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1 LA POETIQUE DU MIRAGE DANS LE VENTRE DE L´ATLANTIQUE DE FATOU DIOME Vid Högskolan Dalarna finns möjlighet att publicera examensarbetet i fulltext i DiVA. Publiceringen sker open access, vilket innebär att arbetet blir fritt tillgängligt att läsa och ladda ned på nätet. Därmed ökar spridningen och synligheten av examensarbetet. Open access är på väg att bli norm för att sprida vetenskaplig information på nätet. Högskolan Dalarna rekommenderar såväl forskare som studenter att publicera sina arbeten open access. Jag/vi medger publicering i fulltext (fritt tillgänglig på nätet, open access): Ja XNej Författare: Habsen Bobaker Handledare: Nathalie Hauksson Tresh Ämne: franska Högskolan Dalarna Kurs:FR2028 79188 Falun Poäng: 15hp Sweden Betygsdatum: Tel: 023-7780 00

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    LA POETIQUE DU MIRAGE DANS LE VENTRE DE L´ATLANTIQUE DE FATOU

    DIOME

    Vid Högskolan Dalarna finns möjlighet att publicera examensarbetet i fulltext i DiVA.

    Publiceringen sker open access, vilket innebär att arbetet blir fritt tillgängligt att läsa och

    ladda ned på nätet. Därmed ökar spridningen och synligheten av examensarbetet.

    Open access är på väg att bli norm för att sprida vetenskaplig information på nätet. Högskolan

    Dalarna rekommenderar såväl forskare som studenter att publicera sina arbeten open access.

    Jag/vi medger publicering i fulltext (fritt tillgänglig på nätet, open access):

    Ja X☐ Nej ☐

    Författare: Habsen Bobaker

    Handledare: Nathalie Hauksson Tresh

    Ämne: franska Högskolan Dalarna

    Kurs:FR2028 79188 Falun

    Poäng: 15hp Sweden

    Betygsdatum: Tel: 023-7780 00

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    Table des matières Introduction ............................................................................................................................................. 4

    Première partie : La construction du mirage de l’immigration ............................................................... 7

    1. Une vision négative de la vie de ceux qui sont restés au Sénégal .............................................. 7

    1.1. La condition des femmes ..................................................................................................... 7

    1.2. La condition des hommes .................................................................................................... 9

    2. L’opposition : le retour de l´immigré au pays natal .................................................................... 9

    Deuxième partie : La personnification du ventre .................................................................................. 13

    Troisième partie : La destruction du mythe .......................................................................................... 15

    3.1. L’instituteur ................................................................................................................................ 15

    3.2. Moussa ....................................................................................................................................... 16

    3.3. Salie ............................................................................................................................................ 17

    3.4. Un nouvel espoir : Madické ........................................................................................................ 22

    Conclusion ............................................................................................................................................. 24

    Bibliographie.......................................................................................................................................... 26

    Ouvrages ............................................................................................................................................ 26

    Article ................................................................................................................................................ 27

    Sources internet ................................................................................................................................ 27

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    Résumé :

    Le but de ce mémoire est d´étudier le roman de Fatou Diome, Le ventre de l´Atlantique.

    Diome lance un message aux jeunes Africains : elle les enjoint à s´assumer et à vivre dans la

    dignité, ce qui joue un rôle important dans l´œuvre. Le thème que nous traitons est la poétique

    du mirage. Diome construit un mirage autour de l´immigration et nous montrons quels

    procédés elle utilise pour faire passer son message. Notre travail est composé de deux grandes

    parties : la construction du mirage et la destruction du mythe et d’une partie intermédiaire

    consacrée à l’entre-deux mondes : l’océan Atlantique que l’auteure personnifie en lui

    attribuant un ventre.

    Abstract:

    The purpose of this memoir is to study the work of Fatou Diome, The Belly of the Atlantic.

    Diome sends a message to young Africans: to take responsibility and dignity play an

    important role in the work. The theme we will deal with is the aesthetics of mirage. She is

    building a mirage around immigration and we will show what she is doing to get her message

    across. Our work is composed of two main parts: The construction of the mirage and the

    destruction of the myth and an intermediate part devoted to the in-between worlds: the

    Atlantic Ocean that the author personifies by attributing it a belly.

    MOTS-CLÉS : Mirage, immigration, condition féminine, Niodior, fortune, football, ventre,

    destin.

    KEY WORDS: Mirage, immigration, condition of women, Niodior, fortune, football, belly,

    destiny.

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    Introduction

    La France est un pays qui fascine et où beaucoup d´Africains rêvent de s´établir parce que

    l´occident est vu comme un paradis sur terre, où tout le monde peut réussir facilement sa vie.

    Dans le roman Le ventre de l´Atlantique, paru en 2003, Fatou Diome met en scène plusieurs

    personnages issus de l’île de Niodor au Sénégal. L’action se déroule en partie en Afrique et en

    partie en France, où vit Salie, qui est en contact téléphonique avec son demi-frère, Madické.

    Celui-ci est obsédé par le football, dont la France est l’Eldorado. Madické est le symbole des

    jeunes qui brûlent d´immigrer vers l´occident et de réaliser leur rêve.

    Mais est-ce une réalité ou un miroir aux alouettes, un simple mirage ? Le mirage par

    définition est un phénomène optique dû à la réfraction inégale des rayons lumineux dans des

    couches d´airs inégalement chauds et pouvant produire l´illusion d´une nappe d´eau

    s´étendant à l´horizon (https://gr-bvdep-com.www.bibproxy.du.se/robert.asp). Il s’agit donc

    de l’illusion de quelque chose qui n’existe pas.

    Nous verrons que pour Diome, l’immigration constitue plutôt un mirage que nous choisissons

    d’étudier au travers de quelques mécanismes littéraires utilisés par l’auteure pour exprimer ce

    point de vue. Dans cette optique, le terme poétique est entendu dans son acception la plus

    générale d´ « étude des procédés internes du texte littéraire » (Jouve, 2015 : 5) et dans Essais

    de linguistique générale, Jakobson certifie que « la poétique c´est la capacité qu´a un texte à

    produire du sens par lui-même » (Jakobson 1963, cit. par Jouve, 2015 : 28). Pour Jakobson,

    comme pour Jouve, la poétique est narrative.

    Dans le roman, le mirage est constitué par la vie facile en France offerte par l’immigration.

    L’auteure, par son écriture, veut faire passer un message et dans ce sens on peut se risquer à

    qualifier son livre d’écriture engagée : En effet, « loin du ‘roman à thèse’ la littérature

    contemporaine procède plutôt par saisie critique du monde qui l’entoure et relecture non

    moins critique des discours qui témoignent du passé » (Viart et Vercier, 2008 : 253). Nous

    verrons que cet aspect est souvent présent.

    https://gr-bvdep-com.www.bibproxy.du.se/robert.asp

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    La poétique du mirage dans Le ventre de l’Atlantique est principalement portée par des

    personnages, dont certains peuvent être qualifiés de types, tant ils sont emblématiques du

    point de vue qu’ils représentent, parfois jusqu’au cliché.

    Le plus emblématique est sans aucun doute l’homme de Barbès, symbole aux yeux des

    Africains, de l´immigration réussie. Dans Le ventre de l´Atlantique, il y a aussi Salie qui est

    une jeune femme originaire de l´île de Niodor, dont l´histoire ressemble beaucoup à celle de

    l´auteure du roman. Elle est la narratrice et le personnage principal. Elle vit en France à

    Strasbourg et travaille comme femme de ménage pour financer ses études. Elle a quitté son

    pays d´origine, il y a dix ans et s´est installée en France par amour. La famille de son mari l´a

    rejetée à cause de la couleur de sa peau, et elle a donc fini par divorcer. Ce personnage, qui est

    le narrateur principal donne une image réaliste à la fois de la condition de vie des immigrés en

    France et de celle des Africains au Sénégal. Un autre personnage, allié de Salie dans le sens

    que lui aussi est porteur de vérité, est Monsieur Ndétare. Il a fait ses études en France et

    travaille comme instituteur à Niodor. On a également Moussa qui est un jeune natif de Niodor

    qui n´a pas réussi son séjour dans un club de football français.

    A côté de ces personnages tranchés, on trouve Madické, le demi-frère de la narratrice, qui est

    resté au pays et qui va évoluer au cours du roman. Au début, il ne rêve que d´une seule chose :

    rejoindre sa sœur en France. Il est passionné de football et pour lui la France est une sorte

    d´Eldorado.

    Mon frère galopait vers ses rêves, de plus en plus orientés vers la France. Il aurait

    pu désirer se rendre en Italie, mais il n’en était rien. Les fils du pays qui dînent

    chez le président de la République jouent en France. Monsieur Ndétare, qui lui

    apprenait la langue de la réussite, avait étudié en France. La télévision qu’il

    regardait venait de France et son propriétaire, l’homme de Barbès, respectable

    notable au village, n’était pas avare en récits merveilleux de son odyssée. (Diome,

    2003 : 82).

    Dans le livre on l´appelle Maldini parce qu´il est fou de football et son idole est le joueur

    italien du même nom. Salie essaie de détruire le mythe qui l’obsède et de donner à son demi-

    frère une image plus réaliste de ce qu’est réellement l’immigration. Elle veut le sauver.

    Nous avons deux sortes de personnages, d’une part ceux qui représentent, en apparence du

    moins, l’immigration réussie, et d’autre part, ceux qui symbolisent la dure réalité de la

    situation des immigrés. Il faut remarquer que les écrivains francophones de la littérature

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    d´immigration, comme l’est Diome, sont souvent d´originaires des pays anciennement

    colonisés par la France.

    Le roman de Fatou Diome témoigne de la difficulté de l´immigration, de la précarité et de la

    vie difficile des immigrés vivant en France. Et de l´autre côté elle nous montre que

    l’immigration représente le rêve des jeunes de l´île de Niodor, ce rêve, qui en réalité n’est

    souvent qu’un mirage qui finit par se heurter à la réalité.

    Quant au style, il est assez simple, mais Fatou Diome adopte aussi très souvent un style

    poétique tout en étant plein d’humour, pour mieux faire passer son message. Fatou Diome

    utilise dans son œuvre une critique sans indulgence du monde qui l´entoure.

    Le mémoire est composé en deux parties principales, consacrées l’une à la construction,

    l’autre à la destruction du mirage. Entre les deux, dans une partie intermédiaire il sera

    question de l’image du ventre, telle qu’elle apparait dans le titre du roman.

    D’un point de vue théorique, nous nous appuierons principalement sur le livre de Vincent

    Jouve, La poétique du roman, paru dans sa dernière version, en 2015.

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    Première partie : La construction du mirage de l’immigration

    Pour construire le mirage de l’immigration, Diome utilise la technique de l’opposition

    radicale qui permet de mettre en relief les facettes d’un même monde. Il y a d’une part la vie

    difficile des Africains qui sont restés sur l’île de Niodor et dont les perspectives d’avenir sont

    relativement limitées et de l’autre, en opposition, la vie de ceux qui sont partis « faire

    fortune », sont revenus, et qui sont à présent le symbole de la réussite sociale. Ces derniers

    sont représentés par l’homme de Barbès, le notable le plus important du village.

    1. Une vision négative de la vie de ceux qui sont restés au Sénégal

    1.1.La condition des femmes

    Dans son livre, Fatou Diome remet en cause le pouvoir traditionnel en prenant à témoin l´une

    des scènes le plus brutales dans le roman. Cette scène est la noyade d´un nouveau-né

    illégitime pour sauvegarder l´honneur familial. (Diome, 2003 : 133-134)1.

    L´honneur est primordial pour les traditionnalistes. C´est pourquoi le père d’une fille ayant

    mis au monde un enfant hors mariage, en tant que protecteur de ce qui est vu comme

    l´honneur familial, laisse mourir ou noie son petit-fils au fond de l´Atlantique. Il faut

    souligner qu’à plusieurs reprises dans le roman, Fatou Diome dénonce de manière générale, la

    religion, la polygamie, la supériorité des hommes et l´inégalité des sexes, qui ont pour

    conséquence le maintien des femmes dans l’ignorance. Ces aspects du roman peuvent être

    considérés comme les signes d’une écriture engagée.

    Les femmes de l’île sont considérées comme inférieures à l´homme. Si la femme est incapable

    de donner un fils à son époux, elle est rejetée par sa belle-famille. C´est le cas de la première

    épouse d´El-Hadji, l´un des habitants de Niodor, qui n´avait donné que des filles à son époux :

    « on l´appelait « la calebasse cassée », incapable de contenir l´avenir, ses sept enfants

    n´étaient que des morceaux d´elle-même : que des filles !» (Diome, 2003 :145). Tandis que la

    deuxième épouse d´El-Hadji avait donné naissance à un fils à peine dix mois après leur

    mariage : « Gnarelle fut fêtée, encensée, couverte de cadeaux par son époux et l´ensemble de

    1 Nous y reviendrons dans la deuxième partie.

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    sa belle-famille, tous heureux de voir leur patronyme se prolonger dans la prospérité ».

    (Diome, 2003 :144).

    La polygamie existe dans les pays musulmans et comme le Sénégal est un pays musulman, la

    polygamie s’y rencontre, même si elle n’est pas extrêmement répandue. (http://www.planete-

    senegal.com/senegal/polygamie.html). Le fait d´avoir plusieurs épouses peut être vu comme

    un synonyme de virilité et de richesse pour un homme.

    De plus, les femmes du roman sont aussi perçues comme des objets dont la seule perspective

    d’avenir est de devenir femmes au foyer. C´est le cas d’une petite fille décrite, qui voudrait

    devenir comme sa mère quand elle sera grande, c´est-à-dire être maman et s´occuper de la

    maison, obéir à son mari, attendre de l´argent de son mari, pour entrer ensuite au paradis.

    Fatou Diome, dénonce dans son livre le fait que les filles sont éduquées pour être femmes au

    foyer dès leur plus jeune âge, afin de gagner la récompense de l´au-delà. Au village, on disait

    que si un homme quitte une femme, c’est parce qu´elle n´a pas été une bonne épouse : « L´âne

    n´abandonne jamais le bon foin » (Diome, 2003 :60).

    Dès l’enfance les filles sont en charge des tâches ménagères. La cuisine, « c’est la retraite des

    femmes » (Diome, 2003 : 195). Les hommes et les femmes vivent ainsi séparés et ont des

    préoccupations différentes. Il faut toutefois noter que dans le roman la plupart des femmes

    défendent farouchement les traditions et leur rôle de mère dans la communauté. D’ailleurs,

    elles sont les premières à critiquer la vie occidentalisée de Salie (Diome, 2003 :197).

    Salie a choisi le chemin de l´école et a pris conscience de l´importance d’apprendre très tôt

    dans la vie. Elle s´est révoltée contre l´idée que la femme doive rester à la maison. Cela a été

    une vraie révolution que les autres filles du village trouvaient bizarre. Salie avait dépassé les

    bornes où les normes invisibles de la société de l´île de Niodor. Mais il faut dire que Salie est

    une exception parmi les femmes de l’île. Elle est exclue dès sa naissance de la communauté

    parce que c´est une fille illégitime, elle se crée un monde pour elle et c´est l´éducation et

    l´écriture qui sont les clés de sa liberté.

    Diome dénonce aussi à travers Ndétare, l’instituteur, le fait que la religion se propage dans

    tout le pays même dans la campagne. Elle montre que les prédicateurs ont traversé le désert

    pour propager leur croyance sous couvert d´aide humanitaire, ainsi que pour ouvrir des écoles

    arabes.

    http://www.planete-senegal.com/senegal/polygamie.htmlhttp://www.planete-senegal.com/senegal/polygamie.html

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    Tout cela nous montre que les hommes ont des conditions de vie meilleures que celles des

    femmes. Tout ce qui ne marche dans un couple, c´est la faute aux femmes. C´est un thème

    que l´on retrouve souvent dans la littérature francophone africaine. Ainsi, le livre d´Ahmadou

    Kourouma, Les soleils des indépendances nous décrit comment Fama qui est le mari de

    Salimata symbolise la société patriarcale. Fama décide de se marier avec une seconde femme

    sans même demander son avis à la première : « Voilà ta coépouse, considère-là comme une

    petite sœur, les gens du village l´ont envoyée pour t´aider dans ton grand et magnifique travail

    accompli au service du mari Fama » (Kourouma, 1970 : 151). L´auteur de l´œuvre souligne

    que les valeurs traditionnelles et religieuses ont un rôle important dans la société patriarcale.

    Celles-ci ont poussé la femme à la soumission.

    En décrivant la condition des femmes sous un jour négatif et en montrant que Salie a pu

    devenir indépendante par l’éducation, Diome construit l’idée que l’émancipation féminine

    pourrait peut-être s’obtenir par l’immigration vers un pays occidental.

    1.2.La condition des hommes

    Bien que l’Afrique soit aujourd’hui souvent considérée comme un continent d´avenir, aux

    yeux des jeunes hommes dans le roman de Fatou Diome, c´est un continent qui se développe

    trop lentement. Et c´est l´Europe, qui a un développement beaucoup plus rapide, des

    possibilités d´emplois, de revenus plus confortables et de conditions de vie bien supérieures

    qui attire. Les jeunes sont attirés par le mirage qui promet une vie meilleure :

    Aller voir cette herbe qu´on dit tellement plus verte là où s´arrêtent les dernières

    gouttes de l´Atlantique, là-bas, là où les mairies paient les ramasseurs de crottes

    de chiens, là ou même ceux qui ne travaillent pas perçoivent un salaire. Et

    maudits étaient ceux qui s´avisaient de contrecarrer la volonté des jeunes

    insulaires. (Diome, 2003 :165).

    Ils sont pauvres et ils n´ont pas d´opportunité dans leur pays et leur seul espoir d’avoir une vie

    meilleure est d’après eux, d´émigrer. Cet espoir est symbolisé par le football. Dans le roman

    de Fatou Diome, le football est partout et de nombreux jeunes de l´île de Niodor rêvent d´une

    carrière de footballeur.

    2. L’opposition : le retour de l´immigré au pays natal

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    Dans Le ventre de l´Atlantique, Fatou Diome nous donne une image de la situation des

    immigrés en France et de celle des Sénégalais de l´île de Niodor. Parmi ces derniers, se

    trouvent ceux qui ont réussi à trouver un travail en France et qui sont revenus au pays

    relativement riches. Cet imaginaire social lié à l´immigration est construit sur le mythe d’une

    réussite facile et sans effort. Ou plutôt, sur l´éclat de quelques exemples de l´immigration

    réussie, quelques exemples tellement éclatants qu´ils aveuglent les jeunes de l´île de Niodor

    sur la réalité complexe et profonde du phénomène.

    C’est l´homme de Barbès qui contribue principalement à faire miroiter la France comme un

    Eldorado. Dans un premier temps, il est intéressant de noter la dénomination que l’auteure

    choisit pour son personnage. En effet l’homme est dit « de Barbès », alors que pour les jeunes

    de Niodor, Barbès ne signifie sûrement pas grand-chose, et que pour eux, il s’agirait plutôt de

    l’homme « de France » ou à la rigueur « de Paris ». Diome choisit d’utiliser une synecdoque

    puisque Barbès représente en réalité la France toute entière. La France, c’est Barbès. On peut

    imaginer qu’elle procède de la sorte dans le but d’ajouter une dimension ironique à sa

    description. En effet, la synecdoque s’accompagne d’une ironie assez marquée puisque cet

    homme qui est censé représenter la richesse et la réussite porte le nom d’un des quartiers les

    plus pauvres de la capitale.

    L’ironie peut être vue comme une facette de l’écriture engagée dans ce cas, puisque Jouve

    nous rappelle, que « Philippe Hamon […] a montré comment l’ironie, dans la mesure où elle

    se définit toujours par rapport à une norme, s’inscrit le plus souvent dans un discours

    idéologique. […] Le sujet à l’origine du discours (l’« ironisant ») prend pour objet (c’est-à-

    dire pour cible) un « ironisé ». (Jouve, 2015 : 86).

    L’homme de Barbès représente donc le mythe de l’immigration réussie. C’est un personnage

    type, un peu caricatural. Il a tous les signes de la réussite et en particulier la télévision. Björn

    Larsson dans « La tentation référentielle et le langage de fiction » (Larsson, 2007), souligne

    que c’est grâce à la typicité des personnages qu’un texte a la possibilité de s’adresser à un

    nombre important de lecteurs et que cela explique pourquoi elle est l’un des « premiers

    principes esthétiques » du réalisme littéraire en tant que genre. Cette typicité, que le lecteur

    reconnaît, donne au personnage une crédibilité renforcée, comme le souligne encore Larsson.

    On voit à quel point l’écriture de Diome est subtile, puisqu’elle nous présente un personnage

    dont la crédibilité est renforcée par la typicité, mais dont la crédibilité est en même temps

    mise en cause par l’ironie. Certes Diome veut faire passer un message, comme nous l’avons

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    déjà souligné, mais ce message se lit souvent entre les lignes et de manière remarquablement

    fine.

    L´homme de Barbès donc, encourage les jeunes à émigrer en France car d´après lui, la France

    est un paradis et il en est le témoin. Les jeunes l´écoutent parce qu´il a réussi à faire fortune en

    allant en France. Ensuite, il est revenu sur l´île en ramenant une télévision, symbole de la

    réussite sociale et beaucoup d´autres objets qui ont de la valeur.

    La télévision est particulièrement importante car elle symbolise l’ouverture sur le monde et

    l’homme de Barbès, comme il en est le propriétaire, est en même temps le détenteur de la clé

    qui ouvre cette porte.

    C´est alors que tous les jeunes rêvent de partir mais sans avoir de véritable plan d´action :

    On veut aller en France, et même si on ne fait pas une grande carrière dans le

    football, on fera comme ce monsieur qui était à Paris, on pourra toujours trouver

    du travail et ramener une petite fortune. (Diome, 2003 : 93).

    L´Homme de Barbès décrit pour les jeunes le luxe en parlant des grandes cathédrales et des

    palais. Il décrit la luminosité de Paris pendant la période de Noël. Il explique aussi que la vie

    est facile en prenant comme exemple de « luxe quotidien » c´est à dire l´eau courante dans

    chaque maison, les machines électroménagères (machine à laver, aspirateur etc). Il dit aussi

    que les gens sont payés à ne rien faire et il fait miroiter les allocations familiales : « chaque

    nuit d´amour est un investissement » (Diome, 2003 : 86) La réussite de cet homme est la

    preuve, aux yeux des habitants de l’île, que le succès en France est possible.

    Pour mieux consolider son rang, l´homme de Barbès essaie toujours de se vanter. Quel que

    soit le petit boulot qu´il a fait, pour lui, la France est un pays formidable : « Il n´y a pas de

    pauvres, car même à ceux qui n´ont pas de travail l´Etat paie un salaire » (Diome, 2003 : 86).

    Il est donc naturel que les jeunes garçons de Niodor, remplis de ces images fantastiques de la

    France, rêvent d´y aller en particulier pour devenir footballeurs. Ils découvrent d’ailleurs tous

    les grands clubs de football en regardant la télévision de l’homme de Barbès.

    Après la colonisation historiquement reconnue, règne maintenant une sorte de

    colonisation mentale : les jeunes joueurs vénéraient et vénèrent encore la France.

    Tenez, par exemple, la seule télévision qui lui permet de voir les matchs, elle vient

    de France. Son propriétaire, devenu, notable a vécu en France. L´instituteur très

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    savant a fait une partie de ses études en France. Tous ceux qui occupent des

    postes importants au pays ont étudié en France. (Diome, 2003 : 60).

    Edward Saïd a montré dans son livre L’orientalisme (1978), que pendant la colonisation

    l´occident a créé une représentation de l´orient fondée sur la supériorité de l´Europe et

    l´infériorité des pays colonisés. Ce système de valeur crée par le colonisateur a laissé des

    traces dans les pays colonisés tels que le Sénégal, dont l´île de Niodor fait partie.

    À Berlin en 1884, dans le Palais du Chancelier Bismarck, une conférence internationale a été

    organisée sous le nom de Conférence de Berlin. Cette conférence a scellé le destin de

    l'Afrique pour le siècle à venir. Son objectif était de se mettre d'accord entre occidentaux sur

    des règles relatives au continent africain (https://www.universalis.fr/encyclopedie/berlin-

    conference-de-1884-1885/).

    Les discussions ont duré jusqu'en 1885 et aucun Africain n´a participé à cette conférence. Des

    diplomates qui n'ont jamais mis les pieds en Afrique ont tracé les frontières d’une terre

    inconnue. C'est la première fois que la totalité d’un continent de 30 millions de kilomètres

    carrés est découpé par les Européens sans même demander l'avis aux Africains.

    Tout cela contribue à une vision binaire du monde : d’un côté l’Europe, riche, indépendante et

    attractive, de l’autre, l’Afrique, pauvre, sous-développée et dépendante.

    C’est uniquement par l’Europe, donc par l’immigration que semble pouvoir venir le salut.

    Mais avant de pouvoir atteindre la terre promise, le candidat à l’immigration doit traverser

    l’océan Atlantique, dont Diome nous dit qu’il est pourvu d’un ventre.

  • 13

    Deuxième partie : La personnification du ventre

    Nous pouvons commencer par souligner l’importance de l’Atlantique pour les habitants de

    Niodor. En effet, du fait que Niodor est une île, l’océan est omniprésent. Il y a toujours un

    contact avec l´eau et l’eau est la condition de sa survie. À cause de sa position géographique :

    « Nichée au cœur de l´océan Atlantique, l´île de Niodor dispose d´une nappe phréatique qui

    semble inépuisable ; un petit nombre de puits alimente tout le village ». (Diome, 2003 : 51).

    Il faut s’attacher à présent au titre du roman puisque l’auteure a choisi de procéder à une

    personnification de l’océan Atlantique. L´Atlantique possède en effet un ventre, comme un

    être humain. D’ailleurs il possède d’autres attributs humains également : des gencives, une

    langue, une haleine : « les insulaires s’accrochaient toujours aux gencives de l’Atlantique qui

    rotait, tirait sa langue avide et desséchait les fleurs de son haleine chaude » (Diome, 2003 : 4).

    Ici, les verbes « rotaient », « tiraient », dans l'expression « tirait sa langue », et les noms «

    gencives », et « haleine » contribuent à une personnification de l’Atlantique, et en donnent

    une image négative.

    Si nous revenons à l’image du ventre on peut noter d’ailleurs que ce dernier peut également

    avoir une connotation négative, puisqu’il peut être lié à digestion : le ventre est alors ce qui

    détruit, engloutit, digère.

    Souvent les journaux ont décrit les conditions terribles des clandestins tentant d’émigrer,

    allant parfois jusqu’à la noyade. Le 23 mars 2017, quelques 250 Africains se sont noyés dans

    l´océan au large de la Libye (http://www.levif.be/actualite/international/quelque-250-

    migrants-seraient-morts-dans-deux-naufrages-au-large-de-la-libye/article-normal-

    634099.html) et selon Forteresse Europe plus de 18000 personnes ont perdu la vie en

    méditerranée et dans l´Atlantique, au cours de traversée vers l´Europe depuis 1988.

    (https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/naufrage-de-lampedusa-la-mediterranee-

    cimetiere-pour-les-migrants_1244216.html). Dans ce cas, les personnes ont été englouties

    dans la Méditerranée.

    http://www.levif.be/actualite/international/quelque-250-migrants-seraient-morts-dans-deux-naufrages-au-large-de-la-libye/article-normal-634099.htmlhttp://www.levif.be/actualite/international/quelque-250-migrants-seraient-morts-dans-deux-naufrages-au-large-de-la-libye/article-normal-634099.htmlhttp://www.levif.be/actualite/international/quelque-250-migrants-seraient-morts-dans-deux-naufrages-au-large-de-la-libye/article-normal-634099.htmlhttps://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/naufrage-de-lampedusa-la-mediterranee-cimetiere-pour-les-migrants_1244216.htmlhttps://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/naufrage-de-lampedusa-la-mediterranee-cimetiere-pour-les-migrants_1244216.html

  • 14

    La faim est aussi liée au ventre et il est vrai que les immigrants traversant l´océan Atlantique

    avec un bateau pour venir jusqu´à l´Europe vivent souvent dans des conditions épouvantables

    et souffrent de la faim et de la soif.

    Dans le roman de Fatou Diome, il y a aussi plusieurs personnes qui sont mortes dans

    l´Atlantique volontairement. C’est le cas de Moussa qui est un « émigré raté » et qui a dû

    rentrer sans rien en Afrique. Il a échoué en Europe dans sa carrière de footballeur. : la seule

    solution qui lui restait est le suicide « Atlantique, emporte-moi, ton ventre amer me sera plus

    doux que mon lit ! ». (Diome, 2003 : 111). Sur les épaules de ceux qui émigrent pèsent en

    effet le poids des attentes démesurées de ceux qui sont restés au village : « Épargne-nous la

    honte parmi nos semblables. Tu dois travailler, économiser et revenir au pays. » (Diome,

    2003 :104).

    Dans le roman de Fatou Diome, il y a aussi la mort donnée dans l´Atlantique aux enfants

    illégitimes jetés à l´océan et dont nous avons déjà mentionné le sort :

    Son mari avait mis l´enfant dans le sac plastique et le ficelait comme un rôti de

    porc […] un enfant illégitime ne peut grandir sous mon toit […]. Il quitta la

    chambre, son ballot sous le bras, et se dirigea vers la mer. […]. Quand il estima

    s´être suffisamment éloigné du rivage, il arrima le corps à une grosse pierre, le

    plongea au fond de l´Atlantique et repris son sillage à l´envers. (Diome, 2003 :

    134).

    A l’opposé, si on regarde le corps d´un être humain, le ventre peut également être le ventre de

    la mère, qui fait naître un nouveau-né. Cela peut signifier que celui qui traverse l’Atlantique et

    arrive en France vit une nouvelle naissance comme s’il sortait d’un ventre.

    Et enfin, un ventre a également un nombril duquel part « un cordon ombilical ». Ce cordon

    peut métaphoriquement représenter le lien qui garde le contact entre le pays anciennement

    colonisé et la France, l’ancien pays colonisateur. On peut même imaginer que ce cordon soit

    symbolisé à l´aide des câbles de télévision ou de téléphone sous la mer.

    Bref, le ventre de l´Atlantique ou l´Atlantique a plusieurs rôles, il représente, la faim, la mort

    ou au contraire la naissance d´une nouvelle vie. Toujours est-il qu’il est souvent un passage

    obligé pour les candidats à l’immigration. Ils doivent souvent pénétrer le ventre de

    l’Atlantique et leur renaissance de l’autre côté ne répond malheureusement pas toujours à

    leurs espoirs.

  • 15

    Troisième partie : La destruction du mythe

    Les flux migratoires dans le monde surtout vers l´Europe sont de nouvelles réalités sociales.

    Les guerres dans différentes régions de la planète favorisent ces mouvements.

    L´œuvre de Fatou Diome Le ventre de l´Atlantique, traduit une des réalités de l’immigration,

    à savoir le mal du pays, la réalité de l´exil, la difficulté d´être hybride. Elle confie à certains

    de ses personnages la tâche de détruire le mythe de l’immigration idyllique et de mettre en

    garde les jeunes de Niodor.

    3.1. L’instituteur L´instituteur du village, Monsieur Ndétare, a pour tâche de rétablir la vérité sur la vie des

    immigrés en France.

    La France est omniprésente et cela se voit dans les jeux des garçons. Ils recréent des équipes

    de football françaises, ils adoptent les noms des joueurs français et ils rêvent de devenir un

    jour comme eux. Mais l´instituteur critique les jeunes qui rêvent de partir en France.

    L´instituteur reproche à la société française ce qui est arrivé au jeune footballeur Moussa. Et

    comment, il s´est fait exploiter par le dirigeant d´un club de football. Il explique aussi

    comment les immigrants sont forcés de travailler pour des salaires de misère, voire même

    gratuitement pour rembourser leur dette.

    Il dénonce aussi l´expulsion des immigrés : « J´ai dit tes papiers, négro ! » (Diome, 2003 :

    106). « Tiens, voilà ton invitation ! C´était une IQF, une invitation à quitter la France.

    Soixante-douze heures plus tard, un avion le vomit sur le tarmac de l´aéroport de Dakar »

    (Diome, 2003 : 108-109).

    On note là encore l’imagerie de la digestion avec le verbe vomir cette fois.

  • 16

    En fait, c’est surtout l’histoire du jeune Moussa que l’instituteur raconte, pour éveiller les

    consciences des adolescents du village :

    « Petits, n’écoutez pas les sornettes que vous raconte cet hurluberlu [l’homme de Barbès]. Ne

    vous laissez pas prendre dans les filets de l’émigration. Rappelez-vous, Moussa était des

    vôtres…. » (Diome, 2003 : 117).

    3.2. Moussa

    L´histoire de Moussa qui est recruté par un entraîneur français sans scrupule est tragique. Sa

    vie devient en effet un cauchemar quand il doit faire face à la réalité de l´immigration.

    Comme le souligne Salie : « les mêmes qui les acclament lorsqu´ils marquent un but leur font

    des cris de singe, leur jettent des bananes et les traitent de sales nègres lorsqu´ils ratent une

    action ou trébuchent devant les filets adverses » (Diome, 2003 : 247). Les footballeurs

    immigrés sont pour la plupart des remplaçants comme l´a été Moussa dans le club des juniors.

    La plupart des joueurs de l’équipe étaient des blancs et ils n´étaient pas francs. Hormis les

    tracasseries sur le terrain, Moussa avait aussi des problèmes de papiers. Pour rester en France,

    il faut avoir un titre de séjour, ce qui montre que l´intégration administrative est un passage

    obligatoire.

    Comme Moussa n´a pas amélioré ses résultats il a été renvoyé du club. Il lui a donc fallu

    travailler pour rembourser Sauveur – on notera l’ironie du nom choisi par l’auteure – qui l´a

    aidé à immigrer.

    Écoute champion, lui dit-il, j´ai déjà assez dépensé comme ça, et tu ne progresses

    pas. Tu me dois environ cent mille balles. Il faudra que tu bosses pour ça. [….] J´ai

    un pote qui a un bateau, on ira le voir, je te ferai engager là-bas. […] Il me versera

    ton salaire, et quand tu auras fini de me rembourser, tu pourras économiser de

    quoi aller faire le bamboula au pays. Tu es un gars solide, tu vas assurer. Mais

    surtout, chuuut ! N´oublie pas que tu n´as pas de papiers. Alors, au moindre mot,

    les bleus t´offriront des bracelets et tu n´auras plus qu´à jouer du jazz à l´ombre.

    Remarque, tu n´as pas besoin de bronzer, toi. […] Une fois là-bas, c´est terminé,

    on ne se connaît plus. Motus et bouche cousue ! Salut, champion. (Diome,

    2003 :102).

  • 17

    Depuis son arrivée en France, Moussa n´avait pas visité le pays, si ce n’est la pelouse du stade

    et le port dans lequel il travaillait. Il profita donc de l’escale du bateau pour visiter un peu le

    pays et ce qu’il craignait et ce contre quoi Sauveur l’avait mis en garde est arrivé : il s´est fait

    arrêter par la police parce qu´il n´avait de papiers. C´est ainsi, qu´il s´est fait expulser du pays

    et qu’il a fini pas se suicider car il n’a pas supporté la honte de l’échec.

    3.3. Salie

    La narratrice Salie, exprime un certain rapport à l´existence, rapport à l´appartenance

    « Enracinée partout, exilée tout le temps » (Diome, 2003 : 181). La conversation entre Salie et

    son demi-frère Madické resté à Niodor nous démontre qu´ils vivent dans deux mondes

    différents. Salie oscille entre les deux univers :

    Voilà bientôt dix ans que j´ai quitté l´ombre des cocotiers. Heurtant le bitume,

    mes pieds emprisonnés se souviennent de leur liberté d´antan, de la caresse du

    sable chaud, de la morsure des coquillages et des quelques épines qui ne faisaient

    que rappeler la présence de la vie jusqu´aux extrémités oubliées du corps. Les

    pieds modelés, marqués par la terre africaine, je foule le sol européen. Un pas

    après l´autre, c´est toujours le même geste effectué par tous les humains, sur

    toute la planète. (Diome, 2003 :13).

    Comme nous l’avons déjà précisé, Salie est le personnage principal du roman. Elle assume

    aussi en grande partie le rôle de narratrice et ressemble en outre à l’auteure du roman.

    En effet, Diome est, comme Salie, née en 1968 sur l´île de Niodor, au Sénégal. Elle est une

    enfant illégitime qui a été élevée par sa grand-mère et son grand-père qui la protègent face à

    une société qui la rejette. La petite Fatou, tout comme Salie, exige d´aller à l´école ce qui est

    contre la tradition. Même sa grand-mère a d’ailleurs du mal à accepter le fait qu´elle puisse

    être éduquée. Mais Fatou (et Salie) part en cachette pour étudier jusqu´à ce que son instituteur

    arrive à convaincre sa grand-mère de la laisser assister à la classe. En grandissant elle se

    passionne pour la littérature française et à l´âge de vingt-deux ans, elle rencontre un coopérant

    français à Dakar. Elle se marie avec lui et décide de le suivre en France. Rejetée par la famille

  • 18

    de son époux, elle divorce après deux ans de mariage.

    (https://www.youtube.com/watch?v=xIULie9dN-A)

    Salie et Fatou Diome ont beaucoup de choses en commun mais peut-on pour autant dire que

    le livre est une autobiographie ? Il faut préciser que si nous posons cette question c’est en

    raison de la nature engagée de l’ouvrage et du message que l’auteure veut transmettre à son

    lecteur. Il est évident qu’un message dans un ouvrage référentiel n’aura pas la même force, ni

    la même portée qu’un message dans un ouvrage de fiction. Dans Expression and Meaning:

    Studies in the Theory of Speech Acts, (1985) Searle montre notamment que la visée principale

    de l’œuvre de fiction n’est pas de transmettre un message, contrairement au texte référentiel,

    dans lequel le message est clairement énoncé, souvent d’ailleurs dans le titre.

    Si on établit que l’ouvrage de Diome est une autobiographie on pourra le classer parmi les

    textes que Searle dit « sérieux » et le message qui est transmis n’en sera que renforcé.

    C’est à Philippe Lejeune que l’on doit l’établissement des bases théoriques qui permettent de

    mieux cerner le genre autobiographique. Il en donne la définition suivante : « récit rétrospectif

    en prose qu´une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu´elle met l´accent sur sa vie

    individuelle, en particulier sur l´histoire de sa personnalité » (Lejeune, 1996 (1975) :14). Il

    insiste particulièrement sur le concept de pacte et il est d’ailleurs le premier à avoir forgé le

    concept de pacte autobiographique.

    Le pacte, constitue en quelque sorte le mode d’emploi du lecteur lorsqu’il découvre un livre.

    En effet, d’après Vincent Jouve dans La poétique du roman, tout roman d´une façon ou d´une

    autre propose à la fois une histoire et son mode d´emploi. L´ensemble de ces indications

    constitue ce qu´on appelle le « pacte » ou « le contrat » de lecture. Il se noue à deux

    emplacements privilégiés : le paratexte et l´incipit. (Jouve, 2015 : 9). Le paratexte désigne

    « un certain nombre de productions, elles-mêmes verbales ou non, comme un nom d´auteur,

    un titre, une préface, des illustrations dont on ne sait pas toujours si l´on doit ou non

    considérer qu´elles […] appartiennent [au texte], mais qui en tout cas l´entourent et le

    prolongent, précisément pour le présenter ( Jouve, 2015 : 9)2.

    On peut dire que le paratexte renvoie donc à tout ce qui entoure le texte sans être le texte

    proprement dit. L´œuvre de Fatou Diome, Le Ventre de l´Atlantique est présentée comme un

    2 Jouve cite Gérard Genette, Seuils, Paris, éditions du Seuil, 1987, p. 7.

    https://www.youtube.com/watch?v=xIULie9dN-A

  • 19

    roman sur la couverture. Le pacte, tel qu’il apparaît dans le paratexte est donc romanesque.

    On ne peut pas parler d’autobiographie dans ce cas.

    Mais vu les lignes de convergence entre la vie de Diome et celle de Salie on peut sans doute

    affirmer que Le Ventre de l´Atlantique est une œuvre partiellement autobiographique, inspirée

    de la vie de Diome et faire référence à l’autofiction dans ce cas. L´auteure Fatou Diome et la

    narratrice Salie ne sont certes pas la même personne, mais elles se ressemblent beaucoup.

    L’auteure laisse Salie, la narratrice, raconter son histoire. Elle prend des distances mais en

    même temps elle se rapproche par moments. L´œuvre commence avec la narratrice Salie et

    elle se rapproche de Fatou Diome. Ainsi, ce passage : « Nous éclatâmes de rire : mon prénom,

    des plus courants au Sénégal, est communément donné à l´aînée des familles musulmanes. Il

    est en outre si facile à prononcer que les coopérants en affublent volontiers leur petites

    bonnes » (Diome, 2003 :196). Dans ce passage il s´agit vraisemblablement du prénom de

    l´auteure de l´œuvre « Fatou », dont on peut constater qu’il était l’un des plus populaires au

    Sénégal en 2002 (http://www.studentsoftheworld.info/penpals/stats_fr.php3?Pays=SEN).

    Mais il existe bien évidement de nombreuses différences entre Fatou Diome et Salie. Certes,

    Diome a fait des ménages pour subsister et financer ses études pendant une période de six ans,

    mais en 1994, elle s´installe à Strasbourg et obtient en 2003 son doctorat de lettres modernes.

    Elle devient professeur dans la même ville et publie un recueil de nouvelles intitulé La

    préférence nationale en 2001, suivi du Ventre de l´Atlantique, qui est son premier roman

    (ps://www.franceinter.fr/emissions/d-ici-d-ailleurs/d-ici-d-ailleurs-25-mars-2016).

    Il existe un point commun entre La préférence nationale et Le ventre de l’Atlantique car dans

    ces deux œuvres, elle nous parle de la difficulté de l´immigration d’une part, et de celle de la

    vie dans le pays d´origine des candidats à l´émigration d’autre part.

    Ce sont des thèmes que l’on retrouve souvent dans la littérature africaine. Ainsi, dans le

    roman Transit, qui est basé sur le thématique de l´exil, Abdourahman Waberi narre

    l´expérience du sujet migrant et son détachement du pays natal « J´ai laissé mon cœur au

    pays, je dois m´occuper de mon corps seulement […]. En un mot me refaire à ma nouvelle

    identité » (Waberi, 2003 :18).

    Dans les deux œuvres Diome et Waberi ont utilisé leurs propres biographies tout en donnant

    la parole au narrateur/trice.

  • 20

    La proximité entre Salie et Fatou donne au roman une illusion référentielle qui renforce la

    force du message que l’auteure veut faire passer.

    Ce message est encore renforcé par la narration. D´après La poétique du roman de Vincent

    Jouve « la narration, en tant qu´acte producteur du récit, suppose une instance à l´origine de

    texte. Pour dégager les enjeux d´un récit, il est donc indispensable d´identifier le statut du

    narrateur et les fonctions qu´il assume » (Jouve, 2015 : 27). Le livre est en partie écrit à la

    première personne du singulier : lors des moments présents, c’est Salie, la narratrice qui parle.

    Le statut du narrateur dépend de sa relation à l´histoire (est-il présent ou non comme

    personnage de l´univers du roman ?) (Jouve, 2015 : 27). « Le narrateur peut parler en son

    nom, sans dissimuler les signes de sa présence. La vision sera subjective (on parle de mode

    diégétique. Dans la tradition anglo-saxonne on appelle ce mode telling) » (Jouve, 2015 : 31-

    32).

    On peut supposer qu’une narration à la première personne permet une meilleure identification

    du lecteur au narrateur, en raison de la proximité que permet l’utilisation du « je » et cela peut

    contribuer dans ce cas à la crédibilité du message.

    Comme nous l’avons déjà précisé, le message nous semble au cœur du roman et dans Le

    ventre de l’Atlantique on peut considérer que le narrateur a une fonction idéologique. Cette

    dernière « apparaît lorsque le narrateur émet des jugements généraux (et qui dépassent le

    cadre du récit) sur le monde, la société, les hommes » (Jouve, 2015 : 27). C’est vraiment le

    cas de Salie qui dénonce toutes les nouvelles formes de colonisation à la fois idéologique et

    économique : « le tiers-monde ne peut voir les plaies de l´Europe, les siennes l´aveuglent, il

    ne peut pas entendre son cri, le sien l´assourdit » (Diome, 2003 : 44).

    En nous faisant regarder des vérités amères sur le racisme et les problèmes sociaux en France,

    elle adopte un ton critique virulent dans certains passages du livre.

    Ainsi, Salie raconte son arrivée en France et les procédés d’accueil dégradants, comme les

    examens médicaux, qu’elle perçoit comme des souvenirs de la colonisation. (Diome, 2003 :

    215) « Le prix du visa que les Sénégalais payent pour venir en France équivaut à un salaire

    mensuel local, alors que n´importe quel Français peut se rendre au Sénégal à loisir sans

    formalité » (Diome, 2003 : 248).

    Fatou Diome emploie des modes de construction de l´intrigue déjà présents dans les champs

    de la littérature africaine francophone. Il s´agit d´une voix féminine qui conte notamment les

  • 21

    souffrances de la femme africaine. En prenant l’exemple du roman de Mariam Bâ, Une si

    Longue Lettre et de Sembène Ousmane, Le Docker noir on constate qu’ils participent de ce

    type de pensée.

    La narratrice témoigne d’une période plus récente dans Le Ventre de l´Atlantique. Même

    longtemps après l’indépendance, la France, en tant qu´ancienne métropole, reste toujours un

    lieu mythique de promotion sociale, fascinant pour les jeunes Sénégalais de l´île de Niodor,

    mais aussi pour la plupart des citoyens des pays anciennement colonisés. Mais en réalité, elle

    est loin de permettre la réalisation du rêve des jeunes Africains. C´est grâce aux leçons tirés

    de sa propre expérience comme immigrée en France que Salie essaye de réveiller les jeunes.

    L´ancien colonisateur est montré comme étant parfois mauvais et raciste : « en Europe, mes

    frères, vous êtes d´abords noirs, accessoirement citoyens, définitivement étrangers, et ça, ce

    n´est pas écrit dans la constitution, certain le lisent sur votre peau » (Diome, 2003 : 176).

    L’Africaine issue de l´immigration présente une Afrique déçue face à un occident

    inhospitalier.

    Les conditions de vie idylliques décrites avec beaucoup détails par l'homme de Barbès ne sont

    pas celles de la très grande majorité des Africains arrivant en France pour y faire fortune ;

    mais les clichés que l´homme de Barbès utilise se retrouvent sur les écrans de télévision au

    cours d'émissions qui jouent avec l´ innocence des téléspectateurs à des fins commerciales.

    L’autrice adopte souvent un ton ironique pour mieux faire passer des messages relatifs à son

    point de vue sur la France. L´ironie est une manière de critiquer quelque chose et de

    convaincre le lecteur de manière un peu détournée, Ainsi Diome utilise cette figure de

    rhétorique pour détruire l’image idyllique que l`homme de Barbès a réussi à construire :

    D’après Radio Sonacotra, la période synonyme pour lui de sortie des ténèbres,

    l’apothéose même de sa carrière en France, c’était lorsqu´il passa de maître-chien

    à chien du maître : vigile dans une grande surface, il errait entre les rayons, se

    pourléchant les babines devant des marchandises hors de sa portée. (Diome,

    2003 : 90).

    L’ironie est représentée par la référence à une soi-disant Radio Sonacotra, alors que les foyers

    Sonacotra (souvent décriés3) sont des lieux pour loger les travailleurs migrants, et à

    l’assimilation de l’homme de Barbès à un chien, sous la domination de son « maître » blanc.

    3 Cf. « Des foyers créés pour surveiller », Libération, 11.02.2000,

    http://www.liberation.fr/evenement/2000/02/11/des-foyers-crees-pour-surveiller-la-sonacotra-est-nee-en-1956-a-l-initiatice-du-ministere-de-l-inter_316023, consulté le 04.01.2018.

    http://www.liberation.fr/evenement/2000/02/11/des-foyers-crees-pour-surveiller-la-sonacotra-est-nee-en-1956-a-l-initiatice-du-ministere-de-l-inter_316023http://www.liberation.fr/evenement/2000/02/11/des-foyers-crees-pour-surveiller-la-sonacotra-est-nee-en-1956-a-l-initiatice-du-ministere-de-l-inter_316023

  • 22

    La narration se fait aussi en partie à la troisième personne. Lorsque nous est raconté ce qui se

    passe au village pendant que Salie est en France par exemple. Le narrateur n’est plus l’un des

    protagonistes de l´action, un personnage de l’histoire. « le narrateur peut effacer les signes de

    sa présence, avec le résultat que l’histoire semble se raconter d’elle-même, sans la médiation

    d’un narrateur. La vision sera objective (on parle de mode mimétique. Dans la tradition anglo-

    saxonne on appelle ce mode showing) » (Jouve, 2005 : 32).

    Ainsi la vie de Madické est racontée par moments par un narrateur impersonnel et Salie, qui

    était précédemment la narratrice ne sait pas pourquoi il ne lui téléphone plus, elle ne sait pas

    qu´il a décidé de rester en Afrique en fin de compte.

    3.4. Un nouvel espoir : Madické

    Madické joue un rôle très important dans le roman de Fatou Diome Le Ventre de l´Atlantique.

    Il est le frère de la narratrice et il est obsédé par le football. Pour lui la France est un Eldorado.

    « Depuis leurs premiers ballons de chiffons, leurs dribbles maladroits exécutés sur des terrains

    vagues, leurs buts gonflés d’orgueil d’adolescents passionnés » (Diome, 2003 : 232).

    Dans le livre, on l´appelle Maldini, c´est le nom de son idole, un footballeur italien. Il ne rêve

    que d´une seule chose, c´est de rejoindre sa sœur en France afin de faire valoir ses talents

    footballistiques. Mais bien que Madické rêve de Maldini, il veut émigrer en France. C´est une

    incohérence dans le livre par laquelle Diome veut peut-être signifier que pour lui la France et

    l´Italie représentent la même chose, parce qu´il veut seulement aller en Europe.

    Il rêve de tout ce qui constitue la richesse en ignorant les humiliations, la précarité et le

    racisme. Salie essaie de détruire le mythe pour sauver son frère Madické. Elle raconte donc la

    vraie vie qu´elle mène en France pour montrer un peu la réalité. Mais Madické vit sa France à

    lui, dans sa tête, celle du mirage.

    Madické veut coute que coute rejoindre sa sœur en Europe et vivre son propre rêve. Il a une

    seule pensée et c´est de partir loin de son pays : « une seule pensée inondait son cerveau :

    partir ; loin ; survoler la terre noire pour atterrir sur cette terre blanche qui brille de mille

    feux » (Diome, 2003 : 189). Dans ce passage Fatou Diome oppose deux pays en fonction de la

    couleur de la peau. C´est une volonté pour les jeunes de quitter leur pays et de se libérer de

    cette misère pour réaliser leur rêve mais la France est leur seule référence parce que c´est le

    pays qui a colonisé le Sénégal.

  • 23

    Dans le Ventre de l´Atlantique, Madické ne veut pas attendre le retour de sa sœur au bled, il

    exprime le désir de rejoindre sa sœur en France. Salie s´oppose fermement à sa demande de

    lui envoyer un billet d´avion. Elle propose au contraire de lui envoyer une somme d´argent et

    l´encourage à ouvrir une boutique sur place et de renoncer à son rêve d’immigrer en Europe.

    Salie fait un pacte avec son frère Madické : « Je ne veux surtout pas entendre parler de billet

    d´avion ! La boutique ou un autre projet d’équivalent, sur place, sinon je garde mon argent et

    tant pis pour toi. Maintenant, je vais raccrocher, réfléchis et rappelle-moi quand tu auras fait

    ton choix » (Diome, 2003 : 224). Salie essaie de l´avertir par le discours suivant :

    Dans le temps, après la seconde Guerre mondiale, ils accueillaient beaucoup de

    monde, parce qu´ils avaient besoin d´ouvriers pour reconstruire le pays. Ils

    engageaient en masse des immigrés d´origines diverses qui, chassés par la misère,

    acceptaient d´aller tutoyer la mort au fond des mines de charbon. Beaucoup de

    ces gens ont payé des cotisations pour une retraite qu´ils ne toucheront

    jamais. Rares sont ceux qui ont vraiment réussi. Les Africains, toutes vagues

    confondues, vivent en majorité dans des taudis […]. Leurs enfants, bercés par le

    refrain Liberté, Égalité, Fraternité, perdent leurs illusions lorsque, après un

    combat de longue haleine, ils se rendent compte que la naturalisation enfin

    obtenue n´ouvre pas davantage leur horizon […]. En Europe, mes frères, vous êtes

    d´abord noirs, accessoirement citoyens, définitivement étrangers, et ça, ce n´est

    pas écrit dans la Constitution, mais certains le lisent sur votre peau. Alors, vous

    comprenez, il ne vous suffira pas de débarquer pour mener la vie de ces touristes

    smicards qui vous font baver, en vous abandonnant leurs pacotilles made in

    Paradis. Maintenant, là-bas aussi il y a le chômage. De quels atouts disposez-vous

    qui puissent vous garantir d´y réussir ? (Diome, 2003 :175-176).

    C´est un argument fort contre cette volonté quasi indomptable d´émigrer qu´a le jeune

    Madické. C’est peut-être cet argument qui va le faire changer d’avis. En tout cas, il ne va pas

    réussir à faire fléchir Salie et à obtenir un billet pour venir en France. Il va rester au pays et

    ouvrir un petit commerce.

    C´est ainsi que Madické, qui voulait tant devenir le nouveau Maldini en France, finit par

    incarner l’espoir d’un avenir meilleur pour l’Afrique.

  • 24

    Conclusion

    La France est un pays d´espoir pour les Africains. La réussite sociale de certains anciens

    immigrés confirme cela : « Ah ! La vie, là-bas ! Une vraie vie de pacha ! croyez-moi, ils sont

    très riches, là-bas. Chaque couple habite avec ses enfants, dans un appartement luxueux, avec

    électricité et eau courante. [….] Chacun à sa voiture pour aller au travail, sa télévision.

    (Diome, 2003 : 85). Ce mirage est une véritable catastrophe pour le continent africain parce

    que le continent noir a besoin de sa jeunesse pour se construire un avenir.

    L´occident attire de plus en plus les jeunes du tiers monde grâce au potentiel économique

    qu´il offre. Mais tout cela n´est que de l´illusion et du mirage. Dans le livre de Fatou Diome,

    La préférence nationale, elle raconte : « Pour madame Dupont, africain est synonyme

    d´ignorance et de soumission […]. Quant aux bruits des aspirateurs, il signale presque

    toujours la présence d´une Africaine, d´une Portugaise ou d´une Asiatique ». (Diome, 2001,

    p.65). Fatou Diome nous décrit qu’à travers la couleur de sa peau, toute la vie d´un Africain

    est un problème.

  • 25

    L´expression « chaque miette de vie doit servir à conquérir la dignité » écrite en italiques

    dans Le ventre de l´Atlantique se répète plusieurs fois dans le roman (Diome, 2003 : 30-33-

    95-98-104-114-124-178). Cette phrase illustre le combat incessant que doivent mener les

    Africains. Mais cette dignité, ce n’est pas en France qu’ils la trouveront si l’on en croit les

    avertissements donnés par Salie.

    En outre, nombreux sont les jeunes qui risquent leur vie en quittant leur pays pour émigrer en

    Europe avec l´espoir d´avoir une vie meilleure. Mais tous n´atteindrons pas leur objectif car

    certains n´auront pas la chance de quitter « le ventre de l´Atlantique ».

    Le mirage est une construction de l´esprit dépourvue de réalité. Dans ce roman partiellement

    autobiographique, à l’aide d’une écriture engagée, parfois ironique, de personnages forts, dont

    certains sont caricaturaux, de figures de styles comme la personnification, la synecdoque,

    l’opposition, l´auteure met en évidence le rêve de l´immigration et la réalité en Europe, c´est-

    à-dire la vraie vie. À partir, de l´expérience difficile qu´elle a vécue, Fatou Diome expose la

    vraie vie des immigrés en France. Tout comme son frère Madické, Salie la narratrice a rêvé de

    la France pour réaliser ses rêves et connaître ce pays riche et développé qui attire tant les

    jeunes de son pays mais ces rêves se sont transformés en cauchemar et ont été à l´origine

    d´une profonde désillusion.

    Dans Le Ventre de l´Atlantique, le récit de migration se raconte en deux versions. La version

    embellie de l´homme de Barbès « aller bâiller devant la télévision en France pour toucher un

    salaire » (Diome, 2003 : 86) et c’est cette version qui fait rêver les jeunes de l´île de Niodor.

    Ensuite, on a les versions authentiques et objectives données par Ndétare, confident de

    Moussa et par Salie, contradictrice de l´homme de Barbès. Madické, quant à lui est le

    symbole de la nouvelle Afrique, l´Afrique dont rêve Diome. L´Afrique a besoin de tous ces

    jeunes pour se développer. D´après Fatou Diome dans son interview parue dans «

    Francophone Métronomes », « aider quelqu´un c´est l´aider à ne plus avoir besoin de vous

    sinon c´est de l´assujettissement » (https://www.youtube.com/watch?v=l6RHx8ifO38) et c´est

    ce que Salie est en train de faire avec son frère Madické. Elle l´oblige de choisir d’ouvrir une

    boutique ou un autre projet pour qu´il gère sa vie sans avoir besoin de sa sœur.

    https://www.youtube.com/watch?v=l6RHx8ifO38

  • 26

    Bibliographie

    Ouvrages

    Bâ Mariam, Une si Longue Lettre, Schoenhofs Foreign Books, 2002

    Diome, Fatou, Le ventre de l´Atlantique. Paris, Anne Carrière 2003

    Jouve, Vincent, Poétique du roman, 4 édition, Paris, Armand Colin, 2015

    Kourouma, Ahmadou, Les soleils des indépendances, Paris, Seuil, 1970

    Lejeune, Philippe, Le pacte autobiographique, Seuil, coll. Points Essais, 1996 (1975)

    Ousmane, Sembène, Le Docker noir Présence Africaine, 2002

    Saïd, Edward L’orientalisme, L’Orient, créé par l’Occident, Paris, Seuil,1978

  • 27

    SEARLE John R., Expression and Meaning: Studies in the Theory of Speech Acts, Cambridge

    University Press, 1985

    Viart, Dominique, Vercier Bruno, La littérature française au présent, Paris, Bordas, 2008

    Waberi Abdourahman, Transit, Indiana University Press, 2012

    Article

    Björn LARSSON, « La tentation référentielle et le langage de fiction », in Brynja SVANE et

    Morten NOJGAARD (éd.), Les images du réalisme français: esthétique, réception et

    traductions scandinaves, Uppsala Universitetet, 2007, p. 66-94.

    Sources internet

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