LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

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Les cahiers de l’ARCEP n°2 avril - mai - juin 2010 LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ L ’enjeu pour une autorité qui régule un secteur économique issu d’un monopole, c'est d'abord et avant tout de réussir à construire un marché puis de veiller à ce qu’il fonctionne de façon équili- brée. Il en est ainsi dans les secteurs des communications électroniques et postales. Mais certains secteurs qui n’ont jamais été en situation de monopole sont aussi régulés : c’est le cas des marchés financiers ou des activités bancaires. Les outils du régulateur sont divers : asymétriques lorsqu'il faut réguler un opérateur puissant, symétriques lorsque tous les opérateurs sont concernés ; ex ante ou ex post. L'ARCEP exerce ce métier de « constructeur de marché » depuis treize ans : l’ouvrage est très avancé dans le secteur des télécoms, mais encore balbutiant dans le secteur postal. L’Autorité veille, à travers la définition de règles, précises et impératives mais aussi plus souples (bonnes pratiques, recommandations), à ce que le marché fonc- tionne bien, c'est à dire qu'il présente un niveau de concur- rence optimal, et non pas forcément maximal. La concurrence optimale doit être suffisante dans l’intérêt du consommateur mais non excessive, car des marges trop faibles freineraient l’innovation et les investissements des opérateurs. Depuis quelques années et de façon accélérée, nous défi- nissons ces règles dans un environnement en plein boule- versement, celui de l'économie numérique. C’est, sans doute, avec le développement durable, un des axes détermi- nants de la nouvelle économie qui se construit. Nouvelle économie, nouvelle société aussi, car l'économie et la société interagissent l'une sur l'autre, d’où sans doute la nécessité d'une nouvelle régulation. Edito par Jean-Ludovic Silicani, président de l’Autorité Quelques fondamentaux de la révolution numérique Qui me cède me détient encore. Plus on m’use et plus je vaux. Je suis partout et je suis tout de suite ! Qui suis-je ?» Je suis… je suis l’information, bien-sûr ! Et qu’est-ce que la révolu- tion numérique, sinon l’alchimie qui transmute le plomb dérisoire de cette devinette en l’or précieux d’une réalité observable ? Toute alchimie repose sur des « fondamentaux », ici révélés… pour partie. Numérisation et dématérialisation de l’information La numérisation, c’est-à-dire la transcription de données de toute nature sous la forme de séquences de bits d’information, reconnaissa- bles, stockables et traitables par les machines informatiques, transpor- tables et distribuables par les réseaux de communication électronique, admet deux conséquences : d’une part, la gestion homogène des données tout au long de la chaîne qui conduit de leur création à leur livraison ; d’autre part, la « dématérialisation » Par Nicolas CURIEN, membre de l’Autorité ••• Suite page 2 ••• Suite page 3 Dossier LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE. Nouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ? Tel un tsunami, la révolution du numérique se déploie chaque jour un peu plus sous nos yeux. Elle entraîne des ruptures. Huit ont ici été identifiées : l’explosion des débits (notamment mobiles) ; le consommateur devient un acteur ; les nouveaux usages (mobilité, ubiquité, ergonomie) ; la dématérialisation ; la délinéarisation des contenus ; les interfaces ; la géolocalisation ; le e-commerce. Toutes ont un impact sur les acteurs traditionnels du marché des télécoms – opérateurs et équipementiers –, et du secteur postal. Mais aussi sur l’ensemble des segments économiques : la publicité, la musique, le cinéma, l’audiovisuel, les jeux en ligne, la presse, l’édition, le goût esthétique, la création artistique, l’éducation, la médecine, l’aide au développement, la citoyenneté… Sans parler de notre façon de vivre en société… Revue de détail. L'ARCEP exerce le métier de « constructeur de marché » dans un environnement en plein bouleversement, celui de l'économie numérique

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Les cahiers de l’ARCEPn°2 • avril - mai - juin 2010

LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’

L’enjeu pour une autorité qui régule un secteuréconomique issu d’un monopole, c'est d'abord etavant tout de réussir à construire un marché puisde veiller à ce qu’il fonctionne de façon équili-brée. Il en est ainsi dans les secteurs des

communications électroniques et postales. Mais certainssecteurs qui n’ont jamais été en situation de monopole sontaussi régulés : c’est le cas des marchés financiers ou desactivités bancaires. Les outils du régulateur sont divers :asymétriques lorsqu'il faut réguler un opérateur puissant,symétriques lorsque tous les opérateurs sont concernés ;ex ante ou ex post.

L'ARCEP exerce ce métier de « constructeur de marché »depuis treize ans : l’ouvrage est très avancé dans le secteurdes télécoms, mais encore balbutiant dans le secteurpostal. L’Autorité veille, à travers la définition de règles,précises et impératives mais aussi plus souples (bonnespratiques, recommandations), à ce que le marché fonc-tionne bien, c'est à dire qu'il présente un niveau de concur-rence optimal, et non pas forcément maximal. Laconcurrence optimale doit être suffisante dans l’intérêt duconsommateur mais non excessive, car des marges tropfaibles freineraient l’innovation et les investissements desopérateurs.

Depuis quelques années et de façon accélérée, nous défi-nissons ces règles dans un environnement en plein boule-versement, celui de l'économie numérique. C’est, sansdoute, avec le développement durable, un des axes détermi-nants de la nouvelle économie qui se construit. Nouvelleéconomie, nouvelle société aussi, car l'économie et lasociété interagissent l'une sur l'autre, d’où sans doute lanécessité d'une nouvelle régulation.

Editopar Jean-Ludovic

Silicani, présidentde l’Autorité

Quelques fondamentaux de

la révolution numériqueQui me cède me détient encore.Plus on m’use et plus je vaux.Je suis partout et je suis tout de suite ! Qui suis-je ?»

Je suis… je suis l’information, bien-sûr ! Et qu’est-ce que la révolu-tion numérique, sinon l’alchimie qui transmute le plomb dérisoire decette devinette en l’or précieux d’une réalité observable ? Toutealchimie repose sur des « fondamentaux », ici révélés… pour partie.

Numérisation et dématérialisation de l’informationLa numérisation, c’est-à-dire la transcription de données de toute

nature sous la forme de séquences de bits d’information, reconnaissa-bles, stockables et traitables par les machines informatiques, transpor-tables et distribuables par les réseaux de communication électronique,admet deux conséquences : d’une part, la gestion homogène desdonnées tout au long de la chaîne qui conduit de leur création à leurlivraison ; d’autre part, la « dématérialisation »

Par Nicolas CURIEN, membre de l’Autorité

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Dossier

LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE.Nouveaux usages, nouveaux

modèles, nouvelles régulations ?

Tel un tsunami, la révolution du numérique se déploie chaque jourun peu plus sous nos yeux. Elle entraîne des ruptures. Huit ont iciété identifiées : l’explosion des débits (notamment mobiles) ; leconsommateur devient un acteur ; les nouveaux usages (mobilité,ubiquité, ergonomie) ; la dématérialisation ; la délinéarisation descontenus ; les interfaces ; la géolocalisation ; le e-commerce.

Toutes ont un impact sur les acteurs traditionnels du marché destélécoms – opérateurs et équipementiers –, et du secteur postal.Mais aussi sur l’ensemble des segments économiques : la publicité,la musique, le cinéma, l’audiovisuel, les jeux en ligne, la presse,l’édition, le goût esthétique, la création artistique, l’éducation, lamédecine, l’aide au développement, la citoyenneté… Sans parlerde notre façon de vivre en société… Revue de détail.

L'ARCEP exerce le métier de « constructeur de marché »

dans un environnement en plein bouleversement, celui

de l'économie numérique

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ARCEP7, square Max Hymans - 75730 Paris Cedex 15www.arcep.fr - 01 40 47 70 00Abonnement : [email protected] : 1290-290XResponsable de la publication : Jean-Ludovic SilicaniDirecteur de la rédaction : Philippe Distler

Rédaction : Ingrid Appenzeller, Audrey Briand et Jean-François Hernandez (mission communication)Ont contribué à ce numéro : Frédéric Audibert, Louis-PhilippeCarrier, Edouard Dolley, Christian Guénod, Guillaume Lacroix,Julien Mourlon et Daniel Nadal.Crédit photo : Sarah Jonathan (p. 30), Didier Cocatrix (p. 49),Union européenne (p.57), Dominique Simon (p. 64).

Maquette : Emmanuel ChastelImpression : Corlet Imprimeur

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des contenus, quisont en effet désormaisaccessibles à « l’étatlibre », sans nécessité

d’inscription sur un support matériel, tel un livre ou un disque. Cephénomène de dématérialisation est l’ultime étape d’un mouve-ment multiséculaire qui, de Gutenberg à Gates, a peu à peurendu plus ténu le lien entre l’information et ses marqueursphysiques, en facilitant la réplication de ces derniers avant depermettre leur total effacement.

La numérisation bouleverse le modèle économique tradi-tionnel de la fourniture et de la commercialisation des biensculturels – littérature, musique ou cinéma – qui reposait jusqu’icisur la vente à l’unité des marchandises supports : livres, CD ouDVD. Lorsqu’un contenu est numérisé, sa valeur ne disparaîtévidemment pas, mais elle n’est plus attachée à une marchan-dise et doit donc être recueillie autrement, par exemple à traversune facturation forfaitaire de l’accès aux bibliothèques numé-riques ou par la publicité. Certains biens, comme les logiciels oules jeux vidéo, nativement numériques, donnent lieu à desschémas de distribution et de valorisation originaux, couplant legratuit et le payant, le téléchargement d’une version de baseétant par exemple gratuit mais les options nécessaire à usageévolué, attractif et personnalisé, étant payantes.

Par ailleurs, la numérisation permet de prolonger certainsservices dans l’univers virtuel, comme dans le cas du tourisme oude l’immobilier, où l’exploration visuelle en ligne vient compléter,voire remplacer, l’exploration physique. Enfin, des biens maté-riels, comme aujourd’hui l’automobile, et peut-être demain le réfri-gérateur ou la machine à laver, sont et seront de plus en plusrichement équipés de composants électroniques leur permettant,non seulement de mieux fonctionner localement, mais encore derecevoir, de traiter et d’émettre des informations ; ces machinessont ainsi transformées en terminaux communicants : l’internetdes ordinateurs se généralisera en un internet des objets.

Abondance et gratuité à l’acteDans la transition menant de l’économie pré-numérique à

l’économie numérique, les coûts et les utilités se déforment : lapart variable en fonction des quantités se contracte, tandis quela part fixe se dilate. S’agissant des coûts, les réseaux électro-niques de nouvelle génération engendrent des frais très impor-tants d’installation des capacités, mais une fois consentis cesinvestissements initiaux, des volumes de trafic considérablespeuvent être écoulés sans coût supplémentaire notable. Demême, les contenus véhiculés sur les réseaux électroniques sontcertes onéreux à créer, mais une fois produit les « moules » origi-nels, leur réplication et leur distribution numériques s’opère àcoût variable négligeable. Et, s’agissant des utilités, le besoind’un consommateur ne réside plus tant désormais dans lenombre de ses minutes de communication que dans la variétédes services, applications et contenus auxquels il peut accéder

Réalisation

Dossier

Les Cahiers de l’ARCEP sont imprimés sur du papier couché composé de 60 % de fibres recyclées et de 40 % de fibres vierges.

Cette publication est également accessible aux déficients visuelssur le site de l’Autorité (www.arcep.fr) depuis la page d’accueil.

2� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

� Les ruptures Quelques fondamentaux de la révolution numérique........................1-3

Nouveaux usages, nouvelle économie des médias ......................4-5

L’explosion des débits ébranle les modèles économiques des opérateurs ..................6-7

Le consommateur au centre du jeu................8-9

La révolution des usages ....10

Communautés en ligne et réseaux sociaux ..............11

Internet et la formation du goût ......12

La révolution des interfaces 13

La délinéarisation des contenus ................14-15

L’économie « quaternaire » ............16-17

Mobilité, géolocalisation et réalité augmentée ....18-19

Pourquoi parler de nouveaux modèles d’affaires ?....................20-21

� Analyse économiqueCriton s’éveillant à l’économie numérique....................22-24

� Les impactsLe e-commerce ..................25

Les équipementiers........26-27

Le modèle Apple ................28

Histoire : Télétel et la fonction kiosque ........29

La musique ..................30-31

Le cinéma et l’audiovisuel ..............32-33

La publicité ..................34-35

La presse et l’édition......36-37

La politique de la ville ..........................38

La citoyenneté....................39

L’investissement dans les start-up ................40

La santé ............................41

Les jeux en ligne............42-43

Le m-paiement ..................44

Le spectre hertzien..............45

La création artistique ....46-47

Les opérateurs ..............48-53

Le secteur postal ................55

Paquet Télécom 56-58

Vie de l’ARCEP 59

Actualités 60-61 et 64

Postal - Consommateurs 62-63

DossierLa révolution numérique : nouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ? 1 à 55

Sommaire

parNicolas Curien, membre de l’Autorité

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via son abonnement à un réseau : le bien acheté n’est plus unvolume d’usage monoservice, comme au temps du « bon vieuxtéléphone », mais plutôt une option d’usage multiservice, telleque la proposent déjà les offres triple play des opérateurs.

L’environnement pré-numérique, où coûts et utilités dépen-daient significativement des quantités, était un monde de rareté,dans lequel il était pertinent de contenir le volume du trafic télé-phonique à un niveau inférieur au seuil de saturation du réseau,par le biais d’une tarification au volume. Le futur environnementnumérique, après résorption des problèmes transitoires decongestion accompagnant la montée en puissance des nouveauxréseaux, est au contraire un monde d’abondance, dans lequel levolume de trafic est potentiellement illimité et la tarification perti-nente essentiellement forfaitaire, revêtant ainsi logiquement lamême structure fixe que celle des coûts et des utilités. Onentrera alors dans l’ère d’une « économie de l’attraction », ainsinommée par évocation des parcs de loisir où, une fois payée l’en-trée, les manèges sont gratuitement accessibles.

Remarquons ici que, de même que la gratuité à l’acte n’estpas synonyme d’une gratuité absolue, de même la facturationforfaitaire des internautes n’est pas exclusive d’une rémunérationdes créateurs proportionnelle à leur audience. Les réseaux élec-troniques permettent en effet des comptages plus précis que lesmesures statistiques pratiquées pour les médias traditionnels, sibien qu’une collecte de revenus via des forfaits d’accès auxréseaux ne signifie en rien que les auteurs et les artistes ne puis-sent continuer, grâce à une redistribution appropriée, de perce-voir une rémunération indexée sur leur succès auprès du public.

Infomédiation et communautésLes biens numériques, tels les biens culturels et, par exten-

sion, de nombreux biens et services incorporant une composanteinformationnelle croissante, sont des biens « d’expérience » : leurutilité n’est que très imparfaitement connaissable avant leurconsommation et n’est révélée qu’à travers leur usage même.Dans un tel contexte, le consommateur potentiel doit « monter encompétences » afin d’effectuer des achats avisés et, à cet égard,le corpus des informations disponibles sur la toile, notamment viale web relationnel (web 2.0), lui fournit une aide précieuse : lesconsommateurs pionniers, ayant fait en premier l’expérience d’unbien y postent en effet des avis et critiques propres à éclairerceux qui les suivront. Symétriquement, après l’acte d’achat,certains biens complexes, à l’instar des logiciels ou des jeuxvidéo, nécessitent un paramétrage et une personnalisation, lesadaptant à des usages différenciés. Là encore, des « clubs » enligne aident chaque utilisateur à mieux conformer le bien acquis àses besoins particuliers. Ce phénomène de bouche à oreille élec-tronique, par lequel des échanges d’information entre consom-mateurs éclairent ex ante les décisions d’achat et facilitent expost les pratiques d’usage, est ici appelé « infomédiation ».

Dans une économie où foisonnent biens d’expérience et bienscomplexes, et où le rythme rapide de l’innovation renouvelle enpermanence les caractéristiques de ces biens, l’infomédiation, tellequ’elle se développe sur les communautés du web, devient un équi-pement essentiel du marché, une sorte de « méta-marché » où lesinteractions, pour être non marchandes, n’en sont pas moins indis-pensables au bon déroulement des transactions… un peu à lamanière dont, dans certaines sociétés primitives, l’échange gracieuxd’objets rituels entre tribus est l’utile complément des relationscommerciales, qu’il prépare et rend possibles.

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles,

nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �3

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Car lorsque l'économie change en profondeur, lesmodes de régulation doivent aussi évoluer. C'est lerôle même d’une autorité de régulation que d'adapter

en permanence ses outils de supervision du marché aux transforma-tions mêmes de ce marché, tout du côté de l'offre que de la demandequi constituent les deux versants de tout marché. Meilleure est notreconnaissance de notre environnement et de son évolution, meilleuresseront nos décisions. Par ailleurs, notre but est également de donnerde l'information aux acteurs pour qu'ils travaillent en faisant desanticipations économiques plus rationnelles.

S’agissant de l'offre, les technologies évoluent continûment etprofondément. Lors de mes visites de terrain sur les sites deplusieurs opérateurs de télécoms, j’ai pu constater que certainséquipements qui, il y a 20 ans, occupaient un immeuble et il y a 5 ans,une pièce entière, occupent aujourd’hui une armoire et n’occuperontdemain qu’une valise.

Par ailleurs, la convergence progressive des cœurs des réseauxfixe et mobile, via le protocole Internet (IP), va multiplier leur produc-tivité de façon considérable. La fibre optique permet aussi de trans-mettre l’information de façon presque infinie. Ces technologiesbouleversent le marché sans commune mesure avec aucun autreexemple dans l'histoire. Les services offerts aux utilisateurs, eux-aussi, évoluent extrêmement rapidement avec des offres de plus enplus larges, de plus en plus diversifiées et de plus en plus concur-rentielles.

S’agissant de la demande, on peut distinguer les besoins indivi-duels et les besoins collectifs.

Les besoins individuels évoluent eux-aussi beaucoup. Tous lesconsommateurs n’ont pas, et auront de moins en moins d’appétencepour les mêmes offres de services. Il semble ainsi que les jeunessoient plus adeptes du mobile que du fixe. En vérité, toute une séried'éléments liés à la sociologie, à la démographie ou à la vie urbainedéterminent l’évolution des besoins.

S’agissant des besoins collectifs, l'économie du très haut débitfixe ou mobile va transformer profondément nos sociétés, que ce soitdans les domaines de l'éducation, de la santé, des transports, ouencore de l’administration.

Dans ces circonstances, on ne peut se limiter à faire des prévi-sions et à prolonger des tendances, en se demandant si elles serontplus ou moins rapides, si elles vont un peu s'infléchir. Il faut plutôtimaginer des scénarios de très forte inflexion, voire de rupture, etdonc concevoir ce que l'on ne connaît pas : c’est-à-dire faire de laprospective.

Je citerai volontiers une phrase de Paul Champsaur dans l'édito-rial de la « Lettre de l'ARCEP » de la fin 2008, « Prévision et pros-pective, des postures contrastées face à l'avenir : d'un côté, laprévision, projection du prévisionniste enracinée dans l'examen dupassé. De l'autre le projet visionnaire du prospectiviste résolumenttourné vers le futur ».

C’est dans cet esprit que nous avons mis en place au sein del’ARCEP, en novembre 2009, un comité de prospective, qui s’est déjàréuni deux fois depuis le début de l’année 2010, et que nous avonsorganisé un grand colloque international, le 13 avril dernier, et misen consultation publique, le 20 mai, des orientations sur le thème dela neutralité des réseaux et de l’internet, c’est-à-dire, en définitive,sur l’avenir de l’internet.

Ce nouveau numéro des « cahiers de l’ARCEP » permettra d’alimenterla réflexion de tous, en présentant les caractéristiques de la révolutionnumérique qui s’engage et les ruptures qui vont l’accompagner. �

Jean-Ludovic Silicani, président de l'Autorité

Edito

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Dossier

4� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

En une génération, trente ans, le paysage, l’environnement commu-nicationnel des citoyens et consommateurs s’est métamorphosé.Jamais l’histoire humaine n’a connu une si rapide et profonde muta-

tion. Le simple téléphone est passé de la pénurie fixe à l’exubérancemobile ; la correspondance écrite, de la lettre au courriel et au SMS, latélévision et la radio, de quelqueschaînes et stations à des dizaineset centaines. En dix ans, lesservices en ligne ont bouleverséla vie de chacun. Enfants, adoles-cents, juniors et de plus en plusseniors s’informent, s’instruisent,agissent, travaillent, jouent ensurfant sur la toile, le Web. Si laconcurrence a transformé lesmonopoles des opérateurs histo-riques de télécommunications enoligopoles très restreints, unenébuleuse d’acteurs fournisseursde contenus, d’applications, plateformes de recherche, de médiation,organisateurs de relations sociales, intermédiaires de paiement électro-nique est apparue. Ce monde en création un peu chaotique est loin d’avoirtrouvé une stabilité économique.

Des usages multi-services, multi-réseaux, multi-fonctions

Les usages ont beaucoup changé. Le chiffre d’affaires des mobiles adéjà largement dépassé celui du fixe. Les e-mail, les SMS ont supplantéla boite aux lettres. Si, en moyenne, le temps passé devant les écrans detélévision reste majoritaire, il est concurrencé par les écrans d’ordina-teurs, de téléphones portables. Dans le budget temps des individus, lescommunications interpersonnelles sont minoritaires malgré leur crois-sance, la communication réceptive diffusée reste dominante, mais ladynamique de croissance se fait sur les services interactifs.

Conversationnels, réceptifs, interactifs, tous les services sont acces-sibles par de multiples réseaux : fixe en cuivre boosté par l’ADSL, câbléspour la télévision, de deuxième et troisième génération pour les mobiles,de diffusion hertzienne terrestre ou par satellite pour l’audiovisuel. Avec

les débits élevés, les réseaux sont devenus multiservices. Pour un mêmeservice, le consommateur a le choix entre plusieurs réseaux. Téléphonersur réseau fixe, câblé, ou mobile, regarder la télévision sur l’ADSL, sur lecâble, par satellite ou avec une antenne râteau. Simultanément, ildispose d’une panoplie de terminaux multiservices : téléphones porta-bles, micro-ordinateurs, consoles diverses, y compris téléviseurs. Lenouvel environnement communicationnel de chaque individu se caracté-rise par une joignabilité permanente ; en sédentarisé comme en noma-dicité, en direct et en différé, en mode multilangage (vocal-écrit-visuel),avec des services personnalisés adaptés au profil.

Plusieurs tendances fortes vont marquer l’évolution à l’horizon 2025.La croissance restera toujours portée par les services en ligne. Elle seraaccélérée par la généralisation de l’image de qualité toujours meilleure HDet 3D, et la banalisation de terminaux portables Smartphones, Netbookspour surfer sur le Web à travers les réseaux pour les mobiles. Lesservices de données et d’images sur les mobiles n’en sont qu’à leur toutdébut. La géolocalisation va engendrer de nouveaux services téléma-tiques associant profil individuel et environnement local. Par ailleurs, l’uti-lisateur deviendra producteur, émetteur d’informations combinant imagesécrits et sons ; les flux de communications vont se resymétriser. Pourcela, les couvertures de l’ensemble des territoires par la 3 G puis la 4 Gsont déterminantes. Une vague de nouvelles techniques est prête. Il fautrefaire ou moderniser tous les réseaux : fibres optiques à l’accès du fixe,nouvelles générations pour les mobiles, diffusion numérique de la télévi-sion et la radio, et repenser les cœurs de réseaux pour assurer la qualitépour des services aux exigences très différentes en débit et temps réel.

Avec la numérisation progresse ladématérialisation dans tous lessecteurs d’activités ; les processusindustriels sont télécommandés, télé-surveillés, les services deviennent deslogiciels télé-activés comme dans lecommerce électronique, les réserva-tions, les actes administratifs. Photos,musiques, films et maintenant livresstockés sur des mémoires numé-riques sont téléchargeables et dupli-cables, instantanément. Commentfinancer les créateurs et fournisseursde services, la numérisation des patri-

moines culturels et les réseaux pour les distribuer ? L’élasticité à la haussedes budgets de communication électronique des ménages a des limites.Les modèles économiques de type « un service, un réseau » ont vécu.

Une nouvelle répartition de la valeur entre les acteurs Jusqu’à l’arrivée en ce début de vingt et unième siècle, des réseaux à

haut débit capables de transmettre des services multiples et l’explosiondes services en ligne qui combinent stockage et traitement des contenuset des applications informatiques sur des plateformes, les équations definancement des services et réseaux étaient simples. L’utilisateur payait àl’opérateur, qu’il soit fixe ou mobile, le prix des communications télépho-niques et ses services annexes. Ces recettes finançaient les investisse-ments dans les réseaux. La publicité finançait les télévisions dites gratuiteset les stations radios, avec aussi la redevance pour le service public. Pourla télévision payante, c’est l’abonnement souscrit par le téléspectateur.Ainsi, chaque éditeur de programme avait à charge les frais d’investisse-ment dans les émetteurs. L’utilisateur, le consommateur bénéficiait de tarifsidentiques quelque soit sa localisation sur le territoire, en agglomération, enville moyenne, en zone rurale. Les tarifs étaient péréqués.

Numérique : nouveauxusages, nouvelle économiedes médias*

Par Michel Feneyrol, consultant, ancien membre de l'ARCEP

In fine, c’est dans la nébuleuse internet que lescomportements des citoyens et desconsommateurs valideront ou exclueront lesmontages économiques.

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LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �5

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

* Les médias au sens de Mac Luhan, c'est-à-dire dès qu’un message circule entre un émetteur et un récepteur sans contact physique.

Avec les réseaux à haut et très haut débits, plusieurs faits remet-tent en cause ces modèles. Les réseaux transportent plusieurs services.Les acteurs intermédiaires – moteurs de recherche, réseaux sociaux,comparateurs de coûts, sites d’enchères, sites hébergeurs de photos, demusique, de mails, clubs thématiques, etc – entre le consommateur et leproducteur du service ont augmenté et se sont diversifiés. Enfin, les diffé-rents maillons de la chaine de valeur sont placés sous des régimes deconcurrence hétérogènes (ex ante, ex post, concentration, intégrationverticale, exclusivité…). Actuellement, l’essentiel des revenus des acteursqui concourent à fournir les services au consommateur final vient desfactures aux utilisateurs,essentiellement du trans-port, et de la publicité.

En un quart de siècle,le chiffre d’affaires desopérateurs de télécom-munications a été multi-plié par près de trois etreprésente plus de 2,5%du PIB. Dans le budgetdes ménages, il fautajouter la redevanceaudiovisuelle, les éven-tuels abonnements à latélévision payante etsurtout les multiples terminaux du PC à l’iPod. Les contenus payants télé-chargés demeurent encore marginaux. Au total, les dépenses liées auxcommunications électroniques avoisinent 7 % de la consommation et serapprochent de celles consacrée à l’habillement. C’est dans ce contexteque devront s’établir les nouveaux modèles économiques.

Une bataille en cours : l’accès direct au consommateur final

Concernant la publicité, les ressources obtenues par les nouveaux inter-médiaires de la nébuleuse autour du Web se sont faites plus par substitutionau détriment des médias traditionnels (presse, télévision et radios) que paraugmentation des budgets des entreprises. La toile étant devenue un lieu dechalandise en pleine expansion, elle va continuer à attirer naturellement lesbudgets publicitaires d’autant plus qu’elle permet de cibler les clients poten-tiels sur leurs profils, leur comportement et, avec les mobiles, leur environ-nement local. Néanmoins, la question cruciale reste la rémunération en lignedes contenus et applications. A budget total du consommateur peu élas-tique, elle va entrainer une pression à la baisse des prix du transport desinformations et des batailles pour facturer directement les consommateurs.

Avec les services en ligne, le transport devient accessoire à l’offre d’ap-plications et de contenus, comme il l’est souvent pour les livraisons debiens de consommation. Un certain nombre d’offres récentes montre biencette tendance. Apple verrouille terminal iPhone et boutique d’applications(Appstore) ; ce qui n’est qu’une reconduction du modèle de la télévisionpayante avec ses décodeurs propriétaires. Moteurs de recherche, réseauxsociaux financés par la publicité adjoignent à leur prestation de base desapplications, des contenus payants spécifiques. Partant du terminal, deséquipementiers comme Nokia ont développé des partenariats pour asso-cier des offres de musique en ligne.

Pour se prémunir contre les pertes de revenus sur le transport, voire derelation directe avec le consommateur final, les opérateurs s’efforcent,outre la technique des forfaits multiservices, d’attirer et retenir leurs clientspar des contenus, des terminaux exclusifs. Il faut aussi noter des rappro-chements avec les organismes bancaires pour les systèmes de paiement

comme l’a fait NTT au Japon et comme China Mobile vient de l’annoncer.Ainsi, trouver un modèle économique qui résiste à moyen terme est biendifférent suivant la position sur la chaine de valeur qui va des applicationset contenus jusqu’au consommateur à travers les services en ligne.

Les opérateurs incités à augmenter leurs tarifs avec les débits pourfinancer les nouveaux réseaux subissent les pressions des fournisseurs decontenus et des consommateurs pour les baisser. Les éditeurs de presse,de programmes audiovisuels, déstabilisés par la migration de la publicitéet de certains de leurs clients sur le Web, tentent de compenser par desoffres en ligne (News internet, télévision de rattrapage). Les difficultés pour

financer cette offre complémentaire par la publi-cité les conduit à des modes payants. Lesnouveaux médiateurs de la nébuleuse téléma-tique cherchent aussi à trouver un mix gratuitpayant qui les rende en partie indépendants desaléas de la publicité. Quant aux éditeurs et distri-buteurs de contenus écrits ou gravés sur des

supports physiques,avec l’immatérialité, lamajorité des coûts estdans la création et laconception ; ceux deproduction et de distri-bution deviennent margi-naux. Quels espaceséconomiques trouver

entre créateurs et consommateurs ? A l’évidence, les modèles adaptés auxchangements de base économique provoqués par la numérisation, lesservices en ligne et les hauts débits sont loin d’être stabilisés.

Des choix de régulation économique déterminantsCependant, quelques caractéristiques fondamentales demeurent dans

l’économie des réseaux de communications électroniques que les servicessoient conversationnels, en ligne ou de diffusion. C’est une économie deservice très capitalistique ; les gains d’échelle sont énormes, ce qui péna-lise les zones de faible densité et les petits trafics ; les maillons de ceschaînes de valeur sont très interdépendants ; l’essentiel des coûts sontdans les réseaux d’accès alors que la valeur pour le consommateur et lecitoyen est liée à l’éloignement des correspondants, à la puissance desapplications et à la richesse des contenus.

Le développement des multiples services et de leurs usages qu’ap-porte le passage aux hauts débits dépend d’un tissu d’acteurs viables àmoyen terme sur l’ensemble de la filière. Les choix de régulation écono-mique auront des incidences déterminantes sur les déploiements sansfracture des nouveaux réseaux, sur la qualité et les coûts de transport desmultiples services, sur la convergence fixe-mobile-audiovisuel et ses rela-tions avec les créateurs, distributeurs et nouveaux médiateurs établis etémergeants dans la nébuleuse des plateformes de services en ligne.

Il faut s’attendre à de fortes concentrations des opérateurs de télé-communications, en Europe en particulier. Mais in fine, c’est dans la nébu-leuse internet que les comportements des citoyens et consommateursvalideront ou exclueront les montages économiques. Dans leurs usages,dont certains sont essentiels à leur vie privée et collective, citoyens etconsommateurs ont, certes, besoin des prix transparents et les plus basmais leurs critères ne sont pas uniquement économiques. Utilité desservices, réelle simplicité d’usage, qualité, sécurité et aussi maîtrise de seslibertés et de son intimité, vont pondérer la pure approche économique. �

Concernant la publicité, les ressourcesobtenues par les nouveaux intermédiaires se sont faites plus par substitution audétriment des médias traditionnels que paraugmentation des budgets des entreprises.

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Page 6: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Dossier

6� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Dans un contexte où leurs marchés d’origine, devenus trèscompétitifs, arrivent à maturité, les opérateurs cherchent desrelais de croissance. L’internet très haut débit, fixe et mobile, et

les services qu’il permet, offre des opportunités mais des investisse-ments massifs sont nécessaires pour fournir les bandes passantesadéquates. Le paysage concurrentiel évolue ; hier maîtres d’unechaîne dont ils captaient l’essentiel de la valeur, les opérateurs ne sontplus désormais qu’un maillon d’une vaste toile où d’autres acteurs,plus agiles et plus créatifs, entendent bien capter ces nouveauxrevenus.

Le marché de la voix arrive à maturitéDans le monde, en 2009, le marché a reculé de 3,4%, alors qu’il

avait encore crû de 5,6% en 2008 pour atteindre 1.9 trillion (1) dedollars (Source Gartner).

Cela est dû à des facteurs conjoncturels, en particulier l’impact dela crise économique sur les usages, mais aussi structurels, tels que lamaturité des marchés, la régulation (baisse des tarifs de terminaisond’appels), et la concurrence.

Sur le fixe, le développement du triple play a permis aux opérateursde ralentir considérablement la baisse de leur chiffre d’affaires, voiremême, dans certains cas, de le faire croitre (en particulier au Portugal,en Suède et en Autriche).

Sur le mobile, avec un taux de pénétration moyen qui a atteint126% fin 2009 en Europe, l‘ARPU (2) continue de baisser. Pour lapremière fois, en 2009, le chiffre d’affaires des opérateurs a baissé,relativement à la même période de l’année précédente. La baisse s’estaccentuée au cours de l’année (3) : -1,0% au 1er trimestre, -2,0% au 2e

trimestre, -3,2% au 3e trimestre, avec toutefois une légère améliora-tion au 4e trimestre (-3,0%).

Ce ralentissement est également imputable à une modification descomportements des utilisateurs, qui expérimentent de nouvellesformes de communication, notamment au travers de réseaux sociaux.Bien que ces nouveaux modes de communication aient permis de

développer l’usage des données mobiles, celui-ci ne compense qu’enpartie la contraction des revenus de la voix.

La « data » pèse de plus en plus dans le chiffre d’affaires des opérateurs

La part des données dans l’ARPU varie selon les opérateurs et lesdifférentes régions du monde.

Dans le fixe, les services en ligne – accès à internet et multimédia- représentent aujourd’hui un peu plus de la moitié de l’ARPU fixe rési-dentiel à fin 2009, comme chez Orange France (34,2 € pour la télé-phonie fixe et 36,2 € pour internet). Au Royaume-Uni, internetreprésente 31% du chiffre d’affaires téléphone/internet fixe.

Dans le mobile, fin 2009, les données représentaient déjà 43% del’ARPU en Asie, 29% aux USA, et 26% en Europe (en moyenne 6 € parmois). Ce montant devrait augmenter dans les prochaines années,pour atteindre probablement 10 € par mois, ce qui paraît un coûtacceptable pour les services offerts.

Des perspectives de croissance forte pour les services L’accélération de la demande de débits concerne aussi bien le fixe

que le mobile.Sur le fixe, la TV payante, la vidéo à la demande, la TV over the top

(accès via la TV aux contenus sur internet) et les services de TV derattrapage sont les moteurs du marché de l’internet dans les paysdéveloppés. En France, Médiamétrie rapporte que 10,4 millions depersonnes ont regardé la TV de rattrapage et 1,3 million de personnesont utilisé des services de VOD. Ces nouveaux usages, combinés aunombre croissant d’utilisateurs, conduisent à une explosion du traficqui nécessite le déploiement de nouvelles capacités de réseau (fibreoptique sur la boucle locale).

On observe le même phénomène d’explosion des besoins sur lemobile. Les modems pour PC portables se développent massivementet l’iPhone a montré le potentiel des smartphones quand l’utilisateurdisposait d’une interface conviviale et d’une gamme de services faci-lement accessibles.

Le taux de pénétration des abonnements spécifiques à la donnéemobile (clé 3G/cartes/modems pour PC portables) était de 4,2% enjuillet 2009 en moyenne dans l’UE, en augmentation de 54% depuisjanvier. Ce marché croit à des vitesses différentes suivant les pays. EnAutriche, le taux de pénétration avoisine les 14% de la population,mais dans la plupart des grands pays, la pénétration est encore infé-rieure à 5% (1,9% en France par exemple).

Les smartphones représentaient déjà plus de 17% du parc mobile àfin 2009 en Europe et ils devraient, selon Gartner, représenter 45% desventes de téléphones mobiles en 2013. L’iPhone a banalisé l’usage d’ap-plications en mobilité ; Apple a enregistré plus de 3 milliards

Par Cécile Roux,ingénieur conseil senior, Crédit Agricole

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L’explosion des débitsébranle les modèles économiques traditionnelsdes opérateurs

Base installée de téléphones mobiles et pourcentage des smartphones

dans les ventes annuelles

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LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �7

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

de téléchargements d’applications sur son App Store à fin 2009.De nombreuses plateformes sont aujourd’hui en compétition pourdevenir le portail des services mobiles.

A terme, la possibilité de connecter tout à tout, n’importe où et n’im-porte quand permettra de développer des services qui devraient modi-fier profondément nos modes de vie, notamment dans la santé(possibilité pour les patients d’être surveillés à distance en utilisant leurtéléphone mobile et leur télévision), les transports (véhicules connectésen permanence pour des diagnostics, mises à niveau et infotainment entemps réel) ou la maison (capteurs permettant de faire différents relevésde consommation).

Selon les scénarios envisagés, les trafics devraient être multipliés parun facteur 10 à 40 sur les cinq prochaines années. Les terminaux, deplus en plus sophistiqués et « user friendly », offrent des services de plusen plus gourmands en bande passante. A titre d’exemple, celle néces-saire pour le streaming d’une vidéo est de l’ordre de 2 Mbits/s sur uniPhone, et de 8 Mbits/s sur un iPad…

Des choix d’investissements décisifs dans le très haut débitFournir les débits demandés contraint les opérateurs à investir massi-

vement. AT&T a été lui-même victime du succès de l’iPhone dont il estl’opérateur exclusif aux Etats Unis. Il a récemment mis fin à ses forfaitsmobiles permettant de naviguer sur internet de façon illimitée. Pourmieux en mesurer l’enjeu, rappelons quelques ordres de grandeur d’in-vestissements.

Sur le fixe, les investissements varient suivant la technologie retenue(de l’ordre de 1 586 $ par foyer pour la fibre optique de Verizon aux Etats-Unis, de 300 € par foyer pour la technologie hybride VDSL, de 30 € parfoyer pour passer de Docsis 2.0 à Docsis 3.0 sur les réseaux câbléseuropéens, etc.), la densité et le type d’habitat de la région considérée.Orange a annoncé en février 2010 qu’il relançait ses investissementsdans la fibre optique ; il devrait dépenser 2 milliards d’euros d’ici à 2015.

Sur le mobile, l’investissement moyen pour la prochaine générationtrès haut débit LTE (technologie retenue pour la 4G mobile) est de l’ordrede 55 € par habitant ; pour un pays comme la France, le montant totalpour l’opérateur, à déployer sur plusieurs années, serait ainsi de l’ordrede 3,5 milliards d’euros.

Les opérateurs doivent donc plus que jamais faire les bons choix etrester suffisamment flexibles afin de répondre aux besoins d’aujourd’huiet à ceux de demain.

Moyennant une gestion minutieuse de la qualité de services et desdébits offerts aux clients, Vodafone a annoncé qu’il pourrait multiplier par20 la capacité de ses réseaux européens en maintenant un ratio inves-tissements/chiffre d’affaires de 10%. France Télécom prévoit un taux de12% pour 2010, incluant le programme de déploiement de fibre optiqueen France. Notons que ces taux sont sensiblement inférieurs à ceux quiétaient observés dans les années 1990.

Construire sa place sur la « toile de valeur »La chaîne de valeur traditionnelle d’un opérateur télécom se caractéri-

sait par un environnement totalement contrôlé : fourniture des équipe-ments et terminaux, définition des applicatifs (essentiellement autour de lavoix et du transfert de données) et vente de packages aux clients ou auxrevendeurs. Le Minitel sur le fixe en France et l’iMode sur le mobile auJapon ont été les écosystèmes propriétaires, entièrement contrôlés parles opérateurs, emblématiques de l’ère de la commutation de circuits.

Dans l’univers IP, les opérateurs de télécommunications perdent lecontrôle. Quelle va être leur place dans ce nouvel écosystème, où l’éven-tail des services explose, et quelle part des nouveaux revenus va-t-il leur

revenir alors que jusqu’ici, même dans les marchés les plus matures,plus de 50% de l’Ebitda TMT était attribuable à l’accès (4) ?

La nouvelle toile de valeur, selon le schéma proposé par Gartner,beaucoup plus complexe que l’ancienne chaîne linéaire, maille plusieurséléments : • Infrastructures de réseaux : elle reste indispensable pour fournir

l’accès en haut débit fixe et/ou mobile, ainsi que le transport des infor-mations. Mais l’opérateur doit en maintenir l’excellence afin d’éviter lesengorgements.

• Plateformes de services : devancés par Apple, les plus gros opéra-teurs se regroupent pour développer leurs propres plateformes deservices afin d'atteindre rapidement la taille critique et appréhenderune part significative du chiffre d'affaires lié aux services qui leuréchappe avec l’iPhone (5).

• Contenus : même si certains ont été tentés par la création pourdisposer d’exclusivités leur permettant de différencier leurs offrescommerciales, la plupart des opérateurs se concentrent sur la diffu-sion des contenus.

• Service provisioning : l’opérateur peut, selon les profils et lesbesoins de ses clients, faire des offres de services différenciées, entermes de qualité notamment, avec des barèmes de tarificationadaptés. C’est un élément clé de différenciation pour les opérateursvis-à-vis en particulier de leurs clients entreprises.

• Paiements : la faculté de gérer les paiements des clients est un actifclé des opérateurs. Les opérateurs peuvent facturer des clients finaux,ou des tiers. Ils pourraient également jouer le rôle de « clearing house ».

• Terminaux d’accès : ils évoluent pour supporter plusieurs canauxd’accès (haut débit mobile, réseaux sans fil, accès à la télévision, etc.).Ils deviennent un élément clé de la « toile de valeur » dans le processusde rétention du client, avec ici encore pour l’opérateur, le choix d’encontrôler la diffusion ou de laisser des tiers s’en charger.

Neutralité des réseauxDans ce nouvel environnement, l’opérateur devra se construire un

nouveau modèle, faire des choix pour se positionner sur les services oùil pourra au mieux exploiter ses atouts, notamment sa proximité avec sesclients, et éviter de se voir réduit à un simple fournisseur de capacités.

Comment va se répartir la valeur entre les différents acteurs de latoile ? Comme souvent dans les télécommunications, une grande partiede la réponse est dans la réglementation, et dans les décisions quiseront finalement prises sur la neutralité des réseaux.

Aux Etats-Unis, le régulateur (FCC), sensible aux arguments desgrands acteurs nationaux de l’internet, a fait un ensemble de propositionsqui visent à privilégier une totale neutralité des réseaux d’accès, avecquelques exceptions. En Europe, le régulateur a décidé lui, d’autoriser lesopérateurs à proposer différentes qualités de services à différents prix,moyennant une information satisfaisante des consommateurs. La trans-position du cadre européen à la loi française, qui sera proposée auParlement à l’issue de la consultation publique lancée par l’ARCEP débutavril, devra être équitable et créer un cercle vertueux pour encouragerl’innovation et l’investissement à tous les niveaux de la chaîne. �

(1) un Trillion au sens US représente un million de millions.(2) Average Revenue Per User/ Revenu Moyen Par Abonné(3) Source : Bank of America / Merrill Lynch, Avril 2010(4) Source : Arthur D. Little, Exane, données Europe 2006.(5) En particulier l'initiative Wholesale Applications Community qui regroupe les 24 opérateurs sui-

vants : Americain Mobile, AT&T, Bharti Airtel, China Mobile, China Unicom, Deutsche Telekom,KT, Mobilkom Austria Group, MTN Group, NTT DoCoMo, Orange, Orascom Telecom, SoftbankMobile, Telecom Italia, Telefonica, Telenor Group, TeliaSonera, SingTel, SK Telecom, Sprint, Ve-rizon Wireless, Vimpelcom, Vodafone, and Wind.

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Page 8: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Depuis l’in-v e n t i o ndu libre-

service alimentaire ou bancaire, lesclients sont impliqués dans lesprocessus de production desmarques. Avec le développementdu canal internet, canal de libre-service par définition, force est deconstater que ce phénomène deco-production du service entre lesclients et les marques n’a cessé dese développer.

Les marques ont investi le canalinternet avec plusieurs objectifs :développer leur chiffre d’affaires,renforcer la relation avec leursclients, optimiser les coûts de larelation clients et développer leurnotoriété en ligne. Pour cela, ellesont développé des techniques quivisent à impliquer leurs clientsdans leurs propres processus deproduction, d’innovation et decommunication. Partie prenantede ces processus, le client se mutealors en opérateur, ingénieurmarketing, producteur de contenuou publicitaire pour l’entreprise.

Expérience client enrichie

Les processus de vente mis enœuvre par les marques sur internetsont de plus en plus complexes :choix d’une offre, d’un tarif, d’uneoption ou d’une promotion. Lesmarques transforment les clientsen experts de l’achat en ligne :design de sa propre chaussure

(Nike ID), conception sur logicielde sa cuisine (Ikea) ou mise envente de ses propres biens sur dessites d’enchères en ligne (Ebay).Ces techniques enrichissent l’expé-rience client à l’occasion d’unachat en ligne et maintiennent ladifférenciation de la marque pourfidéliser les clients et en conquérirde nouveaux.

Via les services d’assistance enligne ou selfcare, les marquesimpliquent les clients dans laproduction de tâches qui étaienthistoriquement réservées aux sala-riés de l’entreprise dans le cadre deprestations de service : enregistre-ment par les clients de leurs billetssur internet et même choix de leurplace en cabine (Air France),renouvellement de mobile surinternet (SFR). Les clients accep-tent ainsi de devenir des opéra-teurs de l’entreprise à conditionque leur contribution ou le travailqu’ils consentent leur apporte aminima un bénéfice de temps oud’argent économisé.

Marketing participatifConscientes qu’elles gagnent

en fréquence de contacts avec lesclients sur les selfcare ce qu’ellesperdent en intensité relationnelle,les marques utilisent aussi l’in-ternet pour générer des co-productions qui développentl’attachement des clients.

Via le marketing participatif,les marques font intervenir lesclients dans toutes les phases dedéveloppement des produits :développement de leurs gammesde produits et services(Lab’Orange), développementd’un nouveau design (Colissimode La Poste) ou identification denouvelles saveurs (Tropicana).Dans ces phases de développe-

ment, ce sont généralement lesclients les plus fidèles qui sontsollicités par les marques pourjouer ce rôle d’ingénierie.L’objectif est alors de tirer profit deleur intelligence collective et de lesvaloriser pour développer leurattachement allant jusqu’à enfaire des avocats de la marque.

L’internet remet enfin en causeles modèles traditionnels de rela-tion entre les clients et lesmarques en leur donnant l’occa-

sion d’échanger entre eux sur leurperception des marques et deleurs produits. Là où un clientdisposait d’un cercle d’influencerestreint (famille, amis, collèguesde travail), il dispose aujourd’huide la capacité d’interagir avecd’autres clients sur internet et degénérer du « buzz » positif ounégatif sur une marque au gré deses prises de parole sur les forumsde consommateurs ou les blogs.

Rôle actif du client dans la communication

Les marques s’appuient sur cephénomène pour transformerleurs clients en producteurs decontenu pour elles-mêmes. Quece soit sur des espaces de conver-sation développés par les marquesou dans la sphère internet endehors du contrôle des marques,les internautes produisent ducontenu sur les marques et celles-ci ne se privent pas de leur laissercette tribune : plate-forme d’en-traide où le contenu est produitpar les clients sur le selfcare(Bouygues Telecom), recomman-

dation sur les bons plans loisirs parles voyageurs aériens (Bluenity) ;sur Facebook, certaines marquestelles que Coca-Cola ou Adidascomptent plusieurs millions defans qui s’expriment pour soutenirla marque. Au global, les marquesse servent de ces prises de parolepour maîtriser leur stratégie d’in-fluence sur la toile.

Les internautes vont mêmejusqu’à la création de publicitéspour les marques. Ces créations

permettent aux marques d’êtreréférencées sur les sites de vidéosen ligne avec des spots publici-taires de qualité sans coût deproduction pour la marque.Certaines entreprises rémunèrentleurs clients pour la production deces spots publicitaires et les diffu-sent à la télévision à l’occasiond’évènements sportifs majeurs(Doritos Crash the Superbowl).

Nous vivons les prémices del’implication des clients dans lesprocessus d’innovation, de produc-tion et de communication desentreprises sur internet. Lesmarques les plus performantesseront celles qui sauront piloter larentabilité économique, l’attache-ment à la marque et la maîtrise deleur réputation online via de telsdispositifs. Pour cela, elles pour-ront continuer à s’appuyer sur l’in-ternet mais aussi sur leurs canauxd’interaction traditionnels avec lesclients – canaux physiques et télé-phoniques – en créant les syner-gies les plus fortes entre le onlineet le offline. �

www.vertone.com

L’avènement du client expert

Le consommateur au centre du jeuAvec internet, la capacité du consommateur à obtenir et à transmettre de l’information a considérablementCe phénomène d'appropriation innovante de la technologie par la société s'inscrit de manière très ancienne

Dossier

8� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

par Alexandre Bocris, partner, cabinet Vertone

Les marques transforment les consommateursen ingénieurs de leur développement deproduits. L'un des objectifs est de tirer profitde leur intelligence collective.

Page 9: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Les rapports entre offre etdemande sont, depuis plus dedeux siècles, au cœur de l’évo-

lution des systèmes d’information etde communication. Les dynamiqueset les équilibres s’établissant entreces deux pôles se sont entrelacés enfonction de multiples paramètresrythmant à bien des égards l’histoiredu secteur. La dynamique des grandssystèmes techniques, comprise dansle cadre d’une « construction socialedes techniques » apparait commel’un des facteurs majeurs d’évolutionde ces rapports entre offre etdemande. La toute première phasede développement des télécommu-nications s'est appuyée uniquementsur des techniques mécaniques (télé-graphe Chappe). A partir des années1830, l'utilisation de l'électricitédémultiplie les possibilités dusystème d'information (télégraphieélectrique puis téléphone (1876).L’électronique bouleverse ensuite ladonne. Tout d’abord avec la généra-tion des tubes à vide (premièremoitié du XXe siècle) puis avec lessemi-conducteurs (depuis les années1950).

Rôle des consommateurs Les transitions d’un système

technique à un autre se sont effec-tuées de manière lente et progressiveen raison de l’évolution des savoirsscientifiques et en lien étroit avec lademande sociale, exprimée oulatente, qui a stimulé l’innovation,selon une intensité variable. Cesinteractions entre offre technique etdemande sociale ont donc faitévoluer les dispositifs en place maisont également provoqué des chan-gements radicaux portant l’émer-gence d’un nouveau système

technique permettant d’aller bien audelà de la simple résolution desproblèmes initialement posés. Ainsi,au tournant des XIXe et XXe siècles,les recherches aboutissant à la miseau point des premiers composantsélectroniques avaient-elles été susci-tées par la difficulté à construire desémetteurs ou des récepteurs de télé-graphie sans fil fondé sur les seulestechnologies électriques. Il en résultal’invention de la triode par Lee deForest (1906) dont l’apport dépassal’objectif premier en suscitant l’appa-rition de domaines radicalementnouveaux comme les medias électro-niques (radio, télévision), la télédé-tection et plus tard l’infor matique.Un peu plus tard, le rôle joué par lesradio-amateurs dans l’émergence dela radiodiffusion montre que symétri-quement le rôle de consommateurspionniers s’avère essentiel lors desphases de renouvellement despratiques et de « mise à jour » dupotentiel encore caché des nouvellestechnologies.

Ce phénomène d’appropriationinnovante de la technologie par lasociété, s’il n’est pas spécifique auxtechnologies de l’information et de lacommunication, n’en est pas moinsparticulièrement important pour leurdéveloppement spécifique et s’inscritde manière très ancienne dans leurhistoire, bien avant le « user turn » dudernier quart du XXe siècle.

Rôle du politiqueDans cette conjonction d’élé-

ments où le rôle des citoyens, desconsommateurs et des entreprisess’est avèré essentiel, le rôle de lapuissance publique ne doit pas êtrenégligé. L’information n’est pas un« produit » comme un autre et ce

secteur a longtemps été considérécomme relevant directement dupouvoir régalien des Etats. EnEurope, le monopole public a ainsimarqué l’histoire des télécommuni-cations, des origines aux années1980. Confié à des administrations,il fut instauré dès l’établissement despremières lignes (Allemagne), oubien instauré après une premièrephase de concession à des entre-prises privées comme en France parexemple de 1879 à 1889. Aux Etats-Unis, si l’on excepte une périodetout à fait exceptionnelle comme lepremier conflit mondial, les télécom-munications ont toujours étéconfiées à des entreprises privées.Hors une brève interruption entre1894 et les années 1910, cetteexploitation s’inscrivit dans le cadred’un monopole privé exercé parAT&T.

Cette situation, peu conformeaux principes libéraux supposésrégir l’économie américaine, futapprouvée à plusieurs reprises parl’Etat dans le cadre d’un compromisentre l’entreprise et la puissancepublique. La déréglementation etl’ouverture à la concurrence sontdevenues à partir des années 1980-1990 le nouveau cadre d’activitépour les acteurs des télécommunica-tions, le modèle de l’entreprise privéeen situation de concurrence deve-nant universel. Il a été imposé par lesgouvernements à travers des procé-dures dites de « déréglementation »qui furent en fait la mise en œuvre denouvelles réglementations, destinéesà assurer le développement et lemaintien d’un marché concurrentiel.

Le rôle du politique ne s’estcependant pas limité à la fixationd’un cadre réglementaire. Par ses

décisions, l’Etat ajoué à maintes

reprises un rôle crucial en créant unedemande spécifique, largementfinancée et stimulant l’innovation.Les grands programmes stratégiquesaméricains des années 1960 (projetArpanet ou programme Apollo) ontainsi grandement favorisé l’émer-gence de nouveaux dispositifs exploi-tant pleinement les possibilités dessemi-conducteurs.

Les dynamiques reliant offre etdemande marquent donc de manièreprégnante l’histoire des télécommu-nications. Leurs variations en intensitérévèlent des phases courtes de fortedéstabilisation correspondant àl’émergence d’un nouveau systèmetechnique, et des périodes pluslongues permettant la stabilisationdes dispositifs et des relations entreles acteurs. Cette « respiration » s’esttrouvée accélérée depuis les années1970-80 par la numérisation et laplace prise par l’innovation logicielledans les nouveaux dispositifs.D’autres logiques en découlent. Ellesrestent néanmoins inscrites dans unsystème fondé sur le numérique et lesilicium. Lorsque celui-ci rencontreratrop de limites, il sera alors temps depasser à un nouveau système tech-nique où bio et nano joueront sansdoute un rôle clef pour surmonter leslimites apparues et révéler despratiques encore insoupçonnées. �

Offre et demande dans les télécoms : une perspective de longue durée

progressé. Non seulement, il amplifie le bouche-à-oreille, mais il participe aux processus de production. dans leur histoire.

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �9

par Pascal Griset, historien de l’économie et des techniques de l’information, professeur à la Sorbonne

Page 10: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

En même temps qu’internetdevient grand public, leweb s’invente. Dix ans, et

c'est le web2 et avec lui le cloudcomputing. A peine les réseauxsociaux se répandent-ils que lesmondes virtuels apparaissent.Internet en mobilité émerge, etavec lui, le web temps réel.Demain, la réalité augmentée,les nanotechnologies, la biologiede synthèse, les green technolo-gies, les robots humanoïdes, lesordinateurs quantiques… Destechnologies qui ne se transfor-meront en usage que grâce àinternet.

Faut-il considérer internetcomme une rupture technolo-gique qui a engendré desusages ? L’analyse de la nais-sance et de la gouvernance del’internet (1) nous montre unprocessus qui n’est pas causal etune innovation par percolation. Iln’y a pas de projet, donc pas dechef de projet. Surtout, la dialec-tique maîtrise d’ouvrage /maîtrise d’œuvre est remplacéepar un constant aller-retourentre des éléments de technolo-gies et des embryons d’usagesqui, lorsque tout se passe bien,se renforcent mutuellement.

De nouvelles formes sociales

De tous temps, les entre-prises ont dépensé beaucoupd’énergie pour essayer de

développer des nouveauxservices. Elles l’ont tout d’abordfait en mode techno-push,s’appuyant sur la croyance dansle pouvoir universel de la tech-nologie, puis en mode market-pull, en pensant que le client aucentre serait plus satisfait.Internet est là pour prouver lecôté inopérant de cesméthodes : quelle étude demarché aurait prédit Google,Dailymotion, Facebook, Secondlife, Twitter, tous ces servicesdont peu sont issus de R&Dd’entreprise traditionnelle pré-internet ? Certains ne reposentmême pas sur des technologiesen rupture ; Google, parexemple, reproduit le méca-nisme très connu des citationsuniversitaires, en se reposant, ilest vrai, sur 2 millions deserveurs répartis dans le nuage.

Toute technologie enrupture permet à des formessociales de se libérer. Cellesqu’internet accompagne sontau nombre de trois : la montéeen puissance de la commu-nauté, l’explosion de l’éco-nomie de l’immatériel et lecodesign.

Internet, en amplifiant lesrelations horizontales, a permisau modèle communautaire degagner en puissance. Plus quedans les réseaux sociaux, c'estdans les forums de discussion,surtout ceux qui sont lieuxd'entraide, que ce phénomèneest évident et lisible. Lorsqu'unforum est bien structuré, c’est-à-dire qu'il se situe dans lacouche usage, les internautess'échangent du savoir faire qui,lorsque les entreprises savent lecapter, leur permettent d’amé-liorer leurs produits et services.

Le succès, c’est le modèle

Ce que nous apprend l'éco-nomie de l'immatériel, c'est que lesuccès d'un service sur internet estson modèle économique. Altavistaétait technologiquement aussipuissant à sa création que Google,mais ni Digital, ni Compaq, n’ontété capables d'en dériver unmodèle économique. Google, endonnant gratuitement son cœurde métier, et en monétisant desservices annexes, s’est montrébien plus innovant.

L’effet longue traine (que l’onconfond souvent avec la loi dePareto) permet de gonfler lesventes dans la queue de distribu-tion ; c'est la grande forced'Amazon. Aux Etats-Unis, en2009, trois milliards de dollars ontété dépensés en biens virtuels.Depuis peu de temps, les servicesen mobilité se développent ; laraison n'est pas technologique :c'est grâce à la disponibilité d'of-fres tarifaires de data illimitésqu'enfin les usages se débloquent.La « Killer app », qui amplifie lesusages, c’est le business model.

L’intelligence est collective

Mais surtout, le client, lecitoyen, le "consomm'acteur", neveut plus de produits et servicestout fait, et souhaite faire partiede leur design.

Le codesign regroupe l’en-semble des activités qui sont effec-tuées conjointement entre desentreprises et des particuliers. Cecipeut se produire de plusieursmanières :• L’entreprise réalise, et le client

customise. Les chaussures, lesvoitures, en sont des exemplesclassiques.

• L’entreprise offre des briques, etle client assemble. C’est lemodèle "Lego design by me"ou Ikea.

• L’entreprise et le client co-créentensemble. Mystarbuck, ou bienDell Ideastorm, ont poussé trèsloin ce modèle, tous deux baséssur des systèmes de e-voting.

• Le client spécifie et l’entrepriseréalise, et aide parfois le client àvendre. C’est le modèle Zazzle,ou bien FreeBeer.Dans tous les cas, l’entreprise a

besoin de détecter, au sein de sesclients, les passionnés aveclesquels elle peut codesigner.C’est justement dans les commu-nautés sur internet qu’elle lestrouvera, et qu’elle pourra alorscommencer un processus inno-vant de transformation de tech-nologies en usages, puisd’intégration des usages dans sestechnologies, tout en s'appuyantsur des modèles économiquesinventifs.

Le marketing moderne n'est nide masse, ni en one to one, il esten codesign. Ce qui est vrai pourles entreprises l’est aussi pourl’éducation, la santé, la politique,etc. La philosophie opendata, quiconsiste pour une administrationà fournir des API sur ses données,et à laisser le public créer desapplications, est la quintessencedu codesign. Pour que cettealchimie entre les technologies etles usages s'effectue efficace-ment, nous avons besoin d'unréseau internet fiable, à très hautdébit, et de décideurs qui pensent« intelligence collective ». �

www.almatropie.org

(1) Cf. http://blog.almatropie.org/2010/

03/introduction-a-lhistoire-de-

linternet/

Internet et la révolution des usages

Les usagesEn amplifiant les relations horizontales, internet a permis au modèle communautaire de gagner en puissance. En dix ans, les pourtant pas un gage de pérennité. Les modèles économiques basés sur la publicité et l'exploitation des données personnelles

Dossier

10� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

par Serge Soudoplatoff, enseignant, chercheur, créateur d’entreprise

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Depuis plus de dix ans, commu-nautés en ligne et réseauxsociaux se sont installés dans

le paysage économique. Les commu-nautés d’échanges de fichiers ontaccéléré la dématérialisation desproduits de contenus et fragilisé leursmodèles d’affaires traditionnels, inci-tant ainsi à leur renouvellement. Lescommunautés d’expérience, commeon peut en trouver sur Amazon, eBayou encore TripAdvisor, jouent un rôled’infomédiaire en renseignant lesconsommateurs sur la qualité d’unproduit, d’une marque ou d’unvendeur, par des commentairespostés par des internautes les ayantdéjà expérimentés.

Selon Médiamétrie, le site d’eBayétait le plus visité des sites de e-commerce en France en 2009. Lescommunautés d’utilisateurs, généra-lement focalisées sur une marque ouun produit spécifique (Lego, Nikon,Apple, etc.), permettent de dissé-miner le savoir nécessaire à l’utilisa-tion de biens complexes etpermettent à tout internaute deprofiter des compétences et de l’ex-périence d’experts ou d’adopteursprécoces de nouveaux produits ou denouvelles technologies. Le succès deWikipedia qui, comme toute commu-nauté épistémique, élabore des biensinformationnels de manière collabo-rative, a poussé Britannica à céderaux sirènes de la production collabo-rative. De même, Microsoft contribuedésormais à Linux, le système d’ex-ploitation « libre » développé demanière collaborative par des milliersd’informaticiens à travers le monde.

Derniers nés de ces commu-nautés en ligne, les réseaux sociaux.Facebook, MySpace ou encore

Twitter facilitent les interactions entredes individus appartenant à unemême communauté et entretenantdes relations en ligne et/ou réelles.Facebook comptait en 2010, six ansseulement après sa création, un demimilliard d’adeptes, se hissant ainsi audeuxième rang des sites les plusvisités au monde après Google.

Des modèles économiques fragiles

La rapidité de ces succès n’est paspour autant un gage de pérennité.Le premier souci de la plupart de cescommunautés est évidemment deprévenir leur dégénérescence en limi-tant les comportements de passagersclandestins des internautes et donc,en maintenant suffisamment d’inci-tations à la contribution. Mais audelà, la menace provient surtout dela fragilité de leurs modèles écono-miques, généralement basés sur lapublicité et la valorisation de l’exploi-tation des données personnelles.

La publicité en ligne ne repré-sente qu’une part minime dumarché publicitaire média et horsmédia (autour de 4% en France) etles recettes publicitaires sont forte-ment concentrées sur certainsacteurs, notamment sur Googlegrâce aux liens sponsorisés. Ainsi, en2009, les revenus publicitairesaméricains de Google étaient plusde dix fois plus élevés que ceux deFacebook. Il est vrai que, sur lesréseaux sociaux, reflétant la faiblesensibilité à la publicité de leurs utili-sateurs, le cost-per-mille (cpm) estparticulièrement faible, trois àquatre fois inférieur à celui pratiquésur les sites d’informations finan-cières par exemple.

Données personnelles :la révolte gronde

L’exploitation des données person-nelles, fournies volontairement ounon par les internautes lors de leursdifférentes visites, n’en est que pluscruciale. Historique de navigation,géolocalisation, profils ou encoreappréciation sur des produits ouservices via le bouton « j’aime » révè-lent précisément les préférences et lespratiques de consommation des inter-nautes. D’un point de vue marketing,ces données sont précieuses et unepublicité peut désormais cibler lesconsommateurs bien au delà de leurprofil socio-démographique. Demême, les modes de tarificationpeuvent être affinés en personnalisantà l’extrême la discrimination par lesprix. Amazon a ainsi tenté, par lepassé, de faire payer plus cher pourun même produit les clients les plusfidèles, supposés avoir les coûts dechangement les plus élevés.

Contractuellement, le fait d’inté-grer une communauté commeFacebook revient à autoriser cedernier à exploiter ces donnéespersonnelles. Mais, depuis l'introduc-tion, il y a quelques mois, du système« Instant Personalization », quipermet au site de partager avec desentreprises partenaires les donnéespersonnelles de ses utilisateurs, larévolte gronde. Les enjeux de protec-tion de la vie privée (privacy) sont enpasse de devenir une priorité pour lesinternautes. Non sans paradoxe d’ail-leurs, compte tenu de l’ampleur del’exposition de soi souvent consentiepar les adeptes des réseaux sociaux. Siles appels au boycott de Facebookrestent encore limités, cette menacen’en est pas moins prise au sérieux.

Des recettes proportionnellesà l’audience

Pourquoi une tellesensibilité aux réactionsde leurs utilisateurs de la part deFacebook, d’Amazon ou encored’eBay, qui a également renoncé àréformer son système de tarificationface au tollé provoqué, pourtant enposition fortement dominante surleurs marchés respectifs ? Sans douteparce que ces entreprises ont pleine-ment conscience du caractèreprécaire de leur succès. Les externa-lités de réseau, à la base de leur essor,rendent simultanément leur domina-tion hautement contestable. Si l’inci-tation de nouveaux utilisateurs àrejoindre une communauté est unefonction croissante de sa taille, d’oùle caractère cumulatif de leur succès,la récession peut être tout aussibrutale. Un nombre réduit de mécon-tents peut facilement fédérer unnombre bien plus important desuiveurs qui anticipent une perte devitesse de la communauté, et ne fontainsi que la précipiter. Or, tant lesrecettes publicitaires que celles liées àl’exploitation des données person-nelles sont proportionnelles à l’au-dience. Les communautés en ligne etautres réseaux sociaux ne seraient-ilspas finalement des colosses aux piedsd’argile ? �

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Communautés en ligne et réseaux sociaux : des colosses aux pieds d’argile ?

communautés en ligne et les réseaux sociaux se sont installés dans le paysage économique. La rapidité de ces succès n'est peuvent s'avérer fragiles, surtout si les enjeux de protection de la vie privée deviennent une vraie priorité pour les internautes.

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �11

par François Moreau, maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers, chercheur au GREG / Laboratoire d’économétrie

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Dossier

12� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Les économistes préfèrent parler de besoins plutôt que de désirs.En effet, pour qu'un marché libre soit efficace, il est nécessaire(mais pas suffisant) que l'utilité de chaque consommateur (c'est-à-

dire ce qui le fait agir) soit purement individuelle, qu'elle préexiste auxbiens et services offerts et qu'elle ne dépende pas des interactionssociales. Bien évidemment, ceux qui ont à vendre des produits saventqu'il n'en est pas ainsi : il faut créer la demande aussi bien que l'offre ; ilest même souvent bien plus onéreux de préparer les consommateurs àdes innovations formant système, que de dessiner les produits et d'or-ganiser leur distribution.

Miroir magique des contesLa numérisation des informations a transformé les mécanismes de

production de la demande et c'est sans doute là l'innovation économiquemajeure depuis vingt ans, depuis qu'internet est devenu un équipementaussi essentiel que le réseau de distribution électrique ; par l'un nous rece-vons l'énergie, par l'autre, désirs et savoir-faire.

Auparavant, les nouvelles consommations dépendaient, pour leur adop-tion, d'acteurs publics ou privés, qui se chargeaient de l'organisation detout l'écosystème nécessaire. La société Michelin entre les deux guerresa joué ce rôle pour le développement de la voiture de tourisme ; le Salondes Arts Ménagers dans les années 50, pour l'électroménager ; la FNACdans les années 60, pour les équipements audiovisuels ; plus récemment,Apple, pour l'informatique grand-public. De tels agents jouaient un rôle decatalyseurs : ils induisaient et formaient des désirs du côté de lademande ; ils aidaient au dessin des produits de sorte que ceux-ci s'adap-taient, plus ou moins, aux attentes des consommateurs.

Aujourd'hui, la production de la demande repose de plus en plus surdes interactions entre les consommateurs eux-mêmes. De telles interac-tions, parfois directes dans une sorte de face-à-face en ligne, le plussouvent indirectes et formant cette « grande conversation » dont parlaitJohn Perry Barlow, constituent le web interactif (dit web 2.0 ou web social).C'est le creuset des désirs, la source des savoir-faire, la matrice desnouvelles demandes. Internet n'est pas seulement un circuit de distributionou un média d'information, qui remplacerait, sans les transformer, lesmécanismes du commerce réel ou de la promotion publicitaire. Ons'adresse au web, comme au miroir magique des contes, pour savoir oùl'on est, ce qu'on veut, où l'on va.

Induction sociale de la demandeEn s'intéressant à internet, l'économie découvre l'importance de ce

qu'elle a tenu longtemps pour négligeable : la synthèse sociale des désirs.Le web interactif rend ainsi de moins en moins pertinente l'hypothèse libé-rale de l'homme économique complètement isolé et parfaitement égoïste.Les mécanismes de l'influence sociale en ligne doivent être étudiés,comme l'ont été en leur temps, le marketing (pour la vente en magasin) etles marchés à deux versants (pour la promotion publicitaire).

Il serait extrêmement réducteur de n'aborder la synthèse sociale desdésirs que sous l'angle de l'imitation, de l'instinct moutonnier, de l'entrai-nement de la mode ou du désir mimétique. Les économistes, comme lessociologues d'ailleurs, ont tôt fait d'interpréter l'induction sociale de lademande à partir de simples mécanismes d'ostentation, ce qui la disqua-lifie.

Aujourd'hui, internet fournit non seulement une base de donnéesimmense mais des outils logiciels et sociaux sophistiqués pour laparcourir, l'entretenir et en tirer parti. On mentionnera ici, à titre d'exemple,trois processus originaux de traitement social : • les communautés, caractérisées par des interactions anonymes et descommentaires à la cantonade ; elles servent au partage des savoir-faire,à l'exploration de goûts nouveaux, sous la protection de l'anonymat et dela virtualité, à l'acquisition d'une culture commune, préalable à l'établisse-ment d'un écosystème nouveau ; les forums, les sites marchands quiouvrent des espaces de discussions et de recommandations, les commu-nautés de pratique où s'échangent des conseils, les collectifs d'écriture(comme Wikipedia) permettent la confrontation, parfois violente maisvirtuelle, d'opinions et de goûts en cours de formation ;

• le réseautage (social networking), caractérisé par des identités réelles etdes relations interindividuelles ; de tels sites permettent d'adapter ce quia été acquis dans l'univers virtuel, aux contraintes de la réalité : c'est lelieu, parfois réellement conflictuel, où deux logiques s'affrontent, l'explo-ration irresponsable et l'exploitation efficace ; le monde réel, sonéconomie et ses règles juridiques, se trouvent parfois pris à contrepied ;depuis les lois contre le piratage jusqu'aux apéritifs Facebook, le réelrésiste maladroitement aux dynamiques inventives du virtuel ;• la « sérendipité », ou si l'on veut la flânerie, la recherche active de l'ignoréet de l'inimaginable, se caractérise par le parcours au hasard de l'immense base d'informations à laquelle internet donne accès ; on a long-temps cru que les liens entre les sites allaient constituer le labyrinthe oùles internautes se perdraient pour se retrouver ; on s'aperçoit aujourd'huique les moteurs de recherche comme Google sont bien plus efficacespour conduire l'internaute là où il ne sait pas qu'il va ; il est d'ailleurs éton-nant que les moteurs généraux, qui traitent l'ensemble du web, fournissentun chemin tout à la fois vers ce qu'on croit chercher et vers ce qu'onignore désirer.

Si l'on admet que l'émotion esthétique se caractérise souvent par le faitque la satisfaction se développe en même temps que le désir qu'elle initie,le web interactif peut être rapproché d'un art nouveau, d'une nouvelleforme de synthèse sociale du goût. �

Par Michel Gensollen,chercheur associé, département des Sciences économiques et sociales, Telecom ParisTech

Le web interactif rend de moins en moinspertinente l'hypothèse libérale de l'hommeéconomique complètement isolé etparfaitement égoïste.

Internet& la synthèse sociale des désirs

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La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �13

Mon fils apprend à lire sur mon iPhone. Les crayons et le papierresteront son medium majeur d’apprentissage mais les enfantsnés en 2010, eux, ne seront plus programmés par l’imprimerie,

mais par les écrans. Leur “OS” psychologique et social sera construitautour des nouvelles interfaces.

Les interfaces ont envahi nos viesSelon Wikipedia : « interface : dispositif qui permet des échanges et inter-

actions ». Les interfaces sont vraiment nées avec Windows 3.0, qui a intro-duit la première confusion entre le monde réel et l’écran en dessinant desboutons en relief. Auparavant, l’interface-clé était le clavier, et l’écran affichaitle résultat de lignes de commande. Puis, on s’est mis à toucher l’écran ou,mieux, à le caresser : l’iPhone. Après, l’écran nous a mis en relation avec unréseau social et non plus la mémoire d’une machine : Facebook. Enfin, nouscommençons d’être connectés avec du sens et de l’intelligence collective,dans les expériences utilisateur du web 3.0 et de l’internet sémantique.

En sautant du clavier à l’écran, les interfaces ont envahi nos vies. Alorsque les 3 heures de TV quotidiennes étaient le standard des décenniesprécédentes, une large part de la population passe maintenant 5 à 8 heurespar jour devant des écrans, dont de moins en moins de TV “pure”. 500 millions de personnes passent 30 minutes par jour sur Facebook et unmilliard visite Google quasiment tous les jours. Une majorité d’ados améri-cains change plus de 10 fois d’écran par jour. Il y a quatre ans, un mobileservait à téléphoner 10 minutes par jour ; aujourd’hui, son écran est utilisé2 heures par jour pour surfer, poster des messages et regarder des vidéos.

Depuis 500 ans, avec l’imprimerie, notre œil a programmé notre cerveau …

Depuis cinq siècles, notre OS mental était analytique, linéaire, séquen-tiel, comme les lignes d’imprimerie. Notre œil, en suivant ces lignes, aprogrammé notre cerveau : le monde est compréhensible, l’œil est notresens principal et la déduction notre outil le plus puissant. Notre vie socialeintégrait des notions comme le « point de vue », la « perspective » ou la« distance », qui sont nées avec l’imprimerie et qui mourront avec elle.Même la production de masse est née avec le livre imprimé et notreconcept de standardisation avec les caractères d’imprimerie.

Ce n’est pas l’information véhiculée par l’imprimé, mais l’imprimé lui-même – la technologie – qui a construit nos mentalités, notre structuresociale, nos arts, et nos démocraties. Passer du papier imprimé à l’écranest un changement radical de technologie, qui est en train d’entraîner unchangement radical dans la psychologie individuelle et la structure sociale.

Lorsque l’imprimerie a chamboulé les sociétés du XVIe siècle, les clercsl’ont condamnée : elle « fait perdre la mémoire » (les textes étaient apprispar cœur et toujours lus à haute voix), ou l’ont bénie : « nous allons imprimerplus de bibles » (qui était le seul texte de masse, avant que l’imprimeriefasse naître le métier d’auteur). Ces jugements de valeur étaient hors-sujet :la perte de mémoire n’a pas eu de conséquence, alors que l’imprimerie en

grande série a entraîné, entre autres, la Réforme, puis l’émergence desauteurs, des systèmes politiques modernes, puis de l’industrie.

… aujourd’hui, le toucher et l’ouïe redeviennent importantsQuand notre doigt passe sur l’écran d’une fenêtre à l’autre, le monde

devient simultané et synthétique. Le toucher et l’ouïe redeviennent impor-tants. La « distance » s’estompe, au profit de l’implication et du réseausocial : « public is the new default », le mode par défaut n’est plus le modeprivé. Quand un rectangle sur fond blanc nous donne accès à plus deconnaissances que toutes les bibliothèques, notre rapport au savoirchange. L’information ne voyage plus du haut vers le bas, mais horizon-talement, entre les membres du réseau. Chemin faisant, au travers desinterfaces, nous croyons que le logiciel se rapproche de nous, alors quec’est nous qui devenons logiciel.

Il n’y pas moyen de décider si ces changements sont « bons » ou« mauvais », car comme les clercs du XVIe siècle, nous sommesimmergés dans la révolution technologique et nous ne pouvons pas voirau-delà. Pourtant, comme au XVIe siècle, toutes nos conversations sur lanouvelle technologie débouchent sur des jugements de valeur.

Ces jugements ne sont ni vrais ni faux, mais hors-sujet : « le grand publicne fera jamais ses achats en ligne », « le papier ne disparaîtra pas », « onne saura plus lire », « les artistes sont menacés », « le réseau social n’estpas la vie réelle », « l’anonymat des blogueurs doit être supprimé »… Direaujourd’hui que « le contenu est roi », c’est une croyance du même type que« l’imprimerie, c’est du manuscrit pas cher ». On pense toujours que lesnouvelles technologies se contentent d’accélérer les anciens usages.

Le propre d’une révolution, c’est de confondre l’accessoire, parexemple l’information et les contenus, avec l’essentiel, par exemple leurmode de circulation et d’interfaçage avec nos cerveaux et nos sociétés.Nous nous inquiétons du contrôle pris par Google et Apple sur la presse,mais nous devrions nous pencher davantage sur la prise en main de noscerveaux et de nos structures sociales par les outils technologiques quiencapsulent les contenus. Par exemple, ce n’est pas tant la baisse de l’au-dience, et du financement, des journaux papiers, qui transforme l’infor-mation – que la nouvelle chaîne de traitement technique : Google –Facebook – Twitter – écran. Les spécialistes qui créent ces interfaces, àqui nous déléguons la structuration de nos esprits, sont remarquablementpeu nombreux (entre 10.000 et 100.000 ingénieurs et designers), et peudiversifiés (ils travaillent en majorité à moins de 50 km de Stanford).

Après les mobiles et la presse, c’est la télévision qui va exploser. Lessmart TV vont changer brutalement des usages établis depuis 50 ans. Lafamille regardant le journal télévisé sur le canapé sera bientôt une imagedu passé. Là encore, c’est la technologie, et non des nouveaux modesd’écriture ou de création de contenus, qui va briser l’ancien media.Comme toute révolution technologique, nous n’y sommes pas prêts, etelle se fait sans nous. �

www.orange.com/fr_FR/innovation/creer/Orange_Vallee/

Par Jean-Louis Constanza,président d’Orange Vallée

la révolution des interfaces

Page 14: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

� Depuis l’arrivéed’internet, quelles sont lesgrandes ruptures que vousobservez dansl’audiovisuel ?Deux ruptures ont lieu en mêmetemps : la délinéarisation et lamobilité, c'est à dire laconsommation des contenusquand on veut, où on veut etcomme on veut. La délinéarisation progresse plusvite qu'on ne le croit. Pourcertaines chaînes, près de 30%de la consommation des abonnésse fait déjà en consommation à la demande.

� Quelles sont les questionsposées par ladélinéarisation ?La délinéarisation des contenus,c’est l'émergence de ce qu'onappelle, dans notre jargon, lesservices de médias audiovisuels àla demande (SMAD), c’est-à-direla télévision de rattrapage et lavidéo à la demande. La première question soulevéeest celle de l’impact de cesnouveaux services sur le

financement de la création, tantcinématographiquequ’audiovisuelle. En effet, enFrance, le financement ducinéma, mais également desfictions audiovisuelles ou desdocumentaires, est notammentassuré par les chaines detélévision, qui doivent yconsacrer un pourcentage deleur chiffre d'affaires, fixé pardécret. Ce pourcentage est lemême pour le chiffre d’affairesde la télévision de rattrapage.En revanche, les règles ne sontpas encore fixées pour la vidéo àla demande. Et un décret est enpréparation pour préciser lestaux de contribution aufinancement de la création. Le sujet fait débat : certainssouhaitent que ces services aientdes obligations fortes. D’autresestiment qu'il faut leur laisser letemps de se développer.Quoiqu’il en soit, la question dufinancement de la création nepourra être esquivée : si lesconsommateurs se tournentprogressivement vers ces servicesau détriment des services

linéaires, le chiffre d'affaires deces derniers va diminuer.Comment compensera-t-on alorsle manque à gagner pour lacréation ? N’oublions pas que les servicesde vidéo à la demande sontfacilement délocalisables, ce quileur permettrait d’échapper auxobligations nationales definancement. C’est un vraiproblème.

� Est-ce enfin laconvergence entre télécomet audiovisuel ?La fourniture de ces services à lademande constitue en effet uneaccélération de ce phénomènede convergence. Ainsi, lesopérateurs télécoms et lesfournisseurs d’accès à internet(FAI) éditent presque tous desservices de vidéo à la demande,et remontent dans la chaîne devaleur en devenant des acteursdu monde audiovisuel. Certainsdécident par ailleurs d'éditer deschaines de télévision, commeOrange. Cette interpénétrationpose la question de l’intégrationverticale des acteurs, et celle dela distribution exclusive descontenus (citons l’exemple des

chaînes d’Orange uniquementaccessibles aux abonnés internetd’Orange). Le régulateur n’a pas toutes lesréponses, mais les questions sedessinent clairement : commentfaire en sorte qu'il y ait

financement de la création sansdélocalisation ? Commentfavoriser une concurrencedurable dans le secteur de latélévision payante, sans qu'il y aitdes effets négatifs sur le marchédu haut débit ? Il faut que lesrégulateurs – l'Autorité de laconcurrence, l'ARCEP et le CSA –adoptent des positionscohérentes qui, à mon avis,doivent aussi être coordonnéesavec le Gouvernement et lelégislateur. Nous y travaillonstous.

� Et la mobilité ? La mobilité est une rupture plusdiffuse, même si elle nousconcerne de plus en plus. Lesgens veulent pouvoir consommerdes contenus vidéo quand ils sedéplacent, mais le modèleéconomique est très difficile àtrouver. C’est toute la questionde la télévision mobilepersonnelle (TMP). Faut-il créerun réseau spécifique pour latélévision mobile, ou les réseaux3G sont ils suffisants ?On constate que les réseaux 3Gdes opérateurs mobiles saturent,en raison de l’explosion du traficdes données, explosion

principalement due à laconsommation de vidéo. Est-ce la consommation dechaînes de télévision ou devidéos sur des sites tels queYouTube ou DailyMotion qui vaprimer en mobilité ?

Dossier

14� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Convergence audiovisuel-télécomQuel est l’impact de la délinérarisation des contenus, de la mobilité et de l'arrivée des téléviseurs con de l’audiovisuel (CSA), pour qui les nouveaux modes de diffusion des contenus créent un problème

Emmanuel Gabla« Nous sommes à l’aube debouleversements énormesdans l’audiovisuel »

La fibre va amplifier la consommation decontenus audiovisuels à la demande (...) etpermettre, en augmentant les débits, desoffres délinéarisées de qualité.

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� Pour la TMP, une solutionest en train de se dessineravec Virgin Mobile.Pourquoi avec un MVNO ?Les opérateurs de réseau quihébergent les MVNO fournissentà ces derniers de la capacité àdes tarifs de gros. Autant lestarifs sont intéressants pourcommercialiser la voix, autant ilssemblent élevés pourcommercialiser des données, etdonc de la vidéo. De ce fait, il estcoûteux pour un MVNO d’incluredes offres de télévision dans sesforfaits mobiles. Or, pour qu'uneoffre de téléphonie mobile soitcompétitive, il faut qu’ellecomprenne aussi la télévision.Donc, pour répondre à cettedemande tout en restantcompétitif, la meilleure solutionsemble, pour ces acteurs, des’appuyer sur un réseau deradiodiffusion dédié pour latélévision mobile, qui leurlouerait ses services à des tarifsplus bas. C’est le calcul qu’a faitVirgin Mobile en signant unaccord avec TDF.

� Voyez-vous la fibrecomme une rupture ducôté audiovisuel ?Clairement, oui. D’abord parceque la fibre va amplifier laconsommation de contenusaudiovisuels à la demande.Actuellement, la télévision derattrapage sur internet estdépendante du débit, et de cefait, l'image n'est pas toujours detrès bonne qualité. La fibre, elle,en augmentant les débits, vapermettre des offresdélinéarisées de qualité.Deuxième avantage de la fibre :elle permet d’offrir les chaines enhaute définition et bientôt en3D. Ces innovationstechnologiques audiovisuellessont très gourmandes en débit etne pourront pas être proposéesen grande quantité par voiehertzienne. Vous voyez, la fibre,contrairement à ce que l’on croit,

n'est pas uniquement un sujet«télécom», c'est clairement unevoie d’avenir pour le paysageaudiovisuel.La fibre impliquera aussi uneévolution des modèleséconomiques, notamment dansle secteur audiovisuel.Actuellement, grâce à ladiffusion hertzienne, les chainessont en relation directe avec letéléspectateur/client. Sur les

réseaux filaires (ou satellitaires),c’est le distributeur qui maîtrisecette relation avec le client. Desquestions vont donc se poser sila télévision est de plus en plusregardée via des réseaux filaires :à quel prix les FAI factureront-il la bande passante aux chaînes ?Se garderont-ils l'accès unique auclient ? Au contraire, les chainesadopteront-elles un modèled’auto-distribution, comme lefait actuellement Canal +, pourconserver la maîtrise de larelation client ? L’arrivée de la fibre et sagénéralisation vont induire denouveaux modèles deconsommation de la télévision,ainsi qu’une nouvelle répartitionde la valeur entre distributeurs etéditeurs. Or, ces acteurséconomiques sont loin d’avoir la même taille ; les chiffresd’affaires des chaines detélévision sont nettement

inférieurs à ceux des opérateurstélécoms : il n’est pas impossibleque les régulateurs doiventintervenir dans les relationséconomiques entre ces deuxtypes d’acteurs.

� Que va apporter latélévision connectée ?Les fabricants remontent euxaussi dans la chaine de valeur.Les téléviseurs connectés, en

donnant directement accès à desapplications internet sur le postede télévision, représentent uneévolution majeure. Cesapplications pourront donneraccès à des contenus situés àl’étranger. Le catalogue de vidéosà la demande sera pré-téléchargéou pré-programmé sur letéléviseur. Grâce à des pop up oudes widgets, le consommateurpourra directement aller sur lesite du distributeur et avoir accèsà ses contenus. YouTube, parexemple, conclut de plus en plusde contrats avec des chainespour proposer des services detélévision de rattrapage sur sonsite. Les sites de télévision derattrapage de YouTube enAllemagne, au Royaume-Uni ouaux Etats-Unis pourront-ils êtredisponibles à partir de la France ?On voit bien que les questionssous jacentes de droit d’auteurvont amener les régulateurs à se

pencher sur la question de cesterminaux. La deuxième question a trait à lapublicité interactive. Faut-iluniquement l’autoriser dans lesespaces publicitaires ? Ou biendonner la possibilité de cliquersur une voiture qui circule dansun film pour se rendredirectement sur le site de ventedu constructeur automobile etacheter des produits ? Il n'est pas

certain que tous les paysadopteront la même approche.Pour conclure, nous sommes àl'aube de grandes mutationsdans le secteur audiovisuel. Nosacteurs en sont conscients. Il fautles aider à traverser ces zones deturbulences pour qu’ils ensortent renforcés. À eux detrouver les bonnes réponses et ànous, régulateur, de les y aider.Car si les contenus ne sont plusregardés que sur YouTube ouGoogle, la création française seraaffaiblie et la diversité culturelleque nous cherchons àpromouvoir s’étiolera.

� Finalement, vous enrevenez toujours aufinancement de lacréation…C’est en effet un problèmefondamental, c’est aussi unmarqueur identitaire de notresociété. �

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �15

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

nectés en termes de régulation ? Réponse d’Emmanuel Gabla, conseiller au Conseil supérieur fondamental pour le financement de la création et la diversité culturelle.

Les téléviseurs connectés, en donnant directementaccès à des applications internet sur le poste detélévision, représentent une évolution majeure.Les questions sous jacentes de droit d’auteurvont amener les régulateurs à se pencher sur la question de ces terminaux.

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Economie quaternaireL'économiste Michèle Debonneuil, dans un rapport au Gouvernement, analyse l'importance future desde la communication - notamment, les services mobiles sans contact - peuvent contribuer à développer

Dossier

16� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Selon Michèle Debonneuil, lapériode actuelle se caractérisepar l’épuisement d’un modèle

de croissance et le début d’unnouveau cycle. Ce passage est trèsdouloureux. Il s’agit en fait detrouver le moyen de continuer àmieux satisfaire les besoins toutautrement. En effet, quant on parlede croissance, on sous-entend « dela satisfaction des besoins desconsommateurs ». Pour satisfaire les

besoins des consommateurs, onpeut utiliser soit des données (voixou data), soit des biens, soit despersonnes ayant des savoirs et dessavoir-faire. Ce sont les trois ingré-dients intemporels de la satisfactiondes besoins des consommateurs.

Les TIC bouleversent la donne, carelles démultiplient non plus les capa-cités physiques des hommes, commel’avaient fait les technologies de lamécanisation, mais leurs capacitésmentales, en décuplant leurs capaci-tés de traitement de l’information.L’amélioration de satisfaction qui endécoule n’est pas lié à la quantité debiens produits à l’heure, mais à l’élar-gissement et à la montée de lagamme des biens et des services quel’ont a pu mettre à disposition sur leslieux de vie en une heure. Autrement

dit, la nouvelle productivité, c’est-à-dire le supplément de satisfaction desbesoins produits à l’heure, est uneproductivité de diversité plutôt quede quantité. On peut désormais or-ganiser de façon efficace la mise àdisposition des biens et des per-sonnes sur les lieux de vie (ce quiconstitue la définition d’un service).Autrement dit, les services devien-nent productifs. La satisfaction desbesoins ne sépare plus aussi nette-ment les biens qu’on achète et lespersonnes dont on va chercher les sa-voirs et les savoir-faire dans des lieuxdédiés (hôpital, école, banque…) dessolutions de vie qui intègrent desbiens et des personnes qui sont mis àdisposition temporaire des consom-mateurs sur leurs lieux de vie. Le se-condaire et le tertiaire se marient :c’est l’« économie du quaternaire ».

Retrouver le plein emploi ?Cette économie qui satisfait tout

autrement les besoins les satisfaitmieux et est donc porteuse d’un gi-sement de croissance. De plus, si l’onsuppose que chaque Françaisconsomme une heure par semaine deces nouveaux services, cela permet-trait de créer deux millions d’emploiséquivalents temps plein. Le plein em-ploi est à portée de main. L’économie

quaternaire permet en outre de dres-ser une barrière naturelle à la concur-rence frontale des pays émergents quisavent faire la même chose que nous,mais à vingt fois moins cher et pourvingt ans. En effet, avec les mêmessavoir-faire, elle permet de fabriquerdes produits adaptés à la satisfactionde consommateurs nantis, ce qui estla seule différence de nos pays avecles pays émergents. Enfin, en diversi-fiant les mises à disposition de per-sonnes sur les lieux de vie, on vapourvoir faire de la croissance sansdétruire la planète. On pourrait ainsipasser progressivement d’une écono-mie de « l’avoir plus » à une écono-mie de « l’être mieux ».

Le passage d’une économie àl’autre est une véritable révolution ci-vilisationnelle. Les marchés ne serontplus les mêmes. Dès lors, les poli-tiques économiques peuvent faciliterla transition entre les deux économiescar le marché est incapable de créerde nouveaux marchés. L’Etat peutalors catalyser les coordinations d’ac-teurs de façon à faciliter la constitu-tion des nouveaux marchés. �

(1) IQ : initiales de Industrie Quaternaire (2)« L’économie quaternaire : une

croissance durable à construire ».www.strategie.gouv.fr/IMG/pdf/Quaternaire9.pdf)

Les TIC comme catalyseur du changement économique et social

Pour se différen-cier sur le marché

de la téléphoniemobile, Sagem Wire-less a opté pour l’intégration de tech-nologies de rupture,à même de changer

les modèles, les comportements et les

usages et, surtout, en mesure de trans-former les mobiles en produitsconnectés adaptés au mode de vie desutilisateurs d’aujourd’hui. Biométrie, e-paper, panneaux solaires, LTE, maiségalement NFC font partie de ces tech-nologies de rupture que la sociétéintègre désormais dans ses appareilsconnectés.

Services à la personneNFC illustre parfaitement l’ap-

proche de Sagem Wireless. Cette tech-nologie, qui établit une passerelleentre le monde numérique et lemonde réel, permet à de nouveauxservices de voir le jour en apportantaux utilisateurs le « petit quelquechose » qui leur facilite la vie. Le

mobile quaternaire COSY Phone, parexemple – outre les applications tellesle transport, la banque, les cartes defidélité ou celles plus classiques de lanavigation web – intègre la dimensiondu service à la personne. Les plus de50 ans, pour lesquels le téléphone aété pensé, accèdent ainsi aux fonc-tionnalités les plus courantes sans avoir

NFC, la 4e dimension des usages par Yves Portalier, EVP, Strategic Planning, Sagem

Transport, paiement, jeux, échanges de profils sociaux, etc : la technologie sans contact NFC (Near Field Communication), à

Dans l’économie du XXe siècle, les besoins étaient en grande partiesatisfaits en achetant des biens et en se déplaçant sur des lieuxparticuliers où étaient délivrés les savoirs et savoir-faire (école, hôpital,etc.). À l’avenir, la satisfaction des besoins proviendra de plus en plusde nouveaux produits qui ne seront ni des biens ni des services, maisdes « solutions de vie » constituées à partir de la mise à dispositiontemporaire d’informations, de biens ou de personnes. Dans cetteéconomie, les biens et les services, que l’on n’est plus obligé d’acheter,deviennent une sorte de consommation intermédiaire des solutions devie. Le secondaire et le tertiaire se marient : c’est l’économiequaternaire.

Qu'est ce que l'économie « quaternaire » ?

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services dans l'économie française, et explique en quoi les technologies de l'information et cette nouvelle économie. Sagem Wireless donne un exemple concret de ces services.

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �17

� Dans votre rapport, vousexpliquez que nous sommes à lafin d’un cycle de croissance, celuides trente glorieuses…J’ai constaté petit à petit qu’il y avaitun vrai problème de croissance entrenos économies et celles des pays envoie de développement. Après avoirbeaucoup travaillé avec la Chine,j'ai compris que les pays émergentsseraient très vite aussi bons, puismeilleurs que nous. Je situe cechangement dans les années 80. J'ai alors pris conscience qu'onarrivait à l'épuisement d’un cycledans les pays développés, alorsqu’au contraire, les pays en voie de développement appliquaient la stratégie nécessaire : ils nousachetaient des usines clé en maindotées des dernières innovationstechnologiques, et avaientd'énormes exigences en matière de formation, mais ne luttaient pasdu tout sur les prix. Bref, la messeétait dite, et si les pays développésne trouvaient pas une solution, ils allaient mourir.

� A quoi est-ce du ?La diversification des biens a été unressort pour renouveler l'industrie,mais elle a une limite : quand vousavez déjà deux voitures, il est difficilede vous en faire acheter une autre !Nous assistons à une concurrence depays qui vont bénéficier de trèsfortes croissances parce qu'ils ontchez eux des besoins non satisfaitsque l’on sait satisfaire de façonproductive : il y aura de la croissancechez eux, mais il risque d’y en avoirde moins en moins chez nous.

� Comment faire alors ?La conclusion qui s’impose est qu’ilfaut trouver quelque chose quipermette de continuer la croissance,c'est-à-dire de mieux satisfaire lesbesoins des consommateurs, au lieude lutter contre le chômage avec despolitiques s’accommodant d’uneéconomie du sous-emploi, source degraves conséquences sociales.Aujourd'hui, dans nos pays, on n'yarrive plus, alors qu'on pourraits’appuyer sur les technologies de

l'information et destélécommunications, pourrenouveler la croissance ensatisfaisant les besoins desconsommateurs tout autrement, parla mise à disposition des biens et despersonnes sur tous les lieux de vie.Il y a aujourd'hui un vrai besoin deces nouvelles solutions de vie,notamment parce que les femmestravaillent pour avoir un niveau devie plus élevé. Tout le monde estd'accord pour dire qu'il y a unmarché où des entreprises veulententrer. Cela va créer de l'emploi, de la croissance. Beaucoupd'emplois. Parce que la mise àdisposition temporaire de personnessur les lieux de vie est extrêmementcréateur d'emplois : si chaquefrançais consomme une heure parsemaine de ces nouveaux services,on aura deux millions d'emplois enéquivalent temps plein. Deux heures,quatre millions d'emplois, et on estau plein emploi !

� Concrètement, que proposez-vous ?Je plaide pour une politiqueinnovante qui, en adoptant uneapproche pragmatique et en sefondant sur des expérimentationssoigneusement calibrées, pourraitfaciliter l’avènement d’une nouvellephase de prospérité.

Je propose trois projets quipourraient être immédiatemententrepris dans le but d’accélérerl’émergence de ce nouveau cycle decroissance et d’en maximiser lesretombées économiques, sociales etenvironnementales.Le point focal des projets serait ledéveloppement d’une infrastructuregénérique combinant lestechnologies de la téléphoniemobile, de la géolocalisation et del’Internet des objets, et permettantd’organiser de façon efficace la miseà disposition de biens et depersonnes sur les lieux de vie. Lepremier projet mettrait en œuvrecette infrastructure dans le but demoderniser la prestation de certainsservices publics et sociaux au niveaulocal, entraînant d’importants gainsd’efficacité pour les collectivitésterritoriales. Le second projetconsiste en un plan dedéveloppement des activités deservice à la personne par le biais decette même infrastructure, dont onpourrait attendre de nombreusescréations d’emplois. Le troisièmeprojet, enfin, propose de développerles synergies entre les moyens detransport afin d’organiser latransition vers de nouvelles formesde mobilité, plus adaptées auxbesoins individuels et plusrespectueuses de l’environnement. �

Interview de Michèle Debonneuil, inspectrice générale des finances, membre du comité de prospective de l’ARCEP

« De l’avoirplus » à « l’être mieux »

à faire défiler le menu de leur télé-phone. Des « tags » pré-configurés etpersonnalisés leur servent deraccourcis pour composer à leurplace (1) les numéros les plus fréquem-ment appelés (famille, amis, taxis…),accéder à des services via le navigateurinternet du téléphone (informationtrafic, météo…) ou envoyer des

messages texte pré-configurés (anni-versaires, fêtes…).

Aujourd’hui, les mobiles sontéquipés en standard d’appareilphotos, caméra vidéo, lecteur MP3,jeux… autant de fonctions de créationde contenus dont le partage est égale-ment rendu possible grâce à NFC. Onle voit, tous les secteurs – services à la

personne, mais aussi publicité etmarketing – et catégories de consom-mateurs sont concernés, depuis unpublic de jeunes jusqu’à une popula-tion de seniors, en passant par latranche intermédiaire des actifs pourles échanges de données d’entreprises(cartes de visite, contrôle d’accès…).

Une nouvelle dimension, l’interacti-

vité, a été ajoutée à la téléphoniemobile, créant la 4ème dimension desusages et Sagem Wireless est parfaite-ment bien positionnée sur ce secteur,ayant depuis longtemps investi sur destechnologies de rupture. �

www.sagemwireless.com(1) Il suffit d'approcher l'émetteur àquelques centimètres du récepteur.

Wireless

base de RFID, apporte, par son interactivité et sa simplicité d’usage, une nouvelle dimension aux services mobiles.

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Dossier

18� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

� Avec l’émergence dessmartphones, on parle beaucoupde réalité augmentée. Est-ce unevraie révolution ?La réalité augmentée, c’est laconjonction de trois révolutionstechnologiques – le smartphone, c’est-à-dire une puissance équivalenteau PC dans la taille d’un téléphone ; le GPS, détectant n’importe où sur laplanète ma position et ma direction ; la 3G permettant de télécharger enquelques secondes une surcouched’informations riches en 2D/3D sesuperposant à ma perception de laréalité. Chacun peut utiliser son téléphonecomme un lecteur de code barreuniversel qui saurait lire et interpréteren temps réel le moindre élément de laréalité qui nous entoure. Envie deconnaître la longueur de la filed’attente au cinéma ou la biographied’un écrivain ? Envie d’en apprendreplus sur l’histoire d’un monument ?Il suffit désormais de pointer votresmartphone vers l’objet en question etvous aurez accès à un universcomplémentaire de méta-données.De la même manière que la boussole arévolutionné le commerce au XIIe siècle

et le GPS changé notre rapport autemps et à l’espace, la réalitéaugmentée transforme notre relation – commerciale, administrative,historique, sociale… – à notreenvironnement immédiat.

� En quoi la réalité augmentéepeut-elle avoir un impact surl’économie réelle ?Nous sommes en train de quitterl’économie de la transaction pourrentrer de plain-pied dans l’économiede l’arbitrage. La réalité augmentéetransforme la nature et la qualitémême de la transaction commercialeet ce, sous trois aspects qui nousrapprochent de l’univers de« concurrence pure et parfaite » chère aux économistes comme Walras ou Knight.Tout d’abord, en décloisonnant l’accèsà l’information. Auparavant, lorsquevous recherchiez un appartement,vous alliez sur internet ou passiez dansles agences immobilières. Avec laréalité augmentée, vous pouvezconnaître les biens à vendre, leur prix,leur orientation et les coordonnées duvendeur simplement en « filmant »avec votre smartphone la rue dans

laquelle vous marchez. L’informationdevient accessible au plus grandnombre.Ensuite, en réduisant l’incertitude liéeà la transaction : avant de choisir unrestaurant dans une ville, vous pouvezaccéder en temps réel aux critiquespubliées par les internautes etsélectionner le meilleur restaurant leplus proche sans vous fier au hasard. Enfin, en améliorant la transparencede l’information : lorsque vousachetez un PC dans un magasin parexemple, vous pouvez savoir en tempsréel si le même produit n’est pasvendu 15% moins cher à deux pas. La réalité augmentée donne accès àchacun à une qualité d’information entemps réel inimaginable il y aseulement cinq ans et qui permet defaire des arbitrages raisonnés en lieuet place d’une transaction « subie ».Cela contribue à changer le rapportde force entre le consommateur et les producteurs.

� Voyez-vous de nouveauxmodèles économiques émerger ? La réalité augmentée vaprogressivement changer les règles dujeu numérique et publicitaire. Le

premier changement, c’est le rôle de larecommandation sociale. Leconsommateur d’aujourd’hui est avertiet l’explosion des réseaux sociaux vientdonner au bouche-à-oreille unenouvelle jeunesse. Gérer la réputationvirtuelle de votre produit sur le websocial est plus que jamais essentiel.Ensuite, la réalité augmentée rendcritique le ciblage des actionscommerciales et la proximité avec leconsommateur, donc avec le point devente. Nous nous attendons à voir desnouveaux formats publicitaires utilisantla géolocalisation pour vous informeren temps réel des promotions, dessorties de cinéma, de la disponibilitéd’une nouvelle collection de vêtementsdans votre magasin préféré. Enfin, ilsera nécessaire d’indexer et trier cetteinformation virtuelle en fonction devos goûts et de vos préférences. Enquelque sorte, de procéder à unmerchandising virtuel et personnalisé :comme dans les supermarchés, il seranécessaire de gérer les têtes degondole dans cet univers virtuel.Microsoft développe dès aujourd’huides solutions pour tirer parti de cetterévolution comme Surface, notre tabletactile qui transforme l’accueil client enpoint de vente, l’intégration de lapublicité contextuelle au cœur des jeuxXbox ou sur le mobile ou l’intégrationdes avis des internautes issus desréseaux sociaux dans Bing, notremoteur de recherche web et mobile.La réalité augmentée est vraimententrée au cœur de notre stratégieproduit. �

www.microsoft.com/WindowsMobile

Mobilité et géolocalisationCouplée à la géolocalisation et au réseau 3G, la réalité augmentée s'invite de plus en plus dans l'univers deà notre environnement immédiat, et ouvrant à l'économie un vaste champ des possibles. Tour d'horizon

Interview de Nicolas Petit, directeur de la division mobilité de Microsoft France

« La réalité augmentée estvraiment entrée au cœur de notre stratégie produit »

L a valorisa-tion des

données géo -localisées estdevenue unenjeu straté-

gique pour lesentreprises du secteur

des technologies mais aussi pour l’en-semble des acteurs publics euro-péens. En effet, la montée enpuissance de l’internet mobile

constitue une opportunité nouvellepour utiliser ces données afin de créerdes services à haute valeur ajoutéequi accompagneront les citoyensdans l’ensemble de leurs activitésquotidiennes. Ainsi, qu’il s’agisse desréseaux sociaux, des services liés autransport ou au tourisme ou bientôtdes régies publicitaires géolocalisées ,les données « de proximité » consti-tueront la matière première desservices sur l’internet mobile.

Fenêtre de tir Paradoxalement, l’Europe qui n’a

pas développé de services de tailleinternationale sur l’internet « fixe »,dispose d’atouts essentiels pour déve-lopper les prochaines générations deservices sur les mobiles. Elle dispose degisements d’informations touristiques,culturelles et géographiques parmi lesplus attractifs au monde. Avec plus de550 millions d’abonnés GSM etpresque 300 millions d’abonnés 3G,

l’Europe dispose de l’un des marchésmobiles parmi les plus importants aumonde. À cela s’ajoute un importanttissu de PME innovantes qui seront àmême de développer des services surl’internet mobile et bientôt sur « l’in-ternet des objets ». Les mutations del’internet mobile ouvrent aux acteurseuropéens une brève fenêtre de tiravant que ces services, et les techno-logies qui permettront leur développe-ment, ne soient mis en place par des

Données géolocalisées : un atout pour les acteurs européens par

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LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �19

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

la téléphonie mobile, transformant notre relation – commerciale, administrative, historique, sociale… – avec Microsoft, JC Decaux et la Délégation aux usages de l’internet.

La ville, comme les lieuxmajeurs de mobilité que sontles aéroports, les gares, les

métros ou encore les centrescommerciaux, est un espace enperpétuelle mutation avec un pointcommun socialement structurantqui est de réunir un collectif à trèsgrande échelle. Les entreprises quiopèrent dans ces espaces publicsou privés ont, de fait, un certainnombre de droits relatifs à leursconcessions contractuelles, toutautant que des devoirs liés aurespect de ce collectif.

Liberté individuelleLa révolution numérique, qui

irrigue progressivement l'ensemblede ces lieux, a fini par installer cefameux réseau "pervasif" grâceauquel l'individu connecté peutdésormais naviguer pratiquementsans rupture. Cette réalité nouvellene va pas sans poser des questionsfondamentales pour une entre-prise comme JCDecaux quidispose d'un maillage physique decentaines de milliers de mobilierspotentiellement communicantsimplantés, entre autre, dans plusde 3600 villes à travers 55 paysdans le monde : quelles technolo-

gies interactives doit-on utiliser,quelles informations sommes-nousen droit de transmettre, quellesinformations individuelles peut-onconserver ? Et cela en gardant sanscesse à l'esprit une règle essen-tielle : respecter les libertés indivi-duelles et le droit de chacun à latranquillité tout en agissant pourenrichir le dialogue entre desentreprises, des collectivités ou desassociations et le citoyen/consom-mateur.

Bluetooth et Flash CodeDifférentes options ont été à

ce jour testées et évaluées pourconstruire cette relation entremobiliers et terminaux mobilespersonnels.

La technologie Bluetoothd'abord qui permet, à l'initiativede chacun et une fois son terminalmobile configuré en mode"découverte", d'obtenir des infor-mations enrichies à partir d'unecommunication publique oucommerciale par voie d'affiche. Ilfaut reconnaître que cette techno-logie, garante d'un parfaitanonymat, n'est pas adaptée àl'objectif, tant du fait de l'investis-sement considérable nécessaire à

l'opérateur (chaque mobilier doitêtre équipé d'un boîtier) que de lacomplexité d'usage qu'elle imposeà l'utilisateur (combien ontcherché sans succès la fonction"découverte" de leur téléphone).

La technologie plus actuelle duFlash Code qui consiste à prendreen photo un code barre évoluépour atteindre, non plus locale-ment, mais par un renvoi vers leweb mobile, des contenus digi-taux. Cet usage très répandudepuis de nombreuses années auJapon a toujours du mal à enpasser les frontières tant du faitdu taux insuffisant de terminauxéquipés en France que de l'actede connexion perçu par bonnombre comme complexe. Il estprobable cependant que la géné-ralisation des smartphones et deleurs applications accessibles d'unsimple "clic" tactile en accélèrel'usage.

Car en effet, c'est bien leconcept extrêmement simple etinnovant de l'i-Phone qui ouvre, àpartir du téléchargement d'unemultitude d'applications cou -plées, le cas échéant, à la géo-localisation, un vaste champ despossibles (trop vaste peut-être),

lequel va, à n'enpas douter et àtrès court terme, créer les condi-tions d'une communicationsimplifiée entre smartphones etobjets physiques de toute nature.

Finalement, au delà de la tech-nologie utilisée et pour en reveniraux questions fondamentales, lesuccès de l'interactivité passera,dans tous les cas, par une succes-sion de choix individuels : jedécide d'ouvrir une applicationcommunicante, je choisis d'ac-céder aux contenus que l'on mepropose, j'accepte de m'identifiersi j'y vois un véritable intérêt.Décider, choisir, accepter : n'est-ce pas ce que l'on appelle laliberté, car dans un monde enpleine mutation, l’individu en tantque tel doit rester plus que jamaisacteur et maitre de ses choix. �

www.jcdecaux.fr

Villes 2.0 : libres et connectées par Albert Asséraf, directeur général stratégie, études et marketing, groupe JCDecaux

acteurs américains ou asiatiques. Ilconvient de saisir cette opportunité.

C’est dans cette perspective qu’aété créé, à la demande du Secrétariatd’État chargé du développement de l’économie numérique, le portail de services d’intérêt général surmobile « Proxima Mobile ». Ce portailconstitue une première européenne ;il a pour objectif de rapprocher lesacteurs publics détenteurs de largesbases d’informations et les PME qui

développeront des services utiles àl’ensemble des citoyens.

Parmi les difficultés que rencon-trent les entreprises européennes,certaines sont liées à la complexité desconditions juridiques applicables dansles pays de l’Union, d’autres sont liéesà l’accessibilité et l’interopérabilité desinformations géolocalisées produitespar les acteurs publics. Plus que laseule mise à disposition de cesdonnées à l’état « brut », le choix des

données et des formats constituera unchoix stratégique pour les acteurspublics. À terme, un portail paneuro-péen « data.eu » pourrait être crééafin de rendre plus largement accessi-bles les données publiques géolocali-sées qui permettront de développer lesservices qui accompagneront lescitoyens, mais aussi les touristes lors deleurs déplacements dans l’Union.

En plus de la valeur, les servicesbasés sur les données géolocalisées

devront aussi permettre de créer desemplois non délocalisables. En effet, làoù il était possible de traiter à distanceles données issues des services de l’internet « fixe », les nouveaux servicesde l’internet mobile réclameront uneexpertise locale liée à la valorisation desdonnées géolocalisées, qu’elles soientenvironnementales, culturelles ou liéesau tourisme ou aux transports… �

www.proximamobile.frwww.delegation.internet.gouv.fr

Bernard Benhamou, délégué aux usages de l'internet

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Dossier

20� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Le taux très rapide de renouvellement des TIC constitue uneévidence partagée et la force de ses impacts fréquemmentsoulignée. La structure particulière des changements tech-

niques est moins souvent évoquée ou discutée, malgré son poidstout aussi important. Car les nouveaux services numériques trou-vent leur source dans les modes inédits d’articulation entre infra-structures, terminaux et applications. L’importance, pourl’innovation et le développement de contenus, de cette articulationentre les différentes couches techniques n’est pas une nouveautéradicale : les apports des récents travaux de management pointentjustement le rôle des écosystèmes industriels et de leur structure.Mais la labilité et la pervasivité des technologies numériques favori-sent, bien plus largement, des recombinaisons constantes entre lesdifférents registres techniques, les contenus, les services, les appli-cations et les infrastructures.

Des innovations au caractère à la fois modulaire et radical,peuvent dès lors apparaître en bénéficiant de modalités élargiesd’appropriation. Bien plus, des possibilités d’action quasiment sanslimite s’ouvrent aux différents acteurs économiques : des produitset services analogues peuvent aujourd’hui être conçus, envisagés,assurés et valorisés à partir de positions et de ressources techno-logiques radicalement différentes. Cette configuration du systèmetechnique remet brutalement en cause les modèles d’affaires et lesstructures compétitives des filières industrielles existantes, sansque les acteurs économiques ni la puissance publique ne disposenttoujours des moyens pour penser et anticiper de telles transforma-tions.

Des configurations d’offres foisonnantes et instablesLes manières différentes de configurer des systèmes d’offre, à

partir de bases techniques similaires, contribuent en effet au foison-nement et à l’instabilité de modèles d’affaires en concurrence. Lesdifficultés du secteur culturel sont, en la matière, emblématique :dans la musique comme dans la presse en ligne, plusieurs centainesde sites proposent aujourd’hui des offres similaires sur des modesdifférents. Dès lors, de manière paradoxale, ce ne sont plus néces-

sairement les contenus et les services proposés qui ont une valeuren soi mais les modèles économiques de production et de consom-mation dans lesquels ils s’inscrivent.

Les nouvelles configurations appellent, de la part des acteurséconomiques de la culture, des manières inédites d’envisager leursstratégies et de construire leurs positions compétitives. La concur-rence tend ainsi parfois moins à s’opérer sur le projet éditorial ousur le choix des œuvres elles-mêmes que sur la manière de lesmettre à disposition du public. La compétition pour le succès et lepublic ne s’établit plus seulement entre les artistes, puis entre lesproducteurs et ensuite entre les diffuseurs : elle met désormaisdirectement en concurrence artistes, producteurs et diffuseursentre eux.

L’exemple des industries créatives n’est pas isolé. L’économienumérique a consacré le terme de modèle d’affaires – ou de busi-ness model – qui fait désormais partie à part entière du langage dumanagement et de la stratégie. Les évolutions qui se mettent enplace autour des nouveaux réseaux montrent que les modèles d’af-faires ne sont plus simplement la conséquence d’un positionnementconcurrentiel et la concrétisation de décisions stratégiques succes-sives prises en matière de prix, de produit ou de relations clients.C’est désormais dans la configuration de ces modèles d’affaires quese joue, très directement, la concurrence entre firmes, la redéfini-tion des chaînes de valeur, et, plus profondément, la structurationmême des usages sociaux : modes de consommation, stimulationd’échanges communautaires, rapport au territoire. Cette dimensionessentielle explique en particulier la multiplication, la diversité, maisaussi la très forte instabilité des configurations d’offre observablesaujourd’hui sur internet.

L’identification de tels modèles passe par la résolution deplusieurs questions qui, aussi simples puissent-elles être, fournis-sent les bases d’une caractérisation des différentes architecturesde marché. Quels types de services sont offerts aux consomma-teurs ? Qui contrôle la relation finale avec le consommateur et quipeut vendre l'offre du service ? Faut-il un mécanisme de facturation– et si oui lequel utiliser pour procurer un revenu ? Quelles autressources de revenu sont envisageables (publicité, reversements) ?

Comment se gère l’accès au réseau ? Qui assure la conception, ledéveloppement et la livraison de contenus attractifs ? Quelles sontles capacités de l'investissement de chaque acteur ? Quelles syner-gies existe-t-il entre activités existantes ?

Des positionnements inéditsLa multiplication de ces modèles et des manières de fournir des

services en ligne ne constitue donc pas un simple effet conjonc-turel. Elle traduit des stratégies systématiques d’innovation et d’ex-ploration de modèles d’affaires alternatifs, à même d’assurerpérennité et rentabilité. Internet a constitué le vecteur d’une inven-tivité constamment renouvelée en favorisant l’apparition denouveaux entrants et l’émergence de nouveaux modèles d’affaires.L’évolution du secteur culturel et la virulence des débats autour desmédias numériques en sont l’illustration flagrante. Car dans lesindustries de contenus plus encore que dans les secteurs •••

Par Pierre-Jean Benghozi,directeur de recherche au CNRS et professeur à l’Ecole polytechnique, chaire Innovation et régulation des services numériques

De manière paradoxale, ce ne sont plusnécessairement les contenus et les servicesproposés qui ont une valeur en soi mais lesmodèles économiques de production et deconsommation dans lesquels ils s’inscrivent.

Pourquoi parler de nouveaux modèles d’affaires ?

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LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �21

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

industriels traditionnels, la capacité de concevoir denouveaux services et de structurer de nouveaux modèles d’affairestient à cette articulation nouvelle qui peut s’opérer entre lessupports technologiques de l’information d’une part, les nouvellesformes de diffusion des contenus d’autre part. Des positionne-ments inédits sont apparus de la part de diffuseurs qui ont prispied dans la phase de création et d’acquisition des contenus en

assurant des activités d’éditorialisation et en concevant denouvelles gammes de services : cela a été le cas des opérateursde télécommunications comme des nouvelles plateformes d’inter-médiation. L’arrivée de ces derniers sur le marché des biens cultu-rels ne se traduit pas seulement par un rééquilibrage, ellebouleverse structurellement les modèles d’affaires et l’architec-ture des filières économiques du contenu : dématérialisation dessupports, forfaitisation des achats, gratuité sont les pointes émer-gées de cet iceberg.

Dans leur dynamique, les industries de contenus ont évoluétout comme les autres filières industrielles : apparition denouveaux entrants, puis concentration autour des acteurs histo-riques dominants du marché, ensuite émergence de spécialistesdédiés à l’optimisation de certaines fonctions (achats et approvi-sionnements, flux transactionnels), enfin consolidation de plates-formes d’agrégation et de distribution usant d’une mobilisationintense des TIC. La succession de tels mouvements conduit àl’existence de structures alternatives en concurrence : des plate-formes issues des secteurs traditionnels de l’industrie et desformes classiques de distribution, des nouveaux entrants construi-sant des positions puissantes à partir d’offres nouvelles d’agré-gation et de la maîtrise des informations, des acteurs ducommerce électronique se diversifiant à partir de leur maîtrisedes fonctions logistiques et de vente en ligne.

De nouvelles formes de compétitionLa multiplication des modèles d’affaires, à partir d’acteurs très

différents de la chaîne de valeur, définit de nouvelles formes decompétition pour le contrôle du consommateur. Elles s’opèrent àl’intérieur des mêmes filières entre fournisseurs de technologie,producteurs, diffuseurs, prescripteurs et nouveaux intermédiaires.Il s’agit là d’une nouveauté radicale par rapport aux modes deconcurrence dans la culture, qui opposaient, traditionnellement,les producteurs entre eux ou les distributeurs entre eux.

Ces mouvements s’accompagnent d’une réorganisation deschaînes de valeur. La rationalisation des activités dans le cadre denouvelles structures d’offre se focalise d’abord sur l’intégrationdes distributeurs avec leurs fournisseurs stratégiques, via desaccords d’exclusivité notamment. Cette primauté de l’intégrationdes filières industrielles par l’amont s’explique par plusieursfacteurs : la sécurisation des approvisionnements conduit à l’ins-tauration de relations de longue durée entre fournisseurs et distri-buteurs et à la recherche d’exclusivité sur des produits à fortenotoriété pour attirer des consommateurs et imposer des moda-lités de transaction (offres de services groupés, engagementspluriannuels).

Dans le même temps, la diffusion des technologies liées àinternet et l’arrivée – grâce aux TIC – de nouveaux entrants dans lemarché accélère fortement le processus d’intégration de la filièrepar l’aval : que ce soit pour le cœur de l’activité des plateformesélectroniques (référencement et base des données, gestion descatalogues électroniques, intégration informatique), les fonctions depersonnalisation de l’offre au client (customisation des offres, propo-sitions commerciales, ciblage) ou la formalisation des relationscommerciales par de nouveaux types de contrat favorisant fidélisa-tions et abonnements.

Dans un cas, il s’agit de contrôler une filière en construisant uneposition dominante d’agrégateur par la maîtrise des cessions dedroits d’exploitation et des accords d’exclusivités en amont. Dansl’autre cas, les acteurs tirent profit des effets d’échelle associés à ladématérialisation pour accéder, en aval, à de nouveaux marchés deniche, maîtriser et fidéliser les relations existantes avec les clients,réduire les coûts de transaction associés. Ces évolutions montrentque si, à court terme, ce sont les producteurs et les créateurs decontenus qui peuvent sembler tirer profit des applications à base deTIC, à long terme, c’est l’aval de la filière dans son ensemble qui s’ap-proprie ces technologies pour redéfinir ses stratégies commerciales.

Une économie de l’hyper-offreLe dernier élément de dynamique dont l’importance se voit

renforcée est directement associé à la multiplication des œuvresdisponibles pour les consommateurs : elle correspond à uneéconomie de l’hyper-offre et, par voie de conséquence, uneéconomie de l’attention, du référencement et de la prescription. Cephénomène, dont on pouvait déjà observer les prémisses avant

l’arrivée de l’internet, a plusieurs origines. Il résulte d’abord des stra-tégies éditoriales consistant à répondre au risque d’incertitude enproduction par la multiplication de projets testant auprès du publicde nouveaux concepts et de nouvelles idées … dans l’espoir que l’und’eux décroche le succès. Ces comportements s’accentuent surinternet car ils s’y doublent d’autres effets. La numérisation et laquasi-absence de limitation physique au stockage et à la diffusionpermet une accumulation « mécanique » : l’ensemble des contenusdisponibles ne fait que croître car chacun reste désormais toujoursaccessible au plus grand nombre. La masse des contributeursamateurs ou aspirant professionnels disposés à mettre leursproductions en ligne pour se faire reconnaître contribue encore àl’explosion des contenus.

La conséquence principale de cette hyper-offre est le poids gran-dissant des plateformes d’agrégation de contenus et des acteurs oudispositifs de référencement permettant aux consommateurs de foca-liser leur attention dans la masse des contenus disponibles. C’est unedes raisons importantes du glissement vers l’aval du centre de gravitédes filières, tout comme du poids grandissant qu’y prennent aujourd’huiles plateformes. C’est pour cette même raison que les travaux enmanagement et en économie mobilisent de plus en plus des analysesen termes de marchés bifaces ou de modèles de prescriptions. �

www.cnrs.fr

•••

La multiplication des modèles d’affaires, à partir d’acteurs très différents de lachaîne de valeur, définit de nouvellesformes de compétition pour le contrôle du consommateur.

La conséquence principale de l'hyper-offreest le poids grandissant des plateformesd’agrégation de contenus et des acteurs oudispositifs de référencement permettant auxconsommateurs de focaliser leur attentiondans la masse des contenus disponibles.

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Socrate : De tout ce que nousvenons d’entendre, je sens tonesprit fort agité, ô Criton ! Neconviendrait-il point de convertirce sourd tumulte en sereinesagesse ?

Criton : Comme je le voudrais,moi aussi, ô Maître ! Maiscomment y parvenir, alors mêmequ’il est proprement impossibled’extraire le moindre sens desincohérents propos qu’ont tenus àl’envi sur l’agora ces nouveauxprophètes, prêchant les prétendusbienfaits de l’économienumérique : ils n’ont à la boucheque les mots « abondance »,« gratuité » et « illimité », autantd’absurdités qui nient lesfondements mêmes del’économie, tels que je les tiens siprécieusement de tes savantsenseignements !

Socrate : Crois-tu vraiment queces prophètes soient fous ? Moi, jepense plutôt que la vérité est deleur côté.

Criton : Tu m’as accoutumé auparadoxe, Maître, mais pas à ladéraison ! Tu plaisantes, c’estcertain !

Socrate : Rien n’est plus sérieux,au contraire, Criton ! Te souviens-tu des leçons du géomètreEuclide ?

Criton : Certes ! Mais le nombrepi, les droites, les cercles et lesautres courbes ne sont-ils pastotalement étrangers à notreaffaire ?

Socrate : Point tant que tul’imagines ! Veux-tu, je te prie,prendre cette baguette et tracersur le sable un repère formé dedeux axes perpendiculaires, puisune courbe qui s’élève depuisl’origine O de ce repère, entournant sa concavité vers le bas ?

Criton : Une courbe à la manièrede celle qui représente l’utilité Ude la consommation dans les

diagrammes chers auxéconomistes, une courbe dont lacroissance en fonction de laquantité Q, portée sur l’axehorizontal des abscisses, manifestela satisfaction cumulative desbesoins à partir de zéro, puis dontl’aplatissement progressif traduitun phénomène de satiété dugoût ?

Socrate : Très juste, fidèledisciple ! Et veux-tu bienmaintenant tracer, dans le mêmerepère, une autre courbe, enpartant cette fois d’une certainehauteur sur l’axe vertical desordonnées et en incurvant tontrait vers le haut ?

Criton : Voilà qui est fait, Maître !Je suppose que, dans ton espritfécond, cette deuxième courbereprésente un coût C, dont lapartie fixe est mesurée parl’ordonnée à l’origine F et dont lapartie variable, plus queproportionnelle à la quantitéproduite, s’accroît selon un profilconvexe ?

Socrate : On ne saurait mieuxdire, très cher Criton ! De mesmodestes leçons, quelremarquable profit tu as retiré !

Criton : Souhaites-tu, Socrate, enme piquant d’une telle ironie,

qu’ici et maintenant, j’achève marécitation et t’explique que, surl’axe des abscisses, le segment AB,support horizontal de la « lentille »formée par nos deux courbes U etC, est le lieu des états réalisablesde l’économie, ceux pour lesquelsl’utilité U de la consommationexcède le coût C de laproduction ? Souhaites-tum’entendre ajouter que, au seindu segment AB, le point Q*, à laverticale duquel le « ventre » de lalentille est le plus « enflé »,correspond à l’état optimal, carc’est celui pour lequel le surpluscollectif U – C, excédent de l’utilitésur le coût, atteint sa valeurmaximale ? Souhaites-tu encoreme faire dire qu’en ce niveauoptimal commun Q* de laproduction et de laconsommation, la pente de lacourbe d’utilité U est égale à cellede la courbe de coût C, si bienque l’utilité de la dernière unitéconsommée, dite utilité à lamarge, ou encore utilitémarginale, est égale au coût deproduire cette même unité, ditcoût marginal ? Et souhaites-tum’entendre conclure que l’égalevaleur de cette utilité marginale etde ce coût marginal n’est autreque le prix unitaire p* qui, sur laplace du marché, devrait régler leséchanges entre vendeurs etacheteurs, afin que lesconsommateurs choisissentprécisément d’acheter la quantité

optimale Q* et les producteursdécident de leur vendre cettemême quantité ?

Socrate : Mon souhait n’est pasdifférent, en effet, trèspédagogue Criton ! Peux-tupoursuivre, en détaillantdavantage, s’il te plaît, et le rôledu prix, et les conditions de saformation sur le marché ?

Criton : Dois-je vraimentargumenter devant toi, Maître,qu’un prix p* égal à l’utilitémarginale dans l’état optimal,autrement dit égal à l’utilité de laQ*ème unité, incite lesconsommateurs à acheterexactement Q*, ni plus, nimoins ? Dois-je pour cela révélerà ta perçante vue qu’au-delà deQ* la courbe U est moins pentuequ’elle ne l’est en ce point, où sapente est le prix p*, si bien quetoute unité en sus de Q*apporterait à celui qui laconsomme moins d’utilité qu’ellene lui coûterait à l’achat ; tandisqu’en se plaçant en deçà de Q*,en un point où la pente de lacourbe U est donc supérieure auprix p*, les consommateurs sepriveraient sans raison deconsommer certaines unitéssupplémentaires, pourtant plusutiles que leur coût d’achat.Permets moi au moins, tyranniqueSocrate, de te faire grâce duraisonnement, en tout pointanalogue au précédent,démontrant que fournir uneproduction inférieure au niveauefficace Q* priverait lesproducteurs de la vente decertaines unités rentables, carvendues plus cher qu’elles ne leurcoûteraient à produire ; tandisque fournir au contraire uneproduction supérieure à Q* lesconduirait à vendre à perte lesunités excédentaires.Socrate : Je t’en fais grâce, eneffet ! Mais continue, je te prie,brillant Criton !

Criton : Qu’il en soit fait selon tavolonté, Socrate, et que malangue maladroite porte jusqu’à

Analyse économiqueEssai sur la nouvelle donne de l'économie numérique... montrant comment l'illimité et le gratuit sont les consé et que la maïeutique dévoile.

Dossier

22� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Criton s’éveillant à l’économie numérique : par Nicolas Curien, membre de l’Autorité

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ton oreille experte le reste de cequ’elle entend déjà ! Mais soiscertain que j’arrêterai, ensuite, desatisfaire ta feinte curiosité ! Ladouble égalité « utilité marginale= prix = coût marginal » est lecœur même de la scienceéconomique et elle nous portedeux messages essentiels. Primo,dans une république commeHellas où les ressources sont rares,c’est-à-dire de plus en pluscoûteuses à produire lorsque laquantité Q augmente, il existe unequantité efficace Q*, qui dépendtout à la fois des caractéristiquesde la production et de celles de laconsommation : Q* est la solutionen Q de l’équation « utilité de laQème unité = coût de la Qe

unité ». Secundo, le libre jeu desinteractions entre vendeurs etacheteurs conduit ceux-ci,

spontanément et de manièredécentralisée, à échanger laquantité efficace Q* : en effet, surun marché où le prix unitaired’échange est p, la quantité Qo

offerte par les producteurs est telleque le coût de la dernière de cesQo unités, la plus coûteuse àproduire, soit juste recouvré par leprix de vente p, tandis que laquantité Qd demandée par lesconsommateurs est telle quel’utilité de la dernière de ces Qd

unités, la moins utile àconsommer, compense juste leprix d’achat p ; or, tant que le prixp ne s’est pas ajusté au niveauefficace p*, alors les quantités Qo

et Qd diffèrent l'une de l'autre,créant un excès d’offre ou unexcès de demande, si bien que leséchanges, comme guidés par unemain invisible, se poursuiventjusqu’à l’égalisation Qo = Qd = Q*de l’offre et de la demande, c’est-à-dire jusqu’à l’équilibre dumarché, où l’état efficace setrouve de surcroît fortopportunément réalisé. Cela suffit-il à t’instruire, ô élève Socrate ?

Socrate : Presque, ô Maître Criton,mais point tout à fait !

Criton : Que veux-tu maintenantme contraindre à te dire, vieillardsans pitié ? Que cette subtileconnaissance, hier patiemmenttransmise à mon jeune esprit partes soins éclairés, serait aujourd’huidevenue vulgaire crotte detaureau ? Dois-je, pour t’agréer,clamer que ces prophètes, quenous avons ouï tous deux et dontle discours m’exaspère au plushaut point, ont en réalité raison denier la rareté économique et deprôner l’abondance et la gratuité ?Veux tu que, là, devant toi, je fassetable rase d’un savoir si solidementfondé, qui fut d’abord tien, avantde devenir mien ?

Socrate : Tu devancesadmirablement mes désirs, ônoble Criton ! C’est en effet très

exactement ce que j’attends detoi !

Criton : Soit ! Puisque tu semblesinexorablement sombrer dansl’insondable abime del’ignorantisme, j’efface sur lechamp l’harmonie de cettegéométrie économique et, pourmieux te plaire, Socrate, je rendsau sable sa virginité originelle, quemon intempestive figure n’aurapolluée qu’un très court instant !

Socrate : N’en fais surtout rien,inconséquent Criton, et conserveintact ton passionnant dessin !Que t’ai-je donc appris, pour quela colère et l’amertume chassentainsi de ta psychè toute trace dediscernement ? Et souffres-tud’hallucinations, pour apercevoiren ton maître le spectre del’obscurantisme ? Que t’ai-jeenseigné, précisément à proposd’obscurité et de lumière ?

Criton : Qu’une âme bien néedoit se porter vers les ombres dusavoir, et non point vers seslumières ? Signifies-tu que mondessin n’éclaire que ce que noussavions déjà et qu’il n’illumineguère ce que nous voudrionscomprendre ? Suggères-tu qu’enle conservant, mais en luiapportant quelquestransformations adaptées, noussaurions ainsi pénétrer les arcanesde la prophétie numérique ?

Socrate : Sache, cher Criton, queta démarche suscite à nouveautout mon intérêt !

Criton : Merci de tonencouragement, grand Socrate !Mais reconnais à tout le moins quemon dessin rend trèsconvenablement compte de la citépré-numérique, celle du « bonvieux réseau téléphonique », quireliait – et relie encore – Sparte àAthènes, Athènes à Marathon, etMarathon à Thèbes, au moyen deforce conduits de cuivre ! Noussommes bien là dans le domaine

de la rareté et de la satiété : ducôté du coût C, une fois consentil’investissement initial d’installationdu réseau, les frais de gestion desflux et d’extension des capacitéscroissent plus vite que le volumedu trafic ; et, quant à l’utilité Uque procure le servicetéléphonique, le seul rendu sur ceréseau, elle croît, mais de moins enmoins vite en fonction du volumede trafic, les usagers manifestantune plus grande appétence pourleurs premières minutes decommunication que pour lesdernières. Donc, il existe unvolume efficace de trafic Q*,auquel correspond un prix efficacep* de la minute de communication! Par conséquent, s’agissant de latéléphonie classique, il y a rareté etnon pas abondance, satiété et nonpas consommation illimitée,paiement à l’unité et non pasgratuité !

Socrate : J’en conviens trèsvolontiers, grand professeur Criton! Mais, dis moi, est-ce detéléphonie classique que nous ontentretenu si ardemment ce matinles nouveaux prophètes ?

Criton : Certes non ! Pour eux, letéléphone analogique n’est déjàplus que vestige du passé et ruinedu futur ! Ils ne parlent que del’internet et des réseauxélectroniques multimédia denouvelle génération, construits enfils de verre, voire même sans fil dutout, sur lesquels lescommunications vocales nereprésenteront plus qu’un type trèsparticulier de contenu, au côté desimages vidéo, des photos, destextes… et d’une multitude dedonnées numérisées de toutenature, qui seront produites etéchangées à profusion sur cesnouvelles infrastructures… Maisdéjà tu ne m’écoutes plus, Socrate !Et qu’as-tu tracé là, sur le sol, à ladextre de mon dessin ?

Suite page 24

quences inéluctables de la déformation des fonctions de coût et d'utilité. Une causalité rarement mise en évidence

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �23

une sotie socratique

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Page 24: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Socrate : Bien au contraire, c’est ent’écoutant scrupuleusement que j’aitracé ce que voient tes yeux, ôCriton : deux droites horizontales !Et c’est toi-même qui, par tonverbe, guidant fort savamment mamain, est le véritable artisan de cenouveau dessin !

Criton : Dois-je ici deviner, Maître,que ce second tracé est lareprésentation de l’économienumérique, alors que le premierétait celui de l’économie pré-numérique ?

Socrate : Il en est selon tes diresmêmes ! Peux-tu toutefoiscommenter quelque peu, afind’élever le degré de ma modestecompréhension ?

Criton : Payer la vérité au prix de laraillerie est peut-être en définitivecommerce équitable ! J’imaginedonc que, sur ton dessin, disons« notre » dessin, l’horizontaleinférieure est l’apparence nouvelleque revêtira, à terme, la courbe decoût C : dans le monde des réseauxnumériques et des servicesmultimédias, il est certain, en effet,que le coût devient quasimentinsensible aux quantités, qu’ils’agisse du coût d’installer au départdes capacités de réseau, quipourront ensuite écouler desvolumes colossaux presque sanslimitation, ou bien qu’il s’agisse decréer des contenus originaux quipourront ensuite indéfiniment êtrenumériquement répliqués pour uncoût variable négligeable. J’imagineque, de même, l’horizontalesupérieure préfigure le futur de lacourbe d’utilité U qui, à l’instar ducoût C, devient également très peudépendante de la quantité :s’opposant à l’ordre ancien où leconsommateur achetait des minutesde communication, c’est-à-dire unvolume d’usage mono-service, ilsemble bien, en effet, que s’ouvredésormais une ère de l’optiond’usage multiservice, dans laquellel’utilisateur achète, non pas unequantité donnée d’usage, mais unaccès à toute une palette des

services, applications et contenus,rendus disponibles à travers lesréseaux et consommables à volonté.Je salue ton génie, ô Socrate, car,par la conjugaison de ces deuxeffets, il est indisputable que lesdeux courbes U et C tendent vers laplus parfaite des horizontalités !

Socrate : Et qu’en déduis-tu ?

Criton : J’en déduis que, pourcalculer la quantité Q* et le prix p*efficaces sur le marché dunumérique multimédia, il n’est qu’àreprendre les raisonnements quenous menions au début de notredialogue, mais en les appliquantcette fois au cas de courbes plateset non plus curvilignes !

Socrate : Eh bien alors, qu’attends-tu ? Et pourquoi prends-tu soudainune mine aussi intriguée, ôvaleureux Criton !

Criton : N’est-il point en effet fortétrange, ô Maître, que la quantitéefficace soit indéterminée et que leprix efficace soit nul ? Et pourtant,regarde par toi-même ce si beaurésultat, produit par le nouveaudessin ! Le surplus collectif U – C estdésormais indépendant de laquantité Q et il donc toujoursmaximal, puisque les courbes U etC, horizontales et parallèles, sontpartout séparées par une mêmedistance constante : la quantitéefficace Q* est donc indéterminée !Et, pire encore, pour tout niveauarbitraire de cette quantitéindéterminée, les deux courbes U etC ont la même pente et celle-ci estnulle, puisqu’il s’agit de droiteshorizontales : le prix efficace p* estdonc nul ! Où se loge l’erreurmenant à pareilles absurdités ?Secours moi, je t’en prie, trèsgénéreux Socrate !

Socrate : L’erreur, trop sceptiqueCriton, est d’en voir une là où il n’yen a nulle ! Et si tu n’as commisaucune erreur dans ton magistralargument, alors tes chers amis lesprophètes du numérique, ceschantres du Q* illimité, qu’ilsnomment abondance, et du zéro-p*, qu’ils nomment gratuité, n’enn’ont pas commis davantage !

Criton : Veux-tu dire, ô lumineuxSocrate, que nous avons construitici, ensemble, les soubassementsthéoriques qui fondent leurscroyances insensées ?

Socrate : Absolument ! Etpermets-moi d’ajouter, ô perspicaceCriton, qu’une croyance vraieaccédant par là même au rang deconnaissance scientifique, tes amisquittent désormais le cercle desprophètes pour nous rejoindre aupanthéon des savants !

Criton : Pas si vite, Socrate ! Undernier point, et non de maigreimportance, je dois le confesser, metrouble avec insistance… Ah ça,m’écoutes-tu encore ? Et pourquoitraces-tu cette troisièmehorizontale, que tu nommes A, enposition médiane entre les droitesU et C ?

Socrate : Parce que c’est la seulemédecine que je puisse trouver afinde soulager ton trouble, ô Criton !

Criton : Lis-tu donc dans mespensées, pénétrant vieillard, ou biensont-elles déjà présentes dans tonesprit, avant même que le mien lesait seulement conçues ? Commentpaye-t-on un bien ou un servicelorsqu’il est « gratuit »? », tel étaitl’objet de mon trouble ! Et tatroisième droite A, Socrate,indicatrice d’une facturationforfaitaire, est bel et bien le remède

adapté ! Lorsque coût et utilité sontfixes, la tarification doit être fixe, elleaussi : l’utilisateur ne paye plus desunités d’usage, il paye son accès àl’usage. Et selon la valeur A duforfait d’accès, comprise entre lecoût C et l’utilité U, le surpluscollectif U – C est différemmentréparti entre, d’un côté, lesfournisseurs d’accès et de contenus,dont le surplus est A – C, et del’autre, les abonnés aux réseaux etles consommateurs de contenus,dont le surplus est U – A… Sous la rectification descourbes en droites, se profilait doncun profond changement deparadigme !

Socrate : Je constate avec joie quema médecine agit à merveille, fidèleCriton, et que la fraîcheur de tonaimable teint n’a d’égale que cellede ton nouveau savoir ! Dis moi,connais-tu quelque lieu où nouspourrions porter nos pas, afin d’yboire un doux nectar et nous reposerdes travaux de l’esprit ?

Criton : Athènes ne manque pas deplaisantes tavernes et je m’en remetsentièrement à ton choix, ô convivialSocrate !

Socrate : Gagnons donc ce vasteparc qui, non loin des portes de lacité, offre au public tantd’amusantes attractions ! Figure-toique j’y ai donné rendez-vous à nos« prophètes », car ils m’ont sollicitécomme conseil – pardon, ai-je omisde te le signaler ? – et je comptebien leur démontrer, par l’exemple,comment fonctionne une« économie de l’attraction », oùl’entrée certes est payante, mais oùles tours de manège sont gratuits !

Criton : Je t’accompagne sans ran-cune, roué vieillard, mais sois sûr queje t’entraînerai sur le « tonnerre deZeus », et nous verrons alors si tonfrêle estomac saura, sans rechigner,y faire autant de tours que que tonesprit retors m'en a joué ici! �

Dossier

24� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

••• Suite de la page 23

Page 25: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

� Qu’est-ce qui fait acheterdes chaussures parinternet ?D’abord, il ne faut pas regarderl'achat de chaussures sur internetavec un œil de Parisien mais aveccelui du Français moyen. CeFrançais là habite dans une petiteville ou à la campagne et il n'a pasaccès au choix. S'il a une boutiqueprès de chez lui, elle lui proposeau mieux une dizaine de marques.Sarenza*, elle, propose 300marques - soit 30 fois plus qu'uneboutique de province et 3 foisplus qu’un grand magasin parisien– et à peu près tous les modèles.Par ailleurs, contrairement à unpetit magasin, les chancesstatistiques d'avoir dans notrestock la pointure du modèle quiintéresse le client sont énormes, ycompris pendant les soldes.Un choix énorme, un stockdisponible sans délai, uneexpédition dans la journée, en 4 heures à Paris et en 48h partouten France, des frais d’envoi et deretour gratuits : voilà le modèleéconomique de Sarenza et çamarche ! Nous avons fait en 2009plus de 40 millions d'euros dechiffre d'affaires et nous allonsplus que doubler ce chiffre cetteannée.

Nous avons vendu un million depaires et nous prévoyons d’envendre 4 à 5 millions dans trois àquatre ans. Le marché français,c'est 360 millions de pairesvendues. Je suis donc très contentavec 0,3% du marché en volumeet 1% en valeur en 2010 !

� Quand même, commentacheter un produit sansl’avoir essayer ?Quand vos enfants partent encolonie et que vous avez - castypique !- oublié d'acheter leschaussures qui vont bien, quevous pouvez vous les faire livrer en4 heures à Paris ou en prochebanlieue et jusqu'à 22h30, ou quevous êtes un homme, que vousachetez toujours les mêmeschaussures et que votrecommande est gardée enmémoire pour vous permettre deracheter exactement les mêmesdeux ans plus tard, et enfin, queles frais d’envoi et de retour sontgratuits et que les chaussuresretournées sont remboursées encash, pour que vous n’ayez paspeur de les acheter sans les avoiressayées, il n'y a plus de souci !Notre cœur de cible, ce sont lesprovinciaux qui n'ont pas accès au

choix ou bien des hommes et desfemmes pressés qui vivent à Paris,comme les patrons du CAC 40ou des cadres dirigeants quidétestent faire des courses etpour qui le temps est plusimportant. Nous avons même unlivreur qui vient à domicile ou aubureau avec plusieurs paires,attend et repart avec les pairesque vous ne voulez pas. Cheznous, le client a toujours raisondans 100% des cas.

� Le e-commerce ne va-t-ilpas tuer la distribution ?A la grande différence d'autrestypes de distribution sur internet,Sarenza n’est pas un casseur deprix ; nous vendons l'hyperservice et l'hyper choix, au prixboutique, sauf durant les ventesprivées sur d’anciennescollections. Cale dit, je vous mentirais enaffirmant qu'il n'y a pas d’impactsur la distribution. Si vous êtes unpetit magasin de province et que,progressivement, vous perdez 10à 20% de votre activité à causedu commerce en ligne ou de lagrande distribution, il y a bien unmoment où le seuil de rentabilitén’est plus là... Oui, certainscommerces seront impactés maisles vrais bons professionnels, en

centre ville, résisteront, parce quebeaucoup de gens font encoredes achats d’impulsion et deproximité.

� Quelles sont les difficultésque peut rencontrer un sitede e-commerce ?Le plus dur est de savoir encaisserles pics de trafic lors du 1er jour desoldes ou en cas de passage à latélévision. Sinon comme dans tousles métiers, c’est une questiond’exécution : « retail is detail »comme disent les américains.Nous nous devons de délivrer uneexpérience irréprochable de bouten bout pour le consommateurafin de le fidéliser et d’amorcer lebouche à oreille.

� Pour finir, quelle estla technologie future quiaura le plus d’impact surle e-commerce ? Je crois énormément au très hautdébit. A partir du moment oùvous réussissez à reconstituer à lamaison, sans la pression d'unvendeur, sans la contrainte deshoraires, sans la contrainte desdéplacements, une expérienced'achat similaire à celle d’unmagasin, cela vous donne desavantages énormes par rapportau magasin. Finalement, quereste-t-il aux magasinsaujourd'hui ? Un, la gratificationimmédiate de partir avec votreproduit, ce qui est majeur, etdeux, la théâtralisation de l'offre,le fait que vous donniez envie auxgens d'acheter chez vous parceque vous avez mis la chaussure àvendre sur un petit green de golf.Avec le très haut débit et la vidéo,internet sera un concurrent deplus en plus important pour lespetits magasins, mais je pensequ’il y aura toujours de la placepour les bons professionnels onet off line. �

*Sarenza est la copie d'un siteaméricain, zappos.com, créé il y a dixans, qui a réalisé 1 milliard de dollarsde chiffre d'affaires en 2009 et qui aété racheté par Amazon à Noël.

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �25

e-commerceVendre des chaussures à distance : une drôle d’idée ? Et pourtant, ça marche ! Gros plan sur lee-commerce à travers le modèle économique de Sarenza, avec Stéphane Treppoz, son patron.

Stéphane TreppozLe consommateurau cœur des modèles

Les ventes en ligne ont progressé de 26% en 2009 et ont franchi le cap des 25 milliards d’euros, selon le bilan2009 publié par la Fédération du e-commerce et de lavente à distance (Fevad) et le secrétariat d’Etat chargédu commerce, de l’artisanat, des PME, du tourisme, desservices et de la consommation, à partir d’un panel de37 sites de commerce électronique. Entre 2000 et 2009, le e-commerce aura vu son chiffre d’affaires multipliépar 35. En 2010, il devrait dépasser les 30 milliards,

selon la Fevad. Le panier moyen en 2009 s’établit à 90 euros, en baisse de 2% par rapport à 2008. 24,4 millions de Français ont déjà acheté sur internet,soit 2 millions de plus en un an. L’explosion de l’offre se poursuit avec la création de 17 000 nouveaux sitesmarchands en 2009 (64 100 sites au total), soit 35% de plus en un an. Il se crée près de 2 sites marchandstoutes les heures en France.(Source Fevad : www.fevad.com)

L’e-commerce en 2009

Page 26: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

ÉquipementiersLa révolution numérique, et notamment l’explosion de l’internet mobile, impacte profondément les Comment réorientent-ils leur R&D ? Sur quels secteurs investissent-ils ? Les réponses de Qualcomm

par Wassim Chourbaji, directeur des affaires réglementaires et fréquences, Qualcomm

Aujourd’hui,il y a plusd’un milliard d’abonnés à la 3G

dans le monde. Ils seront 2,8 milliardsen 2014. Tous bénéficient d'un accèspersonnalisé et permanent à leurs appli-cations internet grâce à des terminauxconnectés, intelligents et « conscientsde leurs environnements ». L’internetdevient mobile, et on observe uneaugmentation exponentielle des débitset du trafic de données.

Qualcomm accompagne l’avène-ment de cet internet mobile en investis-sant une part importante de sesrevenus – environ 20% du chiffre d’affaires par an – dans l’innovationafin de favoriser les grandes évolutionstechnologiques dans les réseaux, lesterminaux et les services.

Fréquences harmoniséesL’évolution des réseaux mobiles vers

le HSPA+, le LTE et le LTE-Advancedpermettra d’augmenter leur capacité,d’améliorer les débits et de fiabiliser la

qualité des services. Qualcommconcourt à l’émergence rapide de cestechnologies à travers sa participationaux travaux de standardisation du 3GPPet grâce à sa position de leader dans lafourniture de puces 3G HSPA+ et multi-modes HSPA+/LTE qui permettront auxutilisateurs de profiter d’une couverturehaut débit mobile sans couture.

La mise à disposition de bandes defréquences nouvelles et harmoniséesest l’un des éléments clés de ces évolu-tions technologiques, conduisant auxinvestissements et aux économiesd’échelle. Nous contribuons activementaux travaux des instances internatio-nales (UIT-R) et européennes (CEPT)menant à l’allocation de spectre addi-tionnel aux services mobiles et à l’adop-tion harmonisée de canalisationsoptimales pour un usage efficace desfréquences et pour l’émergence et laconcurrence des standards. Les bandes800 MHz et 2,6 GHz en sont des exem-ples récents. La réutilisation des bandesde fréquences dites 2G par la 3G esttout aussi cruciale afin d’accompagnerla montée en débit, augmenter la capa-cité voix et données des réseaux etatteindre une couverture haut débitmobile universelle. A ce titre, l’en-semble des puces 3G UMTS deQualcomm supportent aujourd’hui labande 900 MHz, favorisant ainsi la

disponibilité d’une multitude de termi-naux 3G/UMTS900 en Europe. Untravail équivalent est entrepris sur labande 1800 MHz pour permettre ladisponibilité, début 2011, de terminaux3G/UMTS1800.

L’amélioration significative de lacapacité des réseaux mobiles et l’offrede services uniformes aux utilisateursen tous lieux nécessiteront égalementle développement d’architecturesnouvelles de réseaux radio basées surla densification à l’aide de femtocellules, l’organisation automatique,l’accès intelligent au spectre, la gestiondes interférences, l’utilisation descommunications de pair à pair et deliaisons mobiles descendantes asymé-triques à l’aide de fréquences nonappairées, ainsi que l’intégration desRLAN sur les puces 3G. Un effortcontinu de recherche et développe-ment est en cours dans l’ensemble deces domaines.

Terminaux variésL’évolution des terminaux s’oriente

vers une convergence accrue entre lacommunication, le contenu, l’électro-nique grand public et l’internet desobjets, avec l’apparition de terminauxtrès variés, des smartphones, smart-books, livres numériques, périphériquesmédicaux, véhicules… Ces terminaux

seront connectables à des réseauxd’accès divers qu’ils sauront sélec-tionner en fonction des critères dequalité des services demandés, de ladisponibilité des différents réseauxd’accès et du type de souscription auxservices. Dans ce domaine, nos effortsd’innovation portent sur plusieurs axes,avec, par exemple, la mise à dispositionde composants mobiles combinant desperformances de traitement et deconsommation d’énergie, et le déve-loppement d’écrans à faible consom-mation utilisant la réflexion de lalumière pour créer des interférencesentre des longueurs d'ondes spéci-fiques afin de générer de la couleur,similaire au phénomène qui confèreaux ailes des papillons leurs couleurs.

Ces évolutions technologiquesseront nécessaires afin de pérenniser ledéveloppement d’un internet mobilede qualité, dont l’atout majeurdemeure toutefois le potentiel qu’ilprocure à la société par l’accès universelaux services aussi bien à caractèrecommerciaux que sociétaux (santé,éducation, sécurité, développementdurable, etc.), auxquels Qualcommcontribue à travers de nombreux déve-loppements, comme par exemple dansla gestion de la santé sans fil, les trans-ports ou les smartgrids. �

www.qualcomm.fr

Accompagner l’avènement de l’internet mobile

Un zettaoctet correspond à la capa-cité de stockage de 250 milliards

de DVD (soit 1000 milliards de gigaoc-tets). Ainsi, Cisco prévoit qu’en 2013 letrafic écoulé sur internet augmenterachaque mois d’une quantité égale autrafic écoulé pendant toute l’année2008. A ce rythme, le trafic écoulé en2014 devrait avoisiner trois quart de

zettaoctet, soit quatre fois plus qu’en2009. Le trafic mensuel en 2014 seraéquivalent à 32 millions de personnesvisualisant simultanément le film Avataren 3D, et ce en continu pendant tout lemois !

Les contenus vidéo devraient générerd’ici quelques mois un trafic plus impor-tant que les échanges peer to peer et

représenter en 2014 plus de la moitié dutrafic total. L’explosion du trafic vidéos’explique par l’adoption toujours pluslarge des services de vidéo via les accèsinternet et par l’amélioration de laqualité de ces flux. Mais également parla diversification des applications vidéos,comme les services de vidéosurveillancequi consomment en permanence des

débits importants. Ces applications demachine à machine pourraient repré-senter à terme un trafic plus importantque les vidéos vues par les utilisateurs !

Cette croissance des usages suitglobalement une progression exponen-tielle mais reste difficile à appréhendersur chacun des types de réseaux. Ciscoremarque ainsi que la croissance du

Explosion du trafic IP : le zettaoctet est en vue !

Dossier

26� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Page 27: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

métiers des équipementiers télécoms. Comment réagissent-ils à ces nouveaux défis ? et de Nokia Siemens Networks.

trafic de données sur les réseaux mobilesdépasse une simple croissance «orga-nique », à cause des utilisateurs qui trans-posent leurs usages fixes au mobile. Ainsi,le trafic doublera chaque année sur lesréseaux mobiles, alors qu’il n’augmentera« que » de 34% par an en moyenne surl’ensemble des réseaux.

Les prévisions de croissance doivent

également être revues régulièrementavec la prolifération de nouveaux termi-naux comme les TV connectées qui pour-raient capter 10% du trafic internet en2014. Quant à la proportion des fluxfaisant l’objet de techniques de priorisa-tion (IPTV par exemple), elle devrait resterconstante les prochaines années avecenviron 20% du trafic total. �

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �27

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

� Pourquoi la capacitéréseau est-elleactuellement au centre despréoccupations ?Avec l’adoption massive desmartphones et de modems 3G,Nokia Siemens Networks prévoitque le trafic des donnéesaugmentera de plus de 100 foisdans le monde d’ici 2015. Lesopérateurs doivent repenser leursréseaux pour maintenir leurrentabilité et garantir à leursclients les performances exigéespar ces services de données.

� Quelles sont lesstratégies que lesopérateurs peuvent mettreen œuvre pour atteindreces objectifs ?D'après l'étude que nous avonsréalisée (1), les opérateurs peuventoffrir de manière rentable 5 Gode données par mois à chacunde leurs abonnés en déployanten particulier les technologiesradio HSPA et LTE dans les sitesexistants et en utilisant le spectresur plusieurs bandes de

fréquence. Nous avonsconstaté que 20 % des individusutilisent plus de 80 % de labande passante. Si vous ajoutezà cela la répartition inégale dutrafic dans le réseau, vouscomprenez que l'équilibrage dutrafic peut également constituerune stratégie très efficace. Ainsi,la capacité radio peut êtreoptimisée par le déploiement desites supplémentaires dans despoints d'accès en forte charge,l'utilisation de configurationsradio à six secteurs au lieu desinstallations tri-sectoriellesclassiques, l'application de laqualité de service différenciée, etle délestage du trafic dans leszones densément peuplées. Cetype de programmed’optimisation menéconjointement par NokiaSiemens Networks et O2 UK arécemment reçu un prixd’innovation lors de laconférence Global TelecomsBusiness (GTB) à Londres (2).Par ailleurs, un smartphone

génère une activité significativede signalisation qui entraîne

une consommation d’énergieaccrue pour le terminal et uneforte charge sur les réseaux.Grâce à nos solutions innovantes,nos clients opérateurs ont lesmoyens de gérer sereinement cephénomène. Ainsi, une récenteétude de Signal Aheads aconfirmé que notre solutionpermet d’allonger l’autonomiedes batteries de plus de 30%.

� La virtualisationreprésente un autre défimajeur pour lesopérateurs. Commentpeuvent-ils tirer parti deleur position unique pourrendre l'accès à internetplus sécurisé ? Dans l'internet, aucun individun'a une identité unique. Chacuna ce qu'on appelle un "digitalself", ou "soi virtuel". Cettenotion fait référence à la sommede toutes les informationspersonnelles etcomportementales fragmentées

que les utilisateurs fournissent àchaque fois qu'ils se connectentà un site web ou utilisent untéléphone mobile. Parce qu'ils sont le principalpoint d'accès à internet, lesopérateurs sont idéalementpositionnés pour garantir laconfidentialité de chacun sur le web. Tout en assurant laprotection contre l’usurpationd'identité, les opérateurspeuvent simplifier l'expérienceclient et offrir une gamme deservices personnalisés. Parexemple, l’opérateur peutproposer un service qui évite letracas des identifications àrépétition sur le web. Nokia Siemens Networks etMovistar Argentine ont étéprimés pour cette approche lorsde la conférence GTB àLondres. (3) �

www.nokiasiemensnetworks.com

(1) Etude disponible surwww.nokiasiemensnetworks.com/sites/default/files/document/Mobile_broadband_A4_26041.pdf(2) Détails disponibles surwww.nokiasiemensnetworks.com/news-events/press-room/press-releases/upgrade-for-o2-delivers-superior-smartphone-experience-in-lond(3) Détails disponibles surwww.nokiasiemensnetworks.com/news-events/press-room/press-releases/movistar-argentina-and-nokia-siemens-networks-win-global-telec

Interview de Annie Blanche, présidente de Nokia Siemens Networks France

Evolutions disruptives dans les télécommunications :enjeux et opportunités

Croissance du trafic sur internet IPTV et autres services exclus

Source : CISCO, VNI 2010

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Dossier

28� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Modèles économiquesApple a « inventé » un modèle économique innovant, l’Appstore. Il s’agit en réalité de l’adaptation de la fonction la Californie presque trente ans plus tard, fit aussi un détour par le Japon où il fut transposé par NTT sous le nom d’i-

Depuis ledébut de

l’année, Nokiapro pose uneappli cation (1)

qui permet,sur une quin-

zaine de sessmartphones, la

navigation gratuite dans 77 pays en46 langues et avec une cartographiede 180 pays. Cette application aremporté un grand succès puisqueplus de 10 millions de personnes ontutilisé la fonctionnalité GPS. La loca-

lisation de l’utilisateur se fait rapide-ment grâce aux satellites GPS, auréseau mobile par triangulation maisaussi en WiFi. Les applications déve-loppées permettent, par exemple,de connaître en deux clics les heuresd’ouverture des musées, les hôtelsdisponibles… et de lancer la naviga-tion piétonne ou routière vers celieu.

Localisation des amis…Avec les réseaux sociaux qui échan-gent les informations et statutsautorisés par l’utilisateur, les smart-

phones sont aussi capables de visua-liser sur une carte la position précisede nos amis et de rentrer en contactavec eux… même dans un centrecommercial souterrain grâce aupositionnement wifi.

Publicité cibléeDisposant de nos informationscontextuelles (lieu, heure, statuts…),les publicitaires vont pouvoirenvoyer vers notre mobile desmessages très ciblés… par exemple,un fast food situé à 50 m du lieu oùnous sommes pourra nous envoyer

vers midi une promotion pour undeuxième hamburger gratuit…Que l’on clique sur un tag, uneaffiche ou que l’on prenne unephoto, plus besoin de longuesrecherches sur le web ! L’intégrationdu carnet d’adresses et de l’agendaseront très vite réalisés et il sera doncfacile de suivre la vie numérique denos contacts… A chacun de bienpréserver son intimité en paramé-trant correctement son mobile. �

(1) Ovi Carteswww.nokia.com

par Xavier des Horts, directeur de la communication et des affaires publiques - Nokia France

Au-delà de la simple localisation

par Henri Verdier, directeur du Think Tank de l’Institut Télécom, membre du comité de prospective de l’ARCEP

C’est peut-être l’aspect le plusimpressionnant de la bataillenumérique en cours, véritable

guerre de mouvement entre géants : lamanière dont les chaînes de valeurtraditionnelles sont brouillées, démem-brées, et restructurées avec un extraor-dinaire degré de sophistication. Cemouvement radical pose aujourd’huiune énigme stratégique à des secteurséconomiques entiers, et ne manquerapas de poser prochainement des ques-tions fort complexes au régulateur.

Success storyPour se limiter à un exemple, Apple,

en quatre ans à peine, est passé dustade de géant de l’électronique grandpublic, avec une gamme de produitsextrêmement créatifs, alliant musique,photo, vidéo et téléphone, à celui d’ac-teur central de la distribution de

musique numérique ou de la vidéo à lademande, imposant même le partagede revenus aux opérateurs télépho-niques. Dans les mois qui viennent, legéant de Cupertino devrait en outres’installer comme acteur central de ladistribution d’une offre de pressenumérisée (via l’iPad), avec sa proprerégie publicitaire (iAd), tout en interve-nant sur le prochain standard d’HTML,et en menant la bataille avec Google,Microsoft ou encore Adobe.

Le plus intéressant dans cettesuccess story est qu’elle est fondée surune stratégie absolument non conven-tionnelle, qui est passée par une redéfi-nition complète de la chaîne de valeur.

Au fond, les industries culturelles,comme le livre ou la musique, se sontconstruites autour d'une chaîne devaleurs assez simple et linéaire, lerevenu dégagé par la vente au clientfinal étant réparti en cascade entreauteur, éditeur (ou producteur), diffu-seur, distributeur et vendeur final. Lesarbitrages au sein de la filière sejouaient à somme nulle, chacuntentant d’optimiser sa position tout enpréservant la viabilité de la filière.L’intervention publique, assez rare, a

consisté à protéger les vendeurs (d’oùle prix unique du livre par exemple) ouà empêcher les positions de monopolesur l’une des étapes de cette chaîne.

Pomme d’or ou empoisonnée ?Tout détenteur d'un iPhone

(comme d’un Kindle, d'un iPad, d'uniPod, d'un téléphone Androïd) auraexpérimenté à quel point la question adésormais changé. L'acquisition d'uni-Phone, par exemple, plonge l’utilisa-teur dans un univers mêlant intime-ment un terminal de qualitéexceptionnelle, une solution de télé-communication élégante, un vastecatalogue de ressources numérisées,un moteur de recommandation, unsystème plaisant et sécurisé de paie-ment sur i-Tunes, un traitement effi-cace et inspirant confiance desdonnées personnelles, etc. Au fond, iln’y a plus une "chaîne de valeurs" maisune grande plate-forme entièrementpensée autour de l'expérience de l’uti-lisateur, où la valeur d'ensemble estdifficile à segmenter. Le coeur de l’offred’Apple, c’est i-Tunes.

Ce système bouleverse tous lesprincipes de l'ancien modèle écono-

mique :- la qualité, la continuité et la fluidité de

l'expérience utilisateur sont au centrede la stratégie ;

- le droit d'auteur n'est pas la seulesource de valeur du système : descomposantes de technologie oumême de service y sont incorporées ;

- les sources de revenus sont multiples ;- le design des services et des objets

prend une place prépondérante ;- le jeu entre les différents acteurs n'est

pas forcément à somme nulle ;- l'opérateur central autorise de très

nombreuses stratégies au sein de sonécosystème, il en stimule la créativitémais il capte une part importante dela valeur créée et peut influencerprofondément l’évolution de sonécosystème ;

- les acteurs de taille artisanale essen-tiels au système, ne peuvent espérer yprospérer durablement.

Cette stratégie, commune à tousles géants émergents de la SiliconValley, fait entrer la compétition écono-mique dans un ordre nouveau, quiappellera sans aucun doute denouveaux instruments d’analyse et derégulation. �

Apple impose son modèle

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LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �29

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

kiosque inventée en France dans les années 80 par l’administration des télécommunications avec le Minitel qui, avant mode. D’autres équipementiers, tels Nokia avec Ovi, développent eux aussi des plates-formes d’intermédiation. Explications.

Le début des années 1980 a étémarqué par l’avènement duvidéotex. Il s’agissait de la

première combinaison des télécom-munications et de l’informatique pouroffrir des services télématiques, motcréé dans un célèbre rapport de 1978dit Nora–Minc du nom des coauteurs.Le concept était d’afficher sur unécran vidéo des textes stockés sur desordinateurs et obtenus par consulta-tion à travers le réseau téléphonique.A cette époque, les écrans platsétaient encore des objets de labora-toire, les ordinateurs portables aussi.Le seul réseau à grande pénétrationétait le téléphone avec des débits de64 kbit/s. D’énormes calculateurs etles premiers mini-ordinateurs consti-tuaient les serveurs informatiques…

Le Minitel, un succès français…

Plusieurs pays se sont lancés dansl’aventure, mais c’est en France queles services télématiques ontrencontré le plus de succès auprèsdu grand public avec plusieursmillions de terminaux Minitel distri-bués et surtout auprès des profes-sionnels avec plus de vingt millefournisseurs de services Télételcouvrant un très vaste domaine decontenus et d’applications.

Les raisons du succès français sontmultiples. La première a été la déci-sion de la Direction Générale desTélécommunications (1) (DGT) deremplacer l’annuaire papier par l’an-nuaire électronique et, à ce titre, dedistribuer les terminaux Minitel gratui-tement. La seconde fut que le Minitel,dans sa rusticité (un écran cathodiquenoir et blanc et un clavier), étaitd’usage facile. Un numéro (3611,3615…), une connexion, un nom de

service, un envoi et l’utilisateur obte-nait instantanément le service. Tempsbien plus court qu’aujourd’hui avecinternet, en particulier si l’on partd’un micro-ordinateur éteint. La troi-sième raison a été la décision de laDGT de ne pas intervenir dans la créa-tion, l’hébergement et la fourniturede services autres que l’annuaire. Lesservices étaient conçus et mis en lignepar chaque profession. L’opérateur,quant à lui, établissait des partenariatspour aider les fournisseurs à seconnecter au point d’accès et à établirle dialogue avec le réseau et leMinitel.

… dû à l’invention du système kiosque

Mais ce qui a été déterminantdans la multiplication des servicesTélétel a été l’introduction de lafonction kiosque. L’ouverture desservices au public s’est faite enplusieurs étapes. Le service d’an-nuaire téléphonique a d’abord ététesté opérationnellement enBretagne, puis étendu progressive-ment à la France entière. Lesservices d’applications et decontenus en ligne, ont fait l’objetd’un test grandeur nature deplusieurs mois à Vélizy. Les utilisa-teurs étaient des abonnés au télé-phone. Ainsi, chaque fournisseur apu observer les réactions aux proto-types de ses services et améliorer leslogiciels et ergonomies d’usage.

Au moment de passer à la phasede généralisation opérationnelle s’estimmédiatement posée la question dela rémunération des services. Pourcertains d’entre eux, non seulementle service Télétel était un coût, mais ildéstabilisait une version papier (parexemple, pour un magazine de télé-

vision), ou un guide des spectacles(en diminuant les ventes au numéroet les recettes publicitaires). Ainsi,l’extension opérationnelle passaitobligatoirement par la rémunérationdes services télématiques. La DGT futchargée de trouver une solution ennégociant avec les principaux fournis-seurs qui s’étaient impliqués à Vélizy.De ces négociations est sorti le prin-cipe de la « fonction kiosque » (paranalogie avec la presse dans leskiosques à journaux) : 1/ les presta-tions des fournisseurs de services leurseraient payées directement parFrance Télécom au vu de leur traficmesuré au point d’accès sur le réseautéléphonique de leur centre serveur ;2/ France Télécom facturerait etrecouvrerait sur sa facture télépho-nique les sommes dues par lesabonnés.

La fixation du tarif donna lieu àd’âpres discussions entre ceux quivoulaient commercialiser desservices chers et ceux qui optaientpour des prestations simples, bonmarché. Dans le calme d’un moisd’août sortit l’annonce d’un numérounique et d’un tarif unique : le 3615à 80 francs l’heure (60 pour le four-nisseur de service, 20 pour FranceTélécom). L’opérateur était rémunérépour le transport, mais aussi pour lesrisques d’impayés. Couper le télé-phone pour non paiement d’unservice annexe pose des problèmesde service public. Ce faisant, FranceTélécom devenait un tiers payantentre consommateurs et fournis-seurs de services ; il exerçait des acti-vités d’intermédiaire financier, ce quin’a pas manqué de créer des conflitsavec le monde bancaire et a néces-sité des arbitrages aux plus hautsniveaux ministériels.

Par la suite, de nouveaux palierstarifaires ont été introduits avec desnuméros d’accès assortis. Ils ontparfois conduit à des abus comme ledénoncent actuellement les consom-mateurs pour certains numéros télé-phoniques surtaxés.

Du kiosque à l’AppstoreMais sans la fonction kiosque, les

services Télétel n’auraient jamaisconnu le succès qu’ils ont eus. Denombreux fournisseurs de servicesse sont créés et initiés aux servicesen ligne et ont par la suite pu offrirplus facilement leurs prestations surle web. Car la rémunération descréateurs de services en ligne estvitale pour leur développement. Cemécanisme de kiosque a inspiré lejaponais NTT DoCoMo avec sonservice i-mode et maintenant Apple- qui joue le rôle d’intermédiairefinancier pour ses fournisseurs d’ap-plications - avec son Appstore. Lamise en place des boutiques d’appli-cations comme l’Appstore montrebien que de nombreux fournisseursde contenus et d’applications sontencore incapables de se faire payerdirectement, une situation quiperdurera tant qu’il n’y aura pas unsystème de paiement électroniqueadapté à des transactions de trèsfaible valeur unitaire. �

(1) La DGT (Direction Générale des Télécommu-nications) était le nom que portait France Télécom à l’époque, alors qu’il était encoreune administration, l’une des deux direc-tions générales du ministère des PTT.

Télétel et la fonction kiosque, un modèleéconomique qui a brillamment fait florèspar Michel Feneyrol, consultant, ancien membre de l’ARCEP, conseiller télécoms au cabinet du ministre

des PTT dans les années 80

Page 30: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

MusiqueLe marché de la musique sur support physique connait actuellement la plus grave crise de son histoire et de nouveaux modèles apparaissent, remodelant complétement le marché. Vers une sortie de crise ?

� Pourquoi avez-vous choisiMySpace pour démarrer ?C’était en fait assez instinctif pour moi.J’avais 15 ans et il y avait déjàlongtemps que je voulais faire de lamusique. Alors, j’ai enregistré meschansons avec un petit enregistreur etje les ai mises sur MySpace. En fait,internet est un bon moyen de partager

de lamusiqueengardantunecertainepudeur.Quand ondébute, il

n’est pas facile de faire écouter seschansons. Sur internet, on est seuldevant son ordinateur en train deposter sa chanson, on a moins peurde se livrer. C’est un peu paradoxal :

internet vous expose très largementet, en même temps, l’approche estplus douce...

� Des internautes produisent voschansons ; comment ça marche ?C'est comme un label classique saufque tout se passe sur internet et queles fonds ne proviennent pas demaisons de disques maisd'internautes, c'est-à-dire des gensqui vont écouter les chansons et qui,s'ils les aiment, pourront investir de10 à 1000 euros. Il faut 100 000 euros pour produireun album physique. Cela permet defaire un enregistrement professionnel,des clips, des photos, de lapromotion, etc. Les gens qui misentont un vrai statut de producteur avecdes choix à faire pour la pochette del'album, des titres sur l'album, etc. Lesdécisions se prennent par vote. En

fonction de leur mise et des ventesréalisées, ils gagnent de l'argent.Aujourd’hui, j’ai 486 producteurs.

� Avec ce mode de production,gagnez-vous votre vie ?Le système est très avantageux. AvecMy Major Company, le pourcentageque touche l'artiste sur les ventes estle double des labels classiques, c'est-à-dire environ 10% à 12 %. Quandon est auteur-compositeur, on toucheaussi les droits d'auteur sur lespassages radio, mais c'estindépendant. Mon album est sorti trop récemmentpour donner tout son potentiel mais jesais que mes producteurs ont déjàretouché leur mise : pour 20 euros, ilsont déjà repris 23. Ca fait déjà un petitgain.... Les producteurs de Grégoire*,qui a fait un très gros carton en 2009avec My Major Company, ont touché

10 fois leur mise. Avec 1000 euros,vous en gagniez 70 000… C’est unmodèle viable, ludique et avantageuxpour tout le monde. Et surtout, c'est lepublic qui dit ce qu’il aime, et leproduit : c'est génial !

� Ce mode de productioninfluence-t-il votre travail ?Il ne l'influence pas au sens où je nevais pas me transformer en une autrechanteuse. En revanche, je recueillebeaucoup de conseils - et parfois descritiques - dont je peux tenir compte,mais dans l’ensemble, tout ce feedback reste très bienveillant car ceuxqui misent sur moi aiment mes chan-sons. Quoi de plus rassurant pour uneartiste !* Le chanteur Grégoire est le premier artisteproduit par un web-label.

L’album de Joyce Jonathan, disque d’or 2010,est sur www.mymajorcompany.com/joycejonathan et http://fr.myspace.com/joycejonathan

Dossier

30� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Deezer, c’estl ’histoired’un site

« réinventeur » de musique derrièrelequel se cachent ses jeunes fonda-teurs Daniel Marhely et JonathanBenassaya. Après avoir lancé unpremier site d’écoute de musiquenommé Blogmusik (fermé volontaire-ment en plein trouble du marchémusical), ils décident de mettre enplace leur business model en négo-ciant avec les principaux ayants droits.

Pour la première fois, un accord estsigné avec les sociétés de droits d’au-teurs SACEM et SESAM le 22 août2007. A cette même date, le premiersite français d’écoute de musiquegratuit, illimité et légal est lancé. Leconcept est simple : proposer enécoute, gratuitement, librement etlégalement toutes les musiques.Parallèlement, il s’agit de rémunérerles artistes et l’ensemble des ayantsdroits en partageant les revenus publi-citaires. Moins de deux ans après sacréation, Deezer dispose des cata-logues des quatre majors (Sony,Universal, Warner, Emi) et de 1000labels indépendants.

7 millions de titresRapidement, Deezer accroit son

offre, son audience et ses revenuspublicitaires… Grâce à son catalogue

de 7 millions de titres, Deezerdispose aujourd’hui de l’offre la plusriche du marché. Parallèlement, lesite a su développer un réseaucommunautaire qui est passé de600.000 membres à sa création àplus de 13 millions. Avec uneaudience de 7 millions de visiteursuniques mensuels couvrant les prin-cipales tranches d’âge, Deezerdispose d’une régie publicitairepermettant de proposer des solu-tions efficaces et adaptées auxannonceurs.

Abonnement et mobilitéDans sa première phase de déve-

loppement, Deezer a su faire face à larévolution numérique. Aujourd’hui, lesite mise sur la mobilité. En novembre2009, Deezer lance les offres d’abon-nement Deezer Premium permettant

d’accéder à toute l’offre Deezer surles mobiles ou d’autres supportscomme les chaines IP, et ce en horsconnexion, en haute qualité et sanspublicité. Deezer mise sur 100.000abonnés d’ici la fin de l’année.

Depuis l’année 2007, Deezer aconnu une croissance spectaculairede son chiffre d’affaires pour atteindreenviron 6 millions d’€ en 2009 et viseun chiffre d’affaires de 15 millions d’€en 2010. Le groupe emploie actuelle-ment une cinquantaine de salariés.Outre la masse salariale, les princi-pales sources de coûts sont lesmontants reversés aux ayant droits etla bande passante. Avec un chiffred’affaires multiplié par vingt en deuxans, Deezer a été élue la 4ème entre-prise en plus forte croissance dans lesecteur des médias digitaux enEurope sur la période 2007-2009. �

Et Deezer inventa le streaming légalpar Axel Dauchez, directeur général de Deezer

Joyce Jonathan, 486 internautes producteurs, 1 disque d’or

Page 31: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

la musique numérique émerge encore difficilement. Pourtant, tant dans la distribution que dans la production,

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �31

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

Le marché de la musique enre-gistrée, devenu dominant dansle dernier quart du XXe siècle,

retrouve – brutalement – la part plusmodeste dans l’ensemble de l’éco-nomie de la musique qu’il connaissaitavant son industrialisation, faited’une concentration régulière de laproduction jusqu’en 2000. Durant ladécennie Napster, avec la générationMP3, numérique et internet ontlargement contribué à l’écroulementdu marché physique (887,1 M€ TTCen 2009 contre 1953.4 en 2003), àsa transformation, mais aussi àl’émergence encore difficile d’unnouveau segment : la musiquenumérique (73,5 M€ TTC en 2009hors streaming et sonneries musi-cales).

Les années numériques ontcontribué à l’inversion des poidsrespectifs des acteurs de la distribu-tion comme de la production.Auparavant, le canal des GSA(Grandes Surfaces Alimentaires) étaitdevenu dominant tandis que la quasidisparition du réseau de disquairess’achevait à la fin des années 80.Depuis une décennie, le canal desGSS (Grandes Surfaces spécialisées)n’a pas cessé de progressé (53,8%des ventes en volume du marché duCD audio en 2008), mais demeurefragile et peu rentable, sans bénéfi-cier d’un véritable ressort de crois-sance à travers le commerce en lignede supports physiques (Fnac,Alapage, Amazon, Abeille musique,etc.) qui ne réalise que 6,4% deventes en ligne de supports et neprogresse plus. Parallèlement à l’in-version de la structure de distribu-tion, la part des majors dans le totaldu chiffre d’affaires, qui avait atteint

un sommet au début des années2000 et reposait sur des concentra-tions successives, connaît uneérosion régulière, glissant de 86.4%à 73,6% en 2009. La crise est biencelle des supports, les nouveauxsupports DVD audio n’ayant purelayer l’effondrement du CD et levinyle ne connaissant qu’un retourultra minoritaire (1).

Une demande numériquecroissante…

Apparent paradoxe, jamais lamusique n’a constitué à ce point unepratique culturelle massive et régu-lière. Depuis les années 60, chaquenouvelle génération s’est mise àécouter de la musique de façon régu-lière et n’a guère cessé depuis. Lamontée en puissance de l’industriedu disque jusqu’en 2000, l’essor desradios musicales des années 80 et 90,désormais achevés, ont répondu àcette mutation des pratiques (2). Ladématérialisation numérique, l’accèsen temps réel à des masses inégaléeset inédites de fichiers musicauxnumériques – biens non rivauxtypiques – ont porté la fin du support,fait éclaté l’unité du format CD ouDVD, accusé les caractères del’écoute musicale comme pratiquesecondaire, voire tertiaire, commevecteur de sociabilités et d’identités.

… mais un décollage tardif de la musique en ligne…

Dans ce contexte sociotechnique,la formation de modèles écono-miques de la musique en ligne, enparticulier en France, est restée diffi-cile et erratique. Comme les médiasclassiques, la musique en ligne adéployé deux types de modèles

économiques : un modèle payant etun modèle gratuit. D’abord, le longprivilège accordé aux seuls modèlesde ventes unitaires mais complexes ad’abord prévalu. Sur le modèle dePressplay et Musicnet, créés par lesmajors en 2000, il s’est caractérisépar un approvisionnement lent desnouvelles plates-formes (Virgin-music, Fnac…), une faible acceptabi-lité des DRMs, des gammes de prixmal ajustées, etc., à l’exception dusegment des sonneries pour télé-phonie mobile qui a été porteuravant 2010, mais ne représente que12,5 M€ TTC et 16,4% du chiffred’affaires des marchés numériquesen France (3).

Il aura fallu la plate-forme iTunescouplé avec les IPod, le prix psycho-logique de 0,99 euro l’achat en unclic pour que le modèle de la venteunitaire de musique en ligne s’ins-talle en dépit des réseaux peer topeer et place Apple en positiondominante. Parallèlement, unmodèle gratuit s’est progressive-ment installé et diversifié en concur-rence avec celui des radios et leurplaylist. Depuis 1998, avecMP3.com ou eMusic, jusqu’auxactuels Deezer, Spotify, etc., ilrepose sur un accès illimité à lamusique en ligne en streaming surfinancement publicitaire et déve-loppe des fonctionnalités deréseaux, prescriptions, la recherched’effet « Long tail », etc (4).

… aux modèlesencore incertains

A la croisée des deux modèles,l’abonnement à l’accès illimité appa-raît comme une perspective commer-ciale d’avenir. Proposé d’abord par

Yahoo, il combinedépense assez faiblepour le consommateurmais régulière pour lafilière musicale en amont, libertéd’accès et d’écoute et correspond aupartage tendanciel des dépenses desménages entre biens culturels ettechnologies d’accès. Transparencedu paiement, continuité fixe/mobiledu service musical, la segmentationmarketing appropriée aux usages etaux ménages, la qualité de prescrip-tion, etc. semblent être les nouvellesfrontières d’une sortie de crise quiaura remodelé et rouvert les marchésde la musique et sa variété encoreincertaine de modèles économiquesentre radio, achat et location (6). �

(1) Observatoire de la musique, Les marchés dela musique enregistrée : rapport annuel2009, 2010.

(2) Olivier Donnat, Pratiques culturelles des Fran-çais à l’ère numérique, Enquête 2008, La Dé-couverte, ministère de la Culture et de laCommunication, 2009.

(3) Observatoire de la musique, Etat des lieux del’offre de musique numérique au 2e semestre2009, 2010.

(4) Observatoire de la musique, Les sites destreaming musical, 2009.

(5) Chantal Lacroix, Les dépenses de consomma-tion des ménages en biens et services cultu-rels et télécommunications, Culture Chiffres2009-2 (8 p), Département des Etudes, de laprospective et des statistiques, mars 2009.

(6) Marc Bourreau, Michel Gensollen, FrançoisMoreau, Musique enregistrée et numérique :quels scénarios d'évolution de la filière ?,Culture Prospective 2007-1 (p. 16, avril2007) Département des Etudes, de la pros-pective et des statistiques.

Economie de la musique numérique en France : crise et crisespar Philippe Chantepie, chef du département des études, de la prospective et des statistiques

au ministère de la culture et de la communication, professeur associé à Paris II

Page 32: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Cinéma et audiovisuelEn changeant la relation du public à l'oeuvre, les réseaux haut et très haut débit bouleversent les modesémergent, qui devront, quoi qu'il arrive, contribuer au financement de la création. La vision du Centre

par Guillaume Blanchot, directeur du multimédia et des industries techniques au Centre national de la cinématographie

AlloCiné : un cas d’école par Claude Esclatine, président du groupe AlloCiné

Le dévelop-p e m e n t

rapide de l’internet haut débit, etdésormais très haut débit, a ouvert denouvelles perspectives à la diffusiondes films et au rapport du public aucinéma. Ces réseaux permettent detransporter des fichiers pour alimenterles serveurs et les projecteurs numé-riques qui ont déjà remplacé lesprojecteurs de films sur pellicule dansprès d’une salle sur cinq en France. Ilspermettent également de réunir descommunautés d’internautes autourde services très variés, allant de laparticipation au financement de la production ou de la distribution

de films (« crowdfunding ») à laprogrammation de séances en salle,en passant par des sites de recom-mandation ou de partage d’extraitsde films. Les réseaux renouvellentainsi les pratiques cinéphiliques, sanspour autant dévaloriser la salle decinéma qui demeure, dans la culturefrançaise, le lieu qui donne naissanceau film.

Enorme potentielAussi et surtout, ces réseaux

offrent désormais un potentielénorme d’exploitation secondaire desœuvres de cinéma et, par là-même,d’accès du citoyen au patrimoinecinématographique. Près de 5 000films sont en effet disponibles envidéo à la demande (VAD) en France,sur plus d’une cinquantaine deservices accessibles alternativementou cumulativement sur ordinateurpersonnel, sur TVoIP, sur consoles dejeux, sur appareils mobiles et, désor-mais, sur les téléviseurs connectés. Le

marché de la VAD payante de cinémareprésente un chiffre d’affaires nonnégligeable, qui enregistre un taux decroissance annuel important. Lapénétration croissante du très hautdébit va permettre d’élargir l’offre defilms en haute définition sur lesnouveaux réseaux et donnera lapossibilité, dans un avenir proche, demettre à disposition des œuvres en3D relief. De premières annonces enont été faites récemment par desopérateurs du marché.

De même, les offres de films en« télévision de rattrapage » se sontdéveloppées chez les opérateurs detélévision payante. Leurs abonnés nesont donc plus contraints par lesgrilles de programme et peuvent voirou revoir les films à la demande dansun délai limité après leur diffusiontélévisuelle.

Système vertueuxLe monde du cinéma et celui

des réseaux numériques ont ainsi

réussi à nouer des relations fruc-tueuses, même si toutes lesconséquences du bouleversementdes modes de diffusion desœuvres sur le financement de laproduction n’ont pas encore ététirées. Celui-ci repose en effetessentiellement sur un système depréfinancement des films par lesopérateurs qui les diffusent, aupremier titre desquels les chaînesde télévision.

Un projet de décret est actuel-lement en cours de rédaction, quifixera les modalités de contribu-tion des services à la demande aufinancement et à l’exposition de lacréation cinématographique fran-çaise et européenne. Il s’agit biende transposer et d’adapter à cesservices le système vertueux misen place il y a plus de vingt anspour les chaînes de télévision,sans déstabiliser le modèle écono-mique de ces dernières. �

www.cnc.fr

P ar sonhistoire

et celle de ses équipes successives,confrontées aux innovations techno-logiques et aux accélérations dumarché, AlloCiné pourrait être un« business case » de grande école degestion.

1993 : création autour d’unservice novateur d’infos par télé-phone sur les films à l’affiche, les

horaires et la réservation. Résultat :leader sur son marché en 3 ans !Entre 1998 et 2002, la chenilledevient papillon et s’envole versl’Internet tandis que la majorité desautres éditeurs restent sceptiques etconformistes. Résultat : leader dansl’internet-cinéma dès 2003 !Troisième étape : à partir de 2008,investissements à pas cadencés surl’ensemble des supports numé-riques, connus ou émergents (sallesnumériques, smartphones, tablettes,plate-formes ADSL et plate-formescommunautaires, bientôt les TVconnectées). « Matricé » avec unerapide expansion internationale, enEurope d’abord, puis en Russie,Turquie, Chine et bientôt le Brésil,

l’objectif est de bâtir un groupemulti-contenus, multi-supports,multi-pays, multilingue.

Martingale gagnante Toutes les tendances de fond de la

révolution numérique se sont avérées,au fil du temps, comme autantd’atouts pour le modèle économiqued’AlloCiné : croissance exponentielledu besoin en data (textes, photos,sons, extraits, bandes-annonces) pouralimenter la passion du public pour le7e art (à ce jour, 14 milliards de datatraduites en 4 langues !) ; marché ducinéma florissant (70 % de la popula-tion fréquente le cinéma en France et8 % de croissance mondiale en2009) ; un public immense d’ama-

teurs et de cinéphiles, auto-produc-teur de contenus (plusieurs dizainesde millions de « contributions »annuelles) ; un secteur qui mécon-nait les crises, voire s’en nourrit avecgourmandise ; une tendance lourdevers le on-line et la dématérialisation,type la VOD ; une logique structu-relle à la délinéarisation (« un film,où je veux, quand je veux et dans les conditions de mon choix ») ; desmilliers d’interfaçages possibles, sanslimites ; la géolocalisation renduenaturelle grâce aux terminauxmobiles ; l’importance de l’e-commerce pour la VOD/SVOD, lavente de DVD, la réservation. Onn’en finirait pas d’aligner les cligno-tants verts.

Cinéma et nouveaux réseaux : de nouveaux horizons

Dossier

32� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Page 33: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

de diffusion des contenus. VOD, catch up TV et bientôt télévision connectée : de nouveaux modèles économiquesnational de la cinématographie (CNC), les modèles développés par Lagardère Active et AlloCiné.

Modèle vertueuxCette situation privilégiée se

justifie par une quadrature rarementégalée : un secteur de l’entertain-ment, très « successfull » et anti-anxiogène + une demande de datainextinguible + la construction d’uneaudience exceptionnelle (en 2010 : 1million de visiteurs uniques chaquejour en France et 4 millions pour leréseau international) + une capacitéde valorisation commerciale d’autantplus aisée qu’elle est fortementthématisée.

AlloCiné génère des revenus excé-dant ses charges pourtant fort élevées(serveurs, diffusion HD, équipe tech-nique de développement, rédacteurspermanents, implantation internatio-

nale), grâce à sa forte attractivitéauprès de ses annonceurs : tant dusecteur du cinéma en priorité que depresque tous les autres secteurscommerciaux, arbitrant de plus enplus leurs budgets en faveur desnouveaux medias numériques. Sonorganisation, largement revisitée en2008, s’est élargie aussi au rôle deprestataire auprès de centaines de «partenaires », dont beaucoup demedias. Son activité de productionde programmes courts pour le net etla télévision est, ainsi, devenue signi-ficative.

Nouvelles frontières Dix sept ans d’adaptation

permanente ! Combien d’années

encore pour assimiler la masseconsidérable de nouveaux supportsémergents ? Déjà en cours, lessmartphones (une demi-douzained’applications connues à ce jour,dont l’incontournable Iphone). Dès2010, la téléphonie mobilecontribue déjà à une croissance de 15 à 40 % de l’audienced’AlloCiné, suivant les pays.Simultanément, arrivent les appli-cations communautaires nées desréseaux sociaux. Au delà des effetsde mode, le besoin de partage s’af-firme, nouveau comportementsocial compensateur d’autresfaiblesses sociales. Tout de suiteaprès, voici les tablettes (dontl’Ipad mais aussi sans doute, une

vingtaine d’autres applis poten-tielles) qui vont décorer les tablesde salon, les bureaux, peut être leschambres et gonfleront les « carta-bles » : la vidéo, sœur siamoise ducinéma, en sera probablement lavedette centrale. Il faut dès àprésent enchainer avec les TVconnectées (tous les grands fabri-cants ont déjà préparé leurgamme), parce que l’internet vaplonger au cœur des téléviseurspour mieux se déployer sur lesécrans larges. Seront-elles TNTnative, ou Full HD ou 3D ou mieuxencore numériques / HD / 3D / IP ?L’image sera, en toutes hypo-thèses, la reine de la fête. �

www.allocine.fr

La télé est le loisir préféré des françaisqui y consacrent toujours plus de

temps (3h39 au premier trimestre2009, soit + 3 minutes par rapport à l’année précédente). Mais son modede consommation a considérablementévolué et les comportements des télé-spectateurs aussi, à commencer par lesplus jeunes d’entre eux, élevés au «nomadisme » et au délinéarisé, à lamultiplication des écrans avec l’habi-tude de consommer « où je veux,quand je veux, et comme je veux ».

Catch up TV : un jeune sur deuxLa catch up TV participe notam-

ment à ces nouveaux comportementsde consommation des médias. C’est unservice clé : plus de 10,6 millions depersonnes ont déjà regardé ou revu unprogramme en catch up, que ce soit viales services proposés par les opérateursou directement sur les sites internet ouapplications mobiles des chaînes. Prèsd’un jeune sur deux, âgé de 15 à 24ans, est adepte de la catch up TV (viason PC ou son poste TV) (2) . Le télé-

phone mobile avec l’explosion dessmartphones, les nouveaux écrans, laconvergence de la télé et d’internetseront autant de facteurs de dévelop-pement de la consommation des offresdélinéarisées. Même si l’offre délinéa-risée a vocation à fortement se déve-lopper sur certains publics, précisonsquand même que l’offre linéaire aencore de beaux jours devant elle : lestéléspectateurs y consacrent 20 à 30heures par semaine versus 90 minutespour les programmes non linéaires. LaTV linéaire pourrait même en tirerpartie : la disponibilité des contenus àla demande pourrait augmenter lademande de programmes linéaires (3),le succès de l’un alimentant celui del’autre.

Dans un univers de plus en plusconcurrentiel, les chaînes de télévisionse doivent donc d’accompagner lesaudiences d’aujourd’hui et de demainsur l’ensemble des supports et aller chercher les téléspectateurs là où ils souhaitent consommer lesprogrammes. Fortes de leur expérience

d’éditeur, elles sont les mieux arméespour proposer les meilleures offres decontenus de qualité délinéarisés. Lesmarques chaînes et les marquesprogrammes restent des référencesimportantes pour les utilisateurs, mêmedans des contextes de consommationdélinéarisée. Il est primordial que cesmarques continuent à exister sur tousles supports, soit avec des offres bran-dées, soit avec des « corners » dédiés àdes services existants. Ainsi, Gulli Replaysera bientôt sur PC, IPTV, Iphone, Ipad,à côté d’offres Gulli VOD payantes.

Monétisation des contenusAujourd’hui, nous sommes certains

que le développement de notre offre decontenus accessibles sur tous lessupports, passera par leur monétisa-tion : gratuit pour l’utilisateur final avecun financement par la publicité oupayant via le paiement à l’acte oul’abonnement. Ce sera le prix à payerpar les consommateurs pour accéder àdes contenus de qualité. Aux éditeursde proposer une offre enrichie, exclu-

sive, associée àdes services,disponibles dans des espaces dédiés,adaptée aux spécificités de chaqueplateforme. Sans oublier que le défipour la mise en place d’une bonnemonétisation passera par l’organisa-tion, le maillage et la cohérence entreles différentes offres gratuites /payantes d’une part, linéaires / nonlinéaires d’autre part. �

www.lagardere.com

(1) Source Médiamétrie, Etude Global TV Mars2010.

(2) Source NPA Conseil, Etude « Motivationsd’usage et appréciations des offres de catchup TV », mars 2010.

(3) Rapport Media predictions 2010 de Deloitte

Lagardère Active : un programme, des écrans

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �33

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

par Emmanuelle Guilbart, directeur des activités télévision France et international de Lagardère Active

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Chaqueg é n é -ration a le droit à sa révolu-

tion ; avec internet et le mobile, nousavons la chance d'être témoins dedeux d’entre elles. Ces évolutionssont à l’origine d'une véritable muta-tion économique. Avec près d’1,5milliards de personnes connectéesdans le monde, son potentiel estimmense et, aujourd’hui, chacundevient un internaute. La publicité a,bien entendu, été impactée par cetterévolution numérique, la faisantentrer dans l’ère de la démocratisa-tion et de la mesure. En faisanttomber les barrières d’accès à l’en-trée pour les annonceurs, internet aouvert le marché de la publicité auxPME-TPE, mais aussi à tous ceux qui,jusque là, ne pouvaient prétendrefaire leur promotion ou celle de leursproduits sur les supports de médiatraditionnels.

La publicité sur internet a connuune forte croissance depuisplusieurs années. On estime qu’ellea connu une augmentation de8,2% en 2009 portant le chiffred’affaires du marché de la publicitéonline à 3,6 milliards d’euros brutsen France (baromètre de l’IAB-SRI-Kantar Media, février 2010). Googleest au coeur de cette révolution et lesuccès de ce nouveau modèleéconomique repose sur trois axesessentiels.

Un accès simplifié et des performancesmesurables

Sur internet, il suffit d’une cartebleue et d’une connexion internetpour faire de la publicité ! Quecherchent exactement les annon-ceurs sur internet ? D’abord, ilscherchent la performance de leurscampagnes : sur Google, parexemple, c’est l’annonceur qui fixele coût de sa campagne en fonc-tion de ce qu’il est prêt à payerpour la visite d’un internaute. Ilpaie au clic et peut ainsi totale-ment maitriser son retour surinvestissement. L’économiste HalVarian a d’ailleurs valorisé cetteperformance en 2009 : d’après lui,la valeur de la publicité sur Googlerapporte en moyenne deux foisplus qu’elle ne coûte à un annon-ceur. Ainsi, 100 euros investis parune entreprise en liens sponsoriséspermettent un retour sur investis-sement égal au double.

Le deuxième axe essentiel est lapertinence. Moyennant un faiblecoût, les liens sponsorisés permet-tent aux annonceurs d’accéder àdes solutions publicitaires quitouchent une audience qualifiée etdes nouveaux marchés. Pixmania,par exemple, s’est appuyée sur lesliens sponsorisés Google pour sedévelopper en France et dans 27pays d’Europe. La particularité d’in-ternet, c’est que la zone de chalan-dise peut facilement devenir lemonde entier. Il y a encore dix ans,les petites entreprises auraient eudes difficultés à atteindre uneaudience au delà de leur cerclelocal ; aujourd’hui, elles peuventtoutes devenir exportatrices dansle monde entier !

Enfin, les annonceurs ont accès àl’analyse de la performance. Surinternet, des outils – parfois mêmegratuits – offrent aux annonceurs lacapacité d’analyser la performancede leurs campagnes, et plus large-ment leur audience, leur permettantd’adapter en temps réel leur commu-nication et leur image sur internet.

Un écosystème redistributif

Un véritable écosystème redistri-butif s’est mis en place autour dumodèle de la publicité en ligne,générateur de richesses etd’échanges pour toutes les parties.Pour les utilisateurs, cet écosystèmepermet de financer des servicesfournis gratuitement. Pour lesannonceurs, ce système propose denouveaux formats de publicité flexi-bles, rentables et mesurables. Pourles éditeurs de contenus, il leur offrele moyen de valoriser leur audienceet de soutenir ainsi leur activitééditoriale.

Le programme Google AdSensepermet ainsi à des éditeurs de sitesweb ou à des blogueurs d’afficherdes annonces ciblées et pertinentessur leurs pages. Ainsi, des milliers desites web utilisent ce programmepour proposer des annonces enrapport avec le contenu de leurspages et générer des revenus.Quand le visiteur d’un de nos sitespartenaires clique sur une annonceGoogle, Google reverse la majoritédes revenus publicitaires à sonpartenaire. Ainsi, en 2008, Google areversé à ses partenaires plus de 6milliards de dollars sur les 22milliards de dollars de revenusgénérés. Ce chiffre représente 28%du chiffre d’affaires de Google.

Une innovation permanente

Enfin, la particularité d’internet,c’est aussi son foisonnement d’in-novations. Sur Internet, la concur-rence est à un clic et les acteursdoivent innover en permanence.Dans le domaine de la publicité, ilfaut innover sur les formats de lienssponsorisés, le display, la vidéo...mais aussi sur les supports de cettepublicité, sur des sites de vidéos,des réseaux sociaux et, surtout, surle mobile. En effet, les mobiles révo-lutionnent l’usage de l’internet etmettent à jour de nouveaux enjeuxpour la publicité, notamment celuide s’adapter à des écrans bien pluspetits que ceux des ordinateurs.

Le prochain milliard d’inter-nautes sera mobinaute, et l’écosys-tème internet – plateformes,agences, annonceurs - travailleactuellement pour faire de cenouveau marché une nouvelleopportunité de croissance pourtous. Que ce soit sur un ordinateurou un mobile, nous souhaitons tousaccéder à l’information disponiblesur internet à tout moment.L’internaute n’est plus une caté-gorie à part, comme le sont laménagère de moins de 50 ans ou lejeune citadin. L’internaute françaisest ainsi avant tout un Françaissoucieux de s’informer, de sedivertir et d’échanger avec sonentourage. Il ne peut plus êtredéfini comme un être mal identifié ;il est bel et bien une personnecomme les autres, soucieuse derecevoir des informations répon-dant à ses attentes, que celles-civiennent de sa région ou du restedu monde. �

www.google.fr

PublicitéAvec internet, la publicité est entrée dans l’ère de la démocratisation et de la mesure. Le prochain travaille actuellement pour faire de ce nouveau marché une nouvelle opportunité de croissance.

par Sébastien Badault, directeur de la stratégie commerciale de Google France

Publicité en ligne :l’émergence d’un nouveau marché

Dossier

34� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Page 35: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

milliard d’internautes sera mobinaute, et l’écosystème internet – plateformes, agences, annonceurs –Sébastien Badault et Bruno Chetaille nous livrent leur vision.

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �35

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

� Comment les Françaisréagissent-ils aunumérique ?Les Français consacrent de plus en plus de temps et d’argent auxactivités médias et multimédia.La crise que nous venons detraverser n’a pas affecté cettetendance. En 2009, le budgetmultimédia d’un foyer s’est élevé à2 324 €, en hausse de plus de 4 %.Cette croissance continue est tiréepar la multiplication des réseaux dediffusion : numérique hertzien,ADSL, mobile ; par la diversificationdes écrans : écrans plats,smartphones, consoles diverses etpar l’élargissement de l’offre :nouvelles chaînes TNT, nouveauxservices avec application Internet.Nous sommes dans un marchéd’addition et non de substitutiontiré par une offre dynamique.

� Comment cela se traduit-ilen termes d’audience ? Au plan global, l’audience Internetprogresse sous l’effet de lacroissance du nombre d’internautes(de l’ordre de + 50 % en quatre ans)et de la durée qu’ils y consacrent(1h20 en 2009 contre ¾ d’heureen 2006).Mais, fait majeur, cette progressiond’Internet ne se fait cependant pasau détriment de la télévision et dela radio. Leur durée d’écoutequotidienne est élevée et stable– respectivement 3h30 et 3h – etleur puissance fédératrice resteparticulièrement forte. L’écran detélévision réunit chaque soir à 21hprès de 45 % des Français, tandisque le poste de radio en réunit

25 % chaque matin à 8h. Il n’enreste pas moins que cet équilibreglobal cache une fragmentationdes audiences et un foisonnementdes nouveaux usages. Le numérique abaisse les barrièresà l’entrée ; ce qui entraîne unaccroissement de l’offre de services.Parallèlement, il lève descontraintes de temps et de lieux quipesaient sur la consommation dechaque média. Nous sommesdéfinitivement entrés dans l’ère du« any time, any where, anydevice ». Autant de nouveauxusages que nos dispositifspermettent de révéler et que noussuivons en adaptant nos systèmesde mesure.

� Dans ces nouveaux usages,quelle place prend laconsommation en différédes médias ?L’écoute de la télévision en différéreprésente environ 10 mn par jour,chiffre à comparer avec les 3h30consacrées à l’écoute en direct,ce qui le relativise. Mais ce chiffreest à mettre aussi en perspectivecar cette pratique est en netteprogression, et particulièrementforte chez les jeunes qui yconsacrent déjà 26 mn.En radio, 15 millions de podcastssont téléchargés chaque mois.

� Qu’en est-il des usages en mobilité ?L’écran mobile – téléphone,tablette – s’imposeprogressivement. 30 % des

internautes sont déjà desmobinautes. Nous allons pouvoiren analyser l’audience dès cetautomne grâce au dispositifinnovant que nous mettons enplace avec l’AFMM.

� Comment les éditeurss’adaptent-ils à ceschangements ? Pour les éditeurs, le numérique estsynonyme de concurrencerenforcée. Concurrence accrueentre médias, concurrence accrueau sein de chaque média.Pour marquer leur différence, ilsdoivent donc continuer à investirdans les contenus tout eninnovant pour être présents surtous les réseaux et tous les écrans.Fini le temps où chaque médiaagissait sur son propre champsans s’aventurer sur le terrain d’àcôté. Désormais, l’offre estnécessairement multimédia, multisupport, multi écran, internetjouant le rôle de dénominateurcommun.Une transformation d’autant plusdélicate à gérer que le contextepublicitaire, même s’il estaujourd’hui meilleur, a étéparticulièrement difficile en 2009avec une baisse des dépensespublicitaires qui n’a épargnéaucun média, de -2 % pourInternet à -18 % pour la presse.

� Les annonceurs sont-ilsimpactés par ces évolutionsliées au numérique ? Si le consommateur média n’a pasété affecté par la crise,

à l’autre bout de la chaîne, parcontre l’annonceur l’a été.Cela a modifié soncomportement de façonconjoncturelle avec une baissedes budgets,mais aussistructurelle avec la rechercheencore accrue d’un meilleurretour sur investissement.D’où la nécessité de compléter lamesure d’audience média parmédia par une mesured’efficacité multimédia. Notredispositif Cross Média répond àcet objectif. Outil de médiaplanning pour les annonceurs etleurs agences médias, il permetaussi aux médias de valoriser leurmarque sur tous les canaux qu’ilsutilisent. Un journal peut ainsisavoir si son site internet ouéventuellement sa chaîne de TVlui font gagner un publicnouveau ou, et ce n’est pascontradictoire, fidélise le publicde son édition papier.

� Votre conclusion ? L’innovation technologique ouvre le champ des possibles etdéplace les frontières. Son succèsreste néanmoins dépendant dedeux facteurs clés : d’une part,la valeur d’usage générée entermes de facilité d’accès,d’ergonomie et bien sûr d’intérêtsocial, d’autre part, le modèleéconomique qui peut la soutenir.Le numérique n’échappe pas à ces principes. Le succès del’iPhone en est un exemplerévélateur.Reste que pour bon nombred’initiatives, cette synthèse entrepotentiel technique, usagesdurablement intéressants etmodèle économique sain estencore un pari. Raison de pluspour observer, mesurer et analyseravec rigueur les effets de cettetransformation. �

www.mediametrie.fr

« Le numérique, un marchéd'addition plutôt que de substitution »

Interview de Bruno Chetaille, président directeur général de Médiamétrie

Page 36: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Dossier

36� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Presse et éditionLivre et presse écrite, même combat ! Dans l'édition, profiter de la révolution numérique rime avec

par Arnaud Nourry, président directeur général du groupe Hachette Livre

Livre numérique : une révolution stimulante

Le livre numé-rique est un

marché naissanten Europe et en plein développementaux USA où Hachette Livre réalise plusde 22% de son chiffre d’affaires. Ilexiste encore de nombreuses incon-nues : sur les processus de création, depromotion et de commercialisation,sur la proportion que le numériqueoccupera dans les ventes totales, sur ledegré de substitution entre le livrenumérique et le livre papier...D’emblée une évidence qu’il fautrappeler : la matérialité du livre garde

des avantages puissants face à sonalter ego numérique. Les livres sont –déjà - des objets mobiles, personnels,légers. Et l’existence d’un livre ne serésume pas à l’instant de sa lecture ;elle se poursuit à travers l’objet, fidèle-ment rangé à la verticale dans unebibliothèque. Ce que permet surtout lenumérique, c’est d’accéder aux livresen toute situation de mobilité. C’estune révolution certes, mais cantonnéeà une partie de notre activité que, à unhorizon prévisible, nous évaluons à15%. Aux USA, au 1er trimestre 2010,le numérique représentait déjà 8% desventes de Hachette Book Group.

Nouveaux marchésCette mutation est porteuse de

nouvelles possibilités stimulantes pourl’imagination : le livre peut désormaiss’enrichir à l’infini d’images, de sons, decontenus interactifs, d’hyper-textes, etélargir son univers. Hatier Jeunesse a

conçu autour d’un personnage uneapplication qui permet à l’enfant de lireen même temps qu’une voix lui fait lalecture, et de prolonger l’histoire pardes jeux d’éveil. Il en est de même pourla promotion de nos auteurs et de leursœuvres : de nouveaux circuits (blogs,Twitter…) et de nouvelles fonctionna-lités (feuilletage…) permettent d’ac-croître leur visibilité. La numérisation vapermettre au livre de se frayer unchemin au-delà de nos grands lecteurstraditionnels. Ce sont donc aussi denouveaux marchés qui vont s’ouvrir.

Le livre a beaucoup à bénéficier dunumérique et réciproquement. A condi-tion de s’y préparer. La conversion deslivres en format numérique ouvre laporte de nos marchés à des acteurs - enparticulier les géants de l’informatique,des télécoms et de l’internet - pour quile livre est un univers nouveau. Il seraitillusoire de les empêcher de distribuerdes livres numériques en leur interdisant

l’accès à nos catalogues et en empê-chant nos auteurs de bénéficier de cetteexposition. Cela reviendrait à encou-rager le piratage. Il convient de prendre les devants : lelivre ne doit pas être un produitd’appel pour un abonnement ou unmatériel. Avec la FNAC et Sony en2008, nous avons lancé le livre électro-nique en France sur une base de prixrespectueuse de la valeur du livre. Il enfut de même avec le lancement del’iPad d’Apple : Hachette Livre a choiside confier les fichiers de ses livres à laplate-forme iTunes car l’opérateur aconsenti à une formule qui laisse àl’éditeur la responsabilité de fixer lesprix des ebooks. Ces choix sont déter-minés par notre volonté de maintenirla chaîne de valeur du livre, de l’auteuraux libraires. Pour ne pas être pris decourt par une mutation, il faut s’enemparer, à bras-le-corps. �

www.hachette.com

� Commentappréhendez-vousla multiplication des écrans ?Aujourd’hui, nous sommes présents surtous les supports ou presque. Nousavons été très tôt sur l’iPhone et nousavons été présents sur l’iPad dès sa sortieaux Etats-Unis. Nous nous devons d’ac-compagner nos lecteurs là où ils sont,avec une réponse éditoriale complète etsatisfaisante. Cela signifie que nous réflé-chissons en offre globale, associant tousles supports, mais aussi à des offresspécifiques développées pour chacun deces supports. Nous avons lancé un abon-nement QuadriplePlay, permettant àl’abonné de lire son journal chaque jouren format papier, web, Iphone et Ipad.Dans le même temps, nous explorons lavente à l’acte via iTunes…

Editorialement, nous essayons aussi denous adapter à chaque écran, avec descontenus et des mises en formespécifiques. Sur i-Phone, par exemple,nous avons deux offres différentes. L’une,gratuite, propose l’accès aux dernièresinformations publiées sur le site par larédaction web, avec un système d’alertetrès opérationnel. L’autre, payante,propose la lecture du journal, réadapté àla taille de l’écran, mis à disposition aumoment où il arrive dans les premierskiosques. Et nous proposons même uneapplication pour suivre la coupe dumonde de football !

� Le métier de la presse est-il entrainde radicalement changer ?Oui, il change à tous les niveaux. Ilchange parce que le temps d’accès à

l’information a été raccourci de manièreincroyable, que les lecteurs sont souventaussi experts que les journalistes etpeuvent apporter leur propre éclairage. Ilchange parce que nous pouvonsdistribuer nos contenus dans le mondeentier, sans limites d’espace ou de temps,sur de multiples formats d’écrans. Ilchange parce que le business model esten perpétuelle évolution, que lesdemandes des clients, lecteurs ouannonceurs, sont hyper-fragmentées etreposent sur une individualisation de plusen plus forte des offres. Il change enfinparce qu’il a longtemps reposé sur unseul support, le journal ou le magazine,un seul contenu, identique pour tout lemonde, dans un seul espace temps(quotidien, hebdomadaire, mensuel) et,qu’en dix ans, il a basculé dans ununivers beaucoup plus compétitifqu’avant.

� Ces contenus numériquesrapportent-ils ? Nous avons aujourd’hui plus de 100 000abonnés, et nous sommes rentablesdepuis cinq ans. Et notre chiffre d’affairesne cesse de croître. Le passage à un

modèle associant gratuit et payantd’acteurs tels que le New York Times, lestitres du groupe Murdoch, Le Figaro,Libération, etc…, va banaliser l’idée quecertaines informations ou services ontsuffisamment de valeur pour être vendus.

� Quel est le bon modèleéconomique de la presse connectée ?Le modèle mixte, associant une fortezone gratuite et une zone payantepertinente, est le seul modèle viable pourla presse généraliste d’information quelsque soient les supports numériques. Lazone gratuite permet d’avoir uneaudience large permettant de générerdes revenus publicitaires importants.Cette zone nous permet également depromouvoir la zone payante, via lacollecte des adresses email de nosvisiteurs. La zone payante permet debénéficier de revenus qui peuventdevenir très importants tout engarantissant aux annonceurs présents surla zone gratuite, que l’audience du siteest qualitative puisque payante enpartie… Nous entrons alors dans unmodèle vertueux. �

www.lemonde.fr

Interview de Philippe Jannet, président directeur général, Le Monde interactif

La presse écrite se met en quatre

Page 37: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �37

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

anticipation. Les exemples du Monde interactif, de La Tribune et d'Hachette Livre.

2010 est un tournant dans la stra-tégie numérique des journaux.

Jamais les consommateurs et lescitoyens n’auront eu à leur dispositionautant de supports pour lire et s’in-former. Il faut s’en réjouir. Pendantdeux siècles, il y a eu les journauxcomme vecteur principal pour l’infor-mation et le débat d’idées. L’irruptionde la radio, puis de la télévision ausiècle dernier, n’a pas fondamentale-ment bouleversé l’équi libre du secteurcar ces deux nouveaux médias sontvenus enrichir l’offre, sans se substi-tuer à la précédente.

Avec l’irruption d’internet il y a15 ans, les choses ont changé.D’abord simples vitrines des médiastraditionnels, les sites internet destitres de presse écrite sont entrés autournant des années 2000 dans unestratégie d’audience bâtie sur uneoffre de contenus gratuits. Avec ladiffusion rapide de l’accès à internetà haut débit, les sites riches en arti-cles et en photos pouvaient enoutre supporter de nombreusespublicités sans que cela ne « rame »trop pour l’internaute. Alors que ladiffusion de la presse a commencé àstagner en kiosques ou en abonne-ment, que son lectorat a commencéà vieillir, internet est apparu commele relais de croissance idéal.

Personne n’a encore trouvé la martingale

Les journaux s’y sont engouffrésavec ce double objectif : amener lesjeunes vers la presse et développer lesrecettes publicitaires sur un marchéen croissance exponentielle.Déception. Les « digital natives »,drogués à l’information gratuitediffusée par une multitude de canaux– les derniers en date étant lesréseaux sociaux – ne sont pas venus àla presse. Ne parvenant pas à« monétiser » leur audience, leséditeurs n’ont pas réussi à trouver lesrentrées leur permettant de couvrir

leurs dépenses. PC, smartphones et tablettes sont

aujourd’hui perçus, à juste titre, parles journaux comme de possiblesalliés – des armes qui les sauveront,peut-être, de la disparition pure etsimple. Personne pourtant, pas plusaux Etats-Unis qu’en Europe, n’aencore trouvé la martingale, lemodèle économique qui les sauvera.Tous les médias tâtonnent, avec plusou moins de moyens, plus ou moinsde bonheur aussi. La Tribune s’étaitfaite, dans la première période, lechampion du « tout gratuit » sur sonsite internet quand son principalconcurrent, partisan du « toutpayant » cherchait à s’imposercomme le site le plus cher deFrance ! Elle y a renoncé – son grandconcurrent a lui aussi abandonné sonchoix initial.

Le numérique offre sur le papierune série d’avantages importants : ilautorise la diffusion en continud’une information ciblée, sélec-tionnée, instantanée, disponiblepartout et à laquelle le consomma-teur de news peut réagir, en direct eten permanence. Il permet de trans-mettre les nouvelles sous des formesmultiples (l’écriture, la photo, lavidéo, etc) et ouvre la possibilitéd’accéder, dans le même temps, à unstock quasi-illimité d’informations(les archives). Le numérique est aussiun support économiquement moinscoûteux que le papier. Il présenteenfin un bilan carbone beaucoupmoins calamiteux. Tout cela conduità penser que, pour l’informationéconomique, financière et sociale,celle que couvre un média comme LaTribune, le numérique devrait tôt outard l’emporter sur le papier.

Toute la stratégie actuelle vise àorganiser cette montée en puissancedu numérique. Très coûteuse, ladiffusion en kiosque du journalpapier est volontairement « sacri-fiée » – le nombre de points de vente

à perte a été considérablementréduit au profit du portage direct auxabonnés. A l’inverse, le journal –dans son format actuel – a été renduaccessible, en payant, sur le Net,l’iPhone et l’iPad, la veille de sa publi-cation, dès 21h30. La démonstrationque, pour La Tribune, se vendre ennumérique ne vient pas menacer lesventes du papier en kiosques. Il n’y apas concurrence, il y a complémen-tarité. Le numérique permet d’offrirun nouveau service à ses lecteurs –un journal accessible dès la veille ausoir, de partout !

Le net ne tue ni le journaliste, ni le journal

C’est tout le travail que LaTribune, comme d’autres, a engagéavec sa stratégie « freemium ».L’information générale, basique,factuelle ne peut être que gratuite –elle est partout, elle est « free ».L’information qualifiée, analysée,expertisée ne peut qu’être payante –elle est unique, elle est « premium ».Certes, la presse n'est pas parvenue àfaire payer des articles à l'unité surinternet. Mais le précédent iTunesnous montre que l’ergonomie d'uneplate-forme et un système de micro-paiement ultra simple ont fait davan-tage pour le développement de lavente de musique en ligne que l'évo-lution de l'offre elle-même.

On peut penser que la courbed'apprentissage des internautes faceà l’insondable contenu offert sur laToile n’est pas terminée. Les compor-tements pourraient faire montre dediscernement. Entre le raz-de-maréedes sites alimentés par les forums dediscussions et les réseaux sociaux, lessites de journaux ont leur place. Carle travail d’une rédaction fournit à lafois un produit et un service. La véri-fication de l'information et sa hiérar-chisation, la mise en perspective etl'analyse ou le commentaire ne sontpas en concurrence avec les simples

agrégateurs decontenus. Unjournal donne sa « marque » defabrique à l’information. Le Net netue ni le journaliste, ni le journal, il lesoblige tout simplement à passer parde nouveaux canaux, à prendre desformes nouvelles et à accepter denouvelles règles du jeu.

Aux journaux donc de "marketer"leur offre. La diffusion des tablettes etdes smartphones offre unmomentum intéressant. Car contrai-rement à l’accès internet qui imposed’allumer un ordinateur (c’est long)et de rester assis devant son écran (cen’est pas pratique), ces nouveauxécrans nomades offrent la liberté detransporter son contenu et de leconsulter partout, que ce soit enpantoufles dans son canapé, dans lemétro ou dans le train. Et si les inter-nautes ont perdu l’habitude de payerpour du contenu, ils pourront peut-être revenir à cette pratique en ache-tant le service. Et redécouvrir le plaisird’avoir son « journal » en poche !

Une révolution, on sait commentça commence - avec une innovation,une bifurcation ou une réaction - onne sait jamais comment elle finit. Il enva de même, pour les journaux, avecla révolution internet. Tous les médiasseront touchés, tous n’en mourrontpas. Une chose est sûre : ceux qui nebougeront pas ne s’en sortiront pas.La Tribune a quelques avantages :une taille modeste, une agilité plusgrande, une indépendance totale. Lenumérique est une opportunité pourelle, plus encore que pour d’autres. �

www.latribune.fr

Tous les médias seront touchés, tous n’en mourront paspar Erik Izraelewicz, directeur des rédactions, La Tribune

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Dossier

38� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Le numérique a déjàcommencé à révolu-

tionner l’intégralité del’économie à travers denouveaux services et de nouveauxusages. Ce secteur d’avenir, créa-teur d’emplois, est aujourd’huidemandeur de nouveaux talents.Or, les jeunes de nos quartiers

manifestent souvent un intérêtmarqué pour le numérique et sesmétiers, et notamment ceux du jeuet du développement. Toutefois, ilsn’ont que très rarement accès auxinformations, formations, stages,réseaux et contacts nécessairespour exploiter leurs potentiels etleur créativité.

Egalité des chancesAfin de mener une véritable poli-

tique d’accès aux formations et auxemplois du numérique et d’utiliser lenumérique comme outil en faveurde l’égalité des chances, j’ai souhaitéla création du programme Banlieue2.0. Développé à l’initiative du secré-

tariat d’Etat chargé de la politique dela ville, en partenariat avec le Conseilnational des entreprises pour labanlieue (CNEB) et le pôle decompétitivité Cap Digital, Banlieue2.0 a pour objectif de faire du numé-rique un levier de transformation desquartiers en territoires de pointe etd’innovation.

Parmi les réalisations en cours,une application de banque de stagesnumériques (Stage App), accessiblesur téléphone mobile. Elle permettraaux jeunes d’accéder à des offres destages courts ou longs directementdepuis leur mobile. Par ailleurs, pourfaciliter l’implantation de start up enbanlieue, les hôtels d’entreprises

seront tous connectés, d’ici 2013, autrès haut débit, devenant ainsi deshôtels d’entreprises numériques.

Une nouvelle dynamique autourdes porteurs de projets, des entre-prises, des associations et des institu-tionnels se met aujourd’hui en placeafin de préparer nos jeunes auxmétiers d’avenir du numérique. Le16 juin 2010, la charte Banlieue 2.0destinée à labelliser des entreprisesqui s’engageront à faciliter l’accèsdes jeunes aux filières menant aunumérique, a ainsi été présentée aucours d’un séminaire sur le numé-rique en banlieue et a recueilli sespremières signatures. �

www.ville.gouv.fr

Politique de la villeAujourd'hui, l'internet de proximité devient un outil urbain fondamental. Mais le numérique est aussibien plus : il devient le garant d'une forme d'égalité des chances.

par Fadela Amara, secrétaire d’Etat chargée de la politique de la ville

Dynamiser l’emploi en banlieue grâce au numérique

par Jean-Louis Missika, consultant et sociologue des médias, adjoint au maire de Paris en charge de l’innovation, de la recherche et des universités

Quand la ville se « reterritorialise »

On asouvent dit qu’internet avait

aboli les distances et fait de notremonde un « village global ». C’estvrai, dans la mesure où je commu-nique aujourd’hui de la même façonavec un chercheur californien, uneécolière indienne ou une guidetouristique australienne. La conjonc-tion du développement d’un réseaumondial et de l’ubiquité des réseauxmobiles locaux met le monde entierà notre portée, en tout point denotre territoire.

Pour autant, alors même que lanotion de distance est relativisée parle web, on assiste aujourd’hui à une

explosion des services numériquesde proximité, notamment grâce auxnouveaux terminaux offrant simul-tanément un accès mobile et unegéolocalisation. Alors que le web2.0 était lié à la "déterritorialisa-tion", la généralisation de l’internetmobile, des réseaux sociaux et de lagéolocalisation va engendrer une"reterritorialisation". L'internet deproximité deviendra un outil urbainfondamental.

Accès et infrastructureUne collectivité comme Paris a,

dès lors, une double responsabilité,d’infrastructure et de service.

Notre responsabilité d’infrastruc-ture est de donner aux Parisiens lemeilleur accès possible au réseau.Cela passe par la facilitation ducâblage en fibre optique desimmeubles, et Paris possède unelongueur d’avance grâce au baronHaussmann, qui a mis en place unréseau d’égouts remarquable qui

facilite grandement le fibrage hori-zontal. Cela passe également par ladensification des réseaux sans fil,avec le dispositif Paris Wifi d’accèsgratuit à internet dans les lieuxpublics, ou avec la densification desréseaux data de téléphonie mobile,en concertation avec les riverains etles associations.

Notre responsabilité d’accèspasse, enfin, par un effort particulierpour réduire la fracture numérique,par les offres de triple play dans leslogements sociaux, et par le soutienau dispositif d’Espaces PublicsNumériques (EPN), qui mène desactions d’accompagnement et deformation à internet pour tous,notamment dans les quartiers dits« politique de la ville ».

Innovation ouverteAu-delà d’offrir un accès à ses

concitoyens, la Ville a la responsabi-lité de repenser ses services à l’aunedu numérique. Il serait en effet

inconcevable que, à l’heure où l’oncommande en trois clics un livre rareaux Etats-Unis, on soit encore obligéde se déplacer pour payer la cantinescolaire de ses enfants par chèqueau directeur de l’école. C’est pour-quoi les villes sont aujourd’huiconfrontées au vaste chantier del’administration électronique, et desservices numériques de proximité.

Ce chantier peut en partie êtrecoproduit avec la communauté del’innovation, à travers une politiqued’ouverture des données publiques(Open Data) et la stimulation de lacommunauté des développeurs,entrepreneurs et chercheurs afinqu’ils inventent les applicationsbasées sur ces données de proxi-mité. Ce dispositif d’innovationouverte, ou crowdsourcing (exter-nalisation coopérative), a le doubleavantage d’être peu coûteux pourla collectivité, et directement pilotépar les citoyens intéressés. �

www.paris.fr

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LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �39

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

J'ai commencé à m'intéresser àFacebook pour suivre la

campagne d’Obama dont ungroupe relatait les différents évène-ment. J’ai tout de suite trouvé quec'était à la fois plus détaillé et aussimoins politicien que les sites officielsde campagne. Sur les médiassociaux, le point de vue délivré estaussi plus personnel. C'est fait pardes gens qui me ressemblent et queje connais : je les ai visualisés, j'ai vuleur profil, je sais où ils habitent,c’est comme un groupe d'amis.C’est aussi comme s'inscrire à unparti, mais sans s'engager vraiment.Une manière d'être un activistepassif… Ce n’est pas que le site offi-

ciel d’Obamaétait rébar-batif, maisma généra-tion n'aimepas trop lessites trèsformatés qui sentent la stratégie depersuasion. On aime aller à la sourcemais aussi diversifier ses sources.

Internet ne fait pas gagner lesélections mais il y contribue. Obamaaurait été élu de toutes façons parcequ’il a du charisme et que laconjoncture le voulait. Mais interneta beaucoup aidé à peaufiner sonimage et à mobiliser l'électorat.C’est un formidable accélérateur ! �

Vie publiqueAlors que le réseau irrigue de plus en plus la société, la définition d'une nouvelle citoyenneté est enmarche.

par Florian Maxwell, étudiant en médecine

« J’ai suivi la campagned’Obama sur Facebook »

Notre association a été créée auVenezuela pour aider les

communautés défavorisées des« barrios » (les bidonvilles) deCaracas à avoir accès aux technolo-gies de l'information et de lacommunication. Concrètement,nous aidons à monter des centresinformatiques avec accès internet.En dix ans, nous avons formé dansces centres près de 5 000 personneset donné l’accès aux TIC à plusieursdizaines de milliers. Nous travaillonsavec des communautés organisées,des « organisations de base », quimontent des projets locaux. Ce sontelles, par exemple, et pas l’Etat – quiest défaillant dans ces quartiers – quiprocèdent au recensement et à lacartographie de leurs communautés.Une information dont ils ont besoinpour définir leurs priorités, leursbesoins, leurs projets, demander des

subventions. Pour cela,

nous avonsdéveloppé,en partena-riat avec unecommunautépilote, un prototype de logiciel.

Cet outil va permettre à lacommunauté de cartographier leréseau d'évacuation des eaux usées,les points d'alimentation électrique,les centres de soutien sanitaire, lesendroits où se trouvent les méde-cins, les infirmières et même dedonner des noms aux rues dubidonville.

Au-delà de la meilleure connais-sance et de la meilleure gestion desinformations, cela permet aux diffé-rentes communautés de communi-quer entre elles et d'échanger leurspratiques. �

« En dix ans, nous avonsformé 5 000 personnes dans les barrios de Caracas »

� Qu'apportent lesmédias numériques à lacommunication politique ?Le web est un moteur puissant detransformation de la société dans sonensemble, qui bouscule les modèlestraditionnels - médias, éducation,travail, culture – et la politique ne faitpas exception à cette règle. Sousl’influence des réseaux sociaux, larelation entre l’élu et le citoyen setrouve profondément modifiée. Je suisconvaincue que pour saisir pleinementle rôle du numérique en tant quefacteur de mutation de la société, ilfaut être soi-même praticien d’internet.J’ai intensifié ma présence sur lesmédias sociaux, au moment de maprise de fonction au secrétariat d’État,et j’y ai vu d’emblée une autre façond’être en prise avec le terrain. J’aidécouvert un lien direct avec lescitoyens, une relation totalementinteractive, immédiate, libre, sansaffectation, et en perpétuelle évolution. Internet est en ce sens plus qu’unnouveau média, c’est une nouvelledimension qui transforme le lien socialet qui modifie également lacommunication publique. Le webreprésente aujourd’hui unegigantesque agora virtuelle où lescitoyens et les élus doivent se rejoindre,afin de construire ensemble cet autreespace d’expression citoyenne. C’est dans ce sens que j’ai créé, enoctobre dernier, les Ateliers de l’élu 2.0à destination des parlementaires. Nousavons proposé aux sénateurs etdéputés, tous partis confondus, desuivre différents ateliers : des sessionspratiques, comme la Boîte à outils –pour apprendre à créer un blog, unepage Facebook, un compte Twitter –

mais également des sessions plusspécifiques pour expliquer, parexemple, comment organiser uneconsultation publique et stimuler ledébat citoyen, au local comme aunational. Ça a été un franc succès ;nous avons eu plus de 180 participantsau final et les ateliers ont fait sallecomble à chacune des sessions. Cesrendez-vous ont même essaimépuisque nous avons lancé il y a peu,avec le député européen DamienAbad, la déclinaison des Ateliers del’élu 2.0 au Parlement européen.

� Sont-ils vraiment indispen-sables ? Trop de communication netue-t-elle pas la communication ?Je ne crois pas à un « darwinisme desmédias » qui voudrait qu’internetsupplante les médias traditionnels.Internet représente un espacedémocratique à investir, mais qui vients’ajouter à l’espace public traditionnel,et non le détrôner. Rien ne remplacel’échange direct, le face à face dans la« vie réelle ». Internet ne se substitueen aucun cas à une permanenceparlementaire par exemple.Simplement, ce ne sont pas forcémentles mêmes publics et le web constituejustement une fenêtre ouverte pourdes citoyens qui ne s’expriment pasdans l’espace public traditionnel. Jepense tout particulièrement auxreprésentants de la « génération Y »,les natifs du numérique. C’estpourquoi j’encourage les élus à aller àla rencontre des citoyens en ligne, carinternet est un nouvel espacedémocratique que les élus doiventinvestir. �

www.gouvernement.fr/gouvernement/nathalie-kosciusko-morizet

« Un espacedémocratiqueà investir »

Interview deNathalie Kosciusko-Morizet,secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique.

par Luisa Ramirez, association Colombbus

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Dossier

40� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

� Qu’est-ce qu’un « businessangel » ? C’est quelqu'un qui investit dans desstart-up trop petites pour intéresserdes fonds d'investissement. Selon leprojet et la somme recherchée, ilexiste en effet toute une chaine definancements. Si vous cherchezquelques milliers d'€, vous devezgénéralement compter sur vos propreséconomies. Si vous cherchez quelquesdizaines de milliers d'€, il y a le « lovemoney », c'est à dire vos amis, votrefamille. Jusqu'à quelques centaines de milliers d'€, il y a les businessangels. Quand la somme dépasse 500 000 €, un fonds comme ISAIintervient, puis les fonds de « capitalrisque » prennent le relai entre 1,5millions d’€ et quelques millions. Lesgros fonds d’investissement peuventmettre entre 3 et 30 millions d’€ et les très gros fonds de « privateequity », dès que le besoin passe labarre des grosses dizaines de millionsd’euros. En France, on dénombrequelques milliers de business angels,dix fois moins qu’en Angleterre où lesmécanismes sont plus incitatifs. Maisdepuis la loi Tepa, le gouvernement apermis la défiscalisation de sommesassez conséquentes puisqu’il estpossible de déduire de l’ISF jusqu'à75% des sommes investies. Commec’est de l'argent dont vous devez vousdéfaire, autant l'investir !

� Cela explique-t-il larecrudescence des fonds ?Oui, complètement. Il faut savoir quedans le capital risque d'amorçage, lestaux de rendements sont négatifs, cequi veut dire qu’historiquement lesinvestisseurs ont perdu de l’argentdans l’ensemble ! En ce qui me

concerne, il s’agit plutôt d’uninvestissement citoyen car je trouvenormal d'aider des jeunes àentreprendre. J’investis un peu pourgagner de l’argent, mais surtout parceque ça m’amuse.

� Comment sélectionnez-vousles projets ? Concrètement, ça marche pas mal àl’intuition et l’essentiel, pour moi,consiste à me forger une convictionsur le patron. A 90%, ce qui fait quej'investis ou pas, c'est la qualité du oude la porteuse de projet. Pour les 10%restants, c’est le modèle économique :est-ce que j’y crois, est-il assez malin...Après, c’est comme parier au casinoen espérant que ça marchera !

� Comment décidez-vous desmontants à investir ?Quand une société est toute jeune,vous pouvez mettre n'importe quelprix dessus. Mon approche estd’investir la même somme sur chaqueprojet. Si une entreprise vaut 1 milliond'€ après mon apport et que j’ai mis50 000 €, je me retrouve avec 5% ducapital.

� Quel est le taux de réussite ?Les statistiques ne sont pas trèsdifférentes de celles de la créationd'entreprises classiques : sur 10entreprises qui se créent, vous en avez5 qui vont déposer le bilan, 3 qui vont« marchoter » et une qui rafle la mise.Tout le retour d'investissement d'unfonds se fait sur cette pépite. Ceuxqui ont investi à la création de Freeont dû multiplier leur investissementpar 50 000. Mais, il n'y a qu'un Free !En réalité, si vous voulez obtenir untaux moyen de rendement, il faut

avoir une logique de portefeuille, c'est à dire plusieurs investissementsparallèles, ce qui n'est pas à la portéed'un petit business angel... C'est pourquoi nous avons crééle fonds ISAI.

� Quels sont les bons modèleséconomiques ? Actuellement, la croissance se faitprincipalement autour d’internet, destélécoms et du e-commerce. Interneta un impact monumental surl'économie, il signifie transparence del'information, temps réel etdésintermédiation... Tous les secteurstrès intermédiés sont révolutionnés.Prenez l'achat de voyages dans lesagences ou la vente d’encyclopédies,c'est terminé ou presque.Objectivement, quel est l’intérêt defaire un achat dans un magasin (àsupposer que vous puissiez attendre48 h pour avoir le produit) quandvous pouvez comparer les produits surinternet en 5 mn et passercommande en payant moins cher ?Dans mon domaine, le e-commerce(lire p.22), j'essaie de voir dans quellemesure internet révolutionne ou faitévoluer certaines chaines de valeur.Prenez les comparateurs de prixd'assurances. L’assurance, çan'intéresse personne, les tarifs sontopaques et vous ne savez jamais ceque vous achetez. Eh bien, le jour oùAssurland a été lancé, du jour aulendemain, vous pouviez comparer lestarifs et vous apercevoir qu’ils allaientdu simple au double. Cette entreprisepartie de presque rien a été vendue22 millions d'€ à la Mutuelle duMans. Aujourd’hui, 50 % desnouvelles souscriptions sur le marchédes assurances se font par internet,grâce à un comparateur !

� Quel est le dénominateurcommun de la réussite ? Ma logique, en tant que businessangel, est d'essayer de prendreposition à chaque fois que lenumérique bouleverse les chaines devaleur. Le fait de cliquer sur unebannière publicitaire sur internet pouraller directement à l'acte d'achat

éventuel a complètementrévolutionné le marché de la publicité.C’est pourquoi TF1 vaut 5 fois moinsqu’elle ne valait il y a encore deux outrois ans. Il y a là un mouvementfondamental de transformation d'unmonde du média qui vendait del'impression et du contact, à unmonde du média qui vend de laperformance. Aujourd'hui, Googleprend la majorité du budgetmarketing de ma société de e-commerce, Sarenza, parce l’outilpermet de tout mesurer. Ce n'est pasque je veux être gentil avec Google,c'est juste qu’avec 90% de toutes lesrecherches sur internet en Europe,cette société est incontournable.Aujourd'hui, Google en Bourse doitvaloir 30 fois TF1 et 40 ou 50 fois M6.Je crois que Google et Facebookvalent plus que l'ensemble desgroupes de médias réunis. C’est justeénorme !

� Les réseaux sociaux sont-ilsla nouvelle frontière ?Outre qu’ils sont hyper pratiques pourretrouver des gens, partager desphotos, des films, etc, les réseauxsociaux sont un outil de média pourles annonceurs d'une puissanceinouïe ; grâce à eux, vous pouvezcibler à toute vitesse tous les gensintéressés par votre produit.Facebook, qui vend de la publicitéciblée pour le consommateur final,serait d’ailleurs devenu la deuxièmeplate-forme de publicité aux Etats-Unis, après Google. Avec les réseauxsociaux, les habitudes sont en pleinerévolution. Les jeunes passentaujourd'hui plus de temps sur cesréseaux qu'à regarder la télé. C'est unbusiness comme beaucoup d'autres,mais ici, c'est l’acteur dominant quirafle tout. Il n’y a qu’un seul gagnantparce que la valeur d'un réseau estégale au carré du nombre de sesutilisateurs. Si vous êtes le seul à avoirun fax, ça n'a aucune valeur, si vousêtes deux à avoir un fax, l’utilité estaccrue, mais si vous êtes des millions,ça donne un réseau d’une très grandevaleur. Internet ou Facebook, c'estexactement pareil. �

Business angelsEx directeur général d’AOL France, Stéphane Treppoz a créé, avec Pierre Kosciusko-Morizet et GeoffroyRoux de Bézieux, ISAI, un fond d’investissement pariant sur les nouveaux modèles d’internet. Interview.

Stéphane TreppozProfession : chercheur d’or

Page 41: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

La télémédecine : chronique d’une réussite annoncée

SantéSi la télémédecine a un impact indéniable sur les patients et le personnel médical et soignant, c’est sonimpact économique, plus difficile à mesurer, qui conditionnera la réussite de son développement.

De nombreuses applicationsprouvent que la télémédecine

a un impact indéniable sur la qualitéde la prise en charge, l’égalitéd’accès aux soins, le confort pour lepatient, ou encore la réduction desdéplacements. L’impact écono-mique de la télémédecine est enrevanche plus difficile à mesurer,mais représente un des facteursessentiels pour la réussite de sondéveloppement.

Retour économiqueLa valorisation de l’acte médical

à distance n’est pas toujourspossible, mais les diverses catégo-ries de personnes ou organismesimpliqués (professionnels de santé,industriels, hôpitaux, assurancemaladie, mutuelles) trouvent déjà

un intérêt économique dans la miseen place de la télémédecine. Entélé-radiologie, par exemple, unhôpital peut utiliser des outils detélémédecine pour faire appel à desexperts privés externes ; il rentabi-lise ainsi les équipements acquis.Des hôpitaux ne disposant pas deneurologues sur site peuventprendre en charge des accidentsvasculaires cérébraux (acte médical)et les centres d’expertise être rému-nérés sur la base de conventionsinter-hospitalières…

En revanche, pour le suivi àdistance des plaies chroniques, leséconomies générées en termes detransport et d’hospitalisation sontlargement supérieures au coût de latechnologie et des actes médicaux,mais le retour économique pour les

soignants n’est pas encore possible.Ce déséquilibre entre gainsescomptés pour l’assurancemaladie et paiement des soignantsfreine l’intérêt des industriels.

Volonté politiqueHistoriquement, les déploie-

ments de solutions de télémédecinese sont basés sur la volonté dessoignants, les investissements desétablissements et les efforts desindustriels. Ces déploiementsétaient dus à des initiatives localeset les solutions pérennes étaientrares. La volonté politique depromouvoir la télémédecine estaujourd’hui présente avec l’évolu-tion de la loi et la mise en placed’organismes (ARS, ASIP) chargés de maîtriser le déploiement de solu-

tions inter-opérables.Les indus- triels doiventinvestir dansle dévelop-pement destechnologieset accompa-gner les médecins avant que leslois et les investissements ne soientlà. La position de l’assurancemaladie commence à évoluer enpassant d’une « méfiance impor-tante » à un « intérêt grandis-sant ». Cette reconnaissance, via leremboursement de certains actesà distance, est un des derniersingrédients qui manque toujours àune réussite annoncée. �

www.covalia.com

par Eric Garcia, président et fondateur de Covalia

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �41

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

� Combien de téléconsultations pratiquez-vous à l'hôpitalPompidou ? L’expérimentation, pendant six mois,entre l’Hôpital européen GeorgesPompidou (HEGP) et l’hôpitalVaugirard, d’une plateformeCiscoHealthPresence-Orange a permisde valider le principe des téléconsulta-tions. 200 patients ont bénéficié de333 sessions dans 16 spécialités. Enroutine, nous réalisons 20 sessionshebdomadaires programmées. Lebénéfice est d’éviter le déplacementcoûteux de malades fragiles.L’échange professionnel autour dupatient, évalué par l’INSERM et l’IFRIS,améliore la qualité des soins, et est

aussi un gain dequalité de vie.L’acceptationpar les méde-cins, les profes-sionnels desanté et lespatients a ététrés positive. Le

facteur clé du déploiement de la télé-médecine est la reconnaissance tari-faire et / ou de l’activité dans leshôpitaux et en médecine de ville.

� Quel est l’impact économique ?Des scénarios médico-économiques,en cours d’analyse, mesureront l’im-pact économique. Vaugirard a unbesoin limité à 25 sessions hebdoma-daires alors qu’un centre pivotsusceptible de donner un avis à cinqétablissements devrait avoir une acti-vité cinq fois plus importante ; le coûtest donc fonction de l’activité. Ce quiest recensé aujourd’hui, c’est le coûtdu transport en ambulance évité (120

euros entre l’HEGP et Vaugirard), quireste marginal eu égard au gain enqualité de soins et de vie, difficiles àévaluer en euros.

� Les TICS bouleverseront-ellesl’organisation sanitaire?Dans les territoires de santé, àéchéance 2020-2025, vieillissementde la population et démographiemédicale préoccupante aggraverontla situation actuelle. La raréfactiondes compétences médicales nécessitede définir les critères d’accès à unetéléconsultation. Avec la téléméde-cine, la concentration des compé-tences dans des centres spécialisésréférents organisant un planningcoordonné de téléconsultations sontles facteurs susceptibles de structurerle paysage sanitaire français.De nouveaux métiers émergent ; infir-mières, aides-soignantes, qui maitri-sent la technologie au service despatients et des spécialistes, accompa-gnent ces téléconsultations sans

déshumaniser la relation soignant-soigné et veillent au respect desbonnes pratiques. Pour que notre système de santéarrive à cette maturité, il sera indis-pensable que les infrastructuressoient robustes et que le dossiermédical soit partageable, car nousdevons connaître les informationsmédicales pour prendre une décision.Aujourd’hui, sur l’HEGP, notre indicede confiance des téléconsultations estexcellent : nous partageons undossier, nous visualisons les radios,l’examen clinique peut être médiéauprès du patient, si besoin par deséquipements médicaux, nos comptes-rendus informatiques sont accessiblessur Vaugirard. Les enjeux des TICpassent par une infrastructure réseausolide et des investissements à lahauteur, pour accompagner laconduite du changement et le pilo-tage par une mission interministérielle(Rapport Lasbordes). �

[email protected]

Interview du Dr Pierre Espinoza, pôle urgences télémédecine à l'hôpital Pompidou

Les TICau chevet de la santé

Page 42: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

A rrivésà la fin des années 70, les pre-miers jeux vidéo représentaient

un marché de niche. L’avènement despremières consoles de salon a permis ausecteur de s’ouvrir peu à peu au grandpublic. Aujourd’hui, il est devenu unmarché de masse (devant le cinéma etla musique) que l’on peut diviser endeux segments : le marché casual (Wii,DS, IPhone, IPad, et réseaux sociaux), etles jeux plus hardcore destinés aux ma-chines puissantes comme la PS3, laXbox 360 et le PC.

Le « cloud gaming », en d’autrestermes le jeu vidéo à la demande oupar streaming, pourrait bien venirconcurrencer les consoles de jeux d’iciune dizaine d’années. Il fait aux joueursla promesse qu’ils seront connectésinstantanément aux derniers jeuxvidéo sortis, grâce à une simpleconnexion internet haut débit, et qu’ilspourront jouer pour moins cher qu’au-jourd’hui. Il n’y aura plus de consolesdédiées, mais une seule et uniqueinterface qui proposera des jeux enligne, comme c’est déjà le cas pour lamusique (Deezer).

Dématérialisation On peut parler de jeu vidéo « à la

demande » puisque le joueur seconnecte à l’interface pour accéder àune liste de jeux disponibles (via unécran connecté à internet), ou mêmede « GaaS » (game as a service), unservice d’abonnement à un catalogue

de jeux dématérialisés (et non un achatde licences).

Le cloud gaming utilise une tech-nologie de diffusion du jeu vidéo (sonet vidéo) en flux continu sur le web(par opposition à l’achat physique ouau téléchargement). Le joueur peutainsi faire des parties de jeux vidéo trèspuissantes sur n’importe quellemachine. Il doit juste disposer d’unnavigateur pour jouer sur PC ou Macou d’un boîtier pour jouer sur sa télévi-sion. Le service a déjà trouvé le soutiend’éditeurs de renom tels qu’ElectronicArts, Ubisoft, Atari et Gameloft. Aufinal, le rendu graphique du jeudépendra principalement de la bandepassante du consommateur et dunuage du fournisseur de jeux en strea-ming. Pour bénéficier de la haute défi-nition (HD), le service nécessitera unevitesse de connexion de 5 Mbit/s ouplus, débits qui pourraient se démocra-tiser à moyen terme grâce au déploie-ment de la fibre optique et desrouteurs puissants.

Disparition des consoles ?Ce type de technologie pourrait

bien révolutionner le monde du jeuvidéo, au sens où il agit à la fois surl’environnement des éditeurs, desdéveloppeurs, des fabricants, desdistributeurs et des joueurs. A l’ex-trême, il pourrait donner lieu à la dispa-rition des consoles, de certains acteursde la chaîne de valeur (fabricants deconsoles, distributeurs, détaillantsphysiques...) et aussi supprimercertaines difficultés propres au secteur(notamment le piratage et le marchéde l’occasion).

Les avantages pour l’éditeur et leconsommateur, qui se passent desintermédiaires habituels, sontnombreux. Moins cher à développerpar les éditeurs, le jeu dématérialisé est

aussi moins onéreux pour le consom-mateur qui peut, dés lors, acheter plusde jeux. Les éditeurs peuvent parailleurs compter sur des revenus régu-liers, plus profitables, indépendam-ment du cycle de vie d'une console, etles joueurs n’ont plus à réinvestir tousles cinq à six ans dans l’achat d’unenouvelle machine. La concurrenceentre les éditeurs et les développeurssera d’autant plus forte qu’ils serontjugés sur la qualité de leurs contenus,et non sur leur capacité à programmersur tel ou tel type de console ousystème d’exploitation.

Intérêt des FAILes différents services de cloud

gaming pourraient développer desrelations avec les fournisseurs d’accès àinternet qui cherchent tous à proposerdu jeu sur leurs différentes box. Free,par exemple, a le premier lancé sonpropre service d’émulation de jeu vidéosur sa Freebox HD fin 2009. Si, jusqu’à

présent, les trois grands fabricants(Microsoft, Sony et Nintendo) voulaientfaire de leurs consoles des hubs privilé-giés d’accès à une offre centralisée deloisirs sur la TV pour toute la famille,c’est dorénavant les FAI qui cherchentà créer un média center à travers leursbox. Ils pourraient alors se rapprocherdes acteurs du cloud gaming pourmettre en avant des contenuspremium complets à forte valeurajoutée (VOD, musique en ligne,services marchands, jeux vidéo…).

Si le cloud gaming tient toutes sespromesses, il pourrait bien accélérerfortement le passage incontournablede l'industrie vers la dématérialisationet le contenu numérique. Le streamingn’empêchera pas la prochaine généra-tion de consoles de salon de sortir(2012), mais il donne une idée assezprécise de ce que pourrait être le jeuvidéo à long terme, au plus tôt, dans10 ans. �

www.natixis.com

Dossier

42� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Jeux en ligneL'économie des jeux est en pleine mutation. Depuis le 8 juin, le marché français des jeux et paris sur accélérer le passage de l'industrie des jeux vers la dématérialisation et le jeu en ligne. Quant à l'engoue

Le cloud gaming : un baiser de la mort aux consoles ?

par Richard-Maxime Beaudoux, Analyste Equity IT services, Video Games & Internet, Natixis

Avec un marché de 60 milliardsde dollars dépassant désormais

celui de la musique, certains pour-raient croire que le jeu vidéo a bienperdu de son aspect ludique. Ainsi,je ne doute pas que mon avatar,perdu dans le monde de Warcraft,avec ses 11,5 millions de congé-nères, soit avant tout une superberéussite marketing. Car, contraire-ment à mon profil Facebook, je doispayer pour le maintenir en ligne.Comment donc expliquer monengouement ? Et qui sommes-nousdonc vraiment derrière l’étiquettecryptique de « joueurs de jeux derôles en ligne massivement multi-joueurs (MMORPG) » ?

Inutile de le nier, le succès desMMORPG vient tout d’abord dufait … que ce sont d’excellents jeux !En vingt ans, le jeu en ligne a sus’écarter du jeu de rôle dit « surtable » en en gardant les attraits(évolution des personnages et deshistoires au court du temps, possibi-lités quasi sans limites d’interactionsentre les joueurs) tout en y apportantune vraie innovation technologique(représentation 3D du monde virtuel,temps réel, apprentissage intuitif,gestion invisible des règles et acti-vités associées). En un mot, le Dieu-ordinateur lance les dés pour quevous n’ayez plus à le faire, ce quipermet de s’immerger encore plus

Mon avatar et moi…

Page 43: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

� Quel est l’impact dunumérique sur l’économiedes jeux ?C’est la réalité et les spécificitésde l’économie numérique qui ontconduit les pouvoirs publics àadapter les modalités de larégulation des jeux et parisd’argent en ligne. Dans cedomaine, nous sommes sortisd’une forme de déni de la réalitéinternet. Partout en Europe où ilexiste une forte demande de jeuxet paris en ligne, on constatel’inefficacité des réponses derégulation quantitative :prohibition ou monopoles. LaFrance a donc décidé, sansrenoncer en rien à ses objectifsde régulation - lutte contrel’addiction, protection desmineurs, lutte contre les activités

criminelles etblanchiment d’argent,préservation de l’éthique -, demettre en place une régulationqualitative.Le développement des jeux etparis d’argent en ligne est à lacroisée de deux phénomènes : lebasculement que connaissentd’autres secteurs d’activités del’économie « en dur » versl’économie en ligne etl’émergence d’une offreattractive de jeux et paris(notamment le pari en direct)rendu possible par les évolutionstechnologiques.Les enjeux futurs auxquels cesecteur d’activité économiquetrès spécifique, pour des raisonsd’ordre public et social, seraconfronté, sont la fongibilité des

supports dediffusion (internet,TV, téléphonie) etles liens entre lesservices apportéspar les fournisseursd’accès et lescontenus. De plus,

s’agissant de l’économie dusport, on peut s’attendre à voirémerger sur le marché des droitsde retransmission des images,aux côtés des diffuseurs etacheteurs traditionnels, cesnouveaux acteurs que sont lesopérateurs de jeux en ligne.

� Quel est le rôle de L’ARJEL ?L’autorité de régulation des jeuxen ligne délivre des agréments,sur la base d’un cahier descharges très contraignant, auxopérateurs de paris en ligne surle marché français, sanslimitation à priori du nombre desopérateurs. L’ARJEL veillera austrict respect, par ces derniers, del’ensemble de leurs obligationslégales et réglementaires. Elle

participera à la lutte contre lesopérateurs illégaux dont l’activitéet la publicité en France sontdélictuelles. Pour cela, elle peutmettre en oeuvre une nouvelleprocédure civile dont elle al’exclusivité et qui lui permet desaisir le Président du TGI de Parispour faire prononcer, sousastreinte, les mesures visant àfermer ou empêcher l’accès à cessites par les hébergeurs ou lesfournisseurs d’accès.Enfin, le législateur a mis enplace une approche globale desproblématiques d’addiction et dedéfense de l’éthique descompétitions sur lesquelles sontproposés des paris. Dans lerespect des récentes décisions dela Cour de justice descommunautés européennes, laFrance a adopté un régimeadapté et proportionné au butd’intérêt général de la régulationet aux spécificités de l’économienumérique. Les jeux et parisd’argent ne sont pas une activitééconomique banale. �

www.pre-arjel.fr

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �43

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

internet, régulé par l'ARJEL, est ouvert à la concurrence et le cloud gaming, en plein essor, pourrait bienment des joueurs, il est massif : un MMORPG témoigne...

François Varloot, un MMORPG témoigne…

« Les jeux sortent d’une forme de déni de la réalité internet »

Interview de Jean-François Vilotte, président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL)

dans son personnage. L’attrait essen-tiel du jeu de rôle est conservé : lacapacité d’incarner un personnage etde « vivre sa vie » dans une partieinfinie. Ce qui tient autant du théâtred’improvisation que du transfert ausens psychanalytique, exutoirenécessaire aux contraintes de la vieréelle et à certains de ces interdits.Qui n’a jamais rêvé d’être JamesBond et de pouvoir tuer, séduire ouconduire une voiture de sport entoute impunité dans une activitéludique socialement acceptée ?

De vrais réseaux sociauxDe plus, les MMORPG sont de

vrais réseaux sociaux, permettant de

rencontrer de nouveaux joueurs oude jouer avec des amis éloignés. Or,nous savons désormais que noussommes friands de ces réseaux,qu’ils soient professionnels, person-nels ou ludiques. A ce titre, lesMMORPG offrent des avantages parrapport à certaines dérives d’autresréseaux sociaux. Les échanges sontsurveillés et, au besoin, modérés. Etsi l’anonymat est respecté entrejoueurs, les joueurs sont cependantdes abonnés connus des organisa-teurs du jeu et peuvent être pour-suivis en cas d’abus.

Un jeu de rôle en ligne est aussiun loisir reposant, après une longuejournée de régulation, auquel on

peut trouver quelques réellesqualités : moins passif que la télévi-sion ou la lecture ; plus convivial,et en général moins violentqu’un jeu vidéo répétitifoù l’on joue seul ; moinscontraignant en termeshoraires que l’organisation d’unesoirée belote, tout en offrant lamême possibilité d’échangerpendant la partie. J’ai ainsi puprolonger pendant six ans une partiecommencée avec des amis d’en-fance, alors même que je m’étaiséloigné de plusieurs fuseauxhoraires. Certes, il convient de segarder de toute dérive addictive,mais admettons que nous restons de

grands enfants et que la technologienous facilite l’entrée dans le rêve. Lapuissance de nos consoles, PC etréseaux est telle qu’aujourd’hui, onpeut incarner en temps réel, en reliefet sur grand écran tout personnagedans un cadre onirique, fantastique,musical et quasi réel. Cela répond àun besoin. Car, selon le vieil adage,on n'arrête pas de jouer parce qu'onvieillit mais on vieillit parce qu'onarrête de jouer. �

Page 44: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Peut-on intéresser le consommateur en lui proposant sur son télé-phone portable des services d’accès aux transports, des moyensde paiement et des applications marketing ? Peut-être, s’ils sont

enrichis et simplifiés à la fois. C’est la promessedes services mobiles sans contact.

L’intégration de ces services dans nos télé-phones est rendue possible par la technologieNFC (Near Field Communication) dont le principe

est de combiner deux technologies d’identifica-tion : celle des puces RFID (Radiofrequency

Identification) et celle des cartes SIM (SubscriberIdentification Module). Combinée à une

antenne RFID, la carte SIM devient unepuce sans contact, capable d’émuler denombreuses cartes d’identification.

D’autres solutions techniques pourraient se développer à base de microcartes SD plutôt que de cartes SIM.

Tel un couteau suisse, le téléphone sans contact devient carted’accès aux transports lorsqu’on l’approche d’une borne existante (detype Navigo à la RATP), carte de paiement lorsqu’on l’approche d’unterminal de paiement électronique (1) et carte de fidélité automatiquementvalidée lors d’un paiement. Mais le téléphone sans contact ne se subs-titue pas purement et simplement aux cartes. Il tire partie de son ergo-nomie, de sa connectivité aux réseaux mobiles et de ses possibilitésd’échanges de données avec des tiers via la technologie RFID. L’ajoutd’une fonction sans contact au téléphone complète les bouquets deservices offerts aux consommateurs.

De nouveaux services, enrichis et simplifiésDans le domaine des transports, le voyageur pourra utiliser son télé-

phone pour acheter son titre de transport et consulter des informationsvia l’internet mobile, accéder aux transports grâce à la puce RFID, voireéchanger son titre de transport avec un tiers s’il possède également untéléphone sans contact. Le téléphone sans contact répond à l’impératifd’immédiateté décrit par les spécialistes du marketing. Lorsqu’il décidede voyager, l’utilisateur n’a plus à attendre d’être dans une gare pouracheter ou retirer son titre de transport. De plus, il n’a plus à chercheroù il a rangé son ticket puisque celui-ci est dématérialisé dans son télé-phone.

Dans le domaine du paiement, le téléphone devient un outil completqui permet de préparer ses achats, de payer et de suivre un programmede fidélité. Le consommateur pourra consulter des informations sur lesproduits et comparer leur prix via l’internet mobile. En photographiant uncode barre, de nouvelles applications, comme celles disponibles sur lesite Proxima Mobile, permettront d’accéder à des informations encomplément de celles qui se trouvent sur les étiquettes. Il pourra ensuitechoisir son mode de paiement, plusieurs cartes de paiements pouvant

être hébergées sur le téléphone et bien sûr payer via la puce RFID.Dans le domaine du marketing, le consommateur pourra stocker

dans son téléphone toutes les cartes qui encombrent son portefeuille (2),consulter à tout moment ses points de fidélité voire en acquérir denouveaux en approchant son téléphone d’une affiche publicitaire interac-tive (avec des puces RFID intégrées) Les magasins d’applications sanscontact devraient également se développer, par exemple dans ledomaine du jeu ou des réseaux sociaux, en facilitant l’échange de sescoordonnées personnelles voire de son profil complet. Enfin, les télé-phones sans contact devraient permettre le développement de l’éco-nomie « quaternaire » dont le principe consiste à louer un bien plutôt quede l’acquérir (lire l’interview de Michèle Debonneuil pages 16 et 17).

Anticiper les craintes du consommateur La dématérialisation des services offre de nombreux avantages et les

conditions techniques semblent réunies pour que la technologie NFC soitgénéralisée. Pourtant, les utilisateurs pourraient montrer une certaineréticence à utiliser ces nouveaux services. En premier lieu, il pourraitcraindre de perdre son téléphone, et avec lui, tous les services qui y sontintégrés, comme l’accès aux transports et le paiement. Toutefois, l’opé-rateur mobile peut bloquer à distance le téléphone et en fournir rapide-ment un nouveau.

Son autre crainte pourrait provenir du risque d’incompatibilité desservices entre eux. C’est pourquoi les opérateurs mobiles, au sein del’Association française du sans contact mobile, commercialiseront lesservices mobiles sans contact sous la même marque « Cityzi » qui garan-tira l’interopérabilité des services labélisés. De plus, l’utilisateur pourraadopter progressivement ces services et décider, par exemple, de payeravec son téléphone uniquement les achats de moins de 20 euros dansun premier temps, puis de lever cette restriction dans un second temps.D’après l’Idate, les téléphones NFC pourraient représenter un sixièmedes ventes de téléphones en 2012. S’il est difficile d’expliquer les avantages d’une amélioration ergono-mique, l’expérience est souvent plus convaincante que les arguments.De nombreuses expérimentations ont déjà eu lieu en France, à Caen etStrasbourg. Une expérimentation en grandeur réelle a été lancée àNice fin mai. Présentée comme une « répétition générale », son succèspourrait accélérer les déploiements nationaux. �

(1) Les nouvelles bornes de paiement sont en coursde déploiement dans les enseignes de la grandedistribution et chez certains commerçants.

(2) Un consommateur sur deux en possèderait enmoyenne quatre.

m-paiementVoyager, consommer, payer avec son téléphone mobile : ce sera bientôt possible grâce auxservices mobiles sans contact et à sa technologie NFC. Avant goût des futures applications.

Dossier

44� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Le téléphone mobile sans contact, « couteau suisse » du 21e siècle

L’ARCEP a publié le 22 février dernier sur son site web uneétude sur les services mobiles sans contact :

http://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/etude-serv-mobiles-sans-contact-220210.pdf

Page 45: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

Le spectre est la ressource indispen-sable à de multiples usages nou-veaux. Réalise-t-on qu’il y a

aujourd’hui dans le monde plus de trentemilliards d’étiquettes radio (RFID) qui per-mettent le traçage et l’identificationd’objets et d’être vivants, le télépaiementou le contrôle d’accès ? Le WiFi relie au-jourd’hui l’ordinateur portable au mondeextérieur et à internet, où que l’on setrouve. Nos voitures commencent à êtreéquipées de systèmes permettant depayer aux péages et, demain, de sys-tèmes de communication pour être avertides accidents et des difficultés de traficainsi que de radars pour déboiter entoute sécurité et prévenir les collisions.Nous sommes en train de vivre la fin dela télévision analogique et son remplace-ment par la télévision numérique, quipermet la multiplication du nombre deprogrammes, la haute définition et d’icipeu, la télévision en 3D. Enfin, les récep-teurs GPS, et bientôt Galileo, sont deve-nus une fonction indispensable dans lessmartphones ou dans la voiture maisaussi pour le fonctionnement de nom-breuses infrastructures.

Mais l’évolution la plus marquantede ces vingt dernières années est la télé-phonie mobile. C’est une révolution auniveau des usages, mais aussi en matièrede gestion des fréquences, car pouraccompagner son développement, il afallu progressivement libérer denombreuses bandes de fréquences dansla gamme de spectre la plus convoitée.

Difficultés croissantes pour libérer des bandes

Illustration de la difficulté crois-sante de la libération des bandes auprofit du service mobile depuis unedizaine d’années, et donc de la raretécroissante de la ressource spectrale, lecoût des réaménagements defréquences nécessaires va en augmen-tant. Ainsi, le coût la libération de labande des 2 GHz (réalisée à partir de2000) était limité à 39 M€, alors qu’ildevrait être de l’ordre de 60 M€ pourla bande des 2,6 GHz et de plus de100 M€ pour la partie de la bande des800 MHz actuellement attribuée auministère de la Défense.

Comment alors pourra-t-onrépondre à l’explosion du trafic desdonnées qui accompagne le succèsactuel des smartphones et des clés 3G ?Le problème est d’autant plus crucialque les technologies UMTS et LTE sontdéjà proches de la limite théorique d’ef-ficacité spectrale définie par le théorèmede Shannon. Il est bien sûr toujourspossible de densifier les réseaux mobileset donc la réutilisation des fréquences,mais cela représente un coût significatifpour les opérateurs alors que, sauf àtarir la demande, la tarification desdonnées ne peut être proportionnelle audébit que les clients réclament.

L’amélioration des interfaces radioset la densification des réseaux doit doncs’accompagner d’une libération denouvelles bandes de fréquences pour lesréseaux mobiles. Une prise deconscience de l’importance du sujet adéjà eu lieu au niveau européen.

Bien sûr, les difficultés commence-ront réellement quand il s’agira d’identi-fier les nouvelles bandes à libérer.Certains parlent déjà d’un deuxième

dividende numérique, mais lesbesoins des opérateurs mobilesdevront être mis en regard desbesoins de la radiodiffusion pour denouveaux programmes, pour lagénéralisation de la TVHD, voire dela TV 3D. Des travaux ont démarréau sein du RSPG pour examiner lespossibilités d’amélioration de l’effi-cacité spectrale de ces bandes. Parailleurs, pour répondre aux besoinsspectraux dans les zones denses, ilexiste dans les bandes au-dessusde 3,4 GHz du spectre peu utilisé,désigné au niveau européen pourles réseaux d’accès large bandefixes et mobiles (3,4-3,8 GHz) etdont une partie (2x45 MHz) a déjàfait l’objet d’autorisations pour lesréseaux d’accès fixes et nomades.

Il sera intéressant d’analyserles résultats des enchères prévuesdans quelques mois en France surles bandes 800 MHz et 2,6 GHzen termes de perception par lesacteurs du marché de la rareté du

spectre.Toutefois, lavaleur donnée au spectre à un momentdonné est le fruit de nombreuses consi-dérations. On peut ainsi noter (cftableau) que les enchères enAllemagne sur ces bandes ont donnédes résultats décevants quand on lescompare aux enchères qui avaientprécédé l’éclatement de la « bulle »3G. En revanche, les enchères aumême moment en France sur les deuxblocs restant de la 3G apparaissentcomme un succès, peut-être lié à unepression concurrentielle plus forte, dueà l’arrivée d’un quatrième opérateur.

Faire coexister plusieurs usages Pour le plus long terme, la radio

cognitive pourrait permettre l’utilisa-tion de nouvelles bandes en partageavec les utilisateurs actuels dans unchangement d’approche où il ne s’agitplus de « libérer » des bandes mais d’yfaire coexister différents usages. Lestravaux à ce sujet ont commencé auplan communautaire, notamment àpropos des « espaces blancs » du plande radiodiffusion.

On peut donc dire que la recherchede nouvelles bandes de fréquences pourrépondre à l’explosion de la demande dedonnées sur les réseaux mobiles a déjàactivement commencé en Europe, quiconstitue le niveau pertinent pour aboutirà l’harmonisation nécessaire des condi-tions techniques d’utilisation des bandeset des caractéristiques des équipements.La Conférence Mondiale des Radiocom -munications de 2016 pourrait aussi êtresaisie de la question, moins de 10 ansaprès celle de 2007, qui a attribué le divi-dende numérique au plan mondial. �

www.anfr.fr

FréquencesComment répondre à l’explosion du trafic data qui accompagne le succès actuel des smartphoneset des clés 3G ? L’amélioration des interfaces radios et la densification des réseaux devras’accompagner d’une libération de nouvelles bandes de fréquences pour les réseaux mobiles.

Fréquences : toujours plus rarespar François Rancy, directeur général de l’Agence nationale des fréquences

Pays Montanttotal

Dont fréquences 2,1 GHz utilisées pour le haut débit

mobile (3G)

Dont fréquences 800 MHz et 2,6 GHzutilisées pour le très haut débit mobile

(4G) 800 MHZ 2,6 GHZ

FRANCE 822,0 M€ 822 M€ (2x15 MHz)43 c€/MHz/hab Lancement du processus 2e sem. 2010

ALLEMAGNE 4 383,0 M€ 360 M€ (2x20 MHz)11 c€/MHz/hab

3.576 M€ (2x30 MHz)73 c€/MHz/hab

344 M€ (190 MHz)2,2 c€/MHz/hab

DANEMARK 135,0 M€ 135 M€ (190 MHz)13 c€/MHz/hab

PAYS-BAS 2,6 M€ 2,6 M€ (2x65 MHz)0,08 c€/MHz/hab

INDE 11 700,0 M€ 11.700 M€ (2x20 MHz)25 c€/MHz/hab

ANNÉES PRÉCÉDENTES

FINLANDE(2009) 3,8 M€ 3,8 M€ (190 MHz)

0,3 c€/MHz/hab

SUÈDE (2008) 226,0 M€ 226 M€ (190 MHz)

13 c€/MHz/hab

NORVÈGE(2007) 29,0 M€ 25 M€ (190 MHz)

3 c€/MHz/hab

Prix payé par les opérateurs pour l’achat de droits d’utilisation du spectre en 2010 (en millions d’€)

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �45

NB : Les droits et obligations attachés aux autorisations (durée, obligations decouvertures, etc.) peuvent varier d’un pays à un autre.

Page 46: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

La création artis-tique vit uner é v o l u t i o n

majeure sous les effets conjugués de lacourse à l’innovation technologique etde l’appropriation de masse desusages numériques. Cette révolutiontient à la fois à la transformation desmodes de conception, de production,de diffusion et de consommationculturelle, mais également auxnouveaux modèles économiques tiréspar le rôle dominant d’Internet dansl’accès aux contenus. C’est donc toutela chaîne de valeur qui se transformeautour d’une recomposition des inter-relations entre les champs de la créa-tion et de l’innovation, la sphèresociale et l’économie.

Une démarche participativeLes artistes du numérique sont

pour la plupart des digital native, nés ily a 30 ans avec le jeu vidéo, et formésdés le plus jeune âge à l’usage de l’in-teractivité. Avec plus de 500 festivalsd’art numérique en France, cette créa-tion constitue une formidable forced’innovation malgré le peu d’intérêtque lui prête une institution encorebloquée sur les modèles du XXe siècle.Les jeunes publics passent aujourd’huiplus de temps sur Internet et le télé-phone mobile que dans un musée oudevant la télévision. D’une consom-mation passive, ces nouveaux publicssouhaitent s’inscrire dans une dé-marche active et participative grâce àl’interactivité et à la dynamique socialedes réseaux.

Les artistes se sont emparés très tôt

de ce phénomène et ont, depuis plusieurs décennies, expérimenté denombreux types de dispositifs d’inter-action entre le public et l’œuvre, baséssur de nouvelles formes de langagesintégrant le rôle du spectateur dans leprocessus de création. L’œuvre aupa-ravant « objet unique et fermé » est devenue générative, évolutive, partici-pative et multi-supports, se produisanten flux en fonction des réactions dupublic. Grâce à l’intelligence artificielleet aux technologies de captation etd’analyse en temps réel d’événements(images, sons, données), l’œuvre sevoit dotée de capacités de voir, enten-dre, sentir, analyser et interagir avecson environ nement. Elle devient ainsiun partenaire relationnel qui réagit auxactions des spectateurs, produisantune expérience sensible et émotion-nelle personnalisée.

Des œuvres « comportementales »

Le CUBE, premier centre de créationnumérique ouvert en 2001 à Issy-les-Moulineaux, a produit et diffusé denombreuses œuvres « comportemen-tales » rassemblées sous le vocable générique de « Living Art (1)». Un art numérique « à vivre » qui se définitcomme une expérience en flux, sansdébut ni fin, et dont le discours seconstitue entre le comportement del’œuvre, programmé par l’auteur, etl’engagement du spectateur dans la relation. Le CUBE expose ainsi en cemoment à l’Exposition Universelle Shanghai 2010 deux œuvres compor-tementales sur écrans géants, dont l’unest disposé sur la façade avant du Pavillon d’Arménie. Sur cet écran, desméduses virtuelles (2) vous invitent àjouer avec elles dans un espace tridi-men sionnel. Grâce à la force d’évoca-tion sensible et intuitive du dispositif, lesspectateurs se retrouvent rapidement àdanser avec le ban de méduses. L’expérience émotionnelle collective est

renforcée par la dimension immersivede l’image et du son générés en tempsréel. L’auteur de cette installation, lachorégraphe Catherine Langlade, a ainsicréé un dispositif adapté aux flux des visiteurs ainsi qu’à la temporalité dechaque expérience.

Le développement de ces nouvellesformes de création à une échelle plusimportante est aujourd’hui possible,d’une part parce que les artistes ont investi depuis une trentaine d’annéesle champ des nouveaux langages

interactifs et, d’autre part, parce queles technologies permettent de rendreaccessibles ces créations à un public demasse. L’interopérabilité des systèmesd’information, la généralisation du trèshaut débit, les développements duWeb 2.0 et du Web 3D, du CloudComputing, des technologies de réa-lité augmentée, de la mobilité et desenvironnements intelligents, sont autant de puissants vecteurs de trans-formation de nos modes de vie. Ils

ouvrent de nouveaux horizons dans denombreux domaines sociétaux, et par-ticulièrement dans le champ artistique,culturel et éducatif.

Un formidable marchéLa prochaine révolution à venir est

probablement celle de la transforma-tion du modèle économique de la créa-tion artistique, déjà fortement remis enquestion ces dernières années. La dématérialisation complète de l’œuvre,ou plus exactement de ce qui en fait sa

valeur source (le code informatique),liée à l’arrivée de moyens de diffusionet d’interaction de plus en plus stan-dards et performants tels que les nou-velles consoles de jeu vidéo Natal àinterface gestuelle, devraient ouvrir lavoie à un formidable marché pour lescontenus créatifs. La sphère culturelleet éducative, les dispositifs numériquesdans les lieux de vie urbains, les sup-ports mobiles ou les nouvelles généra-tions de home cinema dans les foyers

Le « Cloud Art Computing », vers une Re

Création artistiqueLa culture est-elle en train de radicalement changer ? Quel est l'impact des nouvelles technologies sur

Nils Aziosmanoffdevant l’œuvre com-portementale“Corps complices”

Dossier

46� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

par Nils Aziosmanoff, président du CUBE, centre de création numérique d’Issy-les-Moulineaux

Grâce à l’intelligence artificielle et auxtechnologies de captation et d’analyse entemps réel d’événements (images, sons,données), l’œuvre se voit dotée de capacitésde voir, entendre, sentir, analyser etinteragir avec son environnement.

Page 47: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

sont autant de récepteurs possiblespour ces nouveaux contenus. Le modèle économique ne sera plus celuide l’achat, fut-il en ligne, mais devraitépouser celui du mode Saas (Softwareas a service) permettant de ne pas télécharger l’œuvre mais de la consom-mer à distance avec un paiement au

temps d’usage. Il n’y a donc plus d’acquisition de l’œuvre, celle-ci restantstockée dans les serveurs distants duCloud Computing.

Après les années pionnières où lesartistes ont réinventé le statut de l’œu-vre et du spectateur, voici venu le tempsd’une création arrivée à maturité et qui,

en se propageant auprès du public, devrait radicalement bouleverser notreperception du monde. Parce qu’ellepeut ré humaniser nos espaces collec-tifs, ré enchanter nos lieux de vie, créerde nouvelles perspectives relationnelleset révéler de nouvelles dimensions dumonde, la création artistique ne pré-

pare-t-elle pas l’ère florissante d’unevéritable Renaissance numérique ? �

www.lesiteducube.com(1) Living Art de F. Aziosmanoff.

Editions CNRS 2010.(2) Œuvre comportementale « Corps

complices » de Catherine Langlade. Production Le CUBE – 2009.

naissance numérique ? les œuvres et la création artistique ? Réponse d’un pionnier de la création numérique et d’une plasticienne.

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �47

� Comment utilisez-vousinternet dans votre travaild’artiste ?Tout d’abord, internet a été unesource d’inspiration avant même queje ne travaille avec le media lui-même.C’est en 1999, en cherchant desreprésentations minimales du paysageurbain, que j’ai commencé à m’yintéresser. Quand on se promènedans une ville, les plans éloignés et lesplans proches rentrent en collusion, lahiérarchie et la perspective classiquedisparaissent, tout semble surgir surle même plan. Quand on fait unerecherche sur internet, c’est pareil :les plans proches et lointainss'échangent de manière continue : on n'a plus un espace gradué commedans l'espace perspective de laRenaissance ou bien au contraire unespace symbolique comme auMoyen-Age, mais nous sommes enprésence d’une spacialité « gauche »,entre le plan et la tridimensionnalité.A partir de ce constat, je me suisattachée à bâtir une représentationde la ville qui rende compte de cetespace où tout surgit au même plan.C’est ainsi que j’ai conçu un système,le surlignage, où les volumes sontdétourés comme s’ils étaient inscritsdans une fenêtre qui rappelle celle de

l’internet. J’ai obtenu ainsi une sériede paysages, de grandesphotographies, qui parlent del'agencement de l'espace. Ce travail a duré plusieurs années.

� L’interactivité, c’estimportant pour vous ?Certains artistes utilisent plutôt leréseau dans sa composante sociale.Personnellement, je l'utilise commeune palette pour un peintre et ce sontsurtout les possibilités d’interactivitéqui m’intéressent, ce sont un peu mescrayons de couleur… Actuellement,j’exploite les possibilités de navigationinteractive sur internet pour mettreen forme tout un travail sur l’intime.Ce nouveau projet, intitulé UBI-Screen (1),est issu des recherches de lasociologue Dana Diminescu qui s’estintéressée à la manière dont lesmigrants communiquent à distanceen utilisant des outils de visiophonietels que sur skype ou MSN. Rendez-vous compte : grâce à cesoutils, des gens discutent, s’aiment,mangent et regardent ensemble latélévision, alors que des milliers dekilomètres les séparentphysiquement ! C’est comme si vousaviez une porte ouverte enpermanence. Pour les sociologues,

c'est un espaceaffectif inédit quipose des questionssur ce qu’est unemaison, unseuil, etc. Cetravail m’apassionnée et j’ai eu envie deraconter cette histoire defranchissement de frontières, maisaussi, de nouveau, de collusiond’espaces.

� Concrètement, qu’avez-vousimaginé ?J'ai conçu un dispositif très simple auplan formel : un film à la lectureinteractive sur le net qui permette devisualiser différents protagonistesd’une conversation sans eninterrompre le fil. Concrètement, ils’agit d’une captation multi-camérasqui s’opère de la manière suivante :au moyen d’une caméra vidéo, jefilme un interlocuteur chez lui.Simultanément, sont enregistrées lesimages des webcams des deuxinterlocuteurs. Les vidéos exprimantdifférents points de vue sur laconversation sont restituées au seind’une interface qui permet devoyager d’une vidéo à l’autre.L’ensemble produit une nouvelle

plasticité de l’image en mouvement.L’interactivité permet une lecturepersonnelle qui rend acteur de

l'œuvre elle-même. Tout ceciprésuppose un énorme travailen amont sur les modesd'interaction et d'interactivité etla façon de les faire oublier, pourne retenir que la sensation. Cefilm sera présenté en mai 2011

à Beaubourg pendant toute ladurée du Web flash festival.Les personnes qui en ont vu

les premières images expliquent qu’ilsont vraiment l'impression de rentrer àl'intérieur des conversations, d'êtreprésent et ce, grâce à la lectureinteractive qui permet de passer d’unpersonnage à l’autre. L’intérêt, c'estd'observer ce qui se passe dans cesmoments de recréation d'une bulleaffective, d'un espace qui n'est passeulement un espace decommunication, mais un espace devie. C'est très beau parce qu’on estsur de l'infra mince, des petiteschoses, souvent d’une portéegénérale. La question de la distancerevient de manière récurrente chez lesprotagonistes, détournée ou implicite,on rêve de retrouvailles… C'est untravail qui parle de comment s'aimeret être à distance. �

www.isabellegrosse.comVersion pilote d’UBI-Screen disponible enligne : http://www.kouma.fr/~ubiscreen

(1) UBI-Screen bénéficie du soutien du CentreNational du Cinéma et est réalisé enpartenariat avec Regart.net

Interview d’Isabelle Grosse, plasticienne

Internet et la nouvelle plasticité de l’image ou les nouveaux crayons de couleur…

Page 48: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Dossier

48� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

La révolution numérique vue par Iliad-Free« Il y a dix ans, le monde était fini, Microsoft dominait tout le monde. Mais l'acteur dominantd'un jour n’est plus le même le lendemain : mondialisation et dématérialisation ont revisité l’économie ».

� Quelles sont les tendancesde fond qui vont marquerles prochaines années ? Sur le fixe, c’est assez simple : onraisonne dans une croissance sansfin des débits. Du coup, on voitarriver de nouveaux acteurs quifabriquent des boitiers : le nouveaudécodeur d'Apple, qui sort en find'année, la GoogleTV d’Androidqui arrive prochainement, et lestéléviseurs connectés. D’ici 15 à 20ans, ces équipements auront faitdisparaître le concept de box dumarché français et il estvraisemblable que la télévisiondevienne un bien deconsommation quasi « jetable ».Parallèlement, il est tout aussiévident qu’on continuera às’abonner à un opérateur pouraccéder aux services et contenusfournis par ces boîtiers.

� Et sur le mobile ?C'est plus compliqué que sur le fixecar on a une capacité finie - lespectre - qui ne dépend pas desacteurs et qui ne correspond pasnon plus à l'usage que souhaitenten faire les consommateurs.Actuellement, il n’y a pas encore de bonnes raisons de voir les traficsmobiles exploser, mais ça viendraavec des applications encoreinconnues aujourd'hui. Cela dit,l’usage data en mobilité ne serajamais aussi fort qu’en fixe – lesterminaux ont des écrans plus petits qui ne nécessitent pas lamême résolution. Mais l’absence de solution pour broadcaster les

flux vidéo, qui condamne lesopérateurs à l’envoi d’un fluxpartagé par la totalité desconsommateurs, reste un problèmemajeur.

� Quels seront lesnouveaux usages dans le mobile ?L’idéal, c’est d'avoir desapplications qui marchent partoutet le meilleur endroit pour ça, c'estinternet qui rend le produitaccessible de partout, sur toutréseau et sur tout support. Lesmodèles propriétaires d’aujourd’huiauront besoin de converger et laconvergence naturelle, c'est leweb ! Ce besoin de convergencede format est l'intérêt de tous, pouréviter des problèmes de positiondominante et des condamnations. Le problème de la numérisation del'usage, c’est qu’elle crée desmarques mondiales fortes. Je croisque nous n’éviterons pas ladomination de trois ou quatreproduits uniques mondialementtrès forts. Nous n’avons pas demoteurs de recherche nationauxforts comme Google, ni de eBaynational fort non plus, et quand ilsexistent, ces services sont revendustrès cher aux premiers quideviennent des acteurs mondiauxcolossaux très riches. Mais c'est ledevenir économique ! Il y a dix ans,le monde était fini et Microsoftdominait tout le monde.Aujourd'hui, Apple et Google seportent plutôt bien, et d'autres,

comme Linux, progressentdoucement, mais sûrement...L'acteur dominant d'un jour n’estplus le même le lendemain.Mondialisation et dématérialisationont revisité l’économie. Lespositions dominantes qui existaientpays par pays deviennentmondiales !

� Comment le marchémobile évolue-t-il ? On tend vers une forfaitisation etune simplification des offres. On ledisait déjà il y a quelques années eton paraissait ridicules. Il faudratoutefois résoudre un problème :sur le marché français, on a offert ladata - chère à produire - et on avendu cher la voix - gratuite àproduire -, ce qui estcatastrophique. Un beau matin, lesopérateurs mobiles devront reveniren arrière. C'est d’ailleurs ce qu'ilsfont un peu partout dans le mondeen créant une référence de marchéavec des forfaits, globalementillimités, entre 100$ et 100€. Maisdépenser l’équivalent d’un mois deSMIC chaque année pour de la dataet du téléphone illimité, ça reste unprix pas très grand public !Dans tout ça, qu’est-ce qui estbénéfique pour le consommateur ?Prenez un produit comme l'iPhone :il est révolutionnaire en lui-même,mais il ne l'est pas par son prix, nipar son mode de distribution.L'iPhone ne touchera que 5 à 10 %de la population mondiale, car cen'est pas un produit grand public.Or, un opérateur a besoin de

toucher toutes les couches de lapopulation. Il a plusieurs moyens dele faire : soit en segmentant lesoffres pour extraire le maximumd'argent aux consommateurs, soiten estimant que, globalement, il y aun prix « juste », un prix de marchédans lequel il inclut tout, et il rendcette offre unique disponible pourtout le monde. Le plus important,finalement, c’est d’être capabled'amener le progrès à tout unchacun, et de partager cette valeuren trois, entre ceux qui la créent –les salariés de l'entreprise –, lesconsommateurs et l'investissement.

� Voyez-vous des rupturesdans les modèleséconomiques ? Globalement, sur le mobile, onconstate un basculement vers lesvendeurs de terminaux. Aucunopérateur n’est capable d’inventerun équipement aussi attractif pourle grand public qu'un terminalApple ou Androïd. Ils n’ont nil’expérience, ni la masse critique, nile marché. Sur le fixe comme sur le mobile, la révolution viendra de ceux quiseront capables d'inventer desterminaux disruptifs commel'iPhone, et de les vendredirectement sans passer parl’opérateur, tout en se faisantrémunérer pour reprendre unepetite marge sur la vente del’abonnement. Les opérateursdeviennent des vendeurs detuyaux, ce qui n’est pas trèsattirant, mais, après tout, c’est leurmétier. Ils resteront protégés desincursions dans leur business par lesinvestissements capitalistiques, trèslourds, qu’ils doivent faire. Lesopérateurs ont une autre vraiechance : ils sont présents dans tousles foyers. Bref, ils resterontincontournables. �

www.iliad.fr

Les opérateurs resteront incontournables

Interview de Xavier Niel, fondateur d’Iliad-Free

Page 49: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

La numérisation universelle descontenus et des données, ledéveloppement de la connec-

tivité mobile et du haut-débit etl’omniprésence de l’internet qui endécoule sont en train de révolu-tionner nos modes de vie.

Le foisonnement d’innovations,dans les services, les applications oules terminaux, développent denouveaux usages qui transformentprofondément notre manière decommuniquer : nous sommesjoignables partout, tout le temps,via un nombre croissant d’outils decommunication (notamment lesréseaux sociaux) et de terminauxconnectés.

Une révolution des modes de consommation

Ces nouveaux usages révolution-nent également notre manière deconsommer : nous pouvons choisir,acheter partout, tout le temps,commander sur le web un produitet le récupérer en boutique, etc. Lamultiplication des offres permetd’accéder à des contenus de diver-tissement provenant du mondeentier, dont ceux oubliés oudevenus inaccessibles. La structuredu web permet aussi l’émergenced’acteurs nouveaux et donc de contenus nouveaux, souventlocaux. La consommation decontenus audiovisuels tend à se« délinéariser », avec le développe-ment de la catch’up TV et de lavidéo à la demande. Ces nouvellesfaçons de consommer répondent àdeux besoins forts : l’interactivité etla personnalisation.

Par ailleurs, le développementdes usages numériques et de notre

présence sur le web soulève desquestions autour de la confidentia-lité des données échangées, de lasécurité, de « l’identité numérique »de chacun et plus largement de la « confiance numérique ». Surtoutes ces questions, l’opérateur, depar la relation étroite qu’il entretientavec ses clients, doit jouer un rôlede premier plan en se positionnantcomme « tiers de confiance ».

Ces tendances sont en train debouleverser l’écosystème de lacommunication au sens large etcelui des médias en le rendant plusouvert. Elles remettent en cause lesmodèles économiques traditionnels,le tout dans un environnementréglementaire mouvant et parfoisincertain.

Les opérateurs sont les moteurs de l’évolutionnumérique

Les opérateurs télécoms, telsSFR, sont non seulement acteursmais aussi moteurs de ces évolu-tions.

Tout d’abord, seuls des investisse-ments massifs dans les réseaux fixeset mobiles rendent possibles le déve-loppement de nouveaux services etusages innovants, ainsi que leurutilisation par les clients dans desconditions de prix et de qualitésatisfaisantes. L’idée selon laquellel’émergence de l’internet mobile,est la conséquence de la commer-cialisation récente de quelquesmodèles de terminaux très sophisti-qués, est souvent répandue. Cettevision est réductrice. Les opérateursinvestissent depuis 10 ans dans laconstruction des réseaux mobiles3G et dans les services data. S’ils nel’avaient pas fait, ni la courbe d’ex-

périence, ni les infrastructuresnécessaires, ni l’écosystème d’édi-teurs de services ne seraient enplace. Loin d’être achevée, la vagued’investissements va se poursuivreet sera d’autant plus importantecompte tenu de l’explosion de lavidéo sur internet. Sans réseau 3G,pas d’iPhone, sans réseau hautdébit fixe, pas de YouTube. SFRdépense ainsi 1,5 milliard d’euroschaque année pour étendre lacouverture et développer les capa-cités de ses réseaux.

Ensuite, le lien unique que lesopérateurs entretiennent avec leursclients via leurs réseaux de distribu-tion et leur service client notam-ment, permet aux innovations de sediffuser et d’être accessibles au plusgrand nombre. Sans offres attrac-tives et bien relayées, pas de déve-loppement des webphones, et sansservice client, pas d’adhésion auxnouveaux usages. SFR investit ainsichaque année pour améliorer l’effi-cacité de sa distribution et celle deson service client. Par ailleurs, cetteproximité et cette connaissance duclient confèrent à l’opérateur unrôle d’organisateur et de référenttrès utile dans un univers de plus enplus éclaté, en particulier dansl’offre de contenus.

Enfin, les opérateurs télécomsparticipent directement à l’innova-tion dans les services et plus large-ment dans l’expérience utilisateur.SFR développe ainsi une nouvellegénération d’outils de « communi-cation enrichie », agrégeant servicesde mail, de « joignabilité » (répon-deur, routage et contrôle d’appeletc.) ou encore de la voix haute défi-nition. De la même façon, SFR déve-loppe ses propres applications, afin

de donner accès à tousses services (TV, VoD,Wifi, gestion de soncompte, etc.) simplement et dansdes conditions de qualité optimales.

Concilier des logiquessouvent contradictoires

Pour que toutes ces innovationscontinuent à se développer et sedémocratiser, l’ensemble desacteurs de l’écosystème doittravailler ensemble à réinventer unenvironnement concurrentiel dyna-mique, permettant à l’innovationd’être envisagée sur le long terme. Ilfaudra pour cela concilier deslogiques souvent contradictoirescomme le foisonnement d’innova-tions à court terme et les enjeuxindustriels sur des cycles longs(l’émergence de la data mobile s’estétalée sur 10 ans, le développementde la fibre chez les particuliersprendra autant de temps), maisaussi des cadres réglementaires etfiscaux adaptés à une consomma-tion locale et le développementd’une offre de contenus globalepour parvenir à un positionnementéquitable des différents acteursdans la chaîne de valeur.

Ce travail est immense et lesinstances de régulation et de média-tion comme l’ARCEP joueront unrôle majeur dans sa réussite. �

www.sfr.fr

par Jérémie Manigne, directeur général innovation, services et contenus de SFR

Concilier foisonnement d’innovations et enjeux industriels

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �49

La révolution numérique vue par SFR« Les nouveaux usages numériques révolutionnent nos façons de communiquer, de consommer, denous divertir... jusqu’à notre identité. Ces tendances sont en train de bouleverser l’écosystème de lacommunication et les modèles économiques traditionnels ».

Page 50: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

Aulance-m e n t

de Bouygues Télécom, une agenceavait proposé un film publicitaire ayantpour cadre le marché aux puces :devant des combinés téléphoniques àtouches des années 90, un enfantperplexe interrogeait sa mère qui luirépondait : « ça, c'était le téléphoneavant Bouygues Télécom ». Cettepublicité n'a pas vu le jour et le tempsa passé depuis, avec son cortège d'in-novations. La révolution numérique aaccompli son œuvre, grâce à sesacteurs privés : réseaux, plate-formesde services, agrégateurs, éditeurs decontenus, fabricants de terminaux.

Extrême volatilité des modèles

La première conséquence de larévolution numérique est l’extrêmevolatilité des modèles. Jadis, un indi-vidu effectuait toute sa carrière dansle cadre d’un modèle stable, parexemple celui de l’automobile.Aujourd’hui, la pérennité d’unmodèle est de l’ordre de quatre ans,ce qui impose une remise en causeconstante.

C’est vrai pour les modèleséconomiques. L’émergence de l’in-ternet mobile, après de longueshésitations, l’illustre particulièrementbien : le wap, puis l’i-mode, puis l’i-Phone, et enfin Android.

C’est vrai pour les modèles desociété : Facebook n’existait pas il ya cinq ans ; Youtube n’avait pas étéprévu, ni sur le fixe, encore moinssur le mobile ; Wikipedia a été fondéil y a moins de dix ans.

C’est vrai pour la législation et laréglementation : en 1996, le motinternet n’est pas prononcé dans laloi de réglementation des télécom-munications ; en janvier 1997, lepremier avis de l’ART concerne lesservices autres que le service télé-phonique.

On ne peut prévoir le visage descommunications électroniques dans10 ans. L'explosion des besoins encapacité de transmission sur lesréseaux 3G est juste le signe que leweb va devenir un réseau immatérielde terminaux et objets intercon-nectés par des technologies radio,boucles locales d'un immenseréseau de fibres optiques.

Territorialité et propriété remises en cause

En revanche, les problèmes poséspar la révolution numérique sont dèsaujourd’hui une évidence. La révolu-tion numérique remet en cause laterritorialité : chaque internaute,citoyen d’un pays donné, passe régu-lièrement commande, depuis unordinateur situé dans un autre pays,d’une prestation qui sera délivréedans un troisième pays, ou d’uneprestation totalement immatérielle,utilisable n’importe où, phénomèneaccentué par le cloud computing. Lanotion de territorialité, condition del’Etat et de toute législation, estremise en cause. La mise en œuvredu droit civil pour sécuriser les droitsindividuels, du droit pénal pour luttercontre la cybercriminalité ou du droit

fiscal pour garantir aux Etats lesrecettes dont ils ont plus que jamaisbesoin, requière des solutionsjusqu’ici inconnues, de nature supra-nationale.

Le droit de propriété voit sonconcept fortement évoluer grâce àl’émergence du web collaboratif. Lesauteurs de Wikipedia, non rému-nérés, acceptent la réutilisationgratuite par des tiers de leur propretravail, dès lors que ces tiers préser-vent eux-mêmes cette faculté deréutilisation. Consultable librementpar des millions de personnes etalimenté par des milliers de rédac-teurs, Wikipedia réalise peut-êtredans l’économie du savoir uneprophétie fameuse de 1875 :« Quand, avec le développementmultiple des individus, les forcesproductives se seront accrues ellesaussi et que toutes les sources de larichesse collective jailliront avec abon-dance, alors seulement… la sociétépourra écrire sur ses drapeaux : « Dechacun selon ses capacités, à chacunselon ses besoins ! » (Marx et Engels,Critique des programmes de Gothaet d’Erfurt).

La révolution numérique fondel’économie de la connaissance et dela culture sur des bases nouvelles. Ilconvient donc d’imaginer le modèleéconomique que les auteurs et lescompositeurs auraient sans douteélaborée si, par magie, on était passéen une nuit du music-hall éclairé parles lampes à gaz à la civilisation dump3 et de la fibre optique.

Nouvelle dimension de la conscience collective

Enfin, la révolution numériqueporte en elle les germes d’une géné-ralisation de la traçabilité des

citoyens, lorsque des internautes « seretrouvent sur Facebook », ou queleurs smartphones synchronisentleurs données avec des serveursdistants. Dans le village mondiald’aujourd’hui, comme cela futtoujours le cas dans le village tradi-tionnel de jadis, les allées et venuespeuvent être désormais connues desautorités habilitées.

La question se pose donc pourl’Etat de déterminer les limites danslesquelles cette traçabilité de l’indi-vidu est légitime, la législationactuelle n’ayant pas été conçue dansla perspective d’une connectivitépermanente du citoyen. Faute dequoi se réaliserait la prophétie deMichel Foucault : « notre société n’estpas celle du spectacle, mais de lasurveillance » (Surveiller et punir).

Dans un texte visionnaire du GaiSavoir (n° 354), Friedrich Nietzscheattribue la conscience au besoinqu’ont les hommes de « communi-quer, de se comprendre réciproque-ment d'une façon rapide et subite »,tout simplement pour survivre dansun monde hostile. « La consciencen'est en somme qu'un réseau decommunications – « ein Verbin-dungsnetz » – d'homme à homme(…), l’homme solitaire et bête deproie aurait pu s'en passer ». La réfé-rence à « ein Verbindungsnetz » – unréseau de mise en liaison – se réaliseavec internet et la révolution numé-rique au-delà de toute imagination.

Les Etats doivent désormaisprendre en compte cette nouvelledimension de la conscience collec-tive, dans le respect des droits de l’in-dividu, ce qui impose une synthèsenouvelle entre le collectif et le parti-culier. �

www.bouyguestelecom.fr

La révolution numérique vue par Bouygues Télécom« Jadis, un individu effectuait toute sa carrière dans le cadre d'un modèle stable, par exemplecelui de l'automobile. Aujourd'hui, la pérennité d'un modèle est de l'ordre de quatre ans, ce qui impose une remise en cause constante ».

Dossier

50� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

par Emmanuel Forest, vice-président, directeur général délégué de Bouygues Télécom

Révolution numérique : un défi pour les Etats

Page 51: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �51

Les faits sont connus. Ce que nousavons dit dès 2005, et dontOrange a pris très tôt la mesure,

s’est réalisé et se poursuit à un rythmeaccéléré : trois ruptures majeures(numérisation, IP généralisé, accroisse-ment des capacités réseaux et de laconnectivité) entraînent des boulever-sements radicaux dans les technologiesde l’information et de la communica-tion et, au-delà, dans l’ensemble del’économie. Cela se traduit par l’omni-présence des réseaux, le foisonnementdes services et par l’extension desdomaines d’application des télécom-munications à l’ensemble de la viesociale et économique : contenus,santé, habitat, commerce, réseauxsociaux…

Dans le même temps, un nouvelécosystème s’est constitué, caractérisépar l’interdépendance et l’interpéné-tration de quatre grands métiers :équipements, réseaux, services d’in-termédiation, contenus. La dynamiquede cet ensemble repose, à l’échellemondiale, sur l’innovation et l’investis-sement. La concurrence entre lesgrands acteurs se joue désormais àtravers des mouvements de concentra-tion horizontale et d’intégration verti-cale, chacun visant à se rapprocher duclient final et à capter les nouvellessources de revenus, notamment publi-citaires issus de l’audience.

Mais au-delà de ces bouleverse-ments et des progrès continus dans lestélécoms, nous sommes face à unemutation fondamentale : l’arrivée desréseaux très haut débit – fixes etmobiles – qui multiplient par 10, voire100 les capacités d’échange. Cette« deuxième vie des réseaux » marqueun véritable changement d’échelle qui,conjugué à la numérisation potentiellede tous les contenus et services, vaprofondément transformer nos modesde vie. Ainsi, les enjeux qui se profilentne touchent pas seulement « les télé-coms ». Ils concernent l’ensemble del’économie et de la vie sociale, sur tousles continents.

Changement de logiqueTrois mutations accompagnent

cette « nouvelle vie des réseaux ».Il s’agit tout d’abord d’un change-

ment d’échelle géographique. Le« village mondial » dont McLuhanpressentait l’émergence en 1962 seconstruit sous nos yeux, avec 1,7milliard d’internautes et 4 milliardsd’utilisateurs de mobiles. Les paysémergents en font désormais partie,comme la Chine, n°1 mondial ennombre d’internautes et qui croît desept millions de nouveaux abonnés aumobile par mois. La perspective estcelle d’un espace d’échange plané-taire, avec des acteurs de taillemondiale, dans lequel, ne l’oublionspas, il nous reste encore à accueillir aumoins 3 milliards de personnes.

En second lieu, c’est également unchangement de logique d’usage.C’est l’utilisateur qui détient les clésdes services : avec la convergence desréseaux, il est en permanence et entous lieux au cœur des réseaux. Il n’estplus passif, mais c’est lui le « maître »,devenant d’ailleurs lui-même produc-teur de services : réseaux sociaux,recommandation, création/échangede contenus, interactivité généra-lisée…

C’est enfin un véritable change-ment de logique industrielle. Ce n’estplus seulement une affaire de « télé-coms ». L’avenir repose certes sur l’in-novation et l’investissement dans lesréseaux, mais également et surtoutdans l’invention des services impli-quant une collaboration entre tous lessecteurs économiques (industriesculturelles, commerce, États et collec-tivités locales, etc.) et dans la réinven-tion de l’équipement des utilisateurs :terminaux, réseaux domestiques...avec un subtil équilibre entre richessedes interfaces et simplicité d’usage.

C’est la conjonction de ces troismutations qui est à l’origine dunouveau paradigme de la « deuxièmevie des réseaux » et des changementsde modèles d’affaire.

Relever les défisPour que la France et l’Europe tirent

parti des promesses de « la deuxième viedes réseaux », il convient qu’elles répon-dent aux défis qui sont devant nous.

Comme l’ont bien compris les grandspays hors d’Europe, il convient de libérerles initiatives en matière d’investisse-ments et d’exploitation des réseaux à trèshaut débit. L’avenir des services est condi-tionné par ces investissements et ceuxdans les infrastructures associées (fermesde serveurs). L’Europe, qui prend chaquejour du retard dans ces domaines, doitcréer les conditions pour avancer !

L’Europe doit aussi veiller à prendretoute sa place dans la réinvention desservices rendus possibles par lesnouveaux réseaux à très haut débit, telsque la téléprésence, la télévision HD et3D, l’accès aux contenus par desmoteurs de recherche multimédia, lestéléservices dans la santé et l’assistanceaux personnes.

Si le « vieux continent » veut tirer sonépingle du jeu dans l’innovation deservice, il est nécessaire d’amplifier nosefforts de R&D dans les grands métiersdes TIC (équipements de réseaux,conception de services) et nous devonsrenforcer la formation de nos experts.Dans le concert de la mondialisation,c’est cette partition qu’il faut jouer pourcompter économiquement – mais aussiculturellement – dans les futures géné-rations de services.

Concernant la question du partage dela valeur, il faut comprendre, etconvaincre certains acteurs du web pros-pérant sur le réseau internet, que « rienn’est gratuit ». Avec l’arrivée de la fibrepour l’accès, l’équation économique esttotalement nouvelle puisqu’il s’agit deconstruire un réseau de toute pièce. Ilfaut donc trouver un juste retour pour lesinvestisseurs et établir une participationde tous les acteurs de la chaîne de valeurqui tirent des revenus grâce auxnouveaux réseaux à la rémunération desopérateurs et des auteurs de contenussans lesquels de nombreux servicesn’existeraient pas.

Ainsi, nous devonsétablir les règles garantis-sant la rémunération de lacréation (culturelle, intellectuelle) et del’innovation (industrielle). Dans l’éco-nomie numérique, rien n’est jamais vrai-ment gratuit. Les internautes finissenttoujours par payer, même si c’est indi-rectement par le coût de la publicitéréintégré dans les produits. La questioncentrale est alors de s’assurer d’unretour vers les auteurs des contenus etde l’innovation, avec certes une justerémunération des intermédiaires. De cepoint de vue, face au risque systémiquede la gratuité, les opérateurs de réseauxsont totalement solidaires des auteursde contenus.

Gagner ensembleNous sommes à l’aube de la

« deuxième vie des réseaux » : ununivers marqué par l’abondance descapacités, la pertinence des services etpar le rôle central des utilisateurscomme « nœuds actifs » des réseaux.Les futures infrastructures à très hautdébit et les services associés vont révolu-tionner les usages et étendre le champdes télécommunications qui, rappelons-le, soutiennent la croissance de noséconomies et participent à la préserva-tion de notre environnement.

Nous avons su par le passé trouverles équilibres nécessaires au déploiementdes précédentes générations de réseaux(fixes et mobiles). Il nous incombeaujourd’hui d’inventer le modèle derégulation et de partage de la valeurpermettant de rémunérer les nouveauxréseaux et les contenus, un nouvel équi-libre sans lequel la dynamique de l’éco-système risque de se briser. C’est lacondition sine qua non pour permettreau plus grand nombre d’entrer dans ceque j’appelle « le village numériquemondial ». �

www.orange.fr

par Didier Lombard, président de France Télécom - Orange

Un nouveau paradigme

La révolution numérique vue par France Télécom - Orange« Nous sommes à l’aube de la “ deuxième vie des réseaux “ : un univers marqué par l’abondance des capa-cités, la pertinence des services et par le rôle central des utilisateurs comme “ nœuds actifs “ des réseaux ».

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Dossier

52� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

L e moinsque l’onpuisse dire est que le câble

français a connu une histoire mouve-mentée depuis sa naissance. Lapériode de consolidation – 2005-2007 – a été riche en défis, qui sontdevenus autant d’opportunités.Aujourd’hui, ce qui était une néces-sité impérative pour Numéri câble esten train de devenir le cœur despratiques de consommation et desattentes de la société : personnalisa-tion, interactivité et partage… ce quel’on pourrait appeler « l’esprit 2.0 ».C’est la tendance de fond de laconsommation de médias (tousconfondus) depuis quelques années,qui n’est pas appelée à s’interrompre.Avec, pour manifestation la plusvisible, le progrès des contenus déli-néarisés.

Personnalisation, interactivité, partage

A fin 2009, l’ensemble deschaînes nationales proposaient unservice de rattrapage, et NPA Conseilestime que 59% de la totalité descontenus de la télévision généralistesont visionnables par cette voie. Lesstatistiques montrent que cespratiques s’intensifient. Je n’enretiendrai qu’une : en moyenne,12,1 % des internautes Français ontpayé pour visionner des films ou desprogrammes de télévision en vidéo à

la demande (VàD) sur leur téléviseuren 2009, contre 6,8 % sur internet(respectivement 8,7 % et 5,8 % en2008). On le voit, l’écart entre laconsommation sur ordinateur et surtéléviseur se creuse tant le confort devision est supérieur en télévision (1).

Certes, la vidéo à la demandereprésente déjà une forme d’interac-tivité. Mais par interactivité au sensstrict, j’entends celle qui se traduitpar une action (notamment via cesfameux « widgets ») pendant ledéroulement même d’un pro-gramme : le faire partager à un tiersdont je sais qu’il est devant son télé-viseur, le « marquer » comme favoris’il est récurrent, ou encore, beau-coup plus frappant, parier sur l’évé-nement sportif en cours, commeNuméricâble le proposera avecBetclic, de manière absolumentinédite. On le voit ici, logique 2.0,télévision et e-commerce se rappro-chent pour inventer de nouvellesformes de consommation dont nousne sommes qu’au commencement.Demain, qui sait, des programmesde fiction interactifs, à la frontière dujeu vidéo et de la fiction tradition-nelle, apparaîtront peut-être. La télé-réalité pourra elle aussi en êtrebouleversée, les journaux téléviséseux-mêmes pourraient sonder endirect l’opinion des téléspecta-teurs… Tout est possible !

L’avantage de la télévision surl’ordinateur est certainement lapossibilité qu’elle offre de partagerses contenus avec un grand nombred’utilisateurs, idéalement le cerclefamilial ou amical. Une versionrétrécie des réseaux sociaux du web2.0 certes, mais au cœur des aspira-tions de la société contemporaine.En outre, des services de plus en plus

nombreux permettent le partage decontenus via la télévision via l’accès àtous types de plateformes. La télévi-sion comme débouché du « UserGenerated Content », c’est certaine-ment une tendance lourde pour lesannées à venir.

Plus de débitsCertes, ces évolutions sont extrê-

mement demandeuses de débit, afortiori avec la montée en puissancede la HD, et bientôt de la 3D. L’ADSLest aujourd’hui clairement en butéetechnologique. Le satellite offre undébit suffisant, mais uniquementdescendant. Seule la fibre optique està même de satisfaire cette demande,mais il faut les équipements qui vontavec, aux points névralgiques desréseaux et chez le consommateur. Dece point de vue, les interfaces et les« set top box », ces décodeurs dedernière génération, ont un rôleconsidérable à jouer dans l’adoptiondes nouveaux services. Cela impliqued’organiser les programmes demanière renouvelée, de créer desportails thématiques, bref, de rendrela télévision aussi modulable et aiséeà parcourir (littéralement à feuilleter)que le Net. A cet égard, l’émergencedes télévisions connectées constitueracertainement un challenge considé-rable pour les opérateurs d’IP-TV etpour le câble.

Il est essentiel que la France neperde pas de temps sur ces sujets carles enjeux industriels et économiquessont considérables. Ce sont les modesde consommation futurs de lafameuse culture « mainstream », quise dessinent aujourd’hui. L’imbricationdes industries des medias et des tech-nologies des diffuseurs est appelée àêtre de plus en plus forte. Dans le

combat économique de l’industrie dudivertissement, disposer d’un marchéintérieur fort sur ces nouvellestendances et le plus tôt possible estindispensable. Une raison de pluspour aller plus vite dans le déploie-ment de la fibre optique…

La convergence, une véritable attente

Les tendances de consommationconfirment tous les jours cette visiondu marché. La consultation « VosEcrans 2020 » que nous avons lancéerécemment aussi. Visité par plus de25.000 internautes en un mois, cesite participatif recense les idées desinternautes pour les « écrans dufutur » sur six sujets : la télévision(notamment HD/3D), la mobilité, legaming, le très haut débit, la conver-gence et la « maison numérique ».

De manière très intéressante, lesujet qui concentre le plus grandnombre de propositions est… latélévision ! Et quelle propositionrecueille, pour l’heure, le plus desuffrages ? Celle d’une télécom-mande universelle dotée d’un écrantactile… Comment manifester plusclairement que la convergence estaujourd’hui une véritable attente,qu’elle se concentre autour de latélévision (dont la télécommande estun prolongement naturel), et qu’elleinclut une dimension très forte depersonna lisation/interactivité ? Aprèstout, sans inclure l’élément de« socialisation » certes, la télécom-mande ne porte-t-elle pas en germeles deux autres piliers de « l’esprit2.0 » que sont la personnalisation etl’interactivité ? �

www.numericable.fr

(1) chiffres issus du bilan du CNC 2009.

La révolution numérique vue par Numéricâble« La télévision comme débouché du “ User Generated Content ” est certainement une tendancelourde pour les années à venir (...). Ces évolutions sont extrêmement demandeuses de débit. Une raison de plus pour aller plus vite dans le déploiement de la fibre optique...».

par Pierre Danon, président directeur général de Numéricâble Completel

« l’esprit 2.0» ou la bonne fortune de la télécommande…

Page 53: LA REVUE TRIMESTRIELLE DE L’ - Arcep

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �53

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

L’avènement du numériquebouleverse les secteurs tradi-tionnels comme le secteur

postal, car nos concitoyens diversi-fient rapidement leurs modes decommunication. Ainsi la substitu-tion électronique devrait-elle avoirpour conséquence, selon leconsensus Européen, une baissede 30% des volumes de courrier àl’horizon 2015.

Cette baisse des flux s’accom-pagne d’une évolution du rapportau guichet, en particulier pour laclientèle grand public. Les clientsfont évoluer leur mode d’achat,sollicitant tous les canaux mis àleur disposition. Un client devientcomposite, il s’informe souventsur internet, effectue éventuelle-ment son achat de timbres ou sonaffranchissement colis sur le web,et suit, lorsque cela est possible,son expédition en ligne ou parSMS. Et au bureau de Poste, lesautomates peuvent être préférésau guichet pour une plus granderapidité d’exécution et unemoindre file d’attente.

Des défis, mais aussi des opportunités

Pour La Poste, le défi estgrand : il faut faire évoluer nonseulement son appareil de produc-tion (centres de tri, transport,distribution), pour le redimen-sionner aux nouvelles échelles deflux acheminés, mais aussi adapterson accès à l’offre en développantdes solutions multicanales, ce quisignifie aussi un aggiornamentode l’offre au guichet, qui sera deplus en plus tournée vers duconseil approfondi ou des opéra-tions plus complexes qu’aupara-vant.

L’ère du numérique, ce sont desdéfis pour La Poste, mais aussi des

opportunités, en particulier dansles secteurs du colis et de l’express.L’explosion du e-commerce génèreune demande croissante, en parti-culier sur ces activités, où laqualité et la fiabilité sont porteusesde valeur. La Poste accompagnesans cesse cette demande enfaisant évoluer son offre, par unaccès facilité à l’affranchissement,par le développement de solutionsde suivi et une plus grandesouplesse dans le mode de distri-bution.

Au-delà de l’évolution de sesmétiers traditionnels, La Postedéveloppe de nouveaux servicesdepuis la fin des années 90 pours’adapter au numérique. Ce sontd’abord le lancement d’activitésinternet gratuites pour le grandpublic comme le webmaillaposte.net, ou encore la transpo-sition sur internet des servicespostaux physiques (lettre recom-mandée en ligne, boutique dutimbre, réexpédition du courrieren ligne, affranchissement desenvois en ligne,…). Pour la clien-tèle des entreprises, La Postepropose plus récemment desoffres hybrides (papier et numé-rique), ainsi que des services àhaute valeur ajoutée pour le traite-ment des documents entrants ousortants via ses filiales rassembléesau sein de Doc@Post.

Enfin, La Poste s’est engagéedans la dématérialisation et lasécurisation des échanges surinternet avec des filiales commeSeres (leader européen) etCertinomis (1ère autorité de certi-fication française). A ce titre, leprojet Digipost, solution de plate-forme d’échange de courrierdématérialisé couplée à un coffrefort électronique, va renforcer lepositionnement de La Poste sur le

marché des applications numé-riques pour les particuliers.

Certes, ces nouveaux servicesne peuvent à eux seuls compenserla baisse de nos activités tradition-nelles. Mais ils permettent à LaPoste d’acquérir une expérience etun savoir-faire, dont elle va ensuitetirer parti pour faire évoluer sonmodèle économique.

Notre société aura besoinde tiers de confiance

Dans l’univers numérique, laduplication d’information à coûtmarginal nul bouleverse radicale-ment notre référentiel de valeur.Nous sommes désormais comblésd’offres et d’informations, maisnous n’en connaissons pas la fiabi-lité. Comment s’assurer du sérieuxd’un service après vente, ou de laqualité d’une information donnéesur des sites scientifiques ? Qui estréellement de l’autre côté de latoile ? Et combien sommes-nousprêts à payer pour le savoir ? Lasociété internet s’organise encommunautés, lorsque cela estpossible, ou crée des forums, afinde construire une « réputationstatistique » aux offres proposées.C’est une manière de dissiper lesincertitudes, qui nuisent au déve-loppement des échanges.

Par ailleurs, les problématiquesde protection de la vie privée et depréservation de données confiden-tielles prennent de plus en plusd’importance. Dans un tel environ-nement, les marques, leur réputa-tion et la confiance qu’ellesinspirent sont un atout d’autantplus crucial que notre sociétéavancera dans la dématérialisationdes échanges et des services.

La Poste, entreprise publique,peut et doit devenir un acteurmajeur de la société numérique,

précisément grâce à la confiancequ’elle inspire, par ses valeurshistoriques de proximité et d’accessibilité, par les missions deservice public qui lui sont confiées,par ses engagements en matièrede développement responsable, etpar son savoir faire en tant qu’in-termédiaire des échanges, garantdu secret des correspondances.

Un premier mouvement vientillustrer ce positionnement : LaPoste souhaite devenir le fournis-seur d’une identité numériquecertifiée grand public. A ce titre, LaPoste participe au projet gouverne-mental de labellisation IDéNum,l’identité numérique multiservices.Il s’agit de proposer au marché unecouche de vérification, et donc decertification, des attributs de l’iden-tité. La Poste jouerait ainsi undouble rôle de tiers certificateur etde facilitateur des échanges engarantissant une phase de vérifica-tion de l’identité préalable auxtransactions en ligne.

L’univers du numérique chercheson modèle économique. Gratuiténe signifie pas toujours qualité.Notre nouvelle société aura besoinde tiers de confiance, qui facilite-ront les échanges et créeront de lavaleur. La Poste, par ses savoir-faireet parce qu’elle bénéficie de laconfiance des français, saura jouerce rôle. �

www.laposte.fr

par Jean-Paul Bailly, président directeur général de La Poste

La Poste dans l’ère numérique

La révolution numérique vue par La Poste« Les marques, leur réputation et la confiance qu’elles inspirent sont un atout d’autant plus crucial que notre société avancera dans la dématérialisation des échanges et des services ».

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Cette vision d’un marché assisté d’un méta-marché informa-tionnel est celle de l’économiste Hayeck, pour qui, en contrasteavec la vision épurée des néoclassiques, le marché n’est pas unmécanisme déterministe et a-informationnel, par lequel desproducteurs sachant par avance ce qu’ils doivent fournir vendentde manière anonyme à des acheteurs sachant par avance ce qu’ilsdésirent consommer, mais plutôt un processus aléatoire et auto-organisé, par lequel acheteurs et vendeurs, ignorant initialementles caractéristiques des biens qu’ils échangeront en définitive, co-inventent et co-adaptent ces caractéristiques, au gré d’interac-tions ciblées et informatives.

Dans l’économie numérique – dont le périmètre n’est pascantonné aux seuls biens numérisables, mais s’étend à tous lesbiens requérant une infomédiation – les producteurs et lesconsommateurs participent au même « algorithme » social : lesconsommateurs s’émulent en « consommacteurs » en agissantcomme testeurs, voire comme coproducteurs, tandis que lesproducteurs définissent leurs produits et les différencient à lacarte, en analysant avec finesse les requêtes de la demande,révélées sur le méta-marché. Se dessine là une forme évoluée demarketing décentralisé, prolongement naturel des techniques deCRM (Customer Relationship Management) et garant d’une meil-leure adéquation dynamique entre les aspirations d’une consom-mation « hédonique » et les contraintes d’une production«rationnelle ».

Communautés et intimité instrumentaleLes communautés en ligne, creusets de l’infomédiation, sont le

siège d’un mode de relations adapté à cette fonction : « l’intimitéinstrumentale ». Dressant une typologie matricielle des rapportsinterindividuels où se croisent la dimension de durée –permanenceou éphémérité – et celle de profondeur – anonymat ou personnali-sation – les communautés en ligne ressortent de l’éphémèrepersonnalisé. Si le permanent anonyme correspond, par exemple,au contrat de travail, le permanent personnalisé à la vie familiale, oul’éphémère anonyme au marché parfait des néoclassiques, l’éphé-mère personnalisé traduit, quant à lui, cette relation spécifique del’infomédiation, où un certain degré d’intimité est certes nécessairepour conforter la pertinence des conseils prodigués – j’écoute avecconfiance qui me ressemble suffisamment – mais où la permanencedu lien n’est pas de mise, puisqu’il s’agit d’interactions dont l’objectifpremier est instrumental, et non pas social.

Ubiquité et sérendipitéIl est souvent affirmé que les réseaux électroniques abolissent

les distances qui, dans l’espace physique, contraignent la circula-tion des personnes et des biens. C’est là une analyse rapide, car nedistinguant pas distance topographique et distance information-nelle. Au sein d’un « espace » socio-économique, qu’il soit réel ouvirtuel, les agents sont séparés par deux distances : une distancetopographique, qui signale l’écartement des lieux de présence etqui est effectivement nulle dans l’espace virtuel, où l’instantanéitédes mises en relation équivaut à une parfaite ubiquité ; et unedistance informationnelle, mesure inverse de la connaissance préa-lable que deux agents ont mutuellement l’un de l’autre, avant des’engager dans une transaction. La distance informationnelle estparfois plus grande sur la toile que dans le monde physique, ce quifreine l’essor du commerce électronique. Une des fonctions clésd’internet est de fournir des bases de données et des outils derecherche, une « infostructure » propre à réduire les distances infor-mationnelles entre les agents et accroître leur faculté d’entrée enrelation comme la sécurité de leurs transactions, que celles-ci aientlieu dans le monde en ligne ou physique.

L’infostructure d’internet peut être sollicitée à plusieurs niveaux.Les requêtes les plus élémentaires réclament simplement un appa-riement de nomenclatures, afin de localiser un agent pour lequel onne dispose que d’une information partielle, par exemple le nommais pas l’adresse, ou inversement : les annuaires électroniquesrépondent à ce type de questions. Des requêtes plus complexesexigent l’identification d’un agent a priori inconnu, seul étant prédé-fini le besoin auquel il devra répondre, une fois trouvé : les réseauxsociaux et les communautés sont le moyen privilégié de satisfairecette demande. Enfin, dans des requêtes « du troisième type », rienn’est déterminé à l’avance, sinon le désir de surfer sur internet, des’y adonner à une sorte de « flânerie » en ligne, au fil de laquelle deséchanges auront lieu ou non, seront marchands ou non, au gréd’une errance aléatoire de site en site, guidée par les liens hyper-texte en guise de poteaux indicateurs.

La flânerie en ligne, dont le potentiel est très supérieur à celuid’une promenade en ville en raison de l’absence de distance topo-graphique, constitue l’un des phénomènes les plus originaux de l’in-ternet, connu sous le nom de « sérendipité », en référence à unconte persan relatant les aventures des seigneurs de Sérendipe qui,au cours de leurs pérégrinations, font de nombreuses rencontresaussi imprévues que providentielles. La sérendipité est le complé-ment naturel de l’infomédiation : alors que le second instrument estutile à mieux acheter et utiliser les biens d’expérience, le premierassiste la consommation des biens « d’attention », ceux dont lefutur acheteur n’a pas même idée de l’existence, avant que sonattention ne soit attirée au hasard d’itinérances sur le web.

Réseaux et cultureDans un organisme vivant, l’information joue deux rôles : en tant

que flux, elle connecte des organes distants, afin d’activer des algo-rithmes biologiques ; et, en tant que stock, elle code la structure del’organisme et permet ainsi sa reproduction, ainsi que son adaptationdynamique à l’écosystème environnant, par mutation-sélection. Demême, au sein d’un système socio-économique, les technologiesnumériques exercent deux fonctions : d’une part, elles enrichissent etprolongent les algorithmes régissant les relations et les échangesentre les agents du système, ainsi que nous l’avons illustré ; et, d’autrepart, en ce qu’elles contribuent à la formation des goûts,

Dossier

54� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Quelques fondamentaux de la révolution numérique

(suite de la page 3)

par Nicolas Curien, membre de l’Autorité

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ANONYME PERSONNALISÉ

EPHÉMÈRE Marché Communauté en ligne

PERMANENT Entreprise Famille

L’intimité instrumentale

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LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �55

La révolution numériqueNouveaux usages, nouveaux modèles, nouvelles régulations ?

des représentations et des savoirs, elles façonnent la tramequi assure la permanence du tissu social et engendre son renouveau.

Chez les économistes néoclassiques – pré-numériques, en quelquesorte ! – les goûts et les représentations ne constituent pas unconstruit, mais un donné exogène, inexpliqué par la modélisation : unechaîne causale linéaire mène ainsi des représentations des agents, enentrée, à leurs comportements, en sortie. Or, pour théoriser l’éco-nomie numérique, il convient plutôt de la comprendre comme uneéconomie circulaire de la « connaissance », dans laquelle les repré-sentations individuelles et collectives sont endogènes, influencées ettransformées par les comportements mêmes qu’elles commandent, àtravers un processus de germination culturelle.

Au-delà de la numérisation des formes préexistantes, l’émergencede formes culturelles radicalement nouvelles et spécifiques de lafréquentation des technologies numériques, constitue une hypothèsecrédible. Ainsi, la représentation familière, qui lie le beau et l’art au rareet à l’authentique, est singulièrement bousculée lorsque l’original d’uneœuvre numérique ne peut plus être distingué de ses copies, qui l’éga-lent en qualité, voire le dépassent. Gageons que la passion d’un collec-tionneur d’objets d’art, qui se manifestait jusqu’alors par la recherched’un objet physique original, meuble ou toile de maître, dénotant lestyle de l’artiste qui l’a créé en un autre lieu et à une autre époque, sedéplacera progressivement vers l’auto-confection de variantes person-nalisées d’objets numériques, autant d’images sur mesure signant hicet nunc le style propre du collectionneur, devenu lui-même créateur :

n’est-ce pas très exactement la démarche de l’amateur de jeux vidéosen ligne, lorsqu’il achète un avatar « dormant » sur un site de ventesaux enchères, puis le réanime en rehaussant sa réputation, par unstyle de jeu personnalisé ? La révolution numérique, c’est aussi la nais-sance d’une culture du réemploi, de la variation thématique !

Contrairement au coupe-papier sartrien, dont les usages, mêmeinsolites, peuvent être aisément conçus, l’internet forme un « objettotal », que la philosophie ne saurait appréhender via l’inventaire deses usages, parce qu’il résiste à une telle réduction, purementinstrumentale. Si, dans le cas du coupe-papier, l’existence de l’objetn’est que la fidèle traduction de son essence, dans le cas d’internet,l’existence excède au contraire l’essence, « l’abuse » même, pourainsi dire : l’originalité des technologies numériques réside en effetdans le caractère foncièrement imprévisible, non programmable etauto-organisé de leurs usages, de l’infomédiation à la sérendipité,du web social à l’intimité instrumentale, du savoir à la culture enligne. Dès lors, regarder l’internet comme un objet déterministe,prévisible et formaté, descriptible à travers le catalogue de sesemplois, ce serait manquer la cible car, bien au-delà d’un outil ànotre service, ce qu’il est aussi trivialement, l’internet est avant toutle berceau de nos pratiques et de nos échanges ; portant notreparole et notre écriture, il est notre rapport au sens, miroir numé-rique dont le reflet donne à voir notre manière d’Etre ! �

Les services postaux boostés par le e-commerce L e e-commerce connaît une crois-

sance exponentielle depuis plusde 5 ans. Le nombre d’acheteurs enligne, de transactions et de sites webmarchands a fortement progressé.On reconnaît désormais au e-commerce un rôle de soutien à laconsommation, un rôle de moteurdu développement et de créationd’emplois. Des éléments qui ont puêtre démontrés aussi bien au niveaumacro que micro économique. C’estainsi qu’Adrexo, premier opérateurpostal privé en France avec plus de23 000 salariés, a construit unepartie de son modèle économiquesur cette croissance et les nouveauxbesoins qu’elle génère.

35 millions de colis livrés par an

Adrexo, spécialiste du produitlivré à domicile et de la distributiond’imprimés publicitaires en boîtesaux lettres a naturellement été, et

très tôt, l’interlocuteur privilégié dese-commerçants qui ont trouvé dansson offre une réponse aux attentesde leurs clients.

La première attente était liée auconfort du client et basée sur l’idéeque, quand on commande un articlesur Internet, ce n’est pas pour perdre2 heures en allant le chercher aubureau de Poste ! C’est ainsiqu’Adrexo propose une offre« 100% à domicile ». En effet, et encas d’absence du destinataire ducolis au moment de la livraison, lelivreur appelle le client pour convenird’un rendez-vous de livraison ou dudépôt du colis chez un voisin ou dansl’un des multiples points relais Kiala,partenaire d’Adrexo. C’est ainsi que,en livrant des produits commandéssur internet, Adrexo contribue indi-rectement, avec 35 millions de colislivrés par an, à la génération de traficdans de nombreux commerces deproximité.

Des solutions pour les e-commerçants

La deuxième attente est pure-ment économique. Nous avons eneffet constaté, grâce à l’une de nosétudes, qu’une grande majorité desclients du e-commerce interrompentleur session sans aller jusqu’à l’achatfinal, rebutés par des tarifs delivraison souvent disproportionnéspar rapport à la nature et au prix dupanier commandé. Le frein principalau e-commerce est donc, selonAdrexo, plus une question de coûtde la livraison que de confiance oude moyens de paiements surinternet, traditionnellement mis enavant par les acteurs du secteur et lespolitiques. Nous nous attachonsdonc à trouver des solutions inno-vantes pour faire baisser ces coûtspour le client final.

La troisième attente nous estvenue beaucoup plus tard et paraîtsaugrenue… Et pourtant ! En dehors

du colis, noussommes en effet legrand spécialiste de la distribution deprospectus en boîtes aux lettres, quenous appelons Imprimé Publicitaireou IP, un outil incomparable de géné-ration de trafic en magasin. C’est laraison pour laquelle, et en dépit desnouvelles technologies et desmoyens de communication hyper-sophistiqués en vogue, les boîtes auxlettres restent le média favori desgrandes surfaces. Chez Adrexo, nousavons fait le constat que l’IP étaitégalement un formidable accéléra-teur de trafic utile sur le web, c’est-à-dire de clients qui achètent enmagasins virtuels après avoir lu unimprimé publicitaire. C’est ainsi quenous avons récemment lancé l’offreOptiweb, entièrement dédiée aux e-commerçants. Ainsi, la boîte auxlettres n'a jamais été aussi proche del'ordinateur ! �

www.adrexo.fr

par Frédéric Pons, directeur général d’Adrexo

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Paquet télécom

56� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

Adopté le 25 novembre 2009, le nouveau cadre réglementaire européen entend répondre aux évolutions dula convergence des pratiques de régulation entre les Etats membres, il définit également de façon beaucoup plus

La régulation du secteur des communications électroniques est unprocessus dynamique adapté aux évolutions de marché et aux besoinsdes citoyens. Si l’activité des autorités de régulation se doit de refléter

cette dynamique, cela est également le cas des cadres législatifs qui déter-minent les conditions de cette régulation. Les révisions du cadre

communautaire sont ainsi l’occasion à la fois d’adapter lalégislation aux évolutions du secteur et de faire

progresser les mécanismes permettant d’appro-fondir le marché unique des communications

électroniques. Les textes adoptés en 2002 ont

abouti à une réelle montée en puis-sance de la concurrence adossée àdes dispositifs de régulation à l’effi-cacité généralement reconnue etqui conservent encore aujourd’huitoute leur pertinence. Le modèle derégulation défini par les textes denovembre 2009 s’inscrit dans la

continuité du cadre de 2002, en cequ’il fait des autorités de régulation

l’instrument d’un rapprochementprogressif du droit sectoriel et du droit

commun de la concurrence.Si le cadre adopté le 25 novembre 2009 (1)

marque une nouvelle étape importante, il se veutplus une évolution qu’une révolution, offrant de nouveaux

moyens aux régulateurs tout en garantissant mieux leur indépen-dance et leur coopération, créant de nouveaux instruments pour lesmarchés naissants, et donnant de nouvelles garanties aux consomma-teurs. C’est ainsi à une modernisation tant institutionnelle que matérielleque parvient ce nouveau cadre.

Des évolutions matériellespour une régulation mieux adaptée

Le nouveau cadre s’attache à la fois à parfaire les dispositifs de régu-lation existants, couvrir plus clairement de nouveaux domaines, reflétantnotamment l’évolution technologique du secteur, et permettre aux utili-sateurs de mieux profiter de la diversité des services qui leurs sontofferts.

Les directives de 2009 prennent acte de l’amélioration des conditionsde la concurrence et des nouveaux enjeux du secteur portés par lesnouveaux réseaux. Elles introduisent de nouvelles formes de régulationsymétrique, afin de favoriser le développement des réseaux de nouvellegénération (New Generation Access – NGA), en définissant des règles dujeu applicables à l’ensemble des opérateurs, notamment via le pouvoir,pour les autorités de régulation nationales (ARN), d’imposer le partagedes infrastructures passives à l’ensemble des opérateurs.

Par ailleurs, le cadre conforte et renforce les remèdes asymétriquesexistants. Il précise ainsi l’obligation d’accès aux infrastructurespassives, notamment de génie civil (fourreaux), de l’opérateur exerçantune influence significative, qui peut être imposée par l’ARN dans le cadredes analyses de marché.

Les dispositions nouvelles prévoient également le recours éventuel à laséparation fonctionnelle, c’est-à-dire la séparation, au sein de l’opérateurhistorique, de la vente des produits de gros et de l’exploitation commer-ciale de détail, qu’elle soit imposée par les ARN, ou proposée par lesopérateurs eux-mêmes. Cette solution ne devra cependant être envisagéequ’une fois démontrée l’inefficacité des autres remèdes.

Plus généralement, les dispositions nouvelles précisent et adaptent lesobjectifs guidant l’action des ARN. La prise en compte du risque d’inves-tissement et de la variété des conditions de concurrence selon la situationgéographique, ou l’accès à tous les contenus, sont ainsi mentionnés.

Une gestion du spectre rationnalisée et mieux coordonnéeLe Paquet télécom introduit des modifications significatives dans l’ap-

proche européenne de la gestion du spectre. Il permet tout d’abord uneplus grande flexibilité en réaffirmant le principe de neutralité technologiqueet de services, permettant de mobiliser, sauf exceptions, les bandes defréquences libérées pour de nouveaux usages, notamment dans le cadredu dividende numérique. Il renforce par ailleurs la possibilité d’accès auxressources spectrales en favorisant le développement d’un marché secon-daire des fréquences.

L’amélioration de la gestion du spectre se traduit également par unemeilleure coordination européenne et internationale, qui passera principa-lement par la définition, par la Commission européenne, d’un programmepluriannuel en matière de spectre radioélectrique (Radio Spectrum PolicyProgramme). Ce programme devra notamment permettre une planificationstratégique du spectre, tout en équilibrant, à l’échelle de l’Union, sesusages publics et privés. En matière de numérotation, la multiplication desnuméros « européens », à l’image des séries 112 et 116, illustre aussicette volonté de convergence.

Une meilleure protection des consommateurs, une sécurité des réseaux accrue

Dans ces nouvelles dispositions communautaires, le développement dela concurrence dans le secteur des communications électroniques va depair avec l’amélioration des garanties apportées aux utilisateurs. Cesgaranties concernent principalement la liberté de choix du consommateur,le délai de portabilité des numéros étant, par exemple, ramené à un jour,ainsi que la transparence des offres et des engagements contractuels.

Ces garanties concernent également la protection des donnéespersonnelles, par exemple vis-à-vis du « spam » et des « cookies ». Letexte apporte aussi des garanties relatives à d’éventuelles limitations dansl’accès des utilisateurs au réseau. De telles dispositions viennent déclinerl’objectif général d’accès des utilisateurs aux réseaux, contenus et appli-cations, énoncé par les textes.

Parallèlement, le nouveau cadre renforce les exigences en termes dequalité de service, notamment pour les utilisateurs handicapés, et d’accèsaux services d’urgence. Tous les opérateurs fournissant un service de voix,quelle que soit la technologie, doivent garantir cet accès, par le traitementrapide et efficace des appels aux numéros d’urgence nationaux et euro-péen (112) et la fourniture des informations de localisation de l’appelant.

Par ailleurs, le renforcement des garanties nécessaires à la confiancedes utilisateurs s’accompagne de dispositions visant à améliorer la sécu-rité et l’intégrité des réseaux, les ARN compétentes devant œuvrer en

Révision du Paquet télécom

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Paquet télécom

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �57

marché des communications électroniques et renforcer les droits des consommateurs européens. Afin de favoriserprécise un modèle commun d’autorités de régulation nationales et de mise en œuvre de la régulation. Décryptage.

étroite collaboration avec l’ENISA (European Network and InformationSecurity Agency) et la Commission européenne, cette dernière disposantdésormais du droit de prendre les mesures d’harmonisation nécessaires.

Un renforcement des autorités de régulation nationales Les mesures adoptées, dans le nouveau cadre, pour améliorer les

instruments de la régulation, s’accompagnent d’une adaptation institu-tionnelle et procédurale. Cette adaptation doit permettre une meilleureconvergence des régulations nationales, par le rapprochement formel desARN et l’approfondissement de leur coopération, et accélérer en retourl’harmonisation du marché intérieur des communications électroniques.

Afin de favoriser la convergence des pratiques de régulation entre lesEtats membres, la directive cadre définit de façon beaucoup plus préciseun modèle commun d’ARN et de mise en œuvre de la régulation.

Ce modèle commun se fonde principalement sur la garantie de l’indé-pendance et de l’efficacité des autorités : indépendance fonctionnelle, parla définition de conditions strictes de révocation du président ou desmembres du collège de l’ARN et encadrement des voies de recours afinde limiter les manœuvres dilatoires ; indépendance financière, les ARNdevant disposer des ressources financières et humaines nécessaires àl’accomplissement de leurs tâches et à leur participation aux activités del’Organe des régulateurs européens des communications électroniques(ORECE) ; efficacité opérationnelle enfin, les ARN se voyant dotées demoyens renforcés d’accès à l’information de marché servant un pouvoirde sanction élargi. Ce socle commun de pouvoirs s’accompagne en outredu rappel d’une exigence constante d’impartialité, de transparence et dediligence de la part des autorités nationales.

Un approfondissement de la coordination et du contrôle des régulations nationales

Si le besoin de renforcer la coopération des autorités de régulationnationales est reconnu par tous, la forme que devait prendre le succes-seur du Groupe des régulateurs européens (GRE) a donné lieu à d’intensesdébats. Le projet initial présenté par la Commission européenne devaitconduire à la création d’une véritable agence. Ce projet d’Autorité euro-

péenne du marché des communications électroniques a été écarté tantpar le Parlement européen que par le Conseil, au profit d’un Organe desrégulateurs européens des communications électroniques (ORECE) dirigépar les ARN. Cette institution a vocation à permettre l’approfondissementdu dialogue entre les régulateurs nationaux et entre ces régulateurs et lesinstitutions européennes, ainsi qu’à leur fournir, autant que de besoin, sonassistance. Ses principales décisions seront prises à la majorité des deuxtiers. Elle devra également donner son avis sur l’ensemble des projets detextes envisagés par la Commission.

La création de l’ORECE participe en outre d’une révision plus généralede la procédure d’examen des analyses de marchés conduites par lesARN (procédure dite « Article 7 »), visant à renforcer le contrôle commu-nautaire sur les décisions nationales. Son avis est notamment requis encas de projet de veto de la Commission européenne sur la définition d’unmarché ou la désignation d’un opérateur puissant envisagé par une ARN.Réciproquement, la Commission voit également son pouvoir croîtrepuisqu’elle pourra émettre, après avis de l’ORECE, des recommandationsindividuelles aux ARN sur les remèdes projetés. Elle voit, par ailleurs, sonpouvoir d’harmonisation étendu via des décisions générales sur la régula-tion découlant des analyses de marché. Ces mesures doivent contribuerà un rapprochement des méthodes d’analyse et des remèdes choisisdans chaque Etat membre, et présenter une meilleure prévisibilité, notam-ment pour les opérateurs.

Ces différentes innovations et améliorations induites par la nouvellelégislation communautaire sont appelées à être retranscrites dans l’enca-drement législatif et réglementaire du secteur en France, à l’issue de laphase de transposition qui devra intervenir avant le 25 mai 2011. Elles serépercutent dès à présent dans l’activité quotidienne et les orientationssuivies par l’ARCEP, ne serait-ce que par la mise en œuvre de l’ORECE. �

(1) Ce cadre se compose de deux directives et d’un règlement. La directive2009/140/CE du Parlement européen et du Conseil dite directive « Mieux réguler »amende les directives 2002/21/CE dite « Cadre », 2002/19/CE dite « Accès » et2002/20/CE dite « Autorisation ». La directive 2009/136/CE dite directive « Droitsdes citoyens », modifiant les directives 2002/22/CE dite « Service universel »,2002/58/CE dite « Vie privée et communications électroniques » ainsi que le règle-ment (CE) n°2006/2004 relatif à la coopération entre les autorités nationales char-gées de veiller à l’application de la législation en matière de protections desconsommateurs. Ces textes ont fait l’objet d’une publication au JOUE du 18décembre 2009.

: inventaire des nouveautés

Les députés européensquittent l’hémicycle aprèsle vote du paquet télécom.

Vote, le 25 novembre

2009, du paquet

télécom

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Paquet télécom

58� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

� Quelles sont lesprincipalesavancéespermises par lenouveau cadre ?Les avancées sontde différents

ordres : certaines s'adressent auxAutorités de régulation nationales(ARN) en leur conférant davantaged'outils. D'autres s’adressent plusdirectement aux acteurs industriels,avec l'assurance d'une sécurité juri-dique accrue visant à leur permettrede développer leurs modèles d'inves-tissement, en particulier dans la fibre.Enfin, le nouveau Paquet télécomprévoit des améliorations pour lesconsommateurs : changementd'opérateur avec portabilité dunuméro en un jour, contrats plusclairs et détaillés, numéro d'appeld'urgence... Cette révision du cadre a égalementété percutée par le débat qui émergeentre le monde des communications

électroniques, celui des contenus, etcelui des services en ligne : neutralitédu net (reflétée dans les objectifs ducadre, qui invite les ARN à préserverla capacité des utilisateurs finaux àdiffuser, ainsi qu’à recevoir lescontenus, applications et services deleur choix) ou encore garantie desdroits fondamentaux des utilisateursfinaux avec les débats sur le célèbreamendement 138 ayant, in fine,débouché sur une protection extrê-mement stricte de ces droits...

� Le nouveau cadre améliore-t-ill'harmonisation européenne ?Le constat récurrent est qu'il n'y apas vraiment de marché unique descommunications électroniques, maisplutôt encore 27 marchés nationaux.S'il semble peu réaliste de prétendreédifier ce marché unique du jour aulendemain, un certain nombred'améliorations tendent à davantage"européaniser" la régulation, parexemple en matière de définition des

remèdes par les ARN, avec uneprocédure faisant plus de place à laCommission et à l'ORECE, le nouvelorgane collégial des régulateurseuropéens. La philosophie qui sous-tend la création de cette instance ad'ailleurs été de lui donner un rôledéterminant dans la chaîne décision-nelle, poussant ainsi les ARN àdavantage prendre leurs responsabi-lités entre pairs et, in fine, à faireconverger leurs approches.Là où il a été difficile, voire impos-sible, de faire avancer l'harmonisa-tion, sur la gestion du spectre enparticulier, le texte a néanmoins posédes jalons : en invitant laCommission à proposer un instru-ment législatif "stratégique" - leRSPP ou programme pluriannuel surle spectre radioélectrique - plutôtque de continuer à traiter la questionseulement par petits morceaux et/oupar comitologie, le Parlement areplacé cette question au cœur despriorités politiques de l'agenda

numérique européen. Le sommet surle spectre qui s'est tenu fin mars,permettant un débat ouvert et trans-versal entre institutions européennes,Etats-membres, industriels etusagers, a permis de constater queces questions avaient déjà mûri parrapport à l'automne dernier.

� Ce nouveau cadre est-il adapté à l'arrivée de nouvellestechnologies ?L'un des principes de base du cadreeuropéen est la neutralité technolo-gique, c'est-à-dire que les règles qu'ildécline doivent pouvoir s'appliquer àtout type de technologie. C'est ungage de stabilité, dans un secteur quiévolue très vite, comme on le sait. Amon sens, la question de l'impacttechnologique se posera peut-être enmatière de définition des marchéspertinents, si la technologie mobile"rattrape" le fixe en matière dedébits et de stabilité, ce que certainsprédisent avec l'arrivée du LTE. �

Interview de John Doherty, président du BEREC*

Le BEREC, au cœur du nouveau cadre

Zoom sur les principales avancées du nouveau cadre avec Catherine Trautmann, député européen, et sur la création du BEREC, avec John Doherty, son président en exercice.

*en français ORECE (Organe des régulateurs euro-péens des communications électroniques).

Interview de Catherine Trautmann, député européen

“Européaniser” la régulation

� Pourquoi leBEREC a-t-il étécréé ?La création duBEREC est un jalonimportant dansl’évolution de la

réglementation des communicationsélectroniques dans l’Union euro-péenne. Depuis deux décennies, lesrégulateurs européens ont accumuléune énorme quantité de connais-sances et d’expériences qu’ils ontpartagées à travers le Groupe desrégulateurs indépendants (GRI), puisvia le Groupe des régulateurs euro-péens (GRE). La création du BEREC estune évolution naturelle du GRE. Endonnant, à travers le BEREC, un rôleformel aux ARN, le Parlement et le

Conseil reconnaissent que les régula-teurs nationaux jouent un rôle essen-tiel pour une régulation efficace. LeBEREC jouera un rôle important pourdévelopper et diffuser l'état de l'artréglementaire et assister les ARN dansl'application cohérente de ce cadre.

� Comment jouez-vous votre rôlede conseil auprès de laCommission Européenne ?Contrairement au GRE, le BEREC estformellement reconnu par les institu-tions de l’Union européenne – leConseil, la Commission et leParlement – et se trouve au cœur ducadre. Ses avis – dont la Commissionet les ARN devront tenir le plus grandcompte - auront un statut plus impor-tant que ceux du GRE.

Le BEREC joue aussi un rôle centraldans l’évaluation des remèdesproposés par les ARN. La Commissioncontinue à donner son véto aux défi-nitions et aux révisions de marchés,mais ce véto n’a pas été étendu auxremèdes, comme proposé initiale-ment. Le Conseil et le Parlement onten effet reconnu que les régulateursnationaux étaient les mieux placéspour choisir leurs remèdes eu égard àleurs conditions de marché nationales.Toutefois, une nouvelle procédure aété conçue pour apporter plus decohérence : la Commission seraobligée d’examiner les remèdes noti-fiés dans un délai d’un mois. Si elle ades doutes sérieux, une pause de troismois intervient pendant laquelle, lessix premières semaines, le BEREC

évalue ces doutes et décide si la notifi-cation doit être modifiée ou retirée. Sinécessaire, des propositions spéci-fiques sont faites. Lorsque le BERECpartage les doutes sérieux de laCommission, il coopère étroitementavec l'ARN pour identifier la mesure laplus appropriée. Lorsque le BERECn’est pas d’accord avec laCommission, ou si l’ARN décide demaintenir ou de modifier le projet demesure, la Commission peut lever sesréserves ou bien recommander lamodification ou le retrait, en tenant leplus grand compte de l’avis du BEREC.La Commission doit, surtout lorsque leBEREC ne partage pas ses doutes,fournir une justification argumentée. �

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Vie de l’ARCEP

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �59

Ingénieur en chef des mines, diplômé del'Ecole polytechnique et de TélécomParisTech, Michel Combot commencesa carrière à l'Autorité de régulationdes télécommunications comme chefde projet. Il rejoint, en 2001, le serviceéconomique de l'ambassade deFrance aux Etats-Unis, avant dedevenir expert régional TIC, à San

Francisco, pour le compte de la direction générale du trésor. Ilréintègre l'ARCEP en novembre 2006 comme responsable de l'unité« Fréquences ».

En septembre 2007, il rejoint le cabinet de Christian Estrosi,secrétaire d'État en charge de l'outre-mer, en tant que conseillertechnique "numérique et audiovisuel" puis intègre, en avril 2008, lecabinet d'Eric Besson, secrétaire d'Etat chargé du développementde l'économie numérique, comme conseiller technique. Il conservece poste auprès de Nathalie Kosciusko-Morizet, avant d'êtrenommé directeur-adjoint de son cabinet. Pour la troisième fois danssa carrière, il a rejoint l’Autorité le 1er juin dernier, en remplacementde Benoit Loutrel, appelé à de nouvelles fonctions au Commissariatgénéral à l'investissement, au poste de directeur général adjoint,chargé de la direction des services fixe et mobile et des relationsavec les consommateurs.

� Michel Combot est nommé directeur général adjoint de l’ARCEP

� Assia Bahri. Diplômée deTélécom Sud Paris, Assia Bahri dé-bute en 2007 comme ingénieurde planification pour la SociétéEuropéenne des Satellites (SES) àLuxembourg. Après avoir parti-

cipé à la conférence mondiale des radiocom-munications de 2007, elle travaille surl'implémentation d'outils stratégiques recen-sant les ressources spectrales et orbitales des filiales de SES. Elle a rejoint le 14 avril dernierl’unité « Réglementation et gestion du spec-tre » pour assurer le suivi des groupes de travailde la conférence européenne des postes et té-lécommunications (CEPT).

� Aurélie Barré. Diplômée deTélécom Paris, Aurélie Barré com-mence sa carrière comme consul-tante chez Analysys Mason àLondres en 2006. Elle est encharge d’études de marché et

de conseil en fusion-acquisition pour le compted’opérateurs de télécommunications, dans lefixe et dans le mobile. Elle réalise égalementdes études sur le marché du satellite et sur lapublicité en ligne. Depuis le 1er mars, elle a re-joint l’unité « Mutualisation de la fibre et mar-ché aval haut et très haut débit » où elles’occupe des questions économiques.

� Audrey Briand. Diplôméede l’Institut d’Etudes Politiquesde Toulouse en 2006 et du mas-ter management des entreprisesde l’IAE, Audrey Briand débute en2007 à la mission économique de

Madrid puis de Barcelone comme attachée sectorielle pour les télécommunications et la société de l’information. Elle suit les relations bilatérales franco-espagnoles et appuie les entreprises du secteur dans leur stratégie à l’export. Elle a rejoint la mission communica-tion de l’ARCEP le 1er janvier.

� Vincent Crouillère. Diplômé del’EDHEC de Lille en 2008, Vincent Crouillère esttitulaire d’un master en management. Il débute

en 2006 comme consultantchez Vertone et rejoint Beija-flore Strategy & Business en2008. Il est alors responsablede la coordination fournisseurspour le compte de Neuf Tele-

com et réalise une étude sur le marché du ma-chine to machine. Il a intégré le 15 mars dernierl’unité « Marché des services de capacités et dela téléphonie fixe » dans laquelle il est chargédu marché Entreprises.

� Liliane Dedryver. Di-plômée du master droit publicdes affaires en 2008 et dumaster droit des communica-tions électroniques et des acti-vités spatiales en 2009, Liliane

Dedryver acquiert sa première expérience au-près du département de droit public des af-faires de France Télécom, puis du servicejuridique de SES Astra au Luxembourg. Arrivéele 19 mai dernier, elle a intégré l’unité « Nou-velles régulations, nouveaux réseaux, collectivi-tés et Europe » à la direction des affairesjuridiques de l’Autorité.

� Christian Guénod.Ancien élève de l’Institutd’Etudes Politiques de Paris etdu Collège d’Europe de Bruges,Christian Guénod est docteuren droit depuis 2009. Sa thèse,

«Théorie juridique et économique du régula-teur sectoriel », obtient le prix de thèse 2010de la revue Concurrences. Enseignant àSciences Po Paris depuis 2007, il travaille éga-lement pendant deux ans comme responsabledu développement européen pour EuropaSanté Consulting, un cabinet de stratégie ensanté publique. Il a rejoint l’unité « Affaires eu-ropéennes » de l’ARCEP le 1er avril dernier.

� Thomas Hoarau. Ingénieur diplômé deSupelec spécialité Télécom et d’un master enéconomie et gestion de l’information et des réseaux, Thomas Hoarau intègre Capgemini en 2007 comme consultant. Pendant trois ans,

il pilote plusieurs étudesmarketing pour le compted’opérateurs télécoms, enparticulier dans le domaine duhaut débit. Il réalise égalementune étude pour le lancementd’un MVNO au Moyen Orient.

Arrivé début janvier, Thomas Hoarau a intégrél’unité « Infrastructures haut et très haut débit »dans laquelle il est chargé du dégroupage.

� Thibaud Furette. Diplômé de Télécom Paris, Thi-baud Furette débute sa car-rière en 2005 au sein ducabinet de conseil et stratégieAnalysys Mason où il accom-

pagne les opérateurs dans leur stra-tégie financière et d’investissement. Il travailleparallèlement sur de nombreux sujets régle-mentaires. Il a rejoint l’Autorité le 1er janvierdernier, au sein de l’unité « Marché des ser-vices de capacité et de la téléphonie fixe »,pour prendre en charge l’interconnexion fixe,principalement dans ses aspects tarifaires.

� Guillaume Mellier.Ancien élève de Polytech-nique, Guillaume Mellier est ingénieur du Corps des Pontset Chaussées. Il commence sacarrière en 2003 chez L’Oréal

à la direction du développement et de la stra-tégie pour piloter des projets internet. En2005, il intègre le Centre d’Etude Techniquede l’Equipement de l’Ouest où il participe à lacréation puis dirige l’équipe nationale duministère de l’écologie, de l’énergie, du déve-loppement durable et de l’aménagement duterritoire dédiée aux enjeux de desserte numérique des territoires. Il participe à la définition et au pilotage du volet « réseaux »du plan France Numérique 2012, en particu-lier la définition des schémas directeurs terri-toriaux d’aménagement numérique et duplan d’action très haut débit. Depuis janvier, ilest chef de l’unité « Marché des services decapacité et de la téléphonie fixe » à l’ARCEP.

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Terminaison d'appel SMSDans le cadre du 2e cycle d'analyse des marchés, l'ARCEP a misen consultation, jusqu'au 16 juillet, un projet de décisionportant sur la terminaison d'appel SMS. L'Autorité envisage depoursuivre la régulation en métropole, dont les effets ont étébénéfiques pour les consommateurs, et de l'étendre auxdépartements d'outre-mer. Les tarifs (de gros) qu’elle proposed'appliquer aux opérateurs métropolitains pour la TA SMS enmétropole sont de 2 cts € par SMS pour Orange et SFR, et de2,17 cts € pour Bouygues Télécom pour la période du 1er

octobre 2010 au 30 juin 2011 ; de 1,5 ct € par SMS pour lestrois opérateurs (avec suppression de l'asymétrie de BouyguesTélécom) du 1er juillet 2011 au 30 juin 2012 ; et de 1ct € parSMS pour tous les opérateurs à partir du 1er juillet 2012. �

Déploiement de la fibre optiqueAu 31 mars 2010, 860 000 logementsétaient raccordés à la fibre optiquejusqu'à l'abonné. De nouveauxdéploiements ont été annoncés par lesopérateurs qui pourraient permettre dedoubler, d'ici mi-2011, le nombre delogements raccordés, en le portant à 1,6million. Les principaux opérateurs ont en

effet lancé un appel en vue du déploiement mutualisé dans leszones très denses pour raccorder à la fibre optique, d'ici un an,jusqu'à 800 000 logements supplémentaires, ce dont se félicitel’Autorité. Le cycle d'investissement a donc bien démarré etconcerne, à ce stade, 84 communes sur les 148 identifiées dansles zones très denses. �

Fréquences résiduelles 3GLe 18 mai 2010, l'Autorité a retenu les meilleures candidatures àl'attribution des fréquences résiduelles de la 3G encore disponiblesdans la bande 2,1 GHz : celle de SFR pour le bloc de 5 MHz duplexet celle de Orange France pour le bloc de 4,8 MHz duplex. Laprocédure a permis d’obtenir un engagement d’amélioration desconditions d’accueil des MVNO et près de 600 M€ de recettes pourl’Etat. L'Autorité a délivré le 8 juin leur autorisation d'utilisation defréquences à ces deux opérateurs. Elles reprennent notammentl'engagement d'accueil des MVNO souscrit par SFR et OrangeFrance dans leur dossier de candidature, qui s'appliquera àl’intégralité du réseau mobile fonctionnant dans les différentesbandes de fréquences (900 MHz, 1800 MHz et 2,1 GHz) dont ilssont chacun titulaire. �

Avec 15,4 milliards de minutes(soit 54% de l'ensemble descommunications depuis les réseauxfixes) au 4ème trimestre 2009, le volume de communicationspassées depuis les box estdésormais supérieur au volumede la téléphonie fixe classique(RTC). Pour les communicationsinternationales, la proportion deminutes IP grimpe à 74%. Les offresillimitées de voix sur IP incluses dans les forfaits de type " multiplay " desopérateurs sont à la source de cetteexpansion rapide du trafic IP.

Aménagement numérique En application de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009(dite Pintat) relative à la lutte contre la fracture numérique,l’ARCEP publie désormais la liste des personnes publiques(départements, régions) l'ayant informée de la réalisation d'unschéma directeur territorial d'aménagement numérique. Unepremière liste de 17 collectivités d’ores et déjà engagées dansune réalisation a été publiée. Cette liste sera mise à jourrégulièrement. Cette publication vise notament à “favoriser lacohérence des initiatives publiques et leur bonne articulationavec l’investissement privé”. �

Comité des consommateurs« L'action en faveur desconsommateurs est une prioritérenforcée et clairement assuméepar l’ARCEP » a rappelé Jean-Ludovic Silicani, président del’Autorité, lors du dernier comitédes consommateurs plénier quis’est réuni le 19 mai. Pourrenforcer cette action, l’Autorité ad’ailleurs procédé fin 2009 à une

réorganisation de ses services en intégrant la mission chargée des relationsavec les consommateurs à la nouvelle direction des services fixe et mobileet des relations avec les consommateurs. Parmi les chantiers, d’icil’automne, l’Autorité va élaborer un projet de lignes directrices visantnotamment à renforcer la transparence au bénéfice du consommateur. En2009, les consommateurs de communications électroniques ont sollicitél’Autorité 6 300 fois. �

Terminaison d'appel fixe

La Commission européennea publié, le 7 mai 2009, uneRecommandation sur le trai-tement réglementaire destarifs de terminaison d’ap-pels fixe et mobile dansl’Union européenne. Ellestipule notamment que lesAutorités de régulationnationales (ARN) doiventdorénavant orienter les tarifsde terminaison d’appelfixe vers les seuls coûtsincrémentaux sensibles autrafic d'un opérateur géné-rique dit efficace, c'est-à-dire faisantappel aux choixtechnologiques les plus effi-caces (et doté notam-ment d'un réseau denouvelle génération IP/NGN). L’ARCEP mettra enœuvre cette recommanda-tion au cours du 3e cycled’analyse des marchés de laterminaison d’appel fixe(2011-2013). Ceci impliqueau préalable de construire etcalibrer un modèle des coûtstechnico-économiques de laterminaison d’appel fixeproduisant des coûts incré-mentaux, basé sur unmodèle d’opérateur géné-rique efficace et purementNGN. Ce travail préparatoireest actuellement mené parl’Autorité en concertationavec les acteurs. Une consul-tation publique sur la structure du modèle tech-nico-économique de coûtsenvisagée a été mise en consultation publiquejusqu'au 30 juillet. �

Montée en débitAprès avoir consulté le secteur et recueillil’avis de l’Autorité de la concurrence,l’ARCEP a publié des orientations relatives àla mise en œuvre de solutions de montée endébit via l’accès à la sous-boucle locale. Làoù le déploiement du FttH n’est pas prévu à3 à 5 ans, l’Autorité estime que les solutionsd’accès à la sous-boucle permettentd’apporter une montée en débit et peuventdonc être mises en œuvre rapidement,notamment par les collectivités territoriales.Là où le déploiement du FttH est prévu à 3 à 5 ans, l’Autorité recommande enrevanche aux acteurs publics et privés de nepas déployer de solutions intermédiaires demontée en débit et de concentrer leursefforts et leurs moyens sur le déploiementde réseaux FttH. �

BRÈVES

Actualités

60� LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010

LE CHIFFRE

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Itinérance data en EuropeA compter du 1er mars 2010, les opérateurs mobiles européens ont l'obligation, enapplication du règlement européen sur l'itinérance, de proposer à leurs clients deplafonner leur facture d'internet mobile à l'étranger dans l'Union européenne, afin d'éviterque celle-ci ne devienne excessive. Les utilisateurs ont jusqu’au 1er juillet 2010 pour opterpour l'un des plafonds proposés par leur opérateur. Le plafond par défaut correspond àun montant inférieur ou égal à 50 euros de consommation data en itinérance par mois defacturation, les opérateurs restant libres de proposer d'autres plafonds (financiers ou envolume). Les opérateurs devront envoyer à l'utilisateur un message d'avertissement quand80 % du montant fixé est atteint et couper la connexion une fois la limite atteinte. Siaucune limite n’est fixée, un plafond par défaut (50 euros) sera activé. �

Comité de prospective« Le progrès n’est pas fait que de technologie ». La 3ème

réunion du comité de prospective, qui s’est déroulée àl’ARCEP le 17 juin, a reçu le paléoanthropologue etchercheur au Collège de France Pascal Picq, venu échangersur une approche anthropologique et écologique destechnologies « qui aide à savoir pourquoi un usage sedéveloppe ou pas ». Qu’elle soit lamarckienne ou darwinienne,« la vraie difficulté réside dans la captation de l’innovation par l’environnement » a aussiinsisté le chercheur pour qui « seuls les systèmes ouverts permettent de continuer àévoluer ». Le comité a également reçu Joël Hamelin, du Centre d’analyse stratégique,pour une présentation du rapport de la commission Bravo sur l’économie numérique. �

Services à valeur ajoutée Après consultation publique du secteur et avis de la Commission consultative descommunications électroniques (CCCE), l'Autorité a adopté, le 3 juin 2010, une décisionpermettant la création du numéro 3008. Ce numéro permettra aux consommateurs, àpartir du 1er juillet 2010, d'accéder gratuitement à un serveur vocal donnant le prix exact dela communication qui leur est facturée lorsqu'ils appellent un numéro de services à valeurajoutée (SVA) commençant par 08 ou un numéro court à 4 chiffres commençant par 3. Cedispositif complète le message d'information gratuite en début appel pour les appels versles numéros SVA dont le tarif est supérieur à 0,15 euro par minute ou par appel depuis unposte fixe, lequel sera étendu à tous les appels SVA surtaxés à partir du 1er janvier 2011. �

Téléphonie mobile et handicapOpérateurs, pouvoirs publics et associations de personnes handicapées ont dressé, le 26mai, le bilan annuel de la charte, signée pour la première fois entre eux en 2005, pourfavoriser l'accessibilité. En 2009, les opérateurs ont proposé de nouvelles gammes deproduits (soit 8 à 15 terminaux pour chaque opérateur) et de services plus riches enfonctionnalités. Ils ont aussi rendu accessibles, certains jours de la semaine, deux centresclients aux personnes sourdes ou ayant des troubles d'élocution et un centre clients parinternet en mode dialogue en temps réel par texte et en langue des signes. �

L’ARCEP dans les PyrénéesJean-Ludovic Silicani, accompagné de Joëlle Toledano et de DenisRapone, se sont rendus le 25 juin à Pau, puis à Tarbes.A Pau, ils ont été accueillis par Martine Lignières-Cassou, présidentede la communauté d’agglomération Pau-Pyrénées et maire de laville, qui leur a présenté le projet « Pau Broadband Country », lepremier réseau de fibre optique de bout en bout créé en France, en2002, par André Labarrère. Il compte aujourd’hui 50.000 prisesraccordables et 9.000 abonnés, pour un investissement de14,8 millions d’€ (dont 7,7 millions de fonds FEDER).A Tarbes, Josette Durrieu, présidente du conseil général desHautes-Pyrénées, leur a présenté le projet « HautesPyrénées Numérique » destiné à mettre en place un réseaude collecte pour offrir 2 Mbit/s à 100% des foyers dudépartement, et fibrer les zones d’activité économique endesservant directement les 3.500 entreprises locales. C’estla société Axione qui a été choisie après appel d’offres(procédure du partenariat public privé), avec un montage financier sur une durée de 22 ans. 60 millions d’€ seront investis, dont 29 millions dés aujourd’hui. �

Actualités

Couverture GSMLes cartes de couverture publiées par les troisopérateurs mobiles sont à 96% cohérentes avecles mesures faites sur le terrain, a constaté l’ARCEPà l’issue de son audit annuel 2009 de la fiabilitédes cartes de couverture GSM. Mais si cettefiabilité est bonne au niveau national, elle doit enrevanche être améliorée sur certains cantons :l’Autorité a donc rappelé aux opérateurs lanécessité de corriger les cartes publiées, et a prévuque de nouvelles mesures soient réalisées en2010, dans 249 nouveaux cantons. �

Couverture 3G Sous l'égide de l'ARCEP, et en application de la loide modernisation de l'économie (LME), OrangeFrance, SFR et Bouygues Télécom ont conclu, le 11février 2010, un accord cadre de partaged'installations de réseau mobile 3G. La mise enœuvre de ce partage permettra de faciliter etd'accélérer l'extension de la couverture 3G dansenviron 3600 communes, correspondant à cellesdéjà couvertes dans le cadre du programme" zones blanches 2G ", et à 300 communessupplémentaires. Ainsi, avec ce déploiement dontl'achèvement est prévu fin 2013, la couverture 3Gatteindra un niveau analogue à celui de la 2G. Lestrois opérateurs mobiles se sont en outre engagésà discuter les modalités permettant d'inclure FreeMobile dans cet accord. �

Envoi de petits objets postaux :La Poste interpellée

Au vu des tarifs du service universel relatifs au coliset de l’interdiction d’envoyer des marchandises autarif lettre figurant dans les conditions généralesde vente de La Poste, l’ARCEP avait estimé, enfévrier 2008 (avis n° 2008-0002), que lesconsommateurs ne bénéficiaient pas d’une offreabordable pour l’envoi de petits objets postaux.Elle avait donc approuvé la création, à cette fin,par La Poste, de l’offre Mini-Max, serviceprioritaire d'envois de petites marchandisesjusqu'à un kilo et deux centimètres d'épaisseur.Mais une étude réalisée par l’INC et cofinancéepar l’ARCEP en avril 2010 a révélé la trop faibledisponibilité de cette offre, qui relève pourtant duservice universel postal, et l’informationinsuffisante, voire inexacte, du consommateur surce produit. L’Autorité a donc demandé à La Postede lui proposer les mesures qu’elle compteprendre afin que les consommateurs bénéficienteffectivement d’une offre à un prix abordable etd’une information claire et complète, sur l’envoide petits objets. �

Service universelLes évaluations définitives du coût du serviceuniversel et les contributions des opérateurs pourl'année 2008 ont été publiées par l’Autorité. Lecoût net correspondant aux obligations du serviceuniversel au titre de 2008 se monte à 22,7 millionsd'euros, somme sur laquelle France Télécom seracompensé à hauteur de 14,8 millions. �

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �61

PascalPicq

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Postal

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La loi du 9 février 2010 relative à La Poste et aux activités postales a modifié la régulationpostale et donné à l’ARCEP un nouveau rôle dans le traitement des réclamations. Analyse.

Le consommateur et la nouvelle loi postale

2009 : le recours au médiateur de La Poste va

Le fait qu’à compter du 31 mars 2010, l’établissement public LaPoste soit devenu une société anonyme n’enlève rien, ni à ses obli-gations de service public, ni aux droits des consommateurs de

services postaux, parfaitement indépendants du statut de l’entreprise.

Tarifs de service universelLa loi n°2010-123 du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique

La Poste et aux activités postales, qui transpose en droit français la troi-sième directive postale de 2008, prévoit d’abord lafin du monopole (secteur réservé) de La Poste surles envois de moins de 50 g au 1er janvier 2011.Avec la fin du monopole postal disparaissent aussiles procédures d’autorisation préalable des tarifspostaux – en particulier le prix du timbre – envigueur depuis 1990.

Cette modification ne signifie pas pour autantque les tarifs postaux deviennent totalement libres.

A compter du 1er janvier 2011, l’ARCEP conserve la possibilité d’encadrerles tarifs, dits de service universel, présentant une nature de servicepublic. L’ARCEP peut en effet fixer un price cap sur ces tarifs, ce quidonne une certaine latitude à La Poste pour réaménager sa tarificationen augmentant certains produits plus que d’autres, mais plafonne l’aug-mentation moyenne de la tarification sur une durée de 3 ans.

En fonction du degré de concurrence existant sur le marché, ce pricecap peut soit en rester à une contrainte globale en moyenne, soit déclinercelle-ci pour des familles de produits déterminés. Cette dernière tech-nique est notamment utilisée aux Etats-Unis où chaque grande famille deprestation reçoit un plafond différent. En Europe, certains régulateursn’encadrent pas du tout les tarifs des prestations aux grands clients – lecourrier industriel – et concentrent la contrainte sur les produits de la

« clientèle captive ». Ces sujets seront à l’ordre du jour des travaux quel’ARCEP et La Poste débuteront pour fixer l’encadrement qui s’appli-quera à partir de 2012.

Par ailleurs, l’ARCEP demeurera informée des projets de tarifs deLa Poste et pourra lui demander de les reconsidérer s’ils s’écartentmanifestement des principes tarifaires du service universel que sont lapéréquation géographique, le caractère abordable pour tous lesusagers et l’orientation vers les coûts.

Qualité de service et traitement des réclamations La loi précise aussi que la qualité des prestations du service universel

doit être mesurée et publiée dès lors que le ministre a fixé des objectifsà La Poste. Cette disposition permettra de poursuivre les progrès déjàaccomplis en matière d’information des consommateurs sur la qualitégrâce au Tableau de bord du service universel publié par La Poste.

Par ailleurs, la loi charge désormais l’ARCEP du traitement desréclamations qui, aux termes du nouvel article L5-7-1 « n’ont pu êtresatisfaites dans le cadre des procédures mise en place par les opéra-teurs postaux ». Cela ne fait pas de l’ARCEP un service après-vente desopérateurs, mais lui donne la capacité d’agir pour inciter à un traite-ment efficace et équitable des consommateurs. L’Autorité vaconsulter, tant les consommateurs que les opérateurs, sur l’organisa-tion à mettre en place ; elle essaiera de s’insérer dans le cadre exis-tant qui contient déjà d’excellentes garanties, notamment l’existencedu médiateur de La Poste qui traite près de 3000 dossiers par an.

Enfin, la nouvelle loi postale comporte une dernière disposition quiintéresse les consommateurs : celle qui précise que La Poste esttenue de maintenir au moins 17 000 points de contact et qui chargel’ARCEP d’évaluer chaque année le coût net de cette mission, afin defixer la compensation due à La Poste. �

Chaque année, la loi oblige lemédiateur du groupe LaPoste à transmettre « un

bilan statistique et qualitatif de sonactivité au prési-dent de La Poste, auministre chargé despostes et à l'Auto-rité de régulationdes commun icationsélectroniques et des

postes », assorti de recommanda-tions. Son rapport annuel 2009 vientd’être publié (1).

Au cours de l’année 2009, le médiateur du groupe La Poste a reçu

11 968 demandes de médiations,postales et bancaires. Avec 3675 cas,le nombre de demandes recevablesrelatives aux services postaux est enaugmentation de 21 % par rapportà 2008 (2). 3 675 concernent les ser-vices postaux (3). Les demandes demédiation ont augmenté de 41 %pour les prestations "courrier" et de11 % pour les prestations "colis".Sur l’ensemble des demandes rece-vables de médiation relatives aux services postaux, 2 012 cas ont étéconsidérés comme éligibles (4), soitune augmentation de 18 % par rapport à 2008.

Colis et courrier :litiges en hausse

Le recours au médiateur estcroissant. Il concerne plus particu-lièrement le colis, flux qui génèreproportionnellement beaucoupplus de réclamations que le courrier. En 2009, les colis repré-sentent 71 % des recours, en aug-mentation de 15 % par rapport à 2008. Les demandes de média-tion pour des litiges concernantle courrier représentent 23 % des recours, en augmentation de25 % par rapport à 2008.

Pour le courrier, la part la plus

importante des sources de litigesest liée à des problèmes de distri-bution (39 %) et de perte (27 %).Suivent les contrats de réexpédition(20 %), les retards (5 %) et les détériorations (4 %).

Pour les colis, les pertes (39 %)et les détériorations (35 %) repré-sentent la majorité des litiges, loindevant les retards (11 %), les problèmes de distribution (8 %) etles opérations de contre-rembour-sement (7 %).

Le délai moyen de traitementdes demandes de médiation s’éta-blit à 55 jours pour le courrier et à

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Postal

croissant50 jours pour le colis. Le médiateurindique que tous ses avis ont étésuivis par La Poste. La proportiond’avis favorables au plaignant a étéde 31 %, partiellement favorables,de 26 %, et défavorables, de 43 %.

100 à 200 € d’indemnisation moyenne

43 % des recours éligibles enmatière de courrier (soit 243 recours) ont donné lieu à une in-demnisation. Les montants attri-bués sont peu élevés : près de 80% sont inférieurs à 100 €, pour unmontant global de 34 395 €, soit

une augmentation de 19 % parrapport au montant global 2008.

En ce qui concerne le colis, lesindemnisations ont concerné 937recours, soit 65 % des recours éligibles. Le montant global repré-sente 182 334 €, en augmentationde 18,5 % par rapport à 2008, lamoyenne des indemnisations restant inférieure à 200 €.

En 2009, seuls 6 % des requé-rants "colis", et 7 % des requérants"courrier" ont contesté l’avis rendupar le médiateur. La contestationd'avis n'a que peu augmenté parrapport à 2008. �

(1) Le rapport est disponible à l’adresse sui-vante : www.laposte.fr/mediateurdu-groupe/rapports/rapport2009.pdf

(2) Les demandes non recevables ont représenté 41 % des sollicitations.Quand elles ne correspondent pas àune réclamation, elles sont redirigéesvers les services compétents.

(3) Demandes hors La Banque postale.(4) Les 1 663 demandes non éligibles

concernent des recours auprès du mé-diateur sans dépôt préalable de récla-mation au service client de La Poste etles procédures dites "en recours interne", utilisées par le médiateur pourun réexamen par les services de LaPoste, notamment pour les affaires sim-ples et répétitives comme les retards delivraison ou les litiges liés aux conditionslocales de fonctionnement des services.

Les envois recommandés de tous les opérateurs autorisés ont-ils une valeur juridique égale ? Il serait bon que la loi le précise. Explications…

Qui n’a pas utilisé d’envoi recommandé ? Le développement de laconcurrence dans le secteur du courrier concerne toutes lesprestations et de nombreux opérateurs alternatifs se sont inté-

ressés à ce produit phare que constituent les envois recommandés. Unmarché existe : selon l’observatoire des activités postales de l’ARCEP,le marché des lettres et colis remis contre signature a représenté en2008 un volume de 276 millions d'objets et un chiffre d’affaires de1458 millions d’euros, soit environ 1 % des flux et 10 % du chiffre d’af-faires du secteur postal.

Qu’est-ce qu’un envoi recommandé ?Depuis le 1er janvier 2006, les envois recommandés ne sont donc

pas inclus dans le secteur réservé à La Poste. Cette prestation peutdonc être assurée par tout opérateur autorisé. Par ailleurs, l’expression« lettre recommandée » appartient à la langue française. Elle n’est pasdéposée, et ne peut l’être, auprès de l’Institut national de la propriétéindustrielle (INPI).

La directive européenne 97/67/CE définit les caractéristiques dece service. L’ARCEP, dans son avis n° 2007-0377 du 26 avril 2007,« souligne que le service de recommandation comprend une preuve dedépôt, une preuve de distribution, une indemnisation en cas de perte,spoliation ou détérioration ainsi qu’un avis de réception optionnel. »L’arrêté du 7 février 2007 du ministre délégué à l’industrie fixe lesmodalités relatives au dépôt et à la distribution des « envois postauxfaisant l’objet de formalités attestant de leur dépôt et de leur distribu-tion ». Il prévoit notamment les mentions devant figurer sur la preuvede dépôt (date, identité et adresse de l’expéditeur et du destinataire,etc.) et, le cas échéant, sur la preuve de distribution (date, signature,justificatif d’identité, etc.).

De nombreux textes et procédures juridiques prévoient des formalitésexigeant un envoi « par lettre recommandée avec avis de réception ». Laquestion qui se pose alors est de savoir si un envoi recommandé

effectué par un opérateur autorisé peut valoir « lettrerecommandée » au sens des textes juridiques,c’est-à-dire avoir les mêmes effets juridiques que lalettre recommandée de La Poste. A ce jour, iln’existe pas de jurisprudence postérieure à la loi derégulation postale du 20 mai 2005.

Quelle valeur juridique ? On peut toutefois avancer l’idée que les textes cités

précédemment définissant et qualifiant les envois recommandés defaçon générique constituent un premier élément tendant à accorder lamême valeur à tous les envois recommandés respectant les textes, quelque soit l’opérateur qui assure cette prestation.

Le Conseil d’Etat a d’ailleurs consacré, depuis longtemps, dans lecadre de contentieux liés à l’urbanisme et alors que les dispositions ducode prévoyaient une notification « par lettre recommandée avecaccusé de réception », la valeur juridique des modes de notifications« présentant une garantie équivalente », notamment l’envoi parChronopost qui permet d’attester de la date de dépôt et de remise (1) .

A ce jour, les juridictions judiciaires semblent en revanche moinsenclines à accepter des modes de preuves autres que l’envoi par lettrerecommandée avec accusé de réception lorsque cette dernière estprévue par les textes. Sur cette question, on ne peut que rejoindrel’Autorité de la concurrence qui, dans son avis 09-A-52 du 29 octobre2009 concernant le projet de loi relatif à l’entreprise publique La Posteet aux activités postales, avait relevé : « […] il serait souhaitable, afinde favoriser le développement de la concurrence sur les envois recom-mandés, que la loi précise la valeur juridique égale des recommandésde tous les opérateurs autorisés. » �

(1) CE, 28 avril 2000, Epoux Gilloire, n°198565 et CE, Avis, 6 mai 1996, M. Andersen, n°178473.

Envois recommandés et concurrence

Le Médiateur du groupe La Poste ne se substitue pas au service auprès duquel lesclients doivent préalablement et obligatoirement s’adresser pour déposer et fairevaloir leur réclamation : bureau de poste, centre financier ou autre interlocuteurpostal habituel. Avant d’engager une action en médiation, le consommateur doit en effet avoir épuisé toutes les voies de recours auprès du service avec lequel existele litige. Pour en savoir plus : www.laposte.fr/mediateurdugroupe/

Mode d’emploi � � �

LES CAHIERS DE L’ARCEP � AVRIL - MAI - JUIN 2010 �63

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Vie de l’ARCEP

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L’Autorité présente son 13ème rapport d’activité

Entouré des membres de l'ARCEP, Jean-Ludovic Silicani, président, a présenté, le 9 juin 2010, le rapport public d'activité 2009 de l'Autorité. Morceaux choisis.

Le rapport public d'activité 2009 est disponible sur le site de l'Autorité, en français et en anglais. www.arcep.fr

Le marché résiste bien à la crise« La régulation sectorielle, qu’elle soit symétrique ou asymétrique, est le

meilleur antidote aux excès d’un marché sans règles et aux crisescycliques (…). On relèvera d’ailleurs que, dans le contexte de crise écono-mique que nous connaissons, le secteur des communications électroniques aobtenu, en 2009, des résultats satisfaisants. En effet, les revenus de l’ensemble du marché(41 milliards d’€) sont restés stables par rapport à2008 et les marges d’EBITDA des opérateurs semaintiennent globalement à un niveau (au-delà de30%) très supérieur à la moyenne des autressecteurs de l’économie ».

La fibre optique est lancée« L’adoption du cadre réglementaire a donné le

véritable coup d’envoi des investissements, en four-nissant aux acteurs lavisibilité qu’ils atten-daient. Dans le cadreainsi posé, les opéra-teurs déployant desréseaux FttH ont publié,en février 2010, leursoffres relatives aux moda-lités d’accès à leurs réseaux dans les zones très denses.Puis, ces dernières semaines, voire ces derniers jours, ilsont lancés les premiers appels au co-investissement,portant, au total, sur plus de 80 communes de ces zones,et permettant de raccorder, au cours de l’année qui vient,800 000 foyers qui s’ajouteront aux 800 000 déjà raccordés (…). Désormais,on peut sans conteste affirmer que le cycle d’investissement dans la fibreoptique a démarré en France ».

« La cohérence géographique des déploiements apparaît égalementcomme une priorité. Elle ne peut être obtenue que par une étroite coordinationentre opérateurs et collectivités territoriales (…). Mais l’ARCEP a parfaitementconscience que l’extension de la couverture des réseaux FttH s’étalera sur denombreuses années. Par conséquent, là où la fibre optique n’arrivera pas, entout cas rapidement, il faut des solutions alternatives, par exemple ce qu’il estconvenu d’appeler la montée en débit. Il existe en effet des possibilités pourmieux utiliser le potentiel de la boucle locale de cuivre existante ».

La 4e licence 3G dynamise le marché« L’année 2009 a été marquée par un premier temps fort : celui de l’attri-

bution par l’Autorité à Free Mobile de la quatrième licence de téléphonie de troi-sième génération (3G), achevant la construction d’un marché mobile à quatreopérateurs de réseau, comme dans l’ensemble des principaux pays euro-péens. Cette nouvelle structure de marché devrait permettre une plus grandedynamique concurrentielle, faisant bénéficier les consommateurs d’offresclaires et innovantes à des tarifs compétitifs, notamment à travers une amélio-ration des conditions d’accès des opérateurs virtuels (MVNO) »

La 4G mobile nécessite quelques travaux complémentaires« L’Autorité prépare activement depuis plusieurs mois l’attribution des

fréquences prévues pour la quatrième génération de téléphonie mobile (4G). Ace stade des travaux, il me semble important de vous faire part des informationssuivantes (…).La consultation publique et les auditions ont souligné la maturité

encore limitée, sur les plans techniques et industriels,des projets dans la bande 800 MHz, dont le déploie-ment s’étendra sur de nombreuses années.

En deuxième lieu, l’attribution des fréquences à800 MHz présente une complexité particulière, quidécoule d’une pluralité d’enjeux de politique publique.Ainsi, la prise en compte prioritaire des impératifsd’aménagement du territoire dans l’attribution de cesfréquences, telle que prévue par la loi relative à la luttecontre le fracture numérique, implique de faire une largeplace à une mutualisation des réseaux mobiles, tout entenant compte des objectifs, plus traditionnels, deconcurrence et de valorisation du spectre ».

Création d’un groupe des régulateurs postaux européens

« Depuis 2008, le secteur postal ressent de façon amplifiée leseffets de la conjoncture. Les volumes de correspondance baissentd’environ 5% par an, dont 7% pour la publicité. Dans cette conjonc-ture défavorable, et compte tenu d’un marché encore monopolis-tique, les concurrents de La Poste exercent une pressionextrêmement limitée. L’ARCEP intervient à son niveau pour limiterles obstacles à l’entrée sur le marché. Mais il n’en demeure pasmoins qu’à la veille de son ouverture complète, prévue au 1er janvier

2011, le marché français est l’un de ceux qui, en Europe, ont le moins déve-loppé de dynamique concurrentielle (…).

Nous allons resserrer les liens de travail avec les autres régulateurs euro-péens ; le commissaire Michel Barnier vient en effet de faire part de sa déci-sion de créer un groupe des régulateurs postaux européens sur le modèle decelui qui fonctionne dans les communications électroniques ; nous soutenonsbien sûr cette initiative ».

Les consommateurs, une priorité renforcée en 2010« L’action en faveur des consommateurs constitue, en 2010, une priorité

renforcée et clairement assumée par l’ARCEP car force est de constater quela situation reste insatisfaisante à bien des égards. Le législateur a d’ailleursplacé des attentes en l’ARCEP en prévoyant qu’elle établisse un rapport sur leseffets qu’ont pu avoir certaines des dispositions de la loi pour le développe-ment de la concurrence au service des consommateurs, dite loi Chatel. Dansle rapport qu’elle doit bientôt remettre au Parlement, l’ARCEP analysera leséventuels freins à la fluidité du marché, en particulier dans la téléphonie mobile.L’ARCEP proposera au Parlement des pistes pour améliorer les dispositions dela loi. Par ailleurs, l’Autorité rendra publiques, à l’automne 2010, des recom-mandations plus larges, visant à l’amélioration des relations entre les opéra-teurs et les consommateurs ». �

Jean-Ludovic Silicani, président de l'ARCEP