La mobilisation immédiate dans le traitement des fractures de … · 2013. 2. 18. · 474 Ann....

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Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, nO 10, pp. 473-477 © Masson, Paris, 1984 CONDUITE A TENIR DEVANT ... La mobilisation immédiate dans le traitement des fractures de l'extrémité supérieure de l'humérus D. SARAGAGLIA (1), M. PLAS-BOUREY, F. PLAS (2), E. CARPENTIER (3), J. BUTEL (4) (1) Assistant chef de clinique, Service d'Orthopédie et Traumatologie, (2) M CMK., École de Masso-Kinésithérapie, (3) Chirurgien attaché, Service d'Orthopédie et Traumatologie, (4) Professeur titulaire, Chef du Service d'Orthopédie et Traumatologie, CH. u., . F38000 Grenoble. La mobilisation immédiate dans le traitement des fractures n'est certes pas une méthode récente. Connues sous le nom de méthode de Lucas- Championnière, nous l'utilisons à l'heure ac- tuelle dans le Service du Professeur Butel pour traiter les fractures engrenées non déplacées, ou peu déplacées, de l'extrémité supérieure de l'humérus. Ce choix est la conséquence de nombreuses années d'expérience où ·la multi- plicité des traitements entrepris ne fait que confirmer le caractère tout à fait relatif de nos satisfactions thérapeutiques. Qu'il s'agisse du bandage type Dujarrier, certes confortable mais qui expose aux raideurs de l'épaule, même s'il n'est conservé que 15jours à 3 semaines seulement. Qu'il s'agisse aussi du plâtre thoraco-brachial qui, malgré ses avantages (en mettant notam- ment l'épaule en position de fonction), n'en est pas moins? très encombrant et inconfortable, surtout pour les obèses et les personnes âgées. Qu'il s'agisse enfin du plâtre pendant qui expose, même s'il est très léger, au décrochage gléno-huméral décrit par les auteurs lyonnais, . ou aux escarres thoraciques chez les personnes âgées. Par ailleurs, cette méthode, qui devrait être une méthode fonctionnelle, nous a montré par expérience qu'elle possède les mêmes risques de raideur en adduction que l'on rencontre dans les immobilisations type Dujarrier. Les échecs ou les résultats décevants de ces méthodes nous ont incités à avoir une attitude la moins agressive possible, surtout chez les personnes âgées qui sont les sujets qui se fracturent le plus souvent le col de l'humérus. Tirés à part: D. SARAGAGLIA, à l'adresse ci-dessus. La mobilisation immédiate des fractures de l'extrémité supérieure de l'humérus, prônée par G. Tondeur en 1964, ne semble pas avoir en France beaucoup d'adeptes. En effet, en 1969, lors du rapport sur les fractures de l'extrémité supérieure de l'humérus présenté à la S.O.F.C.O.T., J.-P. Razemon et S. Baux ne retrouvent que 19 traitements fonctionnels sur 1 415 cas, soit à peine plus de 1 %. Description de la méthode En urgence, le membre lésé est immobilisé par une écharpe simple et la rééducation débutera dès le lendemain ou le surlendemain de l'accident. FIG. 1. - Entraînement de l'élévation bras puis des rotations en apesanteur, le tronc est p.enché en avant jusqu'à 90°. f 1 1 r

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  • Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, nO 10, pp. 473-477© Masson, Paris, 1984

    CONDUITE A TENIR DEVANT ...

    La mobilisation immédiate dans le traitement des fractures del'extrémité supérieure de l'humérus

    D. SARAGAGLIA (1), M. PLAS-BOUREY, F. PLAS (2), E. CARPENTIER (3), J. BUTEL (4)(1) Assistant chef de clinique, Service d'Orthopédie et Traumatologie, (2) M CMK., École de Masso-Kinésithérapie, (3) Chirurgienattaché, Service d'Orthopédie et Traumatologie, (4) Professeur titulaire, Chef du Service d'Orthopédie et Traumatologie, CH. u.,

    . F38000 Grenoble.

    La mobilisation immédiate dans le traitementdes fractures n'est certes pas une méthoderécente.

    Connues sous le nom de méthode de Lucas-Championnière, nous l'utilisons à l'heure ac-tuelle dans le Service du Professeur Butel pourtraiter les fractures engrenées non déplacées, oupeu déplacées, de l'extrémité supérieure del'humérus. Ce choix est la conséquence denombreuses années d'expérience où ·la multi-plicité des traitements entrepris ne fait queconfirmer le caractère tout à fait relatif de nossatisfactions thérapeutiques.

    Qu'il s'agisse du bandage type Dujarrier,certes confortable mais qui expose aux raideursde l'épaule, même s'il n'est conservé que 15joursà 3 semaines seulement.

    Qu'il s'agisse aussi du plâtre thoraco-brachialqui, malgré ses avantages (en mettant notam-ment l'épaule en position de fonction), n'en estpas moins? très encombrant et inconfortable,surtout pour les obèses et les personnes âgées.

    Qu'il s'agisse enfin du plâtre pendant quiexpose, même s'il est très léger, au décrochagegléno-huméral décrit par les auteurs lyonnais, .ou aux escarres thoraciques chez les personnesâgées. Par ailleurs, cette méthode, qui devraitêtre une méthode fonctionnelle, nous a montrépar expérience qu'elle possède les mêmes risquesde raideur en adduction que l'on rencontre dansles immobilisations type Dujarrier.

    Les échecs ou les résultats décevants de cesméthodes nous ont incités à avoir une attitudela moins agressive possible, surtout chez lespersonnes âgées qui sont les sujets qui sefracturent le plus souvent le col de l'humérus.

    Tirés à part: D. SARAGAGLIA, à l'adresse ci-dessus.

    La mobilisation immédiate des fractures del'extrémité supérieure de l'humérus, prônée parG. Tondeur en 1964, ne semble pas avoir enFrance beaucoup d'adeptes. En effet, en 1969,lors du rapport sur les fractures de l'extrémitésupérieure de l'humérus présenté à laS.O.F.C.O.T., J.-P. Razemon et S. Baux neretrouvent que 19 traitements fonctionnels sur1 415 cas, soit à peine plus de 1 %.

    Description de la méthode

    En urgence, le membre lésé est immobilisé par uneécharpe simple et la rééducation débutera dès le lendemainou le surlendemain de l'accident.

    FIG. 1. - Entraînement de l'élévation bras puis des rotations en

    apesanteur, le tronc est p.enché en avant jusqu'à 90°.

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    FIG. 2. - Le placement du membre supérieur en élévationfacilite l'habillement.

    Le traitement est effectué en ambulatoire sans aucunehospitalisation. Il doit cependant être conduit par unkinésithérapeute compétent qui doit être averti desprincipes de la rééducation demandée.

    Cette rééducation comporte 3 étapes :- de J -+ 1 à J + 21, au cours des trois premières

    semaines, .on fait pratiquer des mouvements pendulairesdu membre supérieur, le tronc penché vers l'avantd'environ 60 à 90° (fig. 1 et 2). L'action unique de lapesanteur place sans effort et spontanément le bras enélévation (Codman). A cette même période, sont inclusau programme de rééducation des contractions statiquesdes muscles rotateurs courts qui participent à l'élévationde l'épaule. Ces exercices se font contre faible résistancemanuelle. L'observation clinique montre que la rééduca-tion isolée des rotations interne et externe n'engendreaucune douleur (fig. 3 a et 3 b).

    - de J + 21 à J + 45, au cours des trois semainessuivantes, la fracture étant partiellement engluée, onautorise des mouvements actifs aidés d'élévation du bras.On utilise des techniques par irradiation du côté sain surle membre blessé, le sujet étant couché et/ou assis (fig. 4 a,4 b, 4 c et 4 d).

    - à partir de J + 45, on utilise les mouvements guidéset actifs. Il faut insister sur la récupération de l'élévationqui permet l'exécution des gestes usuels de la viequotidienne : main bouche, main nuque, main dos, etc.(fig. 5 a, 5 b et 5 c).

    FIG. 3 a

    FIG. 3 b

    FIG. 3. - Entraînement statique des muscles rotateurs:a. - induction des rotations à partir du membre sain.b. - travail des muscles rotateurs-du membre lésé contre trèsfaible résistance,pour nepas s'exposer à un déplacement du foyerde fracture.

    Les impératifs de la méthode

    - La rééducation doit être quotidienne, etparfois même biquotidienne, 114 d'heure parséance au cours de la première semaine, pourarriver à 3/4 d'heure vers la troisième semaine.

    - Le chirurgien doit revoir son patient toutesles semaines pendant les 3 premières semainesavec contrôle radiologique pour déceler unéventueL déplacement secondaire, ce qui devrafaire suspendre le traitement.

    - Les anti-inflammatoires et les antalgiquessont souvent nécessaires au cours de la premièresemame.

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    FIG. 4a

    FIG. 4. - Élévation induite à partir du membre sain : a etb. - couché,. c. - assis,. d. - avec un bâton.

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    FIG. 5 a FIG. 5 b FIG. Sc

    FIG. 5. - Élévation active du membre: a et b. - couché, coude fléchi au départ,. c. - assis.

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    L'évolution

    - En respectant scrupuleusement les impératifsde cette méthode relativement astreignante, lesdéplacements secondaires sont exceptionnels. Laconsolidation est obtenue en 30 à 45 jours, etle résultat fonctionnel appréciable dès le 3e mois.

    Le matériel d'étude

    Nous avons traité en un an (de mars 1982 àmars 1983), et selon cette méthode, 25 fracturesde l'extrémité supérieure de l'humérus. Nousavons éliminé de cette série les fractures isoléesdu trochiter pour lesquelles le traitement fonc-tionnel n'est probablement une originalité pourpersonne. Il s'agit de 17 femmes (68 %) et de8 hommes.

    La prédominance des femmes est significativeet correspond aux données de la littérature.

    L'ÂGE

    - le plus jeune a 32 ans- le plus âgé a 88 ans- la moyenne d'âge est de 64 ans- 17 ont plus de 60 ans, soit 68 %

    Ces notions sont également en accord avecla littérature.

    LE CÔTÉ

    - 16 côtés droits, soit 64 %- 9 côtés gauches

    Notre série diffère des autres séries de lalittérature qui notent que le côté gauche est plus .atteint que le côté droit.

    LE MÉCANISME

    - 18 accidents domestiques (chute dans lesescaliers, escabeau, chute de sa hauteur)- 2 accidents de sport (ski de fond)- 5 accidents de la circulation

    L'ANATOMIE PATHOLOGIQUE

    Nous avons considéré comme J. Duparc lesfractures extra-articulaires qui correspondentaux fractures du col chirurgical de l'huméruset les fractures articulaires. Parmi celles-ci :- les fractures articulaires à refend tubérositaire- les fractures cervico-trochitériennes- les fractures céphalo-tubérositaires. Danscette étude, nous n'avons pas considéré lesdéplacements, car la méthode fonctionnelleutilisée ne s'est adressée qu'à des fractures dontle déplacement était inférieur à 40° en adductionou .en abduction;

    Nous avons donc dénombré:- 12 fractures extra-articulaires- 7 fractures extra-articulaires à refend tubéro-sitaire

    2 fractures cervico-trochitériennes- 4 fractures céphalo-tubérositaires.

    Les complications

    Un seul déplacment secondaire chez unemalade parkinsonnienne de 85 ans. Le résultatest mauvais avec une épaule gelée.

    Les résultats

    Il nous paraît prématuré de parler de résultatscar notre série est trop courte, et certains de noscas n'ont pas encore un recul suffisant.

    Quoiqu'il en soit, l'idée d'ensemble qui ressortde la revue de ces dossiers est que les résultatssont très encourageants, avec un pourcentage debons résultats qui dépasse largement les 70 %.

    Bibliographie

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    Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, n° 10 477

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    12. VIEL (E.). - Rééducation neuromusculaire à partir de laproprioception, bases kinésiologiques. ~asson, Paris, 1977.

    MASSON m

    Infirmité motrice cérébrale et déambulation.

    Conduite thérapeutique.M. HYON-JOMIER, G. BLANC et B. LACHENAL

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