La vie à Toulouse dans l’entre-deux-guerres

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JACQUES ARLET LA VIE À TOULOUSE DANS L’ ENTRE-DEUX-GUERRES HISTOIRE LOUBATIÈRES

description

Après avoir raconté la vie à Toulouse à différentes époques de son histoire dans des ouvrages qui font aujourd’hui référence, Jacques Arlet se penche sur l’entre-deux-guerres. Ces deux décennies qui commencèrent dans la joie de la paix retrouvée et finirent dans la crainte de la guerre prochaine. Mêlant son érudition à sa verve coutumière, il présente dans ce livre un panorama complet de la ville pendant cette période : la vie politique municipale, de Paul Feuga à Étienne Billières ; la vie industrielle et commerciale, avec les débuts de l’aviation, la création de l’ONIA ou encore la Violette de Toulouse ; la vie culturelle et scientifique avec les universités, l’Observatoire du Pic du Midi ; les arts et les spectacles ; la vie quotidienne des Toulousains, enfin, l’arrivée de la TSF, la pratique du ski et, encore et toujours, les embarras de la ville…

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JACQUES ARLET

LA VIE ÀTOULOUSE DANSL’ENTRE-DEUX-GUERRES

HISTOIRE LOUBATIÈRES

Ce livre n’aurait pas vu le jour aussi vite si sa rédaction, commen-cée en 1987, n’avait été stimulée puis grandement aidée par l’Ex-position « Toulouse entre les deux guerres », remarquablementorganisée et présentée en 2008, par notre Bibliothèque d’étude etdu patrimoine. Son catalogue était aussi une grande réussite.J’ai pu ainsi profiter de l’érudition de ses commissaires scienti-fiques, en particulier de Claudette Peyrusse, qui a bien voulu meconseiller ; et de l’efficacité de ses commissaires généraux, en parti-culier de mon amie Marianne Miguet, et de Colette Exposito. Jeles remercie très vivement.

Et je veux dire un grand merci à l’administration de la Biblio-thèque et à chacun de ceux qui ont réuni la documentation icono-graphique de l’exposition et m’ont autorisé à utiliser leurs bellesimages pour illustrer ce livre.

D’autres images, en particulier des cartes postales, m’ont étéprêtées par mes fidèles amis cartophiles, Jacques Sicard et AndréHermet. Je les remercie une fois de plus, du fond du cœur.

Cet ouvrage est publié avec le concours du Centre régional des lettres de la Région Midi-Pyrénées

Photographie de couverture Sur le pont suspendu en 1934 © Germaine Chaumel

ISBN 978-2-86266-607-5

© Nouvelles Éditions Loubatières, 201010 bis, boulevard de l’Europe – BP 27

31122 Portet-sur-Garonne Cedexwww.loubatieres.fr

Jacques ARLET

LA VIE À TOULOUSE DANS L’ENTRE-DEUX-GUERRES

Loubatières

Son importance passée et présente dériveavant tout de ce qu’elle a été longtemps la plus complète et la plus authentique des capitales régionales de la France et celle dont la vie a – jusqu’ici du moins –dépendu le moins de Paris.

(Jean Coppolani, Toulouse au XXe siècle)

AVANT-PROPOS

Vingt ans qu’est-ce que c’est ? Moins d’un quart de siècle !Mais ces vingt ans-là, entre deux gigantesques catastrophes,

ont pesé très lourd dans l’histoire, dans notre histoire, dansl’histoire du monde. Les événements se sont télescopés avecune vitesse progressivement accélérée au fil des années.Toulouse, une grande ville de France parmi d’autres, a résonné,plus ou moins fort, à l’annonce de ces événements. Elle acontinué à vivre, aussi, et à grandir ; elle a contribué à créerde nouveaux progrès, de nouvelles connaissances, de bellesmachines, de beaux monuments, à susciter de belles énergies !

J’ai eu du mal à construire ce livre, peut-être à cause del’accélération de l’histoire. Je n’ai pas pu ne pas tenir comptede la chronologie.

Pour les fondations, c’était facile, bien qu’essentiel. Il fallaitqu’elles soient solides, qu’on ne rechigne pas sur le béton,c’est-à-dire une documentation sérieuse, solide et importante.En l’occurrence, les annuaires et les archives, les journaux etles revues, les mémoires et les thèses, les articles et les bulle-tins, l’avis des témoins, ont été le bon béton de notre ouvrage,son fondement. Fondement est moins pompeux, pour unlivre, que fondation et cela a plus de sens ; fondement veutdire aussi argument ; mon livre repose sur une argumenta-tion tirée des faits décrits et interprétés par ceux qui les décri-vent et les signent. Pour l’historien comme pour le policier,un fait n’existe que s’il a été vu. Au lecteur de faire ses commen-taires. Je donne les miens, de temps à autre, quand je me relis !Je me relis souvent.

Sur ces fondations, j’ai construit trois étages. Chaque étagecorrespond à une municipalité, celle de Feuga, celle de Billières,celle d’Ellen Prévot. Chaque étage comprend tout ce qu’ilfaut pour y vivre, municipalité, ateliers, magasins, facultés,

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théâtres, librairies, buralistes, etc. comme dans les tours gigan-tesques de l’avenir. Promenez-vous y.

Bien entendu, je n’ai pas épuisé le sujet et j’ai fait des choix.Certains événements locaux m’ont paru plus intéressants etplus amusants que d’autres, et je ne voulais pas trop vousennuyer. Vous aurez le droit de me critiquer !

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INTRODUCTION

Ce fut un long armistice, en tout cas pour les Allemands, pourbeaucoup trop d’entre eux qui pensèrent à la revanche 1 et lapréparèrent, dès le lendemain de Rethondes 2 !

Chez nous, ce furent vingt ans de reconstruction, un grostravail, efficace et souvent brillant, mais au milieu de vingt ansde deuil et de commémorations.

Eh oui ! Si certains veulent oublier à tout prix et noyer lechagrin… des autres, dans les cocktails, la blanche et le charles-ton – c’est un privilège de Parisiens et de Parisiennes argentés –,presque tous travaillent. Comment faire autrement, il y a tant àfaire, et cela aide à ne pas pleurer !

Ils travaillent à construire et à reconstruire. On construit desmilliers de monuments aux morts et d’ossuaires 3 pour ne pasoublier, on construit des dizaines de navires de plus en plus gros,navires transatlantiques et navires de guerre, des centaines d’avionsde plus en plus perfectionnés, des milliers d’automobiles de plusen plus rapides 4, de nouvelles usines, de nouvelles mines.

On reconstruit des villes entières, écrasées sous des milliersde tonnes de bombes, Reims par exemple. Pendant ces vingt ans,on n’a peut-être pas fait de grandes découvertes, mais on a faitdes progrès techniques formidables à partir des grandes décou-vertes de la Belle Époque et la France y a pris une grande part.

Le génie artistique et littéraire de notre pays renaît aussi, créedes personnages, invente des styles, suit des modes dont certainesviennent d’Outre-Atlantique, car on commence à prendre l’ha-bitude de copier les Américains et ça ne nous passera pas de sitôt !

Les Arts Déco font suite à l’Art Nouveau, sans rupture, quoiqu’on ait dit et malgré la guerre. En 1925 à Paris, on inaugurel’Exposition internationale des Arts Décoratifs qui fixe un style, enquelque sorte et c’est ce style-là, et pas un autre, qui dominera

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l’architecture européenne de l’Exposition universelle (ou interna-tionale des Arts et Techniques) de 1937, à Paris5. C’est bien; quandça dure un quart de siècle, ce n’est plus une mode c’est un style.

Il est plus difficile de suivre les bourgeonnements et les arbo-rescences les plus divers où se découvrent ou se perdent les pein-tres et les sculpteurs. Tandis que les salons parisiens et les gale-ries provinciales exposent des œuvres sages mais parfois ennuyeuseset sans génie, d’autres plus géniaux ou plus fous, comme Picassoou Giacometti, continuent à chercher et à trouver !

On pourrait dire la même chose de la littérature. Il y a la sage,il y a la folle : entre les deux guerres, les inventeurs fous furent lessurréalistes.

On ne manque pas de travail, on manque d’ouvriers, tousceux que l’on pleure (un million trois cent mille tués par la guerre)et les millions de blessés, d’infirmes et d’éclopés à vie. Les émigréssont les bienvenus, on organise leur installation, en accord avecles autorités de leur pays, comme cela s’est fait pour les mineurspolonais. Et pourtant le chômage s’est installé chez nous commedans les autres pays développés, à partir des années trente ! Onen reparlera.

Il faudrait, peut-être aussi, se décider à faire un peu plus d’en-fants ! Nous nous sommes arrêtés d’en faire après la guerre de1870 6, alors que les Allemands et les Anglais continuaient àentretenir une croissance démographique bientôt dangereusepour nous : en 1914, les Allemands étaient presque deux foisplus nombreux que nous !! Sans nos alliés russes, nous étionsécrasés, comme nous le serons en 1940. En avril 1925, Le Télé-gramme annonce que la population allemande a progressé de2 millions en 3 ans et qu’ils sont 63 millions ! On l’a oublié.

La vie l’emporte et notre population augmente aussi, mais ily a ceux qui pensent que ce n’est pas la peine de faire des enfantspour qu’ils partent en guerre à leur tour, pour souffrir autantqu’ils ont souffert eux-mêmes et pour se faire tuer ! Cet argu-ment, bien triste et suicidaire mais bien compréhensible, n’estpas seulement à usage individuel, il est exprimé du haut decertaines tribunes pacifistes.

Car on parle de paix, et comment ne pas en parler. En poli-tique, les affaires extérieures étaient dominées par les questionsde désarmement, de réparations, de dettes et de paix. On crée

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et on réunit de très nombreuses commissions d’experts, puis defréquentes réunions d’hommes politiques responsables, de préfé-rence au bord d’un lac suisse ou italien, pour signer des proto-coles et des traités sans avenir.

Nous avions notre apôtre de la paix, Aristide Briand, au prénomgrec. Il fut 20 fois ministre, 11 fois président du Conseil et unefois prix Nobel de la paix en 1926 ! et certes un infatigable défen-seur de la paix et certainement de bonne foi. Il est même arrivéà faire signer, à tous les pays qui avaient pris part à la guerre, le27 août 1928, au Quai d’Orsay, un pacte de renonciation à laguerre ! Allemagne comprise ! Faisons un rêve !

En réalité, pour nous, la priorité était d’assurer notre sécu-rité, d’autant que nos deux voisins essentiels, étaient tous deuxnos ennemis héréditaires – même si l’Angleterre, avait mis del’eau dans son whisky – et ni l’un ni l’autre ne croyait vraimentà cette agitation en faveur de la paix et du désarmement.

En Allemagne, même avant l’arrivée de Hitler au pouvoir, lesgénéraux ne songeaient qu’à reconstituer une armée puissante 7

et, à partir de 1934, l’Europe a assisté – assisté est le mot juste,car Hitler ne s’en cachait pas – à un accroissement exponentiel,bientôt formidable des capacités guerrières de son pays qui appor-tait, jour après jour, la preuve qu’il ferait la guerre comme il l’avaitécrit dans Mein Kampf 8, malgré les déclarations apparemmentapaisantes dont il parsemait ses discours furieusement agressifs.Et il y affichait son antisémitisme : « On nous qualifie d’antisé-mites tapageurs, c’est parfaitement juste ! »

Quant aux Anglais, ils voulaient bien que les autres désar-ment à condition qu’ils gardent leur supériorité navale, que leurNavy reste la plus puissante du monde et qu’ils puissent pour-suivre sans être dérangés « l’organisation d’une formidable arméeaérienne » (commandant Hautebray, Le Télégramme du 31 mai1925). D’un autre côté ils n’étaient pas mécontents que les Alle-mands réarment pour maintenir l’équilibre entre la France etl’Allemagne, équilibre nécessaire à leur tranquillité d’esprit ! Nousétions les seuls, en vérité, à faire de sérieuses et honnêtes propo-sitions de désarmement !

Je relève cette constatation exprimée, le 9 mai 1933, dans unelettre à un ami par M. Dovgolevski, ambassadeur de l’URSS enposte à Paris et délégué à la conférence du désarmement ; il était

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francophile et probablement un homme de bonne foi : Cetteconférence sur le désarmement, écrit-il, « qui a pour besogne laplus noble tâche qui puisse être imaginée […] au lieu d’agir, de pren-dre des décisions, de décréter, piétine sur place et procède à des pala-bres […] Je n’ai pas de quoi être fier. »

C’était ainsi, désolant certes, d’autant plus que nous nepouvions pas nous offrir le luxe de ne pas entretenir notre ententecordiale avec les Anglais et ce n’était pas facile 9 : nos dirigeantsallaient à Londres tous les trois mois pour le faire et demanderles consignes !

Parlons-en, de nos dirigeants. Ceux qui ont eu, le plus souvent,la charge de la politique de la France, sont pour la plupart desintellectuels brillants, voire des normaliens. Ce sont aussi, souvent,des radicaux ou des radicaux-socialistes. Au lendemain de lapremière guerre mondiale, en novembre 1919, nous avons éluune chambre de droite, mono bloc, le bloc national, bleu hori-zon (419 sièges contre 195 à la gauche). En 1936, à la veille dela deuxième, nous avons eu un gouvernement d’union des gauchesà direction et majorité socialiste, sous le nom de Front populaire.

En janvier 1920, la présidence du Conseil a été confiée àAlexandre Millerand, ancien ministre de la Guerre qui était consi-déré comme un homme d’autorité, si bien qu’après la démissionde Deschanel en septembre, il était élu sans problème présidentde la République; et Georges Leygues, centriste (RDG), le rempla-çait à la tête du gouvernement… pas pour longtemps ! Car dèsjanvier 1921, Leygues était remplacé par Aristide Briand qui seralui-même remplacé, un an plus tard, par Raymond Poincaré…

Ce jeu des chaises musicales se poursuivra pendant ces vingtans, rendant toute action de fond bien difficile. La Chambre estsouveraine et en abuse; comme par caprice, elle renverse le gouver-nement auquel elle a donné sa confiance un mois, voire un jour,auparavant ! Il y aurait lieu de réformer nos institutions, on ypense, certains, comme Tardieu, font des propositions mais ilsn’ont ni l’énergie, ni les moyens pour le faire. Autre exemple, ilfaudrait tout faire pour empêcher le réarmement allemand, maisaucun de nos hommes politiques, sauf peut-être Raymond Poin-caré, n’a le courage d’en faire une priorité. Comme l’écrira LéonDaudet : Les majorités issues des boîtes n’autorisaient que l’inactionchronique.

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Événement politique important, le congrès du parti socialiste(il n’y avait pas encore de parti communiste français), à Tours,en décembre 1920. Il aboutit à la scission des socialistes. La ques-tion essentielle était : le parti devait-il s’aligner sur la révolutionbolchevique et la IIIe Internationale comme le réclamaient Fros-sard et Cachin, qui revenaient, apparemment enthousiasmés, deMoscou? Oui, répondit la majorité qui formera le Parti commu-niste français et gardera L’Humanité : non, dit la minorité sur lamotion de Blum et Paoli : ils formeront le parti socialiste, SFIO,et garderont Le Populaire. La division affaiblit, mais le refus d’ac-cepter la tutelle bolchevique fut lucide, courageux et finalementpayant, car le parti socialiste devint un parti de gouvernement,ce que ne fut jamais, officiellement, le parti communiste.

Autre événement majeur en France : le 6 février 1934. Ce n’estqu’un aboutissement… ou un commencement ! mais décisif.Depuis plusieurs mois, la grogne et l’agitation dans la rue se sontinstallées dans le pays, face à la détérioration de la situation écono-mique et sociale, aux scandales financiers où sont mêlés des poli-tiques, au manque de lignes directives volontaristes des gouver-nants. Le 6 février 1934, le couvercle saute. C’est un terrible faceà face, place de la Concorde. D’un côté les anciens combattantsdont beaucoup ont été regroupés par le colonel de La Roque, etdes étudiants de droite (Jeunesses patriotes), de l’autre les gardesmobiles chargés de protéger la Chambre des députés, le symbolede la République, mais d’une république éclaboussée par les scan-dales financiers et dont les chefs ne savent que faire. Résultat :une imbécile et tragique fusillade ; 16 (ou 19) morts et 655 bles-sés du côté des manifestants (Amouroux), c’est beaucoup, c’estbeaucoup plus qu’une bavure. Et le 9 février, sur la même placede la Concorde, riposte socialo-communiste par une grandemanifestation. Même affrontement avec les forces de l’ordre :neuf morts !

Daladier, un des chefs des radicaux, alors président du Conseildepuis quelques jours, démissionne. Le président de la Répu-blique, Albert Lebrun, appelle au secours son prédécesseur, GastonDoumergue, retraité à Tournefeuille 10. Doumergue bricole,comme il peut, un ministère de salut public avec le maréchalPétain comme caution et rassure les Français avec « ses causeriesavec le peuple de France », bien sympathiques ! Il dit gentiment

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qu’il faut que ça change, mais il ne change rien ; il demande quel’on oublie les différends, les luttes politiques et que l’on s’unisse,mais il ne dit ni sur quoi ni comment !

Cette union – partielle – se fera sans lui à l’instigation descommunistes qui pratiquent11 l’opération main tendue aux socia-listes et aux radicaux, et poussent à la réalisation d’un frontcommun, au nom de la lutte contre le fascisme. Malheureuse-ment, cet antifascisme n’avait pas comme cible principale la dicta-ture la plus redoutable, le nazisme.

Et la pire des choses arriva, une deuxième guerre mondiale.Elle était devenue inévitable parce que Hitler la voulait et qu’onne le croyait pas, parce qu’il était devenu le plus fort en peu d’an-nées, sans que personne ne s’y opposât vraiment et que les effortsdes pays vainqueurs de la première guerre pour maintenir la paixfurent mal concertés et irréalistes, et aussi, que dans notre paysles efforts financiers nécessaires pour assurer notre défense en casd’agression ne furent jamais votés par les chambres avant 1936.

la vie à toulouse dans l’entre-deux-guerres

première partie

1920-1925

LA FRANCE ET TOULOUSEAPRÈS LA VICTOIRE

Deuil et commémorations. Paix et réparations.Après avoir passé l’année 1919 à ficeler le traité de Versailles,

on s’occupe maintenant des choses de la maison.C’est le moment de changer de président de la République.

Clemenceau pensait que ça lui revenait de droit, opinion peudémocratique ! Le Congrès n’a pas retenu cette prétention, ill’a senti et s’est retiré de la course, un peu amer, le 17 janvier1920. On a choisi Deschanel, homme distingué, qui avaitfait preuve dans ses fonctions de président de la Chambre desdéputés, d’une sagesse, d’un équilibre et d’un sang-froid esti-mables et que l’on croyait pérennes. Hélas, hélas, quatre moisplus tard, il quittait son wagon de chemin de fer sans permis-sion 12 et ces belles qualités sombraient dans une irrémédia-ble démence.

Après lui, le 23 septembre 1920, le Congrès élira Mille-rand qui était président du Conseil depuis le mois de janvier.Mais, lui non plus ne dura pas. Il ne supportait pas d’être unprésident potiche, uniquement occupé à inaugurer les foiresexpositions. Il prétendait diriger la politique13. Inadmissible !voici une autre forme de folie disent les députés. Il démis-sionna lui aussi, et fut remplacé, en 1923, par GastonDoumergue, qui connaissait et respectait les règles du jeu.

Enfin, maintenant que la paix est signée, on va s’occuperde la maintenir 14 – ce qui, déjà, n’était pas évident –, à discu-ter du désarmement des grandes puissances à commencer parl’Allemagne – c’était dans le traité qu’elle avait signé – à obte-nir qu’elle paye les réparations. La SDN, la Société des Nations

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que l’on venait de créer en même temps que l’on signait letraité de Versailles, était chargée des tâches dont je viens deparler. Les plus pessimistes, ceux qui annonçaient dès 1923,comme le maréchal Pétain 15, comme plus tard le maréchalFoch, que les Allemands préparaient la revanche, avaientmalheureusement raison. Et ces Allemands avaient un chan-celier socialiste et Hitler n’avait encore levé que son petit doigt.

Je lis dans Le Télégramme, quotidien toulousain, du 4 janvier1925, que les Anglais reconnaissent que « l’Allemagne estredevenue une grande puissance militaire ! ». Le plus graveest que les Anglais trouvent ça normal. Mais, ça ne les empêchepas d’augmenter leur budget militaire à 110 millions de livres,dont 21 pour la RAF (trois fois plus que chez nous)(février 1925).

En 1925, on ne peut pas, non plus, ne pas regarder plusloin vers l’Est, vers « l’empire » des Soviets. C’est déjà unesuperpuissance, tenue par un groupe d’autocrates. Ils sonttrop nombreux et en particulier on dit qu’entre Trotski etStaline c’est la lutte pour le pouvoir suprême. On sait queStaline gagnera.

Revenons chez nous. Jeanne d’Arc est canonisée à Rome enmai 1920 et la Chambre est bleu horizon, nous dit-on. C’estpossible, mais le gouvernement que Millerand a formé, enjanvier 1920, est plutôt « violet » avec Steeg à l’Intérieur et AlbertSarraut16 aux Colonies. À Toulouse Le Télégramme, journal ducentre, n’est pas content de ce « gouvernement de gauche ».

En 1924, à la suite des législatives, les radicaux reprennentle pouvoir en formant le Cartel des Gauches, en s’alliant avecles socialistes. Cette alliance est contre nature, et plutôt molle,si bien que les socialistes bien que non représentés au gouver-nement mènent le jeu à leur gré, et font tomber le gouverne-ment quand ils veulent.

Il y a beaucoup à faire : le deuil, les commémorations, puisla réadaptation, la lutte contre la vie chère et les reconstruc-tions dans toute la France du Nord sur laquelle on s’est battupendant quatre ans et que les Allemands ont occupée pendantces mêmes années.

À Toulouse, la guerre a laissé moins de traces ; plus que dereconstruction, Toulouse a besoin de constructions nouvelles,

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après cinq ans de stagnation dans son développement, cartout alors était dominé par la guerre ! Pendant la guerre, sesactivités industrielles principales étaient la Cartoucherie, villedans la ville, quarante hectares où travaillaient près de 15000personnes, la Poudrerie, autre ville dans la ville où plus de30000 personnes fabriquaient de la poudre à canon, et l’usineLatécoère qui fabriqua d’abord des milliers d’obus, puis descentaines d’avions.

Les événements de la politique extérieure, les travaux descommissions internationales ont moins d’impact sur le lecteurtoulousain que sur le Parisien. On a pourtant l’œil fixé surl’Allemagne et les journaux, en particulier les journaux decentre droit comme Le Télégramme, dénoncent, jour aprèsjour, à la « une », les tricheries du gouvernement allemandqui recrée, en douce, une armée et la réarme ! Et qui refusede payer les réparations décidées par le traité de Versailles. Lechancelier Streseman fait des sourires mais il ne nous payepas. Poincaré, président du Conseil, lorrain combatif, se fâcheet fait occuper la Ruhr.

La deuxième préoccupation majeure, c’est la vie chère. Laguerre nous a ruinés 17. Le franc a fondu ainsi que les écono-mies, qu’elles soient dans la lessiveuse ou sous le matelas…Les prix de base ont été multipliés par six ou sept. Il va falloirfaire avec.

Heureusement il y a le rugby ! et le Stade Toulousain y estmaître. Tous les journaux toulousains, ainsi que les hebdo-madaires, consacrent plusieurs colonnes à ce sport passion-nant ; à défaut de photos des joueurs, Le Télégramme, parexemple, en présente des caricatures.

Heureusement il y a les spectacles, le théâtre, surtout l’opéra.Il continue à être joué aux Variétés car la salle du Capitole aflambé en 1917 ! Il est d’ailleurs maintenant urgent de lareconstruire. Et puis il y a le cinéma qui prospère, les sallesde cinémas qui se multiplient au détriment des théâtres.

Toulouse est une ville étonnante où chaque année les décèsl’emportent sur les naissances et dont, pourtant, la popula-tion augmente chaque année. Sa population a triplé en unsiècle et demi : 58000 habitants en 1790, 175000 en 1921.Toulouse aurait dû disparaître. Sa survie et sa richesse c’est

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son pouvoir d’attraction, elle attire les gens de l’extérieur, detoutes les provinces voisines et des pays proches, espagnols etitaliens surtout.

En 1919, une nouvelle municipalité va prendre en chargeles problèmes et la façon d’être et de vivre de cette ville, toujoursjeune et renouvelée, mais toujours marquée par des traditionspuissantes.

À Toulouse, en 1919, on ne vote pas à droite, bien qu’il yait un petit virage, un petit clin d’œil vers la droite ; on secontente de redonner la majorité aux radicaux contre les socia-listes de Jean Rieux, maire sortant. La municipalité est enmajorité radicale mais avec une ouverture à droite. Deux répu-blicains modérés sont au conseil, deux juristes, Amilhau,avocat à la cour et Thomas, professeur de droit. Mais le conseilélit comme maire, un radical pur jus M. Paul Feuga (1863-1939).

I. LA VIE MUNICIPALE

Qui est Paul Feuga ?

Paul Feuga est un vrai toulousain, né rue Saint-Rome. C’estun radical, protégé par La Dépêche, mais très peu socialiste ;d’ailleurs il n’en a pas dans son conseil et il est opposé à lalutte des classes. Il s’est exprimé clairement à ce sujet à l’oc-casion de revendications salariales des employés du gaz. Il s’estentremis, pour éviter un conflit, et en reconnaissant que cesrevendications étaient légitimes, il a ajouté : « Nous défen-dons les intérêts du capital et les intérêts du travail, noussommes de ceux qui pensent qu’il faut que le capital travailleet que le travail capitalise, nous voulons l’union des classes etnon la lutte des classes. » C’est une formule assez heureuse,dite avec humour !

Il est franc-maçon, mais il n’est pas sectaire et ne fera riencontre l’église. C’est un homme habile et chaleureux, un bonpolitique, un serreur de mains, ce qu’on appelle ici un tocomanete, il y en eut d’autres. Il est érudit, il aime l’histoire etla musique. Il a écrit des ouvrages sur Riquet, le créateur du

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canal du Midi et sur Louis Deffès, le compositeur de LaToulousaine, l’hymne national des Toulousains.

Les problèmes financiers

La première urgence de cette municipalité est de mettrede l’ordre dans les finances de la ville et de trouver de l’ar-gent.

La mairie est endettée jusqu’au cou. « La dette est énorme »s’écrit M. Galinier, conseiller municipal, en janvier 1920. Lamunicipalité précédente, socialiste, présidée par M. Jean Rieux,a laissé une ardoise de plus de trois millions. Il faut trouverde l’argent et ce même Galinier ajoute que si l’on pouvaitdemander le classement de Toulouse parmi les « stations detourisme et de pèlerinage artistique » on pourrait frapper lesvisiteurs d’une taxe juteuse !

En attendant, on va relever les tarifs de l’octroi. Ah ! L’oc-troi, il faudra bien le supprimer un jour ou l’autre, son main-tien est contraire aux principes de la gauche. Le gouverne-ment a autorisé sa suppression et a engagé les grandes villesà la faire, mais par quoi remplacer cette source essentielle deressources ?

En août 1920, le conseil municipal crée quelques taxessupplémentaires… sur les pianos, les phonographes, les domes-tiques, les automobiles et l’enlèvement des ordures et bien-tôt sur les balcons ! Va-t-on taxer les balcons des fenêtresmurées depuis 1840, depuis les impôts sur les portes et lesfenêtres ?

C’en est fini de la stabilité légendaire du franc germinal etde la force du franc or. Les prix des aliments et ceux des maté-riaux ont été multipliés par cinq ou six. Le prix du travail s’estélevé parallèlement et, aussi, parce que la loi du 24 septem-bre 1919 a réduit le temps de travail à 8 heures par jour.

Le prix du pain – c’est un prix de référence – est décidépar arrêté municipal. En juillet 1921, il est fixé à 1 franc 10le kilo, mais la flûte de 700 grammes vaut 1 franc.

Et la mairie va être obligée d’accepter et d’arbitrer uneaugmentation du prix du gaz ainsi que celui du ticket de tram-way, décisions éminemment impopulaires. En mai 1920, elle

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accepte l’augmentation du prix du gaz, après une longue etdure discussion, mais en demandant à la Société Lyonnaisedes Eaux et de l’Éclairage, qui le distribue, d’assurer une meil-leure et constante qualité du gaz. La municipalité se réservele droit d’en faire un contrôle régulier.

Le prix des places de tramway est un sujet sensible car lesouvriers sont souvent obligés de se déplacer, loin de chez eux,pour aller à leur travail, et, aussi, parce que c’est une compa-gnie privée et qu’on estime qu’elle gagne beaucoup trop d’ar-gent sur le dos des travailleurs ! Ce qui ne semble pas vrai ence moment, car elle perd, dit-elle, beaucoup d’argent ! Quoiqu’il en soit, on décide d’une augmentation de près de 50 %du prix du ticket.

Les relations entre la municipalité et la société des tram-ways sont depuis longtemps conflictuelles. Il est loin le tempsou le maire – c’était Honoré Serres – et Firmin Pons partaient,la main dans la main, visiter les capitales voisines déjà pour-vues d’un tramway électrique, pour étudier leurs installa-tions 18. Et depuis vingt ans, il y a au conseil municipal despartisans de la prise en charge des tramways par la munici-palité, par la création d’une régie. C’est pour cela qu’on esttrès mécontent que la Société des Tramways et OmnibusF. Pons ait changé d’appellation et se soit appelée Société des

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Un bus de la STCRT devant Saint-Sernin.

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transports en commun de la région toulousaine, sans autori-sation. Elle n’en avait pas le droit.

En fin de compte, et pour régler les comptes, M. Feugaest obligé de faire un emprunt ; on l’appellera, pudiquement,un emprunt de liquidation. mais il permettra aussi de faire desinvestissements pour l’avenir, car on a prévu de faire construiredes écoles et d’aménager l’usine électrique du Ramier duchâteau. Donc, le rapporteur, M. Galibert, estime nécessaireun emprunt de 9,8 millions. L’emprunt est voté lors des séancesdu conseil municipal des 15 et 30 juin 1921.

La situation financière ainsi épurée, on pourra établir unprojet de budget raisonnable. Le 16 février 1922, M. Thomas,professeur à la Faculté de droit, conseiller municipal, présenteun projet de budget équilibré avec des recettes et des dépensesde 25,6 millions de francs. Il y a cent ans, la municipalitétournait avec un million de francs or, et avant 1914 aveccinq !

En février 1924, lors de la présentation du budget, onréalise que le personnel coûte trop cher 19 : 12,3 millions aulieu de 9,7 millions en 1923, soit près de 40 % du budget dela ville.

Malgré les difficultés financières, le conseil décide d’ache-ter le collège de l’Esquile (qui était devenu, ensuite, un petitséminaire) pour y installer les services économiques de lamairie. Son achat était prévu depuis 1908, coût: 22000 francs.

La Mémoire, les monume nts aux morts

Pendant ces années d’après guerre, chaque village de Franceélève, en face de la mairie, un monument aux morts, sur lequelsont inscrits les noms des enfants de la commune morts à laguerre, pour la France. Les sculpteurs ne sont pas au chômage.

Ce rappel permanent de la guerre, de son carnage, sera-t-il l’aiguillon quotidien qui incitera chacun à tout faire pourqu’une telle hécatombe ne se reproduise plus ? Plus jamais ça !

À Toulouse, le conseil général de la Haute-Garonne et leconseil municipal ont décidé d’élever un grand monumentpour toutes les victimes de la Haute-Garonne. Il doit êtreérigé au début des allées Alphonse-Peyrat (aujourd’hui Fran-

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çois-Verdier). La participation financière de la ville sera de250000 francs.

Aussitôt s’élève la voix des admirateurs de Bourdelle. DansLe Travail du 6 février 1920 à la rubrique Les Arts, celui quisigne Le Pompier 20 estime qu’il y aurait une malhonnêtetéprofonde à confier l’exécution du monument de Toulouse à unautre qu’à Bourdelle. Il y en a d’autres de son avis, mais il y ades oppositions vigoureuses comme celles exprimées par J.-R. de Brousse, déjà sur tous les fronts. Il s’en suivra une querellepar articles interposés pendant plusieurs mois !

Finalement un concours est ouvert par le conseil général.Les maquettes correspondantes aux projets furent exposéesdans les salons du Palais des arts. Le Pompier est allé les voirle jour où le jury fit son choix préterminal de trois candidatsencore anonymes. Il écrit qu’il aurait été bien embarrassé dechoisir et il ajoute : la décision de bon sens est de distribuer3000 francs à chacun des lauréats et d’adresser la commande àBourdelle (!). Le projet d’Abbal, un des trois finalistes, étaitun arc de triomphe en briques, avec une frise de pierre sculp-tée de bas-relief racontant la guerre. Le conseil préfère un vraiarchitecte pour le monument lui-même et choisit Léon Jaus-sely (1875-1932), architecte en chef des PTT; il propose aussiun arc de triomphe, mais tout en pierre. Les trois finalistes,Abbal, Moncassin et Raynaud se contenteront de le décorer !

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Abbal, en particulier, sculptera, en taille directe, les bas-reliefsde la frise d’entablement.

Le monument, une fois dévoilé, fut très critiqué! On regret-tait qu’il bouchât la perspective de l’allée, on le trouvait laid !Les critiques les plus nombreuses et, peut-être, les plus appro-priées s’adressaient à la Victoire ailée de Camille Raynaud.Cette femme nue, ailée, avec de gros seins et un gros ventre,suscita la réprobation indignée des anciens combattants 21 !Ils réclamèrent sa destruction, il y a eu de longs débats, maisla Victoire, tout ailée qu’elle fut, ne s’envola pas.

Cependant Toulouse se devait aussi d’honorer ses propresmorts. Cette intention avait été présentée, dès 1915, au conseilmunicipal par M. Bedouce avec un projet de monument àconstruire dans le nouveau cimetière. En effet, en 1909, leconseil municipal avait décidé l’agrandissement du cimetièrede Terre Cabade au-delà du chemin de Caillibens22. Cet agran-dissement fut réalisé, en 1916, quand il fallut inhumer lesmorts de la guerre. En 1920, le monument fut mis auconcours : le projet de M. Isidore fut retenu et les travauxcommencèrent en 1923 ; le monument fut inauguré le11 novembre 1926. Il est installé à l’entrée du cimetière deSalonique 23, c’est une galerie à colonnade, en arc de cercle,de vingt-huit mètres de long et de sept mètres de hauteur.Sur le mur de la galerie sont inscrits les noms des 5211 enfantsde Toulouse morts pour la patrie !

Cependant, dès le mois de février 1920, la ville est sollici-tée par le comité du quartier Saint-Aubin qui veut son monu-ment et demande une subvention pour son érection. Alors !si chaque quartier de Toulouse en veut un, où allons-nous ?Et c’est ce qui arrive, les demandes se multiplient ; trop c’esttrop ! Mais que faire, freiner un peu ? En janvier 1921, leconseil décide que leur construction sera autorisée sous réserved’un passage devant une commission municipale pour encontrôler l’esthétique! Et puis, il faut de l’argent pour construireces monuments, aussi plusieurs quartiers vont en faire unensemble – et je fais un bond en avant pour vous annoncerque les quartiers de Bounhoure, Guilheméry, Griffoulet etMoscou attendirent leur monument jusqu’en juin 1933 !

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Les grands travaux d’utilité publiqueLa distribution de l’eau

Depuis 1913, on n’utilise plus les installations de la prai-rie des filtres. Cependant, il faut consolider, sinon recons-truire, la galerie d’amenée des eaux des sources de Clairfondet de Portet vers le château de Bourrassol à partir duquel ellessont distribuées à la ville. Il y en a pour 70800 francs, à devoirà la société anonyme des Travaux de ciment de Grenoble (juil-let 1922).

Quand il y a des excédents d’eau, ils sont stockés dans lesréservoirs de Périole, Saint-Sylve et Guilheméry qu’il fautentretenir et qui ont une capacité totale de 43000 m3.

Cependant, avec l’augmentation du nombre des habitantset de leurs besoins, la distribution est insuffisante. Enfévrier 1924, on fait le point. On distribue 36 000 m3 parjour, mais ce n’est pas assez. Les consommateurs demandentplus, il faudrait 50000 m3. Le projet est de prélever l’eau dela Garonne, en bas des coteaux de Pech-David. Un devis aété fait : il est adopté ; mais c’est la prochaine municipalitéqui l’exécutera.

L’énergie électrique

La Garonne a été pendant des siècles la source essentielled’énergie pour la ville de Toulouse. Cela, grâce à deux chutesd’eau, deux chaussées, construites à l’entrée et à la sortie dela ville. Cette puissante énergie hydraulique, urbaine, a permisl’installation d’industries prospères, en particulier de mino-teries, dont la farine était réputée et distribuée dans l’Europeentière.

C’est encore à la Garonne que Toulouse doit sa premièreélectricité. Car depuis quelques années (nous sommes en1920) on sait transformer la puissance d’un torrent ou d’unfleuve en électricité et depuis un quart de siècle nul ne peutignorer que l’électricité sera la force énergétique de l’avenir.

Les Pyrénéens en profitent. Entre 1918 et 1939, plus de70 usines hydroélectriques ont été implantées dans notrerégion. Grâce à la volonté du directeur de la Compagnie des

la vie à toulouse dans l’entre-deux-guerres

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chemins de fer du Midi et à l’installation de barrages dans lesPyrénées 24, le train, désormais, roulera à l’électricité, dansnotre Sud-Ouest; c’est pratiquement fait en 1925 et la Compa-gnie du Midi est pionnière en Europe dans ce domaine, avecla Suisse. Il faut dire que l’opinion publique était tout entièrefavorable au développement et à la diffusion de l’électricité,et les agriculteurs étaient les premiers à la réclamer.

Avant la Compagnie du Midi, à Toulouse, une sociétéprivée avait décidé d’utiliser la force motrice de la chausséedu Bazacle pour produire de l’électricité. « Dès 1888, écritCoppolani, la société Toulousaine du Bazacle pensa utiliser,à la production d’énergie électrique, la chaussée du Bazacle,refaite en 1719 en maçonnerie, devenue alors perpendicu-laire au courant avec une longueur réduite à 250 m. Elleinstalla à côté du vieux moulin, une centrale qui n’alimentaitd’abord que 350 lampes à arc de l’éclairage public, puis assural’éclairage domestique dans le centre de la ville. »

En amont, dès 1916, on a songé à utiliser la chaussée duRamier du château pour faire de l’électricité. Et cela, à lademande du ministère de la Guerre qui va avancer les fonds,près de 8 millions. Mais, il était entendu que la productiond’électricité de l’usine serait mise à la disposition de l’arméejusqu’à la proclamation de la paix. Donc, en octobre et novem-bre 1916, le conseil municipal décida de construire cette usine

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L’usine hydro-électrique du Ramier, vue depuis l’usine des gadoues.

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JACQUES ARLET

LA VIE ÀTOULOUSE DANSL’ENTRE-DEUX-GUERRES

ISBN 978-2-86266-607-5

25€

Après avoir raconté la vie à Toulouse à différentes époquesde son histoire dans des ouvrages qui font aujourd’hui ré-férence, Jacques Arlet se penche sur l’entre-deux-guerres.Ces deux décennies qui commencèrent dans la joie de lapaix retrouvée et finirent dans la crainte de la guerre pro-chaine.

Mêlant son érudition à sa verve coutumière, il présentedans ce livre un panorama complet de la ville pendant cettepériode : la vie politique municipale, de Paul Feuga à ÉtienneBillières ; la vie industrielle et commerciale, avec les débutsde l’aviation, la création de l’ONIA ou encore la Violettede Toulouse ; la vie culturelle et scientifique avec les uni-versités, l’Observatoire du Pic du Midi ; les arts et les spec-tacles ; la vie quotidienne des Toulousains, enfin, l’arrivéede la TSF, la pratique du ski et, encore et toujours, les em-barras de la ville…

Jacques Arlet a déjà publié La Vie à Toulouse sous Louis-Philippe 1830-1848, Le Second Empire à Toulouse 1851-1870 et Toulouse à la Belle Époque 1890-1910.

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