La Strategie Entreprise

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Ecole Normale Supérieure Marrakech C C o o m m p p l l é é m m e e n n t t d d e e f f o o r r m m a a t t i i o o n n : : Eco 5 Professeur de la matière : M. BENCHAKROUN M. Abderrahim IDBOUFAKIR M. Imad MABROULI M. Hicham NOUBLI M. Hassan BAZGA 2004 – 2005 Réalisé par :

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Marrakech

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Professeur de la matière :

M. BENCHAKROUN

2004 –

Réalisé par :

Réalisé par :

� M. Abderrahim IDBOUFAKIR � M. Imad MABROULI � M. Hicham NOUBLI � M. Hassan BAZGA

2005

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SOMMAIRE

Introduction

CHAPITRE I - Naissance et origine de la stratégie d'entreprise

A. Des origines militaires

1. Les apports de Sun Tzu 2. Les apports de Carl Von Clausewitz

B. L'intégration de la stratégie dans la politique générale de l'entreprise

CHAPITRE II - L'analyse des forces concurrentielles

A. L'intensité de la rivalité entre les concurrents existants

1. Le manque de dynamisme des ventes 2. L'atomisation du secteur3. Des surcapacités intermittentes 4. L'existence de barrières à la sortie du secteur

B. La menace de nouveaux entrants

C. La pression exercée par des produits substituts

D. Le pouvoir de négociation des clients

E. Le pouvoir de négociation des fournisseurs

CHAPITRE III - Les stratégies génériques de base

A. La stratégie de domination par les coûts

B. La stratégie de différenciation du produit

C. La stratégie de concentration

CHAPITRE IV - Les stratégies de croissance

A. La spécialisation

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B. L'intégration verticale

C. La diversification

D. L’internationalisation

CHAPITRE V - Les stratégies de coopération

A. Les formes de la coopération

1. L'impartition 2. La franchise3. Le groupement d'intérêt économique (GIE) 4. Les accords de joint-ventures5. Les prises de participation croisées

B. L'intérêt de la coopération

C. Les risques inhérents à la coopération

CHAPITRE VI - Définir une stratégie en situation d'incertitude

A. Un management confronté à quatre formes d'incertitude

1. Premier niveau : un avenir relativement clair 2. Deuxième niveau : un avenir en alternatives3. Troisième niveau : un avenir en éventail 4. Quatrième niveau : un avenir imprévisible

B. Les problèmes stratégiques rencontrés par le manager en situation d'incertitude C. Les trois attitudes stratégiques possibles face à l'incertitude

1. Façonner l'avenir 2. S'adapter à l'avenir 3. Ménager l'avenir

D. Les trois types d'actions possibles

1. Les gros paris 2. Les options 3. Les actions sans risques

E. Le niveau d'incertitude dicte la stratégie

1. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 1 2. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 23. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 34. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 4

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INTRODUCTION

" La stratégie est la conduite raisonnée d'une action dans une situation et un contexte comportant incertitude et éventuellement dangers. Une stratégie s'élabore en fonction de finalités et de principes, envisage divers scénarios possibles du déroulement de l'action, choisit celui qui lui semble le plus adéquat selon la situation : tantôt il vaut mieux accepter un scénario qui minimise les risques mais également les chances, tantôt il vaut mieux choisir un scénario qui maximise les chances mais également les risques "Edgar Morin En 1954, Peter Drucker hésite à utiliser le terme "stratégie" pour intituler l'un de ses ouvrages1

de crainte d'effrayer les dirigeants d'entreprise. Désormais, tout le monde parle de stratégie, dans et hors de l'entreprise, en pratique comme en théorie.

Remarque : La stratégie d'une entreprise intègre les notions d'environnement et de temps.

Elle doit s'élaborer en intégrant les grandes tendances de l'environnement. Les décisions stratégiques vont engager l'entreprise dans le temps. On évalue aujourd'hui cette durée à cinq ans. Au-delà, la planification stratégique devient très hasardeuse à cause de paramètres plus incertains.

Il est possible de définir la stratégie de la façon suivante :

" La stratégie correspond à l'ensemble des décisions prises en fonction de l'environnement d'une entreprise en engageant celle-ci sur le long terme ".

1DRUCKER P., 1954 : The Practice of Management, Harper and Row (La pratique de la direction

des enterprises, éd. D'Organisation, 1957).

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CHAPITRE I - Naissance et origine de la stratégie d'entreprise

A l'origine la notion de stratégie était uniquement utilisée dans le domaine militaire. Or dès le milieu du 20ème siècle cette notion apparaît de plus en plus fréquemment pour caractériser le comportement des organisations économiques. Cette application reflète le fait qu'en économie de marché les entreprises mènent un combat pour leur survie telle une armée dans un environnement hostile.

A. Des origines militaires

Les grands inspirateurs de la stratégie d'entreprise sont les stratèges militaires.

" La stratégie fut de tout temps l'art de gagner la guerre. Elle peut s'appliquer à l'entreprise dans la mesure où celle-ci mène contre ses concurrents une lutte où sa survie est en jeu "Octave Gélinier Nouvelle direction de l'entreprise personnaliste et compétitive, Editions Hommes et Techniques, 1981

1. Les apports de Sun Tzu

Le premier d'entre eux est Sun Tzu, qui vécut en Chine au V ème siècle avant J.-C.

Son ouvrage " L'art de la guerre " développe une théorie d'ensemble davantage tournée vers l'art de déjouer les plans de l'adversaire que vers la recherche d'un affrontement direct avec lui.

On lui doit la célèbre citation suivante :

" Quelques critiques que puissent être la situation et les circonstances où vous vous trouvez, ne désespérez de rien ; c'est dans les occasions où tout est à craindre, qu'il ne faut rien craindre ; c'est lorsqu'on est environné de tous les dangers, qu'il n'en faut redouter aucun ; c'est lorsqu'on est sans aucune ressource, qu'il faut compter sur toutes ; c'est lorsqu'on est surpris, qu'il faut surprendre l'ennemi lui-même. "Sun Tzu, L'Art de la guerre , traduit du chinois et présenté par Jean Lévi, Hachette littératures, 2000. L'idée centrale de Sun Tzu est de conduire la guerre avec la plus grande économie de moyens. L'objectif étant de parvenir à la victoire sans combat.Depuis une dizaine d'années, la doctrine de Sun Tzu a été redécouverte par le milieu des affaires et, notamment, celui de la haute finance.

2. Les apports de Carl Von Clausewitz

Le second stratège militaire souvent évoqué est Carl Von Clausewitz, contemporain de Napoléon.

Selon lui, la stratégie repose sur l'organisation de campagnes militaires selon un schéma d'affaiblissement progressif de l'adversaire (l'objectif étant d'abattre l'adversaire grâce à la force physique).

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Carl Von Clausewitz recherche donc le combat ce qui n'est pas le cas chez Sun Tzu favorable à une démarche plus subtile capable de provoquer l'abandon de l'adversaire.

B. L'intégration de la stratégie dans la politique générale de l'entreprise

Avant les années 1960, le concept de "stratégie" n'apparaît pratiquement pas dans la littérature managériale.

Seuls, les travaux de Chester Barnard, publiés en 1938 dans l'ouvrage " The Function of the Executive"2, lancent les prémisses de la pensée stratégique en insistant sur la référence au futur dans les choix décisionnels de l’organisation.

Ce n'est que dans les années 1960 que la pensée stratégique prend son essor.

En 1962, Alfred Chandler publie l'ouvrage " Strategy and Structure "3, traduit en France dix ans plus tard sous le titre " Stratégies et structures d'entreprises ". A travers une étude réalisée sur de grandes firmes américaines, Chandler s'est interrogé sur la liaison entre structure et stratégie.

Est-ce la structure qui se modèle sur la stratégie ?

Ou bien, à l'inverse, les structures déterminent-elles les choix stratégiques ?

Les résultats de son étude lui permettent de conclure que la structure suit la stratégie.

La formalisation de la pensée stratégique apparaît en 1965 avec l'ouvrage célèbre d' Igor Ansoff : " Corporate Strategy "34.

Igor Ansoff précise notamment la nature des décisions stratégiques tournées vers l'extérieur. Pour lui, seules les relations entre la firme et son milieu environnant sont stratégiques. C'est pourquoi son analyse est centrée sur le couple produit-marché.

Remarque : À cette époque, Ansoff n'est pas seul à populariser la notion de stratégie.

2 BARNARD C., 1938: The functions of the Executive, Harvard University Press, Cambridge (Mass.).

3 CHANDLER A., 1962: Strategy and Structure. Chapters in the History of the American Industrial Enterprise, (Stratégies et structures de l’entreprise, éd. d'Organisation, 1989).

4 ANSOFF H.I., 1965 : Corporate Strategy (Stratégie du développement de l'entreprise – analyse d'une politique de croissance et d'expansion, trad. B. Hou, éd. d'Organisation, 1989).

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Quatre professeurs de la Harvard Business School : Learned, Christensen, Andrews et Guth, développent le modèle LCAG qui présente les cinq grandes étapes de la démarche stratégique :

1 ère étape : analyse de l'environnement de l'entreprise à travers l'inventaire de ses opportunités et de ses menaces ;

2 ème étape : diagnostic interne de l'entreprise en dégageant ses forces et faiblesses ;

3 ème étape : recensement et évaluation (avantages/inconvénients) des marges de manœuvre possibles ;

4 ème étape : prise en compte des souhaits et objectifs généraux de la direction de l'entreprise ;

5 ème étape : formulation de la stratégie en précisant ses voies et moyens.

La démarche de la Harvard Business School constitue encore le fondement de l'analyse stratégique contemporaine (utilisée notamment dans les études de cas récentes de marketing) même si d'autres formalisations et conceptualisations sont venues s'y ajouter.

Dans les années 1970, des cabinets de conseil en management ont développé des matrices de portefeuille d'activités (BCG, ADL, Mc Kinsey).

Exemple : la matrice BCG

Ce modèle permet d'évaluer la situation de chaque produit de l'entreprise ainsi que l'équilibre de son portefeuille d’activités. Il permet aussi d'orienter les décisions stratégiques, en s'appuyant sur l'idée que chaque produit est appelé à devenir vache à lait ou poids morts. L'entreprise doit rentabiliser ses vaches à lait, afin d'avoir les moyens de maintenir sa position en ce qui concerne les vedettes et d'investir massivement, pour développer la part de marché des produits dilemmes qu'elle a décidé de conserver.

Les années 1980 ont été marquées par les travaux de Michaël Porter, professeur lui aussi à la Harvard Business School.

Michaël Porter est le premier à avoir cherché à articuler l'analyse sectorielle avec la stratégie des entreprises. Les travaux de Michaël Porter soulignent l'intérêt d'analyser avec précision le secteur d’activités, voire de le considérer selon la stratégie de l'ensemble des concurrents. Pour y parvenir, Porter introduit un nouveau concept : celui de groupe stratégique.

Un groupe stratégique peut être défini comme un ensemble d'entreprises qui présentent des caractéristiques stratégiques proches.

L'intérêt de l'analyse est de saisir les différentes stratégies des concurrents afin de mieux les contrecarrer.

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On élabore ensuite une carte stratégique des concurrents à partir de regroupements entre les choix stratégiques parce qu'il existe des proximités à ce niveau entre différentes entreprises. Le concept de groupe stratégique part de l'hypothèse que la concurrence n'est pas homogène à travers les options stratégiques choisies. Cette hétérogénéité implique qu'une entreprise n'est pas en concurrence de la même façon avec toutes les autres. C'est pourquoi il est impératif avant de privilégier une orientation stratégique d'analyser les forces qui déterminent la concurrence au sein d'un secteur.

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CHAPITRE II - L'analyse des forces concurrentielles

Selon le schéma d'analyse proposé par Michaël Porter, cinq forces commandent la concurrence :

- l'intensité de la rivalité entre les concurrents existants ;

- la menace de nouveaux entrants ;

- la pression exercée par des produits substituts ;

- le pouvoir de négociation des clients ;

- le pouvoir de négociation des fournisseurs.

L'intérêt de cette démarche est de pouvoir établir un classement entre les différentes forces en fonction de leur influence sur le système concurrentiel.

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A. L'intensité de la rivalité entre les concurrents existants

Il s'agit ici de repérer, de façon précoce, les modifications apportées par la concurrence qui pourraient avoir des incidences négatives sur le devenir de l'entreprise. L'entreprise est ainsi amenée à anticiper les décisions des concurrents pour mieux contrer leurs actions.

4 facteurs contribuent au renforcement de l'intensité concurrentielle :

- des ventes peu dynamiques ;

- un secteur atomisé ;

- des surcapacités intermittentes ;

- des barrières à la sortie.

1. Le manque de dynamisme des ventes

Une baisse ou une faible croissance des ventes exacerbent l'affrontement concurrentiel car les gains de volumes de ventes ne peuvent se faire qu'au détriment d'autres entreprises (jeu à somme nulle).

Remarque : dans l'industrie, le risque d'affrontement est plus important car les coûts fixes sont plus élevés. Les entreprises désirent par dessus tout réaliser un volume de vente important, quel que soit le niveau de prix, afin de couvrir une partie de leurs coûts fixes.

2. L'atomisation du secteur

Il s'agit ici d'une situation où les concurrents sont nombreux et dont les parts de marché sont à peu près équivalentes donc peu élevées. Ceci a pour effet d'augmenter l'intensité concurrentielle.

Remarque : Il en est de même si la qualité des produits vendus par chacun des concurrents est quasiment identique.

En cas de très faible différenciation des produits, les gains concurrentiels se font à travers de faibles niveaux de prix. Ce sont donc ceux qui pratiquent les prix les plus bas qui verront leurs parts de marché augmenter.

Finalement, force est de constater que lorsque les coûts de changement de marque pour les consommateurs sont faibles, voire nuls, la concurrence s'en trouve exacerbée. C'est le cas notamment pour une entreprise qui n'est pas parvenue à imposer, sur l'ensemble du secteur, son image de marque et à se distinguer, grâce à elle, dans l'esprit du consommateur.

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3. Des surcapacités intermittentes

Des surcapacités intermittentes peuvent être dues à une saisonnalité de la demande.Par exemple, une mauvaise anticipation de la mode ou des conditions climatiques imprévisibles sont des événements susceptibles d'augmenter les stocks d'invendus et donc, d'exacerber la concurrence entre des entreprises désireuses de les écouler.

4. L'existence de barrières à la sortie du secteur

Il s'agit ici d'obstacles face auxquels l'entreprise peut éprouver des difficultés à liquider l'activité sans coûts de sortie. Il peut s'agir de la difficulté d'abandonner une activité sans nuire à une autre ou de l'impossibilité de recycler des actifs trop spécifiques.

B. La menace de nouveaux entrants

La possibilité que de nouveaux acteurs décident de se lancer dans une activité est une menace permanente qui plane sur l'ensemble du secteur.

2 facteurs incitent l'entrée de nouveaux entrants :

- l'attrait exercé par le nouveau secteur (marché en forte croissance, volumes de vente importants, peu de concurrents) ;

- les profits substantiels des firmes déjà présentes qui attisent les convoitises.

Toute entreprise va ainsi essayer de limiter l'entrée de nouveaux acteurs. Pour cela, elle peut utiliser deux moyens principaux :

- dresser des barrières à l'entrée ;

- pratiquer un faible niveau de prix.

Le plus souvent, la dissuasion se fonde sur l'existence de barrières à l'entrée (obstacles à franchir avant de pouvoir prétendre à l'installation dans le nouveau secteur).

Remarque : Une barrière à l'entrée peut prendre plusieurs formes :

- produits très difficiles à imiter ;

- capitaux requis importants pour lancer l'activité ;

- une image de marque ou notoriété très fortes ;

- difficultés d'accès à certains points de vente ou réseaux de distribution (relations étroites entre les fournisseurs existants et les distributeurs).

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Une barrière à l'entrée peut également être liée à la pratique d'un faible niveau des prix. A qualité du produit et à services rendus équivalents, la possibilité de proposer un prix de vente inférieur constitue pour les entreprises déjà présentes un avantage compétitif pratiquement impossible à surmonter pour la nouvelle concurrence.

Remarque : Des avantages absolus en termes de coût permettent une certaine protection. Ils peuvent prendre différentes formes :

- subventions publiques ;

- accès privilégié aux matières premières nécessaires au cycle d'activité (gisement pétrolier pour une compagnie de raffinage) ;

- coûts de transferts pour les acheteurs si ceux-ci décident de s'adresser à un nouveau fournisseur.

Une solution de contournement peut être de se rabattre sur le développement de produits substituts.

C. La pression exercée par des produits substituts

Il s'agit ici de rechercher d'autres produits qui peuvent répondre au même besoin que le produit du secteur. Leur détection n'est pas facile car ils peuvent se situer dans des secteurs d'activité en apparence très éloignés de celui qui est concerné.

Remarque : Cette forme de concurrence est particulièrement dangereuse quand les produits de remplacement possèdent un avantage de prix et (ou) un avantage supplémentaire (technologie, qualité, durabilité...).

D. Le pouvoir de négociation des clients

Les rapports de force ne concernent pas uniquement les concurrents entre eux mais également la relation client-fournisseur.

Exemple : Les enseignes de la grande distribution imposent souvent leurs conditions à leurs partenaires (prix, quantité, qualité du produit, délais de paiement, conditionnement).

Leur situation de quasi-monopole pour la distribution des produits renforce leur pouvoir de négociation. 3 facteurs augmentent la capacité de négocier de ce type de clients :

- le nombre de clients potentiels est limité (il y a un petit nombre d'enseignes en France en raison de la concentration relative du secteur de la grande distribution) ;

- les clients constituent des débouchés très importants pour le fournisseur (plus des deux tiers des ventes des produits alimentaires y sont réalisés) ;

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- les coûts de changement de fournisseurs sont presque nuls pour ces distributeurs (produits faiblement différenciés et normalisés).

Remarque : Une forte capacité financière et des conditions de paiement défavorables fragilisent la solvabilité du fournisseur et fait peser une réelle menace d'intégration verticale amont15 pour le fournisseur.

Néanmoins, dans certains cas le pouvoir de négociation est en faveur des fournisseurs.

E. Le pouvoir de négociation des fournisseurs

Le pouvoir de négociation des fournisseurs est renforcé dans les situations suivantes :

- le produit qu'ils vendent est très spécifique et indispensable au client ;

- pour le client, les coûts de changement de fournisseur sont élevés ;

- il n'existe pas de produits substituables à ceux livrés par le fournisseur ;

- le fournisseur a des capacités financières suffisantes pour constituer une menace réelle d'intégration verticale aval.

Le schéma des cinq forces concurrentielles de Porter permet à l'entreprise de mieux appréhender son environnement immédiat, voire de le contrôler. L'entreprise peut ainsi mettre en perspective ses potentialités ou ses vulnérabilités par rapport à la concurrence afin de décliner les éléments qui peuvent permettre de la devancer. C'est pourquoi, il est indispensable d'analyser les forces concurrentielles qui s'exercent sur l'entreprise afin que le manager puisse définir un positionnement stratégique le plus rationnel possible en fonction de l'environnement concurrentiel.

5 Cf. CHAPITRE IV. Les stratégies de croissance - B. L'intégration verticale.

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CHAPITRE III - Les stratégies génériques de base

Les stratégies génériques sont des stratégies qui se veulent universelles et qui peuvent être mises en œuvre quels que soient la nature de la firme et son stade de développement.

Trois formes principales peuvent être distinguées :

- la stratégie de domination par les coûts ;

- la stratégie de différenciation du produit ;

- la stratégie de focalisation combinée soit avec une différenciation du produit, soit avec une domination par les coûts.

A. La stratégie de domination par les coûts

L'entreprise recherche ici, à niveau de qualité équivalent, des coûts inférieurs à ceux de la concurrence afin de donner à la firme un avantage compétitif suffisant pour dominer le marché. Cette stratégie permet à la fois de se protéger de la concurrence existante et de dissuader de nouveaux entrants puisque la faiblesse des coûts constitue une barrière à l'entrée difficilement franchissable.

Remarque : ce type de stratégie amène les entreprises à fabriquer des produits « basiques », sans effort d'innovation, puisque les frais de recherche et développement sont réduits au minimum (Fordisme).

Pour conserver cette option stratégique, l'entreprise doit maintenir ses efforts dans le contrôle des coûts et mobiliser suffisamment de ressources pour rationaliser le processus de production.

Néanmoins, elle n'est pas à l'abri de nouveaux entrants capables d'obtenir des coûts plus faibles par leur capacité d'imitation ou d'investissement dans des installations plus modernes.

Remarque : Le progrès technique constitue ainsi la plus grande menace pour la stratégie de domination par les coûts. En se concentrant trop sur les coûts, on oublie les impératifs d'une évolution nécessaire du produit pour répondre en priorité aux attentes des consommateurs et, éventuellement, se différencier des concurrents.

Quelques exemples d'entreprises ayant adopté cette stratégie :

SOCIÉTÉ DOMAINE D'ACTIVITÉ PRINCIPAL

Aldi Distribution de produits alimentaires (hardiscounter)

Bic Stylos

Casio Montres électroniques et calculatrices

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Ikéa Meubles et produits mobiliers

Toyota Automobiles

B. La stratégie de différenciation du produit

L'objectif de la différenciation est de concevoir un produit perçu comme unique. La différenciation peut porter sur la notoriété, la marque, la technologie utilisée, la conception du produit, etc.

Remarque : tous les éléments constitutifs des aspects réels et symboliques du produit, sauf le prix, sont porteurs de différenciation.

Le principal intérêt de la différenciation est de permettre une protection contre la concurrence en procurant à l'entreprise des îlots de monopoles.

Le risque de cette stratégie repose sur la perception d'une différenciation.

En effet, des stratégies d'imitation de la part des concurrents peuvent amoindrir cette perception, et l'évolution des habitudes de consommation peut conduire les consommateurs à ne plus attacher d'importance à la différenciation. Il est possible de minimiser ce risque en s'adressant à des consommateurs bien précis, c'est-à-dire en se concentrant sur un segment de marché.Quelques exemples d'entreprises ayant adopté cette stratégie : SOCIÉTÉ ELEMENTS DE DIFFERENCIATION Apple Macintosh (Micro-ordinateur) Mode de fonctionnement dit "familier" à l'utilisation Polaroïd (appareils photographiques) Développement de l'image immédiat Johnson and Johnson (produits pour bébé) Fiabilité, qualité excellente Rolls royce (automobiles) Renommée, spécialité Rolex (montres) Qualité et performance exceptionnelles Duracelle (piles) Durabilité

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C. La stratégie de concentration

Ce type de stratégie revient à adopter l'une des deux premières stratégies génériques, seu-lement pour un segment de marché. Sur celui-ci, l'entreprise peut exercer soit un leadership de prix, grâce à ses coûts inférieurs, soit un leadership de différenciation.L'entreprise peut donc opter pour deux options :

- une stratégie de focalisation avec domination par les coûts (ex. : Bic dans le segment du stylo à bille) ;

- une stratégie de focalisation avec différenciation du produit (ex. : Mont-Blanc dans le même segment).

Quelques commentaires… Au sein d'une même entreprise, des activités avec domination par les coûts et d'autres centrées sur la différenciation peuvent très bien coexister.Mais l'expérience montre qu'une position mixte, faite à fois de différenciation et de domination par les coûts, constitue une solution peu viable de façon durable, et ce pour deux raisons :

- à l'intérieur de l'entreprise, le manque d'homogénéité des choix de gestion peut créer des problèmes de management ;

- à l'extérieur, l'image de marque peut être troublée, la faible différenciation dans le bas de gamme peut annuler dans l'esprit du consommateur les efforts entrepris sur le haut de gamme.

De plus, les stratégies génériques peuvent être sans efficacité si elles sont mal comprises. Ainsi, il n'est pas recommandé d'aller vers la différenciation si des concurrents y sont déjà très bien placés.

Remarque : Dans un contexte de concurrence exacerbée, les entreprises développent des stratégies de croissance afin d'asseoir leur position sur le marché.

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CHAPITRE IV - Les stratégies de croissance

Deux types de croissance doivent être distingués :

- la croissance interne ;

- la croissance externe.

La croissance interne est le résultat du développement propre de l'entreprise.

Il peut s'agir de la création ou de l'agrandissement des usines, des agences commerciales.

Remarque : La création d'une unité juridique distincte mais dépendante de la société mère, à savoir une filiale, constitue aussi une opération de croissance interne.

Par contre, la prise de contrôle d'une entreprise et sa transformation en filiale ne relève pas de cette forme de croissance, car le développement s'effectue alors par apport extérieur de capacités de production.

La croissance externe se fonde, quant à elle, sur un apport extérieur de richesses.

Elle correspond à une croissance par rachat de la totalité ou d'une partie importante d'actifs d'autres entreprises, juridiquement autonomes.

Remarque : On distingue plusieurs modalités financières susceptibles de permettre d'acquérir une part suffisante du capital de la société afin d'aboutir à son contrôle.

Deux cas sont à distinguer : 1er cas : Sociétés cotées en bourse (3 modalités possibles)

- le ramassage d'actions ð la Commission des Opérations de Bourse (COB) doit être informée dès que le capital ramassé est supérieur à 10 % des titres émis par la société.

- l'offre publique d'achat (OPA) ð elle consiste, dans un délai déterminé, en la proposition de rachat des titres à un prix plus élevé que celui du dernier cours boursier.

- l'offre publique d'échange (OPE) ð la procédure est similaire à celle d'une OPA. La différence réside dans le paiement des titres qui se fait en numéraire pour l'OPA, tandis que, pour l'OPE, il se fait par échange de titres avec ceux de la société opératrice.

2ème cas : Sociétés non cotées en bourse

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Dans ce cas précis, la négociation entre actionnaires de la société acheteuse et ceux de la société cible est une étape indispensable (celle-ci est facilitée par l'absence de dispersion du capital).

Au regard des modalités juridiques, trois situations sont possibles :

- la fusion ;

- l'absorption ;

- la scission.

1ère situation : la fusion

Deux ou plusieurs entités juridiques disparaissent afin de donner naissance à une nouvelle société.

Dans le cadre d'une fusion, si la société X décide de racheter la société Y, les deux entreprises deviennent une seule et même société, dénommée par exemple XY.

2ème situation : l'absorption

Dans ce cas, Y disparaît comme entité distincte et devient une filiale de X.

3ème situation : la scission

La scission consiste dans le partage d'actifs d'une société (Y) au profit d'une autre société indépendante (X).

Une cession d'usines ou d'établissements est fréquemment adoptée dans le cadre de restructurations d'entreprises ou de repositionnement stratégique.

Remarque : Un manager peut utiliser 4 stratégies de croissance : la spécialisation, l'intégration verticale, la diversification et l'internationalisation.

A. La spécialisation

La stratégie de spécialisation repose sur le principe qu'il faut se focaliser sur ce que l'on fait de mieux et ne pas se disperser avec le risque de mal faire.

Remarque : La stratégie de spécialisation est bien adaptée aux PME puisqu'elle les protége des plus grandes entreprises.

De plus, elle offre aussi à l'entreprise une certaine proximité avec sa clientèle et facilite son identification.

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La spécialisation est souvent le meilleur moyen pour bénéficier d'économies d'échelle avec des séries optimales de production. L'entreprise peut ainsi tirer le meilleur parti de sa courbe d'expérience6.Néanmoins, ce choix stratégique comporte deux types de risques :

- le secteur d'activité sur lequel l'entreprise s'est spécialisée connaît un ralentissement de croissance. Cette situation impose un changement d'orientation qui peut s'avérer très coûteux.

- Les barrières à la sortie d'un secteur seront d'autant plus élevées que d'importants investissements auront été réalisés sur l'outil de production pour l'orienter vers la logique de spécialisation. Ce risque est aussi couru par les entreprises qui ont fait le choix d'une stratégie d'intégration verticale.

B. L'intégration verticale

L'intégration verticale correspond à une prise de contrôle dans une même filière d'activité grâce à l'acquisition d'un fournisseur ou d'un client.

Dans le cas de l'acquisition d'un fournisseur, on parle d'intégration amont ;

Dans le cas de l'acquisition d'un client, on parle d'intégration aval.

L'objectif stratégique de l'intégration verticale est de maîtriser à la fois ses approvi-sionnements et ses débouchés. Le choix d'une intégration amont et/ou aval est intimement lié à la situation du secteur d'activité et notamment au degré de concentration respectif des concurrents et des fournisseurs. En effet, si par exemple les fournisseurs sont de moins en moins nombreux, ils imposeront de plus en plus des conditions contractuelles à leur avantage. A terme, ils peuvent avoir l'opportunité de procéder à une intégration aval. Dans ce cas précis, entreprendre une stratégie d'intégration amont est judicieux pour l'entreprise afin d'éviter une trop forte dépendance vis-à-vis du fournisseur. Sur un plan plus théorique, l'intégration verticale est considérée comme une stratégie permettant « d'internaliser » des transactions auparavant marchandes.

Rappel : La théorie des coûts de transaction , développée par Oliver Williamson (1975) à la suite de Ronald Coase (1937), montre que, si l'entreprise peut prendre la place du marché, c'est en raison des économies de coûts de transaction qu'elle permet de réaliser.

Remarque : Si les coûts de transaction sont constitués par les coûts liés à la recherche de partenaires, à la négociation et à la rédaction du contrat, il faut leur adjoindre le coût de l’échange, qui dépend du degré de confiance

6 C'est le fait que le coût unitaire d'un produit diminue d'un pourcentage constant à chaque doublement de l'expérience de l'entreprise. L'expérience est mesurée par la production cumulée du produit considéré. Ce phénomène est observable dans l'industrie.

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entre les deux partenaires (un partenaire opportuniste peut avoir tendance à gonfler ce coût, notamment quand le nombre de fournisseurs est faible).

C'est pourquoi l'intégration amont peut se justifier, car elle est plus avantageuse économiquement qu'une relation marchande (les nouveaux coûts de production ont diminué car les anciens coûts de transaction ont disparu). Oliver Williamson juge l'intégration verticale spécialement avantageuse lorsque le choix du fournisseur par le client est motivé par la spécificité des actifs du fournisseur (compétences spécifiques, matériel particulier, savoir-faire inégalé du personnel). Dans ce cas précis, la relation de dépendance du client visà-vis du fournisseur apparaît alors totale. Ce qui oblige le client à une réaction stratégique prenant la forme d'une intégration amont lui permettant de renverser les rôles. Enfin, l'intégration verticale permet une meilleure maîtrise de la qualité (en amont, celle des composants ; en aval, celle du service au client), et une plus grande attention aux anticipations des clients à tous les stades de la production, ce qui évite les surstockages ou les ruptures de stock. Néanmoins, les dangers d'une stratégie d'intégration verticale sont réels :

- risques organisationnels liés à l'augmentation de la taille de la firme (manque de souplesse dans la gestion, obligation de mise en place de procédures de contrôle de gestion, développement d'une compétition interne entre services) ;

- risques de ne plus maîtriser le métier de base en s'éloignant de la mission d’origine.

- risques de ne plus maîtriser ses savoir-faire antérieurs et ceux d'anciens partenaires qu'elle a intégrés en voulant tout faire.

- enfin, dans le cas d'un déclin de son secteur d'activité, l'entreprise cumule alors les pertes tout au long de la filière intégrée.

L'incertitude liée à cet état de la demande peut être maîtrisée en développant une stratégie de diversification.

C. La diversification

Dans les années 1970, la diversification était le paradigme stratégique pour de nombreux grands groupes industriels. Aujourd'hui la tendance est plutôt au recentrage sur le métier de base.

Remarque : Pour Igor Ansoff, il faut distinguer les situations de « fausse »diversification et celles de diversification réelle caractérisée par de nouveaux produits et de nouvelles missions, comme l'atteste la matrice ci-dessous.

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La stratégie de diversification

"La matrice d'Igor ANSOFF"

Source : 1.Ansoff, 1965

Cette matrice est articulée autour de deux dimensions cruciales, le produit et la mission.Si l'on se focalise sur la mission actuelle et sur les anciens produits, il s'agit d'une logique de pénétration de marchés opposée à la diversification. Par contre, si la mission ou les produits sont nouveaux, on est en présence, pour Ansoff, de situations hybrides de diversification : il peut s'agir soit d'une extension de marchés (missions nouvelles), soit d'un développement de produits (nouveaux produits). Les « vraies » diversifications sont porteuses de risques pour l'entreprise, car elles l'éloignent de ses missions et produits d'origine. Le risque est de ne pas pouvoir maîtriser de nouveaux marchés et métiers.

Le recours à la diversification se fonde sur l'argument de répartition des risques.

Ainsi une nouvelle activité peut constituer une « porte de sortie » pour des entreprises travaillant sur des secteurs en déclin. Le vieil adage populaire, « ne pas mettre tous ses oeufs dans le même panier », prend ici toute sa portée et sert souvent de raison officielle. Pour justifier une diversification, est aussi avancé l'argument d'une recherche de synergies ou d'économies d'échelle entre diverses activités menées de front.

Il existe trois situations de diversification :

- la diversification de confortement qui consiste à utiliser les synergies pour conforter ses positions ;

- la diversification de redéploiement qui consiste à se prémunir contre le déclin des activités existantes, à diversifier le risque ;

- la diversification de survie qui constitue un dernier espoir de redéploiement pour des entreprises en difficulté.

Néanmoins, un auteur comme Ramanantsoa (1992)7 pense que les diversifications ne sont que le fruit de l'utilisation de ressources financières excédentaires. Ramanantsoa parle à ce sujet d'une diversification de placement.

7 RAMANANTSOA B., 1992 : « Diversification », in : Encyclopédie du management, Paris, Vuibert.

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Remarque : Les modalités de la diversification sont simples, elles se pratiquent par croissance interne ou par acquisition externe.

Malgré tout, il est plus intéressant de distinguer les logiques de diversification en utilisant les critères d'Ansoff fondés sur l'éloignement de l'entreprise par rapport à ses métiers et missions de base.

D. l’Internationalisation

Depuis une quarantaine d'années, la volonté d'expansion internationale apparaît comme l'une des stratégies les plus visibles des entreprises.

Remarque : l'internationalisation ne constitue pas une stratégie exclusive et s'inscrit dans une logique comprenant d'autres options stratégiques.

En effet, très souvent le choix de l'internationalisation n'est que le résultat d'une diversification des marchés de l'entreprise. Selon Ansoff, il s'agit d'une fausse diversification car elle concerne seulement une extension de marché avec une invariance des produits proposés.

Les modalités de l'internationalisation sont nombreuses.

On peut les regrouper autour de deux grands axes :

- les stratégies d'exportation ;

- les stratégies d’implantation.

L'exportation est la forme la plus immédiate d'internationalisation.

L'entreprise a deux possibilités pour exporter :

- l'exportation indirecte : recourir à des intermédiaires d'import-export.

Ces agents recherchent des acheteurs étrangers moyennant une commission, ou bien vendent les marchandises sous leur propre nom, en prélevant une marge commerciale ;

- l'exportation directe : l'entreprise a sur place des agents étrangers.

Remarque : le choix entre ces modalités dépend du volume des échanges envisagés et donne lieu à une analyse coûts/avantages.

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Les stratégies d'implantation donnent lieu à des investissements directs dans le pays cible.

L'entreprise a deux possibilités pour s'implanter :

- le simple investissement direct : l'implantation correspond alors à la création de filiales de vente, d'unités de stockage et d'unités de service ;

- la délocalisation des opérations productives en dehors du pays d'origine.

La stratégie d'implantation permet de contourner le protectionnisme douanier, de se rapprocher des consommateurs et de montrer aux habitants du pays d'accueil que la relation économique sera durable et donc, à terme, totalement intégrée au système productif local.

Remarque : la tendance actuelle est au développement d'une logique d'impartition8 d'une partie du cycle de production.

Les entreprises font le choix d'abandonner une partie de leur cycle de production pour le transférer auprès de partenaires (délocalisation d'une partie de la production auprès d'une sous-traitance étrangère).

Cette stratégie d'impartition nécessite une collaboration de deux entités et entre déjà dans la catégorie des stratégies de coopération.

8 Cf. CHAPITRE V. Les stratégies de coopération - A. Les formes de la coopération - 1. L'impartition.

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CHAPITRE V - Les stratégies de coopération

Gérard Koenig dans son ouvrage " Management stratégique "9 souligne que « la coopération est une modalité relationnelle qui, à l'instar de l'affrontement et de l'évitement, se trouve rarement à l'état pur dans la réalité ».

A. Les formes de la coopération

5 grandes formes de coopération peuvent être distinguées selon le degré de dépendance entre les partenaires :

- l'impartition ;

- la franchise ;

- le groupement d'intérêt économique ;

- les accords de joint-ventures ;

- les prises de participation croisées.

1. L'impartition

L'impartition ou sous-traitance est la forme la plus ancienne de coopération. Elle est aussi la plus déséquilibrée puisqu'elle implique une domination du donneur d'ordre vis-à-vis de son sous-traitant. Cette stratégie instaure une coopération entre deux partenaires par l'existence de potentiels complémentaires qui, rassemblés, peuvent induire des synergies.Les relations entre les deux parties donnent lieu à la rédaction d'un contrat précis concernant des données classiques (quantités, prix ou délais de livraison ...).

Remarque : Ces relations interdisent le plus souvent une possibilité de contact entre le sous-traitant et le client final.

Néanmoins cette dépendance peut être contrebalancée par une capacité du sous-traitant à introduire des innovations technologiques susceptibles de devenir indispensables pour le donneur d'ordre puisque génératrices d'un avantage concurrentiel.

Le risque de l'impartition est que l'un des partenaires l'utilise comme manœuvre d'intégration ou d'absorption.

2. La franchise

La franchise est également un mode de coopération fondé sur une dépendance entre le franchiseur (propriétaire de l'enseigne) et le franchisé (l'exploitant de l'enseigne). A travers cette relation, le franchisé se voit offrir l'utilisation d'une enseigne ou d'une marque.

9 KOENIG G., 1996 : Management stratégique, Paris, Nathan

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Cette forme de partenariat s'est fortement multipliée depuis quelques années. Dans certains secteurs, des entreprises en ont fait l'un de leurs principaux leviers de développement.

Exemples : Benetton (habillement) ; Afflelou (lunetterie) ; le Four à Bois (boulangerie)…

Ce type de partenariat permet un développement très rapide du réseau du franchiseur, de son chiffre d'affaires, en évitant les coûts d'investissements nécessaires, dans un réseau commer-cial classique, pour couvrir un large territoire.

Remarque : le franchisé a la possibilité de créer plus facilement son activité en bénéficiant des savoir-faire, ressources ou notoriétés conférés par l'appartenance au réseau.

3. Le groupement d'intérêt économique (GIE)

Le GIE est une autre forme juridique de coopération dont la vocation est de rassembler des actions précises de sociétés restant indépendantes les unes des autres.

Exemple : Airbus, premier constructeur mondial d'avions civils avec plus de 50 % du marché en 1998, est l'exemple le plus célèbre de GIE, réunissant princi-palement le français Aérospatiale, l'allemand Dasa et l'anglais British Aerospace.

Remarque : le GIE est doté de la personnalité morale.

Le GIE est une forme souple et ouverte car il a l'avantage de permettre l'adhésion de nouveaux partenaires au projet commun, sans qu'ils y apportent pour autant un capital.

Le degré de participation se mesure exclusivement par ce qui est apporté au niveau de la conception, de la fabrication ou de la commercialisation du produit réalisé en commun.

4. Les accords de joint-ventures

Les accords de joint-ventures donnent naissance à des entreprises conjointes dont la durée de vie est directement liée à l'objectif recherché.

Remarque : la création d'une telle structure juridique commune à plusieurs sociétés indépendantes, est principalement tournée vers la recherche d'innovations technologiques, le développement commercial ou l'implantation sur des territoires étrangers.

Les accords de joint-ventures sont très souvent combinés à une stratégie d'internationalisation.Le plus souvent, ces accords se font à parité égale. La fin d'une telle alliance stratégique n'est pas nécessairement synonyme de disparition de l'activité créée par la coopération. Dans la grande majorité des cas, la dissolution d'une joint-venture débouche sur sa continuation par l'un des partenaires.

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5. Les prises de participation croisées

Dans certains secteurs, comme celui de la construction automobile, les prises de participation croisées sont pratiques courantes.

Exemple : après l'échec de ses négociations avec Volvo, le groupe Renault a pris une participation dans le groupe japonais Nissan à hauteur de 35 % du capital.

Cette alliance entre le dixième constructeur mondial (Renault) et le sixième présente certains atouts :

- se rapprocher du peloton de tête en devenant le cinquième constructeur;

- complémentarité géographique : Nissan étant bien implanté en Amérique du Nord et en Asie, Renault réalise 80 % de ses ventes en Amérique latine et en Europe occidentale et orientale.

Remarque : Cet exemple souligne l'intérêt de la coopération dans un contexte d'intensité concurrentielle forte, où seule une telle stratégie peut permettre des gains de part de marché.

B. L'intérêt de la coopération

Plus la proximité entre les deux futurs partenaires est grande, plus leur coopération est mutuellement intéressante. Cette proximité peut prendre des formes diverses :

- proximité de marché ;

- proximité du produit (collaboration horizontale) ;

- proximité à travers des relations clients-fournisseurs (collaboration verticale).

Remarque : en s'appuyant sur la théorie des coûts de transaction d'Oliver Williamson, les partenariats sur le long terme (franchise, joint venture...) peuvent s'assimiler à des transactions internalisées puisque les frontières de l'entreprise deviennent floues et peuvent s'étendre à des partenaires commercialement dépendants tout en restant juridiquement distincts.

La stratégie de coopération constitue encore une réponse à la mondialisation de l'économie, à l'élargissement des marchés.

L'argument de l'effet de synergie est très souvent retenu pour promouvoir les alliances. Dans ce cas, l'entreprise bénéficie des compétences technologiques du partenaire et se concentre sur ses métiers de base sans faire de coûteuses recherches en ce domaine. Les nouvelles compétences apportées par un partenaire ne sont pas exclusivement technologiques, mais peuvent concerner les méthodes d'organisation, de production, de commercialisation.

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Le partenariat peut améliorer la rentabilité en palliant la taille des partenaires souvent insuffisante pour atteindre séparément des niveaux de coût compétitifs.

Enfin, un des avantages de la coopération réside dans la flexibilité des alliances. Les partenaires gardent très souvent la possibilité de rompre (le coût de sortie étant moins important que dans le cadre d'une intégration verticale par exemple).

C. Les risques inhérents à la coopération

Les deux principaux risques d'une stratégie de coopération sont la perte de son savoir-faire ou de la maîtrise de sa technologie, et une dépendance accrue à l'égard de son partenaire.La coopération oblige donc à une certaine vigilance vis-à-vis du partenaire allié. Cependant, l'alliance peut constituer une réponse stratégique pour sortir d'un secteur connaissant un ralentissement de la croissance. Le recours à une collaboration avec d'autres entreprises du même secteur ou de secteurs distincts, est susceptible d'entraîner de nouvelles possibilités d'activité (redynamisation du secteur). Enfin, si la coopération se révèle impossible, il est difficile d'éviter le déclin…

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CHAPITRE VI - Définir une stratégie en situation d'incertitude

L'approche classique repose sur le postulat suivant : Si on dispose des bons outils d'analyse, il est possible de prévoir l'évolution d'une activité avec un degré de précision suffisant pour définir une orientation stratégique.

Remarque : Cette conception, valable pour des activités relativement stables, perd de sa pertinence dès que l'environnement devient incertain.

Aujourd'hui, les managers sont confrontés à des situations de plus en plus difficiles à anticiper (innovations technologiques, accidents macroéconomiques). La stratégie doit ainsi être envisagée sous un angle différent. Les décisions stratégiques vont ainsi dépendre du degré d'incertitude dans lequel elles s'inscrivent. Néanmoins, l'incertitude absolue n'existe pas. Même les environnements les plus flous recèlent des indices.

4 niveaux d'incertitude peuvent ainsi être distingués (cf. schémas ci-dessous)10:

- un avenir relativement clair ;

- un avenir en alternatives ;

- un avenir en éventail ;

- un avenir imprévisible.

A. Un management confronté à quatre formes d'incertitude

1. Premier niveau : un avenir relativement clair

Le premier niveau d'incertitude se caractérise par un avenir qui de dessine assez nettement. Les prévisions permettent dans ce cas d'anticiper sans trop de risques l'évolution du marché.

2. Deuxième niveau : un avenir en alternatives

Dans ce cas de figure, l'avenir se résume à quelques scénarios sans qu'il soit possible de désigner le plus probable. Ce niveau concerne les marchés soumis à des changements réglementaires ou législatifs majeurs, les marchés où les acteurs sont peu nombreux.

3. Troisième niveau : un avenir en éventail

L'avenir présente ici un large éventail de possibilités.

10 COURTNEY H., KIRKLAND J., VIGUERIE P., 1997: “Strategy under uncertainty”, Harvard Business Review Article.

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Il n'est pas possible d'isoler un nombre déterminé de scénarios, mais seulement de repérer des variables clés qui influencent l'activité entre deux scénarios extrêmes.Les entreprises qui pénètrent de nouveaux marchés ont à affronter ce type de situation.

4. Quatrième niveau : un avenir imprévisible

L'avenir devient ici hautement imprévisible. Mais de telles situations sont assez rares et évoluent rapidement vers les catégories précédentes.

Ce type de situation est néanmoins observable sur le marché multimédia grand public. Les entreprises y sont confrontées à de telles incertitudes (choix technologiques, niveau de la demande…). Il est ainsi impossible d'établir un éventail de scénarios plausibles.

Autre exemple qui illustre fort bien ce niveau d'incertitude : la Russie postcommuniste de 1992.

Les entreprises qui voulaient y investir ne savaient pas quelles lois allaient régir le droit de propriété et les transactions commerciales.

A cette inconnue majeure s'ajoutaient de multiples questions concernant la viabilité des chaînes d'approvisionnement et la demande potentielle de nouveaux biens et services.

De plus, un assassinat politique ou un effondrement monétaire pouvaient du jour au lendemain faire basculer le système vers des dénouements complètement inattendus.

Remarque : Si le quatrième niveau est le niveau où l'incertitude est la plus élevée, la moitié des problèmes stratégiques se situent aux niveaux 2 ou 3.

B. Les problèmes stratégiques rencontrés par le manager en situation d'incertitude La plupart des dirigeants envisagent l'incertitude sur un mode binaire :

- soit l'avenir est prévisible (niveau 1) ;

- soit il ne l'est pas (niveau 4).

Cette attitude recèle deux dangers :

- Dans un cas, les techniques de planification conduisent les managers à sous-estimer l'incertitude pour faire valoir leur stratégie (cette erreur d'estimation peut les exposer à des attaques de la concurrence ou les empêcher de saisir une opportunité).

- Dans le cas inverse, face à un avenir très ouvert, les managers abandonnent toute rigueur d'analyse et ne suivent plus que l'instinct avec le risque que cela implique.

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Autre problème : De nombreux dirigeants n'adaptent pas leurs outils analytiques au niveau d'incertitude. Pourtant, en dehors des situations stabilisées de niveau 1, l’approche classique n'est pas adaptée.

Au niveau 2, les situations sont plus complexes :

- la première chose à faire consiste à mettre noir sur blanc les différents scénarios découlant d'une alternative;

- ensuite, il faut chercher à obtenir toutes les informations qui permettent de déterminer les probabilités relatives des différentes éventualités.

Dans une situation de niveau 3, il est beaucoup moins facile d'identifier des scénarios. L'analyse devra alors porter sur les événements qui signalent que le marché bascule plutôt d'un côté que d'un autre.Au niveau 4, l'approche devient encore plus qualitative.Le manager devra se fier à son instinct mais il devra surtout recueillir un maximum d'informations afin d'identifier les variables qui déterminent l'évolution du marché.Le manager surveillera ensuite les indicateurs qui jouent en faveur ou à l'encontre de ces variables. Ce qui lui permettra de suivre l'évolution du marché et d'adapter sa stratégie.

Remarque : Une autre manière d'appréhender les situations hautement incertaines est d'étudier comment des marchés analogues ont évolué du niveau 4 vers les niveaux d'incertitude inférieurs et de caractériser les stratégies des gagnants et des perdants.

C. Les trois attitudes stratégiques possibles face à l'incertitude

Face à l'inconnu, une entreprise a le choix entre trois types d'attitudes stratégiques (cf. schémas ci-dessous)11 :

- façonner l'avenir ;

- s'adapter à l'avenir ;

- ménager l’avenir.

1. Façonner l'avenir

Les entreprises qui choisissent cette attitude cherchent à créer de nouvelles opportunités soit en bousculant des secteurs relativement stables, soit en essayant de contrôler l'orientation du marché dans des secteurs dont l'incertitude est plus élevée.

11 COURTNEY H., KIRKLAND J., VIGUERIE P., 1997: “Strategy under uncertainty”, Harvard Business Review Article.

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2. S'adapter à l'avenir

Les entreprises qui font ce choix considèrent l'évolution future de leur secteur comme acquise et préfèrent réagir aux occasions qui se présentent sur le marché.

Dans des environnements où l'incertitude est faible, le manager analysera le marché pour savoir où et comment se placer.

A des niveaux d'incertitude plus élevés, le manager cherchera à suivre de près l'évolution du marché afin d'y répondre rapidement.

3. Ménager l'avenir

La troisième attitude stratégique correspond à une forme d'adaptation particulière.

Elle se traduit par une politique d'investissements limités visant à placer l'entreprise en position privilégiée pour partir en tête dès que le marché s'orientera plus clairement.

Avec cette attitude, l'entreprise peut se permettre d'attendre que l'environnement perde de son incertitude pour formuler sa stratégie.

Remarque : Une stratégie ne repose pas seulement sur une attitude.

Si une stratégie clarifie les intentions, elle doit ensuite se traduire en actions.

D. Les trois types d'actions possibles

1. Les gros paris

Ils prennent la forme d'investissements ou de rachats importants et peuvent déboucher sur des gains ou des pertes considérables.

2. Les options

Elles sont destinées à optimiser les gains en cas de scénario favorable et à minimiser les pertes dans le cas inverse.

Exemple : des tests pilotes avant de lancer un nouveau produit, un accord de joint-venture limité à la distribution afin de minimiser le risque d'entrée sur un nouveau marché.

3. Les actions sans risques

Ce sont les plus évidentes : réduire les coûts, surveiller ses concurrents, renforcer ses compétences.Elles constituent un élément essentiel de toute stratégie, mais ne doivent pas se substituer à elle.

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Remarque : Les trois types d'actions semblent découler de l'attitude stratégique adoptée. En fait, ces actions dépendent fortement de l'incertitude à laquelle une entreprise est confrontée.

E. Le niveau d'incertitude dicte la stratégie

1. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 1

Face à un marché relativement prévisible, la plupart des entreprises privilégient les stratégies d'adaptation. Elles sont dans une situation où elles peuvent dessiner assez précisément le paysage futur du secteur. La stratégie consiste simplement pour elles à savoir quand et comment y intervenir. Ce type de stratégie conduit à des actions sans risques qui peuvent parfois néanmoins être audacieuses.

Remarque : Dans une situation de niveau 1, l’entreprise peut choisir d'accroître l'incertitude, pour elle-même comme pour ses concurrents, en tentant de modifier radicalement les structures et les habitudes d'un secteur.

2. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 2

Avec une incertitude de niveau 2, il est judicieux d'adopter des positions moins offensives.L'entreprise peut ainsi soit s'adapter, soit se positionner sur un marché.

3. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 3

Dans ce cas précis, l'entreprise peut être tentée d'orienter le marché.Mais avec un risque de niveau 3, l’attitude la plus courante est de placer ses pions.

4. Les orientations stratégiques préconisées par le niveau 4

Ce cas de figure est favorable aux entreprises capables d'apporter leur vision de la structure future du marché et de jouer un rôle de pionniers.En revanche, chercher à placer ses pions n'est guère adapté à une situation de niveau 4. Les possibilités sont trop nombreuses pour justifier des investissements même modestes. La rapidité des évolutions dans ce type de situation plaide plutôt pour une stratégie d'adaptation où l'on engage des investissements de plus en plus élevés au fur et à mesure que le marché s'éclaircit et que les inconnues se dissipent (c'est la stratégie qu'ont adoptée les acteurs du secteur multimédia). La notion de stratégie implique des décisions de moyen et long terme.Or l'incertitude amène le manager à agir au jour le jour et peut donc remettre en cause les orientations stratégiques prédéfinies. Néanmoins, pour Michael Porter, il est impossible de gagner sans stratégie claire.

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CHAPITRE VII - La nécessité pour le manager de définir un positionnement stratégique précis

" Les entreprises qui réussissent sont celles qui ont des buts clairs "Philippe de Woot Stratégie et management, Dunod, 1970 Beaucoup considèrent que le positionnement stratégique serait une notion dépassée. Ils prétendent que le positionnement stratégique serait inadapté à l'évaluation permanente des performances et des pratiques commerciales. L'objection majeure qu'ils développent est qu’aucun avantage concurrentiel n'est durablement assuré, puisque toute position commerciale enviable risque d'être rapidement imitée. Les entreprises doivent en effet faire preuve d'une grande souplesse pour s'adapter àl'évolution des marchés et des technologies.

Remarque : Force est de constater que les entreprises se livrent à une concurrence effrénée qui les menace à terme.

Cette observation ne relève-t-elle pas d'une confusion entre efficacité opérationnelle et stratégie ?

La course à la productivité et à la qualité a engendré de remarquables outils de gestion, mais ces derniers ont imperceptiblement pris la place de la stratégie.

L'efficacité opérationnelle s'applique à des domaines divers :

- limitation du gaspillage ;

- utilisation de technologies de pointe ;

- motivation des salariés…

L'efficacité opérationnelle est source d'écarts de rentabilité importants entre les entreprises. C'est ce que les Japonais ont prouvé, dans les années 80, en offrant des produits à la fois meilleurs et moins chers.

L'efficacité opérationnelle amène à réfléchir sur le concept de " limite de productivité " qui a influencé de nombreuses théories récentes sur la concurrence.

Une " limite de productivité " est déterminée par la somme des meilleures pratiques commerciales du moment. Elle se traduira par la valeur maximale offerte par un produit ou un service à un coût donné.

Cette limite s'applique aussi bien à une action qu'à un ensemble d'activités liées au sein d'un même processus ou qu'à la totalité des activités de l'entreprise. Pour atteindre cette " limite de productivité ", une entreprise peut investir, former son personnel ou changer ses méthodes de gestion.

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Remarque : Le développement des nouvelles technologies et des techniques de gestion a incontestablement contribué à repousser cette limite.

Exemple : Dans le domaine commercial, l'utilisation combinée de l'ordinateur portable, du téléphone cellulaire, d'Internet et de logiciels de communication a ouvert des perspectives intéressantes en reliant la vente à des activités, comme le traitement des commandes et le service après-vente.

A. La course à l'efficacité opérationnelle ne peut se substituer à la stratégie

Depuis une dizaine d'années, les dirigeants se sont engagés dans une course à l’efficacité. Ils ont changé leurs méthodes de production avec des outils comme le management par la qualité totale (TQM), l’externalisation, le benchmarking, le reengineering 12…Pour ne pas se faire distancer par leurs rivaux, ils ont adopté les concepts d'amélioration continue, de certification, de gestion du changement ou d'organisation apprenante.

Remarque : Le développement de pratiques telles que l'externalisation montre qu'il devient de plus en plus difficile d'exécuter d'une manière optimale toutes les activités d'un processus.

L'amélioration constante de l'efficacité opérationnelle est une condition nécessaire mais non suffisante de rentabilité pour deux raisons principales :

- Elle ne permet pas de conserver durablement un avantage concurrentiel en raison de la diffusion rapide des meilleures pratiques commerciales, notamment les plus universelles, relayées par les experts et les consultants. Résultat : la " limite de productivité " augmente pour tous, mais personne n'en tire un avantage décisif (ce sont les clients et les fournisseurs qui profitent des gains de productivité). Les Japonais eux-mêmes souffrent de cette baisse des profits, qui compromet l'investissement à long terme (cf. document ci-dessous)13.

Pionniers de la qualité, les Japonais doivent se mettre à la stratégie

Les Japonais furent les premiers, durant les années 70-80, à se lancer dans la course à l'efficacité opérationnelle, par le management de la qualité totale (TQM) et l'amélioration permanente des performances. Pendant toutes ces années, ils en tirèrent un net avantage en termes de coût et de qualité. Mais, dans le même temps, les entreprises, à l'exception notable de Sony, Canon et Sega, n'ont pas défini de positions stratégiques distinctes. Elles ont préféré se copier et offrir à leurs clients le plus large choix de produits et de services. En outre, elles ont utilisé tous les canaux de distribution et adopté des configurations

12 « Remise en cause fondamentale et redéfinition radicale des processus opérationnels pour obtenir des gains spectaculaires dans les performances critiques que constituent aujourd'hui les coûts, la qualité, le service et la rapidité ». HAMMER M., CHAMPY J., 1993 : Reengineering the Corporation, Harper Collins (Le reengineering : réinventer l'entreprise pour une amélioration spectaculaire de ses porformances, Dunod, 1993). 13 PORTER M., 1996: “What is Strategy?” Harvard Business Review Article.

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d'usines équivalentes.

Résultat : tant que la concurrence restait loin de la limite de productivité, les entreprises japonaises semblaient pouvoir gagner indéfiniment sur les coûts autant que sur la qualité. Elles pouvaient s'épanouir sur leur marché intérieur et pénétrer les marchés mondiaux. Mais, au fur et à mesure que l'écart d'efficacité opérationnelle diminuait, ces entreprises ont rencontré des difficultés. Elles doivent donc aujourd'hui apprendre la stratégie. Pour y parvenir, elles auront à surmonter de solides barrières culturelles. En effet, les Japonais ont la réputation de privilégier le consensus, alors que la stratégie réclame des choix clairs. Par ailleurs, la satisfaction du client est si profondément ancrée dans les traditions qu'elle conduit nombre d'entreprises à brouiller leur image pour satisfaire des exigences opposées.

- Deuxième limite, plus subtile, de l'efficacité opérationnelle : la convergence concurrentielle.Plus les entreprises font du benchmarking, plus elles se ressemblent. Plus elles sous-traitent leurs activités à des prestataires spécialisés - souvent les mêmes - plus ces activités sont semblables. La concurrence se réduit alors à une course contre la montre pour arriver le premier à un endroit donné. La vague de fusions de ces dernières années est l'une des conséquences de cette hyperconcurrentiel. Faute de vision claire et de résultats significatifs, la stratégie des entreprises se résume à racheter leurs rivales. Ce qui leur permet de gagner du temps, mais non de créer un avantage concurrentiel durable.

B. Définir une position stratégique par l'offre ou par la demande

Une stratégie concurrentielle consiste à proposer une gamme de produits et de services originaux.

Il existe trois types de positionnement, qui se recoupent souvent :

- 1er cas : positionnement basé sur la spécialité. Il correspond à une offre restreinte mais très compétitive de produits ou de services dans un secteur donné.

Le positionnement basé sur la spécialité vise à satisfaire une petite partie des besoins d'un grand nombre de clients.

- 2ème cas : positionnement basé sur les besoins. Il consiste à répondre aux attentes d'un groupe particulier de consommateurs. Il se rapproche du concept marketing de ciblage.

- 3ème cas : positionnement basé sur l'accès. Il consiste à segmenter la clientèle en fonction de la manière dont on peut l'atteindre. Ce positionnement est moins connu que les deux premiers. La différenciation urbainsruraux est un bon exemple de positionnement par l'accès.

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C. Choisir une stratégie, c'est accepter de ne pas satisfaire tous les clients

Un positionnement stratégique clair n'est pas une condition suffisante pour s'assurer un avantage durable.

Toute entreprise ayant trouvé un créneau porteur risque d'être imitée très rapidement. Ses concurrents utiliseront pour cela deux tactiques :

- le repositionnement ;

- le chevauchement.

Le chevauchement est de loin le plus pratiqué. Il consiste pour le concurrent à greffer les activités innovantes sur celles qu'il pratique déjà.Comment conserver une position stratégique ?

- Première condition : limiter son champ d’action. Cela donne une image claire de l'entreprise, ce qui renforce sa crédibilité auprès des clients.

- Deuxième condition : les choix sont induits par les activités elles-mêmes (plus une entreprise soumet ses processus à l'objectif de prix bas, moins elle est en mesure de satisfaire les clients qui attendent un service élevé).

Cela permet aussi aux dirigeants d'orienter clairement l'organisation de l'entreprise et de rendre les décisions plus évidentes à tous les niveaux. Enfin, dans ces conditions, il devient plus difficile à un concurrent de copier un positionnement, car il devrait pour cela renoncer à certaines de ses activités. A cet égard, l'arbitrage entre coût et qualité est d'autant plus déterminant qu'une entreprise tend vers la limite de productivité définie plus haut.

Exemple : Honda et Toyota, modèles d'efficacité opérationnelle, en ont récemment fait l'expérience. Pour satisfaire leurs clients qui trouvaient le prix de leurs voitures trop élevé, les deux constructeurs ont rogné sur la qualité des équipements de certains modèles vendus aux Etats-Unis. Mais, sous l'avalanche des protestations, ils ont rapidement fait marche arrière.

D. L'avantage concurrentiel est le résultat d'un système d'activités cohérent

Choisir un positionnement stratégique revient donc non seulement à déterminer et à organiser un ensemble d'activités mais également à les combiner pour que leurs effets se renforcent.

La cohérence des politiques fonctionnelles n'est pas une idée neuve. Mais elle a sérieusement été mise à mal ces dernières années par l'émergence de concepts tels que les compétences «centrales» , les ressources «critiques» et les facteurs «clés» du succès, qui ont contribué à donner une vision réductrice de l'entreprise.

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Comment des activités peuvent-elles se renforcer ?

- Une entreprise réputée pour ses produits high-tech sera d'autant plus solide qu'elle disposera d'une force de vente sophistiquée et que son approche marketing sera axée sur l'assistance au client.

- Une chaîne de production très polyvalente sera d'autant plus performante qu'elle sera couplée avec un système de traitement des commandes permettant de réduire les stocks de produits finis, que ses commerciaux insisteront dans leurs argumentaires sur la personnalisation des produits et que ce thème sera repris en écho par les campagnes de publicité.

On peut distinguer trois types de cohérence, qui ne s'excluent d'ailleurs pas :

- 1er type de cohérence : l'adéquation de chaque action avec la stratégie globale.

- 2ème type de cohérence : le renforcement des activités.

- 3ème type de cohérence : l'«optimisation de l'effort».

Dans ces différents cas de figure, l'avantage concurrentiel est la résultante de toutes les activités du processus. Leur cohérence a pour effet de réduire sensiblement les coûts de production et d'accroître la différenciation par rapport à la concurrence.Un positionnement stratégique reposant sur un système d'activités complexe a forcément beaucoup moins de risques d'être imité par les concurrents. Pour parvenir au même résultat, ceux-ci devraient en effet revoir de fond en comble leur organisation.

E. Mieux vaut renoncer à un peu de croissance que perdre sa ligne stratégique

Plusieurs éléments menacent la position d'une entreprise :

- Les évolutions technologiques ;

- la concurrence …

Remarque : Le plus grand danger vient de l'intérieur.

La plupart des dirigeants répugnent à faire des choix. Ils considèrent qu'une dose d'efficacité opérationnelle permet d'être bons dans tous les créneaux et qu'il suffit de copier les recettes des meilleurs.

Autre explication : certaines fausses évidences s'opposent à la recherche de la cohérence des activités. Une mauvaise interprétation de la «focalisation client» conduit certains dirigeants à répondre à toutes les exigences des clients ou à toutes les demandes de la distribution.

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Néanmoins, de tous les obstacles, la croissance est certainement le plus gênante. Se fixer des limites semble incompatible avec une logique d'expansion. Une stratégie fondée sur des prix bas conduira ainsi l'entreprise à accepter de perdre des clients attachés à la personnalisation du produit et au service. Les managers sont constamment tentés de repousser les limites qu'ils ont établies, au risque de brouiller la position stratégique de leur entreprise.Vouloir se battre sur plusieurs fronts aboutit fatalement à brouiller non seulement l'image d'une entreprise, mais aussi la cohérence de ses activités et son organisation. Et donc son avantage concurrentiel. En fait, une croissance impérative est souvent dangereuse pour la ligne stratégique.

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CONCLUSION

Initialement, art de la préparation et de la conduite des guerres, la stratégie a désormais envahi les sphères politique (stratégie électorale), économique (stratégie d'entreprise) et sociale. La stratégie est ainsi devenue transdisciplinaire.Elle consiste d'abord à définir des finalités générales que l'on cherche à atteindre par la combinaison de tous les éléments à la disposition des acteurs. Elle implique également une étroite intégration des facteurs économiques, politiques, culturels et sociaux. Par sa complexité, la définition d'une stratégie claire revient à la direction générale. Dans de nombreuses entreprises, la direction se contente d'orchestrer les améliorations opérationnelles.

Le rôle d'un dirigeant est bien plus important.

Le cœur de sa fonction, c'est bien la stratégie : il doit définir et communiquer le positionnement original de l'entreprise, effectuer les arbitrages parfois difficiles en matière de changement ou d'exigences des clients, et élaborer la cohérence de toutes les activités. Enfin, mois après mois, il devra veiller au respect de la stratégie à tous les échelons.