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LA SALLE DES FESTINS OU DE FLORE AU PALAIS DES ÉTATS DE BOURGOGNE PAU M. Henri C I I A B E C F , VICE-PRÉSIDENT. Il existe au Musée Condé, à Chantilly, un dessin des plus intéressants pour l'histoire du Palais des Etats ; il est ainsi désigné au Catalogue itiné- raire de M. Gustave Maçon, conservateur adjoint du Musée Condé : Le Paon (J.-B.), 1138-1185; Projet de décoration d'une galerie au Palais- Bourbon, dessin. Grâce à l'obligeance de M. Maçon, la Commission peut donner une repro- duction héliographique, c'est-à-dire rigoureusement exacte, de ce dessin exécuté à l'encre de Chine, et haut de 0 m ,33 sur 0 m ,66 de large. Il préoc- cupait fort M. le duc d'Aumale qui l'avait acquis en vente publique et, de guerre lasse, ne pouvant autrement expliquer l'écu des Condé que l'on voit à la voûte, lui donna le titre sous lequel il est exposé. Mais des yeux dijon- nais ne s'y peuvent tromper, nous avons là une vue de la salle des Festins au Palais des Etats à Dijon et qui fait partie des bâtiments élevés de 1776 à 1780 sur les plans de Dumorey (1), ingénieur en chef de la Province, et » * (1) Joseph-Jean-Thomas Dumorey, écuyer, ancien ingénieur du Roi, ingénieur en chef de la province de Bourgogne, chevalier de Saint-Michel en octobre 1773, décédé sur la paroisse Saint-Médardle 20 juillet 1780, à l'âge de 70 ans, inhumé le lendemain dans le cimetière de la paroisse. t

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LA SALLE DES FESTINSOU DE FLORE

AU PALAIS DES ÉTATS DE BOURGOGNE

PAU M. Henri C I I A B E C F , VICE-PRÉSIDENT.

Il existe au Musée Condé, à Chantilly, un dessin des plus intéressantspour l'histoire du Palais des Etats ; il est ainsi désigné au Catalogue itiné-raire de M. Gustave Maçon, conservateur adjoint du Musée Condé :

Le Paon (J.-B.), 1138-1185; Projet de décoration d'une galerie au Palais-Bourbon, dessin.

Grâce à l'obligeance de M. Maçon, la Commission peut donner une repro-duction héliographique, c'est-à-dire rigoureusement exacte, de ce dessinexécuté à l'encre de Chine, et haut de 0m,33 sur 0m,66 de large. Il préoc-cupait fort M. le duc d'Aumale qui l'avait acquis en vente publique et, deguerre lasse, ne pouvant autrement expliquer l'écu des Condé que l'on voità la voûte, lui donna le titre sous lequel il est exposé. Mais des yeux dijon-nais ne s'y peuvent tromper, nous avons là une vue de la salle des Festinsau Palais des Etats à Dijon et qui fait partie des bâtiments élevés de 1776

à 1780 sur les plans de Dumorey (1), ingénieur en chef de la Province, et» *

(1) Joseph-Jean-Thomas Dumorey, écuyer, ancien ingénieur du Roi, ingénieur en chef de la provincede Bourgogne, chevalier de Saint-Michel en octobre 1773, décédé sur la paroisse Saint-Médardle 20 juillet1780, à l'âge de 70 ans, inhumé le lendemain dans le cimetière de la paroisse.

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d'Emiland Gauthey, ingénieur ordinaire (1). Elle était destinée primitive-ment à servir de salle de dessin pour l'école, dont le prince ne voulait plusdans la galerie de Bellegarde qui faisait partie des bâtiments du roi. En effet,aux mois de mai et juin 1778, un rapport avait été adressé au prince-gou-verneur par le capitaine-concierge du Logis du Roi, sur différents sujets,notamment sur l'usage que les élèves faisaient du local concédé par leprince : « La galerie sur les remises, dite salle de Bellegarde, qui servait à» l'académie de peinture et de sculpture, a été entièrement dégradée par» les élèves ; il est très intéressant de ne plus la donner. » Et le princemet en apostille : « Cette galerie ne doit être employée que pour le service» de S. A. S. ; elle ne sera plus accordée pour aucun autre usage (2). »

Mais dès le 12 janvier 1776, les Elus avaient résolu de changer la desti-nation de la salle de dessin et d'en faire une galerie pour les festins ; l'écoledevait être transportée dans un bâtiment à élever en bordure sur la rue dela Sainte-Chapelle — aujourd'hui rue Rameau. — Le Jolivet (3), sous-ingé-nieur et architecte de la Province, donna en 1782 les plans de l'aile, qui faitpendant à celle où se trouve la salle des Etats. On avait demandé pour lasalle des Festins des projets de décoration à Dumorey et à François Devosgequi les présentèrent le 1er avril 1780. La salle devait être ornée de tableauxreprésentant les victoires du grand Condé, on couronnait les portes d'im-portants motifs en relief aux armes du prince-gouverneur et de la Pro-vince ; au-dessus des quatorze fenêtres, des trophées également en reliefentouraient des écussons où se lisaient les noms des batailles auxquellesavaient pris part le grand Condé et son descendant Louis-Joseph. Enfinentre les fenêtres, des niches recevaient des statues représentant les prin-cipales villes du gouvernement de Bourgogne et Bresse.

(1) Etniland-Marie Gauthey, lils d'un médecin, né à Chalon-sur-Saône, le 3 décembre 1732, entra àl'Ecole des ponts et chaussées dirigée par Perronnet, fut ingénieur ordinaire de la Province en 1758, ingé-nieur en chef en 1782 et directeur des canaux, inspecteur général des ponts et chaussées en 1791, etmourut le H juillet 1806.

(2) Archives de Chantilly.(3) Charles-Joseph Le Jolivet, né à Dijon en 1727, mort à Paris, sur l'échafaud révolutionnaire, le

17 floréal an 11—6 mai 179i. '

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Ce projet fut jugé trop magnifique et on chargea Le Jolivet d'y fairequelques réductions ; il présenta son travaille 6 février 1783 et l'adjudica-tion fut tranchée le 11 par Bernard de Chanteau, secrétaire en chef desEtats, à Duleu et Saint-Père, entrepreneurs, Dupuis et Baffert, plâtriers.Lambert, peintre, et Petit, menuisier. Le Jolivet supprimait les niches et parconséquent les statues, ainsi que les tableaux historiques, mais conservaitles trophées au dessus des portes et des fenêtres, et plaçait à chaque extré-mité deux groupes en terre cuite sur des socles dont deux étaient des poêles.Voici du reste comment est décrite la nouvelle salle dans un manuscritd'Antoine Violet (1) : Mémoire sur différents objets de curiosité de la ville deDijon, pour servir de supplément à toutes les descriptions rie la même ville —mars 1789. — II était temps! Bibliothèque de Dijon, fonds Baudot, n° 142.

« Dans la première salle en haut, en montant par l'escalier neuf, on voit» sur un poêle une Vestale en terre cuite, qui tient le feu sacré, c'est la» copie de celle de M. Falconet (2). Dans la seconde salle qui sert d'anti-» chambre à celle des festins, est la Junon sculptée à Rome par Bertrand (3)» d'après l'antique, cette statue est en marbre et a été envoyée en 1773 Le» piédestal a cinq pieds de haut. De la salle de la Junon on entre dans la» salle à manger ou des festins qui a 94 pieds de longueur sur 35 de large» et 20 de hauteur. Le plafond peint à fresque (4) représente un ciel avec» les armes de Condé au milieu environnées d'une gloire. Au-dessus des» portes et des fenêtres sont des trophées de guerre et les noms de qua-» torze victoires remportées par le grand Condé. La salle est éclairée par» quatorze croisées dont sept sur la rue Notre-Dame (des Forges) et sept sur» la cour neuve du Palais des Etats. Au-dessus des deux croisées du milieu

(1) Antoine Violet, qu'il ne faut pas confondre avec son oncle Antoine-François Violet, chanoine deSaint-Jean, dit le prieur Violet, mort le 11 juin 1779, fut, sous la Restauration, maire de Bligny-sous-lieaune et mourut fort âgé le 23 janvier 1S40. Le manuscrit de la bibliothèque est annoté par Françoisltaudot.

(2) La Vestale est encore en place.(3) Antoine-Henri Bertrand, ne à I.angres en 1759, mort dans la même ville en 1834, pensionnaire des

Elats de Bourgogne à Rome en 1781.(4) II est à peine nécessaire de dire qu'il n'y a jamais eu de fresque au Palais des Etats, mais en France

on a l'habitude d'appeler fresque toute peinture murale.

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» on lit les noms de deux victoires remportées par le prince de Condé» actuel, celle de Grumingen, le 20 août 1760, et celle de Friedberg, le» 30 août 1762. Entre les fenêtres sont des candélabres au nombre de» douze, six de chaque côté; ce sont trois rangs de lys; le premier au-» dessus en porte 15, le second 20, le troisième 25 ; on met dans chaque» lys une bougie, ce qui fait en tout 720 bougies qui sont toutes allumées,» non compris une centaine d'autres qui sont sur la table quand on donne à» manger au prince, ei lors de la distribution des prix de peinture, sculp-» ture, dessin, etc., qui se fait tous les ans dans cette salle. Un faisceau de» lances et de piques adossé au mur sert à attacher tous ces lys qui sont en» fer-blanc peint. La place ordinaire du prince est au-dessous du nom de la» bataille de Grumingen; c'est là où on lui dresse un dais; la salle alors» est ornée à chaque fenêtre et décorée de rideaux de taffetas cramoisi, rele-» vés à l'italienne et en festons avec des glands, ce qui fait un très bel effet.» Aux quatre coins de la salle sont des groupes posés sur des piédestaux» dont deux sont des poêles ; les deux premiers en entrant sont : à gauche,» une Renommée, et à droite, la Bourgogne couronnant le portrait du prince» de Condé qui lui présente un génie. Les deux autres sont : à droite, la» statue en pied de M. Desormeaux, historiographe delà maison de Condé;» il est assis, son livre est porté par un génie; à gauche, la France cou-» ronnant les armes de Condé. Ces statues sont assises et en terre cuite.

» Au fond de la salle des festins est celle d'Apollon, de môme grandeur et» de même forme que celle de Junon. On y voit la statue d'Apollon Pythien,)) sculptée en marbre blanc à Rome, par C. Renaud (I), et envoyée en 1779.» Elle est élevée sur un piédestal semblable à celui de la Junon; ces deux» statues placées vis-à-vis des portes qui sont aux extrémités de la salle des» festins, sont en face l'une de l'autre. »

Le souci de présenter en perspective les deux statues explique la hauteur

Cl) Charles Renaud, né à Spoy, canton d'Is-sur-Tille, arrondissement de Dijon, en 17S6, fut, commeBertrand, élève de Devosge; pensionnaire des Etats à Rome en 1776, il exécuta sa copie de l'Apollon duBelvédère en 1779. La date et le lieu de sa mort — peut-être dans les environs de Vienne, en Autriche— sont inconnus.

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des portes qui nous paraît démesurée aujourd'hui et hors de toute propor-tion, comparée avec les fenêtres qui, à la vérité, sont beaucoup tropbasses. Il faut convenir qu'une telle salle où la lumière arrive au ras duparquet, était singulièrement appropriée à une école de peinture.

Dans le dessin de Chantilly, l'artiste s'est placé à l'entrée de la salle, unpeu à gauche ; on distingue parfaitement la voûte avec la Gloire entourantles armes de Condé, motif que M. le duc d'Aumale a fait reproduire dansun des plafonds de Chantilly, les fenêtres à grands carreaux, où on achèved'appliquer les rideaux, enfin les trophées. Les cartouches de gauche — lapremière fenêtre n'est pas en vue — présentent les inscriptions suivantes :Wesel 1672, Dôle 1668, Grumingen 1760 ; la perspective rend les trois der-nières illisibles; à droite on lit : Oudenarde 1674, Tholuis 1672 — c'est le

passage du Rhin — Besançon 1668, Friedberg 1762, Lens 1648, les deuxdernières inscriptions sont illisibles; ainsi les places d'honneur étaient réser-vées aux deux petites victoires de Louis-Joseph pendant la guerre de Septans, comme si le grand guerrier de la famille eût été lui et non son trisaïeul.Au-dessus de la porte ouverte qui laisse voir dans toute sa hauteur le marbrede l'Apollon Pylhien, le cartouche porte Rocroy 1643. Enfin entre les fenê-tres se dressent chargées de bougies les énormes touffes des appliques enforme de branches de lys.

Comme le milieu de la salle est vide on peut penser qu'il s'agit des prépa-ratifs non d'un festin, mais de la distribution des prix de l'école, peut-êtrecelle de 1786, la première qui eut lieu dans la salle dont les travaux avaientété reçus le 10 avril. Un grand nombre de personnages spirituellement dis-posés et touchés animent la scène; une vieille dame circule avec importance,deux moines bavardent à l'écart; un abbé et un gentilhomme causent engens considérables. On peut reconnaître en ceux-ci : l'Elu du clergé en 1786,l'abbé de La Fare, doyen de la Sainte-Chapelle, vicaire général du diocèse,qui sera sacré évèque de Nancy en 1787 et mourra an 1829 archevêquede Sens et cardinal. Pour son interlocuteur on peut choisir entre : l'Elu dela Noblesse, le comte de Chastellux, chevalier d'honneur de Madame Victoire

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de France, brigadier des armées du Roi, mestre de camp, commandant durégiment de Beaujolais, chevalier de Saint-Louis; Nicolas-Alexandre de Virieu,maréchal de camp des armées du Roi, premier gentilhomme de Monsieur,comte de Provence, officier de Saint-Louis et de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, Elu de la Noblesse de 1782 à 1785, qui fit creuser le canal deBourgogne entre Dijon et Saint-Jean-de-Losne par les régiments de Monsieur,de Beaujolais et de Beauvoisis; l'Elu du Roi, M. Febvre, trésorier de France;le vicomte-maïeur de Dijon, Elu perpétuel, M. Moussier; le commandant enchef dans le gouvernement de Bourgogne et Bresse, M. de la Tour-du-Pin-Gouvernet, marquis de La Charce; enfin l'intendant de la généralité deBourgogne, Antoine-Léon-Anne Amelot du Chaillou, chevalier, conseiller duRoi en tous ses conseils, Maître des Requêtes.

M. le duc d'Aumale croyait reconnaître dans ce beau dessin l'œuvre d'undessinateur qui travailla beaucoup pour la maison de Condé, Jean-BaptisteLe Paon, né en 1738, mort en 1785. Mais du moment où il s'agit d'une vueprise en Bourgogne, l'attribution ne paraît plus assurée à M. Gustave Maçon ;en effet, si les archives de Chantilly fournissent la preuve que de 1776 à 1784,Le Paon fut fort employé par le prince de Condé, rien n'établit qu'il eûtaccompagné le gouverneur à Dijon pour la tenue des Etats de 1775, 1778,1781 et 1784. Et comme il est mort en 1785, on se demande comment ilaurait pu dessiner aussi exactement une salle qui a été terminée seulementen 1786(1). Toutes choses considérées, M. Maçon écarte donc le nom deLe Paon et estime qu'il faut plutôt chercher le dessinateur à Dijon même.Peut-être avons-nous là une œuvre de Le Jolivet lui-même; l'exactitude dela perspective et la précision du décor architectural peuvent révéler la maind'un homme du métier. D'ailleurs Le Jolivet dessinait très spirituellementles personnages dont il éloffait ses compositions. On peut penser aussi àFrançois Devosge qui avait donné les dessins des trophées et des groupes;

(1) L'œuvre la plus importante de Le l'aon est peut-être la Revue de la Maison du Roi au Troud'Enfer, gravée par Lebas, 1118, ample composition qui rappelle les meilleures foules de Moreau leJeune. Seulement, celui-ci gravait lui-même ses dessins et sa pointe vaut mieux que celle de Lebas, siestimable qu'elle soit.

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Hélioq. Buiardm. Paris. /-v ' ''-'. \

LA SALLE DES F E S T I N S OU DE FLORE EN 1786

d'après un dessin du Musée Condé à Chantilly.

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MAQUETTES DES DEUX GROUPES DU FOND

SALLE Df-:s FESTINS OU DE FLORE

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pour ce qui est de J.-B. Lallemand, ses dessins ne rappellent nullement lefaire de celui-ci.

Aujourd'hui la salle de Flore — d'où lui vient ce nom? — est dans l'étatle plus lamentable, du reste toute cette partie du Palais a été construite aussimal que possible. A la voûte repeinte et mal, les armes de Condé ont étéeffacées il y a plus d'un siècle, ainsi qu'aux trophées les inscriptions desanciennes victoires monarchiques, et les boiseries se détachent par lambeauxdes murailles. L'Apollon et la Junon de marbre ont été transportés au muséeet remplacés dans la première salle par des moulages en plâtre fâcheusementbronzé. Quant aux quatre groupes, ils ont disparu et la trace des soclesou poêles se voit encore en briques sur le parquet disjoint. Mais lesdessins de deux des groupes existent encore au musée et de la main deFr. Devosge — n° 644, collection Devosge. — Lavés à l'encre de Chine, ilssont contenus dans le même cadre. 1° La Gloire des princes. La Gloireassise, toule du pied gauche le léopard britannique et étreint un obélisquesur lequel on lit Friedbergue (sic); à ses pieds un génie souffle de la trom-pette et s'appuie sur un écu aux armes de Condé — signé Fr. Devosge. —H. 0m,'18, l. 0m,17. En haut est écrit : Sujet échu par le sort à M. Ramey,le 8 mai 1180 (1).

(1) Claude Ramey naquit A Dijon, sur la paroisse Saint-Philibert, le 29 octobre 1754, de Jean Ramey,maître grenetier, et de Claudine Ligeret. Il entra à l'école des Beaux-Arts sous Devosge et concourut en 177Gpour la pension de la Province à Rome, mais ce Tut Renaud qui eut le prix ; au concours de 1780, on accusaun des concurrents, François Daujon d'avoir empêché Ramey d'achever son morceau, et le concours fut annulémais recommencé la même année; les concurrents lurent alors Bertrand, Ramey et Daujon ; c'est le premierqui eut le prix. Ramey partit alors pour Paris, où il entra dans l'atelier d'Etienne-Pierre-Adrien Gois. Unelettre dubaron de Joursanvault au graveur J.-Georges Wille, du 5 octobre 1780, et publiée dans les Archivesde l'Art français, V, p. 171, donne quelques détails sur le concours où échoua Ramey. Après avoir déclaréque son œuvre était « sur tout parfaite autant qu'une ligure peut l'être en province », Joursanvault accusenettement le professeur de s'être laissé corrompre et le jury d'avoir suivi son avis par faiblesse. Comme ils'agit ici de Devosge, c'est-à-dire d'un homme dont l'intégrité est au-dessus de tout soupçon, on admettraplutôt qu'il y a eu ici une de ces surprises auxquelles donnent si souvent lieu les concours. C'est pourrecommander à Wille, Ramey et le peintre Jean-Claude Naigeon — Dijon, 9 décembre 1753-11 janvier1832 — que Joursanvault écrivit la lettre du 5 octobre 1780. Ramey prit du reste une belle revanche,puisqu'il eut le grand prix de Rome en 1782. Le 18 nivôse an II — 6 février 1794 — étant domicilié àParis, section des Piques, il épousa à Dijon, section de la Liberté, Marie-Madeleine-Judith Romarien, fillede feu Nicolas-J. et de Marie Pinard ; de ce mariage naquit le 4 prairial an IV — 23 mai 1796, — lesculpteur Etienne-Jules Kamey. Claude fut membre de l'Institut en 1816, et mourut le 5 juin 1838 et nonen 1839, comme le portent certaines biographies.

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2° L'Immortalité, figure ailée assise tenant de la main droite le cercle, em-blème de l'éternité, et de la gauche une palme; elle s'appuie sur un cippeportant les noms de Condé, Turenne, Saxe ; à ses pieds un génie couronneun médaillon au profil du prince. En haut est écrit : Sujet échu par le sort àM. Daujon (1), le 9 mai 1180. La figure supposée droite aura en exécutionsix pieds de haut.

Pour ce qui est des deux groupes du fond, les maquettes en terre cuitesont chez moi; la comparaison de ces statuettes avec les figures que l'onvoit dans le dessin de Chantilly, ne permet aucune hésitation, et M. GustaveMaçon à qui ont été communiquées les photographies les a parfaitementreconnues. Les reproductions jointes à ces pages en feront juger de môme.Toutefois une difficulté se présente, Violet dit que l'un des groupes dufond représentait M. Desormeaux, historiographe de la maison de Gondé ;on peut croire qu'un personnage en costume Louis XVI devait produire unsingulier effet mêlé à ces allégories. Il faut donc admettre ou que, pourdes raisons inconnues, le groupe de droite a été remplacé par un autre, ouque le dessin de Chantilly nous donne un projet non entièrement exécuté,ou enfin que Violet se sera trompé.

Dans le groupe La France couronnant les armes de Condé, les fleurs de liset le bâton péri en abîme, brisure des Condé, ont été grattés à la Révolu-tion; mais la trace de la mutilation est visible malgré la reprise du travailen hachures horizontales qui a fait plein le champ d'azur; la couronneroyale a subi la même épuration civique. Ces deux statuettes, hautesde 0m,24, proviennent de mon beau-père, M. Matry, avocat à Dijon.

(1) François Daujon eut la médaille de sculpture en 1775, et on a vu la part qu'il prit au concours de1782, puis il disparaît; mais dan» son Musée de sculpture antique et moderne, t. V, p. 335, Claracle donne comme vivant et travaillant en 1809, à l'arc du Carrousel ; le Louvre possède de lui une tête deMéduse, bas-relief en bronze cité dans le Dictionnaire de lîellier de la Chavignerie, continué parAuffray. Un Pierre-Simon Daujon est cité comme témoin d'un mariage à Saint-Philibert, le 5 février 1782;était-ce le père de François?