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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 2009 31 * PsyEF (Psychologie cognitive de l’éducation et de la formation), Laboratoire SIS « Santé, Individu et Société », EA 4129. ** Groupe de Recherche en Psychologie Sociale GRePS, équipe PSECO, EA 4163. ENSEIGNEMENT - ÉDUCATION La mesure des compétences en traitement de l’écrit chez des adultes en grande difficulté Jean-Marie Besse*, Marie-Hélène Luis*, Anne-Lise Bouchut* et Frédéric Martinez** Selon l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), « l’illettrisme qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne par- viennent pas à lire et à comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quoti- dienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples ». Il se distingue de l’analphabétisme, situation d’adultes pas ou insuffisamment scolarisés. Deux types de compétences propres à l’activité d’un lecteur ont été distinguées : le travail de « lecture » du mot, soit par « reconnaissance », soit par « identification » ou « déchiffrage » et le travail de compréhension d’un texte. Dans la lignée en particulier des travaux d’Emilia Ferreiro, nous avons développé une démarche d’évaluation de situations d’illettrisme vécues par des adultes, le Diagnostic des modes d’appropriation de l’écrit (DMA) (Besse et al., 2004). Au cours d’entretiens individuels, construits sur le modèle de la consultation psychologique, nous mesurons des capacités (à lire, écrire, parler, comprendre un texte oral ou écrit etc.), mais nous nous intéressons aussi à la relation des enquêtés avec le protocole suivi, et à l’impact de celui-ci sur les résultats recueillis. Le module ANLCI de l’enquête IVQ 2004 retient trois types d’épreuves : production écrite ; identification de mots et pseudomots ; compréhension de l’écrit. Le cadre de recueil des données a pour but de permettre aux enquêtés, mis en confiance, de s’impliquer dans la réalisation des tâches proposées. Le nombre de « non-réponses » (« je ne sais pas », refus de répondre et absences de réponse) s’est avéré faible, alors que l’on connaît les résistances des publics concernés à toute situation d’évaluation. Il sem- blerait que les choix de la nature des situations, de l’ordre de succession des épreuves et du rôle du module d’orientation pour la mise en confiance des personnes aient répondu aux objectifs de l’enquête.

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ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 2009 31

* PsyEF (Psychologie cognitive de l’éducation et de la formation), Laboratoire SIS « Santé, Individu et Société », EA 4129.** Groupe de Recherche en Psychologie Sociale GRePS, équipe PSECO, EA 4163.

ENSEIGNEMENT - ÉDUCATION

La mesure des compétences en traitement de l’écrit chez des adultes en grande difficultéJean-Marie Besse*, Marie-Hélène Luis*, Anne-Lise Bouchut* et Frédéric Martinez**

Selon l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI), « l’illettrisme qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne par-viennent pas à lire et à comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quoti-dienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples ». Il se distingue de l’analphabétisme, situation d’adultes pas ou insuffisamment scolarisés.

Deux types de compétences propres à l’activité d’un lecteur ont été distinguées : le travail de « lecture » du mot, soit par « reconnaissance », soit par « identification » ou « déchiffrage » et le travail de compréhension d’un texte.

Dans la lignée en particulier des travaux d’Emilia Ferreiro, nous avons développé une démarche d’évaluation de situations d’illettrisme vécues par des adultes, le Diagnostic des modes d’appropriation de l’écrit (DMA) (Besse et al., 2004). Au cours d’entretiens individuels, construits sur le modèle de la consultation psychologique, nous mesurons des capacités (à lire, écrire, parler, comprendre un texte oral ou écrit etc.), mais nous nous intéressons aussi à la relation des enquêtés avec le protocole suivi, et à l’impact de celui-ci sur les résultats recueillis.

Le module ANLCI de l’enquête IVQ 2004 retient trois types d’épreuves : production écrite ; identification de mots et pseudomots ; compréhension de l’écrit.

Le cadre de recueil des données a pour but de permettre aux enquêtés, mis en confiance, de s’impliquer dans la réalisation des tâches proposées. Le nombre de « non-réponses » (« je ne sais pas », refus de répondre et absences de réponse) s’est avéré faible, alors que l’on connaît les résistances des publics concernés à toute situation d’évaluation. Il sem-blerait que les choix de la nature des situations, de l’ordre de succession des épreuves et du rôle du module d’orientation pour la mise en confiance des personnes aient répondu aux objectifs de l’enquête.

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L ’enquête Information et Vie Quotidienne (IVQ) innove dans le champ des grandes

enquêtes nationales et internationales : elle cherche tout à la fois à dénombrer les adultes qui se trouvent en situation de grande difficulté d’utilisation de l’écrit dans leur vie quotidienne et à mieux comprendre la nature de leurs pro-blèmes face à l’écrit ; pour ce second objectif, elle tente de mettre les difficultés de ces adultes en rapport avec leurs souvenirs d’apprentissage de la lecture-écriture, les caractéristiques de leur histoire et de leur situation actuelle.

La demande adressée à notre équipe de recher-che de collaborer à cette enquête en construi-sant plusieurs des modules utilisés nous a ame-nés à transposer une expérience acquise dans une approche plus qualitative de la mesure des compétences des adultes en situation d’illet-trisme pour l’adapter au cadre d’une enquête quantitative, conduite non plus par des psycho-logues en face à face avec une personne consi-dérée comme unique (le cadre de la consultation psychologique, en psychologie clinique) mais par des enquêteurs de l’Insee n’ayant pas de connaissances spécifiques à propos des person-nes en grande difficulté sur l’écrit.

Nous nous attachons ici à présenter ce contexte de transposition et à montrer quels choix ont été opérés pour l’élaboration de plusieurs des modules de l’enquête IVQ. Nous évoquons quelques-uns des effets de ces choix.

Mesurer la capacité à lire et écrire chez les adultes

D énombrer, dans la société française, les adultes peu à l’aise avec le maniement

de l’écrit n’est pas une préoccupation récente, même si l’ambition de devenir une « société de la connaissance » ou « de l’information », objec-tif repris dans le cadre de l’Union européenne depuis le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000, rend ce souci plus actuel dans un contexte de comparaison et de compétition internatio-nales. L’histoire de la mesure des capacités en lecture-écriture est fortement liée à celle de l’alphabétisation (1) de nos sociétés avant la scolarisation obligatoire (Furet et Ozouf, 1977), puis au souci d’évaluer régulièrement l’état des connaissances au sortir de la scolarité et au moment du service militaire (2).

Se préoccuper de la nature même des difficultés rencontrées par les adultes lorsqu’ils lisent ou

écrivent implique de se confronter à des ques-tions toujours plus complexes. Cela oblige en effet à s’interroger sur ce que recouvre le fait de se servir « correctement » de l’écrit et renvoie implicitement à des questions de définitions et de critères de « maîtrise » où risque de se perdre le non-spécialiste. Furet et Ozouf, dans leur his-toire de l’alphabétisation de la France (1977), rappellent que le précurseur des enquêteurs contemporains, le recteur Maggiolo, devait se satisfaire, dans ses études conduites au XIXe siè-cle, de la prise en compte des signatures au bas des actes de mariage (un plus par rapport à la mention « ne sait pas écrire son nom » ou même par rapport aux croix) pour établir une indica-tion quelque peu précise des premiers niveaux de la compétence en « écriture ». 1 2

Que peut-on considérer comme traduisant au mieux le savoir-lire et le savoir-écrire ? Il est tentant de se référer ici à la tradition scolaire ou encore de s’appuyer sur les essais de définition proposés par les institutions internationales : ainsi, n’est pas analphabète une personne qui sait « lire et écrire en le comprenant un exposé bref et simple de faits en rapport avec la vie quo-tidienne » (Unesco, 1958). Aujourd’hui cette question fait encore difficulté dans les tentatives de comparaisons internationales (Guérin-Pace et Blum, 1999 ; Blum et Guérin-Pace, 2000). Elle se formule de manière particulièrement sensible dans la société française où le « bien lire » et le « bien écrire » sont souvent posés comme impli-citement « évidents » à reconnaître, au point que l’une des premières études conduites en France, en octobre 1988, sur le nombre d’adultes en situation d’illettrisme (enquête Infométrie, menée à la demande et en collaboration avec le GPLI – Groupe Permanent de Lutte contre l’Illettrisme) ne s’était pas préoccupée de défi-nir préalablement des critères de réussite dans l’épreuve de lecture, ni dans celle d’écriture.

Dans cette enquête, en effet (Besse, 1995, pp. 14-16), la personne interrogée devait indi-

1. C’est l’ancienne dénomination de ce que l’on appelle plutôt aujourd’hui la compétence en littératie.2.  Connaissances au rang desquelles figurait  le niveau de maî-trise de la lecture-écriture, niveau comparé alors à celui de l’analphabétisme – qui aurait d’ailleurs disparu en France à la fin des années 1970, si l’on en croit Baudelot et Establet, dans un rapport pour l’Insee sur le niveau scolaire des jeunes appe-lés  (Baudelot et Establet,1988)  ;  il est à noter que dans ce qui demeure aujourd’hui de l’ancienne conscription nationale – la JAPD (Journée d’appel et de Préparation à la Défense) – la pas-sation de tests de connaissances, et ainsi la mesure du niveau d’acquisition des mécanismes de la lecture, demeure.

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quer lequel de deux textes (3) représentait le mieux son opinion. Mais quelle était la tâche demandée ? Nous ne savons pas si les textes confiés aux enquêteurs étaient à faire lire à voix haute, ou à faire commenter, ou encore à faire résumer et dans ces différents cas possibles, nous ne savons pas ce qui était tenu pour une erreur. En effet les enquêteurs ne disposaient pas de critères de « correction », comme s’il suffi-sait de « savoir lire » pour savoir « évaluer les compétences en lecture » de quelqu’un d’autre. Qu’est-ce en effet qu’une lecture « satisfai-sante » ? Qu’est-ce qu’un texte « compris » ? Dans cette même enquête l’imprécision était aussi grande à propos de l’épreuve d’écriture (il s’agissait de la « dictée » d’une phrase (4), sans indications sur la manière de dicter pour le sondeur ; de même, aucune indication n’était fournie sur ce qui devait être considéré comme une écriture correcte et où commençaient les « fautes » d’orthographe, et leur degré de « gravité »).

En France, les débats, à la fin des années 1980, sur l’ampleur de l’illettrisme et sur ses « cau-ses », s’engageaient en référence aux données fournies par cette enquête (Frier, 1992).

Pour progresser dans la manière de construire des outils d’évaluation du savoir-lire d’adul-tes, il nous faut tout d’abord nous demander si l’écrit enseigné et évalué à l’école peut servir de modèle et/ou de référence. De ce point de vue une première distinction semble néces-saire : les types d’écrit rencontrés par les adultes aujourd’hui sont souvent très liés aux moyens modernes de communication : l’exemple des courriers électroniques et des SMS témoigne de cette évolution technologique.

Par ailleurs, le système scolaire atteste de l’ac-quisition de l’apprentissage de nombreuses capacités enseignées – au premier plan desquel-les la capacité à lire et à écrire – au travers de situations d’examen au cours desquelles la tâche demandée consiste le plus souvent à restituer – réciter – ce qui a été enseigné. Or il n’est guère possible de retenir ce même critère lorsque l’on s’attache à évaluer les capacités d’adultes sor-tis, et pour certains depuis fort longtemps, de la fréquentation scolaire : plus que la capacité à reproduire des savoirs enseignés, l’on s’inté-resse à la capacité à se servir de l’écrit dans nom-bre de situations variées de la vie quotidienne. Dès lors, la mesure de ces capacités chez des adultes amène à s’interroger sur les situations et les conditions dans lesquelles s’exercent ces capacités pour des adultes : l’écrit dans la vie

d’adultes peut remplir d’autres fonctions que ce qui est proposé à des élèves au cours de leur scolarité. 

Lire et écrire servent tout d’abord à entrer en communication avec d’autres personnes : en effet, même les adultes les plus en difficulté dans l’usage de l’écrit ne peuvent échapper à la rencontre avec les écrits qui signalent les direc-tions sur les routes et dans les villes et villages (panneaux de signalisation), avec les écrits qui portent les indications sur les produits dans les magasins et qui permettent de les différencier efficacement, avec les instructions figurant sur les murs des lieux publics ou dans les entrepri-ses, avec l’établissement de feuilles de rensei-gnements pour diverses administrations ou orga-nismes, avec la rédaction de notes pour préparer des courses au supermarché, une communica-tion téléphonique, un rendez-vous important, une fiche-qualité dans le milieu professionnel, avec l’envoi ou la lecture de faire-part de nais-sance, de mariage ou de décès, de cartes posta-les, avec l’utilisation de recettes de cuisine, de menus au restaurant, de notices d’emploi pour un matériel nouveau,… pour ne citer que les usages les plus contemporains témoignant de la généralisation de l’écrit. 3 4

À ces usages liés à une fonction de communi-cation sociale nous pouvons ajouter des prati-ques plus expressives, plus personnelles, grâce auxquelles la personne peut traduire par l’écrit – en lecture et/ou écriture – ses sentiments (la lettre, le courrier électronique ou le SMS, voire le journal intime) ou exprimer ses loisirs (mots croisés ou fléchés).

L’approche méthodologique de la mesure de l’illettrisme bénéficie des nouvelles connais-sances sur les processus en jeu dans l’activité de lecture et d’écriture. Ainsi, les travaux de recherche en psychologie, depuis le début des années 1980, ont beaucoup contribué à éclairer notre approche du fonctionnement du lecteur,

3. « Maintenant, je vais vous demander de prendre connais-sance de 2 opinions contraires sur la télévision.- La multiplication actuelle des chaînes de télé est une très bonne chose pour le téléspectateur, le fait de disposer d’un choix plus large est un avantage pour lui. Il serait même intéressant d’avoir un nombre encore plus important de chaînes.- La multiplication actuelle des chaînes n’et pas une bonne chose pour le téléspectateur. En effet la concurrence entre les chaînes entraîne la diffusion de films sur toutes les chaînes aux mêmes heures. De plus, les présentateurs gagnent trop d’argent. »4. « Depuis 1984, la France possède davantage de chaînes de télévision. Pourtant la redevance a baissé de 72 francs. »

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même si la plus grande partie de ces travaux ont porté sur des enfants (Perfetti et Rieben, 1989) ou sur des adultes lecteurs experts (Fayol et al., 1992). Ce n’est que plus tard que se sont effec-tuées des recherches sur la production écrite, tout d’abord chez le jeune enfant (Ferreiro et Gomez-Palacio, 1988), puis sur l’expert (Fayol, 1997 ; Piolat et Pelissier, 1998).

Sur l’activité du lecteur l’on a assez rapidement distingué deux types de compétences :

le travail de « lecture » du mot, que ce soit par -une procédure dite de « reconnaissance » (c’est-à-dire par rappel en mémoire à long terme d’un mot déjà rencontré et stocké) ou par une pro-cédure d’identification (c’est-à-dire en « déchif-frant » un mot non encore rencontré ou mal stocké en mémoire à long terme) (5) ;

le travail de compréhension d’un texte. -

Pour montrer l’importance de cette distinction signalons seulement la contribution de Gough et Tunmer (1986) pour lesquels lire peut se traduire par une équation ainsi formulée : L = D.C, équation dans laquelle la compétence en Lecture (L) est égale à la capacité de Décodage de mots (D) multipliée par la capacité de don-ner du sens à une information textuelle, la Compréhension (C). Au-delà de la recherche de la formule mathématique (et de ce qu’elle représente comme ambition de scientificité pour la recherche psychologique), retenons que ces deux capacités sont nécessaires pour qua-lifier un niveau en Lecture. Dès lors, le cher-cheur amené à construire des outils pour établir de quoi sont capables, en Lecture, des adultes vivant dans la société française, se préoccupera de chercher à mesurer le niveau de maîtrise de ces deux capacités.

Les recherches sur l’activité du scripteur, nous l’avons signalé, ont été plus tardives. Nous considérons, pour notre part, que l’influence d’Emilia Ferreiro (Ferreiro et Gomez-Palacio, 1988) a été décisive. D’origine argentine, mais travaillant depuis de longues années à Mexico, Ferreiro a en effet marqué fortement les recher-ches sur l’activité du lecteur et du scripteur, depuis les années 1970 : elle s’est attachée à étu-dier les représentations conceptuelles du jeune enfant sur l’écrit, avant et à côté de l’école ; elle a adopté un point de vue original puisqu’elle a tenté de comprendre quelle est la part du jeune enfant dans l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, à côté de la part des enseignants et de celle du milieu environnant l’enfant (fami-

lial notamment). Pour conduire ses recherches, elle a créé des méthodes d’observation dans lesquelles, très vite, la demande d’écriture (de « production d’écrit ») a pris une place centrale. Les besoins d’analyse de ces productions écrites l’ont tout aussi rapidement amenée à s’appuyer sur les travaux des linguistes de l’écrit, qui lui ont permis de décrire finement les problèmes rencontrés par le jeune enfant face au système d’écriture (cf. aussi Jaffré et Fayol, 1997). Les bases de cette analyse ont été reprises pour l’étude des productions écrites d’adultes.

Les tests utilisés par le ministère de la Défense pour établir, notamment, les capacités en lecture des jeunes de 16 à 25 ans, s’ils s’en tiennent tou-jours à la seule mesure de la lecture, mobilisent des critères établis sur la base de travaux scien-tifiques contemporains. Il en va de même des évaluations pratiquées régulièrement par l’Édu-cation nationale : ainsi, la direction de l’Éva-luation, de la Prospective et de la Performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale, est particulièrement chargée d’évaluer les com-pétences des élèves à divers moments de leur scolarité. Elle conduit des projets tant au plan national (évaluations en fin d’école et en fin de collège, évaluations pour le français et les mathématiques en CE2 et en sixième) qu’in-ternational (épreuve de lecture PIRLS (6) pour les élèves de CM1, évaluation internationale PISA (7) pour les élèves de quinze ans) (Bottani et Vrignaud, 2005). 5 6 7

Notons toutefois qu’il existe relativement peu d’études sur la psychologie cognitive de l’adulte dans sa manière de communiquer par l’écrit (Ardila et al., 1989 ; Castro-Caldas et al., 1997 ; Gombert et Colé, 2000, Greenberg et al., 1997 ; Petersson et al., 2001 ; Thompkins et Binder, 2003 ; Torgerson et al., 2005 ; Worthy et Viise, 1996). De plus la grande majorité des enquêtes sur la littératie se préoccupe de mesurer princi-palement la lecture, alors que l’écriture a une place tout aussi importante dans la construction de l’écrit.

5.  Reconnaître ou  identifier un mot sont des activités qui peu-vent  faire  appel  à  ce  que  la  littérature  scientifique  a  qualifié de « voies » de traitement du mot : la voie par adressage (qui recoupe en grande partie l’activité de reconnaissance) et la voie par assemblage (qui recoupe fortement l’activité d’identification). Nous reviendrons ultérieurement sur cette question.6. PIRLS : Progress in International Reading Literacy Study, étude conduite par l’IEA (International Association for the Evaluation of Educational Achievement).7.  PISA : Programme International sur les Acquis des Élèves.

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Mais il est encore un point sur lequel les éva-luations ont progressé pour « mesurer » les difficultés en lecture et écriture : la réussite en lecture et écriture ne dépend pas seulement de compétences spécifiques dans ces deux domai-nes. D’autres compétences interfèrent sur cette réussite, par exemple l’intelligence générale ou la maîtrise de la langue orale (Scholes, 1993). C’est pourquoi il convient de contrôler autant que possible l’efficience dans ces domaines pour ne pas imputer à des difficultés dans le domaine de la lecture-écriture des troubles relevant déjà d’autres facteurs. Ainsi, il est important de distinguer, parmi les personnes en difficulté à l’écrit, celles qui sont également en difficulté à l’oral. En effet, une personne ne maîtrisant pas le français oral présentera de facto des problèmes de compréhension et de production pour la lec-ture et l’écriture du français et cela qu’elle soit analphabète ou lettrée dans sa langue. Mesurer l’illettrisme c’est donc n’évaluer que la lecture et l’écriture. Ces compétences pourront être éta-blies lorsqu’un niveau minimal de compétence en maîtrise du langage oral (ici, le français : lan-gue dans laquelle s’exprime l’enquêteur Insee), en particulier pour ce qui concerne la compré-hension à l’oral, est vérifié.

Mesurer la capacité à lire et écrire chez des adultes en difficulté à l’écrit

L ’enquête IVQ porte une attention particu-lière au dénombrement et à l’étude des dif-

ficultés des adultes les plus éloignés des prati-ques habituelles de l’écrit. Construire des outils d’évaluation pour ces publics pose des problè-mes que l’on ne rencontre guère chez les adultes à l’aise avec l’écrit. Pour situer la nature de ces problèmes, il nous faut commencer par établir quelques distinctions afin de mieux saisir les enjeux de la mesure.

Dans d’autres pays que la France la situation d’adultes qui, bien qu’ayant été scolarisés, ne parviennent pas à lire et à comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples est qualifiée d’analpha-bétisme fonctionnel ou, parfois encore, d’anal-phabétisme récurrent (Espérandieu et al., 1984 ; Girod, 1997 ; ANLCI, 2002 ; Medel-Añonuevo, 2003). Depuis 1984 la France a choisi de parler d’illettrisme et la dernière définition officielle a été avancée par l’ANLCI (Agence nationale de

lutte contre l’illettrisme), pour son Cadre natio-nal de référence (septembre 2003 : www.anlci.gouv.fr) : « L’illettrisme qualifie la situation de personnes de plus de 16 ans qui, bien qu’ayant été scolarisées, ne parviennent pas à lire et à comprendre un texte portant sur des situations de leur vie quotidienne, et/ou ne parviennent pas à écrire pour transmettre des informations simples.

Pour certaines personnes, ces difficultés en lecture et écriture peuvent se combiner, à des degrés divers, avec une insuffisante maîtrise d’autres compétences de base comme la com-munication orale, le raisonnement logique, la compréhension et l’utilisation des nombres et des opérations, la prise de repères dans l’es-pace et dans le temps, etc.

Malgré ces déficits, les personnes en situation d’illettrisme ont acquis de l’expérience, une culture et un capital de compétences en ne s’ap-puyant pas ou peu sur la capacité à lire et à écrire. Certaines ont pu ainsi s’intégrer à la vie sociale et professionnelle, mais l’équilibre est fragile, et le risque de marginalisation perma-nent. D’autres se trouvent dans des situations d’exclusion où l’illettrisme se conjugue avec d’autres facteurs. »

Cette définition proposée par le Cadre National de référence, appuyée sur l’expérience de nom-breux acteurs au cours des deux précédentes décennies, a permis d’éviter de confondre les caractéristiques manifestées par ces personnes dans l’utilisation de l’écrit avec des a priori sur l’histoire personnelle de ces personnes, leur état de santé physique et mentale, leur insertion sociale et professionnelle, leurs investissements culturels, opinions misérabilistes souvent véhi-culées par nombre de médias (Frier, 1992).

Il reste cependant à distinguer cette situation qua-lifiée d’illettrisme de celle des adultes que l’on a coutume d’évoquer sous l’expression « Français Langue Étrangère » (ou FLE), puisque ces der-niers s’expriment dans une autre langue que le français et que certains d’entre eux ont soit appris à lire et/ou à écrire dans leur langue première, soit ont été peu scolarisés (voire pas du tout) : ces derniers peuvent donc être considérés comme analphabètes. L’analphabétisme est en effet la situation des adultes qui n’ont pas été scolarisés ou qui n’ont pas bénéficié d’une scolarité de cinq années pleines (formation initiale) ou qui n’ont pas suivi une formation d’adultes suffisante (entre 1 500 et 2 500 heures, selon les personnes) pour apprendre à lire et à écrire efficacement. Sur le

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terrain de la formation, l’expression « post-anal-phabétisme » se rencontre également : elle sert à qualifier, parmi le groupe des analphabètes, ceux qui ont suivi quelque temps de scolarité ou un ou plusieurs modules courts de formation. Ainsi rencontre-t-on des degrés divers de difficultés tant dans le groupe des personnes en situation d’analphabétisme que dans celui des personnes en situation d’illettrisme.

Depuis le milieu des années 1980 et le pre-mier rapport officiel français sur l’illettrisme (Espérandieu et al., 1984), quelques recherches ont porté sur certaines des caractéristiques psy-chologiques ou sociales des adultes en difficulté à l’écrit, sans toujours reprendre les distinctions introduites ci-dessus : ainsi y parle-t-on par-fois d’adultes « illettrés » ou « illiterate », alors que la catégorie « analphabète » serait souvent plus adaptée (Cary, 1988 ; Bertelson et al., 1989 ; Morais et al., 1991 ; Adrian et al., 1995). Mesurées habituellement à l’aide d’épreuves inspirées de tests scolaires, les performances à l’écrit de ces personnes peuvent sembler éva-luées selon d’importants biais de mesure, car beaucoup de leurs compétences ne sont pas tes-tées. Un rapport de recherche dirigé par Emilia Ferreiro traite explicitement des adultes mexi-cains non alphabétisés (Ferreiro et al., 1983) et de leurs idées et compétences sur le lire-écrire : Ferreiro est ici partie non pas de ce que devraient savoir ces personnes mais de ce qu’elles avaient construit sans avoir pu bénéficier d’une instruc-tion ; nous avons montré (Besse et al., 1989), en reprenant certains des outils créés par Ferreiro pour cette recherche (8) que la distinction théo-rique entre « analphabétisme » et « illettrisme » recouvre des distinctions observables dans les connaissances et les manières de traiter l’écrit : le fait d’avoir fréquenté durablement l’institu-tion scolaire – et même de s’y être trouvé en situation d’échec dans les apprentissages de l’écrit – laisse des traces, dans des habitudes, des capacités, des attitudes qui, pour n’être pas très efficaces dans le maniement de l’écrit, signent une manière de se comporter très différente de celle des analphabètes. De ces travaux notre équipe retient que pour prétendre « connaître » les caractéristiques des adultes en situation d’il-lettrisme, il importe de se prémunir contre un certain nombre de préjugés et d’adopter quel-ques précautions méthodologiques. C’est ainsi que nous en sommes venus à construire une démarche de recherche et d’évaluation, que nous avons appelée assez vite le Diagnostic des modes d’appropriation de l’écrit (DMA) (Besse et al., 2004) : nous rencontrons ces adultes dans le cadre d’entretiens individuels construits sur

le modèle de la consultation psychologique. En pratique, établir une évaluation diagnostique des compétences en littératie suppose de pou-voir rencontrer la personne durant un temps long (une heure trente) en assurant une relation de confiance et en disposant de compétences en psychologie cognitive et en psycholinguistique, afin de pouvoir guider l’entretien en étant éga-lement attentif aux dimensions relationnelles et contextuelles sous-jacentes.

Notre manière de pratiquer l’évaluation consiste à nous intéresser avant tout aux démarches, aux conduites de la personne évaluée : nous étudions par exemple la manière de lire ou d’écrire, ce que nous appelons des procédures de lecture ou d’écriture. Cette approche de l’évaluation, plus qualitative, se centre sur la dynamique de la per-sonne et vise à explorer au plus près les compé-tences, les processus de lecture ou d’écriture, les procédures de construction du sens, les types de représentation de l’activité de lecture. Le DMA s’appuie sur une relation à l’autre et suppose donc, de la part de celui qui l’utilise, des atti-tudes et des conduites qui requièrent aussi une formation personnelle à l’entretien : le postulat initial est qu’il s’agit plutôt de permettre que se manifestent des compétences chez la personne évaluée (même si ces compétences ne sont pas très nombreuses et diversifiées) plutôt que de sanctionner des insuffisances et des manques (les examens scolaires sont déjà passés par là).8

Le DMA est construit selon une progression qui vise tout d’abord à mettre la personne à l’aise puis en confiance, progression qui ne fait inter-venir la rencontre avec des écrits à lire ou à pro-duire qu’une fois la relation instaurée, parce que la personne a déjà vérifié qu’elle « sait » des choses et qu’elle « reconnaît » certaines des situations proposées. Le DMA, à cette condi-tion, constitue un outil précieux pour saisir la dynamique du sujet, comprendre des fonction-nements, des cheminements. Cela suppose, de la part de celui qui évalue, une décentration par rapport à son point de vue de « lettré » : il n’est pas si évident, pour un lettré, de « comprendre » spontanément comment vivent et se vivent les personnes en situation d’illettrisme. En effet, la pratique de lecteur et de scripteur des évalua-

8.  Par exemple, un  test de décision  lexicale  :  il s’agit d’opérer la distinction entre des mots existant dans la langue et d’autres n’existant pas (ainsi un « mot » dans lequel se succède plusieurs fois la même lettre ou un autre composé d’alternances de lettres et de chiffres).

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teurs les a marqués dans leur manière même de comprendre la langue, les textes, le système de la langue écrite, mais aussi dans leur manière de comprendre le monde.

Nous combinons, dans le DMA, deux types d’approche :

– nous mesurons des performances, c’est-à-dire l’efficacité globale de certaines capacités (à lire, écrire, parler, comprendre un texte oral ou écrit) ou l’efficacité de certaines procédures : ainsi certains aspects des compétences sont étu-diés grâce à des tâches qui impliquent des types de traitement distincts (par exemple celles qui contraignent l’utilisation de procédures particu-lières, comme l’assemblage) ;

– mais, à côté de ces résultats, de ces produits de l’activité de la personne, nous nous intéressons aussi aux processus qui ont conduit aux résultats constatés : ces aspects sont relevés au cours de l’observation permise par le cadre de l’entretien semi-directif et de la manière propre de poser des questions, d’interagir avec la personne, dans une approche plus clinique, centrée sur la com-préhension de l’autre.

Avant notre collaboration à l’enquête IVQ les destinataires des évaluations que nous prati-quions étaient plutôt les personnes elles-mêmes : la manière de conduire le DMA les aide à prendre conscience de leurs savoirs mais aussi de leurs limites et elles s’expriment sur leurs manières de faire, le sentiment de leurs limites et de leurs compétences et leurs projets ; ceci constitue les bases de la co-évaluation dynamique que nous nous efforçons de mettre en place et contribue directement à la modification de l’idée que ces personnes se font de leurs possibilités d’ap-prentissage. Les personnes accompagnant ces adultes peu à l’aise avec l’écrit (bénévoles des associations, professionnels des organismes de formation,…) sont également en demande de ce type d’évaluations qui les aide à mieux adapter leurs propositions de travail au profil des adul-tes qu’elles vont rencontrer.

Mesurer la capacité à lire et écrire chez des adultes dans l’enquête IVQ

Lorsque notre équipe a été sollicitée pour élaborer un outil d’évaluation des compé-

tences liées à l’écrit dans le cadre de l’enquête

IVQ, nous avons été confrontés à nombre de questions nouvelles pour nous. La mesure, dans le cadre d’une évaluation nationale, pose des problèmes assez différents de ceux que rencon-tre le psychologue avec une personne en face à face dans l’intention de comprendre où elle en est dans sa relation à l’usage de la lecture et/ou de l’écriture. Les destinataires des évaluations ne sont plus la personne évaluée ou les forma-teurs qui vont l’accompagner.

Nous nous sommes efforcés de maintenir les principales exigences manifestées jusque là dans notre pratique scientifique tout en nous adaptant à celles propres à une enquête quantitative.

Les cadres de l’enquête IVQ

Dans cette enquête, il s’agit de mesurer la mobi-lisation, chez des adultes peu à l’aise avec l’écrit, de savoirs et de savoir-faire dans un contexte peu habituel mais que l’on s’efforce de rendre rassurant (relation individuelle avec un enquê-teur tout au long de l’évaluation et supports de travail reconnaissables).

Toutefois, la situation d’évaluation est inégale entre les deux protagonistes, puisque celui qui est interrogé peut se sentir « jugé » par l’enquêteur, qu’il estime le plus souvent plus « lettré ». Cette situation se caractérise en effet par l’obligation sociale de montrer à un autre ce que l’on peut avoir plutôt pour habitude de cacher – quand on se sent en difficulté dans ce domaine - dans les circonstances habituelles, et en plus par l’obligation de le montrer chez soi, dans son foyer, devant les siens éventuel-lement. Il n’est donc pas facile de répondre aux demandes de l’enquêteur, de lui montrer ce que l’on sait (et parfois plutôt ce que l’on ne sait pas) faire. C’est pourquoi la première responsabilité de l’enquêteur est d’établir un climat de confiance. Notre équipe s’est ainsi attachée à former les enquêteurs Insee à la pas-sation des épreuves.

La mise en place d’une mesure

La mesure des compétences à l’écrit n’est pas une mesure dans l’absolu, nous approchons des compétences en situation, sans vraiment pouvoir en déduire comment les personnes évaluées se comportent dans la vie quotidienne (où souvent elles sollicitent d’autres personnes, des intermé-diaires qui aident à ce que l’illettrisme ne leur soit pas un problème trop grave).

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 200938

Pour établir une mesure qui se rapproche au plus près de l’ensemble de ces situations, l’éva-luateur doit faire des choix parmi toutes celles qu’il serait utile de tester et ne retenir que celles possibles dans une situation d’évaluation liée au moment et à la durée d’une enquête (une enquête à un moment donné de notre histoire, de notre évolution sociale et technologique : par exemple, mesurer l’utilisation du courrier élec-tronique ou des SMS est une question qui peut se poser aujourd’hui et qui n’avait guère de sens il y a dix ou quinze ans).

Il s’agit donc de retenir des situations d’utili-sation de l’écrit estimées représentatives de l’ensemble des situations potentielles que peut rencontrer un individu.

D’autre part, les personnes en difficulté à l’écrit sont particulièrement réticentes à toute éva-luation individuelle. Dans le contexte d’une enquête ménage, effectuée au domicile des per-sonnes interrogées, il s’agit de faire en sorte que ces dernières s’impliquent le plus possible dans les activités proposées et répondent au maxi-mum de questions, si possible sur la totalité des tâches prévues. Nous avons choisi des supports de travail peu connotés : par exemple, nous avions pu constater que les personnes en situa-tion d’illettrisme sont peu à l’aise – et se com-portent fréquemment en dessous de leurs pos-sibilités effectives – face à des tâches qui leur rappellent les examens de type scolaire où elles ont été durablement mises en échec.

Objectifs de l’évaluation

Le module ANLCI que nous avons élaboré (9) cherche à évaluer un ensemble de compétences de base – en lecture et en production écrite – reconnues dans les travaux scientifiques comme intervenant directement, et de façon essentielle, dans le traitement de l’écrit. Nous avons innové par rapport aux pratiques habituelles des éva-luations sur les compétences dans le rapport à l’écrit des adultes en créant une épreuve de pro-duction écrite, alors que l’on teste habituelle-ment presque uniquement le domaine de la lec-ture. De même, nous avons construit un module de compréhension de l’oral afin de contrôler les effets de ce facteur. Pour faciliter l’entrée pro-gressive dans la situation d’évaluation et pour diriger assez vite les adultes plus à l’aise avec l’écrit vers des exercices plus adaptés à leurs compétences, nous avons également construit un module d’orientation (cf. Degorre et Murat, 2009, ce numéro).

Pour le module ANLCI, nous avons retenu de mesurer les capacités et les procédures suivan-tes en lecture et écriture :

En production écrite nous avons cherché à véri-fier l’efficacité des traitements sur les points suivants :

La production de mots réguliers (la capacité -est évaluée par un score total) pour l’écriture desquels les voies d’assemblage (c’est-à-dire en identifiant des sons, puis en assemblant dans l’ordre des lettres qui transcrivent ces sons, procédure phonographique) et/ou d’adressage (c’est-à-dire en se rappelant le mot stocké dans sa mémoire) sont utilisées (ce qui amène à distinguer deux types de procédures : procé-dure d’assemblage, procédure d’adressage). Toutefois, seule la voie d’adressage permet en général d’orthographier correctement en fran-çais, tout en s’aidant de la voie d’assemblage. Par exemple, la personne peut soit écrire de mémoire « tomate » soit assembler les lettres, puis les syllabes qu’elle prononce. Cependant, pour écrire « sel », il lui faut choisir entre deux graphèmes possibles : « s » et « c », ou entre trois mots existants « sel », « celle » et « selle ». L’utilisation de la voie d’assemblage en français conduit en général à une écriture orthographi-quement incorrecte : ainsi les écritures *cel, *sail, *sèle pour assembler et transcrire les trois phonèmes du mot (assemblage) n’aboutissent pas à une écriture orthographique. Le scripteur doit avoir rencontré auparavant le mot écrit « sel » puis l’avoir stocké avec précision dans sa mémoire pour le restituer ensuite de façon orthographiquement correcte (adressage). 9

La production de mots irréguliers pour les- -quels le recours à la voie d’adressage est néces-saire, alors que le recours à la voie d’assemblage a plutôt tendance à perturber l’écriture. Ainsi pour « pays » une personne a écrit « payei » en assemblant le mot « paye » qu’elle connaissait et en rajoutant un « i » pour transcrire le son. Pour ingénieuse qu’elle soit, cette écriture est orthographiquement fausse.

9. Initialement, la demande qui nous avait été faite portait sur la construction d’un « module Bas », alors qu’une autre équipe était sollicitée pour construire un « module Haut ». Pour éviter cette opposition susceptible de renforcer des stéréotypes mal venus, nous avons proposé de qualifier de « module ANLCI » le « module Bas », ce qui a été retenu par le groupe de pilotage de l’enquête IVQ.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 2009 39

La production de marques muettes indi- -quant l’accord : il s’agit ici de vérifier l’utili-sation d’une règle syntaxique largement connue (accord nom-adjectif, accord sujet-verbe, ici dans le cas du pluriel).

En lecture nous avons choisi de vérifier l’effica-cité dans les domaines suivants :

L’identification de mots et pseudomots (10) : -il s’agit de ce que l’on appelle communément le déchiffrement. La voie d’assemblage est le seul recours possible pour lire un pseudomot comme « movonfoul ». Les voies d’adressage et/ou d’assemblage sont sollicitées pour la lec-ture de mots réguliers comme « ami ». La voie d’adressage est la voie pertinente pour lire des mots irréguliers comme « solennel ».

En compréhension de l’écrit nous cherchons à vérifier l’efficacité à comprendre des informa-tions explicites, implicites et lexicales.

Pour évaluer l’efficacité de tous ces modes de traitement nous avons proposé des situations distinctes de production d’écrit, de lecture de mots et pseudomots et de compréhension de texte. Pour chaque situation, nous avons choisi les questions en fonction des procédures évo-quées ci-dessus. Au total, le module ANLCI se compose de 53 items (cf. encadré).

La consistance interne des épreuves composant le module ANLCI utilisé en 2004 a été testée et validée au cours de la mise au point des épreu-ves lors du pré-test de 2001, puis après la pas-sation de la pré-expérimentation IVQ de 2002 (Luis et Paire, 2003) où quelques retouches ont été apportées aux épreuves.

L’ordre de présentation des épreuves est le suivant (11) :

1 - production écrite ;

2 - identification de mots et pseudomots ; recher-che dans le texte de mots demandés oralement par l’enquêteur (signalement) ;

3 - compréhension de l’écrit.

Cette succession est délibérément choisie : le déroulement des épreuves, depuis le module d’orientation, vise à mettre la personne peu à peu en confiance, en lui proposant des situa-tions et des tâches qu’elle peut avoir déjà ren-contrées (un « vrai » programme TV, un « vrai » CD-audio) ; ces situations se présentent comme riches et complexes (la complexité des situations

authentiques) ; les questions sont progressives et permettent des réussites sur les premiers items.

Au sein du module ANLCI, la première épreuve est une demande de production écrite : cela peut sembler paradoxal dans la mesure où l’on s’ima-gine habituellement qu’écrire est bien plus diffi-cile pour ces adultes que lire ; notre choix entraî-nerait donc le risque de décourager d’emblée la personne en difficulté. En fait, l’expérience de notre équipe témoigne de la bonne acceptabi-lité de ce type d’épreuves par ce public : il se sent pris au sérieux, rassuré par une demande qu’il peut relier à ses propres expériences. Par ailleurs il nous semble plus pertinent, pour véri-fier la réalité des compétences de ces adultes en production écrite, de ne pas leur avoir pro-posé, immédiatement avant, une épreuve de lecture dans laquelle ils pourraient mémoriser des formes écrites, réemployables ensuite dans l’épreuve de production écrite (12).

Le matériel qui sert de support aux épreuves a été construit dans le souci de faciliter l’implica-tion et la motivation de la personne ; les situa-tions se rapprochent de ce qui pourrait être ren-contré dans la vie quotidienne : les consignes et les supports sont choisis pour s’adresser à l’ex-périence d’adultes.

L’épreuve de production écrite se présente comme une liste de courses qu’une personne dicte pour un livreur : une situation de ce type est socialement plausible.

L’épreuve d’identification de mots, pseudomots et signalement de mots utilise comme support un CD-audio, dont le boîtier se présente comme celui d’un album musical : ce qui est « à lire » à voix haute n’est autre que le nom du groupe, de l’album, des musiciens, les titres des morceaux de musique inscrits sur la jaquette. 10 11 12

L’épreuve de compréhension de l’écrit s’appuie sur la page quatre de la jaquette de ce même CD-audio : le texte ressemble au commentaire d’un critique musical et les questions portent sur la compréhension du texte.

10.  Les pseudomots sont des mots inexistants en français, mais dont la forme serait plausible s’ils existaient.11. Pour le module ANLCI direct seulement car il en va différem-ment pour le module ANLCI indirect (cf. infra).12. Toutefois, dans l’enquête IVQ, la personne a déjà rencontré un programme de télévision qui a servi de support aux questions du module d’orientation : mais cette épreuve de lecture a été suivie d’une épreuve de numératie et d’une épreuve de compré-hension orale, créant ainsi une rupture dans les tâches et une distance temporelle.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 200940

Des situations que l’on peut rencontrer dans la vie quotidienne

Comme on peut le constater, les personnes, déjà repérées au cours du module d’orienta-tion comme étant en difficulté à l’écrit, sont invitées à s’atteler à des tâches qu’elles évitent habituellement en les déléguant à des proches. Toutefois, ces tâches ne sont pas connotées comme « intellectuelles » ou « scolaires », mais plutôt pratiques et socialement courantes. Pour l’écriture comme pour la lecture, les mots choi-

sis relèvent de la vie ordinaire, sauf bien sûr les pseudomots, que nous avons décidé de présen-ter, pour l’écriture, comme des noms de fausses marques, les vraies marques n’ayant pas le droit d’être utilisées. Pour autant que le rapport pho-nie-graphie soit correct, toutes les orthographes possibles pour les pseudomots sont acceptées. Ainsi, pour « micatol » les écritures « myca-tol », « micathol », « micatolle », et d’autres encore ont été considérées comme justes. En revanche l’écriture « nicatome » a été considé-rée comme erronée.

Encadré

LA STRUCTURE DU MODULE ANLCI

Les distinctions qui figurent ci-dessous correspondent au cadre théorique qui nous a guidés dans le choix des questions. Ensuite, la mise en place des questions au sein des situations concrètes retenues a conduit à ce que les items ont été dispersés dans les tâches proposées. L’ordre de présentation des items à la per-sonne interrogée dans l’enquête IVQ n’a donc rien à voir avec ce que nous présentons ci-dessous.

Production écrite (4 procédures étudiées, 20 items)

Les items sont choisis sur les bases suivantes :

Pseudomots - : 6 items, par exemple : dans le groupe ANLCI direct, « micatol » a été écrit par les enquêtés correctement (entre autres) sous les formes « micatol » (220 fois), micatole (107 fois), mikatol (60 fois), mycatol (13 fois) et l’on a relevé 196 écritures erronées allant de « mécatol » à « nigatel »

Mots phonographiquement réguliers -   : 6 items, par exemple : dans le groupe ANLCI direct, tomate a été écrit correctement 588 fois, les écritures erronées allant, entre autres, de « tomat » (11 fois) à « deunate » (1 fois) en passant par « tommate » (13 fois) ou tomote (3 fois).

Mots phonographiquement irréguliers -  : 6 items, par exemple : dans le groupe ANLCI direct, solennel a été écrit correctement 93 fois, les écritures erronées allant, entre autres, de « solanel » (127 fois) à « sur la neige » (1 fois) en passant par sollanelle (4 fois).

Morphographie - : 2 items portant sur l’accord avec des lettres muettes, par exemple : dans le groupe ANLCI direct, 3 fromages a été correctement ortho-graphié 342 fois, c’est-à-dire que 342 personnes ont mis le « s ». Il n’était pas tenu compte d’une erreur sur « fromage », ainsi une personne a écrit « formages », réponse cotée juste puisque la procédure étudiée sur cet item était l’accord. On notera toutefois que les plus nombreuses erreurs sur « fromage », écrit par exemple « phromage », se retrouvent dans le groupe des per-sonnes n’ayant pas écrit le « s » du pluriel.

Lecture

1 - Identification de mots et pseudomots ; signalement (4 procédures étudiées, 22 items)

Pseudomots - : 6 items ; par exemple : dans le groupe ANLCI direct, « movonfoul » a été lu correctement par 440 personnes, les lectures erronées allant, entre autres de « novafou » à « montoufou ».

Mots phonographiquement réguliers - : 6 items ; par exemple : dans le groupe ANLCI direct, « ami » a été lu correctement par plus de 700 personnes sur 794, les lectures erronées ayant été entre autres « mari » ou « noémie » ainsi que des non-réponses.

Mots phonographiquement irréguliers - : 6 items ; par exemple : dans le groupe ANLCI direct, « aiguille » a été lue par 640 personnes les lectures erronées allant, entre autres de « anguille » à « gulli » en passant par « anglais ».

Signalement - : 4 items, par exemple : la personne doit répondre à la question « où est marqué movon-foul ? » dans le groupe ANLCI direct, 689 ont bien montré « movonfoul » et 105 ont montré un autre mot ou ont dit ne pas savoir. Il est intéressant de comparer ces résultats à ceux de l’épreuve de déchiffrement de « movonfoul » : plus de 200 personnes qui n’avaient pas pu déchiffrer le mot ont été capables de le retrou-ver dans l’épreuve de signalement.

2 - Compréhension de l’écrit (3 procédures étudiées, 11 items)

Il s’agit de comprendre la signification d’un texte, dans ce cas une présentation de l’album CD par un critique musical.

Réponses  aux  questions  explicites  et  littérales -   : 3 items. La réponse se trouve telle quelle dans le texte.

Réponses  aux  questions  explicites  sémantique- -ment proches : 4 items ; la réponse est exprimée sans reprendre exactement les termes de la question.

Réponses  aux  questions  implicites - : 4 items ; la question amène la personne évaluée à produire des inférences.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 2009 41

Pour la lecture des chansons du CD-audio, le contexte choisi, un groupe de rock, permettait des titres de chansons suffisamment incongrus pour que la lecture de mots soit acceptée et corresponde bien à la procédure de déchiffre-ment. Il faut en effet éviter l’effet du contexte pour vérifier cette procédure. Si, par exemple, l’on veut faire déchiffrer le mot « bien », il vaut mieux ne pas le placer dans le contexte « un ami qui vous veut du … » car la personne répondra « bien » par intuition et non par déchiffrement.

En ce qui concerne la compréhension de l’écrit, nous avons construit une gradation dans les difficultés du texte. Il est en effet plus facile de répondre à une question dont la réponse est intégralement écrite dans le texte qu’à une question demandant de relier des éléments de ce même texte pour trouver la réponse. Les trois procédures évaluées (cf. encadré) permet-tent d’analyser le niveau de compréhension de la personne.

Prenons l’exemple du petit texte suivant :

« L’album présente de nouvelles chansons mais aussi certains refrains fredonnés par plusieurs générations de fans. Il fédère les jeunes et leurs aînés autour d’une musique moderne qui ne sent plus le soufre. »

Une question explicite et littérale comme : « l’al-bum présente-t-il de nouvelles chansons ? » trouve exactement sa réponse dans le texte, alors qu’avec la question « l’album présente-t-il d’anciennes chansons ? » la réponse, dans le texte, est formulée d’une autre façon, c’est une question explicite sémantiquement proche. Enfin, la question « la musique du groupe est-elle contestataire ? » est une question implicite car il faut relier plusieurs éléments du texte pour trouver la réponse qui n’est que suggérée par les expressions « fédère » et « ne sent plus le soufre ».

Nous avons essayé de construire, au sein de l’activité somme toute assez courante de lecture d’un boîtier de CD-audio, un texte compréhen-sible par tout un chacun, en évitant des expres-sions ou des mots mal connus par certaines per-sonnes en difficulté (comme « ne sent plus le soufre »). Les épreuves du module ANLCI, ne l’oublions pas, s’adressent spécifiquement aux personnes en difficulté avec l’écrit et doivent permettre de repérer tout autant les compéten-ces que les manques.

L’implication des adultes en difficulté à l’écrit et l’enquête IVQ

L es épreuves du module ANLCI concer-nent les personnes repérées en difficulté à

l’écrit au cours du module d’orientation. Avec les deux modules, Orientation et ANLCI, l’enquête IVQ propose à des personnes, qui ne se servent pas de l’écrit dans la vie cou-rante, des tâches éloignées de leurs habitudes quotidiennes. Ce parti pris paradoxal trouve sa justification dans les écarts rencontrés au cours d’enquêtes précédentes entre les décla-rations de ces personnes et leurs performances en situation. Toutefois, il faut que les activités proposées permettent une implication suffi-sante pour que l’on puisse considérer l’en-quête comme valable. Nous avons déjà évo-qué les conditions de passation qui ont donné lieu à une formation spécifique des enquê-teurs. Ci-dessous nous tentons de montrer que le taux limité de non-réponses contribue à valider la bonne participation des enquêtés aux épreuves.

10 384 personnes ont été interrogées lors de l’enquête IVQ. 618 personnes n’ont répondu qu’aux questions du module biographique. Sur les répondants ayant passé au moins un exercice, 580 ont obtenu moins de 40 % de bonnes répon-ses à l’épreuve de compréhension de l’oral ; nous avons signalé plus haut que l’objectif de la présente étude est d’analyser quelques-unes des caractéristiques des adultes en difficulté principalement en lecture et/ou en écriture. Les adultes qui ont obtenu moins de 40 % de bon-nes réponses à l’épreuve de compréhension de l’oral maîtrisent mal la compréhension du fran-çais oral et n’entrent donc pas dans le cadre de cette étude.

1 091 personnes ont été orientées directement vers le module ANLCI. 2 175 personnes ont passé l’épreuve intermédiaire (leurs résultats au module d’orientation se trouvaient dans la zone étroite de partage entre littérisme (13)13 et illettrisme). 1 173 personnes (sur les 2 175 qui ont passé l’épreuve intermédiaire) ont fina-

13.  Littérisme  :  capacité  à  lire  un  texte  simple  en  le  compre-nant, à utiliser et à communiquer une information écrite dans la vie courante. Ce terme est l’antonyme d’« illettrisme » (Journal Officiel de la République Française, 30 août 2005).

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 200942

lement été orientées vers le module ANLCI dont elles ont passé le reste des épreuves. Le module ANLCI a donc concerné 2 264 person-nes, soit près de 22 % des personnes interro-gées. Sur les 1 091 personnes qui ont passé le module ANLCI directement, 832 ont obtenu 40 % et plus de bonnes réponses à l’oral. Sur les 1 173 personnes qui ont passé le module ANLCI indirectement, c’est-à-dire après le module intermédiaire, 1 031 ont obtenu 40 % et plus de bonnes réponses à l’oral. Ainsi, seu-les les personnes ayant montré des difficultés à l’écrit tout en ayant des résultats acceptables en compréhension de l’oral font partie de notre étude. D’autres travaux de notre équipe sont en préparation qui étudieront spécifiquement la situation des 259 personnes parvenues direc-tement au module ANLCI mais dont la com-préhension de l’oral était très insuffisante et des 142 personnes arrivées au module ANLCI après le module intermédiaire et qui se sont montrées également en difficulté en compré-hension de l’oral : toutes ces personnes ont-elles été capables de comprendre les consignes et les questions ? Que signifient leurs résultats et que mesure-t-on alors exactement ? Nous avons préféré restreindre ici l’échantillon pour l’homogénéiser, et notre étude portera sur deux groupes : « ANLCI Direct » (832 sujets) et « ANLCI Indirect » (1 031 sujets) (cf. tableau 1).

À partir des données recueillies lors de l’en-quête de 2004, nous nous demandons tout d’abord si ce module réussit à impliquer suf-fisamment les personnes en difficulté à l’écrit dans les tâches proposées. En effet, les person-nes en difficulté acceptent plus difficilement de faire des exercices écrits que de répondre ora-lement à des questionnaires. Avec le module ANLCI, la personne n’a pas à répondre à la question de savoir si elle fait ou non des lis-tes de courses : elle doit en écrire une. Si nous examinons le nombre de refus ou de non-réponses, nous avons un indicateur du degré d’implication.

Taux de réponses « juste » ou « erroné » par rapport aux réponses « je ne sais pas », aux refus de répondre et aux absences de réponse, pour chaque épreuve

Nous avons procédé à un décompte des réponses par épreuves, en nous intéressant ici aux répon-ses « je ne sais pas », aux refus de répondre et aux absences de réponse d’une part (réponses qui relèvent certes d’attitudes très différentes, mais qui signent toutes un évitement de la question) et aux réponses « juste » et « erroné » d’autre part. L’objectif de cette analyse est de vérifier la participation des personnes adultes, supposées en difficulté seulement à l’écrit, au module ANLCI, participation estimée à partir de cette distinction en deux types d’indications : une participation satisfaisante (réponses utilisables : « juste » ou « erroné ») témoignerait d’une construction des épreuves qui ne mettrait pas ces personnes en dif-ficulté face aux tâches proposées, mais leur per-mettrait, tout au contraire, de s’impliquer dans le travail demandé, ce qui constitue un élément important de validation de ces épreuves.

Pour rappel, il existe deux groupes ayant passé le module ANLCI : le groupe que nous appelons ANLCI direct est constitué des personnes ayant été orientées directement vers le module ANLCI à la suite du module d’orientation et le groupe que nous appelons ANLCI indirect est composé des personnes dont les résultats aux épreuves du module d’orientation ont été trop faibles pour être dirigées vers le module Haut mais qui sont proches de la ligne de délimitation entre lecteurs en difficulté et lecteurs compétents, et qui, avant de passer les épreuves du module ANLCI, ont été orientées vers le module Intermédiaire.

Le groupe constitué des personnes les plus en difficulté sur le module d’orientation (groupe dit « ANLCI Direct », 832 sujets)

En moyenne, plus de 80 % des réponses des personnes constituant ce groupe donnent lieu

Tableau 1Échantillons

Personnes ayant passé le Module ANLCI directement 1 091

Personnes ayant passé le Module ANLCI directement et obtenu 40 % et plus de bonnes réponses au Module ORAL. Groupe dit « ANLCI Direct » 832

Personnes ayant passé le Module ANLCI après le module Intermédiaire 1 173

Personnes ayant passé le Module ANLCI après le module Intermédiaire et obtenu 40 % et plus de bonnes réponses au Module ORAL. Groupe dit « ANLCI Indirect » 1 031

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à une trace utilisable et directement interpré-table (quand la réponse est « juste » ou quand elle est « fausse ») : en soi, ce résultat indique que le module ANLCI a été accepté de manière très satisfaisante par le groupe des personnes les plus en difficulté (cf. tableau 2). Pour situer la réussite de ce groupe, signalons que le pour-centage de réponses correctes de ce groupe se situe à 63,09 % sur l’ensemble du module ANLCI, c’est-à-dire 63,09 % de réponses justes sur l’ensemble des réponses possibles pour les 832 sujets de ce groupe (les réponses possibles incluent les réponses justes, les réponses faus-ses, les réponses « je ne sais pas », les refus de répondre et les absences de réponse).

L’épreuve qui est passée en premier par ce groupe est celle de production écrite : nous y notons 22,64 % d’absences de réponse (pas de refus signalé, ni de réponse « je ne sais pas ») ; si cette épreuve met en difficulté plus d’un cin-quième du groupe, le reste du groupe (77,36 %) s’engage dans cette épreuve jusqu’à produire une écriture interprétable. Un tel résultat est très significatif lorsque l’on connaît les représenta-tions sociales habituelles sur les adultes mal à l’aise avec l’écrit, représentations qui décrivent ces personnes comme très peu capables de se servir de l’écriture. Rappelons que l’enquête IVQ fait exception dans l’ensemble des gran-des enquêtes, nationales et internationales, sur les compétences en littératie en proposant une épreuve de production écrite : les autres enquê-tes limitent leur exploration aux compétences en lecture (identification de mots et compré-hension de l’écrit). Le pourcentage de réponses correctes est ici de 46,34 %.

Ce passage initial par l’épreuve de production écrite ne semble pas perturber les personnes qui n’ont pas écrit. En effet, le taux de réponses uti-lisables (réponse correcte ou erronée) est plus élevé - 89,46 % (avec un pourcentage de répon-ses correctes de 79,54 %) dans l’épreuve qui suit, d’identification de mots, de pseudomots et de signalement. Elles sont encore 71,55 % à faire de même dans la dernière épreuve, celle de compréhension de l’écrit (avec un pourcentage de réponses correctes s’élevant à 55,29 %).

La présentation des épreuves, l’ordre de leur succession, la durée totale ne constituent donc pas des obstacles importants à l’implication des personnes les plus en difficulté dans le traite-ment de l’écrit. Le module ANLCI, tel qu’il a été construit, remplit bien les objectifs fixés quant à son acceptabilité par les personnes concernées.

Le groupe des personnes en difficultés limitées sur le module d’orientation (groupe dit « ANLCI Indirect », 1 031 sujets)

Les membres de ce groupe se différencient, de plus, du groupe précédent, par le fait que les épreuves du module ANLCI leur ont été pro-posées dans un ordre différent (ordre inverse) : compréhension de l’écrit, identification de mots, pseudomots et signalement et enfin production d’écrit.

En moyenne (cf. tableau 3), plus de 90 % des réponses des personnes constituant ce groupe

Tableau 2Groupe dit « ANLCI Direct » (832 sujets) Taux de réponses « je ne sais pas », refus de répondre et absences de réponse

Sur l’ensemble du module

Identification de mots et pseudomots,

signalement

Compréhension de l’écrit

Production écrite

Ne sait pas 3 489(7,9 %)

1 301(7,11 %)

2 188(23,91 %)

0

Refus 61(0,14 %)

40(0,22 %)

21(0,23 %)

0

Absence de réponses 4 745(10,76 %)

588(3,21 %)

395(4,32 %)

3 762(22,64 %)

Réponses justesou erronées

35 801(81,19 %)

16 375(89,46 %)

6 548(71,55 %)

12 858(77,36 %)

Nombre total de répon-ses possibles

44 096(100 %)

18 304(100 %)

9 152(100 %)

16 620(100 %)

Lecture : le groupe appelé ANLCI direct est constitué des personnes ayant été orientées directement vers le module ANLCI à la suite du module d’orientation et ayant obtenu 40 % et plus de bonnes réponses au Module de compréhension de l’oral. Le total de réponses possibles est obtenu en multipliant le nombre total d’items sur le module ANLCI par le nombre de sujets du groupe considéré. 61 per-sonnes ont refusé de répondre sur l’ensemble du module.Champ : les 832 sujets du groupe dit « ANLCI Direct ».Source : enquête Information et Vie Quotidienne 2004, Insee.

ÉCONOMIE ET STATISTIQUE N° 424–425, 200944

donnent lieu, sur l’ensemble du module, à une trace utilisable et directement interprétable (quand la réponse est « juste » ou quand elle est « fausse ») : le module ANLCI a été très bien accepté par ce groupe, qui a obtenu un pourcentage de réponses correctes s’élevant à 76,45 %, c’est-à-dire 76,45 % de réponses jus-tes sur l’ensemble des réponses possibles pour les 1 031 sujets de ce groupe (les réponses pos-sibles incluent les réponses justes, les réponses fausses, les réponses « je ne sais pas », les refus de répondre et les absences de réponse).

L’épreuve qui est passée en premier par ce groupe est celle de compréhension de l’écrit : nous y notons surtout près de 18 % de répon-ses « je ne sais pas » alors que dans le groupe ANLCI Direct le pourcentage est de près de 24 % (et le pourcentage de réponses correctes est de 61,31 %).

L’épreuve suivante, de lecture de mots, pseudo-mots et de signalement, donne lieu à un engage-ment presque total : les personnes sont en effet

seulement moins de 2 % à utiliser le « je ne sais pas », le refus de répondre ou l’absence de réponse. Le pourcentage de réponses correctes est de 93,47 %.

Quant à l’épreuve de production écrite, elle donne lieu à près de 87 % de traces visibles (réponses « justes » ou « erronées »). Le pour-centage de réponses correctes est de 67,01 %.

Comparaison des deux groupes, « ANLCI Direct » et « ANLCI Indirect »

Plusieurs constats et remarques peuvent être formulés. Le groupe ANLCI Direct, le plus en difficulté face au module d’orientation, s’impli-que de manière très significative dans l’épreuve de production écrite (cf. tableau 4), la première pour lui. Mais le groupe ANLCI Indirect, qui rencontre cette épreuve en dernier, manifeste un pourcentage d’implication tendancielle-ment plus élevé (avec près de 10 points de plus) (χ2(1,N = 1863) = 3,11, P-Value < 0,08).

Tableau 4Taux de réponses effectives (« justes » ou « erronées ») selon le type d’épreuves

En %

Production écrite

Identification de mots, de pseudomots et de

signalement

Compréhension de l’écrit

Ensemble du module ANLCI

« ANLCI Direct » 77,3 89,5 71,5 81,2

« ANLCI Indirect » 86,9 98,4 81,9 90,3

Champ : les 832 sujets du groupe dit « ANLCI Direct » et les 1 031 sujets du groupe dit « ANLCI Indirect ».Source : enquête Information et Vie Quotidienne 2004, Insee.

Tableau 3Groupe dit « ANLCI Indirect » (1 031 sujets) Taux de réponses « je ne sais pas », refus de répondre et absences de réponse

Sur l’ensemble du module

Identification de mots et pseudomots,

signalement

Compréhension de l’écrit

Production écrite

Ne sait pas 2 272(4,16 %)

237(1,04 %)

2 035(17,94 %)

0

Refus 23(0,04 %)

11(0,05 %)

12(0,11 %)

0

Absence de réponses 2 822(5,16 %)

122(0,54 %)

0 2 700(13,09 %)

Réponses justesou erronées

49 426(90,64 %)

22 312(98,37 %)

9 294(81,95 %)

17 920(86,91 %)

Total de réponses possibles 54 643 22 682 11 341 20 620

Lecture : le groupe appelé ANLCI indirect est constitué des personnes dont les résultats aux épreuves du module d’orientation se situent dans la zone étroite de partage entre littérisme et illettrisme ; elles ont été orientées vers un module intermédiaire avant de passer les épreuves du Module ANLCI. Ces personnes ont en outre obtenu 40 % et plus de bonnes réponses au module de compréhension de l’oral.Le total de réponses possibles est obtenu en multipliant le nombre total d’items sur le module ANLCI par le nombre de sujets du groupe considéré. 23 personnes ont refusé de répondre sue l’ensemble du module.Champ : les 1 031 sujets du groupe dit « ANLCI Indirect ».Source : enquête Information et Vie Quotidienne 2004, Insee.

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Par ailleurs, notons qu’il y a significativement plus de réponses correctes dans le groupe ANLCI indirect (χ2(1,N = 1863) = 6,42, P-Value < 0,05).

Les deux groupes témoignent d’une très impor-tante implication dans l’épreuve d’identifica-tion de mots, de pseudomots et de signalement (cf. tableau 4) ; l’écart entre les deux grou-pes demeure constant, d’environ 10 points de pourcentage ; l’implication du groupe ANLCI Indirect (à plus de 98 %) est significativement plus importante que celle du groupe ANLCI Direct (χ2(1,N = 1863) = 6,95, P-Value < 0,001) une correction de Yates étant effectuée). Nous observons significativement plus de réponses correctes dans le groupe ANLCI indirect (χ2(1,N = 1863) = 8,31, P-Value < 0,01).

L’écart entre les deux groupes demeure du même ordre, de dix points en pourcentage d’im-plication dans l’épreuve de compréhension de l’écrit (cf. tableau 4) ; pour les deux groupes, c’est l’épreuve qui s’avère la plus probléma-tique, celle pour laquelle l’implication est la moins élevée, même si le minimum relevé (pour le groupe ANLCI Direct) est au-dessus de 70 %. L’implication du groupe ANLCI Indirect est tendanciellement plus importante que celle du groupe ANLCI direct (χ2(1,N = 1863) = 0,74, P-Value < 0,09). Rappelons que c’est sur la base de cette épreuve qu’a été constitué le groupe ANLCI Indirect : la moindre réussite en com-préhension de l’écrit (le module intermédiaire) de ces enquêtés ne leur a pas permis d’accéder au module Haut. Nous ne relevons pas ici de différence significative entre les deux groupes pour ce qui concerne les réponses correctes (χ2(1,N = 1863) = 0,74, P-Value = 0,39).

Le dernier résultat sur l’ensemble du module ANLCI (cf. tableau 4) confirme les résultats précédents : le groupe ANLCI Direct produit tendanciellement moins de réponses utilisables (« juste » ou « erroné ») que le groupe ANLCI Indirect (près de 10 points de pourcentage en moyenne) (χ2(1,N = 1863) = 3,43, P-Value < 0,07). Ce résultat est attendu, puisque le groupe ANLCI Direct est présumé plus en diffi-culté dans le traitement de l’écrit : cette difficulté peut le conduire aux évitements de réponse ou aux impossibilités de réponse. Quant aux répon-ses correctes, elles sont significativement plus nombreuses dans le groupe ANLCI indirect (χ2(1,N = 1863) = 4,23, P-Value < 0,05).

Nous avons indiqué plus haut le problème habituel rencontré par les concepteurs d’outils

d’évaluation pour des adultes en difficulté dans le traitement de l’écrit : il consiste notamment à assurer l’implication de ces personnes sur les tâches proposées durant un temps suffisamment long pour que l’on puisse étudier un ensemble conséquent de compétences. La résistance, de la part de ces personnes, à la situation de tes-ting est bien connue des chercheurs, qui l’expli-quent habituellement par le rappel des situations d’examen scolaire et des souffrances liées à ces situations dans le souvenir de ces personnes.

Notre choix a été de proposer des situations de testing inscrites sur un déroulement qui tienne compte du besoin de mise en confiance du sujet, dans un cadre où l’impératif de rapidité et de chronométrage soit moindre et en travaillant sur des supports proches de la vie quotidienne (davantage que des formes de l’examen sco-laire). Les résultats recueillis tendent à valider ce choix :

l’épreuve de production écrite donne lieu à -77,37 % de réponses utilisables dans le groupe ANLCI Direct et 86,91 % pour le groupe ANLCI Indirect ;

l’épreuve de compréhension d’écrit donne -lieu à 71,55 % de réponses utilisables dans le groupe ANLCI Direct et 81,95 % pour le groupe ANLCI Indirect ;

l’épreuve d’identification de mots, de pseu- -domots et de signalement donne lieu à 89,46 % de réponses utilisables dans le groupe ANLCI Direct et 98,37 % pour le groupe ANLCI Indirect.

Sur l’ensemble du module, le groupe ANLCI Direct donne 81,19 % de réponses (justes ou erronées), tandis que le groupe ANLCI Indirect en donne 90,34 %. Nous sommes donc fondés à penser que les choix méthodologiques opé-rés (déroulement, supports, rapport au temps) ancrent solidement l’implication dans la pas-sation des épreuves pour les personnes les plus en difficulté à l’écrit et assurent une motivation suffisante, de niveau très élevé, qui permet d’at-tester la pertinence des résultats obtenus.

* * *

Pour étudier les difficultés face à l’écrit d’adul-tes en difficulté dans ce domaine, nous avons cherché à construire un cadre de recueil des données qui leur permette de se sentir progres-

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sivement en confiance et de s’impliquer, durant un temps notable, à la réalisation des tâches proposées. Pour vérifier l’atteinte de cet objec-tif, nous avons retenu le critère du nombre de « non-réponses » (réponses : « je ne sais pas », refus de répondre et absences de réponse) enre-gistrées sur chacun des items composant le

module ANLCI : les faibles pourcentages de « non-réponses » relevés, alors que l’on connaît les résistances de ces publics à toute situation d’évaluation, tendent à attester de la validité de nos choix (nature des situations, succession des épreuves, rôle du module d’orientation pour la mise en confiance des personnes). n

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