La tentation de la frugalité - Clés

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Écolog ie

La tentation de la frugalité

Consommer moins pour mieux jouir de la vie

Clés – Octobre/Novembre 2013

par Jacqueline Rémy

Clés :

Aujourd'hui, nous possédons beaucoup mais avons à peine le temps d'en jouir.

Les contraintes de l'avoir et du paraître nous font oublier qui nous sommes en vrai.

On peut redonner du sens à sa vie en adoptant une nouvelle échelle de valeurs.

Un jour, j’ai décidé de me débarrasser de tout ce qui m’encombrait et cela m’a sauvé la

vie ! » Chef de produit dans le marketing, Laurence Paré était une acheteuse compulsive,

capable, dit-elle, de claquer son salaire en une journée. « Ma carte bleue était mon

antidépresseur. Je croyais vraiment que le bonheur s’achetait. » Aux yeux de tous, elle

avait « réussi ». Aux yeux de ses parents, surtout, dont elle incarnait la revanche sociale.

Tout a changé quand sa fille est née, voici dix ans. « Je me suis demandé qui j’allais être à ses

yeux : le mensonge voulu par mes parents ou moi-même ? » Laurence Paré s’est alors choisie.

Radicalement. Pour se trouver, elle a fait le vide et s’est débarrassée de tout ce qui pesait sur

son temps, sur son horizon, sur son espace mental.

Elle a commencé par brûler ses lettres et journaux intimes et donner les vêtements superflus et

les talons vertigineux qu’elle ne portait pas.

« J’ai fait le deuil de la personne idéale à laquelle je ne ressemblerais jamais. » Puis elle a

inspecté ses placards, virant impitoyablement mauvais souvenirs et objets inutiles, les

confitures ratées qui trahissaient son incurie, le tableau qui lui rappelait une relation

conflictuelle et tout ce qui n’était pas sorti des tiroirs depuis six mois. « Les objets sont parfois

chargés d’émotions néfastes. De plus, ils nous prennent un temps fou. Le temps passé à les

choisir, à les ranger, à les nettoyer, à travailler pour se les offrir, c’est un temps qu’on ne

consacre ni à soi-même ni à ceux qu’on aime. Un objet ne nous remerciera jamais de passer du

temps avec lui. » Les Paré ont vendu leur belle maison bourgeoise, « trop coûteuse », pour

s’installer à la campagne. Laurence Paré a changé de profession, elle est devenue enseignante.

Contrôleur technique dans le bâtiment, son mari a « désencombré » l’atelier de toutes ses

illusions de travaux qu’il ne ferait jamais et a demandé à son employeur de se mettre à 80 %.

L’an prochain, cet ex-boulimique de travail passe à 60 %. « Si on achète moins, on dépense

moins, donc on peut bosser moins et on a du temps pour soi », soutient Laurence Paré. Du

temps pour l’essentiel.

A chacun sa conception de l’essentiel, insistent ceux qui font un pas de côté pour éviter de se

laisser envahir par des réflexes de surconsommation. Les uns calment le jeu dans leur vie

personnelle, à la faveur d’une prise de conscience politique, écologique, philosophique ou

spirituelle. Les autres, sonnés par un accident de la vie, émergent brutalement des mirages du

quotidien et découvrent qu’ils étaient en roue libre. « J’étais en pilotage automatique », dit Alice

Le Guiffant, qui a co-écrit avec Laurence Paré un livre sur « L’Art du désencombrement »

(Jouvence, 2009). Tous s’initient aux vertus d’une vie recentrée, plus simple, plus sobre, plus

frugale. Ils affirment ne pas y perdre grand-chose. Et y gagner du temps, de la sérénité et de la

liberté.

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Refuser le formatage commercial

C’est un mouvement venu de loin et qui se répand en particulier chez les seniors et les

trentenaires, bref aux âges des choix. La crise économique, conjuguée à la montée du sentiment

écologique (et, en France, à l’écœurement né de l’excès de bling-bling), nourrit l’éruption douce

d’un refus général du formatage commercial de l’existence et du gaspillage. A une époque où

chacun voudrait tisser ses priorités comme il l’entend – d’où le succès du développement

personnel –, les nouveaux adeptes du « less is more » (moins, c’est plus) adoptent une démarche

aristocratique, préférant la qualité à la quantité, le lien au bien, le temps à l’argent, l’être à

l’avoir. Et surtout au paraître. Mais, dans leur bouche, ce ne sont pas que des mots.

Tous n’ont pas lu les théoriciens du « small is beautiful » (Schumacher) ou de la sobriété

volontaire. Certains se contentent d’un acte solitaire, parfois énigmatique, comme Grigori

Perelman, ce savant russe qui vit chichement avec sa mère dans un appartement vétuste de

Saint-Pétersbourg. Arguant que « l’autopromotion » ne l’intéresse pas, il refuse les prix

prestigieux qui lui sont décernés, la médaille Fields de mathématiques en 2006 et surtout le Prix

du millénaire en 2010, doté d’un million de dollars ! Beaucoup, au contraire, suscitent des

émules via Internet, comme David Bruno, Américain qui, en 2008, a lancé un défi aux

internautes du monde entier, en annonçant qu’il allait désormais vivre avec cent objets et se

débarrasser des autres. Il a maintenant 1600 challengers, les plus audacieux descendant même

à cinquante objets ! Il ne s’agit pas de se punir, insiste ce père de famille, mais de « se libérer ».

Des Canadiens ont initié une Journée sans achat dans les années 1990 et l’idée a rebondi de

pays en pays (lire l’encadré p. 51). Un collectif californien, The Compact, qui promeut une

année sans achat (sauf alimentaire, médical ou hygiénique), a aussi essaimé à travers la planète.

Le mouvement des freegans, lui, prône la récupération, y compris dans les poubelles. L’acteur

Bill Talen, devenu le révérend Billy, chantre de la Church of Life after Shopping (l’Eglise de

la vie après le shopping), s’est rendu célèbre en dénonçant, à la mode télévangéliste, l’hypnose

dont nous, consommateurs bovins, serions victimes.

Des « cercles de simplicité » voient le jour dans tous les pays anglo-saxons. Et même France

où Marc et Thérèse Evin, après une association d’échange des savoirs réunissant une centaine

de personnes, en ont créé un, à Chevry-Cossigny, en région parisienne : « C’est une recherche

de sens, de retour à l’essentiel, dans une société obsédée par l’accumulation. La simplicité

volontaire, c’est prendre conscience des conséquences de ses actes, profiter du temps qui

s’écoule, aller à l’intérieur de soi-même. » Educateur spécialisé, Marc dit aimer son métier :

« Mais pourquoi y consacrer autant de temps ? » Il a réduit son temps de travail à 90 %, espère

le rétrécir encore. Ensemble, les Evin ont retapé leur maison en quinze ans. Ils récupèrent l’eau

de pluie, font pousser leurs légumes, essaient de préférer le vélo à leur voiture, de garder du

temps pour cultiver leur vie affective, jouer d’un instrument de musique et lire. Thérèse égrène :

« Serge Mongeau, Pierre Rabhi, Pierre Pradervand… On a tout dévoré ! » Elle aurait pu citer,

tant les auteurs pullulent dans cette mouvance, Philippe Lahille, Paul Ariès, Dominique Loreau,

Thierry Kazazian, Jean-Louis Laville, ou les auteurs de « De la convivialité », Marc Humbert,

Patrick Viveret, Serge Latouche et Alain Caillé.

Penser au lieu de dépenser

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Olaf Fabiani et Myriam Viénot, eux, vivent dans une yourte. Ils l’ont construite eux-mêmes,

avec l’aide de copains, en deux mois et demi, dans la vallée de l’Isère. « On avait envie de

quelque chose de léger, explique Olaf, pour rester autonome. Je ne suis pas sûr que l’homme

soit fait pour vivre vingt-cinq ou trente ans de sa vie accroché à des emprunts bancaires. » En

matière de dépenses, une seule question les occupe, dit-il : « De quoi avons-nous vraiment

besoin ? » Pour la maison, la réponse fut un espace commun, une chambre chacun et un bloc

sanitaire. Pour le reste ? « Moins on a de bazar, mieux on se porte. Le bazar, ça occupe l’esprit

autant que le portefeuille. » Fans de covoiturage et d’autostop, ils ont quand même une voiture,

nécessaire en pleine campagne, jardinent et achètent bio. Diplômé de l’école Boulle, Olaf a

finalement monté sous le titre d’Artiflette une compagnie de théâtre avec Myriam, plasticienne

de formation, et un ami. Ils en vivent et se ménagent du temps libre. Cet été, ils ont randonné

trois mois avec un âne. « Un voyage qui remet les priorités en place. On marche, on mange, on

cherche un coin pour dormir. Tout le reste est du bonus : contempler, discuter, méditer. »

Sans être aussi radicaux, une nouvelle vague de Français ne visent pas la frugalité en soi, mais

en prennent le risque si c’est le prix à payer pour vivre plus harmonieusement. Ils changent

juste de priorités, comme Thomas et Marion Ottenheimer. Il travaillait à la direction financière

d’une grande entreprise, elle, dans le marketing. Tous deux étaient partis pour « faire carrière ».

Ils ont d’abord quitté Paris pour la province. Puis ils ont abandonné leurs trajectoires

professionnelles respectives pour ouvrir un gîte rural dans un coin de montagne encore préservé,

à Vassieux-en-Vercors. « Quand on lâche de bons salaires, la sécurité du salariat, pour animer

un gîte de montagne, à 1’heure du supermarché, on n’a plus la tentation de consommer et on le

fait plus intelligemment, raconte Thomas. Ce n’était pas un choix idéologique, mais une

conséquence acceptée. » Marion affirme que là-haut, ils élèvent mieux leurs trois enfants : « On

perd une certaine reconnaissance sociale. Mais je suis plus sereine, plus autonome. Je continue

à faire du conseil en marketing en indépendante, à mon rythme. J’ai une vie plus équilibrée, du

temps pour mes enfants et pour moi-même. » Ils se gardent d’oublier, disent-ils, que leur gîte

constitue un choix de vie. « On pourrait le faire tourner beaucoup plus, embaucher, mais on

préfère se garder parfois un week-end et de la liberté d’action. » Quand ils repensent au temps

où leur pouvoir d’achat augmentait d’année en année, ils ne le regrettent pas : « On dépensait

de plus en plus, sans même s’en rendre compte. » Et d’insister : « Attention, on ne fuit rien ! Le

principe, c’est de s’amuser. »

Une préoccupation des classes moyennes

Pour tous, redonner du sens à la vie consiste à adopter une nouvelle échelle des valeurs et des

besoins. On n’est pas « obligé » de faire trois repas par jour. Ni de regarder la télé. Ni de croire

toutes les pubs. Ni d’offrir des consoles de jeux. Ni d’avoir le mobile dernier cri. Ni de bourrer

agendas, cabas, estomacs. On peut déguster plutôt que se gaver. Penser plutôt que dépenser.

Cultiver la rareté pour redonner de l’espace au désir. Une vieille idée, si l’on relit Epicure qui,

on l’oublie souvent, a théorisé les délices de la tempérance, de la prudence et de l’ataraxie ; ou

le stoïcien Epictète qui préconise de n’attacher d’importance qu’à ce qui compte vraiment, à

savoir ce qui dépend de notre volonté. Une ascèse caressée par les grandes religions qui, toutes,

exaltent les vertus du dépouillement et de la pauvreté. Déjà, les puritains du XVIIIe siècle, qui

inspirèrent nombre de mouvements sociaux et de communautés comme les quakers ou les

amish, rompaient avec l’esprit de gaspillage, rappelle Sophie Dubuisson-Quellier, auteure de

« La Consommation engagée » (Presses de Sciences-Po, 2009). Depuis, il y a eu la première

vague contestataire des années 1970.

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En Californie, la mouvance new age, retour spirituel sur soi et la nature, rayonnait à travers

l’Occident repu, frappé par la première crise du pétrole. « Les périodes économiquement

difficiles, comme celle d’aujourd’hui, favorisent cette réflexivité, observe la sociologue.

Autrefois, les partisans de l’ascèse appartenaient aux classes élevées. Les classes moyennes,

elles, consommaient sans frein. Désormais, les classes moyennes portent ce discours sur la

frugalité. Les classes populaires voient dans la consommation une façon de participer à la

société et les riches en ont besoin pour des raisons de statut. » Les militants de la frugalité se

recrutent surtout dans les milieux intellectuels, les professions artistiques et les travailleurs

sociaux, dit-elle, mais l’opinion est de plus en plus favorable à ces pratiques. On renonce à ce

qui est trop cher, nuisible, contraire à l’éthique ou superflu. De façon parfois décousue. Quitte

à se contredire. On achète bio et on part en week-end au Maroc. Les ultras du journal « La

Décroissance », par exemple, sont sans pitié face aux ténors « éco-Tartuffe ». On voit bien, en

particulier chez les urbains, que sourd un sentiment de ras-le-bol face à la course au temps et à

des modes de vie qu’on ne maîtrise plus.

Ils disent stop, chacun à sa façon. Selon un sondage Ifop de 2009, 27 % des Français seraient

prêts à restreindre leur consommation de façon significative. Certes marginaux à l’échelle de

l’Hexagone, 20 % des enseignants et 10 % des cadres se privent déjà de télévision. Un foyer

français sur quatre entretient un potager et on assiste à une multiplication des jardins partagés,

gérés par des collectifs. Nés en 2001 à Aubagne, les Amap, circuits courts mettant en relation

des agriculteurs bio et des consommateurs abonnés à des paniers hebdomadaires (les

contraignant à acheter de saison et à se passer de ce qui ne l’est pas) sont débordés par leur

succès : neuf ans après, ils sont 1 200 à travers la France et drainent 50 000 familles, soit 200 000

consommateurs. Le marché de l’occasion et les sites Internet ad hoc remportent un succès

galopant. On peut échanger une multitude d’objets, de savoirs et de services sur le Web. Et les

locations de particulier à particulier, autre façon de consommer à bas régime, sont en plein

essor. Si on achète un objet qu’on utilise peu, on le rentabilise en le louant à ceux qui, par

principe ou faute de moyens, se refusent à l’acquérir sachant qu’ils ne s’en serviront que

rarement. Marion Carrette, cofondatrice de Zilok, premier site du genre en France créé en

janvier 2008, peut se targuer d’avoir, trois ans après, 100 000 membres et 200 000 produits

disponibles à la location, allant de la perceuse à l’auto en passant par le lit de bébé, avec un

système d’assurance assez malin. « On peut tout offrir à la location, les prix sont libres et les

objets géolocalisés, explique-t-elle. Les motivations des clients me paraissent plutôt

économiques mais beaucoup ont une démarche écologique. » Bref, quand on a un caméscope

dont on se sert peu, un vélo, une machine à coudre, qui dorment au grenier, on peut les mettre

en location. Ou appeler un « coach en désencombrement », comme Véronique Coquet qui, à la

suite d’un cancer, a mis de l’ordre dans sa vie et lâché ses activités d’antan, dans l’hôtellerie

puis dans la banque, pour ce nouveau métier. « Se laisser encombrer peut mener à la maladie »,

dit-elle. Son mari et elle ont décidé de vendre leur maison pour en acheter une plus petite.

L’argent économisé lui donne du temps, le temps de se retrouver, de se réapproprier sa vie. « La

maladie m’a aidée à trier l’essentiel de l’éphémère. »

Le déclic, pour Anne Davienne, ce fut son année au Burkina Faso, dans une association

humanitaire. Cette jeune psychologue lyonnaise raconte avoir alors brutalement compris qu’elle

pouvait se passer des biens matériels. « J’ai pris conscience qu’on allait dans le mur avec cette

société de surconsommation. » Elle ne possède ni téléphone mobile ni télé, « le moins possible

d’assurances », et achète peu de vêtements, de préférence équitables. « J’essaie de vivre le

mieux possible, en acceptant mes limites, dit-elle. Surconsommer, c’est se prendre pour un

démiurge, fuir le fait qu’on est mortel en remplaçant l’être par l’avoir. »

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Anne Chaté, qui plaide pour la modération « raisonnable » et ses petits plaisirs à la Delerm dans

« Bonheur tranquille » (Payot, 2009), a tilté pendant ses études de sociologie : « Ce que disait

Pierre Bourdieu ne me plaisait pas et m’a fait réfléchir. Il déplorait les aspirations modestes,

estimant que cela servait les intérêts de la classe dominante, donc de la reproduction sociale.

Dire, comme l’Eglise, que les premiers seront les derniers, peut en effet maintenir le statu quo

social. Mais la modération peut rendre heureux. Elle peut être subversive en détachant l’homme

de son seul statut de consommateur. » Et même devenir une solution économique, selon l’ancien

commissaire au Plan, Jean-Baptiste Foucauld qui, dans son dernier livre (Odile Jacob, 2010),

défend un concept en forme d’oxymore : l’abondance frugale. Depuis son bureau de Bercy, il

explique qu’il faut revenir aux « besoins », que l’économie n’en traite qu’une partie, qu’elle

ignore ceux qui se rapportent au relationnel et à la spiritualité. Or, prévient-il, la crise va nous

contraindre à des sacrifices. « Si l’on ne veut pas que l’injustice progresse, la question du

partage va se poser, ce qui implique la sobriété, la frugalité. Il faut permettre à chacun d’accéder

à ce qui lui est essentiel – un travail, un temps choisi, une protection sociale et un environnement

protégé – et redistribuer le superflu soit par voie volontaire, soit par voie autoritaire. » Il précise

qu’il n’est pas contre le luxe. Au contraire, c’est un bonheur nécessaire. « Mais à chacun le

sien : pour l’un, ce sera la beauté, pour l’autre, la musique… »

Et pour lui ? « C’est le silence à la campagne. Avec des livres. » Un luxe car il faut en avoir le

temps, ou le prendre, c’est-à-dire renoncer à d’autres activités. Façon de dire qu’un choix de

frugalité peut se révéler le plus raffiné des plaisirs.

Une grève du shopping en novembre

La « journée sans achat » fut lancée en 1992 par le Canadien Ted Dave, avec le slogan

« Assez, c’est assez ! » (« Enough is enough ! »), puis reprise aux Etats-Unis (« Buy Nothing

Day »), et relancée internationalement par la fondation Adbusters (Casseurs de pubs) engagée

dans des actions anticonsuméristes qu’elle promeut à travers des campagnes-choc.

Manifestation non violente (contre la surconsommation), cette grève du shopping a lieu tous

les ans en novembre : en Europe, le dernier samedi du mois, et en Amérique du Nord, le

dernier vendredi. En France, elle est organisée depuis 1999.

L'Amérique vide ses placards

La tendance à la frugalité, émergente en Europe, prend l’allure d’une déferlante de l’autre

côté de l’Atlantique. Les restaurants attirent désormais leur clientèle en réduisant leur carte à

un seul plat (Hill Country Chicken ne sert plus que du poulet frit) ou à un seul ingrédient (les

boulettes de viande au Meatball Shop). De grands chefs suivent l’exemple de John Fraser qui

s’est installé dans de nouveaux locaux à Manhattan, plus petits et décorés a minima, où la

carte des vins se réduit à l’essentiel : deux rouges, deux blancs et un mousseux.

Les grands magasins, tel Bloomingdale’s, choisissent de resserrer leur offre et de tester des

espaces plus restreints. Le symbole de ce tsunami reste toutefois le Brooklyn Museum,

jusqu’à récemment lancé dans la course au gigantisme (il aspirait à devenir le plus grand

musée du monde), et qui a décidé de… sacrifier ses collections au profit de l’épure. Objectif :

à la fois réduire les frais (dans une période de restriction budgétaire) et optimiser le temps de

travail du personnel (qui pourra se consacrer à l’essentiel, les objets exposés). 4500 pièces

précolombiennes, qui étaient dans ses réserves depuis un siècle, seront ainsi restituées au

Costa Rica.

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TROIS FIGURES DE LA SOBRIETE

Serge Mongeau : Médecin, écrivain et éditeur canadien, il est l’un des papes de la «

simplicité volontaire », qu’il appelle aussi « décroissance conviviale », à laquelle il a consacré

de nombreux ouvrages, dont « La Simplicité volontaire, plus que jamais » (Ecosociété,

2005).

Pierre Rabhi : Agriculteur, philosophe et écologiste, il a créé le mouvement Colibris qui

invite chacun à construire, à son échelle, un modèle social fondé sur l’autonomie, le respect

de l’environnement et l’humanisme. Il est l’auteur de « Vers la sobriété heureuse » (Actes

Sud, 2010). Son blog :www.pierrerabhi.org/blog/

Patrick Viveret : Ex-conseiller référendaire à la Cour des comptes et philosophe, il est l’un

des chantres de la sobriété heureuse et l’un des penseurs de l’économie solidaire, s’intéressant

en particulier aux nouvelles formes de rapport au pouvoir. Il est l’auteur de « Pourquoi ça ne

va pas plus mal ? » (Fayard, 2005).