La Révolution (Tome 4)

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RVOLUTION,RECHERCHES HISTORIQUESM R

L'ORIGINE ET LA PROPAGATION DL MAL EN EUROPE,n r v i s u t AntAUWAweEPAR JUSQU'

mot

JOUKB,

M " GAUME,Prett>ot*jre apoitoliq* , ficaire gnre de Reia, de Mootaubaa et d'Aquila, dteteer ea thologie, cketalier de l'ordre de Seiat-Sftteetre, *ebre de l'Acadmie de le religion c*thoiiqu de Reine de l'Acadmie de* icteacet , arts et bel le*-lettre* de Beeaaco etc. 9

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mainatent bta*, ke et met## (Cafaf. et. iil I* r#f#tf*r&.

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RVOLUTION

FRANAISE.

QUATRIME PARTIK.

PARISGAUME F R R E S , L I B R A I R E S - D I T E U R S ,RtK CASSETTE, i

1856L'auteur et les diteur M rservent le droit de

traduction

et de reproduction I Vtraiiger,

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P l I S . T Y P O G R A P H I E DE H E N R I PLON, IMPKimOltDK L ' I V F I I IUR,

8 , rt Grtcirr-

AVANT-PROPOS

Est-il vrai que la Rvolution franaise a dtruit une foule d'abus? A cette premire question nous avons indiqu la rponse par quelques considrations gnrales, places en tte de la seconde livraison. On demande de plus, si la Rvolution n'a pas produit des biens rels ; et on parle avec assurance des principes sacrs et des grandes conqutes de 89. Un journal fort rpandu vient mme d'crire les lignes suivantes : Ce que vous appelez, vous, une Rvolution terrible, nous rappelons, nous, une magnifique restauration : 1 De l'Autorit, 2 De la Religion, 3 De la Famille, 4 De la Proprit. Il est inutile de rpter que le plan de notre ouvrage ne nous oblige point rpondre : nous racontons, nous ne discutons pas. Voici cependant un principe gnral de solution :IV.4

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LA RVOLUTION

FRANAISE.

Le catholicisme tant la vraie religion, consquemment la raison de toutes les autorits, la conscration de tous les droits, et le principe de toute perfection sociale : la Rvolution franaise a-t-elle t catholique?... Catholique dans ses principes, dans ses moyens, dans son but, dans ses rsultats directs ? Quels hommes Font prpare?... Quels hommes Pont accomplie?... Quels hommes l'ont acclame?... Comment l'glise l'a-t-elle juge? En d'autres termes: La Ucolution franaise a-t-elle t une application plus intime et plus complte du catholicisme l'autorit, la socit, la famille, la proprit, Vindividu? Suppos que la rponse ne soit pas douteuse, la question est rsolue. Entrons toutefois dans quelques dtails. Les Droits de l'homme et du citoyen, qui renferment les trois grands dogmes : de la souverainet du peuple, de la dignit et de la fraternit humaines, avec leurs consquences; voil, sauf erreur, les principes sacrs de 1789 .l

Quelques-uns distinguent 4789 de 4793 et prtendent que le second a fauss les principes du premier, ou du moins en a tir des consquences illogiques. La distinction est vaine. En effet, du dogme rvolutionnaire de la souverainet du peuple, pris pour point

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AVANT-PROPOS.

En ce que ces droits oat de juste et de rel, est-il vrai que la Rvolution les a invents? Est-il vrai qu'elle les a rhabilits ? taient-ils inconnus avant elle? Quels sont ceux que l'vangile avait oubli de proclamer, de formuler; e t , mieux que ceia, de faire respecter? La souverainet du peuple! Pour savoir si c'est un dogme, un principe, et surtout un princioe sacr, il faut savoir avant tout si c'est une vrit ou une erreur. Est-il vrai, comme Ta prtendu la Rvolution, que l'homme ou le peuple est la source du pouvoir?Est-il vrai que la socit est un fait de convention, dans lequel Dieu n'entre pour rien? Est-il vrai q u e , tour tour roi et sujet, l'homme est dou du pri vil de se commander et de s'obir en mme temps, en vertu de sa seule autorit? Est-il vrai que la souverainet du peuple est un lment d'ordre et de scurit ? Ne serait-il pas vrai qu'en droit, c'est un mot vide de sens ou plein d'athisme; et en fait, une arme redoutable et toujours charge, aux mains1

de dpart par 4789, dcoulent naturellement et logiquement le renversement de l'ordre religieux et social existant, renversement commenc par 4789, achev par 1793. Nous n? dfen ions pas le dix-huitime sicle ; mais autre chose est de le justifier. et autre chose de savoir si la Rvolution, qui en est sortie, a t une magnifique rehtauratnm de la religion, de la eoeit et de l'humanit? 4.1

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LA RVOLUTION f KANAISE.

des ambitieux et des anarchistes? Depuis que ce principe a t proclam, la France et l'Europe ontelles subi moins de rvolutions, moins de guerres sanglantes? Ont-elles moins craindre le retour de ces catastrophes ? La dignit de l'homme ! Elle consiste tout la fois dans la haute ide que l'homme a de lui-mme et dans le respect qu'il a pour lui et pour son semblable. Noblesse oblige : avoir une haute ide de la dignit humaine et ne la respecter ni en soi ni dans autrui, c'est orgueil et mensonge. Depuis i 789, l'hom le se respecte-t-il beaucoup plus lui-mme, qu'il ne le faisait avant cette poque? Son me? La souille-t-il par moins d'intrigues, moins d'ambitions, moins de bassesses en tout genre? Sa conscience, h vend-il moins souvent? Ses serments lai sont-ils plus sacrs, et sa libert mme rsistet-elle mieux l'appt de l'or ou des honneurs? Son corps? Le respecte-t-il beaucoup plus, par une rpression plus exacte de ses ignobles penchants; par un plus grand mpris du luxe qui l'nerv, du sensualisme qui le dgrade; par une plus grande horreur du suicide qui le livre, avant le temps, la pourriture de la tombe? Depuis 1789, l'homme respecte-t-il beaucoup plus son semblable, qu'il ne le faisait avant cette poque? Est-ce un acte de respect que cette prdication

AVANT-PROPOS.

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de matrialisme, d'impit et de rvolte, par les exemples, par les arts, par les livres, par les journ a u x , que depuis 1789 l'homme ne cesse d'adresser l'homme? Est-ce un acte de respect que le culte de Vnus, deCyble, de Bacchus et de Vesta, qu'un jour il trouva bon de lui imposer? Les prisons de Pie VI et de Pie VII; Tchafaud de LouisXVI et *h Marie Antoinette; la proscription et la spoliation du clerg et de la noblesse; l'impt du sang frapp sur le pauvre par la conscription; le-divorce rtabli dans la famille; l'autorit paternelle dmantele; la proprit branle jusque dans ses fondements ; l'enfant dclar proprit de Ttat; et sous peine de n'tre rien, oblig, s'il est riche, porter sur son front l'effigie de l'tat; s'il est pauvre, condamn l'atelier, r a m e , la manufacture, o sauf quelques rares exceptions, on ne connat Dieu que pour le blasphmer, les murs pour les outrager, le dimanche pour le profaner; le travail, toujours; le repos, jamais : voyezvous l autant de preuves clatantes du respect de l'homme pour l'homme, dans les diffrentes positions sociales? La fraternit! Est-il vrai que la Rvolution a, sinon invent, du moins affermi et consacr le dogme de la fraternit humaine ? Est-il vrai qu'aujourd'hui les peuples de l'Europe en gnral, et les

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LA

RVOLUTION

FRANAISE.

Franais en particulier, s'aiment les uns les autres d'un amour plus intime, plus rel et plus constant, qu'avant 4789? Est-il vrai qu'aujourd'hui il y a en France et en Europe beaucoup moins de partis opposs, et que ces partis sont beaucoup moins haineux et beaucoup moins menaants qu'autrefois? La fraternit rvolutionnaire, telle que l'histoire nous Ta fait connatre, n'est-ce pas l'amour vague, strile de l'espce humaine, et le mpris, quelquefois la haine farouche de l'individu ? La fraternit rvolutionnaire, l'est-ce pas a frafern/ * de parti; la fraternit qui dpouille, qui noie, qui fusille, qui guillotine tout ce qui no mar.he pas avec d i e ? Cette fraternit triomphante au champ de bataille de Fleur us, la place de Grve, k Lyon, Nantes, pendant la Terreur, ne reviendrait-elle pas, embellie de nouvelles qualits, le jour o le socialisme dernier fils de la Rvolution. serait matre du pouvoir? La fraternit rvolutio uaire passe et future, est donc bien caractrise par le mot si connu de Cbampfort : 0 f heureux temps que le temps o nota sommes, o (homme dit l homme : embrassons-nous ou je t'assomme. Pasaons aux grandes conqutes de 1789. On dsigne ainsi : l'unit judiciaire et gouvernementale, l'galit et la libert sous tous les noms : libert individuelle, libert civile, libert politique,

AVANT-PROPOS.

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libert de la presse, libert des cultes; et, enfin, le progrs. L'unit judiciaire! Depuis qu'on a supprim les coutumes lgales, la plupart sanctionnes par une longue exprience, conformes au caractre des provinces et souvent aux exigences des lieux, pour uniformiser la lgislation civile, est-il bien avr que la justice est mieux rendue; le rgne de la chicane moins prospre ; qu'il y a moins de procs; qu'ils sont moins longs,, et surtout qu'ils cotent moins cher? D'autres peuvent rpondre. Ce que tout le monde sait, c'est que nous avons sept ou huit codes diffrents, et plusieurs myriades d'articles de lois; c'est que les statistiques accusent une augmentation toujours croissante dans le nombre des procureurs et des avocats, comme dans celui des mdecins. L'unit gouvernementale! Au premier coup d'il, il est beau, sans doute, de voir un tat organis comme une immense machine, dont tous les rouages, habilement engrens les uns dans les autres, obissent un moteur unique, qui lui-mme obit la volont d'un tre irresponsable, qu'on appelle l'tat. Mais avec cette unit gouvernementale, qui n'est autre chose que la centralisation, plus de liberts provinciales; plus de franchises municipales; plus de mouvement propre, individuel ou collectif;

S

LA RVOLUTION

FRANAISE.

plus de hirarchie naturelle et historique; plus de rempart srieux contre le despotisme ou l'anarchie. A la place, dpendance absolue du pouvoir central qui se mle de tout, qui dispose de tout, rgle tout, qui concentre dans la tte toute la vie soualc, politique, civile, administrative; qui est tout la fois soldat, diplomate, administrateur, ingnieur, instituteur, nourrice et bonne d'enfant; A la place, prpondrance de la capitale, tel point qu'il suffit d'une meute Paris pour jeter la France en rvolution ; A la place, trente-six millions d'hommes entre les mains d'un homme ou de quelques hommes, aujourd'hui catholiques et monarchistes, demain distes et rpublicains : en sorte que ces trentesix millions d'hommes, qui se disent libres, ne savent jamais vingt-quatre heures l'avance quel systme politique ils doivent dfendre ni quelle cocarde ils doivent arborer. L'galit! I l faut dire le nivellement. Au lieu d'galiser en levant, n'est-il pas vrai que la Rvolution a voulu galiser en abaissant? Au lieu de tout ennoblir, que n ' a - t - e l l e pas avili? Elle a avili le pouvoir religieux et le pouvoir social : le premier par l'outrage, le second par le meurtre; elle a avili la famille par le divorce; la proprit, par la spoliation lgalement accomplie; l'autorit

AVANT - PROPOS.

erp> Aussi, depuis l'Assemble constituante jusqu'au Directoire, l'ducation publique fait sa premire et sa plus constante proccupation. Avec un bon sens qui peut nous servir de leon, elle ne cesse de dclarer qu' ses yeux l'ducation est l'me des formes sociales et la garantie de leur dure; car l'ducation c'est 1 homme, c'est la socit qui sera rpublique ou monarchie, suivant que l'ducation elle-mme sera rpublicaine ou monarchique. Dans d'autres questions vous pourrez surprendre la Rvolution ttonnante et incertaine, peut-tre lui arracher quelques concessions : sur ce point elle n'hsite, ni ne flchit, ni ne varie jamais. Sa pense, cent fois exprime du haut de la tribune, se trouve tout entire dans les paroles duc 11

Monit. 5 sept, an VI.

CHAPITRE PREMIER.

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rgicide Chazal, qu'il est bon de relire et de mditer de nouveau. Le i i vendmiaire an VI, dnonant je ne sais quelles maisons d'ducation, souponnes d'enseigner clandestinement des principes monarchiques, Chazal disait au conseil des Cinq-Cents : L'ducation que je vous dnonce est la lime sourde attache la base de la Rpublique pour Fuser : elle parviendra lentement, mais srement sa lin. Vous avez vu de faibles insectes piquer les bourgeons les plus tendres des arbres fruit, et y dposer des vers qui doivent crotre avec eux et les dvorer. Voil le travail d'un grand nombre d'instituteurs : ils dposent le ver royal dans les bourgeons de l'arbre de la libert. On recueille ce qu'on a sem; souffrez qu'on sme la royaut, et la royaut sera recueillie. L'instruction fait tout. C'est par elle qu'on supporte a u jourd'hui le despotisme dans ces lies de la Grce o Ton ^dora l'galit. Nous-mmes, nous ne relevmes nos fronts, courbs sous la servitude de la monarchie, que parce que l'heureuse incurie des rois nous laissa nous former aux coles de Sparte, d'Athnes et de Rome. Enfants, nous avions frquent Lyeurgue, Solon, les deux lirutus, et nous les avions admirs; hommes, nous ne pouvions que les imiter...

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LA RVOLUTION FRANAISE.

Nous n'aurons pas la stupidit des rois. Tout sera rpublicain dans notre Rpublique; nous punirons les tratres qui y professeraient sa haine, et nous exigerons encore qu'on y professe son amour. Le dernier soupir de l'homme libre doit tre poui son pays; on ne l'obtient qu'en obtenant son premiei intiment. Instituteurs, vous le ferez natre, ou l'on vous arrachera le dpt sacr de la patrie. Nous l'arracherions au pre lui-mme, s'il organisait pour eux la dgradation, l'opprobre et le supplice de la servitude La conclusion de ce discours est lu demande de la dportation perptuit contre les instituteurs ou les institutrices qui ne donneraient pas la jeunesse une ducation rpublicaine. La logique deChazal, ou plutt de la Rvolution, peut paratre cruelle; mais elle est irrprochable. Une fois de plus, elle prouve que les enfants des tnbres entendent mieux leurs intrts que les (ils de la lumire. Un autre rvolutionnaire, Luminais, s'exprime comme Chazal. Pour lui, l'influence dcisive de l'ducation sur les destines de la Rpublique est l'alphabet de la vrit. En consquence, il demande qu'on embrase les mes des enfants de l'amour de1

Munit, ibi.

CIIAIMTRK

VRKMIFR.

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la patrie, et qu'on fasse natre on eux le dsir ardent d'imiter les grands hommes de l'antiquit, ces patriarches de la vertu, qui ne cesseront jamais de nous servir de modles; il demande que la Rpublique s'empare de l'ducation, atin que ni les instituteurs ni les lves ne puissent chapper l'enlacement des principes de rpublicanisme dans lesquels on veut les prendre et les retenir. L'me et les affections de l'enfance, dit-il, sont le d o maine de la socit entire. Personne n'a le droit de s'en emparer ni d'en changer la direction. Les instituteurs doivent promettre de les lever dans les principes rpublicains, et il faut les attacher cette obligation par les liens d'un serment solennel... Vous ne devez pas souffrir qu'aucun citoyen e n seigne la morale sans rattache du gouvernement, et sans que relui qui enseigne vous donne une garantie suffisante de sa moralit et de sa fidlit aux lois. Il ne peut vous en donner de meilleure qu'une femme et des enfants. Vous avez le droit de l'exiger; vous devez le faire, le salut public le commande. Pour inspirer plus srement les principes rpublicains, nous tablissons une feuille priodique appele le Bulletin des Instituteurs; nous avons voulu suppler par l ces grandes et profondes impressions que les jeunes gens recevaient autre-

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LA R V O L U T I O N

F R A N C A S F.

fois dans les anciennes rpubliques, en assistant aux Assembles primaires, en y entendant solennellement discuter les grands intrts de leur patrie par des hommes vertueux et loquents Si le lgislateur, s'crie Garnicr de Saintes, ne s'empare pas de la gnration qui crot, la Rvolution sa trouvera arrte d'un demi-sicle. Je demande une loi qui mette les maisons d'ducation sous la surveillance directe du gouvernement *. Vingt autres discours, qu'il serait facile de rapporter, tablissent jusqu' l'vidence la maxime de Chazal : On recueille ce qu'on a sem; c'est l'ducation qui fait tout. Mais quelle sera l'ducation rvolutionnaire? S'il est vrai que la Rvolution est la haine de tout ordre religieux et social qu'elle n'a point tabli, avec la prtention de faire un ordre religieux et social son image; s'il est encore vrai que pour la Rvolution le beau idal c'est l'antiquit classique, il demeure vident que l'ducation rvolutionnaire sera la haine de Tordre religieux et social existant et la gravitation perptuelle vers le type ancien: qu'aux trois rpubliques de Sparte, d'Athnes et de Home, elle empruntera ses principes et son mode de pdagogie; en un mot, fille de l'antiquit, la RvolutionMonit. 28 nivso an VI. JH. 9 frim. an IV.1

CHAPITRE PREMIER.

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voudra que s e s enfants soient faits son image, comme elle-mme est faite l'image de sa mre. O u e I histoire confirme relie induction, et nous aurons la preuve intrinsque la plus irrcusable de la gnalogie de la Rvolution franaise. Interrogeons les faits. Le principe fondamental de I ducation chez les anciens tait que l enfant appartient la Rpublique avant d'appartenir ses parents. Sur ce mme principe, sans cesse invoqu, pose tout l'difice de la pdagogie rvolutionnaire. On le trouve crit prs* que toutes les pages du Moniteur; contentons-nous d'en citer quelques-unes. Le 22 janvier 1794, Grgoire s'crie du haut de la tribune : L'ducation est dans toutes les branches soumise l'autorit du gouvernement. Pison Dugaland va plus loin; et, reconnaissant l'tat le droit de faire une religion, il veut que la Rpublique dcrte une morale : prrogative fondo sur l'exemple de Numa, de Minus, de Lycurgue et de Solon Toute la doctrine de l'ducation, dit Rabaut Saint-ticnne, consiste emparer de l'homme ds le berceau, et mme avant sa naissance; car l'enfant qui nest pas n appartient dj la Patrie. L'ducation s'empare de tout l'homme sans le quit1

Momt. 29

pluYi*o

an VII.

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LA RVOLUTION FRANC AISE.

ter jamais; en sorte que 1 ducation nationale n'est pas une institution pour l'enfance, mais pour la vie entire Il est temps, ajoute le Spartiate Danton, il st temps de rtablir le grand principe, que les enfants appartiennent la Rpublique avant d'appartenir leurs parents. Personne plus que moi ne respecte la nature, mais l'intrt social exige que l seulement doivent se runir les affections. Qui me rpondra que les enfants, travaills par l'gosme des pres, ne deviennent dangereux pour la Rpublique? N o m s avons assez fait pour les affections, devons-nous dire aux parents, nous ne vous les arrachons pas, vos enfants; mais vous ne pourrez les soustraire l'influence nationale ! C'est un prjug gnralement rpandu en France, continue Branger, que les enfants appartiennent leurs parents. Cette erreur est trs-funeste en politique . Aprs Branger, vient Santhonax, qui, demandant au nom des Romains l'ducation commune et rpublicaine, proclame comme un dogme l'omnipotence de l'taS. Apportons, dit-il, tous nos soins propager les2 8

* Monit. 21 dcembre 4792. * Monit. 22 frira, an II. * Monit, 49 vendm. an VI.

CIIAPITHK

1H I.M I H

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lumires rpublicaines. Cotte propagation n'existe que dans l'ducation t commune. Comment le. anviennes rpubliques ont-elles vaincu des peuples qui les surpassaient en nombre et en puissance? C'est que ion avait appris chaque citoyen qu'il combattrait un jour pour sa patrie, et qu'il en avait pris ds ses plus jeunes annes rengagement sacr. Si, au lieu de leons d'indpendance, on n'et appris aux jeunes Romains qu' regretter Tarquin, qu' blasphmer la main de Scvola et de Bru tus : Brutus et Scvola auraient eu peu de successeurs. Vous n'avez qu'un moyen prendre pour assurer le succs de vos institutions rpublicaines, c'est de forcer les enfants des riches recevoir la mme ducation que les enfants des pauvres. Je connais les droits des pres sur leurs enfants; mais je connais aussi les droits de la Rpublique. Ses droits sont les premiers de tous, elle est la mre commune. Quand vous envoyez au combat la jeunesse, vous ne consultez pas d'inciviques parents; qu'il en soit de mme lorsqu'il s'agit de fonder l'ducation rpublicaine Jean Debry, Ducos, Condorcet, Talleyrand, Lepclletier, Lakanal, Chnier, Saint-Just, Robespierre, Lquinio, Sempronius-Gracchus-Vilate, tous lesrvo* Monit. 4e r

ventC

an VU.

f6

LA K f i V O I . r T l O X FO XN.MSK.

lutionnaires, sans exception, proclament le mme principe. Pour donner une haute ide de l'omnipotence de l'tat sur l'ducation, et pour la faire sentir efficacement aux gnrations lettres, Jacob Dupont propose de ressusciter Paris Y Acadmie et le Portique, et d'y attirer toute la jeunesse de 1 Europe, qui sera charge de rpandre partout les lumires de la philosophie. Avec quel plaisir, dit-il, je me reprsente nos philosophes, qui ont rendu tant de services la Rvolution, et qui en rendront encore tant la Rpublique, Ption, Sieys, Condorcet, entours dans le Panthon, comme le$ philosophes grecs Athnes, d'une foule de disciples venus des diffrentes parties de l'Europe, se promenant la manire des pripatticiens, et enseignant, celui-l le systme du monde; celui-ci le systme social, montrant dans l'arrt du 17 juin 4789 le germe de l'insurrection du 14 juillet, du 10 aot et de toutes les insurrections qui vont se succder avec rapidit dans toute l'Europe, de tella manire que les jeunes trangers, de retour dans leur pays, puissent y rpandre les mmes lumires, et oprer pour le bonheur de l'humanit les mmes rvolutions ! De son ct, le conventionnel Petit, renchris11

Id. M dcembre 4792.

Cl! A P1TR \i l'RRMIKIl.

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sant sur l'ide de Dupont, prouve que tout le monde a besoin dtre form l'esprit rpublicain. Kn consquence, il demande une cole universel!** tir rpublicanisme pour tous les citoyens. Il est, dit-il, un prliminaire indispensable rtablissement des coles primaires, c'est une cole universelle de rpublicanisme. (Testa nous, lgislateurs, c'est nous, fondateurs de la Rpublique, ouvrir cette grande cole. Le local de l'enseignement sera tout le territoire franais. Vieillards, jeunes gens, femmes, ignorants ou savants, nous serons tous lves. Notre matre sera la Mature, et ce que nous avons apprendre est dj dans nos curs . De ce vaste projet, rduit des proportions modestes, naquit Y cole normale. Elle fut fonde pour devenir le foyer de l'esprit rpublicain et la ppinire de nouveaux Solonset de nouveauxLycurgues. Admis la barre de la Convention, le 8 pluvise an III, les lves disaient : Le foyer des lumires est ici dans toute sa puret. C'est la lueur de ce feu sacr que l'ducation franaise doit s'lever un degr qui ne fut jamais atteint dans les plus fameuses rpubliques de l univers. Et ce point de perfection est le but des coles normales . A quoi le prsident rpondit : Solon et Lycurl 21 2

Id. 20 dcembre 1792. Monit. ibi.

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LA

KVOLrTION

FKANCAISI-:.

gue, avant de donner la Grce des lois protectrices de la libert, allaient consulter les sages et les savants dans les rgions les plus loignes... Vous tes appels une grande mission \ Cependant, la Rvolution s empresse de traduire en articles de lois draconiennes sa toute-puissance sur Tducation. Le 17 dcembre 1193 elle dcrte : t Les pres et mres, tuteurs ou curateurs qui auront nglig de faire inscrire leurs enfants sur les registres des coles publiques seront punis, pour la premire fois, d'une amende gale au quart de leurs contributions; et pour la seconde fois, suspendus de leurs droits de citoyens pendant dix ans *. La Rvolution n'y va pas de main morte. On voit qu'elle comprend merveille l'influence dcisive de l'ducation.C'est l'cole normale que le citoyen Gart tait professeur d'entendement humain ! * Monit. 20 d c 4792.1

CHAPITRE II.L'ENSEIGNEMENTRVOLITONNIRE

Suite).

Caractres intimes de cet enseignement. C'est la Rvolution ellemme se perptuant et prenant pour modle l'poque de l'apothose sociale de l'homme. Caractre antireligieux et antisocial Paroles de Talleyrand, Condorcet, tanthenas, Ducos. Dcret de la Convention. Les instituteurs prtres de la Nature. Caractre classique. Paroles de Danton, Rabaut Saint-htienne, Chnier, Daunou Aveu remarquable.

Comme il s'tau proclam, en 1789, matre absolu dans Tordre religieux et dans Tordre social, Thomme rvolutionnaire vient, consquemraent ce principe, de se projlamer matre absolu des mes par l'ducation. Son but est de se perptuer. Quelle sera donc l'ducation qu'il donnera aux enfants dont il s'est empar ? Une ducation qui sera ce qu'il ect lui-mme, la haine de Tordre religieux et de Tordre social existants; une ducation commune qui produira le nivellement universel; une ducation qui, par tous les moyens, transformera les Franais en Romains et en Spartiates, de

io

.A Rf.YOLl TION FRANAISE.

manire faire revivre la glorieuse poque ou rhommc tait tout la fois son Roi, son Pontife et son Dieu. Ds le mois de septembre 17H, Taileyrand n i e , du haut de la tribune, que l'ancien rgime dgradait l'espce humaine, et que /V/ dclarai ion des droits de rhomme, c'est--dire tout ce qu'il y a de plus antireligieux et de plus antisocial, doit composer l'avenir un nouveau catchisme pour l'enfance A Taileyrand succde Condorceit, qui nous livre le secret v ! Rvolution en dclarant que l'instruction primaire, objet d toute sa sollicitude, a pour but de rendre le peuple raisonneur, afin de le soustraire l'empire des prtres. L'instruction, dit-il, est ncessaire pour garantir le peuple des piges du sacerdoce; ce serait le trahir que de ne pas lui donner une instruction morale, indpendante de toute religion particulire". En consquence, il veut qu'on fixe pour base l'instruction publique l'athisme. Tb'Ue religion particulire, dit-il, est mauvaise : les dogmes ne sont que de la mythologie. Soutenir qu'il soit utile d'enseigner la mythologie d'une religion, c'est dire qu'il peut tre utile de trom; \ i les hommes. La proscription doit s'tendre sur ce qu'on appelle religionRapporteur Nmtruction l. ki., t\ avril 479*.1

publique, p. 2.

CHAPITRE

DEUXIEME.

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naturelle; car les philosophes thistes ne sont pas plus d'accord que les thologiens sur l'ide de Dieu et sur ses rapports moraux avec les hommes... Je voudrais que les instituteurs fissent, de temps en temps, quelques miracles dans leurs leons hebdomadaires et publiques. Les miracles d lie ou de saint Janvier, et mille autres, ne seraient point difficiles rpter. Ce moyen de dtruire la superstition est un des plus simples et des plus efficaces . C'est ainsi, continue Lanthenas, que l'humanit, si longtemps consterne sous le poids des chanes de l'ignorance, renatra, et que la philosophie rpandra sans obstacles ses imprissables trsors*. L'homme qui dpend d'une autre raison que la sienne, ajoute le classique Ducos, n'est libre qu' demi; et ce reste de libert appartient encore au premier imposteur qui sait s'emparer de ses prjugs ou de ses passions. Ne vous y trompez pas, les rois, les nobles et les prtres sont les enfants de l'erreur. Le retour des prjugs, voil la vritable contre-rvolution. Htezvous de prvenir leur influence en donnant des coles primaires. Que l'ducation soit commune et force pour tous. II faut opter entre l'ducation dol

id. * Mnit. 20 sept. 4792.

1

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LA

REVOLUTION

FRANAISE.

mestique et la libert... L'ducation domestique peut devenir le dernier refuge de l'aristocratie Comment concilier tme eonstitution rpublicaine avec une ducation monarchique? L'enseignement doit convenir galement tous les citoyens, gaux en droits. Tous les enfants ns dans !a Rpublique, quelle que soit la fortune de leurs pres, doivent tre assujettis suivre pendant un certain temps ies coles primaires. Les murs d'un peuple corrompu ne se rgnrent point par de beaux discours, mais par de vigoureuses et brusques institutions. Tant que par une instruction commune vous n'aurez pas rapproch a pauvre du riche; tant que, pour me servir des expressions de IHularque, vous n'aurez pas achemin une mme trace et mont sur une mme forme de vertu tous les enfants de la patrie, c'est en vain que vos lois proclameront la sainte galit. La Rpublique sera toujours divise en deux classes, les citoyens et les messieurs. Ce n'est pas au serment que Lycurgue arracha des Lacdmoniens que ce peuple surnaturel dut la la stabilit de son bonheur et de ses lois ; c'est au soin qu il prit de faire, pour ainsi dire, sucer aux enfants l'amour de leur pays avec le lait de leur nourrice. Aussi, remarquez que les lois si sages et si douces de Numa tombent avec lui, parce qu'il

CIIAPITKE DEUXIKMK.

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avait, chose trange dans un lgislateur, oubli l'ducation publique . Conformment aux exemples des Spartiates, l'ducation rvolutionnaire sera commune, force, dmocratique. Cela ne suffit pas, il faut qu'elle soit antireligieuse. Un orateur, ajoute Ducos, a paru afflig de voir les prtres exclus du plan d'enseignement public. Introduire dans les coles des prtres de la secte catholique, c'est en exclure les citoyens de toutes les autres. Peut-tre a-t-on vu dans cette admission des prtres une mesure d'conomie. Pour moi, je l'avoue, f aimerais mieux leur abandonner les finances de la Rpublique que Pducation des jeunes citoyens; j'aimerais mieux r u i ner le trsor public que de pervertir et corrompre l'esprit public C'est par raison, non par conomie, que je suis peu dispos en faveur des prtres; et je me rappelle encore leur sujet l'histoire de ce joueur de flte ancien dont parle Plularqve, qu'on payait simple pour jouer et double pour se taire, car il jouait faux. La premire condition de Vinstruction publique est de n'enseigner que des vrits : voil Varrt d'exclusion des prtres . 1 1

Et toute l'Assemble d'applaudir. Avec non moins de faveur est accueilli Branger, MoniU 20 dcembre 479t. * /cf., ibi. IV.

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LA

RVOLUTION

FRANAISE.

demandant qu'en matire de pdagogie on suive pas pas l'exemple des anciennes rpubliques. L'instruction, dit-il, se distingue essentiellement de l'ducation. Chez les Scythes et les Samnites, et surtout chez les Lacdmoniens, l'instruction p u blique tait inconnue, tout consistait dans l'ducation. Les enfants taient levs en commun, et c'est dans cette communaut qu'ils puisaient cette justice, celte valeur et cette temprance quon ne peut s>ropcher d'admirer. N'est-ce pas cela qu'il faut attribuer le dvouement liroique des trois cents Spartiates ? Nous n'avons jamais e u , continue Dulaure, de systme gnral d'instruction. Appelez vo*re s e cours toutes les ttes pensantes. En attendant, vous vous occuperez prparer l'esprit public. Dix-huit sicles d'ignorance et de superstition sont accumuls sur les ttes vulgaires. Publiez une instruction simple, qui sera fai e Paris pour toute la Rpublique *. Aprs avoir entendu plusieurs autres orateurs, entre autres Lepelletier, qui dfend de parler de religion aux enfants, la Rvolution dcrte ce qui suit: On enseignera dans les coles, que tous, sans exception, doivent frquenter, les droits de l'homme, la1

* Monit. 49 vend, an VI.

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ld. 20 prairial an IV.

tiltAPITRR D E T X l KME.

Xi

constitution, le tableau des actions hroques et ve. tueuses Les garons seront exercs aux exercices militaires, auxquels prsidera un officier de la garde nationale, et on les formera la natation. Plusieurs fois Tanne, ils aideront dans leurs travaux les vieillards et les parents des dfenseurs de la patrie. Les ministres d'un culte quelconque ne pourront tre admis aux fonctions de Tenseignement public, dans aucun degr, qu'en renonant toutes les fonctions de leur ministre. Tout ce qui concerne les cultes religieux ne sera enseign que dans les temples. Les personnes charges de Tenseignement dans les coles primaires s'appelleront instituteurs. Une fois par semaine l'instituteur donnera une mstruction publique, laquelle tous les citoyens de tout ge, de Tun et de Tautre sexe, seront invits d'assister. Ces instructions auront pour objet de dvelopper les principes de la morale et du droit naturel . La Rvolution remplace le prtre par l'instituteur. Elle veut que ce prtre de la Nature soit respect def

Chose digne de remarque! c'est, dans un ordre d'ides oppos, notre plan d'ducation : la Bible ou le Code ; le commentaire oral par les ouvrages des Pres, et le commentaire pratique par les Vies des Saints et les Actes des Martyrs. Filii hujus seculi prudent tores, etc. * Monit. 20 dcembre 479, C juin 4794 et 27 brumaire an III.3.

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M

LA RVOLUTION FRANAISE.

tous; autant qu'elle peut, elle le grandit par le traitement qu'elle lui donne, par le rang distingu qu'elle lui assigne. Afin que sa pense devienne sensible aux yeux du peuple, elle demande ce qui suit: Que tous les instituteurs soient prsents par le Comit de salut public et nomms par la Convention; quils portent la cocarde tricolore et le bonnet rouge ; qu'ils marchent de pair avec les lgislateurs; que toujours, et surtout dans les ftes nationales, ces premiers fonctionnaires publics, ces aptres de la libert et de l'galit, ces crateurs de (homme , occupent une place lgale et attireut le plus profond respect de tout citoyen franais; qu'ils s'emparent des enfants ds l'ge de sis ans, les tiennent en pension, et ne les rendent leurs parents qu' l'ge de dix-sept ans *. Ges pensions, est-il dit, sont ncessaires pendant les cinquante premires annes de la Rpublique. Sans doute 'es frais seront immenses, mais les riches ont de foi s paules. Barbare, me crie-t-on, tu veux donc briser tous les liens de la |douce paternit? Va, tu n'as pas d'entrailles, tu n'es qu'une bte froce! 1

Qu'on se rappelle Ses circulaires de la Rvolution de 1848 relatives aui instituteurs, et on verra que lo mme esprit continue de souffler dans le camp rvolutionnaire. * Lettre du citoyen Nattes, officier dans l'arme, etc., 29 dcembre 4793.

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I:UXH;MI;

Prends garde de n'tre pas toi-mme une bte froce, en sacrifiant toa seul plaisir de faire une poupe de ton enfant V homme et Y humanit! Un Spartiate ne dsavouerait ni ces sentiments ni ce langage. Mais nous allons voir l'ducation rvolutionnaire graviter bien plus fortement encore vers le type rpublicain de la Grce et de Home. Aprs s'tre occup du costume classique de l'instituteur, la Rvolution pourvoit celui des lves: le bonnet rouge en sera la pice essentielle. A l'exemple des Athniens, elle adopte les orphelins de ses soldats, et leur donne le nom d'enfants de la patrie . Or, le 18 brumaire an II, la Convention fait dfiler devant elle ces petits sans-culottes de cinq sept ans, leur accorde un drapeau, et dcrte qu'il sera donn chacun un bonnet rouge, pour qu'ils aient toujours prsent leurs yeux ce symbole de la libert. Quelques jours aprs, le 26 novembre 1793, une troupe de jeunes dmocrates de la section Mutius Scvola parait la barre de la Convention. L'un d'eux, g de sept ans, rcite l'histoire du vieux Romain. L'assemble tout entire applaudit, et Dan* ton, s'lanant la tribune, s'crie : Citoyens, dans ce moment o la superstition succombe, pour1

' La Rvolution do 4 SIS a renouvel cette institution.

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LA RVOLUTION

FRANAISE.

faire place la raison, vous devez donner une centrante l'instruction publique. Sans doute, vous dissminerez dans les dpartements des maisons on la jeunesse sera instruite dans les grands principes de la raison et de la libert ; mais le peuple entier doit clbrer les grandes actions qui ont illustr la Rvolution. Il faut indiquer un jour o seront clbrs les jeux nationaux. Si la Grce eut ses jeux1

La Rvolution s'est constamment efforce de multinlier les coles primaires. Son but avou tait de soustraire le peuple l'influence des prtres et des hommes de loi, en lui apprenant raisonner, en d'autres termes, de former des philosophes et de* avocate de village. Le 28 octobre 4795, le Comit d'instruction fait dcrter 24,000 coles primaires; 40,000 instituteurs et institutitrices, et place sous leur d i c t i o n 3,600,000 enfants; car I' pre mter pas faire, en renversant la tyrannie, c'est do rpandre les lumires. Ces enfants apprendront : la lecture, l'criture, les Droits de l'homme, la Constitution, la morale rpublicaine, la langue franaise, l'arithmtique, l'arpentage, l'histoire naturelle et les lments de l'histoire politique. Le 26 septembre prcdent on avait dcrt une cole d'arostats, Meudon. En multipliant les coles primaires, avec obligation d'tuiier le franais partout, (a Rvolution avait un autre but. El'e voulait propager partout et sans obstacle ses ides religieuses et sociales. C est pour cela quelle avait dcrt la libert illimite de la presse ; mais la presse suppose la lecture, et la lecture la connaissance de la langue. Le 3 juin 4794, un des organes de la Rvolution dit la tribune : 11 faut rvolutionner la langue. Nous avons encore trente patois qui rappellent les noms des provinces. En rvolutionnant les arts, il faut uniformiser leurs idiomes; s'il y avait des synonymes, ce serait sens doute monarchie et crime, rpublique et vertu.

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r.ll A P I T I I K niHIXlfcMK.

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Olympiques, la Franco solennisera aussi ses jours Sans-culottides. Que le berceau de la lilierl soit encore le centre des ftes nationales! Je demande que la Convention consacre le Champ de Mars aux jeux nationaux ; qu'elle ordonne d'y lever un temple, o les Franais puissent se runir en grand nombre. C'est par de tels tablissements que nous vaincrons l'univers A son tour, Rabaut Saint-tienne prsente un plan d'instruction publique, et se demande s'il est un moyen d'lever tout coup la gnration la hauteur des vertus rpublicaines. Il rpond : Ce moyen existe, sans doute; il consiste dans ces grandes et communes institutions si bien connues des anciens, qui faisaient qu'au mme jour, au mme instant, chez tous les citoyens, dans tous les ges et dans tous les lieux, tous recevaient les mmes impressions par les sens, par l'imagination, par tout ce que l'homme a de facults... Il suit de cette observation qu'il faut distinguer l'instruction publique de l'ducation nationale. L'instruction publique claire et exerce l'esprit; l'ducation nationale doit former le cur. L'ducation nationale demande des cirques, des gymnases, des jeum publics ; le concours fraternel de tous tes1

MoniU ibi.

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LA RVOLUTION FRANAISE.

ges et de tous les sexes, et le spectacle imposant et doux de la socit humaine rassemble . Puis, s'ianant d'un bond au sein de I antiquit classique, ce type oblig de toute perfection sociale, il justifie sa thorie par l'exemple premptoire des rpubliques de la Grce. Personne, dit-il, n'ignore quelle tait cet gard Y ducation des Cretois et des autres peuples grecs, et surtout de ces Spartiates qui passaient leurs jours dans une socit continuelle, et dont toute la vie tait uu apprentissage est un eercice de toutes les vertus. Sa crainte est que ses contemporains, dgrads par le christianisme et par la monarchie, ne puissent imiter qu'imparfaitement les exemples de ces peuples surnaturels. Lorsque j'ai voulu, s'crie-t-il en gmissant, mditer sur les moyens de nous appliquer quelque chose de ces institutions antiques, j'avoue que ma pense s'est alangourie et dbilite. Trop de diffrence avec ces peuples et avec leur temps dfend Ae porter nos vues si haut... Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il faut absolument faire des Franais un peuple nouveau * Chnier explique en quoi doit consister ce renouvellement. Il consiste ramener les Franais au modle Spartiate, en formant non des hommes in1

* Monit. 24 dcembre 4791. Id. ibi.

CHAPITRE

DKCMKMK.

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struits, mais des soldats vigoureux, et au besoin des athltes. Quel est, dit-il, notre devoir en organisant Tinstruction? C'est de former des rpublicains... La course, la lutte, Part de nouer, Texer"* ;e du canon, du fusil, le maniement de la pique, du sabre et de l'pe, telle est la gymnastique d'un peuple libre. Tout cela n'est point ncessaire des esclaves; ils doivent tre faibles, parce qu'ils doivent servir. Une race rpublicaine doit tre robuste. Que des prix de gymnastique soient distribus dans les jeux publics. Toutes ces institutions rpublicaines pressent l'me des citoyens et l'environnent d'un triple rempart de patriotisme. C'est elles qu'il faut rapporter ce que les crivains clbres ont trop spcialement attribu l'influence du climat. La Grce n'est point une terre privilgie. Ce n'est pas, il faut en convenir, parce que la petite ville d'Athnes tait situe dans le 39* degr de latitude, qu'elle a produit, dans l'espace d'un sicle et demi, un plus grand nombre d'hommes prodigieux que les plus vastes tats de VEurojte moderne dans l'espace de quatorze sicles .l

En effet, aujourd'hui qu'on y cherche en vain l'Aropage et les jardins des philosophes, le eliEst-ce dans Luther que ChnitT et ses collgues avaient puis cet enthousiasme injuste et ridicule pour l'antiquit?1

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LA RVOLUTION FRANAISE.

mat est rest le mme; et nanmoins les descendants de Thmistocle et d'Aristide, les descendants de Socrate et de Sophocle courbent galement la tte sous la verge d'un pacha et sous la frule vanglique d'un archimandrite. Fondateurs de la Rpublique, consommez votre ouvrage; que la rouille des temps anciens ne ronge plus nos institutions . Dans une autre occasion, Chnier, au nom du Comit d'instruction, insiste de nouveau sur la ncessit de rendre la France l'ducation Spartiate et athnienne, dont il veut qu'on rtablisse au plus tt la partie gymnastique, thtrale et musicale, a Tout se tient, s'crie-t-il, dans l'instruction publique. Sans la gymnastique, par exemple, qui faisait le principal des jeux publics dans Athnes et Lacd* mone, ne vous flattez pas d'avoir jamais des ftes dont le but soit utile et l'intrt puissant. Sans de vastes arnes couvertes, vous n'obtiendrez jamais des exercices gymnastiques. Quant aux jeux scniques, l'effet n'en peut tre complet dans des thtres rtteints comme les ntres... Lycurgue regardait les banquets civiques comme le principal moyen de resserrer les nuds qui unissent tous les membres de la cit... Il faut surtout cultiver cet art si estim des lgislateurs et des philosophes dp la Grce, cetl1

Monit. 6 novembre 4793.

CHAPITRE DEUXIME.

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art lo plus dmocratique de tous, et dont la puissante nergie enfante et clbre les victoires . La voix de Chnier n'est pas une voix isole. Tous ses collgues parlent comme lui et demandent avec nergie le retour l'ducation des peuples classiques. C'est Lakanal qui veut une ducation dont l'Etat soit le matre absolu ; la formation aux murs rpublicaines, la gymnastique, les exercices militaires, prsids par un officier de la garde nationale, et le couronnement des enfants par les vieillards, en souvenir de Sparte *. C'est le grave Daunou qui vient jeter le poids de son autorit dans la balance. Afin de consacrer en les dveloppant et en les perptuant les consquences de l'ducation paenne qui avait prpar la Rvolution il demande avec instance le rtablissement des ftes nationales de la Grce. A ses yeux, c'est le meilleur moyen de nous rendre Grecs, c'est--dire rpublicains et dmocrates. Il dit : Le plus vaste moyen d'instruction publique est dans rtablissement des ftes nationales. Renouvelez donc au sein de la France ces brillantes solennits qui offraient jadis aux communes assembles de la Grce le ravissant spectacle de tous les plaisirs, de tous les talents et de toutes les gloires. J'ignore s'il estl t1

Monit. 28 septembre 4794.

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Id. 6 juillet 4793.

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LA RVOLUTION FRANAISE.

dans les annales du monde des tableaux plus pleins de vie et de sentiments, plus capables d'entraner l'homme des penses grandes et augustes , que ces jeux antiques, qui ont attach au nom de quel ques bourgades des souvenirs immortels. Renou vels, il est temps, ces institutions bienfaisantes ; rassemblez-y les exercices de tous les ges : la mu sique, la danse, la course, la lutte, les volutions militaires et les reprsentations scniques *. Le dernier et le plus puissant motif invoqu par Daunou est que l'ducation doit achever la Rvo lution qu'elle a prpare. Oui, s'crie-t-il, C'EST1

AUX LETTRES QU1L EST RSERV DE FINIR LA RVOLUTION QU'ELLES ONT COMMENCE \

Qui a des oreilles pour entendre entende.Daunou tait religieux I * Monit. 24 octobre 4795. 1

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RVOLUTION

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faut, dit-il, que des hommes agissants , vigoureux et robustes. Les plus belles coles, les plus utiles, les plus simples, o la jeunesse puisse prendre une ducation rpublicaine, sont, n'en doutez pas, les sances publiques des dpartements et surtout des socits populaires *'. Au club des Jacobins Boissel s'crie : L'objet de l'instruction est de rendre les hommes parfaitement dmocrates. Le meilleur moyen d'y russir, ajoute un de ses collgues, c'est de faire revivre les coutumes des Spartiates *. Une partie essentielle de l'ducation publique, continue Piion Dugaland, est le rcit des triomphes des hros rpublicains, des chants leur louange, la course, la lutte, l'escrime, la fronde, l a r e , Parquebuse, la danse, enfin, qui rapproche les sexes *. Exactement comme Sparte et Athnes. lean Debry veut que l'ducation fasse avant tout des Romains et des Spartiates. Je rappellerai, dit-il, votre souvenir ce que nous rapporte l'histoire des citoyens de Rome antique et de Sparte, de ces hommes qui ds l'enfance et pendant la paix, accoutums la frugalit, compagne de l'galit, la souffrance, l'intemprie et l'existence la plus* Monit. 24 octobre 1795. * Id. 24 octobre 4794. a Id.

14 vend, an VI.

CHAPITRE

TROISIME.

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laborieuse, trouvaient leur repos dans la vie des camps et les jours de combat Il veut que la France prsente le spectacle d'un peuple tout entier instruit ds Tenfance dans Fart de se dfendre et de vaincre. A mesure, dit-ii, que les forces se dvelopperont, les exercices de la gymnastique se feront plus en grand. Les jeunes gens, forms en escouades, en sections, en compagnies; runis aux ftes de commune ou de canton, excuteront toutes les volutions militaires. Plusieurs coles guerrires seront tablies; nul n'y sera admis sans avoir quinze ans accomplis, et sans avoir t prcdemment exerc dans sa commune*. Suivant lui, cette ducation renouvele des Grecs et des Romains, tuera infailliblement le royalisme et la superstition. Si la tyrannie royale, dit-il, paraissait mpriser, dans ces derniers temps, linfluence que petn ent avoir sur les mes ces exemples rpublicains de la Grce et de Rome, c'est parce qu'elle comptait sur cette profonde dgradation, infuse dans toutes les classes de la socit... Le fanatisme ulcr rde encore autour de l'enfance, pour tcher de faire fermenter dans ces curs nafs la haine do la Rpublique et l'amour de la superstition. Ah! s'il faut une superstition, ayons enfin celle1

Sonit. 3 vend, an VI. * Id. ibi.

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LA

RVOLUTION

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de la libert; crons-en le fanatisme; que nos jeux, que nos ftes, que nos spectacles, que toutes nos institutions nous ramnent son autel sacr . Il annonce que par ce moyen les royalistes euxmmes se convertiront la Rpublique, Ils ne pourront, dit-il, rsister aux larmes de leurs enfants qui, la vue des jeunes gens de leur ge vainqueurs dans les jeux publics, diront leurs pres : Vous m avez fait ilote, et ftais n pour Hre Spartiate *. L'orateur frappe le coup dcisif en s'crient : Citoyens lgislateurs, c o n t e m p l e z l e s i m t p l e s DE l a G R E C S . Malgr le laps de vingt sicles, nous sommes encore tributaires des monuments de leurs arts et de leurs sciences. Par quel moyen oprrent-ils tant de choses tonnantes? L'amour de la libert, et le souvenir de leurs victoires. Mais ces succs si vants eussent t bientt perdus, si des lgislateurs instruits n'en avaient sans cesse burin ri mage, en la prsentant dans les j e u x , dans les ftes, dans les toits, au thtre, la tribune; si dans sa famille, i la place publique, dans les chemins, enfant, homme, vieillard, un Grec n'avait eu sans cesse devant les yeux Mihiade vainqueur Marathon, ou Lonidas mourant aux Thermopyles. Voil, n'en doutez pas, les vritables fondements de la gloire de1

' Jfoftft. 23 vend, an VI. * Id. ibi.

rm en lieux de dans* et l'ancien cimetire de Saint-Sulpice, dont k s p e m s tumuUbes n'avaient pis encore enleves, et le jardm des Cormes, nagure inond du sing cl lent de martyrs. Le premier de c>s deux t.ib!i*$emen's tait appel bal d* Zphirt, l'autre bal champtre T lleuh. Dan* U*s faiis bourjis on avait orianir un g and nombre de hah champtres, frquents par Ii derrire classe de la population ; les autres c l a i e s avaient imagin le bal des victimes Pour y tre aimis il fallait tre vtu de noir, avoir pedu un proche parent sur Pt hafaud. En y entrant il tait de bon ton de ne saluer qu'en imitant, avec les paubs et la tte, le mouvement d'un horam-* dcapit : ce a s'appelait le salut la victime. (M. Gabourd, Histoire de la Rvol., % II, p. 482.) .1 r !

CHAPITRE VIII.LES DCEMV1RS RVOLUTIONNAIRES. Rapporte entre ht Rpublique romaine et la Rpublique franaise. Decemvirs et triumvirs. Biographies des principaux personnages qui personnifient la Rvolution. Biographie de Camille DesinouUns. Devenu rpublicain au collge. 11 ne sait que l'antiquit ; fl ne parle que sa langue. Exemples tirs de ses Rvolutions et de son Vieux Cordeher. Son discours au Pa'ais-Royal. Classique dans sa vie publique, il Test aussi dans sa vie prive. Son Mariage. Pice originale. Nom et baptme qu'il donne son fis. fS* de M. Micbelet. Exclu des Jacobins. Trahi par Robespierre. Condamn mort. Ses dernires paroles. Sentiments et mort de sa femme.

Jusqu'ici nous avons vu la Rpublique franaise reproduisant toutes les phases de la Rpublique romaine. Celle-ci commence par l'abolition de la Royaut; cet acte lui attire la guerre trangre et la guerre intestine ; elle soutient l'une et I autre avec nergie et avec succs. Au milieu du bruit des armes, Rome rpublicaine se donne une constitution, des lois, des institutions politiques et civiles. Les Dcemvirs tentent d'usurper le pouvoir des rois qu'ils ont chasss ; ils sont chasss leur tour ; et

CHAPITRE HUITIME.

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Rome, toujours en lutte au dedans et au dehors, continue ses conqutes jusqu' ce quelle tombe sous le joug des Triumvirs : le Triumvirat est le passage sanglant qui la conduit l'empire. Alors la fire Rpublique, tremblant sous le sabre d'un despote, donne au monde le spectacle de la corruption des murs et de l'avilissement des caractres, le plus humiliant dont l'histoire nous ait conserv le souvenir. Inaugure par l'abolition de la Royaut, la Rpublique franaise voit surgir de ce fait la guerre trangre et la guerre civile. Contre les ennemis extrieurs et contre les ennemis intrieurs, elle dploie une terrible nergie et obtient d'clatants succs. Malgr les proccupations de la lutte, elle se donne des constitutions, des lois, des institutions politiques et civiles. Bientt des Decemvirs sortis de son sein aspirent au pouvoir suprme qu'ils ont renvers. Des partis se forment qui se heurtent et se supplantent pendant toute la dure de la Rpublique. Le champ de bataille reste des Triumvirs semblables ceux de l'ancienne Rome. Ils noient la France dans un dluge de larmes, de sang et de crimes. La corruption des murs, la perversit des ides et l'avilissement des caractres atteignent des limites inconnues dans l'histoire des peuples modernes. La Rpublique, use par ses propres excs,

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LA RVOLUTION FRANAISE.

devient la proie d'un nouveau Csar, dont l'empire est regard comme un bienfait. Ou l'histoire doit renoncer rien tablir, ou tous ces rapprochements, qui ne sont ni invents, ni forcs, prouvent jusqu' l'vidence que la Rpublique franaise fut un calque de la Rpublique romaine, et, d'un bout l'autre, la mise en scne des tudes de collge. Pour achever la dmonstration, il nous reste faire l'histoire des Dcemvirs, des Triumvirs et de leur rgne. Suivant l'usage de donner aux hommes et aux choses des noms classiques, le nom de Dcemvirs et de Triumvirs est appliqu pendant la Rvolution aux ambitieux qui aspiraient au pouvoir suprme. Aprs le 9 thermidor, il est spcialement employ dans les actes officiels, dsigner Robespierre et ses complices. Avant cette poque, il caractrise certains membres des comits de salut public, de sret gnrale et mme de la Convention, dont, peut-tre leur insu, Robespierre se sert pour dtruire ses ennemis et arriver ses fins. C'est par leur moyen qu'il disperse les Brissotins, abat les Girondins, tue le parti de Danton, crase Chaumette et les Hbertistes, jusqu' ce que, d'puration en puration il arrive, matre presque absolu du pouvoir, avec ses deux aflids, Couthon etSaint-Just, la journe du 9 thermidor, dans laquelle il succombe, et avec lui le Triumvirat.}

CHAPITRE

HUITIEME.

If1

Comme ces Decemvirs et ces Triumvirs sont l'expression la plus exacte de la Rvolution, il est d'un grand intrt de les connatre. Ces hommes ne sont pas ns d'eux-mmes, ils ne sont pas tombs tout faits au milieu de la Rvolution, ils ne se sont pas improviss. Ainsi, de qui sont-ils fils? Par qui ontils t forms? Quel esprit les anime? Quelle pense domine leurs penses, et d'o vient cetle pense? Autant de questions capitales que les biographies suivantes aideront rsoudre. Nous donnerons seulement celles de Camille Desmoulins, de Saint-Just, de Couthon et de Robespierre. Des limites que nous ne devons point franchir nous obligent restreindre ce travail, qu'on peut tendre aux autres lettrs de la Rvolution, avec la certitude d'arriver invariablement au mme rsultat. Ami d'enfance de Robespierre, dput la Convention, provocateur du 10 aot et des massacres de septembre, rgicide, membre du Comit de salut public, auteur de la Philosophie au peuple franais, des Rvolutions de France et de Rrabant et du Vieux Corddier, Camille Desmoulins est un des hommes qui, par ses actes et par ses crits, a exerc le plus d'influence sur l'poque rvolutionnaire. Nous empruntons un de ses parents, M. Mat ton, les dtails qui suivent : Camille Desmoulins naquit Guise, en Picardie,

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FRANAISE

en 1762. Son pre tait lieutenant gnral au bailliage de cette ville, et trs-attach la royaut. Sa mre s'appelait Madeleine Godart de Wige. Tmoin de la vivacit d'esprit du jeune Camille et de son amour pour l'tude, M. de Viefville des Essarts, son parent, obtint pour lui une bourse ce fameux collge de Paris d'o sont sortis presque tous les hommes de la Rvolution, au collge Louis le Grand. C'est l que Camille fit connaissance avec Maximilien Robespierre. L'ducation toute rpublicaine qu'on donnait alors des jeunes gens ns pour vivre sous une monarchie contribua beaucoup dvelopper leur amour de la libert et de l'indpendance. Sans cesse et sous toutes tes formes, on leur prsentait Vhistoire des Gracques, des Brutus, des Caton. Camille tait toujours avec Robespierre, et la conversation roulait le plu souvent srr la constitution de la Rpublique romaine. Dans une de ses premires classes, il reut pour prix les Rvolutions romaines de Vertot. La lecture de cet ouvrage le transporta d'dmiration : aussi dans la suite il en eut toujours un volume dans sa poche. C'tait pour lui un compagnon indispensable, c'tait son vade-mecum. II en usa ou en perdit au moins une vingtaine d'exemplaires. C'est peut-tre cet ouvrage excellent et l'tude particulire qu'il a faite des discours de Cicron, et surtout de ses Philip-

CHAPITRE HUITIME

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piques, que Ton doit le style vif et tranchant qui distingue ses crits. Les ides rpublicaines qu'il avait puises dans Cicron et dans Vertot allaient chez lui jusqu' l'exaltation. On va s'en convaincre : dans les vacances de 1784, il allait souvent chez madame Godart de Wige, sa parente, qui s'amusait beaucoup le contrarier sur ses ides politiques. Un jour, pendant le dner, et en prsence d'un grand nombre de convives, elle le contrarie plus que jamais. Camille se lve furieux, jette sa serviette, monte sur la table au milieu des plats et parle pendant une heure, pour lui prouver, et la socit qui l'entoure, que le gouvernement rpublicain est lo seul qui convienne des hommes libres, et qu il n'y a que des esclaves qui puissent courber la tte sous le joug de la royaut . Camille Desmoulins avait alors vingt-deux ans. Issu d u n e famille noble et royaliste, lev par des prtres, Camille, devenu rpublicain l'cole des auteirs classiques, se montre toute sa vie la personnification de ses principes littraires. Au sortir du collge, en 4788, il publie un plan de constitution rpublicaine. L'ouvrage est intitul la Philoso* phie au peuple franais, et se rduit deux ides :f

Voir cette notice en tte d'une nouvelle dition du Vieux Cor dlier.

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FRANAISE

l'antiquit paenne est l'ge d'or; les sicles chrtiens sont Tge de fer. La consquence est qu il faut renverser Tordre de choses existant et retourne l'ordre antique. L'pigraphe est invariablement prise d'un auteur paen : Expergiscamur, ut errores nostros coarguere possimus. Sola autem nos philosophia excitabit, sola somnum excutiet gravent. Seneca, De Philosophia). Puis, faisant un appel au peuple franais, il s'crie : Il est temps que vous leviez la tte, et que vous recouvriez votre libert originelle. Si vous veniez mollir, vous retomberiez dans cette honteuse et triste servitude de vos infortuns anctres . L'anne suivante, il publia la France libre; cet ouvrage est crit dans le mme esprit que le prcdent. Le nouveau Lycurgue ne connat que la Grce, Rome et les Romains; il ne voit de beau et de bon que leur gouvernement et leurs actes : il ne sait imiter que leur conduite, parler que leur langage.l

Comme chantillon des ides qui fermentaient alors dans toutes les ttes lettres, voici le titre d'un petit ouvrage publi la mme anne : Le Gloria in excelsis du peuple, suivi des Litanies du tiers tat, auxquelles on a joint le Magnificat du peuple, le Miserere de la noblesse, le De profanais du clerg, le Nunc dimiltis du parlement, la Passion, la Mort et la Rsurrection du peuple et le petit prne aux roturiers, en attendant le grand sermon tous les ordres.

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Cest peine si dans ses nombreux crits on trouve un paragraphe qui ne soit maill de quelque citation des auteurs paens, de quelque rminiscence de collge. La possession est complte. J'ai, dit-il, un faible pour les Grecs et les Romains. Les rapprochements, les images, les Irai-.* qu* je leur emprunte sont comme des espces d'estampes dont j'enrichis ma feuille priodique Citons seulement quelques exemples pris au hasard : Il n'y a d'tat vraiment libre que celui o tout citoyen peut crire sur sa coquille : Je donne ma voix contre Aristide, parce quil est juste... Je vais aux Cordeliers, c'est l qu'on maintient les principes. Quand les sept sages de la Grce seraient membres du district des Cordeliers, et qu'il renfermerait dans son sein et /es jardins d'Acadme et ceux d'picure, et le Lyce et le Portique, je dfie que la logique y ft plus saine... Les patriotes ont fait des prodiges de valeur; nous avons vu un pre de famille, plus grand que Decius, venir dvouer ses trois fils la patrie V Heureux des succs de la Rvolution franaise, il s'crie : Le plus beau spectacle qui se soit jamais offert l'esprit humain est sans doute d'observer ces tremblements de terre, qui vont branler tous les trnes de l Europe, renverser entirement les uns et mettre* Mvol. France, etc., t. I, |>. 423. p. 9, 46, 77.

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les autres presque au niveau du sol. Sans doute il s lvera des Tacites et des Tites-Livcs dignes d'crire ce morceau si intressant de l'histoire du monde \ La rvolution do Brabant, qui n'a pas encore chass les prtres, lui parait manque, et il dit : Peuples imbciles! et vos ides, et votre me, ne songez-vous donc pas l'agrandir? Mais tels sont les hommes sous le joug des mages. Athnes peut secouer le joug des tyrans, Rome celui des Tarquins; mais l'esclavage des prtres a cela de propre qu'il abrutit et abtardit l'espce humaine tel point qu'elle ne peut s'en dlivrer . De la haine des prtres il passe la haine des rois, toujours au nom des Romains : Je ne prtends, dit-il, gner personne dans ses affections, et je leur permets de se prosterner devant le Roi, sa femme, ses frres, ses tantes, ses cousins. Mais libert du culte; moi, je rserve mon idoltrie pour la majest du peuple. La libert, l'galit, voil mes dieux. La nation veut un Roi; puisque cela est dcrt, je n'ai rien dire. Mais peut-on trouver mauvais que je sois de ces Romains qui gmissent quand Antoine, aux Lupercales, impose le diadme Csar ? Et plus loin : Le Prince a commenc visiter les lieux publics; une foule immense de peuple suia 33

* Hvol. de France, etc., 1.1, p. 309. * Id.. ibi., p. 446. Id. ibi., p. 490.

I.HAI'ITRK

HtlTIfcMI-:.

vait sa voiture; les rues retentissaient (l'acclamalions : Vive le Roi! vive la Reine! A Dieu ne plaise que je blme les largesses faites au peuple; le Prince ne peut faire un meilleur usage des vingt millions qu'on lui a donns pour se divertir, mais je n'ai pas laiss de dire, en voyant le carrosse, comme Laocoon : Hoc inclusi liyno oceultantur Achivi. Les Grecs sont cachs dans ce bois \ Enfin, provoquant directement l'Europe entire l'assassinat des Rois, et cela au nom des auteurs classiques, il met pour pigraphe son journal, les Rvolutions de France, ce mot de Snque : Vielima haud ulla amplior potest magisque opima mactari Jovi, quam Rex : La meilleure et la plus agrable victime qu'on puisse immoler Jupiter, c'est un Roi. Aussi, dans le procs de Louis XVI, il voU pour la mort sans appel et sans sursis, et motive son vote en disant : a Un Roi mort, ce n'est pas un homme de moins. Je vote pour la mort, trop tard peut-tre pour l'honneur de la Convention nationale *. Mme langage dans le Vieux Cordelier; mme esprit de haine contre l'ordre religieux et social tabli. coutons encore : Tous les tals libres, en tolrant tous les cultes, ont proscrit le papisme seul, et avec raison, la libert ne pouvant permettre une1

JttaiJ. d$ France. eU.. t. I, p . 5 6 0 . - M o n i t . 15 j a n v . 4797.

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religion qui fait de la servitude un de ses dogmes. J'ai donc toujours pens qu'il fallait retrancher au moins le clerg du corps politique; mais pour cela il suffisait d'abandonner le catholicisme sa dcrpitude et le laisser finir de sa belle mort, qui tait prochaine. Il n'y avait qu' laisser agir la raison et le ridicule sur l'entendement des peuples, et avec Montaigne, regarder les glises comme des petites maisons d'imbciles, qu'il fallait laisser subsister ) jusqu' ce que la raison et fait assez de progrs, > * de peur que les fous ne devinssent furieux... Com> ment, d'ailleurs, ignorer que la libert elle-mme ne saurait se passer de l'ide d'un Dieu rmunrateur, et qu'aux Thermopyles, le clbre Lon nias exhortait ses trois cents Spartiates en leur promettant le brouet noir, la salade et le fromage chez Platon : apud inferos cnaturi ? Les atrocits rvolutionnaires, l'encombrement des prisons, le nombre chaque jour croissant des victimes, peut-tre la crainte de le grossir lui-mme, semblent ralentir sa fureur, et, dans le Vieux Cordlier, il prche la modration et la libert individuelle, dont, ses yeux, la libert de la presse est la garantie. Or, les souvenirs de collge qu'il a constamment invoqus pour gorger et dtruire, il les invoque en faveur de sa nouvelle thse.1

* N. t , p. f i .

CHAPiTiu;

IU;ITI:.ME.

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Pourquoi, dit-il, la clmence serait-elle devenue un crime dans la Rpublique? Prtendons-nous tre plus libres que les Athniens, le peuple le plus dmocrate qui ait jamais exist, et qui avait lev cet autel la Misricorde, devant lequel le philosophe Demonax, plus de mille ans aprs, faisait encore prosterner les tyrans? Je crois avoir bien avanc la dmonstration que la saine politique commande une semblable institution. Et NOTRE GRAND PROFESSEUR, MACHIAVEL , que je ne me tasse point de citer, regarde cet tablissement comme le plus important et de premire ncessit pour tout gouvernement, le souverain devant plutt abandonner les fonctions de comit de sret gnrale que celles de comit de secours. Cest lui seul surtout, recommande-t-il, que le dpositaire de la souverainet doit rserver la distribution des grces et tout ce qui concilie la /iiveur, laissant aux magistrats la disposition des peines et tout ce qui est sujet aux ressentiments . Quant la libert de la presse, garantie de la libert individuelle, Il en prouve la ncessit Vaide des Grecs et des Romains. Qu'est-ce qui distingue la Rpublique de la Monarchie? Une seule chose, la libert de parler et d'crire. Ayez la libert de la presse Moscou, et demain Moscou sera une Rpublique. Quel est le meilleur retranche11

N 2, p. 248 et s u a .

IV.

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ment des peuples libres contre les invasions du despotisme? c'est la libert de la presse; et ensuite, le meilleur? c'est la libert de la presse; et aprs, le meilleur? c'est encore la libert de la presse. En un mot, l'me des Rpubliques, leur pouls, leur respiration, le souille auquel on reconnat que la libert vit encore, c'est la franchise du discours. a Vois Rome quelle cluse d'invectives Cicron lche pour noyer dans leur infamie Verres, Catilina, Glodius, Pison et Antoine ! Le pote Catulle trane dans la boue Iules Csar. 9 Railleur et malin, non-seulement le peuple d'Athnes permettait de parler et d'crire, mais on voit par ce qui nous reste de son thtre que son plus grand divertissement tait de voir jouer sur la scne ses gnraux, ses ministres, ses philosophes. Lis Aristophane, et tu seras tonn de l trange ressemblance d'Athnes et de la France dmocrate. Tu y trouveras un Pre Duchesne comme Paris, les bonnets rouges, les ci-devaut, les orateurs, les motions et les sances absolument comme les ntres; en un mot, tu y trouveras une antiquit de trois mille ans dont nous sommes contemporains... La seule ressemblance qui manque, c'est q u e , quand ses potes le reprsentent ainsi, son opra et sa barbe, tantt sous le costume d'un vieillard, et tantt sous celui d'un jeune homme, dont 1 auteur

CHAPITRE HUITIME.

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ne prenait pas mme la peine de dguiser le nom, et qu'il appelait le peuple, lo peuple d'Athnes, loin de se fcher, proclamait Aristophane le vainqueur des j e u x , et encourageait par tant de bravos et de couronnes faire rire ses dpens, que l'histoire atteste qu' rapproche des Bacchanales les juges des pices de thtre et le jury des arts taient plus occups que tout le snat et l'aropage ensemble, cause du grand nombre des comdies qui taient envoyes au concours. Notez que ces comdies taient si caustiques, contre les ultra-rvolutionnaires et les tenants de la tribune de ce temps-l, qu'il en est telle, joue sous l'archonte Stratocls, quatre cents ans avant Jsus-Christ, laquelle si elle tait traduite mettrait debout les Cordeliers, car Hbert soutiendrait que la pice ne peut tre que d'hier, de l'invention infernale de Fabre d glanline, contre lui et le Pre Duciwsne, et que c'est le traducteur qui est la cause ue la disette des subsistances; et il jurerait de le poursuivre jusqu' la guillotine. Les Athniens taient plus indulgents et non moins chansonniers que les Franais : loin d'envoyer Sainte-Plagie, encore moins la place de la Rvolution l'auteur qui, d'un bout de la pice l'autre, dcochait les traits les plus sanglants contre Pricls, Clon, Lamarchus, Alcibiade, contre les comits et prsidents des sec9

9.

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lions, et contre les sections en masse; les sansculottes applaudissaient tout rompre, et il n'y avait personne de mort par suite de la reprsentalion, que ceux des spectateurs qui crevaient force de rire d'eux-mmes. Qu'on ne dise pas que cette libert de la presse et du thtre cota la vie un grand homme, et que Socrate but la cigu. Il n'y a rien de commun entre les Nues d'Aristophane et la mort de Socrate, qui arriva vingt-trois ans aprs la premire reprsentation, et plus de vingt ans aprs la dernire. Les potes et les philosophes taient depuis longtemps en guerre; Aristophane mit Socrate sur la scne, comme Socrate l'avait mis dans ses sermons : le thtre se vengea de l'cole. C'est ainsi que SaintJust et Barrre te mettent dans leurs rapports du Comit de salut public, parce que tu les a mis dans ton journal ; mais ce qui a fait prir Socrate, ce ne sont point les plaisanteries d'Aristophane, qui ne tuaient personne, ce sont les calomnies (TA ml us et de Mlitus qui soutenaient que Socrate tait l'auteur de la disette, parce qu'ayant parl des dieux avec irrvrence dans ses dialogues, Minerve et Crs ne faisaient plus venir de beurre et d'ufs au march. N'imputons donc pas le crime de deux prtres, de deux hypocrites, et de deux faux tmoins la

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libert de la presse, qui ne peut jamais nuire et qui est bonne tout. Charmante dmocratie que celle( des sans-culottes) d'Athnes! Solon n'y passa point pour un muscadin ; il n'en fut pas moins regard comme le modle des lgislateurs, et proclam par Poracle le premier des sept Sages, quoiqu'il ne ft aucune diflicult de confesser son penchant pour le vin, les femmes et la musique ; et il a une possession de sagesse si bien tablie, qu'aujourd'hui encore on ne prononce son nom dans la Convention et aux Jacobins que comme celui du plus grand lgislateur. Combien ont parmi nous une rputation d'aristocrates et de Sardanapales, qui n'ont pas publi une semblable profession de foi ! Et ce divin Socrate, un jour, rencontrant Alcibiade sombre et rveur, apparemment parce qu'il tait piqu d'une lettre d'Aspasie : Qu'avez-vous ? lui dit le plus grave des Mentors; auriez-vous perdu votre bouclier la bataille? Avez-vous t vaincu dans le camp la course, ou la salle d'armes? Quelqu'un a-t-il mieux chant ou jou de la lyre que vous la table du gnral Nicias? Ce trait peint les murs. Quels rpublicains aimables! Pour ne parier que de leur libert de la presse, la grande renomme des coles d Athnes ne vint

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FRANAISE.

que de leur libert de parler et d'crire, de l'indpendance du Lyce, des administrateurs de police. On lit dans l'histoire que, Sophocle ayant voulu soumettre les jardins ou les coles de philosophie I inspection du snat, les professeurs fermrent la classe; il n'y eut plus ni matres, ni coliers, et les Athniens condamnrent l'orateur Sophocle une amende de vingt-quatre mille drachmes, pour sa motion inconsidre. On ignorait dans les coles jusqu'au nom de l'archonte. C'est cette indpendance qui valut l'cole d'Athnes sa supriorit sur celle de Rhodes, de Milet, de Marseille, de Pergame et d'Alexandrie. 0 temps de la dmocratie ! murs rpublicaines ! o tes-vous ? Dans sa conduite politique et dans sa conduite prive, aussi bien que dans ses crits, Camille Desmoulins fait revivre, autant qu'il peut, les murs rpublicaines de la belle antiquit. C'est lui q u i , au Palais-Royal, ameute le peuple de Paris et prpare le premier acte clatant de la Rvolution, la prise de la Bastille. Voici en quels termes luimme raconte le fait : J'aime me rappeler, et on ne me ravira pas cet honneur, que c est moi qui, au Palais-Royal, le dimanche 12 juillet, mont sur une table, environn de dix mille citoyens,11

*, p. 437*20.

CHAPITRE HUITIME.

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et montrant un pistolet ceux qui ne pouvaient m entendre, appelai tout le monde aux armes. Ce^t moi qui proposai aux patriotes de prendre tur-lechamp des cocardes, pour pouvoir se reconnatre et se dfendre contre les assassins enrgiments \ Le peuple m'ayant dit de choisir les couleurs, je criai ; Ou le vert, couleur de l'esprance; ou le ruban de Cincinnatus, couleur de la Rpublique. Et comme on se fut dcid pour le vert, aprs avoir dit tous les satellites de la police mls parmi la foule qu'ils pouvaient me regarder en face, que je ne tomberais pas vivant entre leurs mains, je descendis, et j'attachai l'instant mon chapeau le ruban vert. L'abb Sabatier dit que c'est avouer que j'ai mrit le dernier supplice ; mais mon titre la reconnaissance de mes concitoyens c'est d'avoir brav ce danger : C'est par l que je v a u x , si je vaux quelque chose *. Quinze mois aprs Camille Desmoulins se maria. Son mariage fut clbr le 29 dcembre 1790, l'glise Saint-Sulpice, par l'abb Brardier , proviseur du collge Louis le Grand pendant que Camille Desmoulins y faisait ses tudes. Un des8

En 4830 et 4848, on a entendu la mme dnomination applique aux troupes par les Camilies du temps. * RvoL, etc., t. I, p. 394. Voir Lairtullier, Femmes clbres, etc., 1.11, p. 45, 29.3

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tmoins tait l'ami d'enfance de l'poux, Maximilien Robespierre .1

Voici l'acte original du mariage de Camille Desmoulins, toi que nous l'avons transcrit au greffe de l'htel de ville do Paris. * Ledit jour, vingt-neuf dcembre, a t clbr le mariage de LucieSimptce-Camille-Benoit Desmoulins, avocat, g de trente ans, fils de Jean-Benoit-Nicolas Desmoulins, lieutenant gnral au bailliage de Guise, et de Marie-Madeleine Godart, consentants, avec Anne-Lucile-Philippe Laridon Duplessis, ge de vingt ans, fille de Claude-Estienne Laridon Duplessis, pensionnaire du roi, et de Anne-Franoise-Marie Bcisdeveix, prsents et consentants; les deux parties de cette paroisse, l'poux depuis six ans, rue du Thtre-Franois; l'pouse de fait et de droit depuis cinq ans, avec ses pre et mre, rue de Tournon; trois bans publis en celte glise sans opposition, permission de fiancer et de mat ter le mme jour en ce temps prohib de l'a vent, accorde par MM. les vicaires gnraux le vingt-sept de ce mois, fianailles faites. Prsents et tmoins du ct de l'poux : Jrme^Ption, dput l'Assemble nationale, rue du Fauxbourg-Saint-Honor, paroisse de la Madeleine-la-Ville-vque ; Charles-Alexis Bruiard, dput l'Assemble nationale, rue Neuve-dcs-Mathurins, paroisse de la Madeleine-la-V il le-vque; du ct de l'pouse : Maximilien-MarioIsidore Robespierre, dput l'Assemble nationale, rue Saintonge, paroisse Saint-Louis en Lille; Louis-Sbastien Mercier, de plusieurs acadmies, rue des Maons, paroisse Saint-Sverin, qui tous ont certifi le domicile comme dessus et la libert des parties, et ont sign : CAMILLE D E S M O U U N S LARIDON D I T L E S S I S ,

1

LARIDON DUPLESSIS , BOISDEVEIX , PTION , BRILRD , ROBESPIERRE , l.-P. BRISSOT, MERCIER.

, dput l'Assemble nationale, G I ' E U D E V I I . L E , vicaire de Saint-Sulpice. BIRARDIKR

CHAPITRE

HUITIEME

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L'anne suivante Camille Desmoulins out un fils, qu'il nomma Horace. Il ne le fit point baptiser. Mais au lieu du baptme catholique, il lui donna le baptme rpublicain. Usant de la libert des cultes et d'un dcret de l'Assemble nationale qui autorisait les pres prsenter leurs enfants la patrie, il porta son fils sur un autel, lev cet effet dans chaque municipalit, et l'offrit la Desse \ CesDans la nuit du 31 dcembre 1792 au I " janvier 4793, la Rvo lution 6t enlever de toutes les glises et couvem* de Paris les legistres de l'tat civil, et les fit apporter la commune. C'est au greffe de l'Iilel de ville de Paris que se trouvent aujourd'hui ces pices si prcieuses. Voici le texte de la dclaration de Camille Desmoulinf Le 8 juillet 4791 , il prsente la commune son fils n le 6, et dit : t Que la libert des cultes tant dcrte parla Constitution, et que par un dcret de l'Assemble nationale lgislative, relatif au mode de constater l'tat civil des citoyens autrement que par des crmonies religieuses, il doit tre lev dans chaque municipalit cheflieu un autel sur lequel les pores assists de leurs tmoins prsenteront la patrie leur enfant ; en consquence, voulant user de la libert constitutionnelle, et voulant s'pargner un jour, de la part de son fils, le reproche de l'avoir li par serment de$ opinions religieuses qui ne pouvaient pas encore tre les siennes, et de l'avoir fait dbuter dans le monde par un choix inconsquent entre neuf cents et tant de religions qui partagent les hommes, dans un temps o il ne pouvait pas seulement distinguer sa mre, il nous requiert la prsenta dclaration, voulant que son (ils se nomme Horace. Siyu : M K R M X , dput, C A M I L L E D E S M O C L I N S L E C O I X T R E , dput,StncAs, administrateur de police. 1

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LA RVOLUTION FRANAISE.

sentiments politiques et religieux en avaient fait un homme antique. Freron, crivant la femme de Camille, lui dit : Fais-lui mon compliment sur sa rponse fire Barnave : elle est digne de Brutus. notre ternel modle . Sur quoi, Paveu suivant ehapr^ k M. Michelet : Limi* 'ion farouche des rpublicains de l'antiquit tait le point de vue qui dominait pendant la Rvolution *. Tous les crits, tous les actes de Camille Desmoulins, jusqu' la fin de sa carrire, prsentent ce double caractre de rpublicanisme et d'impit. Admis au club des Jacobins, il est, dans les sances des 8 et 9 janvier 1794, dnonc pour ses numros du Vieux Cordelier comme l'aptre du plus pernicieux modrantisme. Il essaye de se dfendre. Son camarade de collge, son ami d'enfance, Robespierre, qui voulait le perdre avec Danton et Phlippeaux, lui fait publiquement le reproche, d'ailleurs trs-fond, de s'tre laiss enivrer par les auteurs anciens, et de professer des doctrines condamnables dans le Vieux Cordelier, dont il demande qu'on fasse un auto-da-f. Camille dit-il, est uv admirateur des anciens; les crits immortels de Cicron et de Dmosthnes font ses dlices. La ressemblance des termes seuls lui monte la1 91 3

Lairtullier, Femmes clbres, t. IL p. 45-29. Femmes de ta Rvolution, p. M6.

CHAPITRE I i r i T l f c M K .

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UHe. L'orateur grec et le romain font des philippiques, l'un contre le tyran de Macdoine, l'autre contre un sclrat conspirateur. Camille croit, en lisant Phlippeaux, lire encore les Philippiques de Cicron et de Dmosthnes; mais qu'il ne s'abuse p a s , les anciens ont fait des philippiques, et Phlippeaux n'a compos que des philippotiques Je demande pour l'exemple, que les numros de Camille soient brls dans la socit. A cette trahison, Camille se rvolte et dit Robespierre ce mot qui le perdit : Brler n'est pas rpondre. Robespierre, irrit, appelle dans la sance du lendemain, 9 janvier, le couteau de la guillotine sur la tte de son ami, en disant : Je dclare aux vrais Montagnards que la victoire est dans leurs mains, qu'il n'y a plus que quelques suspects craser \ Le 1 avril, l'affid de Robespierre, Saint-Just, monte la tribune de la Convention et fait un long rapport contre Camille Desmoulins, q u i , avec Daner9

ton, Phlippeaux, Fabre d'Eglantine, est dcrt d'accusation et incarcr au Luxembourg. Ce r a p port, ou pour mieux dire cet acte d'accusation, videmment concert entre les triumvirs, tend, ds le dbut, laver, au nom des Romains, le perfide1

M oui t. ibi.

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Robespierre du sang de son ami. Il commence en ces termes : II y a quelque chose de terrible dans l'amour sacr .

CHAPITRE NEUVIME.

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ses biens l'tat et aux communes : Tout le monde, dit-il, pouvait btir et rparer, mais les communes ont surtout montr leur sagesse en dtruisant, en dmolissant.... L'Assemble nationale a refus de dclarer la religion catholique celle de l'tat, et elle a bien fait; c'tait une loi de fanatisme qui et tout perdu . L'lve des Oratoriens ne s'en tient pas l : il se pose en rformateur religieux. Son ducation lui a montr la plus belle civilisation, les plus hautes vertus, sortant du sein des fables olympiques, et il en conclut que toutes les religions sont galement bonnes, c'est--dire galement indiffrentes. S'il a une prfrence, c'est pour !a religion des grands hommes qu'il admira au collge.!

Je laisserai le Turc, le Huron Se faire un dieu chacun leur faon, Bien pntra du sublime systme Que Dieu n'est rien que la sagesse mme, Et que l'honneur, la vertu, la raison, Bien avant nous, dans Emile et Caton, Valaient leur prix sans le sceau du baptme.

Comme on le voit en \ 790, comme en 1793, SaintJust ne croit dj plus en Dieu. Toutefois il n'est pas athe, il est panthiste : pour lui la vrit n'est pas dans la religion, mais dans les religions; et il1

tude* rtvot., t. I, p . 5 1 . IV.

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proclame que chacun a le droit de se faire un Dieu sa guise. C'est ainsi qu'il prpare l'intronisation, dans un Olympe de convention, de l'Etre suprme, qu'il fabriquera de compte demi avec son ami Robespierre . Nous l'entendrons lui-mme nous dire dans ses Fragments que sa religion est un souvenir du paganisme de la Once. Le temple o l'on adore son tre suprme, c'est un pastiche du Panthon, comme le prtre qu'il a invent n'est lui-mme qu'une rminiscence du sacrificule de Vautiquil. L'encens, dit-il, fume nuit et jour dans les temples publics et sera entretenu tour tour, pendant vingt-quatre heures, par des vieillards gs de soixante ans. L'hymne l'ternel est chant par le peuple, tous les matins, dans les temples. Le peuple franais voue sa fortune et ses enfants l'ternel. L'me immortelle de ceux qui sont morts pour la patrie est dans le sein de l'ternel . La haine du catholicisme le suit partout. Un des plus magnifiques monuments qu'aient levs le gnie et la foi, la cathdrale de Strasbourg, ne peut trouver grce devant lui. Le 24 novembre 1793, il prend, de concert avec son collgue Lebas, l'arrt s u i vant : Les reprsentants prs de l'arme du Rhin chargent la municipalit do faire abattre les statues de pierre qui sont autour du temple de la Raison,1 a1

tudes rvol., etc., 1.1, p. 59. 2 x fragra.

CHAPITRE N E I * % ' T M E .l

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et d'entretenir u n drapeau tr v; ore sur la tour dudit temple. Sign : Saint-Just vr Lebas . Immdiatement le maire Moaet requiert pour enlever et dtruire toutes les t-Hues d u temple de la Raison, non-seulement les o u v r i e r s , mais les citoyens en tat de se servir d'un marteau, pour les abattre le plus promptement possible* Ds le 30 novembre une partie des statues gisaient sur le pav de la place. Nous venons de voir Saint-Just dans sa priode de destruction, nous allons le suivre dans sa priode de reconstruction. Dans la seconde comme dans la premire, les tmoignages de l'histoire, les discours de Saint-Just, ses actes, ses crits, nous le montrent galement inspir par son ducation de collge. Au mois de mai 1 7 9 0 , quelques membres de rAssemble nationale avaient protest publiquement contre l'galit des cultes. La protestation fut rpandue profusion dans la campagne de Blrancourt. On la fit rechercher et saisir, et la municipalit h brla en grande pompe sur la place publique. On rdigea procs-verbal de la crmonie, laquelle avait assist la garde nationale, et on l'envoya l'Assemble constituante avec une adresse o nous lisons ces mots : M. de Saint-Just a prt le serment11

Munit, ibi. * Textuel.40.

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LA RVOLUTION FRANAISE.

civique, et il a promis de mourir par le mme feu qui a dvor la protestation . Un admirateur contemporain de Saint-Just ajoute: Ce jeune homme ne se borna pas jurer qu'il tait prt se jeter dans les flammes et y prir plutt que d'oublier son serment. Encore tout plein des souvenirs de cette Rpublique romaine dont il se figure tre un des hroques enfants, Sec vola de collge, Saint-Just place sa main ouverte sur le brasier o se tordaient encore les derniers vestiges du libelle contre-rvolutionnaire, et, plus fort que la douleur, il laisse dvorer ses chairs tout en prtant serment . C'est dans la fidlit de Saint-Just reproduire les grands hommes de l'antiquit que ses pangyristes, passs et prsents, trouvent le sujet de leurs loges : t Oui, je fus l'ami de Saint-Just... Qu lesvous, vous qui rigez en crimes les affections les plus lgitimes *, les passions les plus gnreuses?... Tous les hommes de bien qui n'ont pas de poignard opposer vos forfaits doivent prir et vous dire comme Thrasas Nron : Puisque la mort est une dette, il vaut mieux la payer en homme libre que de chicaner en esclave... 0 mon ami, je ne conserve la vie que pour plaider les intrts de ta gloire.! a2

* MoniL ibi. * y i r tudes rvol, etc., t. I, p. 407. Par exemple. e* liaisons adultres avec madame Thorin.0

i IIAPITHK N KUVIk.ME.

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Je me suis rappel Blasius de Cumes, qui avoue hautemert devant le snat romain son amiti pour Tibnt- Gracchus, que le snat romain vient d'assassiner Rimprimes Paris en 1831 et Toulouse en 1850, les uvres de Saint-Just sont prcdes d'une pompeuse notice dans laquelle on attribue les vertus et les mrites de Saint-Just son ducation classique, en le flicitant de n'avoir recul dev nt a u cun moyen pour faire de la France une nouvelle Sparte, et on ajoute en parlant de sa mort : Ainsi fut assassin, vingt-six ans et d e w te plus vertueux des hommes. Saint-Just se montre digne de ces loges, et prouve que son acte de naissance devrait tre antidat de deux mille ans. A peine sorti du collge, il se prend d'admiration pour Robespierre le Romain. Le 19 aot 1790, il lui crit de Blrancourt la lettre suivante : Vous qui soutenez la Patrie chancelante contre le torrent du despotisme et de l'intrigue; vous que je ne connais, comme Dieu, que par vos merveilles,' je m'adresse vous pour vous prier de vous unir moi pour sauver notre triste pays... Je ne vous connais pas, mais vous tes un grand homme. Vous n'tes pas seulement le dputy

Note extraite des papiers du citoyen , 9 thermidor an !H, reproduite dans l'dition des uvres d()

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FRANAISE

hont dans Romo pour dplorer la svrit qui fut dploye contre Catilina; mais Rome aimait alors la libert... L'aristocratie appelle la destruction des chefs des factions un acte de dictature. Brutus et Cassius aussi furent accuss de tyrannie pour avoir immol Csar: ils furent accuss par Antoine!... Que l'heureuse exaltation soit honore; quon se souvienne que Caton tait un homme exalt .1

L'effet de cette harangue fut le dcret du mme jour, qui encombra de victimes les qarante-huit mille bastilles rvolutionnaires, et qui, jusqu'au 9 thermidor, inonda la France d'un dluge de sang.f

Jfonr. ibi.

CHAPITRE X.LES TRIUMVIRS RVOLUTIONNAIRES. SAINT-JUST

(suite).

Conduite de Saint-Just Strasbourg. Visites domiciliaires. Arrestations. Contribution. Rquisition. Lettre de Gatteau Paroles de Courtois. Mot et action Spartiate de Saint-Just - Soif de sang. Fragments, Rase d'une constitution ducaiion lacd^monienne. Dernier discours de Saint-Just. Son arrestation Sa mort.

Nous venons de voir Saint-Just panouissant son me dans sa conduite prive et dans ses harangues parlementaires ; il achvera de nous la montrer tout entire dans ses actes officiels et dans ses crits politiques. En qualit de commissaire prs de l'arme du Rhin, il arrive Stre^ourg vers la fin d'octobre 4793. Son premier arrt ordonne des visites domiciliaires dans toute la ville. Pendant la nuit du 30 octobre, les plus respectables habitants, les n o taires, banquiers, agents de change, voient leurs maisons envahies, leurs papiers saisis, leurs richesses emportes, eux-mmes vont expier dans lesIV. 4t

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en crant uno Commission populaire cpii s'est leve la hauteur les circonstances, en envoyant IVchafaud tous les aristocrate*, municipaux, judiciaires et militaires. O s oprations pat. 'oti.jues ont rveill la Ion ^ de la Rvolution. ApnV le 9 thcimidor, les habitants de Strasbourg firent entendre leurs gmissements la Convention ; leur adresse nous apprend quelque chose des oprations patriotiques de Saint-Just. En peu de temps, dit-elle, on runit la municipalit (5,870 tant habits que vestes, culottes et pantalons; 4,767 paires de bas; 16,921 paires de souliers ; 8 0 3 paires de bottes ; 1,351 manteaux; 20,518 chemises; 4,524 chapeaux; 523 paires de gutres; 143 sacs pain; 29 quintaux de charpie; 21 quintaux de vieux linge; 2,673 draps de lit; 900 couvertures et un grand nombre d'autres objets; et dans le mme temps les citoyens portrent l'arsenal une i m mense quantit de vieux cuivre pour servir la fonte des canons. La plupart de ces effets sont rests entasss dans les magasins; une partie y a pourri ou a t mange par les rats; on a abandonn le reste au premier venu; mais le but de spoliation tait rempli; et c'est tout ce quon se proposait .1

Un tmoignage tout diffrent nous fait connatre1

tudes rival.y Saint-Just. t. H. |>. 4 5. II.

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LA RVOLUTION

FRANAISE.

la conduite de l'incorruptible Saint-Just, c'est celui du patriote Gatteau. Saint-Just, dit-il, a port de vigoureux coups de hache au fanatisme des Alsaciens... H a tout rgnr, et, pour achever son ouvrage, il nous arrive de tous les coins une colonne d'aptres rvolutionnaires, de solides sans-culotk-s;la sainte guillotine est dans la plus grande activit,

et la bienfaisante terreur produit ici, d u n e manire merveilleuse, ce qu'on ne devait pas esprer, d'un sicle au moins, par la raison et la philosophie. Quelmatre 6.... que ce ga