La participation et la représentation politique des femmes...

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La participation et la représentation politique des femmes au sein des instances démocratiques Laurence Bherer et Jean-Pierre Collin avec la coll. de Sandra Breux, Évelyne Dubuc-Dumas, Ève Gauthier et Amélie Dubé Groupe de recherche sur l’innovation municipale (GRIM) Institut national de la recherche scientifique Urbanisation, Culture et Société La participation et la représentation politique des femmes au sein des instances démocratiques municipales Laurence Bherer, Jean-Pierre Collin Avec la coll. de Sandra Breux, Évelyne Dubuc- Dumas, Ève Gauthier et Amélie Dubé

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  • La participation et la représentation politique des femmes au sein des instances démocratiques

    municipales

    Laurence Bherer et Jean-Pierre Collin avec la coll. de Sandra Breux, Évelyne Dubuc-Dumas, Ève Gauthier et Amélie Dubé

    Groupe de recherche sur l’innovation municipale (GRIM)

    Institut national de la recherche scientifique Urbanisation, Culture et Société

    La participation et la représentation politique des femmes au sein des

    instances démocratiques municipales

    Laurence Bherer, Jean-Pierre Collin Avec la coll. de Sandra Breux, Évelyne Dubuc-

    Dumas, Ève Gauthier et Amélie Dubé

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    Groupe de recherche sur les innovations municipales (GRIM)

    Institut national de la recherche scientifique Centre - Urbanisation Culture Société

    Montréal

    Avril 2008

    La participation et la représentation politique des femmes au sein des

    instances démocratiques municipales

    Laurence Bherer, Jean-Pierre Collin Avec la coll. de Sandra Breux, Évelyne Dubuc-

    Dumas, Ève Gauthier et Amélie Dubé

  • Responsabilité scientifique : Laurence Bherer, [email protected] Université de Montréal Jean-Pierre Collin, [email protected] Institut national de la recherche scientifique Centre - Urbanisation Culture Société

    Diffusion : Institut national de la recherche scientifique Centre - Urbanisation Culture Société 385, rue Sherbrooke Est Montréal (Québec) H2X 1E3 Téléphone : (514) 499-4000 Télécopieur : (514) 499-4065 www.ucs.inrs.ca

    ISBN 978-2-89575-102-1 Dépôt légal : Avril 2008 Bibliothèque et Archives nationales du Québec Bibliothèque et Archives Canada © Tous droits réservés

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    TABLE DES MATIÈRES

    LISTE DES TABLEAUX ............................................................................................................... IV 

    INTRODUCTION ........................................................................................................................... 1 

    1.  LES CAUSES DE LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES À L’ÉCHELLE MUNICIPALE ........................................................................................................................ 2 1.1  Les facteurs microsociologiques : le recrutement ................................................... 7 1.2  Les facteurs mésosociologiques : la sélection ...................................................... 10 1.3  Les facteurs macrosociologiques : l’élection ......................................................... 13 

    2.  LES FEMMES ET LA VIE POLITIQUE À MONTRÉAL ...................................................... 15 2.1  Les candidates par parti politique et par fonction au scrutin de 2001 ................... 16 2.2  Le résultat des élections de 2001 ......................................................................... 17 2.3  Les candidates par parti politique et par fonction au scrutin de 2005 ................... 20 2.4  Le résultat des élections de 2005 ......................................................................... 22 2.5  Les postes ............................................................................................................. 24 

    3.  LES INITIATIVES ENGAGÉES POUR PALLIER LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES À L’ÉCHELLE MUNICIPALE : CARACTÉRISTIQUES ET RÉSULTATS. ......... 28 3.1  Les pratiques touchant le recrutement ou les facteurs microsociologiques ......... 29 3.2  Les pratiques touchant la sélection ou les facteurs mésosociologiques .............. 39 3.2.1  Les guides et les formations .................................................................................. 41 3.2.2  Les mesures prises par les partis politiques ......................................................... 42 3.2.3  L’intervention législative ........................................................................................ 45 3.3  Les pratiques touchant les facteurs macrosociologiques ..................................... 48 3.4  La place des femmes dans les instances décisionnelles ...................................... 49 

    CONCLUSION ............................................................................................................................ 51 

    BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 55 

    ANNEXE 1 : LA REPRÉSENTATION DES FEMMES SUR LA SCÈNE POLITIQUE MUNICIPALE QUÉBÉCOISE : QUELQUES CONSTATS ............................................. 59 

    ANNEXE 2 : ENTRETIENS AVEC DES EXPERTES ............................................................. 61 

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    LISTE DES TABLEAUX

    Tableau 1.1 - Évolution du nombre de mairesse et de conseillère en pourcentage au Québec de 2000 à 2004 ....................................................................................................... 4

    Tableau 1.2 - Nombre de mairesses, de maires, de conseillères et de conseillers par taille

    de population ........................................................................................................................ 5 Tableau 1.3 - Principaux obstacles susceptibles d'expliquer la faible représentation des

    femmes sur la scène politique .............................................................................................. 7 Tableau 1.4 - Nombre de candidates par parti politique et par poste électif au scrutin de

    2001 à Montréal .................................................................................................................. 17 Tableau 1.5 - Nombre d’élues par parti politique et par poste électif en 2001 ........................... 18 Tableau 1.6 - Taux de succès des candidats, hommes et femmes, par parti politique et

    par poste, 2001 .................................................................................................................. 19 Tableau 1.7 – Pourcentage d’élues pour l’ensemble des postes électifs municipaux avant et

    après le scrutin de 2001 ..................................................................................................... 20 Tableau 1.8 - Nombre de candidates par parti politique et par poste électif au scrutin de

    2005 à Montréal .................................................................................................................. 21 Tableau 1.9 - Taux de succès des candidats, hommes et femmes, par parti politique et

    par poste, 2005 .................................................................................................................. 23 Tableau 1.10 - Nombre d’élues par parti politique et par poste électif en 2005 ......................... 24 Tableau 1.11 - Présence des femmes dans les différentes instances politiques de Montréal ... 26 Tableau 1.12 - Les outils visant à augmenter la représentation des femmes à l'échelle

    municipale ........................................................................................................................... 29 Tableau 1.13 - Exemples d’expériences et de programmes visant l'égalité de genre au

    Québec ............................................................................................................................... 32 Tableau 1.14 - Quelques exemples européens de pratiques touchant le recrutement .............. 35 Tableau 1.15 - Exemples des guides qui s'adressent directement aux femmes ........................ 36 Tableau 1.16 - Quelques exemples de pratiques touchant la sélection ..................................... 40 Tableau 1.17 - Évolution du nombre de mairesses et de conseillères dans les municipalités

    du Québec- 1980-2003 ....................................................................................................... 61 

  • Introduction

    L’objectif de cette étude est de s’interroger sur la représentation des femmes au sein des institutions démocratiques municipales. Même si la place des femmes en politique a augmenté considérablement dans les trente dernières années, leur nombre reste toujours en-deçà de leur poids dans la population. À l’échelle municipale, peu d’études se sont penchées sur l’état et les causes spécifiques de la sous-représentation féminine. Ce rapport fournit un cadre d’analyse afin d’identifier les enjeux les plus pertinents pour atteindre la parité entre les femmes et les hommes sur la scène politique montréalaise. Ce cadre d’analyse s’appuie sur l’identification des trois étapes clés qui mènent à un poste électif : le recrutement, la sélection et l’élection. Le découpage en trois étapes permet d’isoler les enjeux caractéristiques de chaque étape, de préciser le ou les étapes qui représentent le plus de défis en matière de représentation féminine et de présenter les moyens à prendre en fonction de l’étape visée afin de favoriser la représentation des femmes.

    La première partie examine les causes de la sous-représentation des femmes telles qu’identifiées dans la documentation touchant tous les paliers politiques, au Canada et ailleurs dans le monde. Cette méthode semblait la meilleure pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la rareté des études sur la politique municipale ne permet pas d’isoler les causes spécifiques de la sous-représentation des femmes à cette échelle. Deuxièmement, malgré les écarts entre la vie politique de chacun des paliers, il demeure plus prudent de ne pas anticiper sur la nature même de ces différences car cela demeure une question floue. L’objectif de cette première partie est donc de s’appuyer sur un large spectre d’études pour encadrer les analyses empiriques sur la Ville de Montréal. Dans la deuxième partie, un portrait de la représentation des femmes sur la scène montréalaise est brossé de manière à établir les enjeux caractéristiques de la scène politique montréalaise. En prenant soin de différencier la situation avant et après le scrutin de 2001, de même que la conjoncture la plus récente à la suite des élections du 6 novembre 2005, nous sommes en mesure d’évaluer l’évolution de la place des femmes au sein des instances représentatives depuis les fusions municipales.

    Enfin, la dernière section présente les initiatives engagées au Québec et ailleurs pour une représentation équitable des femmes à l’échelle municipale ou aux échelons supérieurs.

    Le but de notre démarche est ainsi d’établir un état des lieux de la représentation des femmes au sein des institutions démocratiques dans les municipalités et comme candidates aux élections municipales. Cet exercice s’articule autour de la revue des écrits pertinents, de statistiques de sources diverses et de nouvelles données

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    expressément compilées pour ce travail. Une première version de ce travail a été validée auprès d’experts, ce qui a permis de bonifier l’analyse pour le rapport final. Ce travail vise à ouvrir des pistes de réflexion permettant de progresser vers une répartition égalitaire des postes électifs entre hommes et femmes.

    L’ensemble des recherches pertinentes ont été réalisées en deux temps, soit entre juin et décembre 2005 et entre décembre et mars 2007, sous la direction de Jean-Pierre Collin, professeur titulaire à l’INRS-UCS, et de Laurence Bherer, professeure adjointe au département de science politique de l’Université de Montréal. L’équipe de recherche se compose également de Sandra Breux, Ève Gauthier, Évelyne Dubuc-Dumas et Amélie Dubé, assistantes de recherche à l’INRS-UCS. Ces recherches ont été menées notamment avec l’appui financier du Chantier sur la démocratie de la Ville de Montréal. Il faut aussi remercier les professionnels du Chantier pour les nombreux échanges que nous avons eu avec eux sur les synthèses et les analyses exposés dans cette note de recherche.

    1. LES CAUSES DE LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES À L’ÉCHELLE MUNICIPALE

    Si la représentation inégale des femmes est un enjeu présent à toutes les échelles politiques au Canada, cette distorsion est particulièrement préoccupante à l’échelle municipale, car il s’agit du palier politique où les femmes sont le moins présentes. Cette faible représentation touche tout d’abord le nombre de candidates. Par exemple, selon les données les plus récentes disponibles, en 2003, parmi les municipalités de plus de 5 000 habitants ayant tenu des élections, 20,8 % des candidatures étaient féminines alors qu’aux élections provinciales du 14 avril 2003, le nombre de candidatures féminines s’élevait à 26,7 % (Conseil du Statut de la Femme, 2005; MAMR, 2003). Le nombre de candidates à l’échelle municipale varie également en fonction d’un parti politique municipal à l’autre. À titre d’exemple, à Québec, au scrutin de 2001, le Renouveau Municipal présentait 35 % de candidates tandis que l’Action Civique offrait seulement 15 % de candidatures féminines (Simard, 2005 : 106). Le faible nombre de candidates se reflète également sur la quantité d’élues. Alors que l’Assemblée nationale du Québec comporte 30,4 % de députées et la Chambre des Communes 21,1 % à l’échelle du Canada et 26,7 % à l’échelle du Québec, les municipalités ferment la marche avec 22,7 % d’élues1 (Conseil du Statut de la Femme, 2002 : 3). La mauvaise position des municipalités est accentuée par le fait que les femmes occupent seulement 11,6 % des postes de maire. Cette sous-représentation des femmes aux échelons politiques inférieurs est corroborée par leur faible présence dans la majorité des

    1 Conseil du statut de la femme, http://www.csf.gouv.qc.ca/fr/stat/?ma=42#partici, site consulté en décembre 2005.

    MAMR. Statistiques sur la représentation des hommes et des femmes aux instances électives municipales –Rapport 2003. Pour l’Assemblée nationale et la Chambre des communes, les statistiques tiennent respectivement compte des élections d’avril 2003 et de juin 2004. Les statistiques sur les municipalités tiennent compte des élections de novembre 2003.

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    lieux de pouvoir et dans les organismes associés au développement local et régional : « la présence des femmes au sein des instances locales et régionales est minoritaire. À titre d’exemple, en 2002, elles occupent seulement 28,3 % des postes aux conseils d’administration des conseils régionaux de développement et 19 % de ceux des centres locaux de développement » (Paquet, 2003 : 18).

    Certes, si la représentation des femmes à l’échelle municipale n’est pas équitable, elle est en nette progression depuis une vingtaine d’années (Côté, 1999 : 1). À titre d’exemple, la proportion des femmes élues au poste de maire a pratiquement décuplé entre 1980 et 2003, passant de 1,5 % à 11,6 %. Un même constat est valable pour les postes de conseillères. Elles étaient 3,8 % il y a vingt-cinq ans alors qu’elles représentent actuellement près de 24,5 % des conseillers municipaux (selon des données de 2002, voir tableau 1.17, annexe 1).

    Cependant, on observe un certain essoufflement depuis 1990 puisque la proportion de femmes augmente plus lentement par année. Plus précisément, la situation semble stagner depuis quelques années : entre 1999 et 2003, la variation est infime : on note une progression moyenne de 0,3 point de pourcentage par année pour les postes de mairesses et de conseillères (voir tableau 1.1). Ce portrait est différent de celui des années 1980 où la progression par année avoisinait les 1,5 point de pourcentage pour chacun des deux postes. En somme, même s’il y a lieu de se réjouir de la nette progression de la place des femmes sur la scène municipale depuis le début des années 1980, l’atteinte de l’égalité dans la répartition des postes électifs demeure un enjeu d’actualité. Comme dans plusieurs pays, et à l’instar des autres échelles politiques, il semble y avoir un « plafond de verre » qui ne permet pas de dépasser la barre des 30 % de représentation féminine (Tardy, 2002 : 91). L’expression «plafond de verre» signifie qu’on constate que dans la plupart des assemblées législatives, il est difficile d’augmenter le taux de représentation féminine au-delà de 30%. C’est pourquoi plusieurs organismes internationaux comme l’ONU, ou encore la Fédération canadienne des municipalités, établissent le seuil de 30% de représentation féminine comme une masse critique minimale pour refléter le poids des femmes dans la société. La Conférence régionale des élus de Montréal suggère même d’atteindre le taux de 40%.

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    Tableau 1.1 - Évolution du nombre de mairesse et de conseillère en pourcentage au Québec de 2000 à 2004

    1999 2000 2001 2002 2003 Écart 1999-2003 Écart moyen

    par an

    Mairesse 10 10 11 11 12 +1,2% 0,30%

    Conseillère 23 23 24 24 25 +1,4% 0,35%

    Source : Tableau effectué selon les données du CSF, 2005 : 3.

    Par ailleurs, la taille de la municipalité influence en partie l’accès des femmes aux postes électifs. À cet égard, les petites municipalités ont de meilleurs résultats en termes de représentation féminine au poste de maire que les plus grandes villes (Tardy, 2002). La plus forte concentration de mairesses se retrouve dans les municipalités de 5 000 à 9 999 habitants (13 %) et dans les municipalités de 10 000 à 99 999 habitants (11,7 %). Jusqu’aux élections de 2005, il n’y avait eu aucune mairesse dans les villes de plus de 100 000 habitants2. Pour les conseillères, le résultat est ex aequo entre les très petites municipalités de moins de 2 000 habitants (25,6 %) et dans les très grandes municipalités de 100 000 habitants et plus (26,1 %). Les taux les plus bas se situent dans les municipalités moyennes (voir tableau 1.2).

    En 2004, le gouvernement du Québec a adopté la Loi sur le ministère du Développement économique et régional et de la Recherche (projet de loi 34) qui a remplacé les conseils régionaux de développement (CRD) par les conférences régionales des élus (CRÉ). Avec cette réforme, les élus sont les acteurs prépondérants de l’instance régionale alors que la représentation des groupes de la société civile n’est plus garantie. Comme les femmes occupaient majoritairement les postes réservés aux organisations de la société civile, la proportion de femmes y siégeant est passée de 31% à 27%, une baisse plus significative encore dans certaines régions comme l’Outaouais où la proportion de femmes de 42% a chuté à 23% (Batanian, 2005). Les élus y siégeant sont majoritairement des hommes. À Montréal, la situation est toutefois différente car le tiers des sièges demeure strictement réservé aux groupes3.

    2 Ces chiffres ne comprennent pas le scrutin de 2005. Depuis le 6 novembre, il y a deux mairesses dans les villes de

    plus de 100 000 habitants, soit à Québec et à Lévis. Depuis le décès subit de la mairesse de la Ville de Québec, Andrée Boucher, ce chiffre est redescendu à 1 car le nouveau maire de la «Vieille capitale» est un homme.

    3 Depuis 2007, le poste de directrice générale à la CRÉ de Montréal est occupé par une femme.

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    Tableau 1.2 - Nombre de mairesses, de maires, de conseillères et de conseillers par taille de population4

    Taille de

    population Maire Mairesse Total Conseiller Conseillère Total

    Nb. %. Nb. %. Nb. Nb. %. Nb. %. Nb.

    Moins de 2000h. 641 89 76 11 717 3202 74 1104 26 4306

    De 2 000 à 4999h. 196 87 25 11 221 754 79 203 21 957

    De 5 000 à 9999h. 60 87 9 13 69 341 79 89 21 430

    De 10 000 à 99 999h.

    60 88 8 12 68 425 79 116 21 541

    100 000h. et plus 9 100 0 0 9 193 74 68 26 261

    Total 966 89 118 11 1084 5219 76 1659 24 6878

    Source : Tableau réalisé selon les données d’Évelyne Tardy (2003 : 16).

    Les récentes restructurations municipales ont considérablement modifié le paysage politique municipal si bien que désormais on pourrait craindre qu’il soit plus difficile pour les femmes d’atteindre les postes électifs : alors que les femmes étaient souvent plus nombreuses au sein des municipalités rurales de petites tailles, les postes électifs issus des fusions municipales sont, en fonction de leur plus grande rareté et de leur poids politique, davantage convoités et plus difficile à conquérir (Tardy, 2003 : 16). Cependant, les nouvelles structures institutionnelles des villes fusionnées semblent n’avoir eu que peu d’impact sur l’élection des femmes en 2001, puisque contrairement aux appréhensions de Tardy et de plusieurs groupes de femmes tel Femmes et restructurations municipales, le nombre de femmes élues n’a pas diminué, autant pour les postes de conseillères municipales que pour le siège de mairesse5. Il est resté stable, « …comme si les nouvelles réalités institutionnelles tiraient peu à conséquences » (Simard, 2005 : 1176). Il est encore beaucoup trop tôt pour évaluer de façon exacte les conséquences des dernières réformes municipales sur la structure de représentation municipale. La comparaison avec plusieurs scrutins, tout comme la stabilisation du cadre électoral, sont nécessaires pour faire une telle enquête.

    Ce rapide portrait de l’état de la représentation des femmes au palier municipal permet de s’interroger sur l’existence à cette échelle politique de conditions, différentes à celles des échelles politiques supérieures, qui expliqueraient pourquoi les femmes ne sont pas bien représentées dans les municipalités québécoises? Les écrits disponibles ne

    4 Ces données ne comprennent pas la Municipalité de la Baie-James, les villages cris, naskapis et nordiques.

    Données au 28 février 2003. 5 Les données du MAMM indiquent que les pourcentages de femmes mairesses en 2000, 2001 et 2002 étaient

    respectivement de 10,4 % - 10,7 % et 10,9 %. Pour les conseillères, les statistiques pour ces mêmes années sont respectivement de 23,1 % - 23,8 % et 24,1 % (Municipalité, 2003 : 15).

    6 Le constat de Simard est valable pour les Villes de Montréal, Longueuil, Gatineau, Lévis, Québec.

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    permettent pas d’isoler des facteurs spécifiquement municipaux. Toutefois, il est possible de s’interroger sur les causes de la sous-représentation féminine à partir d’une lecture municipale de la vie politique.

    La faible présence des femmes sur la scène politique municipale n’est pas attribuable à un seul facteur mais bien à une conjugaison de facteurs différents (Côté, 1999 : 5), que l’on peut classer en fonction des moments clés de la candidature. La chercheure Manon Tremblay identifie quatre étapes que doit franchir une femme pour devenir élue (2005 : 83 et suivantes) : l’éligibilité, le recrutement, la sélection et l’élection. Si l’éligibilité féminine est maintenant un droit acquis dans les pays démocratiques7, les trois autres moments forts du parcours vers la représentation féminine représentent toujours des enjeux spécifiques aux femmes qui veulent s’engager en politique. À chacun de ces moments correspond des catégories d’enjeux : 1) pour le recrutement, des enjeux microsociologiques; 2) pour la sélection, des enjeux mésosociologiques; 3) pour l’élection, des enjeux macrosociologiques (voir le tableau 1.3). Nous verrons que les enjeux de la sélection des candidats, qui demeure l’apanage des partis ou des équipes politiques, sont particulièrement déterminants pour favoriser la présence des femmes en politique. En effet, alors qu’auparavant, les experts attribuaient un rôle décisif aux facteurs individuels (les enjeux microsociologiques de l’étape du recrutement), les arguments qualifiés de « systémiques » (enjeux méso et macrosociologiques) sont de plus en plus évoqués pour expliquer la sous-représentation féminine. Les changements sociaux qui ont touché les femmes, tels un accès plus grand à l’emploi et à l’éducation ou encore, la transformation de la cellule familiale, ont rendu les enjeux microsociologiques moins contraignants (Tardy, 2002 : 91). L’importance de l’étape de la sélection se confirme également au niveau municipal où le scrutin de 2001 démontre que le taux de femmes élues est le même que celui des femmes candidates (Simard, 2005 : 1158). Une fois candidate, les femmes peuvent donc espérer passer avec succès l’étape de l’élection.

    7 L’éligibilité correspond à « la capacité juridique de se porter candidat à une élection politique » (Bidégaray cité dans

    Tremblay, 2005 : 87). 8 Le taux de candidates est de 27,3 % alors que celui des élus est de 27,5 % dans les villes de Gatineau, Lévis,

    Longueuil, Montréal et Québec.

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    Tableau 1.3 - Principaux obstacles susceptibles d'expliquer la faible représentation des femmes sur la scène politique

    Le recrutement Facteurs microsociologiques

    La sélection Facteurs mésociologiques

    L’élection Facteurs macrosociologiques

    • La disponibilité et l’inégale répartition des charges familiales

    • La situation socio-économique

    • Le statut des élus • Une socialisation politique

    défavorable à l’action politique

    • La domination d’un seul modèle d’homo politicus

    • Le financement de l’investiture

    • Des réseaux sociaux peu valorisables en contexte politique

    • L’absence de femmes dans les postes clés des partis politiques

    • Le choix ou l’obtention d’une circonscription perdue d’avance

    • Le faible renouvellement de la classe politique

    • L’accès des femmes aux postes les plus influents

    • Le mode de scrutin

    Source : Adapté de Tremblay, 2005

    Très peu d’études se penchent sur la représentation féminine municipale (Tardy, 2002 : 175). C’est pourquoi, à moins d’indication contraire, les enjeux discutés ci-dessous touchent l’accès général des femmes à la scène politique. Par ailleurs, notons que plusieurs hypothèses présentées dans les écrits demanderaient d’être documentées davantage, surtout au niveau municipal, afin de bien comprendre les relations entre les différents facteurs (parfois divergents) qui expliqueraient la sous-représentation féminine.

    1.1 Les facteurs microsociologiques : le recrutement

    Les facteurs microsociologiques concernent une candidate éventuelle comme individu. Cela touche les ressources matérielles (l’argent, l’accès à un moyen de transport, etc.) et immatérielles (par exemple, l’éducation, la profession, le temps, les réseaux et le capital social ou encore, la confiance en soi) dont dispose une femme et qui favorisent ou non sa décision de poser sa candidature (Tremblay, 2005 : 88-89). Les conditions microsociologiques influencent donc le recrutement, c’est-à-dire l’action qui consiste à « identifier dans l’ensemble de la population les personnes intéressées par l’action politique et disposant des ressources pour accomplir cette activité; il s’agit de constituer un bassin de candidatures susceptibles de s’engager à des degrés divers dans la gouverne politique » (Tremblay et Pelletier, 1995 : 13). Les ressources matérielles et immatérielles des femmes sont étroitement liées à leur socialisation politique et aux rôles sociaux selon les sexes.

    Quels enjeux microsociologiques sont les plus déterminants dans l’accès des femmes à la vie politique? Bien qu’il soit difficile de répondre à cette question, il est possible d’identifier certains irritants particulièrement probants au niveau municipal.

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    Parmi les ressources immatérielles, le temps dont disposent les femmes qui voudraient s’engager dans une carrière politique est particulièrement important. La question du temps est étroitement liée à ce que Tremblay désigne sous le nom des rôles sociaux selon les sexes : encore aujourd’hui, la disponibilité politique des femmes demeure associée à leur condition familiale (Tremblay, 2005 : 90-91). D’une part, différentes recherches ont mis de l’avant le fait que les femmes avaient une vision intégrée de leur projet de vie. Plutôt que de superposer les différents rôles qu’elles assument et les projets qu’elles choisissent, elles cherchent à les interrelier (Blanc et Cuerrier, 2007, p.319). Une décision prise dans une sphère de la vie d’une femme, comme le choix de faire le saut en politique, tiendra généralement compte des impacts dans les autres sphères, comme la vie familiale, afin d’en maintenir l’équilibre. D’autre part, l’inégale répartition des charges familiales explique toujours en partie le déficit d’engagement politique des femmes. Ceci est particulièrement vrai lorsque les femmes ont des enfants en bas âge. Dans un tel contexte, elles se décident plus tardivement à poser leur candidature car elles attendent que leurs enfants soient plus autonomes (Tardy, 2002 : 37). Notons toutefois que pour les femmes, comme pour les hommes, la famille est une contrainte moins forte au niveau municipal car le facteur de mobilité est moins important. À cet égard, l’état civil et la présence d’enfants des conseillers et des conseillères est assez semblable. Toutefois, les enfants des maires et des mairesses parents n’habitent généralement plus sous le toit familial (Tardy, 2002 : 43-44).

    Des difficultés économiques peuvent également expliquer la faible présence des femmes à l’échelle municipale. La situation socio-économique des femmes est en effet moins favorable que celle des hommes. Notamment, le nombre grandissant de femmes monoparentales accroît la pauvreté des femmes et ne leur permet pas de s’engager financièrement en politique. De façon générale, la condition économique et le statut d’emploi ont des conséquences sur leur accès à un réseau de connaissances : « les femmes sont moins nombreuses que les hommes à occuper des emplois qui les placent en meilleure situation pour faire valoir leurs capacités à gouverner ou pour attirer l’attention des partis (par exemple, les postes de cadres supérieurs ou les postes d’élus municipaux) » (Conseil du statut de la femme, 2002 : 3). Du point de vue microsociologique, les questions du revenu et des avantages sociaux et financiers attachés à certains emplois doivent être différenciées du financement de l’investiture sur lequel nous reviendrons dans les enjeux mésosociologiques. Ici, il s’agit plutôt de s’interroger sur l’influence de la situation économique des femmes sur leur accès à des ressources qui permettent d’envisager une carrière politique.

    9 Spain et Hamel, 1996 ; Spain, Bédard et Paiement, 2003 dans Blanc et Cuerrier, 2007

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    Si les conditions socio-économiques sont déterminantes dans le fait de se sentir autorisé ou pas à se présenter, les ressources financières auxquelles ont accès les élus une fois en poste pèsent également dans la décision. Cet enjeu est particulièrement probant au niveau municipal où une importante part des postes électifs sont à temps partiel ou encore, n’offrent pas une rémunération assez intéressante (par rapport à l’emploi déjà occupé) pour permettre aux élus d’abandonner leur pratique professionnelle10. Poursuivre leur travail suppose que les représentants occupent déjà un emploi atypique, avec des horaires flexibles. Une autre stratégie consiste, une fois élu, à cumuler plusieurs sièges ou les postes les plus lucratifs dans les différentes instances municipales afin de compléter le salaire de base octroyé aux élus. Ces deux solutions ne sont toutefois pas toujours accessibles aux femmes qui doivent déjà composer avec des tâches familiales importantes ou qui ont moins de chance d’obtenir des postes de responsabilité (nous reviendrons sur ce point). La réflexion sur le statut des élus mériterait d’être approfondie afin d’évaluer le véritable impact de la rémunération des politiciens sur la vie politique et plus spécifiquement, sur la représentation féminine. Une enquête devrait également s’interroger sur les contraintes particulières au fait d’être élus dans les plus grandes villes comme Montréal : la précarité y est sans doute moins importante car la très grande majorité des postes sont à temps plein.

    Au total, l’incitatif financier demeure faible pour des candidat(e)s éventuel(le)s car si on ne décide pas de s’engager dans une carrière politique en raison du revenu envisagé, une faible rémunération peut en décourager plus d’un ou plus d’une. De plus, le statut des élus municipaux demeure un enjeu crucial, autant pour les hommes que pour les femmes. Pour les femmes, cela peut devenir un véritable casse-tête au moment de prendre la décision de s’engager ou non en politique.

    Des obstacles liés à la socialisation politique des femmes peuvent également expliquer en partie le faible accès des femmes aux postes électifs. Selon cette hypothèse, pour être attrayante pour une femme, une carrière devrait comporter une dimension relationnelle majeure. Cette caractéristique mènerait les femmes à « privilégier un style de travail collaboratif et consensuel et à accorder une valeur différente à la prise de risques, au pouvoir et au leadership » (Blanc et Cuerrier, 2007 : 51). La préférence des femmes pour le consensus plutôt que pour les affrontements directs ainsi que la quête moins grande d’une gratification seraient susceptibles d’expliquer le faible intérêt des femmes pour la politique et leur inconfort face à ce rôle (Conseil du statut de la femme, 2002 : 1). Une certaine lecture du monde « qui, de manière indirecte, envoie le message que la politique reste somme toute une expérience exceptionnelle pour les femmes » (Tremblay, 2005 : 90) irait dans le même sens. Cela s’exprime notamment par le fait

    10 Les articles de Perras et Desmarais (1999) dressent un portrait de la rémunération des élus municipaux et de leur

    encadrement législatif au Québec.

  • 10

    que les femmes se sentent moins compétentes que les hommes et doutent beaucoup plus que leurs collègues masculins de leur apport à la communauté. À cet égard, une réflexion plus poussée sur la socialisation politique des femmes et de ses effets sur les perceptions qu’ont les femmes de la vie politique permettrait de mieux soupeser le poids des enjeux microsociologiques (Tremblay, 2005 : 89-90).

    Selon Tardy (2002 : 91) et Tremblay (2005 : 92), le recrutement pose encore des difficultés pour les femmes (surtout concernant la socialisation politique et la répartition sexuée des rôles sociaux), mais beaucoup moins important qu’auparavant car les femmes disposent de plus en plus des ressources (notamment, en termes de natalité, de scolarité et d’emploi) nécessaires pour devenir candidates. Les défis sont beaucoup plus importants à l’étape de la sélection qui touche les enjeux mésosociologiques de la représentation féminine.

    1.2 Les facteurs mésosociologiques : la sélection

    Les facteurs mésosociologiques favorables ou défavorables à la représentation féminine touchent le fonctionnement des organisations intermédiaires qui animent la scène politique, entre l’État et la société civile. Dans la démocratie représentative, les partis politiques demeurent le principal outil de cette médiation car c’est à eux que revient la tâche de choisir les candidats (Tremblay, 2005 : 92 et suivantes). L’étape de la sélection est particulièrement cruciale pour comprendre pourquoi peu de femmes sont élues. Le principal enjeu est le choix d’une candidature gagnante, c’est-à-dire un ensemble de caractéristiques qui semblent conformes aux attentes envisagées de l’électorat. Les candidatures masculines répondent davantage aux caractéristiques de ce modèle du candidat idéal, désigné sous le nom d’homo politicus (Tremblay, 2005 : 92-93).

    Selon le Conseil du statut de la femme, « …les partis politiques constituent la clé de l’accès des femmes à l’Assemblée nationale et de plus en plus aux conseils municipaux » (2002 : 52) car ils occupent une place essentielle dans le processus démocratique. Leur présence est signe d’une vie politique plus organisée et plus stable. Toutefois, même si les partis politiques sont reconnus comme un incitatif à la présentation de femmes, leur seule existence ne garantit pas cette possibilité. Leur fonctionnement interne, et notamment le processus de sélection des candidatures, doit également présenter certaines caractéristiques favorables aux aspirantes à la vie politique. La vie des partis politiques est naturellement complexe et c’est pourquoi, si leur mode de fonctionnement est parfois difficile à comprendre, les étapes internes menant à la sélection peuvent réfréner l’intérêt de candidates éventuelles.

  • 11

    Concrètement, quels éléments de fonctionnement d’un parti politique peut constituer un obstacle difficile à surmonter?

    Le financement de l’investiture demeure un des principaux défis auxquels sont confrontées les aspirantes à la vie politique car elles doivent trouver les sommes nécessaires pour faire leur campagne auprès des membres de leur parti politique. Cet exercice est souvent conditionnel aux réseaux que possèdent les candidates, tant dans le parti, dans la circonscription convoitée ou ailleurs. Comme la situation professionnelle des femmes les prépare plus mal que les hommes à cette réalité politique (Tremblay, 2005 : 95), trouver les sommes nécessaires peut être une véritable course à obstacles. Les candidates ne sont pas sans réseaux, mais les milieux communautaires et culturels dont elles sont majoritairement issues ont moins de ressources que les réseaux économiques auxquels sont plus affiliés les candidats (Conseil du statut de la femme, 2002 : 54). En outre, la faible présence de militantes dans les instances clés d’un parti défavorise la constitution d’un réseau interne qui serait prêt à appuyer l’investiture d’une femme. Ce soutien est pourtant un atout considérable d’un point de vue stratégique comme dans l’aide pour la recherche des fonds nécessaires à l’investiture. À l’échelle municipale, l’enjeu de l’investiture n’est pas le même car cette étape n’existe pas dans la course à la candidature. Toutefois, les candidats doivent bien souvent démontrer qu’ils ont accès à un certain capital financier, soit en termes de mobilisation des contributeurs éventuels au parti, soit en faisant un prêt personnel au parti. Ce prêt sert à financer les campagnes électorales en attendant d’avoir amassé les dons nécessaires.

    La désignation de la circonscription par les partis politiques est un deuxième obstacle identifié par les écrits. Lorsque les candidats, hommes ou femmes, sont parachutés ou choisis par les autorités du parti, il y aurait généralement plus de probabilité que les candidates soient présentées dans une circonscription où le parti a peu de chance d’être élu. A contrario, lorsque les candidatures féminines émergent « par le bas », c’est-à-dire lors d’une investiture ouverte aux militants du parti, les femmes ont plus de chance de l’emporter que les hommes (Conseil du statut de la femme, 2002 : 56). Les raisons de cette corrélation demeurent incertaines, mais elles démontrent comment une procédure de sélection plus encadrée et plus ouverte peut favoriser ou du moins, ne pas décourager, la candidature d’une femme. Cependant, même si une investiture ouverte augmente la probabilité de sélection d’une femme, cela ne veut pas dire que le fait d’être sollicité n’est pas aussi déterminant. Dans son enquête sur les femmes en politique municipale, Tardy constate qu’autant pour les élus homme que femme, l’invitation à se présenter, lancée par un parti, une équipe politique ou des individus engagés, a été une des principales motivations pour se lancer en politique (2002 : 64).

  • 12

    Les femmes n’ont guère été plus sollicitées à se présenter que leurs collègues masculins. La majorité n’a pas fait le premier pas. Dans plus de la moitié des cas, la sollicitation est venue d’un membre du conseil en place (53 %); ensuite du milieu communautaire (37 %) [dont 54 % de groupes de femmes], du maire ou de la mairesse en place (39 % dans le cas des conseillères et 33 % dans le cas des conseillers) et, en dernier lieu, la sollicitation est venue de la famille (chez 23 % des conseillères et 13 % seulement des conseillers, la différence étant significative statistiquement).

    Les éventuel(le)s candidat(e)s se sentent ainsi désiré(e)s, flatté(e)s et c’est l’occasion aussi pour eux/elles de négocier leur entrée au conseil municipal. Cela démontre combien l’intervention des partis politiques ou plus généralement d’un tiers est déterminante pour assurer l’étape de la sélection. Dans ses nombreuses enquêtes à tous les paliers politiques, Tardy constate que l’appui est un facteur particulièrement important pour décider les femmes à se présenter en politique : « Cette reconnaissance par les autres de leurs capacités est absolument nécessaire pour leur faire affronter un monde qui les a longtemps exclues, et qui reste encore aujourd’hui majoritairement masculin » (2002 : 67).

    En terminant, quelles sont les caractéristiques d’un parti politique ouvert à la

    représentation féminine? Selon Young, un parti politique est sensible au discours

    féministe lorsqu’il répond à deux dimensions.

    • La première dimension concerne la représentation équitable des femmes, présentes autant dans les comités dirigeants du parti (et non seulement dans les instances inférieures) que dans le corps législatif. Young établit donc un lien entre le fonctionnement interne d’un parti et sa capacité à présenter et à faire élire des femmes.

    • La seconde dimension est davantage politique et vise l’intégration et la défense d’enjeux touchant la condition des femmes au sein des comités dirigeants du parti, de même que dans le programme du parti (2000 : 25). Avec cette deuxième dimension, Young laisse entendre qu’un parti politique sera d’autant ouvert à la représentation féminine qu’il tient compte des enjeux touchant les femmes.

    Cette première analyse permet d’indiquer les mesures favorables aux candidatures féminines sans toutefois préciser les obstacles. Ceci est particulièrement important car les études sur le fonctionnement des partis politiques montrent que les femmes restent minoritaires au sein des partis politiques nationaux, malgré l’adoption par certains partis (le Nouveau parti démocratique et le Parti libéral du Canada) de structures spécifiques pour les femmes (Young, 2002 : 5). À l’échelle municipale, si peu d’études s’intéressent à la sous-représentation des femmes, notamment en raison du faible nombre de villes

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    qui disposent de partis politiques, les villes de Québec et de Montréal se sont distinguées au cours des années 1970 par la présence de deux partis politiques particulièrement ouvert aux enjeux féministes : le Regroupement populaire de Québec11 (RPQ) et le Rassemblement des Citoyens et des Citoyennes de Montréal12 (RCM). Nous évaluons leur expérience dans la troisième partie consacrée aux moyens pour réduire l’écart entre le nombre de représentants et de représentantes.

    1.3 Les facteurs macrosociologiques : l’élection

    Contrairement aux deux autres catégories de causes de la sous-représentation féminine, les facteurs macrosociologiques n’ont pas trait aux contraintes que peut rencontrer une candidate éventuelle mais bien aux facteurs constitutifs et plus globaux d’un régime politique, qui encouragent ou non l’élection de femmes, une fois les étapes du recrutement et de la sélection passées avec succès. On pense notamment aux effets du traitement médiatique réservé aux candidates, au degré d’ouverture de l’électorat envers une candidature féminine, au taux de remplacement de la classe politique mais aussi à un enjeu de taille, l’influence du mode de scrutin sur le nombre d’élues. Dans quelles conditions ces facteurs favorisent ou défavorisent la progression de la représentation des femmes? Dans le contexte municipal, le renouvellement de la cohorte politique de même que le mode de scrutin sont des enjeux macrosociologiques particulièrement importants.

    Tout d’abord, le taux de renouvellement de la classe politique peut constituer une cause de la sous-représentation, particulièrement dans un système politique où le nombre de mandats n’est pas limité. Cette situation favorise le monopole d’une circonscription par une seule personne pendant une période de temps assez longue, ce qui empêche une percée décisive des femmes. Comme le principal défi des aspirantes à la vie politique demeure leur première élection (Tremblay, 2005 : 109), la présence continue d’un candidat sortant constitue une difficulté majeure. Par exemple, lors du scrutin municipal de 2001, malgré une importante proportion de nouveaux candidats13, près de 70 % des personnes élues exerçaient déjà un mandat électif municipal au moment du déclenchement des élections (Simard, 2005 : 113). Ces taux atteignent 75 % à Québec et à Montréal. Cela démontre combien la difficulté de la première élection pour un candidat est aussi une caractéristique déterminante des scrutins municipaux.

    Enfin, le fonctionnement du système électoral peut également entraver l’accès des femmes à la scène politique. Le scrutin uninominal à un tour, tel qu’il est pratiqué au

    11 Devenu le Renouveau municipal de Québec (RMQ) depuis 2001. 12 Ce parti n’existe plus depuis 2001. 13 Une moyenne de 60 % de nouveaux candidats pour les villes de Gatineau, Lévis, Longueuil, Montréal et Québec.

  • 14

    Canada à toutes les échelles, est en effet souvent présenté comme un mode de scrutin moins favorable à la représentation féminine que le scrutin proportionnel. Alors que le premier a pour objectif d’établir un lien clair entre les activités du représentant et la défense des intérêts de son district électoral, le deuxième vise à faire en sorte que l’assemblée d’élus reflète la diversité idéologique et sociale de la société. Dans cette optique, les femmes auraient plus de chance d’être élues dans un système proportionnel. Or, selon Tremblay, « puisque la proportionnelle confectionne des parlements qui, tantôt affichent des fortes proportions de femmes et tantôt des proportions plus conservatrices, il s’avère précaire de conclure en un lien de cause à effet entre l’utilisation d’un scrutin proportionnel et des pourcentages enviables de femmes dans les espaces parlementaires » (2005 : 103). Ainsi, si le mode de scrutin proportionnel favorise plus que le scrutin majoritaire la représentation féminine, tous les modes de scrutin proportionnel ne facilitent pas l’élection de femmes. Les scrutins proportionnels de listes seraient ainsi plus favorables aux femmes car les partis politiques gagnent à composer des listes diversifiées plutôt qu’à confectionner des listes composées uniquement d’hommes blancs d’âge moyen. Pour nettement favoriser la représentation féminine, quatre autres conditions doivent accompagner la proportionnelle selon Matland (2002, 2003 cité par Tremblay, 103-106) : 1) le nombre des sièges à pourvoir doit être relativement élevé; 2) les partis doivent pouvoir faire élire plusieurs candidats par circonscription électorale; 3) la liste des partis est « bloquée », c’est-à-dire qu’on ne peut changer l’ordre des noms au moment de l’élection des candidats; 4) le seuil de représentation (i.e. le nombre de suffrages à partir duquel un parti est considéré dans le calcul de la répartition des sièges) est relativement élevé. Toutefois, comme le démontre Tremblay, les modalités du scrutin proportionnel les plus aptes à faire élire des femmes demeurent encore sujettes à débat car les effets d’un changement vers la proportionnelle dépendent en grande partie des contextes sociaux, politiques et économiques d’un pays (Conseil du statut de la femme, 2002 : 68-69). L’équation entre scrutin proportionnel et représentativité féminine accrue n’est donc pas automatique.

    À notre connaissance, aucune étude ne s’est penchée sur les effets du fonctionnement du système électoral sur l’accès des femmes à l’échelle municipale. Plusieurs mouvements féministes et citoyens défendent cette position (Trace et Jalons, 2004). À leur début, le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal et le Regroupement populaire de Québec avaient proposé d’adopter le scrutin proportionnel à l’échelle municipale de façon à mieux refléter les différentes positions. Ces propositions n’ont pas eu de suite. En attendant des résultats empiriques probants, le débat reste ouvert.

    **

  • 15

    Le modèle de Tremblay, qui propose de répartir les causes de la sous-représentation féminine en fonction de trois types d’enjeux (micro, méso, macrosociologiques), repose sur une compréhension partisane de la représentation : cette dernière s’exprime avant tout par le truchement de personnes élues sous la bannière de partis politiques. Or, dans les municipalités, les partis politiques sont exceptionnels ou, s’ils existent, leur degré d’organisation est loin de correspondre à celui des partis politiques provinciaux et fédéraux. De plus, plusieurs candidats préfèrent se présenter sous l’étiquette d’indépendant plutôt que de porter allégeance à un parti politique. On peut donc penser que sous des dehors de convivialité et de simplicité, la scène politique municipale offre des conditions de recrutement et de sélection moins balisées qu’aux paliers supérieurs. Cela se conjugue à deux autres éléments spécifiques à la vie municipale. Tout d’abord, la politique municipale est souvent perçue comme un domaine inintéressant et administratif. Selon cette représentation persistante de la scène politique locale, cette dernière ne semblerait pas un espace politique pour opérer des changements sociaux. C’est pourquoi Évelyne Tardy affirme que l’image de la politique municipale décourage l’engagement politique et plus particulièrement celui des femmes : « arrêtons aussi de dire que la politique municipale, c’est une histoire d’aqueduc et d’égout » (1997 : 30). Par ailleurs, Montréal offre également un contexte exceptionnel, qui influence sans doute l’accès des femmes à la scène politique locale : la présence de quatre types de postes électifs différents (maire, maire d’arrondissement, conseiller de ville et conseiller d’arrondissement) complexifie l’offre politique, ce qui peut également conditionner le recrutement, la sélection ou l’élection. Cette dynamique particulière demeure toutefois largement peu circonscrite par les travaux actuels car il est encore trop tôt pour évaluer les effets des nouvelles structures municipales et des postes y afférant sur la représentation féminine. Un examen du portrait des élus montréalais avant et après 2001, de même qu’après le scrutin de 2005 permet de préciser les enjeux spécifiques liés à la représentation des femmes sur la scène politique montréalaise.

    2. LES FEMMES ET LA VIE POLITIQUE À MONTRÉAL

    La Ville de Montréal a créé un précédent en ouvrant ses portes, dès 1940, à la première femme élue échevin au sein du conseil de ville (Paquet, 2003 : 17; Dagenais, 1992). Le conseil municipal est alors composé de 99 conseillers issus de trois catégories: les 33 conseillers de la classe A sont élus par les propriétaires, ceux de la classe B par les propriétaires et les locataires et les conseillers de la classe C sont nommés par 13 associations14. Entre 1940 et 1960, six conseillères municipales sont élues. Léa Cousineau préside le Rassemblement des citoyens et citoyennes de Montréal (RCM) lors de sa fondation en 1974. Cette année-là, trois candidates du RCM sont admises au

    14 Centre d’histoire de Montréal : http://ville.montreal.qc.ca, consulté le 27 novembre 2007.

  • 16

    Conseil municipal15. Le Comité exécutif accueille pour sa part une première femme en 1978. En 1986, avec l'élection de Jean Doré à la mairie, le Comité exécutif est composé de trois femmes et trois hommes16.

    C’est au début des années 1980, avec la création de nouveaux partis politiques municipaux que l’adoption de mesures en faveur des femmes s’est affirmée à Montréal (Brais & Frohn, 2002 : 56). Plus précisément, en 1988 est mis en place le programme Femmes et ville dont l’objectif principal est de favoriser la concrétisation de l’égalité hommes-femmes17. Depuis, plusieurs initiatives se sont succédées tant à l’échelle régionale que locale, dont l’adoption et la signature en 1999 de la déclaration mondiale de l’International Union of Local Authorities (IULA)18 sur les femmes dans le gouvernement local. Montréal est signataire de cette déclaration.

    En dépit de ces actions, la sous-représentation des femmes sur la scène politique montréalaise demeure une réalité à la veille du scrutin de 2001. Un examen des données recueillies pour cette enquête permet de se réjouir de la progression du nombre de postes détenus par des femmes à la suite des fusions municipales. Tout d’abord, avec le scrutin de 2001, la situation de la représentation féminine à Montréal s’améliore considérablement. Les élections de 2005 confirment cette progression avec un taux de représentation féminine de 35%. Toutefois, une analyse plus fine des nominations après les scrutins de 2001 et de 2005 permet de constater que si le nombre de femmes élues est raisonnable, ces dernières ne sont pas encore proportionnellement présentes au sommet de la hiérarchie municipale.

    2.1 Les candidates par parti politique et par fonction au scrutin de 2001

    En 2001, 27% de l’ensemble des candidats sont des femmes (80 candidates sur un total de 292 candidats). Parmi les partis politiques, Vision Montréal (VM) est celui qui présente le plus de candidates (36%), suivi par le Parti éléphant blanc de Montréal (PEBM) (32%) et l’Union des citoyens et citoyennes de l’Île de Montréal (UCIM) (23%). 19% des candidats indépendants sont des femmes (Tableau 1.4).

    Le taux de candidates est plus important au poste de conseillère d’arrondissement (33%) que de conseillère de ville (27%) ou de mairesse (8%) (Tableau 1.4).

    15 La démocratie à Montréal : http://www2.ville.montreal.qc.ca/, consulté le 27 novembre 2007. 16 Centre d’histoire de Montréal : http://ville.montreal.qc.ca/, consulté le 27 novembre 2007. 17 Pour de plus amples informations, consulter le site internet de la Ville de Montréal :

    http://www2.ville.montreal.qc.ca/cmsprod/fr/femme_ville/accueil. 18 En 2004, il y a eu fusion de l’organisme et de la Fédération mondiale des villes unies pour former l’organisation

    mondiale Cités et gouvernements locaux unis (CGLU).

  • 17

    Tableau 1.4 - Nombre de candidates par parti politique et par poste électif au scrutin de 2001 à Montréal

    Postes Conseiller(e) de ville

    Conseiller(e) d’arrondissement

    Maire(sse) Total par sexe

    % de femmes

    Candidates VM 26 10 0 36 36% Candidats VM 47 17 1 65

    Candidates UCIM 15 9 0 24 23% Candidats UCIM 58 20 1 79

    Candidates PEBM 7 1 0 8 32% Candidats PEBM 16 0 1 17

    Candidates indépendantes 7 4 1 12 19% Candidats indépendants 31 11 8 50

    Total Candidates 55 24 1 80

    27%

    Total Candidats 152 48 12 212

    % de femmes 27% 33% 8% 27%

    Source : Tableau réalisé selon les données de Ville de Montréal (2001) Résultats de l’élection du 4 novembre 2001.

    2.2 Le résultat des élections de 2001

    Sur les 80 candidates, près de 40% ont été élues (32 au total). Parmi les candidates au poste de conseillère de ville, 40% ont emporté leur siège, dont 36% des candidates de VM (13 femmes sur 36) et 75% des candidates de l’UCIM (18 femmes sur 24). Aucune candidate du PEBM n’a été élue (voir tableau 1.5).

    Par ailleurs, le taux de succès des candidats est moins important que celui des candidates, autant pour VM (28% des hommes sont élus) que pour l’UCIM (67% de succès pour les hommes). Cela semble démontrer que les districts ou les arrondissements les plus difficiles à prendre ne sont pas nécessairement réservés aux femmes.

  • 18

    Tableau 1.5 - Nombre d’élues par parti politique et par poste électif en 2001

    Postes Conseillère de ville

    Conseillère d’arrondissement

    Mairesse Total d’élues par parti politique

    Élues VM

    13

    0

    0

    13

    Élues UCIM

    9

    9

    0

    18

    Élues PEBM

    0

    0

    0

    0

    Élues indépendantes

    0

    1

    0

    1

    Total d’élues / Nb. de postes

    électifs

    22/73

    10/31

    0/1

    32/105

    Source : Tableau réalisé selon les données de Ville de Montréal (2001) Résultats de l’élection du 4 novembre 2001.

    Une analyse plus fine indique très peu d’écart entre l’accessibilité des femmes au poste de conseillère de ville et celle au poste de conseillère d’arrondissement. Si aucune candidate de VM n’a été élue au poste de conseillère d’arrondissement, la situation est la même pour leurs homologues masculins. A contrario, la totalité des femmes et des hommes candidats pour le siège de conseiller d’arrondissement de l’UCIM ont été élus, de même que les candidats hommes et femmes au poste de conseiller de ville de ce parti ont emporté leur siège dans des proportions semblables. Les candidates au poste de conseillère de ville de VM sont quant à elles favorisées : 50% ont été élues alors que seulement 38% des hommes se présentant pour le compte de VM ont remporté leurs élections (Tableau 1.6).

  • 19

    Tableau 1.6 - Taux de succès des candidats, hommes et femmes, par parti politique et par poste, 2001

    Source : Tableau réalisé selon les données de Ville de Montréal (2001) Résultats de l’élection du 4 novembre 2001.

    Une seule candidate indépendante a été élue parmi les 4 femmes qui ne se présentaient pas sous une bannière partisane. La proportion est encore plus faible pour les hommes indépendants car un seul a été élu sur 50 candidats (Tableau 1.6). L’appartenance à un parti politique est donc un atout autant pour les hommes que pour les femmes.

    Au total, le nombre d’élues est sensiblement le même pour le poste de conseiller de ville ou d’arrondissement. Les taux sont respectivement de 30% et de 32% (Tableau 1.7).

    Les résultats du scrutin de 2001, le premier dans le contexte de la nouvelle Ville de Montréal élargie, représentent-ils une progression ou une diminution de la représentation féminine sur l’Île de Montréal? La réponse est affirmative. Sur l’ensemble du territoire insulaire montréalais, il y avait, avant 2001, 64 conseillères sur 257 postes de conseillers de ville, deux mairesses sur un total de 28 postes de maires. Au scrutin de 2001, 32 femmes sont élues (tous postes confondus) sur 105 postes à pourvoir. La représentation des femmes a ainsi augmenté en 2001 de plus de sept points de pourcentage (voir tableau 1.7).

    Postes Conseiller(e) de ville

    Conseiller(e) d’arrondissement

    Maire(sse) Taux de succès par sexe

    Candidates VM 50% 0% 0% 36%

    Candidats VM 38% 0% 0% 28%

    Candidates UCIM 60% 100% 0% 75%

    Candidats UCIM 55% 100% 100% 67%

    Candidates PEBM 0% 0% 0% 0%

    Candidats PEBM 0% 0% 0% 0%

    Candidates indépendantes 0% 25% 0% 8%

    Candidats indépendants 3% 9% 0% 4%

    Total Candidates 40% 42% 0% 40%

    Total Candidats 34% 44% 0% 34%

  • 20

    Tableau 1.7 – Pourcentage d’élues pour l’ensemble des postes électifs municipaux avant et après le scrutin de 2001

    Avant 2001 Après 2001

    Postes

    Nb. de postes à pourvoir

    Nb. de femmes

    élues

    % de femmes

    élues

    Nb. de postes à pourvoir

    Nb. de femmes

    élues

    % de femmes

    élues Conseiller(e)s

    de ville 257 64 25% 73 22 30%

    Conseiller(e)s d’arrondissement 0 0 0% 31 10 32%

    Maire(sse)s 2 7% 1 0 0%

    Total 285 66 23% 105 32 30% Source : Tableau réalisé selon les données de Ville de Montréal (2001) Résultats de l’élection du 4 novembre 2001.

    Ainsi, avec les élections de 2001, la proportion d’élues à Montréal fait un bond important pour atteindre le seuil significatif de 30 %. Ce taux se maintient-il au lendemain du scrutin de 2005? Un recensement des candidats et des élus permet d’y répondre.

    2.3 Les candidates par parti politique et par fonction au scrutin de 2005

    Le scrutin de 2005 n’est pas tout à fait semblable à celui de 2001 car le système électoral a été modifié pour tenir compte de deux nouvelles réalités de la scène politique montréalaise : 1) la loi 33 prévoit l’élection directe du président d’arrondissement, devenu le maire d’arrondissement; 2) le démembrement de 15 anciennes municipalités qui a réduit le territoire municipal montréalais. Le nombre de représentants municipaux reste le même (105) mais la répartition des postes est modifiée. Le conseil municipal compte maintenant 45 conseillers de ville (comparativement à 73 entre 2001), 19 maires d’arrondissement et le maire. Le nombre de conseillers d’arrondissement est maintenant de 40 (au lieu de 31). Par ailleurs, notons que le scrutin de 2005 est aussi le théâtre d’un réalignement des forces partisanes car plusieurs partis politiques se sont formés dont certains à l’échelle des arrondissements. Dans un tel contexte, la comparaison avec le scrutin de 2001 n’est pas symétrique mais il est tout de même possible d’établir certains parallèles intéressants.

    Tout d’abord, notons que le nombre de candidates augmente légèrement: 30% de femmes se présentent à un ou l’autre des 4 postes, pour un total de 102 candidates sur 342 candidats (hommes et femmes) (Tableau 1.8). Ce chiffre était de 27% en 2001.

    VM présente toujours le taux le plus important de candidates (37%), suivi par l’UCIM (30%), les partis d’arrondissement (29%) et Projet Montréal (PM) (27%). Entre l’élection de 2001 et celle de 2005, le taux de candidature féminine du PEBM descend radicalement de 32% à 6%. Le taux de candidates indépendantes reste stable (17% au lieu de 19%).

    28

  • 21

    Les candidatures féminines sont toujours plus importantes pour le poste de conseillère d’arrondissement et progressent même d’un peu plus de 6% (40% comparativement à 33% en 2001). Si le taux de candidates au poste de conseillère de ville enregistre une légère diminution de 2% (pour atteindre 25%), il est intéressant de noter que le taux de candidature féminine à la tête des arrondissements est plus élevé (27%). Par contre, il n’y a aucune candidature féminine au poste de maire alors qu’en 2001, une candidate indépendante s’était présentée à ce poste.

    Tableau 1.8 - Nombre de candidates par parti politique et par poste électif au scrutin de 2005 à Montréal

    Postes Conseiller(e) de ville

    Conseiller(e) d’arrondissement

    Maire(sse) d’arrondissement

    Maire(sse) Total par sexe

    % de femmes

    Candidates VM1

    14

    19

    6 0 39

    37% Candidats VM

    31 21 13 1 66

    Candidates UCIM2

    11

    16

    5

    0 32

    30% Candidats UCIM

    34 24 14 1 73

    Candidates PM3

    10

    6

    3

    0 19

    27% Candidats PM

    28 14 8 1 51

    Candidates PEBM4

    1

    0 0 0 1

    6% Candidats PEBM

    13 0 0 1 14

    Candidates Partis arrond.19

    4

    1

    2

    0 7

    29% Candidats Partis arrond.

    8 4 5 0 17

    Candidates indépendantes

    1

    3

    0 0 4

    17% Candidats indépendants

    11 5 3 0 19

    Total Candidates

    41 45 16 0 102

    30% Total

    Candidats 125 68 43 4 240

    % de femmes 25% 40% 27% 0% 30%

    Source : Tableau réalisé à partir des données du Rapport officiel du recensement des votes, scrutin du 6 novembre 2005. VM : Vision Montréal UCIM : Union des citoyens et des citoyennes de l’Île de Montréal PM : Projet Montréal PEBM : Parti Éléphant Blanc de Montréal

    19 Cette catégorie comprend tous les partis d’arrondissement : l’Équipe Ville-Marie, l’Équipe Anjou, le Parti de

    l’arrondissement CDN/NDG, Oser Outremont et le Parti des citoyens d’Outremont.

  • 22

    2.4 Le résultat des élections de 2005

    Les résultats du scrutin de 2005 renforcent plusieurs tendances amorcées avec le scrutin de 2001. Le taux de succès des candidates et des candidats a diminué dans des proportions semblables. Sur les 102 candidates, 35 % des candidates ont été élues (37 au total) (Tableau 1.10). Le taux de succès des candidats hommes ou femmes de l’UCIM a augmenté pour atteindre respectivement 88% et 74% alors que celui de VM a diminué atteignant respectivement 18% et 15%. Aucune candidate de PM ou du PEBM n’a été élue. Ces résultats confirment ceux de 2001. Les districts difficiles à prendre ne sont pas réservés aux femmes : au contraire, elles remportent dans une proportion plus grande leurs élections que leurs comparses masculins.

    Une fois de plus, les femmes performent bien à l’échelle de l’arrondissement : les candidates des partis politiques d’arrondissement ont remporté à 29% leurs élections (comparativement à 18% pour leurs homologues masculins).

    Finalement, le taux de succès des candidates varie peu en fonction des postes, si ce n’est pour le poste de mairesse d’arrondissement où le taux de succès est de 44% comparativement à 28% pour les hommes. Pour le poste de conseillère d’arrondissement, le taux de succès chez les candidates est sensiblement le même que chez les candidats (36% comparativement à 35%). Les candidates au poste de conseillère emportent aussi un peu plus facilement leurs élections que les candidats (34% comparativement à 25%).

  • 23

    Tableau 1.9 - Taux de succès des candidats, hommes et femmes, par parti politique et par poste, 2005

    Source : Tableau réalisé à partir des données du Rapport officiel du recensement des votes, scrutin du 6 novembre 2005.

    Trente-cinq pour cent des élus montréalais, tous postes confondus (soit 105 élus), sont des femmes (soit 37 élues). La proportion de femmes continue ainsi à progresser : le taux a augmenté de cinq points par rapport aux résultats du scrutin de 2001. Une étude minutieuse de la répartition des femmes dans les trois catégories de postes (conseiller de ville, conseiller d’arrondissement et maire d’arrondissement) permet de constater que c’est en raison des gains faits à l’échelle de l’arrondissement que le nombre de femmes a progressé. En effet, alors que le taux de conseillères de ville est resté stable (31 % comparativement à 30 % en 2001), le nombre relatif de conseillères d’arrondissement a considérablement augmenté, passant de 32 % à 40 %. La création des postes de maire d’arrondissement contribue également à la représentation politique des femmes au sein du conseil de ville puisqu’elles occupent 37 % des sièges. Rappelons que lors du

    Postes Conseiller(e) de ville

    Conseiller(e) d’arrondissement

    Maire(sse) d’arrondissement

    Maire(sse) Taux de succès par

    sexe Candidates VM 29% 5% 33% 0% 18%

    Candidats VM 23% 14% 0% 0% 15%

    Candidates UCIM 82% 88% 100% 0% 88%

    Candidats UCIM 68% 79% 79% 100% 74%

    Candidates PM 0% 0% 0% 0% 0%

    Candidats PM 4% 0% 0% 0% 2%

    Candidates PEBM 0% 0% 0% 0% 0%

    Candidats PEBM 0% 0% 0% 0% 0%

    Candidates d’arrondissement 25% 100% 0% 0% 29%

    Candidats d’arrondissement

    0% 50% 20% 0% 18%

    Candidates indépendantes 0% 0% 0% 0% 0%

    Candidats indépendants 0% 0% 0% 0% 0%

    Total Candidates 34% 36% 44% 0% 35%

    Total Candidats 25% 35% 28% 25% 28%

  • 24

    mandat précédent, 33 % des présidents d’arrondissement étaient des femmes20. En raison du poids des maires d’arrondissement dans le système politique montréalais, ce résultat est particulièrement significatif pour la représentation des femmes.

    Notons finalement que les partis politiques demeurent déterminants dans l’accès au poste d’élus puisque aucun des candidats indépendants, hommes ou femmes, n’ont été élus (Tableau 1.10).

    Tableau 1.10 - Nombre d’élues par parti politique et par poste électif en 2005

    Postes Conseillère de ville

    Conseillère d’arrondissement

    Mairesse d’arrondissement

    Mairesse Total d’élues par parti politique

    Élues VM 4 1 2 0 7

    Élues UCIM 9 14 5 0 28

    Élues PM 0 0 0 0 0

    Élues PEBM 0 0 0 0 0 Élues partis d’arrondissement21 1 1 0 0 2

    Élues indépendantes 0 0 0 0 0

    Total d’élues / Nb. de postes

    électifs 14/45 16/40 7/19 0/1 37/105

    % total de femmes 31% 40% 37% 0% 35%

    Source : Tableau réalisé à partir des données du Rapport officiel du recensement des votes, scrutin du 6 novembre 2005.

    2.5 Les postes

    Les résultats des élections de 2001 et de 2005 en termes de représentation féminine sont encourageants. Non seulement le nombre de candidates est en progression, mais le taux de femmes élues dépasse le seuil significatif de 30%, atteignant une moyenne pour l’ensemble des postes de 35%. Toutefois, une analyse quantitative n’est pas suffisante pour mesurer cette progression. Il faut également tenir compte de l’attribution des élues, c’est-à-dire du poids des femmes dans les différentes instances de pouvoir de la Ville de Montréal. Nous avons déjà pu voir que les femmes occupent une part importante des postes de mairesse d’arrondissement (37%), qui sont des sièges particulièrement déterminants dans la nouvelle architecture décisionnelle de la ville, mais qu’en est-il des autres attributions?

    20 Les maires d’arrondissement n’étaient pas élus directement, contrairement au scrutin de 2005. 21 Toutes membres de l’Équipe Anjou.

  • 25

    Avant l’élection de novembre 2005, le poids des femmes dans les instances décisionnelles ne reflétait pas leur poids au sein des instances législatives. On dénombrait deux femmes sur dix (incluant le maire), soit une représentation de 20%, au Comité exécutif de la Ville. Une d’elle occupait un des deux postes de vice-président du Comité exécutif.

    Le poids des élues au sein des instances associées à la fonction législative traduisait plus fidèlement la proportion de femmes élues car 33% étaient membres d’une ou l’autre des commissions du conseil de ville (Tableau 1.11). Parmi celles-ci, 29% étaient présidentes et 43% vice-présidentes. Ce portrait démontre que si une place est faite aux femmes au sein des instances législatives, l’accès aux lieux de pouvoir les plus influents est moins évident. Une analyse plus détaillée des postes occupées par les femmes depuis les élections de 2005 est convaincante à cet égard.

  • 26

    Tableau 1.11 - Présence des femmes dans les différentes instances politiques de Montréal

    INSTANCE Avant l’élection de 2005

    2008

    Nombre de femmes

    % de femmes

    Nombre de femmes

    % de femmes

    Mairesses 9/27 33% 8/19 42%

    Conseillères de ville 22/73 30% 14/45 31%

    Conseillère d’arrondissement 10/31 32% 16/40 40%

    Comité exécutif1 3/10 20 % 3/10 30 %

    présidente 0/1 0% 0/1 0%

    vice-présidente 1/2 50% 1/2 50%

    Commissions du conseil de la ville2 18/55 33 % 22/56 39 % présidentes 2/7 29 % 2/7 29%

    vice-présidentes 3/7 43 % 4/8 50 %

    Conseillers associés 2/8 25 % 6/8 75 %

    Conseil d’agglomération (parmi la représentation montréalaise)

    Conseil ND ND 6/16 38%

    Commissions du conseil d’agglomération3 ND ND 7/28 25%

    présidentes de commissions ND ND 1/6 17%

    vice-présidentes de commissions ND ND 0/0 -

    Communauté métropolitaine de Montréal (parmi la représentation montréalaise)

    Conseil 3/14 21% 4/12 33%

    Comité exécutif ND ND 0/4 0 %

    Commissions de la CMM ND ND 6/18 33%

    présidente de commission ND ND 1/1 100%

    vice-présidente de commission4 ND ND 1/4 25% Source : Tableau produit par la Ville de Montréal en mars 2008

    1. Réfère aux personnes désignées par le maire. 2. Incluant le « volet ville centre » de la Commission d’études des budgets. 3. Incluant le « volet agglomération » de la Commission d’études des budgets. 4. Postes occupés uniquement par des élus des villes reconstituées.

    Il y a une situation stable au sein du Comité exécutif de la ville : trois femmes y siègent (ce qui maintient la représentation féminine à 30%) et une femme occupe toujours un des deux postes de vice-président du comité exécutif. Les trois élues siégeant au comité exécutif sont responsables des dossiers des sports et loisirs, des équipements

  • 27

    scientifiques et des dossiers reliés à la Régie des installations olympiques ; de la condition féminine, de l’environnement, des espaces verts et bleus, des parcs et du mont Royal; et du développement social et communautaire (incluant la sécurité du revenu, la famille, les aînés et les personnes à mobilité réduite). Ce dernier dossier fait souvent typiquement l’objet d’une attribution féminine. Les grands dossiers liés au développement économique, aux finances, à la sécurité publique, au transport collectif ou infrastructures font souvent l’objet d’une attribution masculine.

    Soulignons l’augmentation spectaculaire de la proportion de femmes occupant un poste de conseiller associé au comité exécutif (75% contre 25% avant 2005). Toutefois, on peut considérer qu’il s’agit d’une assignation d’un autre ordre puisque les conseillers associés exercent surtout une fonction de soutien membres du comité exécutif dans le suivi des grands dossiers leur étant assignés. L’influence d’une telle nomination demanderait à être mieux circonscrite car certains des membres sollicitent plus que d’autres les conseillers associés.

    Sur les sept commissions permanentes du conseil de ville, deux sont présidées par une femme soit celle sur la Mise en valeur du territoire, sur l’aménagement urbain et sur le transport collectif et celle du Développement culturel et la qualité du milieu de vie. Par contre, la moitié22 des postes à la vice-présidence sont occupés par des femmes, ce qui constitue une progression par rapport à la situation avant les élections. Les femmes représentent, tous postes confondus23, en général 39% des membres des commissions. Si l’on considère que 36% des élues sont des femmes, elles sont légèrement plus nombreuses à détenir également un poste au sein des commissions (Tableau 1.11). Cette situation confirme néanmoins que l’accès aux lieux de pouvoir concerne avant tout la fonction législative.

    Le conseil d’agglomération est une nouvelle instance de pouvoir supra municipal où le poids des femmes au sein de la représentation montréalaise atteint le niveau de 38%. Une seule femme occupe un poste parmi les plus importants, en exerçant la fonction de présidente d’une commission associée au conseil d’agglomération.

    À l’échelle métropolitaine, quatre élues de Montréal sur douze siègent sur le conseil de la Communauté métropolitaine de Montréal. Cette instance ne compte aucune élue, montréalaise ou non, au comité exécutif. Parmi les 18 postes attribués à la représentation montréalaise au sein des cinq commissions, six sont occupés par des femmes24. Mentionnons qu’aucune élue n’est membre de la Commission du 22 La commission de la présidence compte deux postes de vice-présidents dont l’un est occupé par une femme. 23 Présidente, vice-présidente et membre. 24 Il est important de mentionner que les totaux sont uniquement calculés en fonction des sièges attribués aux élus

    montréalais, hommes ou femmes. Ce recensement ne tient pas compte de l’ensemble des membres de la Communauté métropolitaine de Montréal.

  • 28

    développement économique, des équipements métropolitains et des finances. Celle de l’aménagement compte 3 élues montréalaises (dont la présidente) alors que les autres commissions accueillent une seule femme de Montréal.

    Parmi les postes de présidence, un seul est attribué à la délégation montréalaise et est occupé par une femme. Quant au poste de vice-présidence, un seul poste des quatre postes attribués à la délégation montréalaise est occupé par une femme.

    L’analyse du nombre de femmes au sein de la délégation montréalaise aux lieux de pouvoir de l’Île de Montréal et de sa région révèle une sous-représentation de ces dernières aux postes décisionnels. Rappelons que ce déséquilibre a non seulement un effet sur la capacité d’influence des femmes, mais aussi sur leur revenu puisque les élus obtiennent généralement des sommes supplémentaires pour ces postes. Ces gains complémentaires permettent d’atteindre un niveau supérieur de revenu.

    À la lumière de la répartition des nominations après l’élection, deux constats peuvent être faits :

    • Premièrement, être élue pour une femme ne signifie pas nécessairement avoir accès aux postes les plus influents. Toutefois, les femmes occupent actuellement 42% des postes de maire d’arrondissement.

    • Deuxièmement, plus on s’éloigne des lieux de pouvoir stratégiques, plus les femmes sont présentes : les femmes siègent davantage dans les commissions du conseil de la ville ou du conseil d’agglomération alors qu’elles occupent moins de place au sein des instances exécutives.

    De tels constats soulignent ainsi que la trajectoire des femmes, même une fois élues doit être soutenue afin qu’elles puissent refléter proportionnellement le poids qu’elles représentent au sein de la société montréalaise.

    3. LES INITIATIVES ENGAGÉES POUR PALLIER LA SOUS-REPRÉSENTATION DES FEMMES À L’ÉCHELLE MUNICIPALE : CARACTÉRISTIQUES ET RÉSULTATS

    Au lendemain du scrutin de 2005, la progression de la représentation des femmes au sein des instances politiques de Montréal est importante car 35 % des élus montréalais sont des femmes (Tableau 1.10). Si cette nouvelle est réjouissante, le chiffre de 35 % ne doit pas faire oublier que le chemin à parcourir pour une représentation équitable des femmes n’est pas terminé car les femmes représentent plus de 50 % de la population. À cet égard, des efforts supplémentaires pourraient amener Montréal à être un véritable modèle dans l’accès des femmes à la représentation politique.

  • 29

    Dès lors, la question se pose de savoir comment il est possible d’augmenter une telle représentation. Plusieurs outils existent, à l’étranger comme au Canada (Tableau 1.12). Pour évaluer leur impact respectif, nous reprenons le modèle de Tremblay différenciant les enjeux des trois étapes menant à l’élection. Les différentes pratiques peuvent en effet être classées en fonction des causes de la sous-représentation féminine qu’elles visent à atténuer : les facteurs microsociologiques, mésosociologiques et macrosociologiques. Cette division n’est généralement pas faite dans les écrits. Une telle typologie permet selon nous de mettre en relation les origines de la faible présence politique des femmes et les moyens mis en place pour y remédier. De la sorte, il est plus facile d’identifier la cause que l’on veut prioriser, tout en restant conscient que la problématique de la sous-représentation féminine n’est pas univoque. Plusieurs raisons s’entremêlent. Par ailleurs, si diverses stratégies existent pour atteindre une distribution équitable des postes électifs en fonction du sexe, peu de mesures sont faites pour assurer une plus grande présence des élues dans les postes-clés du pouvoir.

    Tableau 1.12 - Les outils visant à augmenter la représentation des femmes à l'échelle municipale

    Outils touchant le recrutement Outils touchant la sélection Outils touchant l’élection • Programme d’éducation à la

    citoyenneté • Sensibilisation au thème de

    l’égalité • Formation et

    accompagnement des candidates et nouvelles élues (réseautage et marrainage)

    • Remboursement des frais de garde des enfants des élus

    • Sensibilisation auprès des organisations politiques et des élus

    • Réforme interne des partis politiques (comité femme, parité des instances et des candidatures, limite de financement des investitures)

    • Création d’une banque de candidates avec inscription volontaire

    • Adoption de lois pour inciter ou contraindre les partis

    • Réforme du mode de scrutin • Imposition de quotas au sein

    des assemblées législatives

    Source : Adapté de Tremblay, 2005.

    3.1 Les pratiques touchant le recrutement ou les facteurs microsociologiques

    La principale caractéristique de ces initiatives est d’insister sur l’éducation et l’information à la citoyenneté. Il s’agit de sensibiliser la population féminine aux enjeux politiques, d’organiser des rencontres, de prodiguer des conseils et d’éduquer à la chose publique. Ces démarches créent des lieux de socialisation politique et cherchent à démystifier la sphère politique afin d’encourager les femmes à se porter candidate. Elles s’adressent généralement aux femmes à titre d’individu. Dans une telle perspective, la responsabilité de la représentation repose sur les épaules de candidates éventuelles. Quelques expériences visent un public non exclusivement féminin, afin d’expliquer pourquoi il est important d’atteindre une juste représentation féminine. C’est notamment le

  • 30

    cas des mesures axées sur l’éducation à la citoyenneté25. Une autre caractéristique de ces pratiques tient à leur nature incitative. Les mesures incitatives ont pour objectif de modifier les représentations fausses que l’on se fait de la politique, en comptant par la suite sur une évolution « naturelle » de la société pour atteindre une juste représentation. Finalement, notons que ces démarches, qui visent généralement tous les échelons politiques, sont issues tant des instances de gouvernement que des élues municipales et de la société civile.

    Au Québec, la plupart des programmes de sensibilisation appartiennent à la catégorie des interventions qui visent les facteurs microsociologiques de l’entrée des femmes en politique. En effet, si le nombre des dispositifs cherchant à promouvoir et à instaurer l’égalité de genre dans la sphère politique est important, le public ciblé par ces mesures n’est pas varié car ces dernières s’adressent uniquement aux femmes et non aux acteurs politiques concernés. Le tableau 1.13 présente quelques-unes de ces expériences. L’ensemble de ces pratiques a pour objectif d’améliorer la représentation des femmes, à l’exception des mesures des Villes de Montréal et de Québec qui visent plus généralement la prise en compte des enjeux spécifiques aux femmes dans tous les domaines de la municipalité. Dans le paysage municipal, ces deux villes font figures de précurseurs dans la planification de mesures favorables aux femmes. À Montréal, la dernière action qui s’inscrit dans une telle perspective est la création en 2004 du Conseil des Montréalaises26, une instance qui fait des recommandations au conseil municipal sur toutes les questions municipales touchant l’égalité entre les hommes et les femmes et la condition féminine27. Le Conseil des Montréalaises est le fruit du Sommet de Montréal de 2002.

    À Montréal et ailleurs au Québec, les organismes communautaires, et spécifiquement les groupes de femmes, ont été particulièrement actifs en la matière au cours des dernières années. Selon diverses recensions non publiées et les intervenantes rencontrées, les expériences des groupes montréalais se distinguent un peu des mesures initiées dans d’autres régions québécoises car plusieurs de leurs activités visent aussi la participation citoyenne des femmes et non seulement l’augmentation du nombre d’élues. Ce choix s’appuie sur l’idée selon laquelle une plus grande participation des femmes dans l’espace public pourrait éventuellement conduire à un plus grand nombre de femmes désireuses de se porter candidates. Cette nuance peut sembler marginale. Elle traduit toutefois une tension dans les approches préconisées pour assurer la présence des femmes dans la sphère politique : si le discours dominant vise avant tout l’augmentation de la représentation féminine, certains groupes de femmes et des

    25 Les expériences de sensibilisation qui cherchent à rejoindre directement les principaux acteurs de la vie politique,

    tels les partis politiques, les élus, etc., appartiennent plutôt à la catégorie des facteurs mésociologiques. 26 La Ville de Montréal a adopté, en avril 2008, une politique « Pour une participation égalitaire des femmes et des

    hommes à la vie de Montréal ». 27 En vue des élections de 2005, le Conseil des Montréalaises a produit un document, dont un des thèmes est la

    représentation politique féminine : Élections 2005 : Place aux Montréalaises.

  • 31

    universitaires prônent une approche plus large et plus complexe de la présence des femmes en politique. Dans cette perspective, il faut avant tout discuter de la transformation de la démocratie, ce qui suppose une plus grande participation citoyenne et aussi, un engagement plus important des femmes (Maillé, 2007).

    La principale proposition qui se dégage de l’activité des groupes en matière d’amélioration de la présence féminine sur la scène politi