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100 years after the Po and Ra Discovery, Museum M. Sklodowska-Curie, Warsaw, 2 February 1998, Orbital (Poloskie Towarz Chem.) 1998, 9-22. Version française* LA PERSONNALITE SCIENTIFIQUE DE MARIE SKLODOWSKA-CURIE Jacqueline BELLONI Laboratoire de Physico-Chimie des Rayonnements, associé au CNRS, Université Paris-Sud, 91405 Orsay, France Marie Sklodowska-Curie est un personnage dont la célébrité a débordé largement, de son vivant déjà, les frontières du monde scientifique. La légende retient en effet le contraste fort entre l’apparence, à travers l’iconographie de l’époque, d’une femme fragile dont la santé a souffert de manipulations dangereuses, et l’extraordinaire puissance de la révolution scientifique qu’a provoquée la découverte de la radioactivité dans tous les domaines de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et de la médecine. Marie et Pierre Curie, en découvrant en 1898, à la suite de la découverte des rayons uraniques par Henri Becquerel en 1896, les nouveaux éléments polonium et radium, ont tracé la voie pour étudier ces phénomènes surprenants et ont ouvert des horizons fascinants que la science du XXème siècle explore encore. 1

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100 years after the Po and Ra Discovery, Museum M. Sklodowska-Curie, Warsaw, 2 February 1998,

Orbital (Poloskie Towarz Chem.) 1998, 9-22. Version française*

LA PERSONNALITE SCIENTIFIQUE DE

MARIE SKLODOWSKA-CURIE

Jacqueline BELLONILaboratoire de Physico-Chimie des Rayonnements, associé au CNRS,

Université Paris-Sud, 91405 Orsay, France

Marie Sklodowska-Curie est un personnage dont la célébrité a débordé largement, de son vivant déjà, les frontières du monde scientifique. La légende retient en effet le contraste fort entre l’apparence, à travers l’iconographie de l’époque, d’une femme fragile dont la santé a souffert de manipulations dangereuses, et l’extraordinaire puissance de la révolution scientifique qu’a provoquée la découverte de la radioactivité dans tous les domaines de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et de la médecine. Marie et Pierre Curie, en découvrant en 1898, à la suite de la découverte des rayons uraniques par Henri Becquerel en 1896, les nouveaux éléments polonium et radium, ont tracé la voie pour étudier ces phénomènes surprenants et ont ouvert des horizons fascinants que la science du XXème siècle explore encore.

L’image mythique qui s’est cristallisée autour de Marie Curie a suscité de nombreux ouvrages biographiques, des pièces de théâtre ou des films, a popularisé ses traits sur des médailles, des timbres et des billets de banque, comme ceux d’une véritable héroïne moderne. Cependant, cette image stéréotypée finit par masquer la réelle personnalité scientifique de son modèle et la place que Marie Curie a conquise dans un monde de la recherche autrement structuré qu’aujourd’hui et surtout peu préparé à y accueillir une femme.

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*The English version is following at P. 18-34.

Une enfant douée

Pour comprendre comment cette personnalité s’est construite, il faut revenir aux années de l’enfance et de l’adolescence à Varsovie. La Pologne occupée par la Russie n’est plus que la Province de la Vistule. L’Université de Varsovie est fermée depuis l’insurrection de 1830. Marie est la dernière enfant d’une fratrie de quatre filles et un garçon dans une famille d’enseignants, Wladyslaw Sklodowski et Bronislawa Boguska, tous deux très attachés à leur patrie et qui ont eu chacun un frère gravement impliqué dans l’insurrection de janvier 1863. Le père enseigne la physique et les mathématiques, comme son propre père à la génération précédente, mais la situation politique ne lui permet pas d’accéder à des postes intéressants. Sa mère dirige, rue Freta, jusqu’à la naissance de Marie le 7 novembre 1867, une excellente école privée pour les filles où la famille bénéficie d’un logement de fonction.

Malgré les difficultés financières de la famille et la maladie de la mère qui doit suivre au loin des cures fréquentes pour soigner sa tuberculose, les enfants s’épanouissent et garderont toujours entre eux et avec leurs parents des liens d’affection et de solidarité extrêmement forts. Marie est une enfant précoce et douée, qui apprend sans efforts. Elle vit dans une atmosphère studieuse comme ses frère et soeurs, aime beaucoup lire et se révèlera une élève encore plus brillante qu’eux. Cependant, elle n’a que huit ans quand elle est frappée par la mort de sa soeur aînée et onze ans quand s’éteindra sa mère. Elle surmontera ces deuils éprouvants et à quinze ans termine en tête de classe ses études secondaires avec le bac, une médaille d’or de son lycée et des prix d’excellence en mathématiques, littérature, histoire , allemand, anglais et français.

Une jeune femme courageuse

Avec l’aide de la grande famille des oncles résidant en province, Marie passe ensuite chez les uns et les autres une année d’insouciance et de gaieté qui tranche dans sa jeune vie, avant le retour vers les soucis financiers de sa famille et le choix de son propre avenir. Son frère Jozef poursuit des études de médecine. Marie et sa soeur Bronia de deux ans plus âgée sont bien décidées à entreprendre des études supérieures, bien que l’université soit fermée aux femmes polonaises et que pour elles la seule possibilité très coûteuse soit de s’inscrire à Paris ou à Genève. Après une année passée à donner des leçons particulières et à apprendre en autodidacte, Marie propose à Bronia d’aider celle-ci financièrement à partir pour suivre à

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Paris des études de médecine pendant qu’elle-même prendra un poste d’institutrice dans une famille, en attendant que Bronia, installée comme médecin, puisse à son tour l’aider à entreprendre des études de physique à Paris.

Ce projet est d’autant plus courageux que Marie, à dix-huit ans, connaît déjà le difficile statut de la préceptrice prise entre un devoir d’efficacité envers des élèves qui n’ont pas acquis le goût d’apprendre autant que les enfants Sklodowski et la nécessité d’agir en accord avec la famille qui l’emploie. Mais Marie assumera ses choix, y compris de quitter le foyer familial, avec un dévouement appris à l’école de ses parents. Parfois l’optimisme et la confiance mise dans “la bonne éducation et la solide culture reçues de leur père” et qu’elle affiche dans les lettres qu’elle lui adresse font place, quand il s’agit d’autres proches, à un découragement et une tentation d’abandonner compréhensibles. Elle “perd même l’espoir de devenir jamais quelqu’un”, mais trouve les arguments pour encourager son frère à ne pas abandonner son projet de rester à Varsovie et “de faire de la recherche”. Elle prend le temps de se perfectionner seule en français et en sciences en rêvant de la Sorbonne, elle est curieuse d’observer la société provinciale et les activités agricoles autour d’elle et, avec la jeune fille de la maison, organise pour des petits paysans du voisinage des cours d’alphabétisation en polonais, bravant ainsi la loi russe. La personnalité de Marie apparaît déjà. Elle a des objectifs ambitieux pour plus tard, mais dans l’instant elle essaie de s’y préparer et prend des risques pour mettre en pratique ses principes généreux et partager avec d’autres l’accès au savoir. Elle doit renoncer, à l’instance des parents qui considèrent sa condition comme indigne de leur fils, à une idylle avec l’étudiant en mathématiques, aîné de la famille. Elle accepte un autre poste avec ses contraintes puisque cette situation lui permet d’aider les siens. Cette période, qui l’aura tenue loin d’eux et de toute distraction car elle s’interdit toute dépense futile et même des vacances, s’achèvera quand Bronia l’invite enfin à la rejoindre à Paris.

Une étudiante brillante

Chose surprenante, Marie semble hésiter devant la possibilité de réaliser son rêve. Elle craint de briser l’espoir de son père de la voir vivre avec lui. Son frère et sa soeur Hela ne sont pas établis et ont eux-mêmes besoin d’aide. Mais son “coeur se rompt lorsqu’[elle] pense à [s]es aptitudes gâchées qui, tout de même, devaient valoir quelque chose”. Marie retrouvera souvent ces conflits intérieurs entre la conscience qu’elle a de ses capacités y compris des efforts qu’elle se sent capable de consacrer à un objectif, et les contraintes du milieu où elle vit. Elle devine, simplement par comparaison avec ses proches, ne serait-ce que Bronia et autres étudiants de sa génération, qu’elle a les moyens intellectuels de son ambition mais elle sait aussi quels obstacles elle devra surmonter. Finalement, Marie décide de passer une année

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encore à Varsovie pour réunir un pécule nécessaire à sa première inscription à Paris et le reste du temps pour compléter sa formation scientifique, surtout pratique, en fréquentant “le soir après dîner ou le dimanche” le laboratoire du Musée de l'industrie et de l'agriculture où un cousin veut bien l’accueillir. Elle s’initie aux instruments de chimie et de physique, de spectroscopie par exemple, avec parfois "une petite réussite" ou "des accidents et des échecs dus à [s]on inexpérience". Elle y développe “([s]on goût de la recherche expérimentale” et ressent pour cette activité une fascination qui durera toute sa vie et qui justifiera toutes ses entreprises.

En 1891, Marie âgée de 24 ans s’inscrit en Sorbonne. Elle s’organise sans tarder pour consacrer tout son temps à ses études de la licence de sciences physiques. Elle choisit une chambre très modeste près de la Sorbonne et des bibliothèques pour s’adonner à toute heure à sa passion de l’étude longtemps contenue. “Tout ce que je voyais et apprenais de nouveau m’enchantait. C’était comme un nouveau monde qui s’ouvrait à moi, le monde de la science, que j’étais autorisée à connaître en toute liberté”. Elle renoncera aussi à rentrer à Varsovie pour les vacances d’été suivantes afin de parfaire encore son français. On compte alors, sur 9000 étudiants parisiens, environ 210 jeunes femmes inscrites, en majorité étrangères car la physique et la chimie n’étant pas enseignées dans les lycées français de filles (créés en 1880 seulement), celles-ci ne sont pas préparées pour ce type de licence. Sur 23 étudiantes inscrites en sciences (sur 1825), deux femmes seulement parviennent pour la première fois en 1893 à obtenir leur diplôme de la licence ès sciences physiques, dont Marie, qui est en tête. Une amie polonaise l’aide à obtenir la bourse Alexandrovitch destinée à un polonais méritant, si bien qu’elle s’inscrit ensuite en licence de mathématiques et en mai 1894 elle obtient cet autre diplôme, seconde sur cinq.

Nul doute que ses professeurs souvent éminents aient déjà remarqué cette jeune femme si sérieuse dans son travail et dont la détermination est à toute épreuve. Son professeur de physique Gabriel Lippmann lui propose une bourse de la Société pour l’Encouragement de l’Industrie Nationale pour effectuer une “Etude sur les propriétés magnétiques de divers métaux” qui constituera son premier travail de recherche.

Mais au cours de ce printemps 1894, se produit aussi une rencontre qui décidera du destin de Marie. Elle est présentée en effet, par l’intermédiaire d’un ami polonais physicien, à Pierre Curie, spécialiste lui-même du magnétisme et Chef de laboratoire à l’Ecole de Physique et Chimie Industrielles de Paris. Malgré la différence d’âge de sept ans et d’expérience professionnelle plus grande encore, leurs préoccupations les rapprochent aussitôt et ils découvrent chacun dans la personnalité de l’autre des singularités qui les font se comprendre avec une grande connivence. Ils sont passionnés par la science, cultivent tous deux un

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idéalisme laïc pour le progrès de la connaissance et le devoir de la communiquer aux autres qui les tiennent éloignés des distractions futiles et des mondanités, et même pour Pierre des préoccupations de carrière. Pendant que Marie est en vacances en Pologne cet été-là, Pierre lui écrit et commence prudemment à proposer à Marie un autre avenir que celui qu’elle s’est fixé depuis si longtemps et auquel elle a consacré farouchement tant d’efforts. Il semble qu’elle hésite à revenir en France mais il plaide qu’elle doit s’installer en France où elle pourra enseigner. Il connaît les scrupules de Marie à renoncer à vivre auprès de son père et de ne pas revenir dans sa patrie, mais il insiste, non “par égoïsme d’ami. Je crois seulement que [...] vous ferez ici besogne plus solide et plus utile”[...]. "Ce serait cependant une belle chose à laquelle je n'ose croire, que de passer la vie l'un près de l'autre, hypnotisés dans nos rêves : votre rêve patriotique, notre rêve humanitaire et notre rêve scientifique". Il démontre que "...le dernier seul est, je crois, le plus légitime". Car "toute découverte, si petite soit-elle, reste acquise". C'est un programme auquel Marie ne peut sans doute que souscrire et auquel elle restera fidèle toute sa vie.

Un rêve scientifique à deux

Marie revient à Paris. Pierre s'engage dans la rédaction de sa thèse sur "Les propriétés magnétiques des corps à diverses températures" dont la soutenance, à laquelle il a convié Marie, se tient en mars 1895. Une chaire est créée pour lui à l'EPCI. Le mariage de Marie Sklodowska et Pierre Curie le 26 juillet 1895 à Sceaux est simple, mais la famille de Varsovie est venue y assister. Pierre et Marie choisissent un appartement proche de l’Ecole. Son luxe est de posséder à l’arrière une vue sur un beau jardin mais le mobilier est des plus simples. Comme pour ses résidences futures ou bien pour ses maisons de vacances, Marie privilégie de beaux sites, calmes et retirés, mais elle n’attache aucune importance au confort de l’aménagement. Le jeune couple s'installe dans son "rêve scientifique". Tout en collectant des notes pour sa première publication qui lui apporte un pécule, Marie prépare néanmoins l'agrégation qu'elle réussit en tête à nouveau et qui lui permettrait si nécessaire d'enseigner dans un lycée, carrière à l’époque la plus élevée qui soit accessible à une étudiante en sciences. L'année suivante, en septembre 1897, naît leur première fille Irène. Bien qu'il n'y ait aucun précédent en France de femme préparant une thèse en science (et très peu en médecine), Marie décide de s'engager dans cette voie réservée au monde masculin. Son entourage, côté Curie ou Sklodowski, soutient Marie et ne cherchera pas à décourager cette jeune mère de sa vocation. Elle choisit d'étudier la source d'énergie des rayons uraniques de Becquerel dont on sait seulement qu'ils impressionnent les plaques photographiques, et aussi qu'ils électrifient l'air, comme l'a montré récemment Lord Kelvin, ami de Pierre. Elle

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accepte avec reconnaissance du directeur de l'EPCI de pouvoir s'installer dans un petit atelier poussiéreux et humide. Avec Pierre elle met au point la méthode de mesure originale et délicate qui permettra de quantifier le phénomène et qui s'avèrera essentielle pour guider sa recherche à venir. Certes, Marie a trouvé en Pierre le soutien idéal, affectueux et expérimenté, pour cette entreprise ambitieuse dont on ne peut pas deviner en ce mois de décembre 1897 les développements extraordinaires. Mais la personnalité scientifique de Marie, qui la conduira à tant de succès, est là bien forgée : son intuition l'a convaincue de choisir un domaine peu exploré, elle s'accomode de ne recevoir aucune rétribution et de travailler dans des conditions matérielles spartiates qui ressemblent fort à ce qu'elle a déjà dû s'imposer pendant ses études. Elle est devenue une expérimentatrice très habile et minutieuse, capable de maîtriser les instruments très sensibles conçus par Pierre et son frère Jacques, notamment l'électromètre à quadrants muni d'un quartz piezoélectrique, et elle se sait prête, si nécessaire, à affronter des travaux longs et fastidieux. Comme dans sa première étude sur les aciers trempés, une prospection systématique s'impose pour détecter des substances susceptibles de manifester les mêmes propriétés que l'uranium. Elle trouvera auprès de divers collègues des échantillons à examiner et à comparer quantitativement.

A partir des premières observations menées rigoureusement, il apparaît vite en février 1898 que la pechblende et plus tard la chalcholite sont trois à quatre fois plus actives que ne le laisse attendre la fraction d'uranium qu'elles contiennent. Le 12 avril une note de Marie Sklodowska-Curie est lue par Lippmann à l'Académie des Sciences pour être publiée aux Comptes Rendus. Ce résultat "est très remarquable, et porte à croire que ces minéraux peuvent contenir un élément beaucoup plus actif que l'uranium". Le style scientifique s'interdit tout triomphalisme, l'adjectif "remarquable" servant juste à focaliser l'attention du spécialiste. Mais les implications de cette phrase sont telles qu'avant que les résultats ne soient rendus publics, ils ont été soigneusement recoupés, la fiabilité des appareils une fois de plus contrôlée. Marie et Pierre savent bien en effet que la découverte d'un élément chimique nouveau est un événement exceptionnel. La méthode qui les y a conduits est également très originale puisque l'existence de l'élément est postulée sur la base de sa seule propriété radioactive. D'autre part, Marie montre que l'activité est une propriété atomique, liée à la proportion de l'élément uranium dans ses différents composés, ce qui doit faire reconsidérer la conception classique sur les propriétés découlant des liaisons chimiques. Avant même cette note, "Pierre abandonna son travail sur les cristaux (provisoirement, pensait-il), pour se joindre à moi dans mes recherches", comme l'écrira Marie, non sans un peu d'humour affectueux et de fierté. Voilà en effet Pierre, qui a su trop bien convaincre "l'étudiante sage" et "têtue" de ne pas rentrer en Pologne et de lier sa vie à la sienne, qui lui a facilité l'accès à un laboratoire et à des instruments originaux, lui-même pris au piège des recherches que Marie est en train de mener, et qui sont si prometteuses qu'en bon scientifique il les juge plus

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urgentes à creuser que son propre thème de prédilection! Aussitôt après la note aux Comptes Rendus, le couple décide d'essayer de séparer chimiquement l'élément inconnu et procède avec Gustave Bémont, chef de laboratoire à l'école, à des traitements sur cent kilogrammes de pechblende de Joachimsthal, procurés par le professeur M. Suess de l'Université de Vienne.

Le protocole d'une séparation chimique est des plus traditionnels et résulte de l'application de tous les acquis de la science chimique d'alors pour pouvoir séparer, par des réactions judicieuses et dans un ordre strict, d'abord les grands groupes d'éléments d'affinité proche, puis les éléments entre eux à partir de différences plus ténues de comportement. La méthode est longue et, pour réussir à débusquer un élément inconnu, doit compter non seulement sur une très grande adresse à tous les stades, mais aussi sur une grande précision. Sa sensibilité reste limitée dans la mesure où l'avancement du processus de séparation n'est suivi que par pesée et ne peut donc pas détecter les éléments très rares. C'est pourquoi, Pierre et Marie comptent sur la spectroscopie bien plus sensible et appliquée à des fractions enrichies au cours des traitements de séparation. Des tests spectroscopiques de flamme sont donc tentés très vite avec l'aide d'un collègue ami Eugène Demarçay, mais en vain, comme si la sensibilité de cette méthode était sans commune mesure avec celle de la radioactivité.

Afin de mettre en évidence l'élément inconnu, il faut en passer par un enrichissement plus poussé. Ni Pierre ni Marie ne peuvent suspecter à quels efforts démesurés cette logique pour l'isolement d'un élément les conduira plus tard. Cependant l'enthousiaste Marie est déjà prête à reprendre sur une centaine de grammes de minerai les traitements de séparation pour accroître les teneurs des fractions où se concentrera l'élément recherché. La même méthode de détection de l'activité émise qui avait permis à Marie de postuler la présence d'un élément nouveau va servir à le suivre à la trace à chaque étape. Progressivement, au cours des traitements successifs sur quelques semaines, ils obtiennent des fractions qui, comparées à l'uranium comme étalon, sont non plus 3-4 fois plus actives comme dans la pechblende, mais 17 fois pour la fraction des sulfures, puis 150 fois dans celle des sulfures insolubles dans le sulfure d'ammonium. L'élément inconnu accompagne le bismuth. Un autre traitement qui consiste à sublimer par chauffage la pechblende produit un enduit noir actif déposé vers 250-300 °C, alors que le sulfure de bismuth reste dans les régions plus chaudes. La fraction est maintenant 400 fois plus active que l'uranium. Sur le cahier de laboratoire commun de Marie et Pierre apparaît le 13 juillet pour la première fois, à côté des symboles du plomb et du bismuth, le symbole "Po" pour le nouvel élément, nommé “polonium” en hommage à la patrie de Marie. Il est d'usage en effet de laisser aux découvreurs le privilège de baptiser l'élément nouveau. Les rares éléments découverts depuis le classement périodique des éléments par Mendeleev en 1869 ont reçu en général (sauf les gaz rares) des noms de pays ou

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de villes. Celui que choisissent les Curie a la particularité de se référer à un pays qui à l'époque est justement nié politiquement. Il s'impose sans doute à la patriote Marie qui partage avec les siens l'espoir de voir son pays à nouveau reconnu, mais aussi à un Pierre reconnaissant qui sait combien Marie a eu de scrupules à quitter la Pologne pour venir vivre avec lui. En tous cas, les résultats sont suffisamment convaincants pour envisager d'annoncer publiquement "la nouvelle substance radioactive" dans une note cosignée de Marie et Pierre à l'Académie des Sciences qui sera publiée le 18 juillet 1898. Aussitôt l'Académie attribue à Marie le Prix Gegner de trois mille huit cents francs (soit presque le salaire annuel de Pierre), mais il est annoncé officiellement seulement à Pierre par Becquerel et Berthelot en le félicitant. Hiérarchie oblige, dans l'esprit sans doute de ces collègues pour qui Marie est considérée comme une assistante travaillant dans le laboratoire de son mari. Marie sera à nouveau lauréate du prix en 1900 et 1902.

Les traitements de séparation ont été encore plus fructueux que la note ne le laisse entendre. Une autre fraction qui n'est précipitée ni par l'hydrogène sulfuré, ni par l'ammoniaque, qui est insoluble en présence de sulfate et qui ne contient pas de polonium, est également radioactive. Un autre élément se manifeste donc, accompagnant le baryum qui est lui-même inactif. Le chlorure de l'élément inconnu se distingue du sel de baryum par son insolubilité dans l'alcool, ce qui permet d'enrichir par des cycles successifs de cristallisation cette fraction à une activité relative de 900. Demarçay peut détecter enfin, à côté de celles du baryum, une raie nouvelle dont l'intensité croît avec le nombre de cycles d'enrichissement. Cette fois l'élément sera nommé radium, selon la propriété majeure qui a permis sa découverte, dans une note du 26 décembre 1898 cosignée par Pierre et Marie Curie et G. Bémont . L'un des futurs collaborateurs très proches de Marie, Moïse Haissinsky, écrira : "Beaucoup a été dit et écrit d'une part sur les conditions misérables dans lesquelles ce travail a été effectué, dans un hangar, sans collaborateurs et sans moyens matériels, d'autre part sur le courage et sur la tenacité des Curie. Mais ce qui frappe encore plus dans l'examen de ces carnets, ce sont la lucidité et la sûreté avec lesquelles ils ont avancé vers le but qu'ils s'étaient proposé, sur une voie jamais encore tracée". Au delà des conséquences immenses de ces découvertes, c'est la magnifique leçon de méthode scientifique et la passion de Marie et Pierre dans leur démarche de chercheurs qui ont séduit intellectuellement tant d’étudiants des générations suivantes et qui les ont incités à se consacrer comme eux à la recherche.

Un jeune chercheur opiniâtre

Malgré la démonstration de l'existence des deux éléments nouveaux, et la description de quelques propriétés chimiques, Pierre et Marie savaient bien que l'étude systématique de leurs

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propriétés et leur classement dans le tableau périodique seraient exclus sans procéder à leur isolement. Marie a pu mesurer les efforts déjà consentis pour la mise en évidence du polonium et du radium. Néanmoins, cette jeune femme d'une détermination farouche ne craint pas d'affronter maintenant le défi d'étendre la procédure éprouvée à des quantités plus grandes de minerai, dans le but de recueillir les éléments à l'état pur sous forme pondérable. Elle réussit à obtenir du directeur de l'Ecole un hangar désaffecté face à leur laboratoire, à se procurer 10 tonnes de résidus de pechblende de Joachimsthal dont l'uranium avait été extrait, ce qui doit les avoir enrichis en Po et Ra et de plus les rend sans valeur. Le don d'un mécène finance le transport. Dès la livraison des résidus, Marie se hâte, impatiente, d’en contrôler l’activité, en effet supérieure à celle du minerai d’origine. Le procédé pour séparer le radium paraît plus simple que celui du polonium et il est décidé de commencer par lui.

Marie sait que pour des recherches qui se déroulent dans le cadre d'une thèse, elle ne peut espérer la collaboration d'une quelconque aide technique. Même Pierre n'en dispose pas, sinon pour les travaux pratiques de l'Ecole. Elle devra compter sur elle-même, mais elle se sent la force de s'attaquer à l'entreprise. Elle s'organise pour traiter le minerai par 20 kg, qui nécessitent la manipulation de bien plus de réactifs souvent acides et d'un millier de litres d'eau, avec des séries de transvasements de matières et des attaques de réactifs à l'ébullition dans des récipients de grande contenance. A un certain stade d'enrichissement, la fraction concentrée est stockée pour être réunie à d'autres, avant de procéder à de nouveaux traitements plus délicats de cristallisations fractionnées répétées pour séparer le radium du baryum. Elle saura plus tard, lorsque leur travail aura attiré l'attention après 1899, convaincre des industriels, comme la Société Centrale des Produits Chimiques qui commercialise déjà les instruments de Pierre, de se charger en usine des premières étapes du procédé mis au point, ce qui lui épargnera les manipulations des charges les plus lourdes, mais elle ne renoncera jamais au but d'obtenir du radium pur.

Il est exceptionnel que des travaux de recherche fassent appel à des efforts physiques si exténuants, causés par la dilution extrême, de l’ordre d’une partie par million, du radium dans le minerai et par l'absence d'aide technique. Mais Marie préfère les assurer avec courage et tenacité plutôt que de renoncer. La conscience de défricher un terrain de recherche fertile et la complicité exceptionnelle du couple suffisent à faire oublier la fatigue. Marie ne se lasse pas avec Pierre de s'émerveiller du fait que "nos produits concentrés en radium étaient tous spontanément lumineux" et "ces lueurs étaient une cause toujours nouvelle d'émotion et de ravissement". Les progrès évidents de leur travail les dédommagent de leurs efforts et les stimulent. Leurs échantillons très actifs commencent à éveiller l'intérêt. Très généreusement, ils en offrent à plusieurs collègues qui souhaitent les étudier en France, en Angleterre et à Varsovie. Ils diffusent largement aussi, sans contre-partie, avec le désintéressement qui est la

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base de leur philosophie, le détail du protocole de séparation du radium que demandent des industriels français et étrangers se lançant dans cette production. Plus tard, Marie dira : "Malgré les difficultés de nos conditions de travail, nous nous sentions très heureux..... Nous vivions dans une préoccupation unique, comme dans un rêve". Le rêve scientifique promis par Pierre cinq ans auparavant se réaliserait-il donc?

La reconnaissance par leurs pairs ne tarde pas. Pierre est invité à présenter leurs résultats au Congrès international de Physique de 1900 à Paris où assistent les collègues les plus éminents. L'université de Genève leur fait des propositions. Pierre est chargé de cours de physique au PCN de la Sorbonne mais sans nouveau laboratoire. De son côté, Marie est la première femme à être nommée pour enseigner à l'Ecole Normale Supérieure de Sèvres créée vingt ans auparavant pour accueillir les meilleures étudiantes se destinant au professorat dans les lycées. Elle insistera pour introduire plus de pratique expérimentale dans cet enseignement. C'est son premier salaire régulier en France. Un crédit de vingt mille francs est ouvert à Pierre par l'Institut. Cependant, en 1902 Pierre voit d'abord sa candidature à la chaire de minéralogie de la Sorbonne puis sa candidature à l'Académie des Sciences toutes deux écartées. En juillet, après quatre ans de travail harassant et tenace, Marie publie une note "Sur le poids atomique du radium" déterminé à 225, à moins d'une unité près, sur le décigramme qu'elle vient d'isoler, et cela lui permet de situer l'élément juste au-dessous du baryum dans le tableau de Mendeleev. Elle rédige son mémoire de thèse qu'elle soutient brillamment en juin 1903 devant les examinateurs G. Lippmann, E. Bouty et H. Moissan. En août Marie qui était enceinte fait une fausse couche et sa santé ne reviendra pas avant novembre.

Ce même été, Pierre apprend de Gustav Mittag-Leffler, membre de l'Académie des Sciences de Suède, et favorablement impressionné par les travaux des époux Curie, que Pierre est nommé sans Marie pour le Prix Nobel de Physique. Celui-ci répond qu'il "souhaite vivement être récompensé en même temps que Mme Curie, par respect pour nos recherches communes sur les corps radioactifs". La lettre officielle leur apprenant qu'ils partagent le Prix avec H. Becquerel leur parvient à la mi-novembre. Marie Curie est la première femme à recevoir cette haute distinction et restera longtemps une exception. Son nom devient aussitôt célèbre hors des cercles universitaires et auprès du grand public grâce à la presse. Pierre et Marie jugent tout le bruit fait autour de l'évènement, les articles fantaisistes et les dérangements incessants, avec agacement ou un humour grinçant, en songeant aux moyens et à la tranquillité dont leur recherche aurait besoin. Marie tient les reporters indiscrets à distance par une devise “En science, nous devons nous intéresser aux choses, non aux personnes”. Tous deux d’ailleurs ont des problèmes de santé et doivent se reposer, leur fille Eve naît en décembre 1904 et ils devront repousser leur visite à Stockholm jusqu'à juin 1905. A la rentrée 1904, Pierre est enfin nommé Professeur, et reçoit de la Chambre des Députés une dotation pour un

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laboratoire à construire, modeste, et trois postes dont celui de Chef de Travaux pour Marie. En juillet suivant, Pierre est élu à l'Académie des Sciences.

Le directeur de laboratoire

Le 19 avril 1906, Pierre est tué dans un accident de la circulation en se rendant à pied à la bibliothèque de l'Institut. Marie est effondrée et ceux qui essayent de la soutenir, sa soeur Bronia et le cercle des scientiques amis très proches de Pierre et Marie, craignent une dépression profonde. Commencent pour Marie les années les plus sombres de sa vie. Elle restera brisée à jamais et protègera sa sensibilité sous une carapace de froideur, imperméable sauf aux proches et déconcertante pour ses interlocuteurs. Mais ses obligations familiales et scientifiques la sollicitent. Afin de poursuivre l’enseignement de Pierre, le bastion masculin de la Sorbonne la reçoit comme chargée de cours, mais non comme professeur titulaire de sa chaire, qui lui sera accordée seulement en 1908. Elle devient directeur du petit laboratoire dont elle avait suivi la construction avec Pierre. Ces honneurs ont désormais un goût de cendres. Elle réserve toute son énergie et son crédit scientifique incontesté pour réaliser ce dont ils avaient rêvé à deux.

La consécration apportée par le Prix Nobel lui apporte le soutien spontané de mécènes émus par la misère des conditions dans lesquelles la recherche des Curie a été menée. Par ailleurs, les applications thérapeutiques du radium, dont les effets physiologiques avaient été très tôt étudiés par Pierre, se sont largement développées et la nécessité d’avancer dans les recherches sur le radium et d’autres éléments radioactifs s’impose, Marie étant la seule à pouvoir les coordonner. Elle a montré ses qualités d’organisatrice, sachant sortir de la réserve sans laquelle Pierre n’aurait pas su vivre, pour essayer d’obtenir ce que leur travail exigeait. Elle s’est révélée capable de convaincre et de bénéficier ainsi de collaborations qui ont suppléé à l’absence de soutien institutionnel. Lorsque le Dr Emile Roux, directeur de l’Institut Pasteur, propose en 1909 de créer un laboratoire pour Marie, l’Université se mobilise enfin sérieusement et la fondation conjointe de l’Institut du Radium est décidée avec deux laboratoires, le Pavillon Curie dirigé par Marie pour la physique et la chimie et le Pavillon Pasteur dirigé par le Dr C. Regaud pour la biologie. Marie s’investit complètement dans le projet, comme Bronia et son mari ont pu le faire lorsqu’ils ont créé leur sanatorium près de Zakopane quelques années plus tôt. En attendant que la construction soit effective, Marie dirige un nombre croissant de collaborateurs et les bénéficiaires des “bourses Curie” financées par A. Carnegie, en tout environ 25 personnes, ce qui constitue à l’époque une unité de recherche exceptionnellement importante. Les boursiers, dont plusieurs jeunes femmes, sont choisis par elle avec soin. Certains viennent de Pologne.

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Mais Marie est aussi une mère de deux petites filles dont elle tient à suivre, en dépit de ses occupations, le développement physique et intellectuel. Sans doute sous l'influence passée de Pierre, elle trouve les programmes scolaires trop livresques. Elle met sur pied avec des collègues amis une école "coopérative" où chacun enseignera à l'ensemble de leur enfants les matières qu'il maîtrise. Par exemple, Jean Perrin est chargé de la physique, Marie de la chimie. Outre que les enfants bénéficient de professeurs exceptionnels et motivés, l'originalité de cet enseignement , très en avance sur son temps, est d'amener les élèves au désir d'apprendre et de raisonner par toutes sortes d'activités peu conventionnelles. Pour la physique et la chimie, ils sont initiés à des expériences dans les laboratoires de Perrin à la Sorbonne ou de Marie à l'EPCI. Marie tient aussi à ce que ses filles bénéficient de l'exercice au grand air et organisera leurs vacances, souvent avec les mêmes amis parisiens, pour qu'elles pratiquent différents sports.

Au Congrès international de Radiologie et d’Electricité de Bruxelles en septembre 1910, un Comité discute les modalités de disposer d’un étalon international de radium, seul moyen de tester la pureté des échantillons radioactifs qui sont préparés en nombre croissant dans le monde. Il est facilement admis qu’il revient à Marie Curie de préparer le radium et de l’étalonner et que l’unité de radioactivité sera nommée le “curie, en hommage à feu le professeur Curie", comme l’activité émise par un gramme de radium. Cependant les membres du Comité se heurtent à l’entêtement de Marie pour conserver dans son propre laboratoire l’étalon qu’elle aura préparé. Il est vrai qu’elle seule peut évaluer les efforts qui ont permis d’aboutir à l’isolement d’un tel élément et la charge affective liée à un travail mené en collaboration avec Pierre est trop forte. Avec tact, Rutherford négociera en ami et l’amènera lentement à l’idée raisonnable de déposer l’étalon dans un lieu indépendant, au Bureau des poids et mesures de Sèvres, au nom du Comité international. Marie l’y apportera avec Debierne le 21 février 1913 sous la forme d’une ampoule scellée de 21 milligrammes de chlorure de radium pur. Cette année 1910 et la suivante vont amener d’autres épreuves pour Marie. En dépit de toutes les distinctions accordées par des institutions du monde entier, la candidature de son nom que certains ont présentée à l’Académie des Sciences n’est pas retenue. Des campagnes de presse virulentes, antiféministes, enveniment le débat. Il y en aura d’autres, plus insidieuses, lorsque des rumeurs provenant de Jeanne Langevin laissent entendre qu’une liaison existe entre Marie Curie et son mari Paul, ancien élève et grand ami de Pierre. Le scandale éclatera en dépit de la médiation des amis de Marie et celle-ci doit s’éloigner de Paris. Elle fait des expériences cryogéniques à Leiden, puis emmène ses filles en vacances à Zakopane pour leur première visite en Pologne. Pendant que Marie assiste fin octobre au premier Congrès Solvay à

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Bruxelles avec les plus grands noms de la physique, la presse se déchaîne à Paris. Le 23 novembre sont publiés des extraits de lettres volées de la correspondance entre Marie et Paul Langevin échangée dans l’été 1910. Dans ce même mois l’Académie suédoise songe à décerner à Marie le Prix Nobel de Chimie mais s’inquiète du scandale. Une dépêche de l’Agence Reuter a annoncé le Prix le 7 novembre et la presse française ne la répercute pas. L’académicien S. Arrhenius prie Marie de ne pas venir assister à la cérémonie des Prix et demande qu’elle s’engage par écrit à ne pas accepter le Prix tant que les “accusations” la concernant n’auront pas été montrées sans fondement. A cette lettre terrible, Marie répond bravement que “...le prix m’a a été décerné pour la découverte du radium et du polonium. J’estime qu’il n’y a aucun rapport entre mon travail scientifique et les faits de vie privée [...]”. Elle télégraphie au contraire sa participation à la cérémonie et, malgré sa mauvaise santé, elle est le 10 et 11 décembre à Stockholm avec Irène et Bronia.

Dans son discours officiel, Marie tient à revendiquer ses contributions personnelles dans le cadre plus large des différentes étapes de la jeune histoire de la radioactivité. Cette insistance que l’on retrouve dans d’autres textes résulte de la marge étroite que lui laisse l’attitude ambiguë qu’elle a choisie. En cultivant avec ferveur la mémoire scientifique de Pierre, elle a accentué le risque de voir son propre rôle ramené à celui d’une collaboratrice ordinaire dans l’association qu’ils formaient, et Pierre justement n’est plus là pour témoigner des découvertes originales très importantes de Marie pendant les années les plus fécondes de sa recherche. Dans le contexte psychologiquement éprouvant qu’elle est en train de vivre, l’affirmation objective de ses contributions par rapport à celles de Pierre, et le désir de convaincre l’Académie qu’elle est amplement digne du Prix, au-delà de tout “fait de vie privée”, sont pathétiques.

Marie a épuisé toutes ses forces au cours des évènements subis depuis un an et dans son défi d’aller recevoir finalement son prix à Stockholm. Elle doit être opérée des reins et la convalescence loin de Paris sera longue de plusieurs mois avec des rechutes. Pendant cette période, une délégation polonaise vient transmettre à Marie une lettre d’Henrik Sienkiewicz et lui offrir de revenir à Varsovie pour diriger le Laboratoire Radiologique Kernbaum du nom d’un de ses jeunes collaborateurs polonais, tragiquement disparu. Elle accepte seulement de le diriger de loin car l’Institut de Paris est en construction . Deux de ses assistants Jan Kazimierz Danysz et Ludwik Wertenstein en assureront donc la direction et elle ira à Varsovie en 1913 pour l’inauguration solennelle au cours d’une visite très émouvante.

Une scientifique dans la guerre

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Alors que son Institut du Radium reçoit les derniers aménagements, la déclaration de guerre surprend Marie qui devait rejoindre ses filles en vacances en Bretagne. Elle entreprend aussitôt de transporter à Bordeaux le très précieux stock de radium. Un gramme de radium est estimé en effet, en raison de sa rareté et de la tâche pour l’isoler, au prix qu’aura coûté l’Institut lui-même. Marie souscrit sans hésiter, grâce à ses fonds du Prix Nobel, aux emprunts de guerre qu’elle sait pourtant rarement remboursés. Ses collègues et les collaborateurs du laboratoire sont mobilisés. Elle décide de servir elle aussi son pays d’adoption car "il sera certainement nécessaire de mettre de côté la science et de ne penser qu'aux intérêts nationaux les plus immédiats". Elle choisit de créer un service radiologique pour examiner les blessés. Grâce à sa notoriété et ses relations scientifiques, elle réunit des fonds et se fait offrir des véhicules (“les petites Curie”) sur lesquels elle fait installer des appareils de rayons X “qui se trouvaient sans emploi dans les laboratoires ou chez les médecins mobilisés”. Elle devra gagner aussi la confiance des services militaires de santé et dépenser des trésors d’ingéniosité et de persuasion pour surmonter les tracasseries administratives de fournitures ou de transport. Elle accompagne le matériel sur les sites d’opérations, en enrôlant aussi la jeune Irène, juste bachelière et qui a suivi une courte formation d'infirmière. Ensemble, elles forment des infirmières comme manipulatrices de rayons X pour aider sur place les médecins. Ces installations mobiles (dix-huit) ou d’autres fixes dans les hôpitaux de campagne (environ deux cents) serviront à guider la main des chirurgiens pour opérer des dizaines de milliers de blessés. Elle crée aussi dans son laboratoire un service qui fabrique des ampoules de radon, extrait des sources de radium, pour soigner les blessés. Dans l’action et l’urgence, Marie se retrouve et donne toute la mesure de ses capacités d’organisation, d’improvisation et de total dévouement à la cause nationale. Sa sensibilité aussi, qu’elle masque habituellement, apparaît lorsqu’elle évoque les corps terriblement mutilés qu’elle a vus si souvent. Malgré la vie rude qu’elle mène, sa propre santé semble meilleure. Avec la victoire, elle a la grande joie d’apprendre enfin la libération de sa chère Pologne.

La “Patronne”

Avec son nouveau laboratoire, situé sur la rue qu’elle fait baptiser Pierre Curie, Marie dispose du centre de recherche le plus important de France. Elle a suivi son équipement en détail, sans oublier les plantations de tilleuls et de fleurs du petit jardin. Elle oriente résolument la recherche vers la préparation de sources intenses radioactives et vers les nouvelles méthodes à établir pour extraire les radioéléments de différents minerais qui font l’objet de collaborations avec l’industrie. En effet, la possession de ces radioéléments, qui ne seraient pas disponibles

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autrement, conditionnent toutes les recherches physiques ou chimiques à venir. Le laboratoire fait office également de laboratoire national car sa spécificité lui donne vocation pour procéder aux étalonnages de radioactivité dans des échantillons ou des appareils dont les médecins et les industriels ont de plus en plus besoin. Le laboratoire collabore avec l’Institut Pasteur pour étudier les effets physiologiques de la radioactivité. Plusieurs chercheurs sont rémunérés par des contrats extérieurs et certains créeront plus tard leur entreprise. La personnalité et la renommée de Marie attirent le soutien de mécènes et permettent d’accueillir des étudiants de divers pays qui à leur retour feront école. L’atmosphère du laboratoire est studieuse mais peu hiérarchisée, car Marie, “la Patronne”, dirige directement chacun et suit elle-même tous les détails, ce qui n’exclut pas de laisser de l’initiative à ses collaborateurs. Irène qui a réussi à obtenir sa licence pendant la guerre est parmi eux et la complicité professionnelle qui existait autrefois avec Pierre est recréée, suscitant parfois des jalousies avec les autres chercheurs.

Bien qu’elle n’aime pas se laisser distraire du laboratoire, Marie accepte en 1921 la proposition d’une journaliste américaine, “Missy” Meloney, de traverser l’Atlantique pour recevoir au nom du Laboratoire Curie le don d’un gramme de radium qui doublerait d’un coup le stock patiemment accumulé depuis vingt ans. Il est surprenant de voir Marie se prêter de bonne grâce à la campagne de presse orchestrée par Missy et destinée à recueillir les dons des femmes américaines. Peut-être Marie est-elle devenue plus insensible qu'autrefois aux déformations journalistiques qui sont inévitables dans un tel flot d’articles. Il est vrai que Missy a tenu sa promesse de respecter sa vie privée. Marie est fatiguée et souffre de la cataracte. Cependant, bien entourée par ses filles qui l’accompagnent, Marie est intéressée par les visites des universités, notamment de jeunes filles où elle est reçue avec enthousiasme, les rencontres avec les industriels qui ont monté des usines de radium sur la base des procédés qu’elle et Pierre leur avaient fournis, et même la visite des paysages magnifiques et sauvages du Grand Canyon ou des chutes du Niagara. Elle recevra, outre le gramme de radium, bien d’autres soutiens financiers qu’elle considère aussi comme autant d’hommages à la mémoire de Pierre et dont le Laboratoire Curie bénéficiera longtemps. Elle fera un second voyage en 1929 pour recevoir un autre gramme de radium pour l’Institut du Radium de Varsovie qui est bien plus démuni et qui lui tient à coeur. Elle avait eu en effet des contacts avec les autorités polonaises pour promouvoir un projet d’institut dont en 1925 elle pose, après le président de la république, la seconde des très nombreuses briques offertes par le peuple polonais. Marie sera l’invitée d’honneur en 1932 à l’inauguration solennelle de l’Institut du Radium à la fondation duquel sa soeur Bronislawa Dluska se dévoua également avec enthousiasme.

En 1922 Marie accepte d’être nommée, et elle restera jusqu’à sa mort un membre actif, à la Commission de la Société des Nations pour la Coopération Intellectuelle. Parmi tous les titres

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honorifiques qui lui sont décernés, elle est particulièrement sensible à son élection à l’Académie de Médecine faisant partie de l’Institut de France dont elle devient ainsi le premier élément féminin. Progressivement d’autres laboratoires, dont celui de Jean Perrin, sont implantés sur l’espace appartenant à la Sorbonne autour de l’Institut du Radium. Marie obtient grâce à des fonds de la Chambre des Députés qu’un deuxième pavillon soit construit à côté du premier Pavillon Curie pour faire face à l’activité grandissante du laboratoire. Sous la direction de Jean Perrin, les fondations Rothschild et Rockefeller font des dons importants qui permettent la création d’autres instituts dans le même périmètre. La recherche scientifique est financée de plus en plus par des fonds privés, indépendamment de l’Etat. Le groupe formé de Jean Perrin, Marie Curie, Emile Borel, Paul Langevin en vient à contrôler leur destination. Plus tard, Perrin réussira à déplacer la majeure partie de ces fonds de recherche traditionnellement distribués par l’Académie des Sciences à un organisme qui sera le Centre National de la Recherche Scientifique. La politique de Marie de doter son laboratoire de sources radioactives toujours plus puissantes et diverses porte ses fruits. Marie retrouve le sourire épanoui de ses années heureuses lorsqu’un de ses collaborateurs lui fait part d’un résultat inattendu et fascinant. Elle ne laisse à personne d’autre le soin de préparer avec minutie et rapidité les sources pures qui serviront à une expérience cruciale. Le chimiste Marcel Guillot dira : “le premier contact avec Mme Curie laissait une impression étrange, [...] et cela d’autant plus que le visage était impassible, et le regard perdu au point de donner l’impression d’une totale indifférence. Mais si Mme Curie sentait que son visiteur venait à elle mû uniquement par l’ardeur scientifique, et que le seul objet de son entrée dans le laboratoire était la Recherche, sa physionomie, d’abord glaciale, s’éclairait, et une extraordinaire impression de disponibilité humaine se dégageait de cette femme, à la voix très douce, qui devenait alors capable de la plus grande bienveillance [...]. Sa sollicitude pour chacun de nous avait quelque chose de familial et de presque maternel”.

Toutefois, de nombreux faits commencent à attester que les effets physiologiques de la radioactivité sont des menaces pour ceux qui manipulent les radioéléments. Un rapport préparé en 1925 par plusieurs spécialistes, dont Marie, recommande des pratiques déjà appliquées au Laboratoire Curie depuis 1921. Des examens sanguins sont pratiqués périodiquement pour le personnel, des écrans de plomb sont interposés entre les foyers actifs et le manipulateur. Le contact direct des doigts avec les récipients des substances radioactives doit être évité grâce à des pinces et l’inhalation des émanations actives grâce à des hottes aspirantes. Néanmoins des collaborateurs de Marie et des ingénieurs des usines qu’elle connaît ont été frappés de leucémies mortelles ou de radiodermites. Irène aussi manifestera une formule sanguine anormale. Les connaissances de l’époque sont trop balbutiantes pour imaginer que les effets puissent résister à un repos en montagne et soient irréversibles. En fait, malgré les dermites, la cataracte et les bourdonnements d’oreille continuels, sans oublier

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les accès de fatigue profonds et les évanouissements qu’elle a connus et qu’elle cherche à masquer à son entourage, Marie est d’une résistance rare eu égard aux conditions dans lesquelles elle travaillait avec Pierre et à sa longue intimité avec la radioactivité. Elle répugne à admettre que les radioéléments qu’elle a isolés, étudiés, et qui sont également efficaces pour soigner, puissent se révéler si dangereux et elle veut donc croire que l’habileté manuelle - qu’elle possède elle-même indéniablement - et les recommandations de sécurité bien observées sont suffisantes.

Marie continue à se soucier de l’avenir de l’Institut. Elle n’imagine pas de vivre loin de lui quand sa santé le lui permet. Le 15 janvier 1934, Irène et son mari Frédéric Joliot, qui est un ancien brillant élève de l’EPCI et qui avait été recommandé à Marie par Langevin en 1924, confirment leur expérience démontrant la découverte de la radioactivité artificielle. Les particules émises par une source de polonium, qui grâce aux thésaurisations de Marie est la plus intense du moment, rendent la cible d’aluminium elle-même radioactive avec une durée de vie propre de trois minutes même lorsque le polonium est éloigné. Conscients des implications d’un tel résultat, qui leur vaudra le Prix Nobel de Chimie en 1935, Irène et Frédéric alertent Marie. Elle vient avec Langevin qu’elle a prévenu au passage pour assister au phénomène. Frédéric écrira : “Je n’oublierai jamais l’expression de joie intense qui s’est emparée [de Marie] lorsqu’Irène et moi nous lui avons montré dans un petit tube de verre le premier radioélément artificiel. Je la vois encore prenant entre ses doigts déjà brûlés par le radium ce petit tube de radioélément, d’activité encore bien faible. Pour vérifier ce que nous lui annoncions, elle l’approcha d’un compteur Geiger et put entendre les nombreux “top” du compteur de rayons [...]. Ce fut sans doute la dernière grande satisfaction de sa vie”.

A partir de Pâques, Marie est exténuée et sujette à des fièvres. Elle est emmenée dans un sanatorium en Savoie où sa formule sanguine indique une anémie pernicieuse foudroyante. Marie meurt le 4 juillet 1934. Ses obsèques en présence de ses proches français et polonais dans le petit cimetière de Sceaux où elle rejoint Pierre sont simples. Mais en avril 1995, la France voudra marquer solennellement sa reconnaissance à la femme exceptionnelle que fut Marie Sklodowska-Curie en décidant le tranfert du cercueil de Marie avec celui de Pierre au Panthéon.

Bibliographie

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CURIE Marie, Traité de Radioactivité, 2 vol., Gauthier-Villars, 1910.CURIE Pierre, CURIE Marie S., Sur une substance nouvelle radioactive, contenue dans la pechblende, C.-R. Ac. Sc., 1898,127,175. CURIE Pierre, CURIE Marie et BEMONT Gustave, Sur une nouvelle substance fortement radioactive, contenue dans la pechblende, C.-R. Ac. Sc, 1898,127,1215. GIROUD Françoise, Une femme honorable, Fayard, 1981. HAISSINSKY Moïse, La Chimie nucléaire et ses applications, Masson, 1957.JOLIOT-CURIE Irène, Les Carnets de laboratoire de la découverte du polonium et du radium, Addition à l’édition de Pierre Curie par Marie Curie, 1955.KROH Jerzy, Early Developments in Radiation Chemistry, ouvrage collectif, Royal Society of Chemistry, 1989.LORIOT Noëlle, Irène Joliot-Curie, Les Presses de la Renaissance, 1991.PFLAUM Rosalynd, Marie Curie et sa fille Irène, Belfond, 1992.QUINN Susan, Marie Curie, Editions Odile Jacob, 1996.RADVANYI Pierre et BORDRY Monique, La Radioactivité artificielle et son histoire, Le Seuil-CNRS, 1984.REID Robert, Marie Curie, derrière la légende, Le Seuil,1979.SKLODOWSKA CURIE Marie, Rayons émis par les composés de l’uranium et du thorium, C.-R. Ac. Sc, 1898,126,1101.

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100 years after the Po and Ra Discovery, Museum M. Sklodowska-Curie, Warsaw, 2 February 1998,

Orbital (Poloskie Towarz Chem.) 1998, 9-22. English version*

THE SCIENTIFIC PERSONALITY OF

MARIA SKLODOWSKA-CURIE

Jacqueline BELLONI

Laboratoire de Physico-Chimie des Rayonnements, Associé au CNRS, Université Paris-Sud, 91405 Orsay, France

Maria Sklodowska-Curie was a personality whose renown extended farbeyond the limits of the scientific world already in her lifetime. Her legend dwells on the strong contrast between the appearance, through the iconography of the time, of a frail woman whose health had suffered from her handling of dangerous substances, and the extraordinary power of the scientific revolution which the discovery of radioactivity brought about in all fields of basic research, applied research and medicine. When in 1898, following upon the discovery of uranium rays by Henri Becquerel in 1896, Marie and Pierre Curie discovered the new elements polonium and radium, they traced the way for the study of these surprising phenomena and opened up fascinating horizons which the science of the 20th century is still exploring.

The mythical image which crystallized around Marie Curie gave rise to numerous biographical works, to plays and films, and popularized her features on medals, stamps and bank notes, as those of a true modern heroine. However, in the end, this stereotyped image concealed the real scientific personality of its model and the position which Marie Curie conquered in a world of research which had a very different structure from today's and which, above all, was far from ready to accept a woman in its ranks.

A gifted child

In order to understand how she built up this personality, it is necessary to return to the years of her childhood and adolescence in Warsaw. Poland, occupied by Russia, was merely

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the Province of the Vistula. The University of Warsaw was closed after the uprising of 1830. Maria was the last child among four daughters and one son in a family of teachers, Wladyslaw Sklodowski and Bronislawa Boguska. Both were very attached to their country and each of them had a brother who was seriously involved in the insurrection of January 1863. The father was teaching physics and mathematics, like his own father in the previous generation, but the political situation did not allow him to have access to interesting posts. Up to the birth of Maria, on 7th November 1867, her mother was in charge of an excellent private school for girls in Freta Street, where the family had the advantage of being lodged.

In spite of the financial difficulties of the family and the illness of the mother who was obliged to undergo far away frequent cures for her tuberculosis, the children blossomed out and always kept up very strong bonds of affection and solidarity between themselves and with their parents. Maria was a precocious and gifted child, learning without effort. She lived in a studious atmophere like her brother and her sisters, was very fond of reading and turned out to be an even more brilliant pupil than they were. However, she was only eight years old when she was struck by the death of her oldest sister, and eleven when her mother died. She overcame these painful griefs and, at the age of fifteen, finished her secondary studies as the head of her class with the school-leaving certificate, a gold medal of her college and prizes of excellence in mathematics, literature, history, German, English and French.

A brave young woman

With the aid of the great family of uncles living in the country, Maria thereafter spent a carefree and joyful year at the homes of several of them, an important landmark in her young life, before returning to the financial worries of her family and the choice of her own future. Her brother Jozef pursued his medical studies. Maria and her sister Bronia, by two years her elder, were firmly decided to undertake university studies, although universities were closed to Polish women and their unique and very costly possibility consisted in registering in Paris or Geneva. After a year of giving private lessons and studying on her own, Maria suggested that she could help Bronia financially to go to Paris and study medicine whilst she herself would take a post of tutor in a family, until Bronia would be installed as a physician and in turn help her to study physics in Paris.

This plan was all the more courageous as Maria, aged eighteen, already knew the difficult status of a private teacher, caught between the duty of efficiency towards pupils who had not acquired a taste for learning like the Sklodowski children, and the obligation to act in agreement with the employer family. But Maria assumed her decisions, including that of leaving her family home, with a devotion she had learned from her parents. Sometimes her

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optimism and her faith in "the good education and the solid culture received from their father" which she expressed in her letters to him, gave way, when she wrote to other people close to her, to discouragement and a temptation to give up which are very understandable. She "even lost the hope of ever becoming somebody", but found the necessary arguments to encourage her brother not to abandon his project to remain in Warsaw and to "do research". She took the time to improve her French and her scientific knowledge by herself, while dreaming about the Sorbonne. She was interested in observing the provincial society and the agricultural activities around her, and with the young girl of the family she organized courses of reading and writing in Polish for peasant children of the neighbourhood, in defiance of Russian law. Already Maria's personality revealed itself. Her objectives for later were ambitious, but for the time being she attempted to prepare for them and took risks in order to put her generous principles into practice and to share with others the access to knowledge. She had to renounce an idyll with the student of mathematics, eldest of the family, at the request of his parents who considered her condition as unworthy of their son. She accepted another post with its constraints because that situation allowed her to help her kin. This period kept her far from them and from any distraction because she renounced any unnecessay expense and even holidays. It came to an end when Bronia invited her at last to join her in Paris.

A brilliant student

Surprisingly Maria seemed to hesitate when the realisation of her dream became a possibility. She was afraid to break her father's hope of having her living with him. Her brother and her sister Hela were not yet established and needed help themselves. But her "heart breaks when [she] thinks of [her] wasted gifts which after all should have some value". Maria often found herself facing these inner conflicts between the consciousness of her abilities, including the efforts she felt capable of devoting to an aim, and the constraints of the sphere in which she lived. She guessed, simply by a comparison with those close to her, such as Bronia and other students of her generation, that she possessed the intellectual means of her ambition, but she also knew the obstacles she would have to overcome. Finally Maria decided to spend another year in Warsaw in order to gather some savings necessary for her first registration in Paris, and using her spare time for completing her scientific formation, especially in practical work, attending "in the evenings after dinner or on Sundays", the laboratory of the Museum of Industry and Agriculture where a cousin was good enough to welcome her. She made herself familiar with the instruments of chemistry and physics, of spectroscopy for example, sometimes with "a little success" or "accidents and failures due to [her] lack of experience". There she developed "[her] taste for experimental research" and felt for this activity a fascination which lasted all her life and justified everything she undertook.

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In 1891 Marie, aged 24, registered at the Sorbonne. Without delay she organised her life so as to devote all her time to her studies aimed at the "licence" in physical science. She chose a very modest room near the Sorbonne and the libraries in order to devote herself at any hour to her long-retained passion for study. "Everything new I saw and learned enchanted me. It was like a new world opening up to me, the world of science which I wasabsolutely free to know". She also renounced returning to Warsaw for the following summer holidays in order to further improve her French. At that time, among 9000 Paris students there were about 210 young women, mostly foreign, for physics and chemistry were not taught in French secondary schools for girls (these were created only as late as 1880), so that girls were not prepared for this type of "licence". Out of 23 women students registered in science (of a total of 1825 students), only two succeeded, for the first time in 1893, in obtaining their degree of "licence ès sciences physiques". One of these was Marie who was first. A Polish friend helped her to win the Alexandrovitch scholarship awarded to deserving Poles. This enabled her to register for a "licence" in mathematics and in May 1894 she also obtained this degree, ranking second out of five.

Undoubtedly her professors, many of whom were eminent, had already noticed this young woman who was so serious in her work and whose determination was unwavering. Thus she was introduced by a Polish physicist friend to Pierre Curie who was a specialist of magnetism and head of a laboratory at the "Ecole de Physique et Chimie Industrielle de Paris". In spite of a difference in age of seven years and an even greater difference in professional experience, their preoccupations immediately drew them together. They each found in the personality of the other the peculiarities which made them understand each other as if they had been old friends and partners. They shared a passion for science and they both nurtured a non-religious idealism for the progress of knowledge and the duty to transmit it to others. This kept them away from futile distractions and mundane events, and as regards Pierre, even from any concern about his career. While Marie spent her holidays in Poland that summer, Pierre wrote to her and began very discreetly to propose to her a future different from the one she had planned for so long and to which she had dedicated so many strenuous efforts. It seems that she hesitated to come back to France, but he argued that she must settle in France where she could teach. He knew Marie's scruples for renouncing a life close to her father and choosing instead to live far from her country, but he insisted, not "out of a friend's selfishness. But I simply believe that [...] you will accomplish here a more solid and more useful task" [....]. "However it would be marvellous, although I hardly dare believe it possible, to spend our lives side by side, hypnotised in our dreams : your patriotic dream, our humanitarian dream and our scientific dream". He demonstrates that " ... the latter alone is, I think, the most legitimate. For any discovery, however small, remains a conquest". To such a programme Marie could undoubtedly but subscribe, and she abode by it all her life.

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A scientific dream shared

Marie returned to Paris. Pierre launched out on the writing of his thesis on "The magnetic properties of substances at different temperatures" to the defence of which, in March 1895, he invited Marie. A chair was created for him at the EPCI. The wedding of Maria Sklodowska and Pierre Curie on 26 July 1895 in the little town of Sceaux was simple, but the family from Warsaw had come to take part in it. Pierre and Marie chose a flat close to the Ecole. Its luxury consisted in a rear view on a beautiful garden, but its furniture was as simple as could be. As she did for her future residences and for her holiday houses, Marie preferred beautiful sites, quiet and secluded, but attributed no importance whatever to the comfort of the furnishing. The young couple settled in its "scientific dream". While she was gathering notes for her first publication which brought her some earnings, Marie also prepared the "agrégation" in which she succeeded, once more ranking first. This would have given her the possibility to teach in a secondary school, if necessary. At the time that was the highest career accessible for a woman student in science. The following year, in September 1897, their first daughter, Irène, was born.

Although it was quite unprecedented in France for a woman to prepare a thesis in science (and very rare in medicine), Marie decided to take this route reserved for the male world. Her circle, both on the Curie and Sklodowski side, supported Marie and did not attempt to discourage the young mother from following her vocation. She chose to study the energy source of Becquerel's uranium rays of which it was known only that they impressed photographic plates, and also that they electrified air, as had been shown recently by Lord Kelvin, a friend of Pierre. She gratefully accepted from the director of the EPCI the permission to occupy a small, dusty and humid workshop. With Pierre she elaborated the original and delicate method of measurement which enabled her to quantify the phenomenon and which was to prove essential in guiding her forthcoming research. It is true that Marie found in Pierre the ideal support, both affectionate and experienced, for this ambitious enterprise which was to lead to extraordinary developments impossible to foresee in this month of December 1897. But the scientific personality of Marie, which was to lead her to such great success, was already well tempered : her intuition persuaded her to choose a poorly explored field, she accepted working without receiving any salary and under truly spartan material conditions very much like those which she had already experienced during her studies. She had become a very skilled and careful experimenter, mastering the very sensitive instruments conceived by Pierre and his brother Jacques, in particular the quadrant electrometer with a piezoelectric quartz, and she was conscious of being ready, if necessary, to face long and tedious labours. As in her first study on tempered steels, a systematic

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prospection proved necessary in order to detect substances liable to show the same properties as uranium. From different colleagues, she obtained samples for examination and quantitative comparison.

From her first observations, carried out rigorously, it soon appeared in February 1898 that pitchblende and later chalcholite were three to four times more active than could be expected from their uranium content. On 12th April a communication by Marie Sklodowska-Curie was read by Lippmann at the "Académie des Sciences", to be published in the "Comptes Rendus". This result "is very remarkable and leads one to believe that these minerals may contain an element much more active than uranium". The scientific style forbids any triumphant declaration and the adjective "remarkable" just aims at focussing the specialist's attention. But the implications of this sentence are so important that, before the results were published, they had been carefully cross-checked and the reproducibility of the instruments checked once again. For Marie and Pierre knew very well that the discovery of a new chemical element was an exceptional event. The method which led them to this discovery was also very original, for the existence of this element was postulated on the sole basis of its "radioactive" property (a new word introduced by the Curies in a second note). Besides, Marie showed that the radioactivity of uranium compounds was an atomic property, linked to the proportion of the element uranium in its different compounds, and this made it necessary to reconsider the classical conception of the properties resulting from the chemical bonds in which it was engaged. Even before this communication, "Pierre abandoned his work on crystals (temporarily, he thought) in order to team up with me in my research", as Marie wrote, not without a touch of affectionate humor and pride. So now Pierre who had managed all too well to convince the "serious" and "stubborn" student, first not to return to Poland, and then to link up her life with his own, who facilitated her access to a laboratory and to original instruments, was himself caught in the trap of the researches which Marie was undertaking and which were so promising that, as a good scientist, he considered it more urgent to develop them than his own favourite subject ! Immediately after the note to the "Compte Rendus", the couple decided to try and separate chemically the unknown element, and proceeded with Gustave Bémont, "chef de laboratoire" in the School, to treat a hundred kg of pitchblende from Joachimsthal, procured by Professor M. Suess of the University of Vienna.

The protocol for a chemical separation was quite a traditional one, resulting from the application of all the acquisitions of the chemical science of the time, for separating, by judiciously chosen reactions following each other in a strict order, first the great groups of elements with a close affinity, then the elements from each other, on the basis of more minute differences in behaviour. The method is lengthy, and in order to succeed in unmasking an unknown element, requires not only a very great skill at all stages, but also a great precision. Its sensitivity remains limited insofar as the progress of the separation process is followed

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only by weighings and hence cannot detect very rare elements. For this reason, Pierre and Marie counted on spectroscopy, a much more sensitive method, which they applied to the fractions enriched during the separation treatments. Thus, flame spectroscopy tests were tried very soon, with the aid of a colleague and friend, Eugène Demarçay, but in vain, as if the sensitivity of this method had no common measure with that of radioactivity.

In order to detect the unknown element, it was necessary to achieve a higher enrichment. Neither Pierre nor Marie could have suspected to what superhuman efforts this logic for the isolation of an element was to lead them later. However, the enthusiastic Marie was already prepared to repeat with about one hundred grammes of ore the separation treatments aimed at increasing the contents of fractions in which the searched-for element would concentrate. The same method of detection of the emitted activity which had enabled Marie to postulate the presence of a new element was to follow its trace at every step. Progressively, in the course of successive treatments over several weeks, they obtained fractions which, compared with uranium as a standard, were no longer 3-4 times more active, as in pitchblende, but 17 times for the fraction of sulfides, and then 150 times in the sulfides insoluble in ammonium sulfide. The unknown element accompanied bismuth. Another treatment which consisted in subliming pitchblende by heating produced an active black deposit towards 250-300°C, whereas bismuth sulfide remains in the hotter regions. The fraction was now 400 times more active than uranium. In the laboratory note-book common to Marie and Pierre appears for the first time on 13th July, next to the symbols for lead and bismuth, the symbol "Po" for the new element, named "polonium" in tribute to Marie's country. It is the custom to leave to the discoverers the privilege of naming a new element. The rare elements discovered since the periodic classification of Mendeleev in 1869 had received in general (except the rare gases) the names of countries or towns. The one chosen by the Curies had the peculiarity of referring to a country which, at the time, happened to be denied politically. It undoubtedly imposed itself on the patriot Marie who shared with her kin the hope of seeing her country again recognized, but also to Pierre, grateful and conscious of the great scruples Marie had in leaving Poland to come and live with him. In any case, the results were sufficiently convincing to consider announcing publicly "the new radioactive substance" in a note, signed by both Marie and Pierre, to the "Académie des Sciences", published on 18th July 1898. Immediately the "Académie" attributed to Marie the Gegner Prize of 3800 Francs (i.e. almost the annual salary of Pierre), but it was announced officially only to Pierre by Becquerel and Berthelot who congratulated him. Hierarchy obliged undoubtedly in the minds of these colleagues who in fact considered Marie as an assistant working in her husband's laboratory ! Marie was to be the laureate of the prize again in 1900 and 1902.

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The separation treatments were even more successful than the communication suggested. Another fraction, precipitated neither by hydrogen sulfide nor by ammonia, insoluble in presence of sulfate and containing no polonium, was also radioactive.Thus another element manifested itself, accompanying barium which is itself inactive. The chloride of the unknown element differs from the barium salt by being insoluble in alcohol. This property made possible an enrichment of this fraction by successive crystallisation cycles to a relative activity of 900. Demarçay was at last able to detect a new spectral line, together with those of barium, whose intensity increased with the number of enrichment cycles. This time, the element was to be called radium, from its major property which had allowed its discovery, in a note dated 26th December 1898, co-signed by Pierre and Marie Curie and G. Bémont. One of the future very close co-workers of Marie, Moïse Haissinsky, was to write : "Much has been said and written, on the one hand about the miserable conditions under which this work was carried out, in a shed, without any collaborators and without material means, and on the other hand about the courage and the stubborn purpose of the Curies. But even more striking, when examining these note-books, are the lucidity and the sureness with which they advanced towards the aim they had set for themselves, on a route never explored yet". Beyond the immense consequences of these discoveries, the magnificent lesson in scientific method and the passion of Marie and Pierre in the progression of their research have fascinated so many students in the following generations and incited them to devote themselves to research as they had done.

A stubborn young researcher

In spite of the demonstrations of the existence of two new elements, and the description of some of their chemical properties, Pierre and Marie knew well that a systematic study of their properties and their classification in the periodic table would be impossible without their isolation. Marie had been able to evaluate the efforts already devoted to the detection of polonium and radium. Nevertheless, this young woman with a fierce determination did not hesitate now to face the challenge of extending her procedure to larger quantities of ore, in order to obtain the elements in the pure state in weighable amounts. She succeeded in obtaining from the director of the School a disaffected shed situated in front of their laboratory, and in procuring ten tons of residues of pitchblende from Joachimsthal from which uranium had been extracted. This process must have enriched them in Po and Ra and moreover rendered them valueless. A gift from a benefactor paid for the transport. As soon as the residues were delivered, Marie, impatient, checked their activity and found it higher than that of the original ore. The procedure for separating radium seemed simpler than for polonium, and it was decided to begin with radium.

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Marie knew that for research work done with a view to a thesis she could hope for no technical assistance. Even Pierre did not have any, except for the practical work of the School. She could only count on herself, but she felt strong enough to undertake the task. She organized so as to treat the ore in 20 kg batches, which required handling much larger amounts of reagents, many of them acid, and about a thousand litres of water, with series of transfers of material and attack by boiling reagents in huge containers. At a certain stage of enrichment, the concentrated section was put aside to be added to other batches before proceeding with further more delicate treatments of repeated fractional crystallisations, in order to separate radium from barium. She succeeded later, when their work had drawn attention after 1899, in convincing industrialists, such as the "Société Centrale des Produits Chimiques" which had already commercialised Pierre's instruments, to undertake in a plant the first steps of the procedure developed. This saved her the handlings of the heaviest loads, but she would never renounce her aim of obtaining pure radium.

It is exceptional that research work should require such extenuating physical labour, caused by the extreme dilution, of the order of one part per million, of radium in the ore and by the absence of technical aid. But Marie preferred to face it with courage and tenacity, rather than to give up. Her awareness of doing pioneering work in a fertile field and the exceptionalunderstanding between Pierre and herself were enough to make her forget her fatigue. They never tired of marvelling at the fact that "our products concentrated in radium were all spontaneously luminous" and "these glows were an ever renewed cause of emotion and ravishment". The obvious progress of their work was a compensation for their efforts and a stimulus for their pursuit. Their highly active samples began to arouse interest. Very generously they offered some to several colleagues who wished to study them, in France, in England and in Warsaw. Without any counterpart, with the disinterestedness basic to their philosophy, they also broadcast widely the details of the protocol for the separation of radium requested by French and foreign industrialists starting on this production. Later Marie was to say : "In spite of the difficulties of our working conditions, we felt very happy....We lived with a unique preoccupation, as in a dream". Could the scientific dream promised by Pierre five years earlier be coming true ?

Acknowledgement by their peers was not long delayed. Pierre was invited to present their results at the International Congress of Physics in 1900 in Paris, attended by their most eminent colleagues. The University of Geneva made them proposals. Pierre was appointed "chargé de cours" in physics at the PCN (phycis, chemistry, natural sciences) of the Sorbonne, but without a new laboratory. As for Marie, she became the first woman appointed to teach at the "Ecole normale Supérieure de Sèvres", created twenty years earlier to teach the best women students preparing to be high school professors. She was to insist on introducing more experimental practice in this teaching. This brought her a first regular salary in France.

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A credit of 20.000 Francs was opened for Pierre by the "'Institut". But in 1902 Pierre first had his candidature for the chair of mineralogy at the Sorbonne and then his candidature to the "Académie des Sciences" turned down. In July, after four years of harassing and stubborn work, Marie published a note "On the atomic weight of radium" which she had determined to be 225 to within one unit, with the decigramme which she had just isolated. This enabled her to situate the element just after barium in the second column of Mendeleerv's table. She wrote up her thesis which she defended brilliantly in June 1903, the examiners being G. Lippmann, E. Bouty and H. Moissan. In August Marie who was pregnant suffered a miscarriage and she did not recover good health until November.

This same summer Pierre learned from Gustav Mittag-Leffler, a member of the Swedish Academy of Science who had been favourably impressed by the work of the Curies, that Pierre was proposed without Marie for the Nobel Prize in Physics. Pierre replied that he "strongly desire[s] to be rewarded together with Mrs. Curie, in respect for our common research on radioactive substances". The official letter informing them that they shared the Prize with H. Becquerel reached them in mid-November. Marie Curie was the first woman who received this high distinction and remained for a long time an exception. Her name immediately became famous beyond academic circles and among the general public, thanks to the press. Pierre and Marie considered all the fuss made around the event, the fanciful articles and the ceaseless disturbances, with irritation or a grinding humour, thinking of the means and the tranquillity which their research would need. Marie kept the indiscreet reporters at a distance with a motto "In science we must be interested in things, not in persons". Besides, both had health problems and needed rest, their daughter Eve was born in December 1904, and they had to postpone their visit to Stockholm until June 1905. At the beginning of the term in 1904, Pierre was at last appointed Professor and received from the Chamber of Deputies an endowment for the construction of a modest laboratory and three appointments, among which was that of Chef de Travaux for Marie. In July of the following year, Pierre was elected a member of the "Académie des Sciences".

The laboratory director

On 19th April 1906 Pierre was killed in a traffic accident while he walked to the library of the "Institut". Marie was shattered and those who tried to support her, her sister Bronia and the circle of scientist friends very close to Pierre and Marie dreaded a profound breakdown. For Marie the darkest years of her life began. She was to remain broken forever and to protect her sensitivity under an armour of coldness, impermeable to all but the closest,

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and disconcerting for those who approached her. But her family obligations and her scientific duties urged her on. In order to ensure the pursuit of Pierre's teaching, the male stronghold of the Sorbonne accepted her as "Chargée de cours" (lecturer), but not as Professor holding the chair which was granted her only in 1908. She became the director of the small laboratory the construction of which she had supervised with Pierre. These honours now had a taste of ashes. She set all her energy and her unquestioned scientific credit to the realisation of their common dream.

The consecration afforded by the Nobel Prize brought her the spontaneous support of benefactors who were moved by the extreme poverty of the conditions under which the Curies had carried out their research. Also, the therapeutic applications of radium, whose physiological effects had been studied very early by Pierre, had greatly developed and it appeared necessary to advance in the researches on radium and other radioactive elements. Marie was the only person who could coordinate them. She had shown her capacity as an organiser, able to overcome the reserve without which Pierre could not have lived, in order to try and obtain what their work demanded. She showed herself capable of convincing and thus obtained collaborations which made up for the absence of institutional support. When Dr. Emile Roux, the director of the Pasteur Institute, proposed in 1909 to create a laboratory for Marie, the University at last mobilised itself seriously, and the joint foundation of the Radium Institute was decided with two laboratories, the Pavillon Curie directed by Marie for physics and chemistry and the Pavillon Pasteur directed by Dr. C. Regaud for biology. Marie threw herself totally into the project, just as Bronia and her husband had been able to do when they created their sanatorium near Zakopane some years earlier. While waiting for the construction to be effective, Marie directed an increasing number of co-workers and the recipients of the "Curie scholarships" financed by A. Carnegie, in total some 25 persons. At the time, this was an exceptionally important research unit. The scholarship holders, among them several young women, were carefully chosen by her. Some came from Poland.

But Marie was also the mother of two little girls whose physical and intellectual development she followed intently, in spite of her occupations. Certainly under the past influence of Pierre she found that there was too much book learning in the school programmes. With friendly colleagues she set up a "cooperative" school where everyone would teach all their children the subject matters which he mastered. For instance, Jean Perrin was in charge of physics, Marie of chemistry. Thus not only did the children benefit from outstanding and motivated teachers, but the original character of this teaching, well in advance of its time, consisted in bringing the pupils to a desire for learning and reasoning by all sorts of activities which were hardly conventional. In physics and chemistry they were initiated in experiments in the laboratories of Perrin at the Sorbonne or of Marie at the EPCI. She was also anxious that her daughters should practise open air exercises and she organized

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their holidays, frequently with the same parisian friends, so that they should practise various sports.

At the International Congress on Radiology and Electricity in Brussels in September 1910, a committee discussed the ways and means of having at one's disposal an international radium standard, essential for checking the purity of radioactive samples which were being prepared in increasing numbers throughout the world. It was easily accepted that the honour of preparing the radium and of standardizing it should be bestowed on Marie Curie and that the unit of radioactivity should be called "the Curie, as a tribute to the late Professor Curie", defined as the activity emitted by one gramme of radium. However, the members of the committee came up against the stubborn wish of Marie to keep in her own laboratory the standard which she was to prepare. Of course, she alone was able to appreciate the efforts which had been necessary to achieve the isolation of such an element, and the sentimental memories of the work carried out jointly with Pierre were too strong. Rutherford negotiated tactfully as a friend and by and by convinced her that it would be reasonable to deposit the standard in an independent location, in the Bureau of weights and measures at Sèvres, in the name of the international committee. Marie brought it there with Debierne on 21st February 1913, in the form of a sealed tube containing 21 mg of pure radium chloride.

This year 1910 and the following one brought further torments for Marie. In spite of all the distinctions bestowed on her by institutions from all the world over, her candidature for the "Académie des Sciences", proposed by some colleagues, was turned down. Virulent antifeminist press campaigns poisoned the debate. There were to be others, more insidious, when rumours, originating from Jeanne Langevin, suggested the existence of an intimate relationship between Marie Curie and her husband Paul, a former student and a great friend of Pierre. The scandal broke out in spite of the attempted mediation of Marie's friends, and she had to move away from Paris. She carried out some cryogenic experiments in Leiden, and then took her daughters on holidays in Zakopane, for their first visit to Poland. While, at the end of October, Marie attended the first Solvay Congress in Brussels, with the greatest personalities of physics, the press unleashed itself in Paris. On 23rd November, extracts of letters stolen from the correspondence exchanged between Marie and Paul Langevin during the summer of 1910 were published. This same month, the Swedish Academy considered awarding Marie the Nobel Prize in Chemistry, but was worried about the scandal. A dispatch from Reuter had announced the Prize on 7th November, but the French press did not echo it. The academician S. Arrhenius begged Marie not to attend the Prize ceremony and asked her to make a written pledge not to accept the Prize before the "charges" made against her would be shown to be unfounded. To this terrible letter Marie replied bravely that ".... the Prize was awarded me for the discovery of radium and polonium. I consider that there is no relation between my scientific work and the facts of my private life [....]". She wired, on the contrary,

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her participation in the ceremony, and in spite of her bad health she was in Stockholm with Irène and Bronia on 10th and 11th December.

In her official speech, Marie claimed her personal contributions in the broader framework of the different steps of the young history of radioactivity. This insistance which also appears in other texts results from the narrow margin left to her by the ambiguous attitude she had chosen. Nurturing fervently the scientific memory of Pierre, she had increased the risk of seeing her own role reduced to that of an ordinary co-worker in their team, and Pierre was no longer there to bear witness to the very important original discoveries made by Marie during the most fruitful years of her research. In the psychologically very trying context which she was living, the objective assertion of her own contributions with respect to those of Pierre, and the wish to convince the Academy that she fully deserved the Prize, beyond any "fact of private life", are pathetic.

Marie had exhausted all her strength during the events she suffered over the past year and in her challenge to finally go and receive her Prize in Stockholm. She had to undergo a kidney operation and her convalescence far from Paris lasted for several months with relapses. During that period a Polish delegation brought Marie a letter from Henrik Sienkiewicz and an offer to return to Warsaw to head the Kernbaum Radiology Laboratory, named after one of her young Polish collaborators who had disappeared tragically. She accepted to direct it only from afar, for the Paris Institute was under construction. Two of her assistants, Jan Kazimierz Danysz and Ludwik Wertenstein, were to assume the direction, and she was to go to Warsaw for the solemn inauguration in the course of a very touching visit.

A scientist in the war

At the time when her Radium Institute received its final fittings, the declaration of war surprised Marie who was to join her daughters, on holiday in Brittany. She immediately set about transporting to Bordeaux the very valuable stock of radium. Indeed, the value of one gramme of radium is estimated at the price paid for the Institute itself, because of its rarity and the difficulty of isolating it. Without hesitating, Marie subscribed, thanks to her Nobel Prize funds, to the war loans, although she knew that such loans are rarely refunded. Her colleagues and collaborators at the laboratory were mobilised. She decided that she too would serve her adoptive country, for "it will certainly be necessary to put aside science and to think only of the most immediate national interests". She chose to create a radiological service for examining the wounded. Thanks to her fame and her scientific relations, she collected the necessary funds and had vehicles offered to her ("the little Curies") on which she had X-ray machines installed "which happened to be unemployed in laboratories or consulting rooms of mobilised doctors". She also had to gain the trust of military health services and to dispense great ingenuity and persuasion in order to overcome the red tape connected with supplies or

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transportation. She took the equipment to the sites of operations, enlisting also young Irène, fresh from her school-leaving certificate, who had taken a short course to train as a nurse. Together they taught nurses to be X-ray manipulators in order to help the doctors on the spot. These mobile units (eighteen) or other fixed ones in field hospitals (about two hundred) guided the hands of surgeons in operating tens of thousands of wounded. She also created in her laboratory a service which prepared tubes containing radon extracted from radium sources, which were used to treat the wounded. In action and urgency Marie was herself again and gave the full measure of her gifts for organisation, improvisation and total devotion to the national cause. Her sensitivity also, which she usually concealed, appeared when she recalled the terribly mutilated bodies she had seen so often. In spite of the rough life she led, her own health seemed to have improved. After the victory, she had the great joy of witnessing at last the liberation of her cherished Poland.

The "boss"

With her new laboratory, situated in the street which she got named after Pierre Curie, Marie had the most important research centre in France. She had supervised its equipment in detail, without even forgetting the plantations of lime trees and flowers in the little garden. She resolutely turned her research towards the preparation of intense radioactive sources and towards the development of new methods for extracting radioactive elements from different ores, in collaboration with industry. For the possession of these elements which would not be available otherwise was the condition for all future physical and chemical research work. The laboratory also had a function of national laboratory, because its specific nature also conferred upon it the role of standardising radioactivity in samples or of apparatus which medicine and industry required more and more. The laboratory cooperated with the Pasteur Institute in the study of the physiological effects of radioactivity. Several research workers were paid by external contracts and some were to create their own enterprise later. The personality and the renown of Marie attracted the support of patrons and permitted the admission of students from various countries who, upon returning, would found new groups. The atmosphere of the laboratory was studious, but without much hierarchy, for Marie, "the Boss", guided everyone directly, following all the details, without excluding any personal initiative from her collaborators. Irène who had succeeded in passing her "licence" during the war, was among them, and the professional complicity which had formerly existed with Pierre, was re-created, which occasionally led the other workers to feel a certain jealousy.

Although Marie did not like to be distracted from her laboratory, in 1921 she accepted the invitation of an American journalist, "Missy" Meloney, to cross the Atlantic and receive for the Curie Laboratory the gift of one gramme of radium, thus doubling at one stroke the

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reserve which had been patiently accumulated over twenty years. It is surprising to see that Marie graciously lent herself to the press campaign orchestrated by Missy to collect the contributions of American women. Perhaps Marie had become less sensitive than before to the journalistic deformations which are inevitable in such a flow of articles. It is true that Missy kept her promise to respect her private life. Marie was tired and suffered from cataract. Nevertheless, surrounded by the care of her daughters who accompanied her, Marie was interested in the visits of universities, in particular those for girls, which gave her an enthusiastic welcome, in the encounters with industrialists who had set up radium plants based on the procedures which she and Pierre had described to them, and even in the visits of the magnificent and unspoilt sceneries of the Grand Canyon or the Niagara Falls. As well as the gramme of radium, she received many other financial supports which she also considered as so many tributes to the memory of Pierre and which benefitted the Curie Laboratory for a long time. She undertook a second journey in 1929 to receive another gramme of radium for the Radium Institute in Warsaw which was much poorer and to which she had a motherly devotion. For she had had contacts with the Polish authorities with a view to promoting the project of an Institute and in 1925 she had laid, after the president of the republic, the second brick out of the many offered by the Polish people. Marie was to be the guest of honour in 1932 at the solemn inauguration of the Radium Institute to the foundation of which her sister Bronislawa Dluska had also devoted herself enthusiastically.

In 1922 Marie accepted her nomination as an active member of the Commission of the League of Nations for Intellectual Cooperation, and this she remained up to the end of her life. Among all the honorific titles which were bestowed on her, she particularly appreciated her election to the "Académie de Médecine", of which she thus became the first female member. By and by other laboratories, among which that of Jean Perrin, were built on the grounds belonging to the Sorbonne around the Radium Institute. Thanks to funds from the Chamber of Deputies, Marie obtained the construction of a second pavilion alongside the first "Pavillon Curie", in order to cope with the growing activity of the laboratory. Under the direction of Jean Perrin, the Rothschild and Rockefeller Foundations made considerable donations which made possible the creation of other institutes within the same area. Scientific research was financed more and more by private funds, independently of the state. The group formed by Jean Perrin, Marie Curie, Emile Borel, Paul Langevin, gained control of their destination. Later, Perrin succeeded in transferring the major part of these research funds, traditionally distributed by the "Académie des Sciences", to an organism which was to become the "Centre National de la Recherche Scientifique".

Marie's policy of equipping her laboratory with ever more powerful and diverse radioactive sources bore its fruits. Marie recovered the broad smile of her happy years whenever one of her collaborators informed her of an unexpected and fascinating result. She

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left to nobody else the task of carefully and rapidly preparing the pure sources required for some crucial experiment. The chemist Marcel Guillot said : "the first contact with Mme Curie left you a strange feeling, [...] and that all the more since her face was unmoved and her eyes seemed lost, giving an impression of complete indifference. But if Mme Curie felt that her visitor was moved solely by his scientific fervour and the unique object of his coming to the laboratory was Research, her features, icy at first, lit up, and an extraordinary impression of human availability emanated from this woman, with a very gentle voice, who then became capable of the greatest benevolence [...]. Her concern for everyone of us had something of a family relation and was almost motherly".

However, many facts began to testify that the physiological effects of radioactivity are a menace for those who handle radioactive elements. A report prepared in 1925 by several specialists, among whom Marie, recommended practical measures which had already been applied in the Curie Laboratory since 1921. Blood tests were carried out periodically for the staff, lead shields were positioned between the active points and the operator. Direct contact of fingers with the containers of radioactive substances must be avoided by using tongs, and inhalation of active emanations by ventilating hoods. Nevertheless some of Marie's collaborators and engineers of the plants whom she knew were struck by deadly leukemias or radiation dermatites. Irène too showed abnormal blood counts. What was known at the time was too new and incomplete to let anyone imagine that these effects could persist after a period of rest in the mountains and would indeed be irreversible. In fact, in spite of her dermatites, her cataract and a continuous buzzing in her ears, not to mention the bouts of great fatigue and fainting fits which she had experienced and tried to conceal from her familiars, Marie had an extraordinary resistance, considering the conditions under which she had worked with Pierre and her long familiarity with radioactivity. She was reluctant to admit that the radioactive elements which she had isolated and studied and which had curing properties, could turn out to be so dangerous and she persuaded herself that manual skill - which she undeniably possessed herself - and the closely observed safety rules should be sufficient.

Marie continued caring about the future of the Institute. She did not consider the possibility of living away from it whenever her state of health permitted. On 15th January 1934, Irène and her husband Frédéric Joliot, a former brilliant student at the EPCI who had been recommended to Marie by Langevin in 1924, confirmed their experiment which proved the discovery of artificial radioactivity. The particles from a polonium source, the most powerful one existing at the time, hoarded up by Marie, made the aluminium target itself radioactive, with its own lifetime of three minutes, even when the polonium was removed. Irène and Frédéric, well aware of the implications of this result - which brought them the Nobel Prize in Chemistry in 1935 - called Marie. She came with Langevin whom she had informed on her way, to witness the phenomenon. Frédéric was to write later : "I shall never

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forget the expression of intense joy which seized [Marie] when Irène and myself showed her the first artificial radioactive element in a little glass tube. I can still see her picking up, with her fingers burnt already by radium, this little tube containing the radioactive elements, as yet of very low activity. To check what we announced to her, she brought it close to a Geiger counter and was able to hear the numerous "pips" of the radiation counter [...]. This was no doubt the last great satisfaction of her life".

After Easter, Marie felt exhausted and was subject to fevers. She was taken to a sanatorium in Savoy where her blood count indicated an acute pernicious anemia. Marie died on 4th July 1934. Her funeral, in the presence of French and Polish familiars, in the little cemetary of Sceaux where she was laid next to Pierre, was simple. But in April 1995 France expressed with solemnity her gratitude to that woman of exception Marie Sklodowska-Curie, by transferring her coffin and that of Pierre to the Panthéon.

Bibliography

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*Translator’s note : The author wishes to thank her old colleague and friend Fernand Kieffer for his translation (which he considers as his personal tribute to Marie Curie). The translator

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gladly acknowledges Jacqueline’s thanks and expresses the hope that he succeeded in rendering her text in reasonably decent English, without betraying its soul and spirit. The threat of the Italian aphorism « traduttore, traditore » was constantly present in his mind!

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