (Éd. Lidec, 2011), l’entraîneur Marc Ramsay explique comment Bermane Stiverne s’est éventuellement retrouvé dans la mire de Don King. Il s’agit d’un concours de circonstances prenant son origine quelques années plus tôt. Bien avant son passage aux Jeux olympiques, Jean Pascal attirait déjà l’attention des promoteurs : « Je me rappelle aussi un monsieur appelé Paul Fucaloro, un Italien de New York qui était venu nous rencontrer. On ne savait pas trop qui il était. C’est lui qui nous avait suivis le plus longtemps. Il venait à presque tous les tournois auxquels Jean participait. On a découvert par la suite qu’il travaillait pour Don King », explique Ramsay. Après sa participation aux Jeux olympiques d’Athènes, Jean Pascal est invité à Las Vegas par cet homme, en septembre 2004, pour les fins d’une évaluation. Comme le raconte Marc Ramsay, c’est là que le destin entre en scène pour Bermane Stiverne. « Il m’avait demandé de prendre quatre à cinq boxeurs du Québec qui étaient alors des prospects. On avait amené Antonin Décarie, Bermane Stiverne, Jean Pascal et Dierry Jean. » À la suite de cette évaluation, Bermane Stiverne signe une entente de gérance avec Paul Fucaloro, ce qui lui permet également de bénéficier d’un contrat de promotion auprès de Don King. Quant à Jean Pascal et Antonin Décarie, ils préfèrent boxer au Québec, près des leurs. Pascal joindra donc le Groupe Yvon Michel (GYM) et Décarie signera avec Interbox. Quant à Dierry Jean, il fera un premier combat à Montréal le 16 décembre 2006, sous les couleurs de la firme UGC, puis un second en février 2007 avec Starbox, avant de joindre GYM. La carrière professionnelle Bermane Stiverne débute sa carrière professionnelle le 29 juillet 2005 en Caroline du Sud. Sa première victoire, acquise aux dépens de Roy Matthews (1-1-0), survient dès le premier round. Il en est ainsi pour quatorze de ses vingt et un gains. De fait, une seule des victoires de «B.Ware» n’a pas été enregistrée avant la limite. Depuis le début de sa carrière, il dispute chaque année de quatre à six combats. Aussi, il voyage beaucoup : la Floride, le Connecticut, le Missouri, le Michigan et même la Suisse. Ce sont là autant de destinations qui illustrent à quel point le réseau de Don King est à la fois immense et sinueux. C’est le 7 juillet 2007 que Bermane Stiverne s’incline pour la première et, jusqu’ici, unique fois de sa carrière. Son rival est bien connu des amateurs du Québec, puisqu’il s’agit de l’Américain Demetrice King (11-15-0), qui a disputé trois combats au Québec, notamment face à David Cadieux. On peut également souligner le fait que Bermane Stiverne a aussi connu une défaite à l’extérieur du ring : son gérant, Paul Fucaloro, fut éventuellement poursuivi par la United States Tax Court pour défaut de paiements. Fucaloro n’a jamais

Bermane et son père. (photo Richard Cloutier)

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légalement possédé de permis d’agent de sportifs, rendant illégale sa gestion de la carrière de Bermane Stiverne; ce qui, semble-t-il, priva au bout du compte le boxeur de Laval de certaines sommes lui étant dûes. Cette problématique n’a toutefois pas d’impact sur l’entente de promotion le liant à Don King. Elle mène par contre «B.Ware» à se montrer fort attentif lorsque l’homme d’affaires montréalais Camille Estephan lui fait une proposition de gérance. Pour la petite histoire, mentionnons que c’est par l’entremise d’Hermann Ngoudjo que Bermane Stiverne et Camille Estephan font connaissance. Il faut dire que malgré le fait qu’il réside et s’entraîne à Las Vegas, Bermane revient souvent à Montréal, où vivent notamment ses deux fils.

Bermane Stiverne face à Ray Austin le 25 juin dernier. (photo Don King Productions)

Malgré ses liens avec Montréal, Stiverne ne s’y est toutefois battu jusqu’ici qu’à deux reprises : d’abord au Stade Uniprix du Parc Jarry, le 11 juillet 2008, en sous-carte du combat opposant Joachim Alcine à Daniel Santos. Il avait alors enregistré un gain par K.-O.T. en 2:35 sur Brad Gregory, un Américain invaincu après dix combats. La seconde fois, ce fut au Théâtre Corona, le 11 novembre 2010 : Stiverne assurait la finale du premier gala organisé par Eye of the Tiger Management, la firme de son gérant Camille Estephan qui, pour l’occasion, avait obtenu la permission de Don King pour faire boxer Stiverne dans la métropole. Le vétéran boxeur américain Ramon Hayes (15-31-1) se fit passer le K.-O. en 2:08. De l’aveu même de Camille Estephan, le combat disputé à Montréal visait à ramener Bermane Stiverne dans l’action et dans l’actualité; celui-ci revenait effectivement d’une blessure l’ayant tenu plus d’un an loin du ring. Destination : titre mondial Il faut croire que ce fut mission accomplie. À son combat suivant, disputé le 29 janvier 2011, Bermane Stiverne affronte Kertson Manswell (20-0-0) de Trinidad-et-Tobago. Le combat se déroule au Silverdome de Pontiac, dans le Michigan. Il figure en sous-carte d’un combat d’unification des titres WBC et WBO des super-légers entre Timothy Bradley et Devon Alexander. Stiverne l’emporte par K.-O.T. à 1:52 du second round. Cette victoire lui permet du même coup de mettre la main sur les titres vacants WBC International, WBC USNBC et WBA Fedelatin. Ce gain significatif et les négociations pour le combat suivant incitent Don King à prolonger l’entente courante qui le lie pourtant encore à «B.Ware» pour une autre année. Au cours du mois d’avril 2011, la signature d’une nouvelle entente de trois ans est annoncée. Le reste, soit son duel face à Ray Austin le 25 juin dernier, fait maintenant partie de l’histoire. On attend dorénavant la suite avec impatience!

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L’entraînement d’une animatrice de talk-show en vue de son entrevue avec un invité boxeur

Par François Couture La plupart des animateurs et des animatrices de nos médias sont de grands professionnels qui possèdent une bonne éthique de travail, et qui considèrent primordial de se préparer adéquatement lorsqu’ils s’apprêtent à discuter avec un invité pendant quelques minutes – discussion dont seront témoins des dizaines, parfois des centaines de milliers de personnes. À titre de recherchiste radio et télé, il est de mon devoir de fournir aux animateurs pour qui je travaille les éléments nécessaires à la préparation d’une bonne entrevue. Cet été, j’ai le plaisir de faire partie de l’équipe du talk-show Pénélope McQuade, diffusé du lundi au jeudi à 21 h, à la télé de Radio-Canada. C’est moi qui ai aidé Pénélope à se préparer pour son entrevue avec Jean Pascal; j’ai eu envie de partager l’essentiel de cet « entraînement » avec les lecteurs du magazine La Zone de Boxe.

Jean lors de son passage au talk-show Pénélope. (photo Radio-Canada/Lisa Marie Noël)

Le document à rédiger : le rapport de recherche Première démarche à entreprendre dans notre préparation d’entrevue : rassembler tout ce qui s’est écrit – ou presque! – sur Jean Pascal depuis les derniers mois, tant dans la presse spécialisée que dans les « magazines à potins » comme La Semaine ou 7 Jours. Si Pascal avait été invité à une émission sportive, le recherchiste de cette émission n’aurait probablement pas eu à trouver des articles sur sa paternité; mais Pénélope McQuade est un talk-show estival à heure de grande écoute, qui est regardé par plus d’un demi-million de téléspectateurs; inutile de vous préciser que le pourcentage d’amateurs de boxe dans cet auditoire est très bas. Je dois donc, dans mon approche de l’entrevue du boxeur lavallois, faire en sorte de m’adresser au plus grand nombre… sans oublier d’être rigoureux, afin que les fans et les connaisseurs de boxe en aient eux aussi pour leur argent. De plus, dans ce cas-ci, l’animatrice n’est jamais allée dans un gala de boxe et elle n’a pratiquement jamais reçu de boxeurs en entrevue. Pénélope devient en quelque sorte mon « téléspectateur moyen » : si elle ne comprend pas ce que j’écris, je vais perdre du même coup la majorité des téléspectateurs dans leur salon, qui vont tout simplement changer de poste…

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Après avoir constitué le dossier de presse, c’est-à-dire tout ce qui s’est écrit sur Jean Pascal dans une période donnée, il faut déterminer comment transmettre cette information dans un document qu’on appelle le « rapport de recherche », qui constitue la base sur laquelle s’appuie les animateurs pour préparer leur entrevue. Chaque recherchiste a sa façon de classer l’information et de concevoir l’architecture de son dossier. De même, tous les animateurs sont différents : certains préfèrent en savoir plus, d’autres aiment aller à l’essentiel. Mais une constante revient malgré tout : dans un rapport de recherche, on commence avec les renseignements les plus importants. Première information à transmettre : pourquoi nous recevons Jean Pascal. Dans le jargon, nous appelons ça le « contexte » : CONTEXTE Jean Pascal affrontera samedi Bernard Hopkins, au Centre Bell de Montréal, dans un combat revanche très attendu par les fans de boxe! On le reçoit à son retour à Montréal, après un camp d’entraînement intensif qui a eu lieu en Floride. Suivent ensuite ce qu’on nomme les « plogues », c’est-à-dire les renseignements sur l’invité et les raisons de sa venue. Ces renseignements sont également publiés sur le site Internet de l’émission. PLOGUES Son prochain combat aura lieu le samedi 21 mai prochain au Centre Bell de Montréal, devant le redoutable Bernard Hopkins.* * Site Web officiel : www.jeanpascalboxing.com

Pascal est allé s’entraîner en Floride pendant plusieurs semaines en vue de cet important combat. (photo Sonya Hanafi)

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Comme nous recevons un boxeur qui s’apprête à disputer le combat le plus important de sa carrière, il m’apparaît opportun de fournir à l’animatrice des renseignements pertinents sur les enjeux, l’opposant, le contexte de la revanche, etc., en citant les sources lorsque cela est nécessaire. Voici quelques éléments qui se retrouvaient dans le dossier de recherche :

- Ce samedi 21 mai, Jean Pascal (26-1-1) affrontera le boxeur américain âgé de 46 ans, Bernard Hopkins (51-5-2), au Centre Bell. Il s’agit d’un combat revanche à celui du 13 décembre 2011 qui a eu lieu au Colisée Pepsi de Québec, où il a conservé son titre de champion du monde des mi-lourds (175 livres) grâce à un match nul majoritaire contre Bernard Hopkins. Une nulle majoritaire signifie que deux juges sur trois ont vu le combat nul (pointage : 113-113). Le troisième l’a donné à Hopkins, avec un round de différence (114-112). Ce résultat décevant a été reçu par un mélange de murmures et de huées de la part des quelque 16 000 fans au Colisée de Québec.

- Ce dénouement n'a pas fait l'affaire de grand monde : Jean Pascal estime qu'il a mérité la victoire et son rival américain crie encore au vol à l'heure qu'il est. La conférence de presse qui a suivi le combat, quelque part dans un des recoins du Colisée, s'est d'ailleurs transformée en cirque, avec quelques prises de bec bien bruyantes entre le clan Hopkins et des partisans de Jean Pascal.

- Hopkins tentera de devenir champion du monde à 46 ans, un record. Bernard Hopkins n'a subi que cinq défaites en carrière, la dernière face à Joe Calzaghe (une autre légende de la boxe), en avril 2008. - Le gala sera une fois de plus présenté sur les ondes du réseau HBO, qui est le réseau le plus puissant au monde en diffusion de boxe.

- Il semble exister une réelle animosité entre Hopkins et Pascal. En conférence de presse à Montréal le 29 mars dernier, Pascal a fait fâcher Hopkins en lui demandant de passer des tests sanguins avant le combat, soulevant ainsi le doute sur la « propreté » de Hopkins qui, à 46 ans, affiche une forme hors du commun. Pascal a expliqué que des fans lui avaient laissé entendre que le boxeur américain carbure peut-être à autre chose que du Gatorade. « Es-tu prêt à subir des tests, Bernard? Es-tu prêt? », a répété sans cesse le boxeur québécois au micro, alors que c'était de plus en plus le désordre sur la petite scène. Piqué au vif, Hopkins a ensuite tenté de s'en prendre à Pascal. Une bousculade a éclaté, et les deux hommes ont dû être séparés. Le calme est revenu au bout de quelques longues minutes. Croisé dans les couloirs du Centre Bell par la suite, Hopkins n'était pas d'humeur à plaisanter. Il a souligné le manque de classe de Pascal. C’était la première fois qu’on accusait Hopkins de dopage. Il faut savoir que l’entraîneur de Hopkins est le même que celui de Shane Mosley, qui a été éclaboussé par un scandale relié au dopage (l’affaire Balco).

- Le 10 mai, en conférence de presse téléphonique, Hopkins a laissé entendre aux journalistes, sans le confirmer, qu’il poursuivrait Pascal en cour pour ses déclarations mettant en doute son intégrité (c’est-à-dire les allégations d’utilisation de produits dopants par Pascal). Hopkins a promis qu’il le démolirait sur le ring et ensuite financièrement.

- Autre épisode confirmant cette animosité : lors d’une activité de promotion sur les ondes du télédiffuseur du combat, HBO, on a encore eu droit à des citations incendiaires de la part des deux pugilistes. « Il continue de pleurer comme un bébé. Bernard, tu as 46 ans, arrête de pleurer comme un bébé », a mentionné d’entrée de jeu Jean Pascal. La réplique de Bernard Hopkins ne s’est pas fait attendre. « Je vais lui botter le derrière à Montréal et il devra déménager en Haïti après le combat. D’ailleurs, ils ont besoin de lui là-bas. Il ne pourra plus marcher dans les rues de Montréal après le 21 mai. Jean Pascal est un bouffon et un lâche » Ces propos n’ont pas surpris Yvon Michel. « Hopkins est un maître dans l’art d’invectiver ses adversaires. Il sait comment gagner le combat sur le plan psychologique avant de monter dans le ring. »

- Même si c’est le clan Hopkins qui a remporté l’appel d’offres pour organiser le combat, celui-ci se déroulera ici parce qu’il va y avoir 17 000 personnes dans le Centre Bell, alors que si le combat avait eu lieu aux États-Unis, quelques milliers de personnes auraient assisté à l’événement, sans plus. Money talks.

- Pascal est allé s’entraîner en Floride pendant plusieurs semaines en vue de cet important combat. Les boxeurs d’ici s’exilent pour ne pas être dérangés dans leur préparation. On les coupe ainsi de leurs proches et des médias.

[…]

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Lorsqu’un animateur possède mal une matière ou ne connaît pas bien son invité, il peut être indiqué de lui fournir des pistes de questions, afin de bien scénariser le déroulement de l’entrevue. Voici quelques exemples de questions que j’ai fournies à Pénélope : - Tu arrives d’un difficile entraînement en Floride; comment ça s’est passé? À quoi ressemblaient tes journées, là-bas? - Lors de la dernière semaine avant un combat, est-ce que tu continues de t’entraîner? - Cette tournée médiatique que tu fais avant de te battre, est-ce que c’est quelque chose qui te dérange ou qui te motive? - Il y a une grosse guerre de mots entre Bernard Hopkins et toi; certains pensent que c’est vrai, d’autres disent que ça fait partie du show et que vous en mettez un peu plus juste pour vendre plus de billets et susciter de l’intérêt autour du combat; c’est quoi la vérité là-dedans? - Et puis tes allusions, en conférence de presse, au fait que Hopkins ne serait pas propre, qu’il prendrait des substances illégales, ça aussi, ça fait partie de la guerre psychologique? - Ses menaces à peine voilées de te poursuivre en cour après le combat, à cause de tes allégations de dopage, ça te dérange ou ça te passe six pieds par-dessus la tête? - Est-ce que ta fille t’a déjà demandé d’arrêter de boxer? Que feras-tu si elle te le demande un jour? […]

Il négocie lui-même ses contrats. Il a seulement

un avocat pour le conseiller. (photo Vincent Ethier)

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Maintenant que le côté sportif est entièrement couvert, nous pouvons nous concentrer sur l’humain derrière le boxeur. Dans le cas de Jean Pascal, l’un des axes d’entrevue les plus « payants » pour un talk-show estival est sa paternité à temps plein. J’extrais donc de mon dossier de presse les renseignements et les citations qui se rapportent à celle-ci. - Il est père monoparental d’une petite fille de 7 ans prénommée Angel. Il l’a à temps plein avec lui depuis 2009. Il ne veut pas expliquer pourquoi sa mère n’est plus dans la vie de sa fille. Il a beaucoup d’aide de sa mère et de sa grand-mère. - « J’interdis à ma fille de regarder mes combats. La boxe, c’est quand même quelque chose de dur. Et je ne veux pas qu’elle voie mon visage boursouflé par les coups. Elle est extrêmement fière de son daddy. Elle me dit souvent qu’elle m’aime gros comme le ciel! » (7 Jours, août 2010) - « Même si je suis champion du monde, je suis toujours le même homme, celui qui reste pris dans le trafic sur l’autoroute 15, tous les matins où je dois aller reconduire ma fille à l’école. La seule différence, c’est que maintenant je me paye une femme de ménage! » (La Semaine, août 2010) - Lorsqu’il prépare un combat, ça l’éloigne de sa fille et ça le rend coupable de la négliger ainsi. « Mais c’est la carrière que j’ai choisie. » (La Semaine, août 2010) - Il a eu sa fille alors qu’il avait 20 ans. Il dit qu’il n’était pas assez mature pour ce type de responsabilité et qu’il a dû faire certains ajustements. Il habitait encore chez ses parents lorsqu’elle est née. - Il prend son rôle de père très au sérieux et il ferait l’impossible pour protéger sa fille et la rendre heureuse. Mais il n’a pas hâte à son adolescence! - « La présence quotidienne de sa mère lui manque sans aucun doute, d’autant plus qu’elle a besoin d’un modèle féminin. J’essaie de la combler du mieux que je peux, mais je ne suis pas sa maman.» Ann-Juliet, la mère d’Angel, a 7 ans de plus que lui. Il a toujours aimé les femmes plus âgées. (La Semaine, août 2010) - Il se dit incapable de réprimander sa fille quand il le faut. - « Ma fille est la meilleure chose qui me soit arrivée dans ma vie. » (La Semaine, janvier 2010) […]

Viennent ensuite les éléments trouvés dans le dossier de presse qui pourraient éventuellement constituer de bonnes pistes de questions. Dans cette rubrique « en vrac », que d’autres appellent « mur des citations », un animateur ou une animatrice peut trouver sa première question, un élément sur lequel s’appuyer lorsque l’entrevue va nulle part, un détail de la vie de l’invité que peu de gens connaissent et qui fera en sorte que son passage à l’émission ait une couleur particulière par rapport aux entrevues réalisées ailleurs, etc. Personnellement, j’aime placer dans cette section des éléments extrêmement divers qui, mis bout à bout, peuvent donner une meilleure idée de la personne qu’on s’apprête à interviewer.

Son vrai nom est Jean-Thénistor Pascal. (photo Vincent Ethier)

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- Il est commandité par Automobiles H. Grégoire depuis le tout début de sa carrière.

- « J’aime tout de la boxe. Ce que je préfère, c’est l’entraînement. Ça m’a obligé à me discipliner. Ça m’a aussi appris à persévérer dans la vie. » (7 Jours, août 2010) - À sa retraite, il se voit encore œuvrer dans le sport, comme entraîneur ou manager. - « Mon plus grand objectif est de devenir le meilleur boxeur de la planète. » (7 Jours, août 2010) - Lorsqu’il rencontrera la bonne personne, il se casera de nouveau. Il veut une femme indépendante, cultivée, possédant de belles valeurs et qui aime la vie de famille. Il préfère la beauté intérieure qu’extérieure. - Lors de son combat contre Adrian Diaconu, le 11 décembre 2009, Pascal s’est battu avec l’épaule luxée. Ses entraîneurs lui ont remis l’épaule en place trois fois entre les rounds!!! Les tests d’imagerie ont montré qu’il avait aussi subi une fracture (mesurant 3 cm) de l’os de l’épaule pendant le combat! - « Non, je n’ai pas toujours eu la vie facile. J’ai eu des difficultés, mais jamais au point de mettre fin à mes jours, comme mon ami le boxeur Sébastien Hamel. Les gens pensent que tout est arrivé par magie, mais non. Je viens d’une famille de trois enfants. Plus jeune, j’étais très timide, j’avais de la difficulté à parler. Mon frère était celui qu’on admirait, il était beau. Moi, à 13 ans, j’étais maigre et petit, j’étais complexé et je n’avais pas confiance en moi. Le sport m’a aidé, particulièrement la boxe. Ça m’a redonné confiance en moi; à l’école, je suis passé de 70 % à 95 %. Je me suis inscrit au programme sports-études et ma vie a changé à ce moment-là. » (La Semaine, janvier 2010) - « Quand j’étais plus jeune, mon frère me disait que j’avais un gros nez, plus large que les ailes d’un avion. Ça m’a marqué, même s’il faisait juste me taquiner. Je ne m’acceptais pas. Par la suite, je me suis assumé. » (La Semaine, janvier 2010) - « J’adorais l’école. Je suis un passionné d’histoire. Ce n’est pas parce qu’on fait de la boxe qu’on ne peut pas être un intellectuel. » (La Semaine, janvier 2010) - Il laisserait sa fille boxer si c’est pour garder la forme, mais elle a plus un intérêt pour les arts que pour les sports en ce moment : « Je ne suis pas sexiste, mais la boxe, c’est un sport pour les hommes. Une fille qui a un œil tuméfié, c’est moins élégant. » (La Semaine, septembre 2009) - Il négocie lui-même ses contrats. Il a seulement un avocat pour le conseiller. - « Les gens essaient de me faire passer pour un mauvais garçon, mais je suis très sympathique. Je suis peut-être un peu flashy, et j'aime les belles choses, mais c'est moi. Je suis comme ça. » (La Presse, 21 octobre 2009) - Avant d’être boxeur professionnel, il étudiait pour devenir policier, en techniques policières. Ça venait chercher son côté serviable, il aime aider les gens. Entre une carrière d’acteur et celle de policier, il choisirait policier. (La Semaine, septembre 2009) - Il a déjà fait quelques apparitions dans Virginie ainsi que dans la série Le 7e round. - Son vrai nom est Jean-Thénistor Pascal. […] Pour terminer ce dossier, je joins une biographie de Jean Pascal. Pénélope a parcouru attentivement ce dossier en compagnie du chef recherchiste, Sylvain Houde. Ensemble, ils ont déterminé ce qui était pertinent à leurs yeux, pour ensuite rédiger une douzaine de questions. Tout ça pour une entrevue de neuf minutes à voir via le lien suivant : http://www.radio-canada.ca/emissions/penelope_mcquade/2011/document.asp?idDoc=153133

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Rencontre avec Michael Gadbois

Par Jean-Sébastien Delisle À Saint-Hyacinthe, un jeune boxeur suivant les traces de Sébastien Demers a fait sa marque sur la scène québécoise de la boxe olympique au cours des dernières années. Le Maskoutain Michael Gadbois, fier d’une courte mais fructueuse carrière amateur, a fait le saut dans l’incertitude de la boxe professionnelle en février dernier. Afin d’en connaître davantage sur son cheminement, La Zone de Boxe s’est entretenue avec lui à la suite de son deuxième combat professionnel le 27 mai dernier à Lévis.

Michael Gadbois, médaillé de bronze aux Jeux de la Francophonie de 2009 au Liban.

(photo courtoisie Michael Gadbois)

La Zone de Boxe : Pour commencer, dans quelles circonstances as-tu été initié à la boxe? Michael Gadbois : Je rêve de boxer depuis que je suis tout jeune, mais mes parents ne voulaient pas car ce n’était pas un sport pour moi. Selon eux, je devais plutôt me concentrer sur le hockey et le soccer. J’ai donc commencé à boxer à 18 ans. À l’époque, je travaillais dans un IGA. Un jour, j’ai dit à un de mes collègues, un ami, que j’aimais suivre la boxe et il m’a répondu que j’étais trop « tapette » pour rentrer dans un gymnase. On a donc parié sur un match des Canadiens de Montréal et si je perdais le pari, je devais m’essayer au gymnase. Comme j’ai perdu (rires), j’ai été obligé de me présenter au club de boxe le lendemain. J’ai eu la piqûre dès les premiers instants, alors que j’ai fait quelques exercices avec l’entraineur Marc Seyer ainsi que des entrainements de groupe. Je me suis présenté le jour suivant et ça n’a pas arrêté depuis. ZDB : Brièvement, quel a été ton parcours chez les amateurs? MG : J’ai fait 71 combats amateurs. Je me suis battu en Italie et en Allemagne, en plus de remporter la médaille de bronze aux Jeux de la Francophonie de 2009 au Liban. J’ai également remporté les Gants dorés à trois reprises, de 2008 à 2010. ZDB : Chez les amateurs, tu es rapidement devenu le meilleur boxeur de ta catégorie au Québec. D’après toi, pourquoi penses-tu avoir atteint un niveau si élevé en boxe alors que tu as seulement débuté la boxe à 18 ans?

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MG : Je pense qu’à cet âge, on est plus mature, donc c’est plus facile de mettre les priorités aux bons endroits. J’ai voulu m’améliorer plus rapidement et mon entraineur, Alain St-Amand, m’avait conseillé de délaisser le hockey et le soccer pour me concentrer sur la boxe puisqu’il me prédisait un bel avenir. Je suis parti à rire lorsqu’il m’a dit ça, mais lui et Marc (Seyer) étaient très sérieux là-dessus. J’ai donc passé plusieurs heures à m’entraîner et à regarder s’entraîner Sébastien Demers sur le ring. J’ai rapidement obtenu les clés du gymnase pour pouvoir m’entraîner encore davantage et, un mois plus tard, je participais déjà aux Gants d’argent. ZDB : Je vois que tu voues une grande admiration à ton compatriote maskoutain Sébastien Demers. Quelle est son influence sur ta carrière? MG : Honnêtement, si je pouvais faire la moitié de ce que Sébastien a réalisé chez les professionnels, je serais très fier de ma carrière. Il s’est déjà battu en championnat du monde. N’importe quel boxeur souhaiterait avoir cette chance! Il est non seulement mon ami mais également un véritable modèle, car c’est en regardant ses combats que j’ai réellement commencé à m’intéresser sérieusement à la boxe. ZDB : Parle-nous de l'influence de Marc Seyer sur ta carrière. MG : Marc fait un excellent travail avec moi. Il n’hésite pas à m’appeler souvent et je fais de même pour lui demander des conseils. C’est un très bon entraineur et j’aime beaucoup m’entrainer avec lui et son équipe.

ZDB : Revenons à ta carrière amateur. Tu as remporté plusieurs distinctions, mais tu n’as jamais été champion canadien. Est-ce une déception pour toi? MG : Oui, car à la sélection canadienne de l’an dernier (2010) à Halifax, je combattais en finale contre Alex Rynn et je menais 13 à 12 avec 30 secondes à faire au combat. J’ai alors eu un avertissement pour accrochage. Il a donc pris les devants pour ensuite l’emporter et j’ai ainsi été privé d’une place sur l’équipe nationale. Cela a été un grand choc pour Marc (Seyer) et moi. On a passé plusieurs jours à se remettre de cette déception. Mais en même temps, je suis très satisfait de mon parcours chez les amateurs.

Gadbois lors du championnat canadien de boxe olympique à Trois-Rivières en 2009. (photo Philippe Champoux)

« Si je pouvais faire la moitié de ce que Sébastien a réalisé chez les professionnels, je serais très

fier de ma carrière.»

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ZDB : Quelle a été ta plus belle expérience en boxe olympique? MG : Sans aucun doute les Jeux de la Francophonie, car il n’y avait pas que la boxe comme discipline. C’était vraiment impressionnant de voir tant d’athlètes provenant d’autant de pays. Et étant donné que la compétition avait lieu à Beyrouth, au Liban, c’était vraiment intéressant de découvrir une nouvelle culture. C’est assurément la plus belle expérience que j’ai vécue en boxe. ZDB : Qu’est-ce qui t’as poussé à délaisser l’équipe du Québec et faire le grand saut chez les professionnels? MG : À la suite de ma défaite contre Alex Rynn à Halifax, nous avions décidé, mon équipe et moi, d’attendre une autre année avant de passer chez les professionnels parce que le moment était peut-être mal choisi et que l’idéal était que je gagne en visibilité. Donc un an plus tard, soit au championnat canadien de décembre dernier, c’était « ça passe ou ça casse ». Étant donné ma défaite, j’ai officiellement pris la décision de commencer ma carrière professionnelle. ZDB : Tu étais censé faire tes débuts professionnels chez toi à Saint-Hyacinthe le 22 janvier dernier. Pourquoi ton combat n’a pas abouti? MG : Je devais affronter James Carpio. Il a fait la pesée, mais il est tombé malade et est parti le jour même du combat. ZDB : Cela a été une réelle déception pour toi? MG : Oui, car non seulement j’avais hâte de faire mes débuts professionnels, mais également plusieurs de mes proches s’attendaient à me voir boxer. Comme je n’ai pas de contrat avec un promoteur, c’était également une belle occasion de démontrer mon talent et d’obtenir de la visibilité. ZDB : Ton combat contre Carpio a finalement eu lieu au mois de février. Tu as remporté une décision partagée. Que penses-tu de la décision des juges et de ta performance en général? MG : Je pense que j’aurais pu faire mieux, mais en même temps je n’affrontais pas un Mexicain. Carpio était fort physiquement, il cognait dur et je savais qu’il était venu pour se battre. J’avoue l’avoir sous-estimé au premier round. J’étais aussi un peu craintif au début car je ne savais pas comment j’allais réagir après avoir reçu mes premiers coups sans protection et avec des gants de 8 onces. ZDB : As-tu eu des ajustements à faire pour passer de la boxe amateur à la boxe pro? MG : Plus ou moins, parce que je pense déjà avoir un style plus professionnel. Chez les amateurs, je gardais les mains hautes, j’étais très actif et c’était toujours moi qui mettais de la pression. En corps à corps, j’étais souvent plus fort physiquement que mes adversaires. Les seuls ajustements sont peut-être de se positionner un peu différemment en défensive et de voir le combat d’une autre façon, car le but n’est plus de marquer des points. ZDB : À ce sujet, quel est le boxeur professionnel auquel tu crois ressembler le plus ? MG : Kevin Bizier. J’aime beaucoup son style. Nous sommes deux boxeurs qui travaillons beaucoup avec notre main avant. Il possède un bon crochet de la main avant au corps tout comme moi. Je suis gaucher, mais si j’étais droitier je pense que je boxerais un peu comme lui. Je dirais qu’on est symétrique lui et moi.

Gadbois a maintenant une fiche de 2-0 chez les pros. (photo Paul Henry Serres)

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ZDB : Tu as récemment signé une victoire par K.-O. en seulement 32 secondes contre Dave McQuaker à ton deuxième combat professionnel. Étant donné qu’il avait déjà été mis K.-O. à deux reprises en moins de 45 secondes, ressentais-tu la pression de faire de même? MG : J’avais dis à la blague à mon ami Tyler Asselstine, qui l’avait battu en 38 secondes, que je pariais 100 $ que je le finirais plus rapidement que lui (rires). On a beaucoup ri de ça lui et moi, mais le but n’était pas de le finir le plus rapidement possible. J’étais toutefois confiant qu’il tomberait en moins de deux rounds. ZDB : À partir de maintenant, quels sont tes objectifs à court ou moyen terme? MG : Je souhaite seulement faire des combats, Je ne peux pas trop m’avancer là-dessus étant donné que je ne suis pas sous contrat avec un promoteur. Ma dernière victoire à Lévis m’a donné de la visibilité et j’espère avoir laissé une bonne impression aux gens d’Interbox. Je me croise les doigts pour qu’on me réinvite éventuellement dans l’un de leurs galas. ZDB : Peux-tu nous parler de séances de sparring qui ont été particulièrement marquantes pour toi? MG : J’ai été le partenaire d’entraînement d’Antonin Décarie lors de son dernier combat contre Shamone Alvarez. J’ai également été son partenaire il y a deux ans alors qu’il était supposé affronter ce même boxeur. C’était tout juste avant les Jeux de la Francophonie. Ça m’a aidé et j’ai beaucoup appris de cette expérience. J’ai également été le partenaire de Benoît Gaudet à son avant-dernier combat. Il possède un style complètement différent d’Antonin donc j’apprends énormément à m’entraîner avec de tels boxeurs. ZDB : Que ce soit pour venger un résultat en amateur ou pour toute autre raison, y a-t-il un boxeur que tu souhaites particulièrement affronter chez les professionnels? MG : Non, pas particulièrement. C’est sûr que j’ai une dent contre Alex Rynn car j’ai perdu deux fois contre lui, mais je ne cherche pas à l’affronter à tout prix. Je pense que surtout au Québec, c’est à notre désavantage de se battre entre boxeurs locaux.

ZDB : Verrais-tu une objection à affronter un boxeur avec qui tu as développé un lien d’amitié? MG : C’est sûr! Par exemple, je suis très près de Tyler Asselstine. On s’est battu trois fois chez les amateurs mais on s’est dit qu’on ne s’affronterait plus chez les professionnels à moins qu’il y ait un million de dollars en jeu (rires), J’imagine que ça dépend des cas mais il faudrait que l’enjeu soit grand. ZDB : Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et bonne chance pour la suite des choses. MG : De rien, ça m’a fait plaisir!

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L’amateur de boxe et sa tirelire Par Jonathan Dion

Lors de ma première collaboration au magazine, il y a un peu plus de trois ans, j’y étais allé d’une analyse de la situation de Montréal comparativement aux autres importants marchés de boxe professionnelle. Il en ressortait que depuis l’essor inespéré provoqué par le rachat d’Interbox et l’arrivée du Groupe Yvon Michel, Montréal comptait sur l’un des bassins de boxeurs les plus relevés d’Amérique du Nord, qu’elle n’avait rien à envier aux autres marchés de cette zone, à part peut-être Las Vegas, quant au nombre de galas présentés et que, sur certains plans, la boxe québécoise pouvait même être un modèle à suivre. En contrepartie, deux grands facteurs négatifs empêchaient la métropole québécoise de se placer au niveau de ses concurrents : des revenus locaux encore inférieurs et surtout le fait qu’aucun des deux principaux diffuseurs de boxe aux États-Unis – HBO et Showtime – n’avait encore présenté un gala à partir de Montréal. Eh bien, malgré une baisse du nombre d’événements présentés (de 34 en 2005 à 15 l’année dernière au Québec) et de boxeurs sous contrat avec les promoteurs locaux, nous avons été témoins d’un revirement positif des plus improbables. En effet, depuis octobre 2008, c’est rien de moins qu’à neuf reprises que les équipes de production de HBO ou de Showtime sont venues chez nous, plus souvent qu’autrement pour leur principale série dédiée à la boxe. Entre le premier passage de HBO dans la province et sa toute récente visite à Montréal, la puissante chaîne ne s’est déplacée qu’à quatre occasions à l’extérieur des États-Unis, toutes au Québec. C’est le

même nombre qu’en Californie ou à Atlantic City et une fois de moins qu’au Nevada. Du coté de Showtime, seule la Californie a été visitée plus fréquemment que le Québec.

Les deux plus récents galas présentés par le Groupe Yvon Michel illustrent parfaitement cette manne venue du sud. Tel que le rapportait le réputé chroniqueur américain Thomas Hauser1, le programme dont l’attraction principale était le combat éliminatoire au titre WBC des poids moyens opposant David Lemieux à Marco Antonio Rubio au Centre Bell de Montréal aurait été financé à hauteur de 50 000 à 60 000 $ par ESPN2 et le réseau s’est approprié d’importants espaces publicitaires sur le ring. Le contraste est donc spectaculaire avec les 3,7 millions $1 que HBO aurait consentis aux promoteurs uniquement pour les droits de télédiffusion du combat revanche entre Jean Pascal et Bernard Hopkins et du choc entre Chad Dawson et Adrian Diaconu présentés du même endroit six semaines plus tard dans le cadre du gala Dynastie II. Une somme plus de 50 fois supérieure, à laquelle s’ajoutent les coûts de production et la promotion d’exception dont s’est chargé le réseau. Le Québec est-il devenu l’endroit le plus dispendieux où suivre la boxe? Compte tenu de la flambée du prix des billets au cours des dernières années, la question mérite d’être posée. Les premières hausses importantes se sont produites lors de la percée de Lucian Bute à l’IBF, soit dès son combat éliminatoire contre Sakio Bika et ensuite lors de son match de championnat qui allait suivre quelque mois plus tard. Sans compter les frais supplémentaires, il en coûtait de 35 à 300 $ afin d’assister à la victoire qui allait permettre au Québécois d'adoption d’obtenir son laissez-passer pour affronter le champion. Retenons que le prix d’une place dans la meilleure section des gradins était fixé à 100 $ et qu'il est rapidement passé à 150 $ lorsque Bute a défié le cogneur colombien Alejandro Berrio et l’a dépossédé de son titre. Il a ensuite été majoré à 200 $ pour le premier combat de Bute contre Librado Andrade et celui contre Fulgencio Zuniga, puis à 250 $ pour les corrections qu’ont subies Edison Miranda et Jesse Brinkley. Pour ces deux derniers combats, il est question d’environ 3000 billets coûtant plus de 250 $; la majorité des catégories plus abordables n’ont évidemment pas été épargnées par cette courbe inflationniste. Le prix a ensuite été

Les équipes de production de HBO ou de Showtime sont venues chez nous à neuf reprises. Sur cette photo, Michael Buffer.

(photo François Couture)

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majoré à 275 $ lors de la dernière défense de titre de Bute à Montréal. Donc, seulement de Sakio Bika à Brian Magee, le prix des meilleurs places dans les gradins a augmenté de 175 %. Le Groupe Yvon Michel avait utilisé une échelle de prix légèrement inférieure pour les galas mettant en vedette Jean Pascal en championnat du monde. Puis, toutes les limites ont été repoussées pour le récent gala Dynastie II, l’un des rendez-vous phares de l’histoire de la boxe québécoise et de cette première moitié d’année à l’échelle internationale. Les prix de vente au guichet variaient de 47 à près de 800 $ le siège, dont 368 $ le billet pour les six meilleures sections dans les gradins et jusqu’à 125 $ pour être au dernier balcon dans les « blancs ». Le succès retentissant au guichet de cet événement et les réussites d’Interbox montrent que les promoteurs n’ont pas encore excédé la capacité de payer des amateurs de boxe montréalais. Celle-ci sera sans doute encore repoussée avant longtemps, un luxe que tout promoteur se permettrait s’il en avait la possibilité. Cette tendance haussière est aussi favorisée par l’émergence de Québec comme ville capable d’accueillir des grands combats. Le fait que les événements majeurs y sont encore assez rares se prête bien à la surenchère, d’autant que les visites dans la capitale nationale permettent aux promoteurs de ne pas trop rapprocher les rendez-vous importants à Montréal. Mais est-ce plus cher qu’ailleurs? À l’échelle nord-américaine, oui. Au cours des deux dernières années, exception faite des combats de Floyd Mayweather fils et de Manny Pacquiao, aucun gala n’a affiché des prix avoisinant ceux de Dynastie II. On peut aussi faire le même constat pour tous les combats du Super Six par rapport aux dernières défenses de titre de Bute au Québec. Il en coûtait notamment de 25 $ dans les gradins à 200 $ sur le parterre pour assister à la demi-finale du tournoi qui a opposé Andre Ward à Arthur Abraham en mai dernier à proximité de Los Angeles et, pour le combat de deuxième tour entre Andre Dirrell et Abraham, les tarifs allaient de 25 à 100 $ pour les gradins et certains billets de parterre étaient offerts à 125 $. Les exemples aussi probants abondent en 2010 et 2009. Une autre comparaison intéressante peut se faire sur le plan des recettes tirées de la vente de billets. En excluant les cas hors normes de Mayweather et de Pacquiao, on se rend compte qu’aucun gala ces dernières années aux États-Unis n’a affiché des prix aussi élevés à la billetterie que la revanche entre Bernard Hopkins et Roy Jones fils. Selon les données rendues publiques par la commission athlétique du Nevada, le combat a généré des recettes au guichet de 1,2 million $ et se classe deuxième à ce chapitre pour l’année 2010 dans cet État, devancé que par le choc Mayweather-Mosley. Figurez-vous que, huit mois plus tard, le combat entre Pascal et Hopkins à Québec, même s’il a été suivi par 2000 spectateurs de moins que Dynastie II – à des tarifs inférieurs –, a enregistré au guichet des revenus dont on peut facilement supposer qu’ils ont dépassé de 50 % ceux de cet affrontement entre Hopkins et Jones.

La première catégorie de billets dans les gradins a été majorée à 275$ pour le combat Bute-Magee. (photo Stéphane Lalonde)

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L’offre télévisuelle et la télé à péage Voilà une autre évolution qui engraisse la facture. Il faut rappeler qu’il n’y a pas eu au Québec de boxe « locale » télédiffusée en direct sur une chaîne généraliste ou câblée depuis la fin de la collaboration du Groupe Yvon Michel avec V, il y a plus d’un an. Et existe-t-il un autre marché que le nôtre où l’on voit des boxeurs comme Elvin Ayala, Jesse Brinkley, Hector Camacho fils, Shamone Alvarez et Jean-Paul Mendy se succéder en à peine un an en combat principal d’un programme à péage ?

Le point tournant de cette transition fut fort probablement le rachat du Canal Indigo par Groupe TVA/Quebecor Média. Peu avant cette transaction, quatre combats de championnat mondial avaient été présentés en direct sur TVA et Radio-Canada en l’espace de sept mois, soit la conquête et la première défense des titres de Joachim Alcine et de Lucian Bute en 2007 et en 2008. Comme Quebecor Média ne détenait auparavant que 20 % des parts d’Indigo et qu’elle est propriétaire du plus important câblodistributeur au Québec, c’est-à-dire Vidéotron, il faut comprendre que l’acquisition qu’elle a faite l’a aidée à gagner une position dominante dans le secteur de la télé à péage.

À titre indicatif : même un promoteur puissant comme Bob Arum se voit privé d’environ 50 % des revenus de ses programmes à la carte indépendants seulement par les câblodistributeurs américains. Avec Vidéotron comme partenaire et commanditaire, nul doute qu’Interbox et le Groupe Yvon Michel y trouvent un meilleur compte au chapitre des redevances. D’ailleurs, dès que Vidéotron est devenue le commanditaire principal du Groupe Yvon Michel, le péage a pris toute la place. Même sans compter les avantages que procurent les autres plates-formes médiatiques de Quebecor, un tel partenariat n’est pas vrai ment à la portée des promoteurs américains. Le résultat est que malgré la faible taille de notre marché, les revenus générés par le péage donnent un avantage considérable aux promoteurs locaux face à la concurrence. En effet, les revenus de télédiffusion des galas à Indigo ont progressé de manière importante au cours des dernières années. Selon une source très bien informée, environ 35 000 achats uniques ont été enregistrés pour le premier gala Dynastie, marque qui a été nettement dépassée lors du second. À 60 $ pour la définition standard et à 70 $ pour la haute définition, on se rend rapidement compte qu’on parle maintenant de millions de dollars. Toutefois, la totale confidentialité, respectée par les promoteurs, que Quebecor Média impose quant aux activités du Canal Indigo empêche pour le moment de pousser plus loin l’analyse des chiffres. L’arrivée imminente des chaînes câblées RDS2 et TVA Sports, qui a annoncé une entente sur les droits de télédiffusion du contenu d’Interbox, est porteuse d’espoir pour ceux qui souhaitent voir un changement dans la façon dont la boxe est offerte au public. À quelques exceptions près, je serais tout de même surpris que TVA Sports ne serve pas premièrement à faire la promotion des programmes à péage, par exemple par des émissions spéciales et la télédiffusion de quelques combats de sous-carte en direct avant l’entrée en ondes sur Indigo. Pour ce qui est de RDS2 et de RDS, qui devait initialement présenter la série Rapides et dangereux2, mes doutes quant à leur éventuel rôle dans la diffusion de la boxe locale résident en bonne partie dans l’étroit lien qui unit nos promoteurs à Quebecor. C’est que ces deux chaînes appartiennent à 80 % à Bell, ennemi juré de la société présidée par Pier-Karl Péladeau.

Un centre Bell plein à craquer. (photo Vincent Éthier)

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Conclusion Mais comprenez-moi bien, je nous considère privilégiés de vivre cette époque de la boxe québécoise. Tout cela prouve que son niveau et sa santé sont à leur sommet. Il n’y a encore pas si longtemps, TVA a joué un rôle de premier plan dans cette relance en présentant régulièrement de la boxe « en direct ». Ces galas, présentés devant 600 personnes (pour ceux qui avaient lieu au cabaret du Casino de Montréal) représentaient certes le plus haut niveau de boxe au Québec à l’époque, mais ils n’ont rien à voir avec ce à quoi nous assistons aujourd’hui. Cependant, Bute et Pascal bénéficiaient de cotes d’écoute qui dépassaient parfois 300 000 en après-midi et un million en soirée sur les réseaux généralistes, loin des quelques dizaines de milliers que le péage peut dans le meilleur des cas offrir actuellement à ceux qui seront appelés à prendre leur place. Même si des partenariats solides sont en place et que les performances des boxeurs font foi de tout ou presque, cette perte de visibilité et la diminution de l’accessibilité pourraient s’avérer dommageables lorsqu’il devra y avoir un changement de garde. Les performances des Pascal et Bute nous permettent à l’heure actuelle de vivre de grands évènements, mais lorsqu’il en sera différent, les promoteurs locaux risquent de devoir redoubler d’ardeur et d’ingéniosité pour garder leur clientèle en continuant de pratiquer les mêmes tarifs. (1) http://www.boxingscene.com/what-hbo-now-part-two--36245 (2)http://fr.canoe.ca/cgi-bin/imprimer.cgi?id=731108

Dynastie II avec en finale Pascal et Hopkins : des revenus records de diffusion à la carte. (Photo Vincent Ethier)

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Dans l’enfer du Romexpo!

Par Martin Laporte

L’aréna Romexpo à Bucarest, où se déroulait le combat Bute-Mendy. (photo Wikipédia)

À 18 h 15, le 8 juillet 2011, je prends le traversier de nuit à Bastia, en Corse, pour me rendre à Marseille. Ma destination ultime est le Romexpo, un amphithéâtre de 8000 sièges à Bucarest, et surtout l’endroit où aura lieu l’affrontement entre Lucian Bute et Jean-Paul Mendy. J’arrive à l’aéroport de Bucarest à 17 h 35 le lendemain. Le douanier vérifie rigoureusement mon passeport canadien et mon titre de séjour français. Je lui explique que je suis un étudiant québécois résidant en France, et que je désire simplement voir le combat de Lucian Bute en tant que reporter pour le magazine La Zone de boxe. Il lève la tête, me sourit, tamponne mon passeport et me souhaite la bienvenue en français. Ce changement d’attitude me confirme le statut de Lucian Bute en Roumanie : il est un héros national. Je me dirige maintenant vers le carrousel à bagages de l’aéroport. Malheur, ils ont perdu mes bagages pendant le vol! Après une heure de paperasserie, futile on m’assure que j’aurai mes bagages le lendemain matin. Je dois maintenant partir à toute vitesse au gala de boxe, même pas le temps de prendre une douche après un voyage de vingt-quatre heures! C’est en tenue de plage incluant les «gougounes» (des «tongues» pour nos lecteurs français) que je me présente à l’entrée du Romexpo. Quelle crédibilité ! Les responsables de la sécurité ne parlent ni anglais ni français, et mon roumain est plutôt inexistant. Par chance, une amie roumaine m’accompagnait et elle a pu me servir d’interprète. On m’apprend alors que j’ai absolument besoin d’une carte de presse pour entrer. N’en ayant pas, je commence de plus en plus à désenchanter de mon voyage. Je décide alors de jouer le tout pour le tout : je me fâche et j’exige qu’on m’amène au responsable des médias. On me dirige alors vers une petite entrée sur le côté, où je suis bloqué une nouvelle fois. Il ne semble plus y avoir de solution et je rage intérieurement…

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C’est au moment où j’allais tout abandonner que j’aperçois un grand rouquin dans une mer de Roumains basanés. Alléluia! Cet homme est David Messier, responsable des relations de presse chez Interbox. Il me donne mon billet et mon accréditation de presse, je peux maintenant commencer mon travail! Mais je n’étais pas au bout de mes peines : je n’avais pas prévu l’absence de connexion Internet stable à l’intérieur de l’amphithéâtre! Une partie de mon affectation vient donc de tomber à l’eau. Je devais faire une chronique Sur le bord du ring pour le site web de La Zone. Je décide donc de profiter du moment présent en me disant que je pourrais toujours écrire cet article pour le magazine. J’ai pu observer Renan St-Juste et Pierre-Olivier « Apou » Côté être supportés par le peuple roumain comme s’ils étaient l’un des leurs. Malheureusement pour les deux Québécois, la chaleur élevée de l’amphithéâtre a couvert le ring d’une fine couche de sueur; étant incapable d’utiliser leur puissance au maximum parce qu’ils glissaient, ils ont du se contenter d’une décision unanime des juges. Par la suite, les organisateurs ont pris la sage décision d’essuyer le ring entre les combats! Malgré qu’il n’y avait plus de sueur sur le ring, l’odeur était toujours très présente dans l’amphithéâtre. Croyez-moi, ça sentait la boxe dans la place, mes amis!

La foule du combat, entassée comme des sardines sous une chaleur suffocante.

(photo Martin Laporte)

L’ambiance a grimpé en flèche quand, coup sur coup, les deux Roumains en sous-carte (Bogdan Dinu et Viorel Simion) ont réalisé des K.-O. spectaculaires. Mais ce n’était rien comparativement à ce qui nous attendait lors de l’entrée sur le ring de Lucian Bute... On pouvait sentir les rêves, l’émotion et surtout la fierté que les Roumains ont envers leur boxeur, mais aussi celle que Bute a envers sa nation. Il y avait de l’électricité dans l’air et c’est devenu complètement fou lorsque Bute a réussi l’un des plus solides K.-O. de sa carrière. J’en ai encore des frissons! Le lendemain, en récupérant mes bagages, je me suis remémoré cette soirée inoubliable. Ce qui m’a amené à la réflexion suivante : le sport n’est pas seulement que des performances extraordinaires face à une opposition d’élite, c’est aussi des émotions qui nous font vibrer. À défaut d’une opposition de qualité, le combat de Bute était rempli d’émotions et restera dans ma mémoire comme un beau moment sportif. Les Roumains se sont vraiment régalés avec nos restes de championnat du monde dont nous ne voulions pas. C’est à croire qu’on se plaint le ventre plein…

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La boxe et moi est une chronique où nous demandons à une personnalité ou à un intervenant du milieu de la boxe de nous expliquer comment est née son histoire d’amour avec le noble art. Pour cette édition, nous avons confié ce mandat à Philippe St-Martin, l’éditeur canadien du site BoxRec.com.

La boxe et moi Par Philippe St-Martin

Mon intérêt pour la boxe

Dès mon plus jeune âge, je fus intéressé par tous les sports, mais ma passion pour la boxe ne s’est développée qu’au milieu des années 90. Comme il l’a fait pour plusieurs Québécois, c’est Stéphane Ouellet qui a su piquer ma curiosité. Je me rappelle avoir regardé les débuts professionnels de Stéphane et d’Éric Lucas en direct, sur les ondes de RDS. Les combats m’avaient réellement impressionné, même si leurs adversaires n’étaient pas de très haut calibre. Même pour quelqu’un comme moi qui ne connaissais pas grand-chose à la boxe à l’époque, c’était évident que ce gars-là était bourré de talent. J’étais curieux de suivre son développement et de le voir être compétitif au niveau international. En plus de suivre les prouesses des boxeurs d’ici comme Ouellet, Lucas, Bonnamie et Grant, j’ai commencé à regarder toutes les émissions consacrées à la boxe sur RDS et TSN, notamment la série TOP RANK Boxing. D’ailleurs, il y a deux combats de cette série (Jesse James Hughes vs Anthony Stephens et Prince Charles Williams vs Merqui Sosa I) qui m’ont particulièrement impressionné et qui m’ont fait comprendre à quel point la boxe était un sport unique. Si vous n’avez jamais eu la chance de regarder ces combats, je vous invite fortement à le faire ! Vous ne serez pas déçu ! À partir de cette période, je suis devenu peu à peu passionné par le noble art. J’ai consacré beaucoup de temps à me renseigner sur ce sport, à propos des champions, des ceintures, des fiches des boxeurs, et je me procurais de nombreux magazines et ouvrages spécialisés comme Flash, The Ring, Boxing Monthly, KO,

Fight Fax Record Book, etc.

Regarder les combats à la télévision est une chose, mais être sur place pour un gros combat est vraiment spécial pour moi. L'entrée des boxeurs, la foule, l'énergie… cela équivaut à chaque fois à une période de prolongation dans un 7e match de la coupe Stanley ! J’ai assisté à ma première carte de boxe en 1994, au vieux Forum : le combat principal de la soirée mettait aux prises Éric Lucas et Darrell «Pee Wee» Flint, pour le titre canadien. Je me rappelle avoir été marqué par cette soirée et d’y avoir assisté a accentué ma passion pour la boxe et mon désir d’en savoir plus sur les boxeurs.

Philippe St-Martin, éditeur canadien de l’indispensable site BoxRec.com. (photo courtoisie Philippe St-Martin)

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Mon engagement J’ai eu la chance de m’engager davantage dans le monde de la boxe depuis l’année 2000. Lors de l’inauguration du site Internet BoxRec.com par John Sheppard, j’ai eu connaissance que des collaborateurs étaient recherchés à travers le monde. J’ai immédiatement posé ma candidature pour le Canada et, depuis ce temps, je suis chargé de compiler tous les résultats de boxe en sol canadien. Cette responsabilité exige beaucoup d’échanges avec les différentes commissions de boxe au pays, ainsi qu’avec les promoteurs et matchmakers. Je m’occupe également du calendrier canadien de BoxRec; c’est d’ailleurs un des aspects que j’aime le plus, puisque j’apprends souvent avant tout le monde les confrontations à venir. Il arrive régulièrement que j’aie des primeurs, mais on me demande de ne pas afficher tout de suite les combats et ce, pour différentes raisons. Il est important de respecter ces demandes si je désire conserver une relation privilégiée et de confiance avec ceux qui me confient l’information. Aussi, depuis peu, je m’occupe de la publicité sur le site au Canada et aux États-Unis. Ma collaboration avec BoxRec.com m’a permis d’assister à presque toutes les cartes de boxe au Québec. En parallèle, j’ai aussi une collection personnelle de plus de 10 000 combats de boxe sur VHS et sur DVD. Les équipes de boxeurs comme Jean Pascal, David Lemieux, Antonin Décarie et plusieurs autres font souvent appel à ma collection afin d’aider à la préparation de leur combattant en vue d’un gros combat. Pourquoi ? Pourquoi j’aime la boxe ? Il difficile pour moi de répondre à cette question simplement. C’est un sport qui est très dur… mais qui est à la fois si beau. J’adore le fait que c’est une confrontation entre deux combattants et que personne ne peut se cacher derrière un coéquipier. Le côté technique et stratégique m’intéresse aussi beaucoup. J’admire tout le travail que les boxeurs doivent faire en gymnase pour développer leurs habiletés. Je suis aussi fasciné par l’aspect spectacle du sport, l’avant-combat et la pesée. Pour moi, il n’y a aucun doute que c’est le sport qui demande le plus grand bagage, soit la forme physique, l’endurance, la force de frappe, la vitesse, l’intelligence, le courage, etc. Imaginez faire quatre, six, huit, dix ou douze rounds de boxe avec un adversaire qui veut vous arracher la tête ! Je n'ai pas la volonté ni le courage des boxeurs qui doivent s’entraîner avec acharnement jour après jour, et souffrir round après round. C’est sûrement pourquoi je n'ai jamais pratiqué le sport… mis à part un peu d'entraînement et quelques coups sur un sac. C’est aussi pourquoi j'ai le plus grand respect pour quiconque monte dans un ring de boxe : il est souvent facile de critiquer la performance d’un boxeur, mais n’oublions jamais que ceux-ci mettent leur santé en péril à chaque combat. Je considère que nous sommes chanceux au Québec d’avoir d’aussi bons pugilistes et autant de bonnes cartes de boxe. Nous sommes aussi choyés par les sites spécialisés comme Lazonedeboxe.com, qui nous permettent de ne rien manquer des actualités locale et internationale. En espérant que les années à venir seront aussi bonnes et excitantes que celles que nous vivons au Québec depuis une décennie ! Je souhaite aussi que la boxe dans le reste du Canada vive une recrudescence, ce qui nous donnerait, dans quelques années, de beaux combats et une belle rivalité !

« Je suis chargé de compiler tous les résultats de boxe en

sol canadien.»

« J’adore le fait que c’est une confrontation entre deux combattants et que

personne ne peut se cacher derrière un coéquipier »

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Les meilleurs boxeurs québécois Par l’équipe du magazine La Zone de boxe Résultats compilés par Karim Renno

Début 2011, nous notions la grande incertitude qui régnait sur le monde de la boxe professionnelle au Québec; or, les six derniers mois n’ont pas fait grand-chose pour calmer le jeu : Jean Pascal a perdu son titre, Lucian Bute est toujours à la recherche du combat qui pourra le propulser vers le sommet de son sport, David Lemieux est tombé au combat pour la première fois de sa carrière et Adrian Diaconu a manqué une chance en or de revenir au sommet de sa division.

Par ailleurs, cette période nous a aussi rappelé la grande profondeur locale. Les Stiverne, Usmanee, Côté, Bizier et Zewski représentent une nouvelle vague de pugilistes talentueux prêts à conquérir la scène nord-américaine et internationale. En leur ajoutant des noms familiers (Dan, Décarie, Gaudet, Gauthier, Stevenson et St-Juste) on en vient à la conclusion que nous ne sommes pas à la veille d’un déclin de la qualité de la boxe présentée dans la belle province.

Autant de raisons pour que notre rédacteur en chef poursuive la tradition et commissionne un nouveau classement québécois. Pour les fins de l’exercice, il a encore une fois assemblé une équipe du tonnerre composée de journalistes renommés (Philippe St-Martin, Vincent Morin, Jean-Luc Legendre, Benoit Dussault, Richard Cloutier) et de collaborateurs réguliers (Samuel D.-Drolet, Pascal Lapointe, Pascal Roussel, Jonathan Dion et moi-même). Vous trouverez les classements de chacun à la fin du présent article.

Avant de dévoiler nos résultats, voici les règles utilisées : sont éligibles pour notre classement les boxeurs québécois faisant carrière à l’étranger (comme Stiverne ou Zewski) et ceux qui œuvrent principalement au Québec (comme Bute, Diaconu ou Dan). Ces boxeurs doivent également être actifs. À la lumière de ce dernier critère et par proclamation de notre rédacteur en chef, Joachim Alcine, Hermann Ngoudjo, Dierry Jean et Olivier Lontchi sont exclus de l’exercice.

Jean Pascal trône encore au sommet, mais voit son avance diminuer. (photo Vincent Ethier)

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La crème

1. Jean Pascal (114 pts)

D’abord, la mauvaise nouvelle : Pascal a perdu ses titres The Ring et WBC lors de son plus récent affrontement contre l’immortel Bernard Hopkins, dans un combat particulièrement serré. Même s’il s’agit d’un pas en arrière pour la carrière du pugiliste lavallois, les bonnes nouvelles sont nombreuses.

D’abord, Pascal a continué sur sa lancée de combats significatifs et s’est développé une réputation bien méritée : celle d’un athlète qui recherche constamment à relever des défis. Ensuite, son prochain combat lui donnera sûrement l’occasion de revenir au sommet de son sport puisqu’on parle d’un affrontement contre Tavoris Cloud, Zsolt Erdei ou Beibut Shumenov. Finalement, le grand réseau HBO semble friand de ses combats. Chose certaine, sa défaite ne l’a pas abaissé aux yeux de la plupart de nos panélistes, puisqu’il conserve le premier rang de notre classement.

2. Lucian Bute (106 pts)

L’ancien monarque de notre classement se rapproche du premier rang (obtenant la faveur de trois panélistes sur 10), mais le combat significatif tant souhaité ne s’est toujours pas matérialisé pour «Le Tombeur».

Entre-temps, Bute relève tous les défis qui se présentent devant lui. Il a vaincu Brian Magee sans trop de problème et Jean-Paul Mendy a subi le même sort en Roumanie. Difficile de le blâmer pour ses performances dans le ring. Reste que le combat possible contre Kessler à l’automne est tombé à l’eau et qu’aucune piste intéressante ne semble s’offrir à lui dans l’immédiat. Il semble que les amateurs devront s’armer de patience avant de voir le combat tant attendu, à moins qu’un duel contre André Dirrell puisse de concrétiser in extremis ou que l’équipe de Kelly Pavlik décide finalement d’offrir sa chance à Bute.

Les aspirants

3. Jo Jo Dan (71 pts)

Lors de notre dernier classement, nous prédisions une année difficile pour le Roumain. Jusqu’à maintenant, 2011 ne nous a donné aucune raison de douter de cette prédiction. Une victoire par décision technique contre Steve Forbes est le seul fait d’armes pour Dan cette année… et les prochains mois ne promettent rien d’imminent ou d’excitant. À ce stade, il est légitime de se demander si Dan aura un jour le gros combat qu’il mérite tant. Pour l’instant, il devra se consoler en prenant connaissance de notre classement et notant que nos panélistes croient fermement en son talent.

4. David Lemieux (47 pts)

Parfois le scénario d’une carrière prend un détour complètement imprévu; ce fut le cas pour Lemieux qui a subi une défaite surprenante par mise hors de combat face à Marco Antonio Rubio, en avril dernier. Lemieux dominait le combat pendant les cinq premiers rounds, mais il semble avoir négligé de conserver des réserves. Rubio en a profité pour prendre l’ascendant des hostilités et a finalement arrêté le jeune prodige montréalais.

La question est maintenant de savoir comment rebondira Lemieux à la suite de ce premier échec. Son prochain combat n’est toujours pas prévu au moment d’écrire ces lignes, mais les panélistes semblent convaincus que le protégé de Russ Anber fera un retour en force dans le ring lors de la deuxième moitié de 2011.

Comment rebondira David Lemieux à la suite de son premier échec? (Photo Sonya Hanafi)

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5. Antonin Décarie (38 pts)

On commence à perdre espoir de voir M’Baye donner à Décarie le combat revanche qu’il lui doit; mais qu’à cela ne tienne, le pugiliste lavallois continue sa belle progression. Une très belle victoire par décision unanime nette sur le talentueux Shamone Alvarez a ajouté un très beau scalp au palmarès de Décarie. Elle lui a également permis de gravir un échelon dans notre classement, pour percer notre top 5.

6. Bermane Stiverne (33 pts)

Progression fulgurante pour Stiverne, qui passe du 17e au 6e rang de notre classement grâce à ses victoires contre Kertson Manswell et Ray Austin. Cette dernière ne fut pas exactement reluisante (Stiverne tirait de l’arrière sur les cartes des juges au moment de l’arrêt du combat), mais elle demeure très significative pour un poids lourd québécois. De plus, elle a installé Stiverne comme aspirant obligatoire au titre WBC que détient Vitali Klitschko. La catégorie des poids lourds est toujours imprévisible et il est bon de voir un Québécois y faire une percée. Qui sait jusqu’où elle mènera?

7. Adrian Diaconu (32,5 pts)

Perte de deux rangs pour Diaconu, qui a perdu son combat contre Chad Dawson par décision sans équivoque. Ce n’est pas que Diaconu a mal paru, bien au contraire, il a offert une performance tout à fait digne, mais plutôt que cette troisième défaite contre un boxeur de premier plan (après ses deux défaites contre Pascal) semble avoir convaincu nos panélistes qu’il n’a pas « la coche » nécessaire pour faire partie de l’élite. Il aura certainement une autre chance de se faire valoir, mais, pour l’instant, sa carrière semble se diriger droit dans les limbes…

La troisième vague

8. Adonis Stevenson (15 pts)

L’adage veut que, dans le milieu de la boxe, la carrière d’un bon cogneur ne soit jamais vraiment finie. Stevenson illustre parfaitement ce propos, lui qui a ressuscité la sienne avec une victoire percutante sur Derek Edwards, en avril dernier. Soudainement, Stevenson est champion NABA et il est avantageusement positionné sur l’échiquier des super-moyens. Les prochains mois lui offriront certainement de belles occasions de combat. Cela lui vaut une belle promotion du 18e au 8e rang de notre classement.

Adonis Stevenson, après sa victoire sur Derek Edwards, fait un bond prodigieux dans nos classements. (photo Vincent Ethier)

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9a. Benoit Gaudet (12 pts)

Gaudet chute de deux rangs dans notre classement. Ce n’est pas tant ses performances qui soient en cause, mais plutôt l’ascension importante de Bermane Stiverne et d’Adonis Stevenson. Pour sa part, le boxeur de Drummondville a gagné son seul combat lors de la période qui nous intéresse (par décision technique sur Adrian Verdugo), alors qu’il tente de se positionner pour un autre combat de championnat. Sa route semble longue, mais il a toujours la confiance de nos panélistes.

9b. Renan St-Juste (12 pts)

Malheureusement pour St-Juste, alors qu’un affrontement avec Kessler semblait possible, le Danois a décidé de se tourner vers un autre opposant. St-Juste a certes vaincu Jaudiel Zepeda lors de son combat en Roumanie, mais il se fait tard pour lui (il a maintenant 39 ans) et on ne peut qu’espérer qu’il obtiendra le combat de championnat tant souhaité avant de raccrocher ses gants.

Les autres récipiendaires de votes

Ex aequo au 11e rang, Pier-Olivier Côté (8,5 pts) et Kevin Bizier (8,5 pts) font partie de la belle relève québécoise. Le premier a ajouté trois bons scalps à sa fiche en Michael Lozada, Eris Ambriz et Pedro Navarrete en Roumanie. On peut s’attendre à ce qu’un combat majeur se concrétise pour lui sous peu. Du côté de Bizier, ses victoires récentes sur Edgar Ruiz et Mauro Lucero le placent en position avantageuse sur l’échiquier nord-américain. Un autre que nos chroniqueurs suivront de près.

Même si Arash Usmanee (7 pts) tombe du 10e au 13e rang de notre classement, en réalité il progresse dans le classement de presque tous les panélistes. Son titre NABA lui offre de belles possibilités et ses quatre victoires en 2011 démontrent qu’il fait, à tout le moins, partie de l’élite nord-américaine.

Pour sa part, Sébastien Gauthier (4 pts), qui gagne deux rangs et se classe 14e, semble être en position pour une dernière poussée vers un titre nord-américain, et bénéficie toujours d’un appui de taille après des amateurs de boxe québécois. Fermant la marche de notre top 15, on retrouve le jeune et fougueux Mikael Zewski (2,5 pts). Il a continué son apprentissage avec quatre victoires au cours des six derniers mois.

Finalement, récoltent également des votes Nicholson Poulard (1,5 pts), Tony Luis (1 pt), Sébastien Demers (1 pt) et Ali Nestor Charles (0,5 pt).

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Les choix de nos chroniqueurs

PTS Philippe St-

Martin Benoit Dussault Jean-Luc

Legendre Samuel D.-Drolet Richard Cloutier

1. 12 Lucian Bute Jean Pascal Jean Pascal Jean Pascal Jean Pascal

2. 10 Jean Pascal Lucian Bute Lucian Bute Lucian Bute Lucian Bute

3. 8 Jo Jo Dan David Lemieux Jo Jo Dan Jo Jo Dan David Lemieux

4. 6 Antonin Décarie Jo Jo Dan David Lemieux Antonin Décarie Jo Jo Dan

5. 4 David Lemieux Antonin Décarie Antonin Décarie Bermane Stiverne Antonin Décarie

6. 3 Adrian Diaconu Kevin Bizier Renan St-Juste Adrian Diaconu Bermane Stiverne

7. 2 Renan St-Juste Arash Usmanee Adrian Diaconu David Lemieux Adonis Stevenson

8. 2 Benoit Gaudet Benoit Gaudet Adonis Stevenson Adonis Stevenson Benoit Gaudet

9. 1 Bermane Stiverne Bermane Stiverne Benoit Gaudet Kevin Bizier Pier-Olivier Côté

10. 1 Adonis Stevenson Renan St-Juste Bermane Stiverne Renan St-Juste Arash Usmanee

11. 0,5 Arash Usmanee Pier-Olivier Côté Kevin Bizier Arash Usmanee Adrian Diaconu

12. 0,5 Kevin Bizier Adonis Stevenson Pier-Olivier Côté Pier-Olivier Côté Renan St-Juste

13. 0,5 Pier-Olivier Côté Tony Luis Sébastien Gauthier Benoit Gaudet Kevin Bizier

14. 0,5 Nicholson Poulard Mikael Zewski Arash Usmanee Sébastien Gauthier Sébastien Gauthier

15. 0,5 Tony Luis Ali Nestor Charles Mikael Zewski Mikael Zewski Mikael Zewski

Pascal Roussel Vincent Morin Jonathan Dion Pascal Lapointe Karim Renno

1. 12 Lucian Bute Jean Pascal Jean Pascal Lucian Bute Jean Pascal

2. 10 Jean Pascal Lucian Bute Lucian Bute Jean Pascal Lucian Bute

3. 8 Jo Jo Dan Bermane Stiverne Jo Jo Dan Jo Jo Dan Jo Jo Dan

4. 6 Antonin Décarie Adrian Diaconu Adrian Diaconu Bermane Stiverne David Lemieux

5. 4 Adrian Diaconu David Lemieux David Lemieux Adrian Diaconu Adrian Diaconu

6. 3 Bermane Stiverne Jo Jo Dan Bermane Stiverne David Lemieux Bermane Stiverne

7. 2 David Lemieux Antonin Décarie Antonin Décarie Antonin Décarie Adonis Stevenson

8. 2 Pier-Olivier Côté Renan St-Juste Adonis Stevenson Adonis Stevenson Antonin Décarie

9. 1 Renan St-Juste Adonis Stevenson Benoit Gaudet Pier-Olivier Côté Benoit Gaudet

10. 1 Kevin Bizier Benoit Gaudet Pier-Olivier Côté Benoit Gaudet Pier-Olivier Côté

11. 0,5 Arash Usmanee Pier-Olivier Côté Arash Usmanee Renan St-Juste Arash Usmanee

12. 0,5 Sébastien Gauthier Sébastien Demers Renan St-Juste Arash Usmanee Kevin Bizier

13. 0,5 Adonis Stevenson Sébastien Gauthier Sébastien Gauthier Kevin Bizier Sébastien Gauthier

14. 0,5 Benoit Gaudet Arash Usmanee Kevin Bizier Sébastien Gauthier Renan St-Juste

15. 0,5 Nicholson Poulard Kevin Bizier Mikael Zewski Sébastien Demers Nicholson Poulard

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