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La matière des alchimistes revu le 6 janvier 2002 Introduction Je dois ce texte à M. Alain Mauranne qui a extrait cet article « Matière » du Dictionnaire Mytho-hermétique de Dom Pernety. Qu'il reçoive ici l'expression de ma gratitude. Ce texte est augmenté d'entrées provenant des lettres A- B-C pour l'instant disponibles sur le site Alchimie du merveilleux [livres, articles, forum] qui édite peu à peu l'index alphabétique du Dictionnaire mytho- hermétique. Ces pages se rapportent à la matière première des alchimistes et, à ce titre, à la section prima materia . La préface du Dictionnaire sera analysée prochainement car elle présente un intérêt hermétique certain. FIGURE I (frontispice du Dictionnaire de Dom Pernety) note : Depuis que ces lignes ont paru, le Dictionnaire Mytho-hermétique est disponible sur deux sites ; l'un en format html [Librairie du Merveilleux ], l'autre en format Acrobat [Hermétisme et alchimie ].

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La matière des alchimistes

revu le 6 janvier 2002

Introduction

Je dois ce texte à M. Alain Mauranne qui a extrait cet article « Matière » duDictionnaire Mytho-hermétique de Dom Pernety. Qu'il reçoive ici l'expressionde ma gratitude. Ce texte est augmenté d'entrées provenant des lettres A-B-C pour l'instant disponibles sur le site Alchimie du merveilleux [livres,articles, forum] qui édite peu à peu l'index alphabétique du Dictionnaire mytho-hermétique. Ces pages se rapportent à la matière première des alchimisteset, à ce titre, à la section prima materia. La préface du Dictionnaire seraanalysée prochainement car elle présente un intérêt hermétique certain.

FIGURE I

(frontispice du Dictionnaire de Dom Pernety)

note : Depuis que ces lignes ont paru, le Dictionnaire Mytho-hermétique estdisponible sur deux sites ; l'un en format html [Librairie du Merveilleux], l'autre enformat Acrobat [Hermétisme et alchimie].

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Le texte de Joseph-Antoine Pernety : article Matière

En termes de Philosophie Hermétique, [la Matière] est le sujet sur lequel s'exercecette Science pratique. Tous ceux qui ont écrit sur cet Art se sont appliqués à cacherle vrai nom de cette matière, parce que si elle était une fois connue, on aurait laprincipale clef de la Chymie

1. Ils l'ont nommée de tous les noms des individus créés, parce qu’ellecontient, disent-ils, en puissance toutes les qualités et propriétés deschoses élémentaires.

C'est un cinquième élément, une quintessence2, le principe et la finmatériels de tout.

Gerhard Dorn dit que c'est la matière même dont les cieux3 sontcomposés, que c'est la quintessence de notre matière sublunaire,incorruptible, et conservatrice de ce bas monde, le vrai végétatif, l'armedes éléments qui préserve de corruption tous les corps sublunaires, etleur donne le degré de perfection qui convient à chaque espèce : qu'avecl'aide de l'Art on peut l'en séparer et la communiquer aux trois règnesanimal, végétal et minéral, que cette matière enfin est ce que lesAlchimistes appellent L'Oiseau d’Hermès qui descend continuellementdu ciel en terre, et y remonte sans cesse4.

On peut voir tous les autres éloges qu'il lui donne dans son Traité deLapide Metaphysico.

Mais la matière des cieux diffère t-elle de celle de la terre ? Est-ellenécessaire pour la végétation, la conservation et l'altération des corpssublunaires ? Peut-elle être la matière prochaine de l'art Chymique ? Jelaisse les deux premiers à décider aux Physiciens Naturalistes, et letroisième point aux Alchimistes, dont la vraie matière première n'est autreque les accidents de la première matière des Sectateurs d'Aristote. LesChymistes prennent cette matière parce qu'elle est la semence deschoses, et que la semence de chaque être est sa première matière quinous soit sensible.5

Toutes les fois donc que les Philosophes Hermétiques parlent de leurpremière matière, on doit toujours l'entendre de la semence des corps6. Ily aurait beaucoup de choses à observer sur cette première matière desChymistes ; mais c'est à ceux qui font des Traités du Grand OEuvre, à enparler avec toute l'étendue qu’elle mérite. Je me contenterai donc de direavec Becher (OEdipus Chymicus) que tous les corps ne sont point entotalité cette première matière tant recherchée ; mais qu' ils lacontiennent, et qu'ils la sont en effet quant à la puissance ; ce qui doitmême s'entendre des métaux, qui ne peuvent censés être cette premièrematière qu’après y avoir été réduits7.

C'est donc la semence des corps, qui est la première matière deschymistes, dans laquelle ils distinguent la semence mâle qui tient lieu deforme8, et La semence femelle qui est la matière propre à recevoir cetteforme9. C'est pourquoi lorsque les Chymistes parlent de leur première

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matière, ils entendent le plus souvent la semence femelle, quoiqu'ilsparlent quelquefois de l'une jointe avec l'autre.

Alors ils disent qu'elle a tout ce qui lui est nécessaire, excepté le feu oulent extérieur, que l'Art fournit à la Nature: comme le dit Empedocles dansle Code de Vérité. Il n'est pas rare aussi de voir dans les livres d'Alchimie, tout ce qui produit semence être pris pour la matière du GrandOeuvre, de la même manière que l'on peut dire l'homme et les animauxcomposés des plantes, parce qu'ils s'en nourrissent. Ils s’expriment ainsien parlant de la matière éloignée, comme ils parleraient de la prochaine,de la puissance comme de l'acte , de la cause comme de l'effet ; ce quine contribue pas peu à faire prendre le change aux lecteurs qui ne sontpas versés dans cette Science.

Cette matière ne se trouve donc que dans la semence des corps, et dansle point de perfection propre à la génération ; c'est-à-dire, quand elle n'apas été corrompue ou altérée par la Nature ou l'Art : et quand on la prendtelle, elle a la puissance d'engendrer, qui n'attend qu'à être réduite à l'acteau moyen du feu10. Si on la prend généralement, sans avoir égard à laforme, elle se trouve dans tous les corps mais non pas prise commematière ayant forme chymique.

Dans les animaux elle s'appelle Menstrue, dans les végétaux Eau depluie, et dans les minéraux Eau mercurielle11. Elles partent toutes d'unemême racine et composent cependant selon Becher, trois matières tout-à-fait différentes, quoiqu'elles aient beaucoup d'affinité entre elles, n'étantqu'une Eau subtile et visqueuse ; mais comme elles différent par leurpropre substance , il n'est pas possible à l'Art de les changer l'une enl'autre.

Celle des animaux semble être faite pour l'union , celle des végétaux pourla coagulation, et celle des minéraux pour la fixation ; ce que l'onremarque aisément dans la différence de l'union et de la liaison desparties qui composent chaque individu de ces trois règnes. La premièrematière des Chymistes, éloignée est une eau pondéreuse produite parune vapeur mercurielle ; la prochaine est l‘eau mercurielle qui ne mouillepoint les mains12, comme le dit Saint Thomas dans son Commentaire surle troisième livre d'Aristote touchant les Météores.

La fin que se proposent les Chymistes dans la pierre philosophale étantd'élever les métaux imparfaits à la perfection de l'or, au moyen de saforme et de sa matière ; il faut donc que l'une et l'autre soient métalliqueset minérales. Les Alchimistes ne sauraient réussir dans leur dessein, si,comme dit Aristote le Chymiste, ils ne réduisent les corps en leurpremière matière, c'est-à-dire en leur matière féminale, et ne la mettentensuite dans une matrice propre à y produire des fruits si désirés.

Pour le premier article, tout le monde sait que les choses ne se détruisentque par les contraires; c'est le soufre qui donne la forme, il faut donc seservir de mercure pour le dissoudre et après cette dissolution on ajouteraun soufre pour coaguler et fixer le mercure, en en faisant le mariage dansle vase propre à cet effet13.

Les Philosophes Hermétiques ont toujours parlé de cette matière et desopérations de l'Art dans des termes allégoriques et énigmatiques. LeSoufre et le Sel, comme les deux principes constituant de cette matière,

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ont été nommés, le premier, Roi, Mâle, Lion, Crapaud, Feu de nature,Graisse du Soleil, Le Soleil des corps, Le Lut de Sagesse ou Sapience,Le Sceau d'Hermès, Le Fumier et la Terre des Philosophes, Huileincombustible, Mercure rouge, et une infinité d'autres noms même dediverses langues qui tous cependant signifient quelque matière fixe,coagulante ou glutineuse ; parce qu'ils attribuent au Soufre, la forme, lachaleur innée, le Sperme, l'âme, l'odeur, la couleur, la saveur, la fixité, ettout ce qui est capable de causer la cohésion des parties des corps14.

Le second principe, ou Sel, qui comprend toutes les eaux différentes dontnous avons parlé, comme semences des trois règnes, n'est pas le selcommun, ou le sel des corps, acide, ou qui brûle la langue; car cettesaveur vient du Soufre qui y est mêlé, et par conséquent toutes ces sortesde sels ne doivent être regardés que comme des mixtes, et non des selsprincipes. Le Sel des Philosophes doit se comprendre abstractivement dece Soufre, et ils ne l'ont ainsi nommé que parce que sa forme accidentellelui donne souvent l'apparence de glace, ou de sel coagulé, ou qu' il serésout en eau aussi aisément que le sel.

C'est ce sel qu 'ils appellent proprement la matière propre à recevoir laforme15. C'est pourquoi ils l'ont nommé Humide radical, Menstrue ,Corps en puissance, Chose ou Substance capable à recevoir toutesfortes de formes, Reine, Femelle, Aigle, Serpent, Eau Céleste, Ecume dela Lune, Clef, Mercure blanc, Mercure des Philosophes, Eau de vie et demort, Cire où l'on imprime le Sceau d'Hermès, Eau de glace, Pluie desPhilosophes, Fontaine, Bain du Roi, Bain des corps, Vinaigre très aigre,Savon , et tant d'autres noms qu'on trouvera ci-après par ordrealphabétique et dont la plupart seront expliqués dans les articles qui lesconcernent.16

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La plus grande partie des Philosophes pensent que tout a pour principe une eausavonneuse c’est-à-dire, composée de deux substances, l'une saline et l'autreoléagineuse, appellée Cahos, et propre à recevoir quelque forme que ce puisseêtre ; que Dieu l'a divisée en deux parties, en eau grossière, et en eau subtile ; lapremière visqueuse, huileuse ou sulfureuse, la seconde saline, subsaline subtile etmercurielle. Il les subdivisa encore en trois parties générales ; de la plus subtile il

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forma les animaux, de la plus crasse les métaux, et de celle qui participe des deux ilen composa les végétaux ; de manière que celle d'un règne ne saurait êtretransmuée radicalement en un autre règne par aucune opération de l'Art.

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La Pratique de la Chimie prouve à ceux qui douteraient de ce système, ditBecher, qu'il n'est pas la production d'un cerveau creux. Le Soufre agit surle Sel en l'agglutinant et lui donnant ainsi la forme : le Sel agit sur leSoufre en le dissolvant et le putréfiant et l'un joint avec l'autre en quantitéproportionnée, constituent une eau visqueuse et vitriolique, qui est lapremière matière de la Nature de l'Art.18

Voici une partie des noms16 que les Philosophes Hermétiques ont donnéà leur matière. La plupart sont expliqués dans ce Dictionnaire parce que,disent Morien et Raymond Lulle, c'est dans l’intelligence de ces noms sidifférents d’une même chose, que constitue tout le secret de l'Art. Les unssont tirés du grec, les autres de l'hébreu, quelques-uns de la languearabe, plusieurs du latin et du français.

L'on connait les vrais Philosophes à la matière qu'il emploient pour lemagistère. Ceux-là sont dans l'erreur qui se servent de diverses matièrespour composer leur mercure, c'est-à-dire de matières de diverses natures.Elle est une, et quoiqu'elle se trouve partout et en tout, elle ne peut setirer que de sa propre minière.

C’est une. eau visqueuse, un esprit corporifié. Elle est la même matièreque celle dont la Nature se sert pour faire les métaux dans les mines ;mais il ne faut pas s'imaginer que ce sont les métaux-mêmes, ou qu'elles'en tire ; car tous les Philosophes recommandent de laisser les extrêmeset de prendre le milieu ; comme pour faire du pain, on ne prend, ditPhilalethe, ni le grain, ni le son, mais la farine.19

On ne fait pas non plus du pain avec du pain cuit. Il ne faut pas aussichercher à former une matière des quatre éléments qui sont les principesprincipians de tout ; mais une matière élémentée, qui contienne en elle-même les quatre éléments, et qui soit la semence des métaux. Cettematière a été voilée par les Anciens sous diverses fables, mais plusparticulièrement sous celles d'Hercule & d'Anthée, de Pyrrha et deDeucalion.20

Mais si quelqu'un veut réussir dans les opérations du magistère, qu'ilapprenne auparavant, dit Philathète, ce qu'on entend par les compagnonsde Cadmus21, quel est le Serpent qui les dévora, ce que c'est que lechêne creux contre lequel il transperça ce Serpent; ce qu'on entend parles Colombes de Diane, qui surmontent le Lion en l'amadouant ; ce Lionvert, qui est un vrai Dragon Babylonien, dont le venin fait tout mourir : ceque c'est que le caducée de Mercure, etc.22

Cette matière est appellée vile, et Philalèthe entr'autres dit que le prix desprincipes matériels de l’Oeuvre ne passe pas trois louis d'or. Il ajoute quequant à la fabrique de l'Eau séche des Sages, deux écus suffisent pouren faire une livre. Il assure de plus qu'on peut avoir autant de matièreprincipe de cette eau, qu'il en faudrait pour animer deux livres de mercure.

Plusieurs Philosophes disent que les pauvres ont autant de cette matière

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que les riches23 ; mais il faut l'entendre de la matière principe dont celledes Sages est composée. Notre eau, dit Philalèthe, est composée deplusieurs choses, c'est-à-dire d'une seule et unique chose faite dediverses substances, mais d'une et même essence.

Il faut que dans notre eau il se trouve un feu, une liqueur saturniennevégétable, et un lien du mercure24. Ce feu est minéral sulfureux, sans êtreproprement minéral , loin d'être métallique. C'est un cahos ou esprit, sousla forme d'un corps, qui n'est cependant pas corps puisqu’il est tout volatil,et qui n’est pas aussi absolument esprit, puisqu'il ressemble à un métalliquéfié25.

Quelquefois les Philosophes ont restraint le nom de Matière à leurmercure animé26, et non à la matière dont il est extrait.

Notes

1. il n'y a pas qu'une seule matière première dans le Grand oeuvre. Nousavons montré dans d'autres sections [1,2,3,4,5,6,7,8,9,10] qu'il y a sansdoute trois matières premières. L'une est un vitriol [vert, bleu ou blanc] ouune substance vitriolique [argile, gypse]. L'autre contient un sel depotassium [salpêtre, tartre, huile de tartre par défaillance] ou de soude [natron, seladmirable de Glauber]. La 3ème est probablement de la chaux ou uncarbonate de calcium qui joue un rôle des plus importants comme agentréducteur [calcaire, carbonate de chaux, pierre de Jésus ou pierre du Levant]. Lecharbon pourrait tenir de substitut à la chaux, mais rien d'assuré.

2. la quintessence correspond à un état de la matière qui n'était pasconnu des Anciens parce qu'ils ne savaient pas à quoi correspondaitl'oxydation des métaux ; ils les nommaient alors les chaux métalliques. Laquintessence était une chaux métallique dissoute, correspondant àl'humide radical métallique. On peut dire que la quintessence représentel'ensemble des extrêmes qu'il convient d'unir grâce au vaisseau de nature.Dom Pernety nous dévoile -Fables- le secret de l'Art sacerdotal dans laClef des Sciences :

«Le premier pas à la sagesse est la crainte de Dieu, le second la connaissance de laNature. [...] La Nature enseigne aux clairvoyants la Physique hermétique. L'alchimieproprement dite est une opération de la nature, aidée par l'art. Elle nous met en main laclef de la magie naturelle ou de la physique, et nous rend admirables aux hommes, ennous élevant au-dessus du commun. Du Secret - La statue d'Harpocrate, qui avait unemain sur sa bouche, était chez les anciens Sages l'emblême du secret, qui se fortifie dansle silence, s'affaiblit et s'évanouit par la révélation. [...] - Des Clefs de la Nature - Detoutes choses matérielles il se fait de la cendre ; de la cendre on fait du sel, du sel onsépare l'eau et le mercure on compose un élixir ou une quintessence. »

Harpocrate, au sentiment de tous les auteurs, est le dieu du silence et lesstatues où il est représenté le montrent dans l'attitude de porter le doigtsur sa bouche. On pourra en rapprocher ce que Fulcanelli a dit sur unsujet analogue [cf. Cambriel]. Pour Pernety, on a souvent confonduHarpocrate avec Horus ; Harpocrate n'est pas le symbole du soleil mais ilest fils d'Isis et d'Osiris et sa symbolique a des rapports avec le chat-huant, le chien et le serpent. Le chat-huant était l'oiseau de Minerve,déesse de la Sagesse ; le serpent fut toujours un symbole de prudence-en même temps que celui du dissolvant- et le chien un symbole defidélité. On ne sera pas loin d'avoir fait la moitié du chemin si l'on examine

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le commentaire que donne Pernety, plus loin [chap. IV, La biche aux cornesd'or, Fables] :

« La Nature agit toujours longuement, et quoique l'Art puisse abréger ses opérations, ilne réussiarait pas s'il en précipitait trop les procédés. Au moyen d'une chaleur douce,mais plus vive que celle de la Nature, on peut prématurer une fleur ou un fruit ; mais unechaleur trop violente brûlerait la plante, avant qu'elle eût pu produire ce qu'on enattendait. [cf.chapitre 35]. Ripley [Douze portes] nous assure d'ailleurs, et beaucoupd'autres, qu'il faut un an pour parvenir à la perfection de la pierre au blanc, ou la Dianedes Philosophes, que cet Auteur appelle chaux. »

Jean d'Espagnet est aussi d'avis que la quintessence et le moyen deconjoindre les extrémités du vaisseau de nature ne sont pas étrangers l'unà l'autre :

"La troisième digestion donne à la terre qui vient d'être renouvelée un lait de rosée, et luicommunique toutes les vertus spirituelles de la quintessence ; elle lie au corps l'âmevivifiante par l'entremise de l'esprit. Alors la terre possède en elle un riche trésor, etdevient d'abord semblable à la Lune éblouissante, puis au Soleil rougeoyant : elle est dited'abord terre de Lune, puis terre de Soleil, car elle naît, dans un cas comme dans l'autre,du mariage de l'un et de l'autre. Ni l'une ni l'autre terre ne craignent plus les rigueurs dufeu, car toutes deux sont exemptes de toute tache, parce qu'elles ont été purifiéesplusieurs fois de leur tare par ce feu (même), et en ont souffert un grave martyre, jusqu'àce que tous les éléments aient été digérés ensemble." [l'Oeuvre secret d'Hermès]

Dom Pernety dit ici que le grand secret de l'oeuvre est de savoir blanchirle laiton et il énumère sur une page tous les qualificatifs par lesquels lephilosophes définissent la matière qui résulte de la conjonction des deuxSoufres :

FIGURE II

(extrait du tome I des Fables Egyptiennes et Grecques ; disponible en format word sur le site hermétisme et alchimie, tome I)

Ce laiton ou « laton non net » est un autre mot pour qualifier l'Airain outête de corbeau, à ce stade de l'oeuvre. Dom Pernety nous dit finalementceci de la quintessence :

« La quintessence est une extraction de la plus spiritueuse et radicale substance de la

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matière ; elle se fait par la séparation des éléments qui se terminent en une céleste etincorruptible essence dégagée de toutes les hétérogénéités. Aristote la nomme unesubstance très pure, incorporée en certaine matière non mélangée d'accidents. Héraclitel'appelle une essence céleste, qui prend le nom du lieu d'où elle tire son origine.Paracelse la dit, l'être de notre ciel centrique [il s'agit alors du radical métallique dusoleil] ; Pline, une essence corporelle, séparée néanmoins de toute matérialité, etdégagée du commerce de la matière. Elle a été nommée en conséquence un corpsspirituel, ou un esprit spirituel, fait d'une substance éthérée. Toutes ces qualités lui ont faitdonner le nom de quintessence, c'est-à-dire une cinquième substance, qui résulte del'union des parties les plus pures des éléments. [...] »

Il faut bien voir qu'il s'agit d'un état de la matière qui devait semblersingulier aux alchimistes : une substance qui n'était ni eau, ni terre, ni feuni air mais qui tenait à la fois des quatre principes tout en ayant saspécificité. Le secret pilosophique consistait à tenir son feu selon desproportions que les uns définissaient comme clibaniques [Fig. Hiér . ] ou lesautres, géométriques [Artephius]. Le Trévisan [Verbum] conseillait dedonner un feu lent et faible plutôt que fort au risque, sinon, de brûler lesfleurs. Dom Pernety poursuit :

« Cette difficulté n'est pas cependant si grande qu'elle le paraît d'abord à la premièrelecture des philosophes ; quelques-uns nous avertissent [Verbum] que la Nature atoujours la balance à la main pour peser ces éléments, et en faire ses mélanges tellementproportionnés, qu'il en résulte toujours les mixtes qu'elle se propose de faire, à moinsqu'elle ne soit empêchée dans ses opérations parle défaut de la matrice où elle fait sesopérations, ou par celui des semences qu'on lui fournit, ou enfin par d'autres accidents...»

Nous n'avons hélas pas les commentaires de Dom Pernety sur la guerrede Troie mais on ne peut pas s'empécher d'évoquer Zeus pesant dans sabalance, quand le soleil arrive au milieu du ciel [L'Iliade, chant VIII], le sortdes Achéens et des Troyens :

"Ayant pris ses balances par le milieu, il [Zeus] les lève, et le bassin dans lequel il avaitmis le jour fatal des Achéens s'abaisse. Les destins des Achéens touchèrent la terreféconde, et ceux des Troyens s'élevèrent vers le ciel vaste. Alors Jupiter tonnaterriblement du haut de l'Ida, et il lança un éclair brûlant sur les Achéens ; ceux-ci s'enétonnèrent et une pâle crainte les saisit tous."

Les Achéens seraient-ils plus fixes que les Troyens ? Attendons de lire unjour l'avis de Pernety... Un alchimiste anonyme, auteur de l'écrit intituléHuginus à Barma semble du même avis que d'Espagnet :

"D'ailleurs tous les astres de l'Astronomie inférieure brillent en lui, & deviennent spirituelsou volatils par son moyen, parce qu'il les purifie & délivre de leur nature terrestre &féculente, & les change en une semence convenable & exactement pure. C'est donc unvrai ciel, disons mieux, c'est l'esprit de tout l'univers & sa quintessence, car il a la force dufeu, & son origine est céleste. II ne se manifeste que lorsqu'on lui a enlevé & qu'on aséparé de lui ses éléments ou parties les plus grossières. Il faut donc le purifier, aprèsquoi il n'a besoin d'autre chose au monde que de devenir mûr [...]" [chap. XIV]

Ici, on doit penser que le Ciel est le milieu même du Mercure, et que cettevolatilité, cette spiritualisation des astres, c'est-à-dire des Soufres, estl'image de la sublimation philosophique par la voie sèche. Cettequintessence, du reste, est répertoriée au mot Ciel du dictionnaire mytho-hermétique [1,2] et confirme l'impression qui domine quand on veuttrouver un qualificatif valable au vase de nature qui correspond au Cielfirmamental [Philalèthe]. Salomon Trismosin [Toyson d'Or] nous donne uneversion assez alambiquée de la quintessence, qui n'est pas sans rappelerl'humour de Fulcanelli, comme quoi les alchimistes avaient décidémentbeaucoup d'esprit :

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"Les philosophes pour ne laisser rien en arrière de ce qu'ils doivent honnêtementdécouvrir de cet art, lui attribuent deux corps, savoir est le soleil et la lune, qu'ils disentêtre la terre et l'eau. Ces deux corps s'appellent aussi l'homme et femme, lesquelsengendrent quatre enfants, deux petits hommes qu'ils nomment la chaleur et froideur, etdeux petites femmes signifiées par le sec et l'humide : de ces quatre qualités il en sortune cinquième substance, qui est la Magnésie blanche, laquelle ne porte aucune ride defausseté sur le front. Et Senior poursuivant plus au long cette même figure la conclut encette sorte : « Quand, dit-il, les cinq sont assemblés ensemble, et viennent à être unemême chose, la pierre naturelle se fait lors de toutes ces mixions égales, qu'on nommeDiane. Avicenne à ce propos dit que si nous pouvons parvenir jusqu'au cinquième..."

L'homme et la femme désignent respectivement le Soleil et la Lunehermétique, c'est-à-dire le Sel des sages. Les quatre enfants représententles quatre Eléments que l'on reconnaît facilement : la chaleur, c'est le Feu; la froideur, c'est l'Air ; le sec est la Terre et enfin l'humide est l'Eau. Pointn'est besoin d'être cabaliste pour décrypter cette partie du texte. Ce quiest plus intéressant, c'est de voir que le principe mâle procure le Feu etl'Air et que le principe femelle procure la Terre et l'Eau. Trismosin restedans la grande tradition hermétique. La Terre est la Virgo paritura,dépeinte par Fulcanelli dans les Mystères et l'Eau, c'est la mer [mère] oùnagent les poissons gras et sulfureux de Jean d'Espagnet. Quant à lacinquième substance qui est décrite, elle correspond à la quintessence, icinommée « Magnésie blanche », tirant donc à la fois de l'Aimant [qui est lademeure du Sel] et de la blancheur, symbole du régime de la Lune, et signeque l'enfant est né, et que le Ciel et la Terre sont mariés. Notez bien quele Ciel représente le Soufre sublimé qui se coagule avec le Sel terrestre.Vient la suite :

"...nous obtiendrons ce que tous les auteurs appellent l'âme du monde. Les philosophesnous expliquent sous l'écorce de cette similitude de l'essence et le modèle de leur véritépar la démonstration d'un œuf, pour ce que dans son enclos il y a quatre chosesassemblées et ensemble conjointes, la première desquelles est le dessus qui est lacoquille, signifiant la terre, et le blanc qui est l'eau ; mais la peau qui est entre l'eau et lacoquille est l'air qui divise la terre d'avec l'eau [c'est le ciel terrestre de Lavinius] : le jauneest le feu et a une peau fort déliée tout à l'entour de soi : mais celui-là est l'air le plussubtil, lequel est ici au plus intérieur du très subtil, car il est plus adhérent et plus procheet voisin que n'est le feu, repoussant le feu et l'eau au milieu du jaune qui est cettecinquième substance, de laquelle sera formée et engendrée la poulette qui croît paraprès."

Cette « poulette » n'est autre que le Poulet d'Hermogène. L'oeuf, tel qu'ilest décrit par Trismosin, apparaît comme un modèle théorique duCompost : il se compose de la coquille qui est le Sel. Il enveloppe lesoufre rouge comme une couverture dont il est séparé par la pellicule quienveloppe le blanc d'oeuf. Cette pellicule est assimilée à l'Air ; le blancd'oeuf figure le Mercure et le jaune est le Soufre. Quant à l'eau « au milieudu jaune », elle figure la chaux métallique dissoute dans le Mercure : c'estla quintessence. Plus loin, Trismosin revient avec plus de précision surnotre quintessence :

"Plusieurs autres tiennent que ce mercure est proprement appelé quintessence, l'âme dumonde, esprit, eau permanente, menstrue, et d'une infinité d'autres noms qui luirapportent tous selon la diversité de ses effets, auquel ils donnent tant de force et devertu, que sans l'assistance de cette âme vivifiée, le corps de notre vaisseau, c'est-à-direla matière noire qu'ils appellent le Dragon dévorant sa queue, qui est sa propre humiditén'obtiendrait jamais la vie, et ne ferait paraître aucun signe de bon effet"

Ce qu'il faut bien comprendre ici, c'est que l'année alchimique estcomposée de quatre saisons qui correspondent chacune aux QuatreEléments : au Printemps est dévolu la Terre ; l'Eté est la saison de Feu ;l'Automne est la saison de l'Eau et l'Hiver se rapporte à l'Air. Veut-on en

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avoir la preuve ? Il faut lire ce qu'en dit Basile Valentin dans son CharTriomphal de l'antimoine :

"L'antimoine a les quatre extrémités et qualités en soi avec leurs propriétés. Il est froid ethumide, chaud et sec. Il se règle selon les quatre saisons de l'année. Il est fluide et fixe.Celui qui est fluide n'est pas sans poison; et celui qui est fixe est libre de tout poison.C'est pourquoi il est certain que plusieurs écrivent diverses fictions de l'antimoine,lorsqu'ils parlent de ses facultés malignes..."

C'est une définition du Mercure que nous donne Basile et pas del'antimoine ; du moins cette définition a-t-elle abusé beaucoup d'étudiantsqui ont cru voir dans le corps de l'antimoine la matière des alchimistes.Dom Pernety n'est pas tombé dans cette erreur et a montré que parantimoine, les Adeptes avaient en vue le dissolvant. [à lexique]. Voici uneimage du Mercurius :

FIGURE III

(Hermaphrodite avec trois et un serpents, Rosarium philosophorum, Artis Auriferae, vol. II, 12, Bâle, 1593)

3. Cette matière dont les cieux sont composés rappelle l'Esprit universelqui a des rapports avec l'acide carbonique ; c'est de cet Esprit, allié àl'humidité, que se forme le sel de pierre. Les Philosophes ont parlé decette matière pour la cacher outre mesure quand il s'est agi de la désigneren particulier. En revanche, ils se sont étendus sur ses qualités et sespropriétés quand ils en parlaient en général. Le Cosmopolite a résumé lemieux cette question difficile lorsqu'il préconise d'examiner :

"...si ce que vous vous proposez de faire est conforme à ce que peut faire la Nature..."[Nouvelle Lumière Chimique]

4. L'Oiseau d'Hermès est le nom que les alchimistes donnent au Mercurephilosophqiue. ils l'appellent aussi Faysan ou Oie. D'autres l'appellent lePoulet d'Hermogène [Artéphius, Livre Secret]. L'idée de circulationperpétuelle est tenue dans le mouvement virtuel qu'on décrit entre la terreet le ciel « chymiques ». Dom Pernety évoque ici le principe résolutif de laNature, envisagé dans le sens du microcosme hermétique, c'est-à-dire duvase de nature. Cet Oiseau d'Hermès correspond à un esprit fixe,composé d'un feu très pur et incombustible, qui fait sa demeure dansl'humide radical des Mixtes. C'est le seul Mercure des Philosophes qui a ala propriété et la vertu de « tirer l'Or » de sa prison, de le corrompre et dele disposer à la génération, comme le dit Pernety dans ses Fables [De la

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Matière du Grand oeuvre en général] Fulcanelli écrit de son côté dans les Mystères, p. 116 :

" Et notre Mercure philosophique est l'oiseau d'Hermès, à qui l'on donne aussi le nomd'Oie ou de Cygne, et quelquefois de Faysan "

Esprit Gobineau de Montluisan ne dit pas autre chose en substance :

"L'aigle, par exemple, ne signifie autre chose que l'Esprit universel du monde ; et c'estl'Oiseau d'Hermès, et le mouvement perpétuel des Sages"

Mais il ne faut pas confondre cet oiseau avec le Phénix dont nous parlePontanus dans son Epître :

"ll naît de moi un Oiseau admirable [le phénix hermétique], qui de ses os, qui sont mesos, se fait un petit nid, où, volant sans ailes [Philalèthe ne dit pas autre chose dansl'Introïtus, VI], il se revivifie en mourant, et l'Art surpassant les lois de la Nature, il est à lafin changé en un Roi, qui surpasse infiniment en vertu les six autres."

Mais c'est sans doute Salomon Trismosin qui a le plus parlé de l'Oiseaud'Hermès, en sa Toyson d'or :

"Voulant donc par un abrégé métaphorique décrire succinctement les particulièrespropriétés de ce susdit mercure, il use de ces mots : « Je me suis, dit-il, donné de garded'un oiseau, l'appelant ainsi pour ce qu'il est esprit et corps, premier né de la terre » -Très commun, très caché, très vil, très précieux, - Conservant, détruisant, bon etmalicieux, - Commencement et fin de toute créature, car la corruption et la noirceur sontle commencement et la fin de toutes choses. Ce qu'Augurel en sa Chrysopée confirmeencore fort à propos quand il parle de cet oiseau noir dissolvant les corps par ces verssuivants : - Et qui plus est cette nature efforce - Qui d'amollir ces deux métaux s'efforce -En toute chose est naturellement - En lui donnant fin et commencement."

Là encore, il importe de bien différencier les oiseaux dans la volièrehermétique ; l'oiseau noir ou corbeau est le vrai Oiseau d'Hermès ; c'estcelui qui dissout les corps. L'oiseau volant sans aile, c'est le soufre quidisparaît ou qui s'évanouit sous l'effet dissolvant du Mercure. Enfin, lephénix, c'est l'oiseau renaissant de ces cendres, c'est-à-dire l'apparitionde la Pierre par accrétion du Soufre.

5. C'est une tautologie ; cette périphrase montreau fond, soit que Pernetyne voulait pas parler soit qu'il ne trouvait rien à dire. Si l'on devait donnerun seul nom à la matière des Sages - alors que l'on sait qu'il en existeplusieurs - alors on citerait l'αϕρονιρνυµ des Grecs, correspondant ànotre fleur de nitre. Mais alors, on manquerait la part vitriolique qued'aucuns considèrent comme essentielle à l'Oeuvre.

6. L'explication de l'expression « semence des corps » pourrait réclamerune section entière. Rappelons simplement que le Corps, en alchimie,représente le squelette de la Pierre, la partie qui porte l'or. E. Canseliet latraduisait bien par le mot χριστοϕορος [qui porte la croix]. Nous avons vuque cette matière s'extrayait surtout de la terre de Chio ou de la terre deSamos et qu'elle se présentait sous la forme d'une poudre blanche etbrillante, absolument infusible. Quant à la semence, c'est la Toyson d'or,encore appelée « semence métallique » par de nombreux Adeptes.

7. On ne voit pas qu'on ne puisse résoudre les métaux qu'en sels ; dessels propres à l'oeuvre, nous en trouvons trois : les oxydes, les sulfates etles chlorures. Les sulfates peuvent être réduits en sulfure : c'est le cas du

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tartre vitriolé qui est le principal agent de la voie sèche. Des sulfatesmétalliques peuvent aussi se transformer en oxydes qui cristallisent. Onpeut trouver dans la théologie un équivalent remarquable de ce processus: c'est l'Incarnation de l'esprit ou encore la chute de l'ange, en jouant surl'assonance spirituelle entre θειον et θειος. Le sulfate - l'Ânge si l'onpréfère - se transforme en Âme corruptible - l'oxyde - qui s'incarne dans lachair [le corps] - cristallisation. Quant aux chlorures, ils trouvent leur emploidans la voie humide qui passe par les dissolutions auriques, lapréparation du pourpre de Cassius et les strass colorés [si les Anciens les ontpréparé par hasard, ils ne disposaient que de très peu de moyens pour les distinguer desgemmes orientales].

8. La semence mâle est le Soufre rouge [symboliquement rouge, car c'est cettematière qui assure la teinture de la pierre]. Ce Soufre rouge est en général unoxyde qui cristallise dans le Mercure. Cette cristallisation est assurée parla volatilisation très progressive du Mercure. Ainsi, comme un plongeur quidoit respecter des palliers dans sa progression vers la surface, l'artistedoit tempérer le feu et ne le diminuer que de manière très progressive.C'est l'un des secrets du Mercure. D'autres fois, ce Soufre rouge est unmétal amené dans un état de division extrême. L'artifice à employer dansce dernier cas est de préparer un mélange de deux chlorures métalliquesoù l'un des deux métaux, à chaud, a beaucoup plus d'affinité que l'autrepour le chlore. C'est ainsi que l'on prépare, par exemple, le pourpre deCassius. L'aventurine est aussi obtenue par un tour de main du mêmeordre [la couleur de l'aventurine est liée à du cuivre à l'état métallique et très dévisé]. Lesoleil figure en général l'hiéroglyphe céleste du Soufre rouge. Mais lesalchimistes ont brouillé les cartes en symbolisant aussi Apollon par lesoleil. Or Apollon est l'une des deux colombes de Diane, ou si l'on préfère,Apollon et Artémis sont les enfants de Latone qui représentent lescomposants du Mercure philosophique. Dans ce cas de figure, on est au2ème oeuvre [préparation du dissolvant] alors que le Soufre rouge est utilisé au3ème oeuvre [préparation de la Pierre].

FIGURE IV

(conjonction soleil-lune, Trsmosin, Splendor solis, 1582, planche IV - cliquez sur la figure pour obtenir une image en couleur)

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9. Dès lors, on pourrait penser que la semence femelle est la partievolatile tandis que la semence mâle est la partie fixe. Il n'en est rien. Lasemence femelle correspond au Soufre blanc : c'est la toyson d'or. Il s'agitd'un sel ou parfois d'un mélange de deux sels que l'on prépare pour l'un, àpartir d'un limon et pour l'autre à partir du sable de nos rivages côtiers.C'est la Lune qui est l'hiéroglyphe consacré de ce sel. Mais là encore, lesalchimistes ont joué d'habileté pour confondre les ignorants en confusionet ils ont attribué plusieurs fonctions hermétiques à notre satellite. Il fautdonc prendre garde à bien séparer la course de la lune dans le firmamentqui dirige la chaleur développée dans le 3ème oeuvre et les phaseslunaires : à chaque phase principale, nouvelle lune ou lune gibbeuse, c'estune matière différente qui a été attribuée par la Tradition. La lune est-elleà son 1er quartier ? Alors il s'agit du symbole du Mercure. Est-elle dansson dernier quartier ? C'est alors le Soufre blanc et c'est cela que résumela Table d'Emeraude : « le Soleil est son père et la Lune sa mère » en parlant del'origine de la Pierre. Il faut donc bien comprendre que l'expression «première matière » ne recouvre qu'une réalité sous-jacente bien vaguepuisqu'elle confond plusieurs substances dont l'usage dans l'oeuvreintervient à des époques différentes.

10. On peut concevoir sans peine qu'elle se trouve dans les végétaux.N'oublions pas que pour amender leurs terres, les paysans y mêlent de lachaux et que l'alcali fixe se trouve dans les cendres de végétaux, cendresd'arbustes ou de chênes. Cet alcali fixe, mêlé à un autre sel, va donnerune matière très fusible et qui ne se volatilise qu'à haute température.Cette matière est le Mercure : sa principale propriété est de pouvoirdissoudre des substances infusibles, principalement des silicates ou desalumino-silicates qui entrent dans la composition de nombreuses gemmesorientales.

11. Ici, Dom Pernety confond toutes les matières de l'oeuvre. Lesexpressions comme « menstrue universel » ou « eau mercurielle » sontréservées au Mercure philosophique à l'état animé, c'est-à-dire lorsqu'il aété aiguisé par le feu de Vulcain. Mais l'expression « eau mercurielle »recouvre non seulement le Mercure lui-même ou Lion vert mais aussi leséléments infusés dans le Mercure, c'est-à-dire les deux Soufres blanc etrouge qui forment le Rebis. L'eau mercurielle est donc le Compostphilosophal, qui constitue le mélange du Mercure et du Rebis appeléaussi homme double igné par Basile Valentin ou androgyne hermétiquepour d'autres. Ce Rebis a donné lieu à toutes sortes d'allégories, sur lesjumeaux notamment [fables de Castor et Pollux, etc.]

12. L'eau qui ne mouille point les mains est le Mercure, non encoreanimé, sous forme de poudre blanche, très fusible, dissolvant sans êtrelui-même base ou acide ; c'est un sel complexe où sont mêlés dupotassium, de la silice à des degrés divers d'oxydation. Dom Pernety acréé une confusion, comme nous l'avons dit, entre la « matière » del'oeuvre et le Mercure [Fables, Des noms que les anciens Philosophes ont donné àla matière] :

Ils n'en parlaient que par allégories, et par symboles. les Egyptiens lareprésentaient dans leurs hiéroglyphes sous la forme d'un boeuf, qui étaiten même temps le symbole d'Osiris et d'Isis, qu'on supposait avoir étéfrère et soeur, l'époux et l'épouse, l'un et l'autre petits-fils du Ciel et de laTerre. D'autres lui ont donné le nom de Vénus. Ils l'ont aussi appeléandrogyne, Andromède, femme de Saturne, fille du Dieu Neptune ;

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Latone, Maja, Semele, Leda, Cérès et Homère l'a honorée plus d'une foisdu titre de mère des Dieux. Elle était aussi connue sous les noms de Rée[...], terre coulante, fusible...

Il est hors de doute que Pernety confond ici le Rebis ou androgynehermétique et le Mercure qui s'apparente effectivement à une terrecoulante et fluente. La confusion se précise un peu plus loin dans lemême chapitre :

Le Philosophe Hermétique veut que le Laiton (nom qu'il lui a plu aussi dedonner à leur matière) soit composé d'un or et d'un argent cruds, volatils,immeurs, et plein de noirceur pendant la putréfaction, qui est appeléventre de Saturne, dont Vénus fut engendrée. C'est pourquoi elle estregardée comme née de la mer Philosophique. Le sel, qui en étaitproduit, était représenté par Cupidon, fils de Vénus et de Mercure ; parcequ'alors Vénus signifiait le soufre et Mercure, l'argent-vif, ou le mercurephilosophique.

Le laiton est l'airain hermétique, c'est-à-dire le Rebis. Il y a ici confusionentre le sel symbolisé par Vénus-Aphrodite, le nitre, et la terre qui résultede la parturition singulière qui suit la phase de putréfaction initiale, quandles Soufres disparaissent dans le Mercure.

13. Ce mariage correspond au 3ème oeuvre, où les deux Soufres sontdisposés dans le vaisseau de nature. C'est un vaisseau de verre où l'ondoit obtenir une circulation permanente des éléments qui correspondent àla révolution des planètes sur l'écliptique, chaque signe zodiacal traversédéterminant les époques critiques de l'oeuvre. Ce sont les principesopératifs qui donnent la marche à suivre [Fables, Principes opératifs enparticulier]. D'abord la calcination qui ne représente pas autre chose que lamort du Mixte, par la séparation de l'esprit ou de l'humide qui liait sesparties. C'est une pulvérisation par le feu comme le dit très bien Pernetyet une réduction du corps en chaux, cendre, terre, fleurs, etc. Lacalcination philosophique se fait par le moyen de l'eau, ce qui a fait direaux alchimistes : « les chymistes brûlent avec le feu, et nous brûlons avec l'eau ».La solution est la 2ème opération et consiste à ouvrir le corps des métauxpour en extraire l'humide radical : c'est là qu'apparaissent les chauxmétalliques. C'est une solution du Corps et une congélation de l'esprit. Laputréfaction est l'opération ultérieure. Elle est considérée comme la Clefde l'oeuvre et permet de découvrir l'intérieur du Mixte : elle rompt les liensdes parties et rend « l'occulte manifeste ». En chimie moderne, on pourraitdire que les liens des parties sont constituées par des liaisons covalenteset ioniques. Rendre l'occulte manifeste, c'est faire apparaître des radicauxlibres ; c'est agir par oxydo-réduction. Et le seul moyen que possédait lesalchimistes pour ce faire, était d'employer la chaleur conjointement àl'artifice du Mercure, agent de dissolution de substances infusibles. Làréside aussi le secret du Mercure. Quant à la fermentation, elle estassurée par l'Or ; mais c'est d'un or bien particulier qu'il s'agit : c'est l'Âmede la Pierre dont seul, paraît-il, Nicolas de Valois a donné l'épithètevulgaire [Fulcanelli, DM, II]. Dès lors, la Pierre au rouge n'apparaît quecomme une composition faite de terre et d'eau, c'est-à-dire de soufre etde mercure fermentés avec l'or [Pernety]

14. Il s'agit du Soufre rouge ou teinture radicale des Corps. Pernety inclutdans sa liste des termes qui, de notre avis, n'ont rien à voir avec leSoufre. Ainsi les termes ou expressions Feu de nature, Lut de Sagesse ou

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Sapience, Sceau d'Hermès, Fumier et Terre des Philosophes, Huile incombustible,Mercure rouge. On peut arguer de ce que certaines de ces attributions aientune « raisonnance » sulfureuse, en ce qu'ils indiquent des substancesfixes, non volatiles mais la plupart d'entre-elles se rapporent plutôt auMercure. Telles nous apparaissent le Feu de nature, le Mercure rouge [ilpeut s'agir du Lion rouge, second état du Mercure, animé]. Le sceau d'Hermès n'arien à voir ici avec le Soufre. Il s'agit du sceau vitreux d'Hermès qui pourcertains ne srait que des résidus mercuriels empâtant la Pierre et pourd'autres serait la véritable fermeture hermétique du vase de nature par lavoie humide ; sous ce rapport, les avis restent partagés. Le Fumier et laTerre des Philosophes évoquent plutôt le sel de pierre. Enfin, le lut deSagesse évoque le sel d'Ammon, c'est-à-dire le sable ou la silice.

15. Nous sommes absolument d'accord avec cette définition. Le Sel desphilosophes n'est autre que le Soufre blanc et la toyson d'or. C'est commele dit Fulcanelli l'Hypérion de l'oeuvre, c'est-à-dire, littéralement, ce qui sesitue au-dessus, ce qui protège, ce qui enveloppe [υπερ - ιον, l'Un, entendu

comme ιος à venin, rouille du fer, oxyde en un mot ; mais c'est un trait de cabale un peurisqué et assez humouristique, bien dans la nature de Fulcanelli. Reflète-t-il une véritéalchimique ? Nous laissons au lecteur le soin d'en juger] le Soufre. Le Sel n'estdonc point autre chose que l'allégorie commentée par Fulcanelli quand ils'attarde sur un vitrail de l'ancienne église Saint-Jean à Rouen-aujourd'hui détruit- :

"La conception était figurée par une étoile qui brillait sur la couverture en contact avec leventre de la femme [...] et les bordures de cette vitre étaient ornées de médaillons oùfiguraient les planètes."

L'allégorie est facile à décrypter. La conception, c'est la naissance de lapierre, figurée par une étoile : le ventre de la femme représente leMercure, la couverture est le Sel [qui porte l'Or, au sens de protéger, enveloppercomme dans un tissu radié]. Quant aux bordures, on y trouve les différentespossibilités qui s'offrent à l'artiste dans le choix du Soufre, puisque lesplanètes ne sont pas autre chose que les hiéroglyphes caractérisant leSoufre. Le vitrail donne même de sindices sur la composition dudissolvant. Notez que le mot couverture exprime non seulement le Soufreblanc mais aussi la phase de putréfaction : La couverture [καλυµµα]représente le tombeau, le voile noir, mais aussi la tête ; elle a donc valeurde Caput mortuum. Mais nous avons vu dans la section des blasonsalchimiques que la fixation du Mercure valait aussi pour celle du Soufrerouge. Dès lors, on comprend mieux l'allusion au filet : il symboliserait leprocessus d'accrétion du soufre rouge à la Toyson d'or, c'est-à-dire au Selou Soufre blanc. Il faudrait encore citer un passage de la Tourbe,entièrement cabalistique, qui pèche malheureusement par une traductioninfidèle [qui n'a pas échappé à Lucien Gérardin, dans son Alchimie (Culture, Art, Loisir,1972)]. Là encore, les expressions que donne Pernéty ne conviennent pastoutes à qualifier le Sel. Il ne saurait s'agir de l'Humide radical,du Menstrue. Le Corps en puissanceou la Chose ou Substance capable à recevoir toutes fortes de formes sont deuxexpressions qui doivent se rapprocher de la réalité. Les mots Reine,Femelle, Ecume de la Lune, Clef, Mercure blanc, Mercure des Philosophes, Cire où l'onimprime Le Sceau d' Hermès, semblent aussi assez bien désigner la substance[nous avons souligné les expressions qui semblent les plus distinguées]. Par contre : Pluie des Philosophes, Fontaine, Bain du Roi, Bain des corps, Vinaigretrès aigre, Savon, Aigle, Serpent, Eau Céleste, Eau de vie et de mort, sont à réserverau Mercure philosophique.

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FIGURE V

(la fontaine mercurielle, Rosarium philosophorum, Francort, 1550)

16. Nous avons trouvé les correspondances suivantes dans le Dictionnairemytho-hermétique :

- Absemir - un des noms que les Philosophes ont donné à la matière de l'Art. - Acier - Les Philosophes ont beaucoup parlé de leur acier, entre autres le Cosmopoliteet le Philalethe. Ce qui a donné occasion à plus d'un Chymiste de chercher la pierrephilosophale dans l'acier, métal que l'on emploie à faire des outils ; mais en vaintravaillent-ils sur ce métal comme sur les autres. L'acier des Sages est la mine de leur orphilosophique, un esprit pur par-dessus tout, un feu infernal et secret, très-volatil dansson genre, et réceptacle des vertus supérieures et inférieures, le miracle du monde, queDieu a scellé de son sceau, enfin la clef de tout l'oeuvre philosophique. C'est la partie laplus pure et volatile de la matière, dont les Sages font le grand oeuvre. Il n'a pointd'autres noms dans aucune langue, qui ne signifie la quintessence des choses del'Univers. Les Philosophes lui ont donné le nom d'acier, parce qu'il a une telle sympathieavec la terre d'où on l'extrait, qu'il y est sans cesse rappellé, comme à son Aimant. -Adam - est un nom que les Philosophes ont donné à leur magistère lorsqu'il est parfaitau rouge, parce que leur matière étant la quintessence de l'Univers et la première matièrede tous les individus de la Nature, elle a un parfait rapport avec Adam, dans lequel Dieuramassa la plus pure substance de tous les êtres, et que d'ailleurs Adam, qui signifierouge, exprime la couleur et les qualités du magistère. [le mot Adam vaut pour la terreadamique, c'est-à-dire la terre rouge d'où on extrait le Sel des philosophes] -Adarnech, ou Adarneth, ou Azarnet. C'est l'orpiment, en termes de Chymie. [il s'agitdonc de l'Arsenic qui est l'un des noms du Soufre] -Adrop - Nom que les Philosophes Hermétiques ont donné à la matière qu'ils emploientdans le grand oeuvre. Guy du Mont (Guido de Monte ) a fait un traité qui a pour titre dePhilosophico Adrop, inséré dans le VIe tome du Théâtre Chymique. -Agneau - est aussi un des noms de la matière que les vrais Chymistes emploient pourfaire la pierre Philosophale. Quand cette matière a passé par les différentes préparationsrequises pour la purifier de ses parties hétérogènes, on lui donne quelquefois le nomd'agneau sans tache, agnus immaculatus, comme on peut le voir dans le livre qui a pourtitre: Enarratio methodica trium Gebri verborum, composé par Philalethe. -Aibachest ou Aibathest - Nom que quelques Chymistes ont donné à la matiere de lapierre purifiée et ses parties hétérogènes ; et parvenu au blanc après la putréfaction. -Aigle - Nom que les Philosophes Hermétiques ont donné à leur mercure après sasublimation. Ils l'ont ainsi appelé, premièrement à cause de sa volatilité ; secondement,parce que comme l'aigle dévore les autres oiseaux, le mercure des Sages détruit, dévore,et réduit l'or même à sa première matiere en le réincrudant. Chaque sublimation, suivantPhilalethe, est une aigle ; et quoique sept suffisent, on peut les pousser jusqu'à dix. Ainsi,quand ils disent qu'il faut mettre sept aigles pour combattre le lion, nous n'entendons pas,dit le même Auteur, qu'il faille mettre sept parties de mercure ou de volatil contre le lionou une partie du fixe, mais notre mercure sublimé et exalté sept fois. Plus il y aura d'aigle

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contre le lion, dit Basile Valentin, moins le combat sera long. Tourmentez le lion, ajoute lemême Auteur, jusqu'à ce que l'ennui le prenne et qu'il désire la mort. Faites-en autant del'aigle jusqu'à ce qu'elle pleure ; recueillez ses larmes et le sang du lion, et mêlez-lesensemble dans le vase philosophique. Tout cela ne signifie que la dissolution de lamatiere, et sa volatilisation. L'aigle était un oiseau consacré à Jupiter, par la raison que le Mercure des Sages sevolatilise, et emporte le fixe avec lui, dans le temps que le Jupiter des Philosophes, ou lacouleur grise, succède à Saturne, ou à la couleur noire. L'aigle que Jupiter envoya pourdévorer le foie de Prométhée, ne signifie aussi que l'action du volatil sur le fixe ou pierreignée, qu'ils ont appellé miniere de feu céleste. C'est pourquoi on a feint que Prométhéeavait volé le feu du ciel ; et que, pour le punir, Jupiter le fit attacher à un rocher, quidésigne la pierre fixe des Sages, et que son foie, la partie la plus chaude de l'homme, yétait continuellement dévoré par une aigle, quelques-uns ont dit un vautour, ce qui revientau même. Cette aigle était dite, pour cette raison, fille de Typhon et d'Echidna, c'est-à-direde la putréfaction de la matière. Voyez les Fables Egypt. et Grecq. dévoilées, liv. 5, ch.17. Les Spagyriques appellent Aigle le sel armoniac, et le mercure sublimé, à cause de lafacilité avec laquelle ils se subliment. Mais ce n'est ni du mercure vulgaire, ni du selarmoniac des Droguistes qu'on doit l'entendre ; c'est de ceux des Philosophes. -Aigle volante - Mercure des Philosophes. -Aimant - Les Sages n'ont pas fait moins d'éloges de leur aimant que de leur acier. Maisil ne faut pas s'imaginer que cet aimant soit l'aimant vulgaire. Ils ne lui ont ordonné cenom qu'à cause de sa sympathie naturelle avec ce qu'ils appellent leur acier. Celui-ci estla mine de leur or, et l'aimant est la mine de leur acier. Le centre de cet aimant renfermeun sel caché, un menstrue propre à calciner l'or philosophique. Ce sel préparé forme leurmercure, avec lequel ils font le magistère des Sages au blanc et au rouge. Il devient unemine de feu céleste, qui sert de ferment à leur pierre, pour la multiplier, en faire l'élixir, lapoudre de projection, et la médecine universelle. Et tout cela se fait par une opérationsimple, sans beaucoup de frais, mais dans un temps un peu long. Les Sages donnentaussi le nom d'aimant à leur mercure déjà fait, et à la partie fixée de la matière qui fixe levolatil. [L'acier semble être la demeure du Soufre et l'aimant procure le Sel ou Mercuredes philosophes. Il est facile de concevoir que l'aimant ne peut être que la couverture del'Or, ce qui protège l'or et non pas le Mercure philosophique. L'acier est donc l'un desnoms du Soufre rouge tandis que l'aimant est l'un des noms de la Toyson d'or]. -Air - Est aussi un nom que les Chymistes Hermétiques donnent à leur mercure subtilisé,et sublimé en fleurs blanches, ou terre trés tenue, qu'ils appellent aussi l'Oiseaud'Hermès, l'aigle, etc. Alexandre dit dans la Tourbe, ou Code de vérité, quand vous aureztiré l'eau de l'air, l'air du feu, et le feu de la terre, vous aurez fait tout l'oeuvre. Aristote leChymiste dit aussi : il faut changer l'air en eau, convertir cette eau en feu, de ce feuextraire l'air; car c'est du feu chymique fixé, et de notre eau que l'on fait l'air, qu'il fautconvertir en feu, duquel en continuant l'opération, on fait la terre, et de cette terre le feu.Et ainsi nous convertissons les éléments l'un en l'autre, car en convertissant les élémentson trouve ce qu'on cherche. L'air des Philosophes n'est donc qu'une eau coagulée par lefeu, et réduite en poudre ou fleurs blanches très subtiles. [voir aussi le chapitre del'Introïtus de Philalèthe consacré à l' Air des Sages ] -Airain d'Hermès - Terme de Chymie, dont se servent les Philosophes Hermétiques poursignifier le corps imparfait dont ils doivent se servir pour l'oeuvre de la pierre. Ils luidonnent également ce nom, avant qu'il soit purifié de ses hétérogénéités, comme pendantla putréfaction et la décoction continuée qu'il lui faut pour le rendre soufre incombustible.Ils le nomment aussi Laiton, Orpiment, Lion vert, Arsenic, et de divers autres noms qu'onpeut voir au terme Matière, et dans les articles qui les concernent. [sur 4 termes, 3désignent le Soufre. L'airain est donc l'androgyne hermétique qui doit être blanchi] - Airain Noir - Matière des Philosophes pendant la putréfaction, ou leur laiton qu'il fautblanchir. - Airain Blanc - C'est le laiton blanchi, ou la pierre au blanc. [la matière sort alors de laphase de putréfaction, mais rien ne dit qu'elle soit alors de couleur blanche] - Airain Incombustible - Magistère au rouge parfait, parce qu'alors il ne craint plus lesatteintes du feu.[il peut s'agir de la salamandre, symbole d'un sel incombustible. D'uncôté, on ne voit guère que le Mercure des philosophes, c'est-à-dire l'Ecume de la Lune,pour avoir cette propriété. D'un autre côté, cet airain incombustible peut aussi être laPierre elle-même en train de cristalliser dans le bain mercuriel] - Alartar - C'est l'æs-ustum, ou cuivre brûlé. - Albar Æris - Terre feuillée des Philosophes, ou leur laiton blanchi, leur Lune, leur Dianenue; enfin leur matiere parvenue au blanc. - Alborach - Matiere des Philosophes parvenue à la blancheur. -Alkaest - Liqueur qui, selon Paracelse et Van-Helmont, dissout tous les corps visibles, etles réduit à leur premiere matiere. Il diffère de ce que les vrais Chymistes appellent leurMercure. Cette dissolution est naturelle, douce, sans corrosion ; elle conserve la semence

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des corps, la dispose à la génération ; au lieu que les dissolutions des Chymistesordinaires se font par des eaux fortes, qui participent, dans leurs effets, du feuélémentaire qui détruit et tue, au lieu de vivifier. C'est pourquoi les PhilosophesHermétiques disent: Les Chymistes détruisent, nous édifions ; ils brûlent par le feu, nouspar l'eau ; ils tuent, nous ressuscitons. Ils lavent par l'eau, nous par le feu, etc. Paracelseen décrit la préparation dans son livre 2. de Nat. rerum. Martin Rullandus dit que l'Alkaestest un mercure préparé, non du tartre, comme quelques uns l'ont cru, trompés par unendroit de Van-Helmont, où il dit en parlant de l'Alkaest: si vous ne pouvez parvenir àdécouvrir ce secret du feu, apprenez au moins à rendre le sel de tartre volatil, pour fairevos dissolutions par son moyen. Van-Helmont, de Febribus. Michel Toxite dit aussi quel'Alkaest est un mercure préparé pour les maladies du foie. Plusieurs Chymistes ontprétendu que l'Alkaest ne différait point du grand et du petit circulé de Paracelse, fait avecl'esprit de sel commun ; d'autres ont cru l'avoir trouvé dans l'étymologie du nom mêmeAlkali est, comme si l'on disait c'est du sel alkali ; mais comme les sels alkalis descendres, de la soude, du tartre, etc., ne produisaient pas l'effet de l'alkaest, on imaginad'alkaliser le nitre en le fixant. Glauber en fit son sel, auquel il donna le nom de seladmirable. Mais ni les uns ni les autres n'ont réussi. Un Auteur, dont je ne me rappellepas le nom, dit que c'est une liqueur très commune chez les Arabes. Paracelse ni Van-Helmont n'ont expliqué assez clairement ce qu'ils entendaient par cette liqueurdissolvante, pour qu'on puisse la deviner par la lecture de leurs ouvrages. Il differe dudissolvant des Philosophes, en ce que celui-ci s'unit inséparablement à ce qu'il dissout, etl'autre s'en sépare sans diminution.[En fait, l'alkaest tel que nous le concevons diffère peude celui décrit par Paracelse et Van Helmont. Mais ce que les anciens chimistes nepouvaient pas connaître, c'était les propriétés minéralisantes de ce dissolvant singulier] - Alcharit ou Zaibach - C'est le mercure, mais celui des Philosophes. [c'est donc le Sel ou1er mercure] - Atimad, ou Alcophil - Antimoine. On dit aussi Alcimad, Alfacio. - Alembroth - Nom que les Philosophes Spagyriques ont donné quelquefois au sel deleur mercure, qu'ils appellent aussi le sel des Philosophes, et la clef de l'Art. Alembrothest encore le nom que quelques Chymistes ont donné au sel de tartre, qu'ils ont aussiappellé le Magistere des Magisteres. Johnson. Rull. - Amalgra ou Almagra - Soufre des Philosophes, ou pierre au rouge. -Ame - Magistere parfait au rouge ; parce qu'alors il est proprement le ferment qui animela pierre pour en faire l'élixir. Les Chymistes donnent aussi ce nom au soufre moyen,parce que, de même que l'ame conserve le corps par une chaleur et un humide radicalqui empêchent la dissolution des parties, de même le soufre moyen, comme un baume,agglutine les parties, en conserve l'union et la cohésion. - Ame De Saturne. Anima Saturni, ou Althea plumbi - Terme de Chymie. Douceur très-suave du plomb, extraite avec le vinaigre, puis précipitée avez l'eau commune. Planisc. - Anathron - Espece de sel qui croît sur les pierres, et qui diffère du salpêtre. Quand onle fait cuire, il devient une espece d'alun acide. Si l'on pousse le feu, il prend la forme et latransparence du verre, et laisse une écume, que les Anciens regardaient faussementcomme un fiel de verre. Ils l'appellaient Fæx vitri. Planiscampi. Rulland le nommeSagimen vitri Baurac. - Androgine ou Hermaphrodite - Nom que les Chymistes Hermétiques ont donné à lamatiere purifiée de leur pierre, après la conjonction. C'est proprement leur mercure, qu'ilsappellent mâle et femelle, Rebis, et de tant d'autres noms, qu'on peut voir dans l'articleMatiere. Ils l'ont nommé ainsi, parce qu'ils disent que leur matière se suffit à elle mêmepour engendrer, et mettre au monde l'enfant royal, plus parfait que ses parens. Que leurmatière est une; c'est leur azoth duquel ils répètent souvent que l'azoth et le feu suffisentà l'Artiste ; que néanmoins elle conçoit, elle engendre, elle nourrit, elle manifeste enfin cePhénix tant désiré, sans addition d'autre matiere étrangère. Il faut cependant savoir queleur matière est composée de deux et même de trois, sel, soufre et mercure ; mais quetout n'est autre que le fixe et le volatil qui étant joints et réunis dans les opérations, nesont plus qu'une matiere qu'ils appellent alors Androgyne, Rebis, etc. -Antimoine - Nom que les Philosophes ont donné à la matière sulfureuse mercurielle quifait partie du composé philosophique. Tout le secret donc de ce vinaigre antimonial,consiste en ce que par son moyen nous sachions tirer du corps de la magnésie l'argentvif qui ne brûle point. C'est là l'antimoine et le sublimé mercuriel. Artephius. LesChymistes se trompent quand ils prennent l'antimoine vulgaire pour la matière des Sages.La chose à laquelle les Philosophes donnent le nom d'antimoine est leur eau permanente,leur eau céleste, en un mot, leur mercure ; parce que celui-ci nettoie, purifie et lave l'orphilosophique, comme l'antimoine commun purifie l'or vulgaire. Basile Valentin dit quel'antimoine préparé spagyriquement, est un antidote contre tous les venins. Il l'appelle legrand Arcane, la Pierre de feu; et avance qu'il a tant de vertus, qu'aucun homme n'estcapable de les découvrir toutes : et que peu s'en faut qu'il n'ait toutes les propriétés de lapierre Philosophale, tant pour la guérison des maladies du corps humain. que pour la

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transmutation métallique. Voyez son Triomphe de l'antimoine. [nous sommes biend'accord avec cette définition que donne Dom Pernety de l'antimoine saturnin d'Artéphiusàlexique] -Arbre - [...] est aussi le nom que les Philosophes ont donné à la matiere de la pierrephilosophale, parce qu'elle est végétative. Le grand arbre des Philosophes, c'est leurmercure, leur teinture, leur principe, et leur racine ; quelquefois c'est l'ouvrage de lapierre. Un Auteur anonyme a fait à ce sujet un traité intitulé : de l'Arbre solaire, de Arboresolari. On le trouve dans le 6e tome du Théatre Chymique. Le Cosmopolite, dans sonEnigme adressée aux Enfans de la vérité, suppose qu'il fut transporté dans une Isleornée de tout ce que la nature peut produire de plus précieux, entre autres de deuxarbres, l'un solaire et l'autre lunaire, c'est-à-dire, dont l'un produisait de l'or, et l'autre del'argent. Arbre D'argent. Magistere au blanc, ou la matière après la putréfaction. ArbreD'or ou Solaire. C'est la pierre au rouge. Arbre De Mer. C'est le corail, et les madrepores.

-Argent - Lorsque les Philosophes disent, notre Argent ou notre Lune, ce n'est pas del'argent vulgaire, dont on fait les ustensiles, les meubles et la monnaie, qu'ils parlent ;c'est de leur matière quand elle est parvenue au blanc parfait par le moyen de la cuisson.Ce terme s'entend aussi de leur eau mercurielle, qu'ils appellent aussi Femelle, Beja,Sperme, etc. Quelques-uns le nomment Or blanc, Or crud. - Argent Communiquant - Les Philosophes ont donné ce nom au sel qui entre dans lacomposition de la pierre philosophale. Jean de Roquetaillade. - Argent-Vif - Ce terme signifie quelquefois, non le mercure des Sages, mais leurmagistere au blanc, qui en est composé. Les Philosophes lui ont donné ce nom paréquivoque, pour le distinguer de l'argent commun et vulgaire, qu'ils appellent Argent mort.Argent-Vif Exalté. Lune des Philosophes, ainsi nommée de ce que ce mercure est purifiéet poussé à un degré de perfection qu'il n'avait pas avant d'être parvenu au blanc.Argent-Vif Animé. Mercure des Sages après son union avec la pierre ignée, le soufrephilosophique. Argent-Vif Coagulé ou Purifié. C'est le magistere au blanc. -Argyrion - ce mot ne figure pas dans le dictionnaire mytho-hermétique. Nous l'avonsévoqué dans la section des Principes où Fulcanelli parle de l'hydrargyre philosophiquequi, bien sûr, n'a rien à voir avec le vif-argent vulgaire. Nous en verrions plutôt la Terreadamique en mutation aqueuse [υδρος + αργιλος]. -Arsenic, en termes de Chymie Hermétique, se prend tantôt pour le mercure des Sages,tantôt pour la matière dont il se tire, et tantôt pour la matiere en putréfaction. Quelques-uns ayant trouvé dans les vers d'une des Sybilles, que le nom de la matière d'ou se tire lemercure philosophal, était composé de neuf lettres, dont quatre sont voyelles, les autresconsonnes, qu'une des syllabes est composée de trois lettres, les autres de deux, ont cruavoir trouvé cette matière dans Arsenicum, d'autant plus que les Philosophes disent queleur matiere est un poison des plus dangereux; mais la matière de la pierre est celle-làmême dont l'arsenic et les autres mixtes ont été formés, et le mercure des Sages ne setire pas de l'arsenic ; puisque l'arsenic se vend chez les Apothicaires et les Droguistes, etla minière du mercure se trouve partout, dans les bois, sur les montagnes, sur les vallées,sur l'eau, sur terre, et par tous pays. Philalethe et plusieurs autres Philosophes ont aussidonné le nom d'Arsenic à leur matiere en putréfaction, parce qu'alors elle est un poisontrès-subtil et très-violent. Quelquefois ils entendent par Arsenic leur principe volatil, qui faitl'office de femelle. C'est leur Mercure, leur Lune, leur Vénus, leur Saturnie végétale, leurLion vert, etc. Ce nom d'Arsenic lui vient de ce qu'il blanchit leur or, comme l'arsenicvulgaire blanchit le cuivre. [l'arsenic est considéré par Fulcanelli comme le symbole duSoufre. Pernety y voit plutôt un équivalent mercuriel] - Asamar - Vert-de-gris. [en grec, ιος, venin, suc des abeilles, rouille du fer] - Atimad ou Alcophil - Antimoine. On dit aussi Alcimad, Alfacio. - Aycafort àAlartar - - Azoc - Mercure des Philosophes. Ce n'est pas le mercure vulgaire crud, tiré simplementde sa mine, mais un mercure extrait des corps dissous par l'argent-vif; ce qui fait unmercure bien plus mûr. Bern. Trévisan, Epît., à Thomas de Boulogne. C'est avec ce mercure que les Philosophes lavent leur laiton ; c'est lui qui purifie le corpsimpur avec l'aide du feu ; et par le moyen de cet azoc on parfait la médecine propre àguérir toutes les maladies des trois regnes de la Nature. Cet azoc doit se faire de l'élixir.Ibid. -Azoth - Nom que les Philosophes Hermétiques ont donné plus communément à leurmercure. Ces choses sont en la miséricorde de Dieu, et nous avons seulement besoindans notre oeuvre de l'azoth et du feu. Basile Valentin. Le feu et l'azoth lavent et nettoientle laiton, c'est-à-dire la terre noire et lui ôtent son obscurité. Clang. Bucc. Le feu et l'eau,qui est l'azoth lavent le laiton et le nettoient de sa noirceur. Arn. de Vill. Il faut faire deuxparts du corps coagulé, dont l'une servira d'azoth pour laver et mondifier l'autre, qui

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s'appelle laiton, qu'il faut blanchir. Nic. Flam. Quand les Philosophes disent que l'azoth etle feu suffisent pour l'oeuvre, c'est-à-dire que la matiere préparée et bien purifiée, ou lemercure philosophal suffisent à l'Artiste pour le commencement et la perfection de toutl'oeuvre; mais le mercure doit être tiré de sa minière par un artifice ingénieux. BernardTrévisan dit (la Parole délaissée) que tout le monde voit cette miniere altérée et changéeen une matière blanche et seche, en manière de pierre, de laquelle l'argent-vif et le soufrephilosophiques sont extraits par une forte ignition. Les Philosophes ont donné beaucoupde noms à cet Azoth; Quintessence-astrale Serf-fugitif, Esprit animé, Ethelia, Auraric, etc.Voyez Mercure et Matiere . Azoth, selon Planiscampi, signifie moyen d'union, deconservation, ou médecine universelle. Il fait aussi remarquer que le terme Azoth doit êtreregardé comme le principe et la fin de tout corps, et qu'il renferme toutes les propriétéscabalistiques, comme il contient la première et la dernière lettre des trois languesmatrices, l'Aleph et le Thau des Hébreux, l'alpha et l'Omega des Grecs, l'A et le Z desLatins. Azoth est aussi le nom que quelques Chymistes vulgaires ont donné à unprécipité de mercure commun, ou vulgaire, fait (comme ils le disent) per se. On en trouvela manière dans la Chymie Médicinale de M. Malouin,T. II. pag. 196. On a aussi nomméce précipité de mercure, Azoth de Hestingius, et Or horizontal, parce que sa couleur estd'un rouge jaunâtre approchant de la couleur aurore. [on a vu aussi l'intérêt hermétiqueprésenté par le mythe d'Amphion et de Zethos qui est peut-être un anagramme d'AzothàRébus de St-Grégoire] - Bain - Vinaigre des Sages avec lequel ils lavent leur laiton; c'est leur dissolvant, qu’ilsappellent leur Mercure BAIN DE Diane voyez Mercure Philosophique BAIN du ROI. Eaupermanente, ou mercure des Sages, à laquelle ils ont donné le nom de bain du Roi parceque leur or est lavé et baigné par cette eau qui s’en distille et s’y recohobe sans cessejusqu’à ce que la sublimation l’ait desséchée [àbain des astres] - Bain du soleil - C'est la même chose que bain du Roi, parce que l’or est le Roi desmétaux, et que ce bain ou mercure des Sages mondifie l’or philosophique - Bain-Marie - en termes de Science Hermétique est le fourneau des Sages, le fourneausecret, et non celui des Chymistes vulgaires, On donne quelquefois ce nom au mercurephilosophal. Ce qu’ils appellent Bain s’entend aussi d‘une matière réduite en forme deliqueur, comme quand on veut faire la projection sur un métal, ils disent qu’il doit être aubain, c’est-à-dire en fusion. - Beurre - matière des Sages, qu’ils ont nommée beurre, parce qu’elle est visqueuse etqu'elle se sépare de son eau, comme le beurre du petit-lait [àsalpêtre] - Blanc du noir - Magistère au blanc parfait, qui n’a pu parvenir à la blancheur qu’enpassant par la couleur noire, vrai indice de la parfaite putréfaction. -Blancheur - Les Philosophes disent que lorsque la blancheur survient à la matière dugrand oeuvre, la vie a vaincu la mort, que leur Roi est ressuscité, que la terre et l’eau sontdevenues air, que c’est le régime de la Lune, que leur enfant est né, et que le Ciel et laTerre sont mariés; parce que la blancheur indique le mariage ou l’union du fixe et duvolatil, du mâle et de la femelle, etc. La blancheur après la putréfaction est un signe quel’Artiste a bien opéré. La matière a pour lors acquis un degré de fixité que le feu ne sauraitdétruire ; c’est pourquoi il ne faut que continuer le feu pour perfectionner le magistère aurouge; et lorsque l’Artiste voit la parfaite blancheur, les Philosophes disent qu’il fautdéchirer les livres, parce qu’ils deviennent inutiles. BLANCHEUR CAPILLAIRE. Elle précède laparfaite blancheur dans l’œuvre de la pierre philosophale. Ce sont des especes de petitsfilaments blancs qui paraissent à mesure que la noirceur ou le REGNE de Saturne passe,et que le REGNE de Jupiter lui succède. - Bois de vie - C’est la pierre parfaite, qui devenue médecine universelle, guérit toutes lesinfirmités du corps humain, et conserve l’homme en santé jusqu’au terme prescrit par laSagesse divine. - Bois d'or - Arbre solaire des Philosophes. -Borax - Pierre des Philosophes au blanc.[Il est possible que le borax ou atinckar outinkal soit une forme du Mercure philosophique et nous avons vu dans deux sections -Gardes du Corps et le Verbum dimissum - que l'un des trois arbres de l'Hôtel Lallemantà Bourges pouvait symboliser le dissolvant] - Boritis - C’est la matière des Sages en putréfaction, ou au noir.[àFig. Hier.] - Brouillard - Vapeur épaisse, ressemblant à un brouillard, qui s’éleve de la matière, et secondense dans l’air des Philosophes, d’où elle retombe pour arroser leur terre, la purifieret la féconder. - Cadmie - Est un des noms que les Philosophes ont donné à la matiere de leur pierre.Quelques-uns ont aussi nommé Cadmie les parties hétérogenes de cette matiere, qu’il nefaut point faire entrer dans I’œuvre. C'est proprement la pierre au rouge. [on a vu que lezinc pouvait constituer l'un des Soufres àgahnite] -Caducée - Les Philosophes Chymiques ont donné a leur dissolvant le nom de Caducéede Mercure, parce qu’ils prétendent que les inventeurs de la Fable avaient intention

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d’indiquer ce dissolvant par le Caducée. C’est pourquoi Abraham Juif met dans sapremière figure hiéroglyphique un Mercure tenant son caducée, et Saturne avec sa fauxqui semble vouloir couper les jambes et les ailes à Mercure. Voyez son origine, sespropriétés et son usage dans les Fables Egypt. et Grecques dévoilées, article deMercure, liv. 3, ch. 14, 9 1. Qn a aussi donné le caducée à Bacchus. Le caducée étaitcomposé de trois parties, de la tige d’or surmontée d’une pomme de fer, et de deuxserpens, qui semblent vouloir se dévorer. L’un de ces serpens représente la partie volatilede la matiere philosophique, l’autre signifie la partie fixe, qui se combattent dans le vase ;l’or philosophique dont la tige est le symbole, les met d’accord en les fixant l’un et l’autre,et en les réunissant en un seul corps inséparablement. - Caïn - Nom que les Philosophes ont donné à leur matiere en putréfaction et parvenueau noir, peut-être à cause de la malédiction que Dieu prononça contre lui, au sujet dumeurtre qu’il avait commis envers son frere Abel, ou parce que les désordres de sesdescendans furent la cause du déluge, qui fit périr presque tout le genre humain. Cedéluge est figuré par la dissolution de la matiere, et ses effets par la putréfaction. - Cambar - Matiere des Sages parvenue à la blancheur. [àLivre secret, Artéphius] - Camereth - Mercure des Philosophes fixé au rouge, ou le soufre des Sages. - Cancre ou Cancer - La pierre des Philosophes fixée au rouge, ainsi nommée à causede sa complexion chaude et seche, et de sa vertu ignée, qui l’a fait nommer Pierre de feu,Miniere de feu céleste. - Caspa - La matiere philosophique au blanc. -Cendre - Les Sectateurs de la science Hermétique appellent souvent cendre la matierede la pierre putréfiée dans l’aludel, parce que la chaleur extérieure agissant sur le mixtedu vaisseau, en sépare l’humide qui en liait les parties, et après l’avoir desseché, laisse lemixte comme une poudre, ou cendre, et la matiere dans cet état est en putréfaction oucorruption ; car l’un et l’autre terme se prennent indifféremment pour signifier la mêmechose. Les Philosophes Hermétiques disent qu’il ne faut pas mépriser la cendre, etMorien dit qu’elle est le diadême du Roi. Il faut entendre ces termes de la matiere aprèsqu’elle a été en putréfaction ; parce qu’alors elle semble de la cendre, et que de cettecendre doit sortir le soufre philosophique, qui est le diadême du Roi. CENDRE DE TARTRE .Soufre des Philosophes parfait au rouge. - Chaia - Matiere des Philosophes parvenue à la couleur blanche. -Crachat de la Lune - C’est la matiere de pierre philosophale avant sa préparation. LesSages donnent aussi ce nom à leur mercure préparé. Plusieurs Chymistes ont donné lenom de Crachat de la Lune, ou Sputum Lunae, ou flos cœli, et ont travaillé avec lui,comme sur la véritable matiere du grand œuvre ; et il est vrai que ce flos cœli est biencapable d’induire en erreur. Il est assez difficile de décider de sa nature. C’est une especed’eau congelée, sans odeur et sans saveur, ressemblant à une fraise de peau verte, quisort de terre pendant la nuit, ou d’abord après la cessation d’un grand orage. Dans lesplus grandes chaleurs, cette matiere conserve une froideur très-grande quand on la tientà l’ombre. Sa matiere aqueuse est très volatile, et s’évapore à la moindre chaleur àtravers une peau extrêmement mince qui la contient. Elle ne se dissout ni dans levinaigre, ni dans l’eau, ni dans l’esprit de vin; mais si on renferme le flos cœli toutnouveau dans un vase bien scellé et luté, il s’y dissout de lui-même en une eauextrêmement puante, sentant comme les excrémens humains, très-corrompus, ce quimanifeste une abondance de soufre volatil. Au commencement de la dissolution, l’eaudans laquelle se résout cette matiere, paraît de couleur bleu céleste, puis violette, ensuiterouge, pourprée, et s’éclaircissant après cela, elle devient couleur d’aurore, et enfinambrée couleur d’or. La pellicule surnage très-longtemps dans cette eau ; et il se précipiteau fond du matras, dès le commencement de la dissolution, une espece de poudreblanche comme de l’amidon. Mais pour cela il faut avoir cueilli le flos cœli avant le leverdu soleil, et l’avoir nettoyé exactement, morceau à morceau, de toute la terre et autresmatieres étrangeres qui pourraient s’y être attachées. Plusieurs personnes m’ont assuréqu’on faisait avec le flos cœli un excellent remède pour guérir un nombre de maladies. Ilfaut avoir soin de ne point toucher ni cueillir le flos cœli avec aucun métal, maisseulement avec du bois ou du verre.

[Philalèthe nous parlera plus loin de ce menstrue. Fulcanelli (Les Mystères, p.171) nousassure que le nostoc -qu'il compare sans le dire explicitement au Sel des Sages- a étéappelé par d'autresauteurs : crachat de Lune, Archée céleste, Beurre de terre, Graisse derosée, vitriol végétal, flos coeli, etc.

« La ceinture d'Offerus est piquée de lignes entre-croisées semblables à celles queprésente la surface du dissolvant lorsqu'il a été canoniquement préparé...Et ce signe, lesvieux auteurs l'ont appelé Sceau d'Hermès, Sel [Scel] des Sages...,la marque etl'emprunte du Tout-Puissant, sa signature, puis encore Etoile des Mages, Etoile polaire,

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etc...»

Ceinture en latin peut se traduire par cingulum (ceinture,baudrier, ventrière), zona(ceinture, constellation d'Orion) ; : ventre peut se traduire par alvus (ventre, ceinture,excréments, déjections, ruche, coque de navire). Tous ces termes sont familiers à ceuxqui ont jeté les yeux sur les textes classiques ou modernes : ils ont tous un rapport avecle vase de nature. Les "fèces" sont souvent citées par les Anciens et l'expression "crachatde Lune" est synonyme du dissolvant universel. Aussi doit-on pour l'instant rester prudentquant au sens à donner au "crachat de Lune" ; là encore Fulcanelli a-t-il sans doutebrouillé les cartes et confondu le Sel des Sages et un composant du dissolvant...Lecrachat de Lune se présente bien tel que le décrit Fulcanelli : c'est une poudre blanche,infusible au 4ème degré de feu]

FIGURE VI

(l'eau pontique, image du Soufre et du Sel, Elementa chemiae, Leyde, 1718)

- Chaos - Veut dire confusion et mélange. C’était, selon les Anciens, la matiere del’Univers avant qu’elle eût reçu une forme déterminée. Les Philosophes ont donné parsimilitude le nom de Chaos à la matière de l’oeuvre en putréfaction, parce qu’alors lesélémens ou principes de la pierre y sont tellement en confusion, que l’on ne saurait lesdistinguer. Ce chaos se développe par la volatilisation ; cet abyme d’eau laisse voir peu àpeu la terre à mesure que l’humidité se sublime au haut du vase. C’est pourquoi lesChymistes Hermétiques ont cru pouvoir comparer leur œuvre, ou ce qui s’y passependant les opérations, au développement de l’Univers lors de la création.[àIntroïtus, V] -Chaux - En termes de Chymie, se dit de toutes formes de corps réduits en poudresimpalpables, soit par l’action du feu, soit par les eaux fortes. Quelques-uns prétendentqu’on ne doit donner le nom de Chaux qu’aux poudres des corps métalliques ou desminéraux; et que celles des autres doivent se nommer cendres. On dit Chaux de Lune oud’argent, Chaux de Saturne ou de plomb, etc.CHAUX DES PÉLERINS. C’est le tartre. CHAUX-VIVEest aussi un terme de Science Hermétique, que les Sages ont employé pour Signifier lamatiere au blanc. [àcompendium] - Chesep - L’air que nous respirons; c’est aussi celui des Philosophes. Si vous ne tirezl’eau de l’air, la terre de l’eau, et le feu de la terre, vous ne réussirez point dans l’œuvre,disent Avicenne et Aristote. -Chien - Cet animal était en grande vénération chez les Egyptiens, sous le nom d’Anubis.Il était chez eux le symbole du Mercure des Sages ; aussi les Anciens l’avaient-ilsconsacré à ce Dieu ailé. Plusieurs ont donné le nom de Chien à la matiere du grandœuvre. L’un l’appelle Chien d’Arménie, l’autre dit que le Loup et le Chien se trouvent danscette matiere ; qu’ils ont une même origine, et néanmoins que le Loup vient d’Orient, et leChien d’Occident. Rasis. L’un représente le fixe et l’autre le volatil de la matiere.CHIEN

D’ARMÉNIE est un des noms que les Philosophes Hermétiques ont donné a leur soufre, ouau sperme mâle de leur pierre.CHIENNE DE CORASCENE. Est un des noms que lesPhilosophes chymiques ont donné à leur mercure, ou sperme féminin de leur pierre.[àLivre secret, Artéphius] - Chyle - Matière des Philosophes en putréfaction -Ciel. Ce terme a différents sens chez les Philosophes Hermétiques. Il se prend engénéral pour le vase des Sages, dans lequel font leur séjour Saturne, Jupiter et tous lesautres Dieux. CIEL VÉGÉTABLE. C’est leur eau mercurielle, leur quintessence céleste tirée duvin philosophique. Christophe Parisien.CIEL DES PHILOSOPHES. Se prend aussi pour

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la quintessence ou matiere plus épurée des élémens. Telle est la pierre philosophale etl’élixir parfait au rouge. Paracelse a fait un ouvrage qui porte pour titre : CoelumPhilosophorum. Il y traite de tous les métaux sous les noms des planetes, et il y dit dansl’article de Saturne, que si les Alchymistes savaient ce qu’il contient, ils ne travailleraientque sur cette matiere. CIEL. Les Philosophes Hermétiques ont aussi donné ce nom au feucéleste qui anime les corps élémentés. Les corps sont plus forts ou plus faibles, selonqu’ils contiennent plus ou moins de ce feu ; et leur longue durée dépend de la forte unionde l’esprit céleste avec l’humide radical. Cette union est ce que les Philosophes appellentle Ciel et la Terre réunis et conjoints, le Frere et la Soeur, Gabritius et Beja, l’Epoux etl’Epouse qui s’embrassent très-étroitement ; parce que l’esprit volatil ne sert de rien, s’iln’est rendu fixe en la nature duquel il doit passer.[àIntroïtus, VI ; àLe Char deTriomphe] - Clarté - En termes de Science Hermétique, signifie la blancheur qui succede à lanoirceur de la matiere en putréfaction. -Clef - Terme de Science Hermétique, qui signifie tant la connaissance de la matierepropre à l’œuvre, que la maniere de la travailler. Il se prend aussi pour les marques del’ouvrage bien ou mal conduit. Dans ce dernier sens, la Premiere clef est la noirceur quidoit paraître au plus tard après le quarantieme ou quarante-deuxieme jour, faute delaquelle couleur l’Artiste doit croire qu’il n’a pas bien opéré, et il faut alors recommencer.Basile Valentin, Religieux Bénédictin, a fait un ouvrage sur la pierre philosophale, intituléles Douze Clefs. Georges Riplée, Anglais, en a fait un sur le même sujet, qui a pour titre,les Douze Portes. - Coeur - Quelques Chymistes ont donné ce nom au feu, d’autres à l’or quand ils ontparlé des métaux. Johnson. -Colere - Les Philosophes Hermétiques disent qu’il faut bien prendre garde de ne pastrop pousser Vulcain, de peur d’irriter Mercure, dont la colere est fort à craindre pourl’Artiste, parce que se trouvant trop presse, il briserait les portes de sa prison, ets’enfuirait sans espérance de le rattraper ; c’est-à-dire qu’il ne faut pas trop pousser lefeu, afin que le mercure, ou esprits volatils de la matiere, ne casse pas le vase ; ce quiarriverait infailliblement sans cette attention : ou si le vase était assez fort pour résister, lemercure se brûlerait et deviendrait inutile. Quelques Adeptes ont donné le nom de colereà la matiere parvenue à la couleur orangée.

[Jean d'Espagnet semblait attentif à ce problème puisqu'il écrit :

"En faisant mouvoir ce cercle, il y a deux choses auxquelles il faut prendre garde. Lapremière, qu'il ne soit pas mû trop âprement, et l'autre, qu'il ne le soit pas plus longtempsqu'il n'est nécessaire. Le mouvement précipité cause dans la matière une confusion telleque la portion épaisse, impure et indigeste, et le corps qui n'est pas encore bien dissous,s'envolent avec l'esprit, et s'évaporent avec ce qui est dissous, pur et subtil. Par cemouvement précipité les natures terrestre et céleste sont confondues, et l'esprit de laquintessence, corrompu par le mélange de la terre, perd sa pointe et devient débile.Tandis que par un mouvement trop long, la terre, trop vidée de son esprit, devienttellement languissante et sèche, qu'elle ne peut plus être facilement réparée et rendue àsa température. L'une et l'autre faute brûlent les teintures, et les font même s'évanouir."[Oeuvre secret, chap. 86]

Il est remarquable d'observer qu'à trois siècles de distance, le même problème s'étaitposé à un calculateur du bureau des Longitudes, Marc-Antoine Gaudin, quand il essayaitde préparer du rubis avec de l'alumine suréchauffée : à partir d'une certaine température,celle-ci devenait tout à coup liquide puis se volatilisait [àSoufre]

- Colle d'or - Borax ou chrysocolle des Anciens. Colle d’or, dans le sens Hermétique,veut dire la matiere des Philosophes en putréfaction après le mélange du mercure et del’or des Sages. Cette réunion a pris chez eux le nom de Mariage.[notez que la chrysocolleest improprement traduite par le borax ; il s'agissait d'une sorte de malachite, en totu casun minerai de cuivre] - Compagnon - Mercure philosophique animé de son soufre, et poussé au blanc. - Compost - En termes de Philosophie chyrnique, signifie la matiere de la pierre au noir ;parce qu’alors les quatre élémens sont comme unis.[le compost est l'ensemble Rebis-Mercure ; dans ce sens, il s'agit de la pierre au noir] - Composé - Le composé des Philosophes est ce qu’ils appellent aussi leur compôt, leurconfection. Donc cette noirceur de couleur enseigne qu’en ce commencement la matiereou le composé commence à se pourrir, et se dissoudre en poudre plus menue que lesatômes du soleil, lesquels se changent ensuite en eau permanente. Flamel.[àLe

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Composé des Composés] -Coq - Animal que les Anciens avaient consacré à Minerve et à Mercure. Les ChymistesHermétiques ont comparé leur feu au Coq, à cause de sa vigueur, de son activité et deson ardeur, et ont donne en conséquence le nom de Coq à leur soufre parfait au rouge.[référez-vous à ce que nous disons de la noix de galle, du coq et de son rapport avec larouille dans la section des blasons alchimiques] -Corbeau - En termes de Science Hermétique, signifie la matiere au noir dans le tempsde la putréfaction. Alors ils l’appellent aussi la Tête du corbeau, qui est lépreuse, qu’il fautblanchir, en la lavant sept fois dans les eaux du Jourdain, comme Nahaman. Ce sont lesimbibitions, sublimations, cohobations, etc. de la matiere, qui se font d’elles-mêmes dansle vase par le seul régime du feu. -Corps - Les Philosophes appellent corps ce qu’ils nomment aussi métaux. C’estpourquoi ils parlent souvent de corps parfaits et de corps imparfaits. On ne réussirajamais à faire une bonne multiplication, si l’on ne réduit les corps parfaits en leur Premierematiere, c’est-à-dire en mercure ; parce que dès qu’ils sont parfaits, on ne peut rien enfaire de plus, tant qu’ils resteront dans cet état de perfection. CORPS se prend aussi par lesChymistes pour le sel philosophique, ou leur terre feuillée qui s’imprégne du soufre et dumercure comme d’une ame et d’un esprit. Vous ne réussirez jamais, disent-ils, si vous nespiritualisez le corps, et ne corporifiez l’esprit ; c’est-à-dire, si vous ne rendez le fixevolatil, et le volatil fixe. Ils appellent aussi corps leur magnésie, leur ferment, leur teinture ;et ils disent en conséquence que le corps ne pénetre point les corps sans le secours deson esprit. CORPS IMPARFAIT. C’est l’arsenic des Philosophes, leur Lune, leur femelle. Dès lecommencement de l’œuvre, il faut calciner le corps parfait en le mariant avec le corpsimparfait. Phil. On doit aussi purifier ce corps en lui ôtant tout son soufre superflu, brulantet combustible, et manifester ce qu’il a dans son intérieur. Le signe de sa parfaitesublimation ou dépuration, est une couleur blanche, céleste, éclatante comme celle del’argent le plus fin bien bruni, et dans ses cassures, l’éclat du marbre ou de l’acier le pluspoli. Alors cette femme prostituée est rétablie dans son état de virginité intacte, et peutêtre donnée en mariage au Soleil terrestre, quoiqu’elle soit sa mere et sa soeur. Philal.CORPS DISSOLUBLE. C'est la minière même du mercure dissolvant des Sages. C’est le corpsterrestre que ce mercure doit laver et purifier. Ce qui a engagé les Philosophes à dire quele mercure engrosse sa propre mere, qu’il la fait mourir, qu’il la purifie, la ressuscite enfinavec lui-même, parce qu’il s’y unit si intimement, qu’il ne s’en sépare jamais. Ce corps estfixe, et le mercure est volatil. Il doit subir la torture du feu et de l’eau, mourir et renaîtrepar l’eau et l’esprit, pour parvenir enfin à un repos éternel. Philalethe dit que la couleur dece corps est brune, un peu rougeâtre et sans éclat ; qu’il doit être dissout et exalté ; il fautensuite qu’il subisse la mort, qu’il ressuscite, et qu’il monte au ciel, pour y être glorifié.Pour le dire sans énigme, c’est le soufre parfait au rouge, qui doit être dissout par lemercure, dont il a été formé ; et lui-même forme l’Androgyne ou Rebis des Philosophesaprès son union avec le mercure. CORPS BLANC. Terre feuillée des Philosophes, oumagistere au blanc. CORPS IMPROPREMENT DIT. Magistere ou mercure des Sages, lorsqu’iln’est pas encore entierement fixé. CORPS LE PLUS VOISIN. Les Phïlosophes ont ainsi appelé leur magistere au blanc, parce qu’ilest dans un état qui approche le plus de la fixité parfaite, qui est leur magistere au rouge.CORPS IMMONDES C’est le mercure avant sa préparation ; quelquefois dans le temps de saputréfaction dans l’œuf philosophal, et alors on l’appelle aussi Corps mort. CORPS MORT. Lamatiere au noir pendant la putréfaction, appelée aussi Mort, Nuit, Ténebres, Sépulcre,Tombeau, etc.

[la définition de Pernéty est donc assez complexe et confuse. Il est vrai que le Corps ouSel des philosophes doit d'abord être transformé en mercure. Il est vrai aussi qu'il doives'imprégner de l'Âme, c'est-à-dire du Soufre dont il forme la couverture et la protection.Au début du 3ème oeuvre, au régime de Saturne, le Corps et l'Âme sont entièrementspiritualisés et disparaissent virtuellement dans le Mercure philosophique qui est unfondant alcalin. La volatilisation progressive du Mercure en même temps que la très lentediminution de la température va déclencher la cristallisation de la Pierre ; le volatil -ausens de dissout- sera alors transformé en fixe]

- Couronne céleste - Corona Cœlica. En termes d’Alchymie, signifie Esprit de vin. Maisquand Raymond Lulle et les autres Philosophes parlent de l’esprit de vin, du vin blanc, duvin rouge, il ne faut pas les prendre à la lettre; ils entendent par ces termes le mercurerouge et le mercure blanc qu’ils emploient dans le grand œuvre. COURONNE ROYALE. C’est lapierre parfaite au rouge, et propre à faire la pierre de projection. - Cribler - C’est cuire la matiere, et la purifier par la sublimation philosophique.

17. Dans un certain sens, il s'agit d'une eau savonneuse : elle est alcaline

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et elle « nettoie » les Soufres avant qu'ils soient unis de façon radicale.Cette eau est le sujet des Laveures de Flamel. Ce que dit ensuite Pernétyn'est plus compréhensible au XXIe siècle.

18. Cette eau visqueuse et vitriolique est le Mercure philosophique. Elleest vitriolique dans le sens où c'est à partir d'un vitriol et d'une autrematière contenant du potassium qu'elle est formée : c'est « l'eau sèche quine mouille point les mains » de Basile Valentin. La viscosité de cette eau arendu possible les allégories qui lui donnent comme attribut le casque[cassis, renvoyant à cassito et à cado, par cabale : couler ou fluer]

19. Cette réflexion est fondamentale et permet de mettre en gardel'étudiant à qui certains pourraient conseiller de travailler directement surles métaux déjà travaillés. C'est donc des gangues métalliques, c'est-à-dire des sulfures alcalins pour la plupart d'entre elles, qu'il faut savoir tirerle Mercure [àMercure de nature]

20. L'étude des Métamorphoses d'Ovide est intéressante à maints égards,en liaison avec celle de l'Histoire universelle de Diodore de Sicile. A notreconnaissance, peu d'auteurs se sont aventurés à donner le nom vulgairede la matière. C'est d'une chaux bien spéciale qu'il doit s'agir. Ripleyajoute qu'il faut un an pour que cette chaux devienne fusible, fixe etprenne une couleur permanente. A propos de la chaux et des pierres engénéral, il n'est pas étranger à notre propos que l'on aborde la Réparationdu Genre humain par Deucalion et Pyrrha -Ovide, M., I, 8. Deucalion etPyrrha furent les seuls à être épargnés lors du déluge, déclenché parZeus. Pour reconstruire la race humaine, ils vont chercher du secoursdans l'oracle des dieux et se dirigent vers le temple de Thémis. Voici ceque Thémis leur dit :

« Mortels, hors de mon temple allez sécher vos pleurs - Et pour fixer vos fortuneserrantes - Essayez d'obtenir la fin de vos malheurs - Par les os de votre Grand'Mère - Leciel est prêt de calmer son couroux - Si d'un coeur soumis et sincère - Vous les jetezderrière vous - ...»

Deucalion arrive à résoudre l'énigme et pense qu'à bien prendre l'oracle,c'est la Terre qui est évoquée puisque c'est notre mère à tous : c'est doncdes cailloux qu'il faut que les héros lancent par devers eux. Deux autresconditions étaient requises par Thémis : les habits de Deucalion et Pyrrhadevaient traîner -être pendants- et ils devaient avoir les yeux bandés. Lemot traînée, en grec, se dit ολκος, et évoque une action de tirer oud'exercer une action qui est de brider, rappelant un rêne ; il évoque aussiune action de ramper. Dans ses deux acceptions, le rapport hermétiqueévoque le mors -lupus : mors armé de pointe. C'est une direction qui estici donnée, une imposition en quelque sorte, imprimée aux mouvementsde Deucalion et de Pyrrha. Quant aux yeux bandés, ils renvoient au termeκαταδεω qui signifie lier solidement, attacher fortement. il semble à peinepensable que l'on retrouve ainsi par le seul fait du hasard deux symbolesqui sont évoqués par les alchimistes, comme des plus importants dansl'oeuvre. Pourtant, on ne reconnaît pas à Ovide une initiation quelconquedans les mystères orphiques. On sait seulement que sa formation a étécomplétée vers l'âge de vingt ans par un voyage en Grèce, à Athènes oùil a assisté à des cours de rhétorique et de philosophie. Il a visitélonguement le monde grec -il le raconte lui-même dans ses Pontiques, II,10- composées à la fin de sa vie. Sa passion pour les arts et pour lapoésie a évidemment joué un rôle dans l'ampleur donnée à ce voyage eton ne peut douter que les Métamorphoses ne se ressentent pas ce dette

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empreinte. Pour en revenir à ces pierres que jettent les deux héros, ellesdeviennnent molles dans la main et se mettent à croître : c'est exactementce qu'on observe lorsqu'on éteint la chaux vive. Elle foisonne. Ovideajoute :

« Mais elle n'est encore dans ce premier effet - que le rude crayon d'un ouvrage imparfait- C'est comme une Statue à la hâte ébauchée - Du Ciseau qui la taille à peine encoretouchée - Qui sur les premiers coups du Statuaire adroit - Fait connaître déjà ce qu'il fautqu'elle soit...»

Nous avons eu l'occasion dans d'autres sections d'analyser ce que lacabale révélait au sujet du burin [Caelos], du marbre statuaire et dustatuaire lui-même : le burin représente une allusion à un sel qui tient lemilieu entre le gypse et l'alun. Il trouve sa contrepartie dans l'épithètecoelum [ciel, mais aussi burin pour tailler le marbre], le marbre est cetteGorgonne dont Persée s'empare du Caput qui libère Pégase et lestatuaire [Strongylion] livre le nom de l'autre terre qui procure le Soufreblanc. Evidemment, le lecteur pourra s'étonner de ce rapprochement quipourrait paraître incongru entre Thémis et la chaux. Nous serions tout àfait d'accord avec lui au cas où le rapprochement aurait été fait aposteriori. Or, il se trouve que c'est lors de l'analyse du Verbum duTrévisan que nous avons été amenés à faire la relation entre Thémis et lachaux. Dom Pernety revient sur Deucalion dans ses Fables à propos duvase de l'art :

"Les philosophes faisaient en sorte de faire entrer ce vase dans leurs allégories, demanière qu'on n'eût pas le moindre soupçon sur l'idée qu'ils en avaient. Tantôt c'était unetour [Danae], tantôt un navire [Argos], ici un coffre [Acrisios, le père de Danae, redoutantd'après un oracle, d'être tué par son petit-fils, lance Persée avec sa mère Danae sur lamer dans un coffre de bois. Ils arrivent sur une île et Persée y grandit et multiplie lesexploits] , là une corbeille. Telle fut la tour de Danaé, le coffre de Deucalion, et le tombeaud'Osiris ; la corbeille, l'outre de Bacchus et sa bouteille ; l'amphore d'or ou vase de vulcain; la coupe que Junon présenta à Thétis, le vaisseau de Jason, le marais de Lerne ; lepanier d'Erichthonius ; la cassette dans laquellefut enfermée Tennis Triodite avec sasoeur Hémithée ; la chambre de Léda ; les oeufs d'où naquirent Castor, Pollux,Clytemnestre et Hélène ; la ville de Troye ; les cavernes des monstres ; les vases dontVulcain fit présent à Jupiter. La cassette que Thétis donna à Achille, dans laquelle on mitles os de Patrocle, et ceux de son ami. La coupe avec laquelle Hercule passa la mer pouraller enlever les boeufs de Gérion. La caverne du mont Hélicon, qui servait de demeureaux Muses et à Phoebus [...] Le lit où Vénus fut trouvée avec Mars ; la peau dans laquelleOrion fut engendré ; le clepsydre ou corne d'Amalthée. Les Egyptiens enfin n'entendaientautre chose par leurs puits, leurs sépulcres, leurs urnes, leurs mausolées en forme depyramide...»

Evidemment, on peut trouver excessives toutes ces allusionsmythologiques auxquelles Pernéty croit trouver une correspondancehermétique assurée...Cela mériterait d'autres développements que nousne pouvons poursuivre ici.

21. Pernety veut parler ici de la Fable I du Livre III [Met., Ovide] et desSoldats nés des dents du serpent de Mars. Examinons cette fable sous un senshermétique. Exposons d'abord le commentaire de Pernety sur Cadmus. Ilse situe au livre I, section IV, des Fables Egyptiennes et Grecques :

Cadmus était originaire de Thèbes d'Egypte. Ayant été envoyé à larecherche de sa soeur par Agenor son père, Roi de Phénicie, il se trouvaexposé à une furieuse tempête, qui l'obligea de relâcher à Rhodes, où ilérigea un Temple en l'honneur de Neptune, et on confia le service à desPhéniciens qu'il laissa dans cette Isle. Il offrit à Minerve un vase de cuivretrès beau, et de forme antique, sur lequel était une inscription, qui portait quel'Isle de Rhodes serair ravagée par les serpents. Cette inscription seule

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indique que toute cette histoire est une allégorie de l'Art sacerdotal. Carpourquoi offrir à Minerve un vase antique, et de cuivre ? Cadmus doit êtresupposé avoir vécu dans des temps bien reculés : quelle pouvait donc êtrel'antiquité de ce vase ? Il y a apparence qu'il faut avoir égard à la matière, etnon à la forme. Cette matière est la terre de Rhodes, ou la terre rouge philosophique [la terreadamique], qui doit être ravagée par des serpents, c'est-à-dire dussoute parl'eau des Philosophes, qui est souvent appelée serpent. Cadmus au fait deces mystères n'eut pas beaucoup d epeine à prédire cette dévastation. Leprésent d'un vase de cuivre, même antique, était-il d'une si grandeconséquence qu'il eût le mérite d'être présenté à la Déesse de la sagesse ?L'or, les pierreries auraient été plus dignes d'elle. Mais sans doute il y avaitdu mystère la-dessous ; il fallait un vase de cuivre, non du vulgaire, mais del'airain philosophique que les favoris de Minerve, les sages Philosophesappellent communément laton pour leton. Blanchissez le laton, dit Morien[Entret. du Roi Calid], et déchirez vos livres. L'azot et le laton vous suffisent. Toute l'histoire de Cadmus sera toujours considérée comme une fable pure,qui paraîtr ridicule à tout homme de bon sens, dès qu'il ne l'expliquera pasconformément à la Chimie Hermétique. Quelle idée en effet de suivre unBoeuf de différentes couleurs, d ebâtir une ville où ce Boeuf s'arrête,d'envoyer ses compagnons à une fontaine, qui y sont dévorés par un horribledragon [Ovide dit serpent], fils de Typhon et d'Echidna ; lequel dragon estensuite tué par Cadmus, qui lui arrache les dents, les sème dans un champcomme on sème du grain, d'où naissent des hommes qui attaquentCadmus ; et qui enfin, à l'occasion d'une pierre jetée entre eux, se détruisentles uns les autres sans qu'il en reste un seul ? [...]

Un mot d'abord sur la terre adamique que nous avons soulignée sur cetexte des Fables. Cette terre spéciale a été commentée par Jeand'Espagnet :

"Dieu créa Adam du limon de la terre, dans lequel étaient entées les vertus de tous leséléments, principalement celles de la terre et de l'eau qui constituent surtout la massesensible et corporelle : dans cette masse Dieu souffla un souffle de vie, et la vivifia duSoleil de l'esprit saint ; au mâle il donna Eve pour femme, et les bénissant, il leur donna leprécepte et la faculté de se multiplier. La génération de la Pierre philosophale n'est pasdissemblable de la création d'Adam : car il se forme d'abord un limon composé d'un corpsterrestre et pesant, dissous par l'eau, et qui pour cela a mérité le nom célèbre de terreadamique : toutes les qualités et les vertus des éléments s'y trouvent. Puis une âmecéleste lui est infusée par l'esprit de la quintessence et l'influx du Soleil, et enfin, grâce àla bénédiction et à la rosée du ciel, la vertu de se multiplier à l'infini, par le moyen del'accouplement des deux sexes, lui est communiquée." [Oeuvre secret, chap. 74]

De cette terre adamique ou terre rouge est exrtait un limon précieux quiest une terre pesante. On peut y voir la Lune hermétique qui constitue leSel des Sages ou toison d'or. L'Âme céleste, c'est-à-dire le métalspritualisé [ou si l'on préfère, la chaux métallique en dissolution] pourra s'yincruster par le moyen du Mercure ; dès lors, la volatilisation progressivedu dissolvant va permettre l'accroissement progressif de la Pierre et lephénix renaîtra de ses cendres.

Revenons à Cadmus.

Cette fable a été exploitée par le pseudo Flamel dans les FiguresHiéroglyphiques. Rappelons que tel n'est certainement pas sons sens maisque du moins, il est intéressant de s'en servir comme « pré-texte » ensorte de ferment pour notre imagination. Agenor ayant perdu sa fille sousl'apparence d'une vache demande à Cadmus, son frère, d'aller lachercher. Cadmus a été identifié à l'artiste [l'équivalent d'Hercule] parBatsdorff dans son Filet d'Ariadne.

[Mais il semble qu'il y ait eu un Cadmus historique. D'un côté, Pernety l'identifie au fils

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d’Agenor, Roi de Phénicie, fut envoyé par son pere à la poursuite d’Europe sa soeur,enlevée par Jupiter, métamorphose en taureau blanc. Il bâtit la ville de Thebes, épousaHermione ou Harmonie, fille de Mars, et furent l’un et l’autre changes en serpens. Del'autre côté, Andrew Ramsey, dans ses Voyages de Cyrus, Quillau, Paris, 1727 l'identifieaux Egyptiens qui, las de subir le joug arabe, quitterent leur pays, et allerent établir descolonies dans toute la terre ; de-là sont venus tous les grands hommes fameux dans lesautres nations ; le Belus des babyloniens, le Cecrops des atheniens, le Cadmus desbéotiens ; de-là vient que tous les peuples de l' univers doivent leurs loix, leurs sciences,et leur religion à l'Egypte.]

Cadmus, à peine sorti de l'oracle d'Apollon, voit une genisse dont le pasapraît plus tardif que pressé [attribut de Saturne]. Il suit cette vache à la trace[στιλβεω]. Celle-ci ne tarde pas à se coucher près d'une antiquefontaine, non loin d'une grotte à l'entrée ténébreuse où le serpent Pythontient sa résidence. Cette grotte semble distiller de l'eau par mille pertuis etc'est donc là qu'est ce serpent consacré à Mars. Nous voyons donc réunisles symboles de la conjonction prochaine des deux hiéroglyphes célestesconsacrés à la préparation du dissolvant : Vénus [vache, génisse] et Mars[serpent Python]. Le caractère aqueux du feu du serpent ou le caractère ignéde l'eau mercurielle, selon qu'on considère le Mercure, est clairementindiqué. Il y a plus : la crête du serpent est ornée d'un amas d'or etl'interprétation est donc simple : l'Or des Sages ne pourra être conquis parl'Artiste [Cadmus, Hercule] qu'avec « grande industrie ». Les compagnons deCadmus sont dévorés par le monstre : on peut dire que ces compagnonssont comme des envoyés, des hérauts. Ils font sortir Python de sacaverne [l'occulte est rendu manifeste ; la lumière sort pas soi-même desténèbres pour emprunter l'expression à Crasselame], c'est-à-dire qu'unesubstance « sourd » d'un rocher. Le fait qu'il soit consacré à Mars en ditsuffisamment sur son origine : c'est un vitriol et le serpent Python est lesymbole de l'acide vitriolique. Mais nous avons laissé Cadmus à larecherche de ses compagnons. Inquiet de ne pas les voir revenir, il part àleur recherche, revêtu d'une peau de lion [qui nous renvoie au symbolisme duLion vert, préfiguration du Mercure]. C'est le javelot qui aura raison de larésistance du serpent. Cadmus perce le serpent et le cloue contre unchêne, ce même chêne que Flamel nous conseille de remarquer [Fig.Hiér.]. Puis Pallas intervient, qui ordonne à Cadmus d'ouvrir la terre et d'ysemer les dents du monstre. Alors, se produit un grand jaillissement delances, de fers et de guerriers qui se tuent les uns les autres. Commentne pas voir là une marque d'effervescence ? Il n'y a aucune autrepossibilité de rapporter de façon rationnelle cette allégorie. En termechimique, nous dirons donc que la rencontre de l'acide vitriolique [les dentsdu serpent Python] et de la terre [terre calcaire ou nitre ou encore sel de tartre ; en toutcas, une terre contenant du potassium] va provoquer une vive effervescencedans laquelle on peut voir l'allégorie que nous avons décrite. Puis lecalme va s'installer, une fois ce tumulte calmé et Cadmus fonde ensuite laville de Thèbes sur la place même où les guerriers se sont entre-tués.

22. Pour le lion et le dragon babylonien, voir lexique. De façon générale,le dragon est présent aussi bien chez les alchimistes que chez lesmythographes.Ainsi, dans la Vie tirée des monumens et anecdotes del'ancienne Egypte [Paris, Guérin, 1731], Jean Terrasson nous conte l'histoire deSethos. Il nous décrit Typhon, père du serpent Python.

"Typhon n' étoit homme que depuis la tête jusqu' au nombril ; il étoit représenté jettantdes flammes par les yeux et par la bouche ; et du tronc qui lui servoit de corps, naissoientdeux dragons énormes qui lui tenoient lieu de cuisses et de jambes. Ses doits mêmesétoient des viperes, conformément à la description qu' Hesiode a faite de Typhée, etAppollodore de Typhon qui ne sont que la même chose."

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Le dragon des Hespérides, si cher à tant d'anciens Adeptes, est ensuiteanalysé :

"Le même nom qu' on peut employer en grec pour signifier des brebis et des pommes, adonné lieu à la double tradition mythologique qui met des troupeaux ou des fruits dans lejardin des Hesperides. Le dragon qui les gardoit n' étoit autre chose que les détours oules sinuositez du fleuve Lixus ou de la mer, selon d' autres, qui rendoient difficile l' entréedu port. Il y a aussi deux opinions sur l' enlevement des pommes d' or, un des travaux del' Hercule grec. Car les uns disent qu' il tua le dragon qui en étoit le gardien, et qu' il lesemporta de force. Mais les autres racontent qu' il les obtint du roy Atlas et de son épouseHesperis, en récompense de ce qu' il avoit délivré leurs sept filles nommées atlantides ouhesperides des mains de quelques pirates qui les avoient enlevées. Diodore rapporte lefait des deux manieres dont il paroît laisser le choix aux lecteurs."

Voila un passage qui ne peut laisser indifférent l'étudiant qui possède déjàquelque teinture de science. Il verra l'intérêt remarquable de l'homonymiegrecque entre les pommes et les brebis, comprendra en quoi le mythe duJardin des Hespérides est lié, par cabale, avec celui de la Toyson d'or desArgonautes, ou en quoi le dragon s'apparente au fleuve par son essencemercurielle, visqueuse et fluente. L'allusion à Atlas et à Hesperis mériteun développement complémentaire. Atlas, fils de Jupiter et de Clymene,ou de la Nymphe Asie, fut averti par l'Oracle de se donner de garde d'undes fils de Jupiter. Persée en ayant été mal accueilli, lui présenta la têtede Méduse, qui le métamorphosa en la montagne qui porte le nomd'Atlas. Voyez les Fables Egypt. et Grecq. dévoilées, liv. 3 c. 14, par. 3.Diodore de Sicile pense que les Hespérides qui gardaient les pommesd'or n'étaient autre que les sept filles d'Atlas et Hesperis. Voila ce quenous dit Pernety de ce Jardin enchanté :

FIGURE VII

(métamorphose des Héspérides, tiré du Songe de Poliphile, Paris, 1600)

[...] le lieu qu'habitaient les Hespérides était un jardin où tout ce que laNature a de beau se trouvait rassemblé. L'or y brillait de toutes parts, c'étaitle séjour des délices et des Fées. Celles qui l'habitaient chantaientadmirablement bien. Elles aimaient à prendre toutes sortes de figures, et àsurprendre les spectateurs par des métamorphoses subites. Si nous encroyons le même poète, les Argonautes rendirent visite aux Hespérides ; ilss'adressèrent à elles en les conjurant de leur montrer quelque source d'eauparce qu'ils étaient extrêmement pressés par la soif. Mais au lieu de leurrépondre, elles se changèrent à l'instant en terre et en poussière. Orphée,qui était au fait du prodige n'en fut point déconcerté ; il conjura de nouveauces filles de l'Océan, et redoubla se sprières. Elles l'écoutèrentfavorablement ; mais avant de les exaucer, elles se métamorphosèrentd'abord en herbes, qui croissaient peu à peu de cette terre. Ces plantess'élevèrent insensiblement, il s'y forma des branches et des feuilles, demanière qu'en un moment, Hespera devint peuplier, Erytheis un ormeau,Eglé se trouva un saule. Les autres Argonautes, saisis d'étonnement à cespectacle, ne savaient que penser ni que faire, lorsqu'Egle, sous la forme

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d'un arbre, les rassura, et leur dit, qu'heureusement pour eux un hommeintrépide était venu la veille, qui sans respect pour elles avait tué le Dragongardien des pommes d'or, et s'était sauvé avec ces fruits de déesse ; quecet homme avait le coup d'oeil fier, la physionomie dure, qu'il était couvertd'une peau de lion, armé d'une massue et d'un arc avec des flèches, dont ils'était servi pour tuer le monstrueux dragon. Cet homme brûlait aussi de soif,et ne savait où trouver de l'eau. Mais endin soit par industrie, soit parinspiration, il frappa du pied la terre, et il en jaillit une source abondante, dontil but à longs traits. Les Argonautes s'étant paerçu qu'Eglé pendant sondiscours avait fait un geste de la main, qui semblait leur indiquer la sourced'eau sortie du rocher, ils y coururent, et s'y désaltérèrent, en rendant gracesà Hercule de ce qu'il avait rendu un si grand service à ses compagnons,quoiqu'il ne fut pas avec eux. Après avoir fait des enchanteresses de cesfilles d'Atlas, il ne restait plus aux poètes qu'à en faire des Divinités ; lesanciens n'en avaient peut-être pas eu l'idée, mais Virgile [...] y a suppléé. Illeur a donné un temple et une prêtresse, redoutable par l'empire souverainqu'elle exerce sur toute la nature. C'est elle qui est la gardienne des rameauxsacrés, et qui nourrit le Dragon ; elle commande aux noirs chagrins, ellearrête les fleuves dans leur course, elle fait rétrograder les astres, et obligeles morts à soritr de leurs tombeaux.

Evidemment, ce jardin merveilleux n'a jamais existé. La plupart despoètes le placent vers le Mon-Atlas, sur les côtes occidentales del'Afrique. Pour ce qui est du dragon, on le dit fils de Thyphon et d'Echidnaou de la terre [Pernety]. Quant aux pommes ou aux brebis, ellessignifiraient des richesses d'Atlas, parce que le mot phénicien Melon, dontles Grecs ont fait Malon, signifie également des richesses et des pommes.Effectivement, le mot µηλον signifie pommes, mais aussi oranges oucitrons, en évoquant les pommes du Jardin des Hespérides, et dans sadeuxième acception, il signifie brebis ou troupeau de mouton, mais aussianimal de gros bétail, en particulier le taureau. Jean Terrasson, dans lavie de Sethos, nous parle aussi du jardin des Hespérides :

En avançant toûjours, Sethos se trouva dans un lieu enchanté qu' onappelloit l' élisée. Il faut se représenter ici un jardin d' environ trois quarts delieuë de longueur, du nord au midi, suivant l' enfilade des pyramides, sur huitcens pas de largeur d' orient en occident. Cette largeur commençoit ledernier tiers du quarré total à compter depuis le temple superieur. On étoitamené dans l' élisée par huit grandes allées paralleles qui traversoient àdistances égales toute la ville souterraine, et qui commençoient en quelquesorte le jardin ; puisqu' elles étoient ornées dans leurs deux côtés de grandsvases de fleurs, ou d' arbrisseaux odoriférans. Les prêtres avoient employépour embellir l' élisée, tout ce que peut inventer l' imagination humaineélevée aux idées poëtiques. Le jour se tiroit d' en haut dans toute l' étenduëdu sol. Mais comme il tomboit jusqu' au fond,d' une hauteur de cent quarantepiés, il étoit un peu affoibli ; et les ombres des arbres dont ce jardin étoitrempli l' affoiblissant encore, il sembloit que l' on ne joüissoit en plein jourque d' un clair de lune. Cette situation a peut-être donné quelque lieu à ladescription du jardin des Hesperides, telle qu' on la lit dans le geographeScylax. Les coeurs qui ont éprouvé de grandes passions sçavent combiencette lumiere temperée est propre aux douces rêveries. C' est ce qui fitnaître à Orphée la pensée de donner à l' élisée un soleil et des astresparticuliers, quoiqu' il ne fut éclairé que par le soleil et par les astres de notremonde. Cette ouverture immense aboutissoit par le haut comme les autres, dans unclos éxactement muré qui appartenoit aux prêtres. Les murs de l' éliséeterminés en ovale du côté meridional, et coupés en droite ligne par unbâtiment superbe du côté septentrional, paroissoient soutenir le ciel sur l'entablement qui bordoit leur extrêmité superieure. Le fond ovale présentoitune prodigieuse nappe d' eau que les yeux trompés par l' élevation et ladistance de l' objet, voyoient sortir du sein des nuës ; et qui après avoirformé de très-grands canaux s' écouloit, comme toutes les eaux dusouterrain, dans des puits perdus. Mais outre cela des tuyaux cachésfournissoient les eaux jaillissantes d' une infinité de bassins. Tout ce jardinétoit partagé en allées, en bosquets, en labyrinthes, ornés de statuësadmirables et de merveilleux groupes de bronze, de marbre, et de porphyre.

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Les planches des parterres étoient de longues caisses enfoncées jusqu' auxbords, et remplies de terres apportées, où croissoient non seulement lesfleurs les plus brillantes, mais encore les arbrisseaux dont on pare lesjardins, comme les myrthes, les lauriers et les orangers.

Voila une description sans doute plus juste du jardin des Hespérides. Onpeut concevoir que les statues décrites soient les filles d'Atlas etd'Hesperis, qui tous deux symbolisent la terre. Vesper ou Hespéros brillele soir à l'occident avec tout l'éclat dont resplendit Lucifer aux premièreslueurs du jour. Frère de Japet

[fils d'Ouranos et de Gaïa, ce titan appartient à la première génération des dieux ; il futprécipité au fond du Tartare avec son frère Cronos et les autres Titans ; nous conservonsdonc la même idée hermétique]

et frère d'Atlas

[Atlas porte la Terre sur ses épaules ; sa nature chthonienne est bien en accord avec lalégende selon laquelle Persée lui présenta, à la suite d'une dispute, la tête de Méduse ; leGéant, pétrifié, fut changé en une montagne nommée « Atlas » sur laquelle, selon lesAnciens, reposait la voûte céleste],

Vesper habitait avec son frère une contrée située à l'ouest du monde etnommée Hesperitis

[que l'on peut assimiler au Jardin des Hespérides ; les pommes d'or contenant les pépinsdessinant une étoile à cinq branches y étaient gardés par le dragon de Colchide].

Quant aux eaux jaillissantes, c'est la fontaine de jouvence de Bernard deTrévise ou celle de Jean de Meun ou encore celle de Flamel. C'est l'eaudu sel nitre, l'enfant qui naît du mariage d'Arès et d'Aphrodite. Le ruisseauest le Mercure philosophqiue et l'onde vive, le mouvement qui imprimel'animation du Mercure. Cette onde vive est souvent associée au pilote quiconduit le char hermétique. Les groupes de bronze et de marbre nousindiquent la qualité des matières utilisées pour préparer le dissolvant. Est-il besoin d'insister sur le bronze ? On y reconnait notre Airain. Voila uneplanche qui peut donner une idée de notre Jardin hermétique.

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FIGURE VIII

(extrait de la planche dépliante n°3 de la « Cabala, miroir de l'art et de la nature enalchimie...»,

Augsbourg, 1615, Stephane Michelspacher)

Il semble assuré que ce Jardin était situé vers la partie la plusseptentrionale des côtes occidentales de l' Afrique. On dit à Cherès[comme le rapporte Jean Terrasson dans sa vie de Sethos] :

qu'après avoir passé le petit Atlas, il devait d' abord se rendre avec toute saflote dans le port de Banasa sur le fleuve Subur, limite meridionale de cepays : qu'il serait même obligé de laisser à Banasa toute sa flote à la gardede la colonie de leur nation, qui heureusement pour ce dépôt était maîtressede la ville. Car, lui dirent-ils, les habitans du pays des Hesperides, qui sedonnent le nom d' atlantes, ne reçoivent jamais ensemble deux vaisseauxétrangers arborant même pavillon dans leur port unique de Lixus la rache ; niplus de cinq hommes d' une même compagnie dans Lixa, plus avancéedans les terres, et le seul lieu qui porte chez eux le nom de ville. Cherèspassa donc le petit Atlas, le seul que nos géographes ayent connu avantPtolemée qui le premier des grecs en ait fait deux. Il répond au trente-troisième degré de latitude septentrionale, et est véritablement celui qui a tiréson nom du roi Atlas. Cherès muni de ces premieres instructions, cingla ducôté de Banasa. Il entra dans le Subur, fleuve superbe et très-navigable,selon l'expression de Pline, et aborda à pleines voiles à Banasa quoiquedistante de la mer de quelques lieues. Cette ville placée sur le bordmeridional du fleuve, voyoit sur l'autre bord vis-à-vis d'elle les confins dupays des atlantes. Mais ni les phoeniciens, ni les autres habitans du mêmecôté, ne communiquoient point par là avec ce peuple singulier, que sareligion envers les dieux avoit rendu lui-même un objet de religion à l'égardde tous les hommes. D' ailleurs même leurs rivages n'avoient aucuneespece de port, et ne donnoient retraite d'espace en espace qu'à de petitesbarques de pescheurs. On péchait effectivement de part et d' autre. Maiscomme le fleuve est extrêmement large, les barques réciproquementétrangères ne couraient point risque de se joindre contre la défense imposéeaux atlantes, et celle que leurs voisins vouloient bien s'imposer par raport àeux. Il y avoit seulement auprès de l'embouchure et dans l'endroit où l'on abâti depuis la ville de Subur, une très grande esplanade couverte d'un toitsoutenu de plusieurs rangs de piliers, mais sans aucune espece de clôture.C'est là que les commerçans phoeniciens venoient étaler les marchandisesqu' ils apportoient aux atlantes. Mais il ne faut pas croire qu' ils pûssent les

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étourdir de ces louanges excessives, dont quelques marchandsaccompagnent la montre qu' ils font de leurs marchandises déguisées. Aprèsavoir exposé leurs effets, ils étaient obligés de se retirer dans leursvaisseaux, d'où ils faisoient élever de grosses fumées pour avertir lesatlantes de leur arrivée et de l' ouverture de leurs balots. Les acheteursvenoient alors mettre auprès de chaque chose le prix qu' ils vouloient endonner, après quoi ils se retiroient à leur tour. Cette estimation étoit faiteavec tant d'équité, qu'il étoit rare que les marchands laissassent l'argent etremportassent leurs marchandises. Herodote dit que les carthaginois enusoient ainsi à l'égard de certains peuples de l'Afrique, au-delà des colonnesd' Hercule, qui sont apparemment ceux-ci même. Mais les atlantespratiquoient aussi la même chose à l'égard de ces étrangers, par rapport auxbestiaux et aux fruits qu'ils exposoient ensuite dans le même lieu. Et commel'une et l'autre espece de biens étoient d'une si grande beauté qu' elle adonné lieu à la fable des pommes d'or dont parle Strabon, et à celle desbrebis dorées dont parle Diodore ; les marchands rendoient ordinairementpour les avoir beaucoup plus d'argent qu'ils n'en avoient reçu pour ce qu'ilsavoient apporté. Le même nom qu'on peut employer en grec pour signifierdes brebis et des pommes, a donné lieu à la double tradition mythologiquequi met des troupeaux ou des fruits dans le jardin des Hesperides. Le dragonqui les gardoit n'étoit autre chose que les détours ou les sinuositez du fleuveLixus ou de la mer, selon d' autres, qui rendoient difficile l' entrée du port. Il ya aussi deux opinions sur l'enlèvement des pommes d'or, un des travaux del' hercule grec. Car les uns disent qu'il tua le dragon qui en étoit le gardien, etqu'il les emporta de force. Mais les autres racontent qu'il les obtint du roiAtlas et de son épouse Hesperis, en récompense de ce qu'il avoit délivréleurs sept filles nommées atlantides ou hesperides des mains de quelquespirates qui les avoient enlevées. Diodore rapporte le fait des deux manieresdont il paroît laisser le choix aux lecteurs.

Nous laisserons ici la légende du jardin des Hespérides.

23. Ce qui caractérise la matière des sages, de l'avis de tous leshistoriens de l'Art, c'est d'abord son ubiguité et son caractère protéiforme.Par exemple, Pernety -Fables- nous dit que jamais Mixte n'a eu tant denoms. Toutefois, les alchimistes s'accordent à dire qu'elle est Une et toutechose. Cela peut avoir, par cabale, son intérêt puisqu'une chose unique,en grec, se dit ιον, très proche de ιος, rouille ou vert-de-gris, nommantpar là des substances oxydées. Mais, ils l'appellent aussi or crud, orvolatil, or immur, or lépreux. Nous savons que des métaux comme l'étainou l'antimoine peuvent avoir des caractères qui les rapprochent deslésions lépreuses. voici ce que nous en dit Pernety :

« Cette matière première est aussi analogue aux métaux, étant le mercure dont ils sontcomposés. L'esprit de ce mercure est si congélant, qu'on le nomme le père des pierrestant précieuses que vulgaires. Il est la mère qui les conçoit, l'humide qui les nourrit, et lamatière qui les fait. Les minéraux en sont aussi formés, et comme l'antimoine est leProthée de la Chymie, et le minéral qui a le plus de propriétés et de vertus, Artéphius anommé la matière du grand oeuvre, Antimoine des parties de Saturne. Mais quoiqu'elledonne un vrai mercure, il ne faut pas s'imaginer que ce mercure se tire de l'antimoinevulgaire, ni que ce soit le mercure commun. Philalèthe nous assure -Introïtus- que dequelque façon qu'on traite le mercure vulgaire, on n'en fera jamais le mercurephilosophique. Le Cosmopolite dit que celui-ci est le vrai mercure, et que le mercurecommun n'est que son frère bâtard - Dialogue du Mercure, de l'alchimiste et de la Nature,in Mercure, Ier Traité- . Lorsque le mercure des Sages est mêlé avec l'argent et l'or, il estappelé l'électre des philosophes, leur airain, leur laiton, leur cuivre, leur acier ; et dans lesopérations, leur venin, leur arsenic, leur orpiment, leur plomb, leur laiton qu'il fautblanchir ; Saturne, Jupiter, Mars, Vénus, la Lune et le Soleil. »

Jean d'Espagnet nous dit de son côté dans l'Oeuvre secret d'Hermès que :

"Les philosophes, sous un langage varié, ont dit néanmoins la même chose en ce quiconcerne la matière de cette Pierre ; de sorte que plusieurs, qui ne se ressemblent pointen paroles, tombent d'accord cependant sur la chose elle-même. Leur façon de parler,

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pour être discordante, ne laisse pour autant aucune tache de fausseté ou d'ambiguïté ànotre Science : vu qu'une même chose peut être exprimée en plusieurs langues, énoncéede diverses façons, représentée par des effigies différentes , et même, sous diversaspects, elle peut être nommée tantôt d'une façon, tantôt d'une autre." [chap. XIV]

Nous retiendrons ici : d'abord, la référence explicite aux pierresprécieuses qui sont composées pour partie de ce mercure ; nous enavons parlé dans la section du Mercure de Nature. ensuite, la formeparticulière de cet antimoine dont on devine bien qu'il est ce Protéehermétique par lequel est désignée une partie du mercure. L'électre desphilosophes est un trait de cabale des plus raffinés. On sait, en effet, quel'électrum désignait jadis un amalgame fait d'or et d'argent. Exactement,l'électrum désigne l'asèm des Egyptiens : c'est un alliage d'or et d'argent-Chimie des Anciens ; Origines de l'alchimie, M. Berthelot- qui se trouve dansla nature et qui se produit aisément dans les traitements des minerais.Son nom a été traduit du grec ancien ασεµος, qui désignait aussi l'argentsans marque. il était placé sous le patronage d'une divinité planétaire,Jupiter, qui, plus tard, on le sait, fut attribué à l'étain, vers le Ve siècle denotre ère. Cet alliage doit donc être superposé -par cabale- à l'airain dontles propriétés varient, nom qui comprenait à la fois notre cuivre rouge, etles bronzes et laitons d'aujourd'hui. Autre fait curieux : selon la manièredont il était traité, l'asèm pouvait fournir de l'or pur ou de l'argent pur,c'est-à-dire être changé en apparence en ces deux autres métaux. Enfin,l'asèm [électrum] pouvait être fabriqué artificiellement, en alliant l'or etl'argent entre eux, voire même sans or, et sans argent, par l'associationd'autres métaux tels que le cuivre, l'étain, le zinc, le plomb, l'arsenic et lemercure, qui en faisaient varier la couleur et les propriétés. Pernety nousdit que l'amalgame philosophique était désigné sous le nom d'électre desphilosophes. non seulement, cette expression évoque l'électrum ou asèmégyptien, mais encore on peut lui trouver une correspondance dans lesmythes. Electre est fille d'Océan et de Téthys. Téthys est le symbole de lafécondité des eaux tandis qu'Océan est la personnification divine de l'eau.On peut donc voir en Téthys, le principe générateur, celui qui va assurerla génération de la Pierre, stimulé par l'éélment original. Jeand d'Espagnetajoute :

"Qu'on prenne donc garde à la signification diverse des mots. Car les Philosophes ontcoutume d'expliquer leurs mystères par des détours trompeurs, et sous des termesdouteux, et même le plus souvent, contradictoires en apparence, afin de protéger par desembarras et des voiles l'étude de ces vérités, mais non pour les falsifier ni pour lesdétruire. C'est pour cette raison que leurs écrits sont pleins de mots ambigus, dont lesens est équivoque. Certes, ils n'ont pas de plus grand soin que de dissimuler leurrameau d'or, qui est caché, comme dit le Poète, dans les retraites secrètes d'une sombreforêt, laquelle est toute environnée de vallons qui y font régner des ténèbres éternelles[c'est la même forêt de chènes séculaires que l'on voit représentés dans le De LapidePhilosophorum de Lambsprinck et la réflexion fait allusion à la Lumière sortant par soy-même des Ténèbres, ouvrage supposé de Crasselame, dont on a parlé dans la sectionsur l'humide radical métallique, à propos de la signification symbolique des comètes] ; etqui résiste à quelque force que ce soit. Il se laisse arracher seulement à celui qui pourrareconnaître les oiseaux maternels, et vers qui deux colombes, venant du ciel, dirigerontleur vol. [ces colombes de Diane sont analogues aux cygnes de B. Valentin. Le doutesubsiste quant à leur sens véritable : s'agit-il des composants du Mercure ou plutôt desdeux Soufres ? Il semble plutôt qu'il s'agisse des composants du Mercure, car B. Valentinassure qu'il faut « bayer un cygne à l'homme double igné »; or l'homme double igné est leRebis, c'est-à-dire l'amalgame philosophique]"

On pourra aussi consulter ce que dit Batsdorff au chapitre Matière de sonFilet d'Ariadne.

24. Le mercure assure la dissolution hermétique. De caractère plus

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physique que chimique selon Fulcanelli, elle est caractérisée par cettecirconstance qu'il existe un rapport constant et défini pour chaquetempérature entre le poids et la nature du corps dissous, c'est-à-dire ces poissons sulfureux et mercuriel du président d'Espagnet à qui nousdevons d'avoir révélé ce point de science -par d'autres appelés le Soufreblanc et le Soufre rouge- et celui du dissolvant, c'est-à-dire du Mercurephilosophique, où le coefficient de solubilité joue un rôle des plusimportants. Il définie le poids de nature qui, de l'avis même des plusgrands artistes n'est connu que de Dieu seul. Ce rapport n'est pas modifiéd'une manière appréciable par la présence d'une certaine quantité d'unsel étranger, dénué d'action chimique sur le corps dissous, et dont lesphilosophes s'accordent à penser qu'il s'agit du sel harmoniac sophique.Par contre, ce coefficient de solubilité change du tout au tout avec latempérature ; il croît, certes si la température s'élève mais alors le lien duMercure vient à se briser et le Compost se volatilise entièrement.Réciproquement, si la température s'abaisse, le solide vient à se déposeren un Corps neuf, entièrement réincrudé, et la liqueur mercurielle n'enretient qu'une petite proportion, au-dessous de la croûte cristalline quiconstitue le sceau vitreux d'Hermès, et qui est formée d'une matière d'ungris verdâtre, bulleux et amorphe. Cette matière n'est finalement que leCompost cuit, quand il a été canoniquement préparé par le moyen del'Elixir. C'est ce que semble dire D'Espagnet :

"Ceux qui ignorent les secrets de la Nature et de l'Art, croyant qu'ils ont mené leurouvrage jusqu'au bout et ont accompli tous les préceptes du secret, lorsqu'ils ont trouvéle soufre, se trompent fort. En vain tenteront-ils la projection : car la pratique de la Pierrene peut être achevée que par deux opérations, dont la première est la création du soufre ;mais la seconde, c'est la confection de l'élixir." [Oeuvre secret, chap. 121]

Dom Pernéty consacre un chapitre de ses Fables à l'Elixir :

« Ce nest pas assez d'être parvenu au soufre philosophique que nous venons de décrire ;la plupart y ont été trompés, et ont abandonné l'oeuvre dans cet état-là, croyant l'avoirpoussé à sa perfection. L'ignorance de la Nature et de l'Art sont la cause de cette erreur.En vain voudrait-on tenter de faire la projection avec ce soufre. La pierre philosophale nepeut être parfaite qu'à la fin du second oeuvre qu'on appelle Elixir. [...] L'élixir, suivantD'Espagnet, est composé d'une matière triple ; savoir d'une eau métallique, ou dumercure sublimé philosophiquement, du ferment blanc, si l'on veut faire l'élixir au blanc,ou du ferment rouge pour l'élixir au rouge, et enfin du second soufre ; le tout selon lespoids et proportions philosophiques. L'élixir doit avoir cinq qualités ; il doit être fusible,permanent, pénétrant, tingeant et multipliant ; il tire sa teinture et sa fixation du ferment ;sa fusibilité de l'argent-vif, qui sert de moyen pour réunir les teintures du ferment et dusoufre ; et la propriété multiplicative lui vient de l'esprit de la quintessence qu'il anaturellement. »

Il nous faut faire ici un effort de réflexion. il y a, selon nous, un contre-sens dans la définition de l'élixir qui est donné par Dom Pernety. L'élixircorrespond au Compost philosophal et il en a toutes les propriétés commenous allons le voir. D'abord, l'eau métallique : c'est un bain d'oxydesdissous ou pour employer la terminologie de l'époque, des chauxmétalliques ; le premier degré à atteindre consiste en leur dissolutiontotale, signifiée par la putréfaction : c'est le régime de Saturne. Le fermentblanc ne saurait être que la Toyson d'or de Trismosin, c'est-à-dire le Soufreblanc qui correspond à la terre de Chio ou terre de Samos. Quant ausecond soufre, il s'agit du principe teingeant qui va déterminer l'orientationde la pierre. Les qualités requises sont celles d'un fondant qui résiste àl'ardeur du feu et quant aux propriétés de multiplication, il faut y voir unaccroissement. La quintessence a été étudiée par M. Berthelot[Introduction Chimie des Anciens]. elle doit être rapportée à ιος, qui signifieplus particulièrement la rouille ou oxyde des métaux, ainsi que le venin du

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serpent, parfois assimilé à la rouille dans le langage symbolique desalchimistes. La pointe de la flèche est le symbole de la quintessence,l'extrait doué de propriétés spécifiques : c'est le principe des colorationsmétalliques, de la coloration jaune en particulier -il s'agit d'une couleur quisurvient après le régime de Jupiter dont on rappelle qu'il est de couleurgrise selon les vues de Pernety. Le mot Ιωσις a la même signification : lacoloration en jaune ou en violet des composés métalliques, colorationproduite souvent par certaines oxydations.

25. Ce bain métallique ne peut êtee qu'un fondant. C'est ce fondant quiconstitue la fontaine de jouvence de Flamel ou du Trévisan. L'étude desfondants, nous l'avons vu maintes fois [cf. section sur le Mercure philosophique etsur le tartre vitriolé], est l'une des parties les plus essentielles de l'alchimie. Ilne suffit pas, en effet, de fondre les colombes de Diane ; il faut encore lesconjoindre après leur dissolution initiale, signe manifeste de la 2ème

putréfaction, voilée sous l'épithète de corbeau. C'est là l'un des buts desfondants, ou si l'on préfère du Mercure dont le but est exactement qualifiépar l'adage « solve et coagula ». Le cas qui nous occupe est celui desubstances oxydées, c'est-à-dire réduites à l'état de chaux métalliques, denature siliceuses ou basiques. Or, nous savons que la silice s'unit auxbases et forme avec elles des silicates plus ou moins fusibles. Le but àatteindre sera, par suite, la préparation d'un mélange fusible de silice etde bases ; voila où gît l'un des secrets du Mercure. Ainsi voyons-nous quela détermination du fondant optimal implique la connaissance de lafusibilité et des propriétés essentielles des silicates. On peut à cet égarddiviser les bases en deux catégories, selon qu'elles soient fusibles, c'est-à-dire, les alcalis, l'oxyde de plomb, l'oxyde de bismuth ; ceux-ci formentdes silicates d'autant plus fusibles que la base y domine ; ou selonqu'elles soient infusibles. Ces bases infusibles ou peu fusibles donnentdes composés dont la fusibilité sera d'autant plus grande que le mélangese rapprochera davantage d'une sorte de moyenne, ne renfermant niexcès de silice, ni excès de base. Seulement ce composé moyen [qui nousrappelle le milieu ou moyen de Fulcanelli, cf. section sur les Principes] sera selon lesbases, un sous-silicate, un proto-silicate, un sesqui-silicate et même, dansle cas des bases fortes infusibles, un bi ou un tri-silicate. Veulliez noterqu'il s'agit ici de formules minéralogiques où les qualifications de sous,proto, sesqui, bi et tri expriment le rapport des proportions d'oxygènecontenues dans la silice et les bases. à Il paraît qu'à formule égale, un silicate simple, contenant une seulebase infusible, est toujours moins fusible qu'un silicate double ou multiple,renfermant deux ou plusieurs bases. Ainsi, les proto-silicates ou bi-silicates simples de chaux, de magnésie ou d'alumine sont-ils moinsfusibles que les silicates doubles de chaux et de magnésie, de chaux etd'alumine ou de magnésie et d'alumine. D'où il suit, lorsqu'il s'agit debases terreuses ou même d'oxydes métalliques peu fusibles, commel'oxyde de fer, qu'il faut chercher d'abord à former des silicates multiplesplutôt que des silicates simples. à Dans les usines métallurgiques, les hauts-fourneaux, les silicates sedivisent en laitiers et scories. Les scories sont d'une grande importanceen alchimie : il s'agit, en effet, de silicates métalliques, contenant peu debases terreuses et que l'on distingue en scories ferrugineuses,cuivreuses, plombeuses, stannifères, etc. On se doute bien que lesoxydes métalliques nous intéressent au premier chef puisqu'ils constituentl'Âme même de la future pierre. Toutefois, la connaissance seule desscories serait insuffisante pour l'art... à La composition des silicates a une influence très marquée sur laconsistence de la masse lorsqu'elle est fondue. Par exemple, les bi-

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silicates, ou silicates à excès de silice, passent graduellement de l'étatsolide à l'état fluide et conservent longtemps une consistence visqueuseou plastique ; on peut les étirer en fils et nous avons vu dans la sectionsur le Soufre que M.A. Gaudin avait pu ainsi traiter la silice et qu'il avaitaussi noté que l'alumine avait la curieuse propriété de devenirinstantanément liquide, à partir d'une certaine température, avant de sevolatiliser aussitôt ; ce point a été étudié plus particulièrement dans lasection des blasons alchimiques et a trait au secret du lien du Mercure. Maispoursuivons ; ces silicates sont donc de véritables verres, que par cabale,nous pourrions d'ailleurs appeler justement des « vitri-oleum » : et de fait, ilsne coulent jamais comme de l'eau. Ces silicates sont les laitiers ets'apparentent dans le travail hermétique à « l'eau-mère » dans laquellenagent les poissons philosophiques que Newton a tant étudiés d'après lestravaux du président Jean d'Espagnet [1,2]. Ces laitiers sont appelés dansles forges, laitiers filants ou laitiers gras. On leur a donné les épithètesexactes sous lesquels ils sont connus des alchimistes. Tel n'est point lecas des proto-silicates ou silicates basiques, qui passent au contraire plusou moins brusquement, de l'état solide à l'état fluide ; lorsqu'on lesrefroidit, ils se figent rapidement. Fondus, ils s'avèrent très fluides, nes'étirent point en fils et se brisent au moment de se figer. De là, leur nomde laitiers courts ou laitiers secs. à Lorsque les silicates ferrugineux sont à excès d'oxyde, on les appellescories douces ou chaudes, et scories crues lorsque la silice domine, cesdeux termes s'appliquant non pas au degré de température mais à lafluidité de la masse ; chaudes à cause de leur fluidité ou crues à cause deleur état réfractaire. Les silicates les plus fusibles, parmi ceux à une seulebase, sont les silicates alcalins. 10% de potasse, ou 7% de soudesuffisent pour fondre la silice au blanc intense ; et 9% de potasse ou 6%de soude, provoquent déjà le ramolissement de la silice. Pour obtenir cescomposés, on a recours aux carbonates alcalins [alkalis fixes desAnciens]. On emploie aussi la baryte qui provient du sulfate de baryte,gangue ordinaire des minerais de plomb

[Artéphius ne nous dit-il pas que l'antimoine est des parties de Saturne ? Nous verrons eneffet ci-dessous que la baryte est congénaire de la chaux...]

et gangue accidentelle de certains minerais de fer. La baryte, infusible àl'état isolé, donne des silicates simples, fondant en émail à la températurede la cuisson de la porcelaine ; les plus fusibles correspondent à desmélanges intermédiaires entre le tri-silicate à 62% de baryte et le sesqui-silicate à 45% de baryte. La chaux est moins fondante que la baryte. Les seuls silicates qui sefondent à la température la plus élevée des feux de forge ou des fours àporcelaine, sont le bi-silicate à 47% de chaux et le tri-silicate à 38% dechaux. La magnésie est encore moins fondante que la chaux. à L'alumine est, parmi les bases communes, la moins fondante. Au feude forge, le bi-silicate et le tri-silicate éprouvent seuls un commencementde ramollissement. Le premier renferme 36%, le second 27% d'alumine. à Les laitiers sont des silicates terreux doubles ou multiples. On vient devoir que chacun des silicates simples de chaux, de magnésie oud'alumine s'avère peu fusible mais on obtient des composés relativementfisibles lorsqu'on les unit deux à deux.

[c'est le lieu de revenir sur l'étoile double des alchimistes qui trouve peut-être sonexplication dans la phrase suivante d'E. Canseliet :

"Il y a donc deux étoiles qui, nonobstant l'invraisemblance, n'en forment réellementqu'une. Celle qui brille sur la Vierge mystique, -à la fois notre mère et la mer hermétique,-

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annonce la conception et n'est que le reflet de l'autre qui précède l'avènement miraculeuxdu Fils...ce n'est pourtant qu'une simple image réfléchie par le miroir de la sagesse."

que nous avons évoquée dans la section sur la réincrudation. Ces deux étoiles, d'ailleurs,se retrouvent sur l'un des blasons alchimiques que nous reproduisons ici, véritablecompendium de l'oeuvre]

FIGURE IX

(Ex-libris de René Pallu Du Ruau et d'Elisabeth-Cécile de la Vieuville)

Le proto-silicate de chaux et de magnésie [péridot] fond au four àporcelaine en un culot compact. Le bi-silicate [pyroxène] fond trèsfacilement : on obtient des masses blanches, lamelleuses ou fibreuses,pareilles aux pyroxènes magnésiens des minéralogistes, se rapprochantsingulièrement des descriptions de Fulcanelli. Ce bisilicate se rencontresouvent dans les laitiers des hauts-fourneaux de Suède

[c'est le lieu de rappeler cette remarque de Fulcanelli au sujet du fer de Suède, DM II, p.287 :

"C'est ainsi, par exemple, qu'un kilogramme d'excellent fer de Suède, ou de ferélectrolytique, fournit une proportion de métal radical, d'homogénéité et de puretéparfaites, variant entre 7 grammes 24 et 7 grammes 32. Ce corps, très brillant, est douéd'une magnifique coloration violette...analogue, pour l'éclat et l'intensité, à celle desvapeurs d'iode."]

Nous avons déjà eu l'occasion de mentionner l'idocrase qui correspond aubi-silicate de chaux [C2ASi3], lorsque nous avons examiné les travaux deP. Berthier. En résumé, les laitiers les plus fusibles sont compris entre les proto-silicates et les bi-silicates doubles de chaux et d'alumine, surtout si lachaux l'emporte sur l'alumine et il convient de rappeler aussi que lacomposition des laitiers, pas plus que celle des verres, n'estrigoureusement chimique

[cette vérité scientifique est conforme à la doctrine hermétique, car si le poids de l'art estconnu de l'artiste, le poids de nature, Fulcanelli l'assure, échappe à l'entendement]

à Il convient de signaler encore l'action des silicates sur les sulfures. Lessulfures métalliques s'unissent intimement à certains silicates. Il y acombinaison, dissolution ou simple mélange. Mais ce mélange est siintime qu'il est difficile de ne pas croire à une véritable dissolutionchimique. Il est possible, ainsi, qu'il se forme entre le sulfure de silicium etles sulfures métalliques des sulfo-silicates qui s'uniraient, à leur tour, auxsilicates proprement dits. Ceci a une grande importance en alchimie oùnous avons vu que les sulfates représentaient l'essentiel des sels actifs et

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que ces sulfates étaient transformés en sulfures. Il est de fait que certainssilicates peuvent tenir en suspension ou en dissolution des proportionsnotables de sulfures métalliques ; par exemple, les scories à cuivre,plomb, argent, formées de proto-silicates ou de sous-silicates ferrugineux,retiennent des sulfures de fer, de zinc, de plomb, etc. à les aluminates : essentiels en alchimie, puisque l'alumine détermine leCorps [résine ou toison d'or] de la Pierre qu'orientera ensuite l'infusion del'Âme [Soufre rouge]. L'alumine forme non seulement des aluminatesalcalins, mais encore des aluminates de fer,de chaux, de plomb, etc. Lesaluminates simples de chaux et de magnésie sont à peu près infusibles àla chaleur du four à porcelaine ; mais on peut fondre les aluminatesdoubles à excès de chaux. Les protoxydes de manganèse et de ferramollissent également l'alumine pure, à la chaleur blanche du feu deforge, et la fondent complètement, au chalumeau, en scorie verte ounoire. à Parmi les scories qui sont des silicates à bases métalliques, simples oumultiples, il faut parler du proto-silicate ferreux, à 69% de protoxyde et31% de silice. Il passe brusquement de l'état solide à l'état fluide et, unefois fondu, coule comme de l'eau. Lentement reroidi, il se présente sousforme de lames entre-croisées [comment ne pas y voir la grande inconnue X duproblème que Fulcanelli soumet à la sagacité des étudiants...] , d'un gris olive foncé,à reflets métalliques ; versé fondu dans l'eau, il devient vitreux et noirbrillant. Le cas du peroxyde de fer [sesqui-oxyde rouge ou colcothar] nous intéresseparticulièrement car nous avons des raisons de voir en lui le dragon rougeque nous avons cherché dans de nombreux textes anciens [cf. section destextes divers]. En effet, le dragon Babylonien semble bien être ce colcothartant cherché, ou du moins un proche parent, s'il faut en croire MichelMaier [Atalanta fugiens, XXV]. Le peroxyde de fer ne semble pas pouvoir secombiner seul avec la silice ou du moins, ne forme pas de silicate fusible.Mais les deux oxydes réunis donnent facilement des silicates doubles,fusibles et fluides dès que le peroxyde n'y domine pas. Ainsi, le bi-silicateà 50% de silice fond facilement lorsque le peroxyde de dépasse pas 25%du poids réuni des deux oxydes. Dès que l'on conserve un pareil silicatependant quelque temps au rouge cerise, on voit des cristaux d'oxydemagnétique s'y développer. Dans son Traité de métallurgie, Pelouze ditposséder un grand échantillon, criblé de beaux octaèdres noirs, éclatants.Il pense que cet oxyde magnétique, qui est fusible, pourrait êtresimplement dissous dans le proto-silicate, à l'instar des sulfuresmétalliques. A cet égard, les silicates ferrugineux doubles deviennent pâteux et peufusibles dès que la proportion de peroxyde dépasse une certaine limite.Ainsi déjà, le proto-silicate double, à 33% de silice, 18% de peroxyde et49% de protoxyde, est moins fusible que le proto-silicate ferreux. Parailleurs, ces silicates chargés de peroxyde ou d'oxyde magnétique, sontde véritables oxydants dont l'influence est d'oxyder ainsi le silicium, lephosphore, le soufre, le carbone, etc.

26. La manière d'animer le Mercure est exposée dans la sectionconsacrée au dissolvant. Cette animation, c’est ce combat dont parleSavinien De Cyrano Bergerac dans une partie de son Histoire comique,contenant les Estats et empires du soleil [Paris, Charles de Sercy, 1662] entre larémore et la salamandre. C'est la sublimation philosophique quicorrespond ainsi, selon Trévisan, à l'Exaltation, soit l'animation duMercure : il s'agit d'une fusion qui s'opère à haute température, du moinspar la voie sèche. Nous noterons que, par cabale, les alchimistes ont souvent parlé de trois

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pierres, à savoir la minérale, l'animale et la végétale et qu'il fautcomprendre qu'il s'agit d'une pierre unique, tirée du sol [minérale], animée[animale] et susceptible d'accroissement [végétale]. L'animation etl'accroissement ont lieu durant le processus opératoire. Zozime dit que,bien qu'il y ait trois degrés de feu, l'on utilise en fait qu'un seul feu fait decrottin de cheval et de chaux vive. La cuisson doit durer dix mois au boutdesquels il faut teindre la pierre afin qu'elle puisse finalement teindre et se

multiplier. En rhétorique hermétique, les grands discours, l’éloquence, lesbeaux parleurs, les gloseurs [discutio = fendre, fracasser, dissoudre] en somme,nous en trouvons un bon exemple dans La Toyson d’Or de SalomonTrismosin , cité par E. Canseliet, dans son Alchimie [L’arbre alchimique,p.105-125, in Atlantis, 1934] dont voici le texte :

"Portant ainsi, sur une branche supérieure, un oiseau noir, l’arbre symbolise, plusclairement encore, cette racine métallique qui résiste à merveille au pouvoir d’oxydation,et qui assure, dans l’harmonie, la naissance du corbeau, de cette terre obscure etnettement distincte de la partie sous-jacente, blanche et volatile. Deux hommes, âgés etremplis d’expérience, discutent, avec animation, sur le problème de la capture pourlaquelle vigueur et habileté sont nécessaires".

On ne saurait mieux parler du Mercure philosophique animé car en latin,discussorius signifie dissolvant et résolutif. On voit donc que le vieillard -auquelon attribue trop souvent le caractère propre au Sujet des Sages-représente en réalité le Mercure qui va s’animer. Finalement, « Remettrel'or dans sa première matière » semble conduire à réaliser l'animation dumétal par l'emploi d'un agent vital qui constitue « l'Esprit » qui s'est enfuidu corps. Cette animation consiste à dissoudre les chaux des métaux,seul moyen connu de les faire renaître en un corps « supérieur », sujet dela réincrudation. Fulcanelli dans les DM, I, p.311 revient sur cette pensée etnous dit qu'il importe de savoir que :

"...les métaux, liquéfiés et dissociés par le mercure, retrouvent le pouvoir végétatif qu'ilspossédaient au moment de leur apparition sur le plan physique...[Le dissolvant] en sépareles impuretés hétérogènes importées des gîtes métallifères...il les ranime, leur donne unevigueur nouvelle et les rajeunit...C'est ainsi que les métaux vulgaires se trouventréincrudés, c'est-à-dire remis dans un état voisin de leur état originel..."

A la page suivante (p.312), Fulcanelli nous dit encore :

"Et la différenciation de ces deux mercures, l'un agent de rénovation, l'autre deprocréation, constitue l'étude la plus ingrate que la science ait réservée au néophyte."

Il récapitule ensuite [DM, II, p.79] la marche à suivre pour l'étudiant quidésire pénétrer cet arcane :

"Car le soufre et le mercure des métaux, extraits et isolés sous l'énergie désagrégeantede notre premier agent, ou dissolvant secret, se réduisent d'eux-mêmes, par simplecontact, en forme d'huile visqueuse, onctuosité grasse et coagulable, que les Anciens ontappelée humide radical métallique et mercure des sages...cette liqueur...peut êtreconsidérée logiquement comme représentant un métal liquéfié et réincrudé..."

L'animation du Mercure est en étroite relation avec le poids donné au selharmoniac, relativement à celui employé pour les Terres, c'est-à-dire deséléments de séparation obtenus à partir de nos deux roches [la terreastringente et la sélénite]. On peut ajouter au mélange de faibles dosesd'autres éléments mercuriels, implicitement contenus dans la terre feuilléede tartre [Hepar sulfuris]. Certaines chaux métalliques se révèlent utiles à cestade, telles que celles provenant de la maison d'Ariès ou de Zeus.

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Chacun de ces éléments augmente la fusibilité du sel d'Ammon terreuxsans modifier d'ailleurs ses propriétés essentielles. Parmi ces propriétés,se distinguent celles propres à des substances qui sont épitopes duréalgar ou du sang dragon. Ces substances peuvent s'unir intimement ausel d'Ammon et hâter le mariage des deux Principes. Une mentionspéciale doit être réservée à la chaux qui est le fondant par excellence, euégard à son bas prix. On peut l'employer vive ou à l'état de carbonate. Ilfaut se servir immédiatement de la chaux cuite, sinon elle se transformeen hydrate [raison pour laquelle un Adepte précise qu'il faut se hâter de présenter unecertaine substance à ses parents, de peur qu'elle ne s'envieillisse]. On s'adresseradonc plutôt au calcaire brut. Les calcaires que fournit le sol sont plus oumoins purs : ils peuvent renfermer de l'argile, diverses bases, de l'acidephosphorique et chacun de ces éléments étrangers peut avoir uneinfluence utile ou fâcheuse. Si la nature du fondant est plutôt riche en seld'Ammon [ce qu'il faut éviter pour le type de Pierre que l'on choisit « d'orienter »], onchoisira un calcaire argileux ou magnésien ; on s'adressera donc auxmarnes et aux dolomies [cf. section sur la nature de la Pierre]. Les dolomies ontcet avantage de ne fournir que des bases, sans ajouter du sel d'Ammon.Comme addition utile en toute circonstance, il faut citer le spath-fluor quifavorise la fusion et la fluidité de la masse. On peut encore employer dessubstances sans sel d'Ammon, par l'action réciproques de foies de soufresur de la pierre de lune ; 1/10e de spath-fluor suffit pour liquéfier dusulfate de plomb à la chaleur rouge [voie de la saturnie végétale]. Mais il s'agitlà d'opérations qui paraissent bien spagyriques et qui semblent n'avoirque des rapports ténus avec la science d'Hermès. L'animation du Mercure est inséparable de la dissolution. Cette dissolutionradicale a été nommée par Lulle la grande éclipse de soleil et de lune : ilvoulait dire par là que les deux principes se dissolvaient entièrement dansl'eau mercurielle et qu'ils y disparaissaient pendant un temps plus oumoins long. Cette allégorie a été reprise [à Splendor Solis] dans la scènedu démembrement du corps et selon Pernety, le démembrement du corpsd'Osiris se signalerait par le même sens...C'est l'équivalent de la couleurnoire ; les alchimistes se sont beaucoup étendus sur cette couleur parceque, selon eux, c'est elle qui indique que l'oeuvre est dans la bonne voie ;c'est l'étoile des Mages :

« La matière mise en mouvement par une chaleur convenable commence à devenirnoire. Cette couleur est la clef et le commencement de l'oeuvre. C'est en elle que toutesles autres couleurs, la blanche, la jaune et la rouge sont comprises » [Huginus àBarma : le Règne de Saturne changé en siècle d'or]

et cet autre extrait de ce texte anonyme :

« L'indice de cette fécondation est cet Aleph ou commencement ténébreux que lesAnciens ont appelé tête de corbeau »

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FIGURE X

(éclipse de soleil et de lune - nigredo- Viatorum spagyricum, Herbrandt Jamsthaler,Francort, 1625)

C'est donc l'animation du Mercure qui provoque cette dissolution ;l'animation du feu secret est dépendante de Vulcain et de la volonté del'artiste. Les Philosophes hermétiques ont donné plusieurs noms au noir :

« C'est la noirceur, signe de la putréfaction ; les philosophes l'ont appelé occident,ténèbres, éclipse, lèpre, tête de corbeau, mort » [Filet d'Ariadne, Heinrich von Battsorff]

Mais la tête de corbeau ne désigne pas toujours la noirceur correspondantà cette époque de l'oeuvre, car certains l'appellent ainsi quand on obtientle Caput mortuum lors de la séparation initiale. Toutefois, A. Poisson nousassure que son symbole principal est bien le corbeau :

« Scachez aussi que le corbeau qui vole sans ailes dans la noirceur de la nuit et dans laclarté du jour, est la tête ou le commencement de l'art » [Les Sept Chapitres, Hermès]

Il semblerait que cette référence au corbeau [Abrégé du Grand-oeuvre,Rouillac] soit en rapport avec le fait que le corbeau naisse blanc et qu'il soitabandonné par ses parents jusqu'à ce que ses plumes deviennentnoires ; par analogie, il paraît que l'alchimiste doit abandonner l'oeuvre sila noirceur n'apparaît pas au début du travail. Les Adeptes nous disentencore que Saturne doit surmonter toutes les autres planètes, la couleurnoire précédent toutes les autres. Nous retiendrons encore cette réflexionsur la noirceur :

« Il n'est pas possible qu'il se fasse aucune génération sans corruption » [La Pierre detouche, in Huginus à Barma]

Un passage d'un texte de Limojon de St-Didier évoque aussi très bien cemoment de l'exaltation du Mercure. Voici ce passage, extrait de sa Lettreaux Vrais disciples d'Hermès [troisième Clef] à propos de la citrinité:

"...je veux vous révéler un secret...Les uns se sont contenté de dire, que de leur liqueuron en fait deux Mercures, l'un blanc, et l'autre rouge. Flamel a dit plus particulièrementqu'il faut se servir du Mercure citrin, pour faire les imbibitions au rouge ; il avertit les

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enfants de l'art de ne pas se tromper sur ce point ; il assure aussi qu'il s'y serait trompélui-même, si Abraham Juif ne l'en avait averti...Je vous ai développé un grand mystère...leCosmopolite l'a touché fort spirituellement par une fameuse allégorie en parlant de lapurification et de l'animation du Mercure : Cela arrivera, si tu donnes à dévorer à notrevieillard l'or et l'argent, afin qu'il les consume, et que lui-même enfin devant aussi mourirsoit brûlé..." et on lit dans la Tourbe : "Sachez que notre œuvre a plusieurs noms,lesquels nous voulons décrire. Magnésie, Kukul, Soufre, Vinaigre, Pierre citrine..."

On peut trouver aussi une allégorie de l'animation du Mercure : c'est ledouzième travail d'Hercule ou l' Enlèvement de Cerbère aux Enfers : Cerbèreest un chien monstrueux aux têtes multiples [III, L, X selon les sources], àqueue de dragon et le dos hérissé de têtes de serpent. Notez que lenombre de têtes qui varie suivant les légendes rend compte de l'originechthonienne de Cerbère si l'on compare ces nombres avec ceux que nousavons vu plus haut concernant la chaux [CALX = C è 3, L è 50, X è 10]... Ilest donc frère de la Chimère, frère du serpent Python et comme eux, néde Typhon et d'Echidna. En ce sens, les mythes du Jardin desHespérides, de Cadmus semant les dents du dragon et d'Herculeenlevant Cerbère aux Enfers sont congénaires. Qoui qu'il en soit, Cerbèreest un molosse qui garde les Enfers et qui peut être rapproché au plansymbolique du mystère qui plane sur l'oeuvre au moment de l'éclipse dusoleil hermétique, lors de la dissolution radicale des Corps, au début du3ème oeuvre. On retiendra qu'Orphée et Héraklès furent les rares élus àapprivoiser le monstre [Orphée avec sa lyre, autre symbole de la Tempérance] ;l'enlèvement de Cerbère représente ce moment de l'oeuvre où les Corpsapparaissent réincrudés et réapparaissent sous une forme plus noblelorsque les flots se calment. Cerbère apparaît pour certains comme l'espritdu mal : c'est exact sous l'angle de la correspondance hermétique si l'onétablit deux parallèles, d'une part entre le mal et la Terre [la Terre estcorrompue, c'est bien connu] et d'autre part l'esprit et Mercure [c'est l'animation oula spiritualisation du Mercure qui entame le 3ème oeuvre].

Voyez aussi ce que nous disons de l'animation du Mercure dans lasection des blasons alchimiques. A ce sujet, il convient de faire remarquerque les alchimistes ont aussi parlé de l'animation de l'Or quand ilsvoulaient parler de l'animation du Mercure. C'est cette animation de l'orqui nous est enseignée dans l'Evangile de l'Enfance :

"Lorsque le moment de sa délivrance approcha, elle [la Vierge Marie] sortit au milieu de lanuit de la maison de Zacharie, et elle s'achemina hors de Jérusalem. Et elle vit un palmierdesséché ; et lorsque Marie se fut assise au pied de cet arbre, aussitôt il refleurit et secouvrit de feuilles et de verdure...Et Dieu fit surgir à côté une source d'eau vive, et lorsqueles douleurs de l'enfantement tourmentaient Marie, elle serrait étroitement le palmier deses mains." [DM, I, p. 274]

Cette allégorie nous décrit dans le désordre le dissolvant universel, lareprésentation mythique du phénix dont le symbole cabalistique est lepalmier ; la délivrance de Marie est le signe de la réincrudation des deuxSoufres. Que cette scène se soit produite la nuit dit assez l'importancehermétique de la Rosée de Mai. Mais nous sommes ici à la lisière dumonde de la nuit et de l'aurore et le régime dont nous parlons est déjàcelui de Jupiter, dont Pernéty veut croire que la couleur est le gris. Cetteanimation a été cause de contre-sens étonnants de la part d'érudits qui sesont intéressés à l'alchimie. Eugène Chevreul [1,2,3] dont nous avonsétudié les textes parus dans le Journal des Savants et dans les ComptesRendus de l'Académie des sciences n'a pas vu que lorsque les alchimistesparlent de leurs métaux et disent que pour opérer, il faut qu'ils soient VIFSet qu'ils ne peuvent recevoir la VIE que de l'art alchimique, ils veulentsignifier par là qu'il faut les animer, les mobiliser, en les « ouvrant » par le

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feu de leur Mercure. Chevreul dit, par exemple :

"Or cette préparation consistait à donner la vie à une matière inorganique, en en opérantla conjonction avec une âme par l'intermédiaire d'un esprit, substance moyenne quiparticipait à la fois de la matière et de l'âme."

Mais c'est par pure analogie qu'il faut comprendre ce que Chevreulsemble considérer au premier degré. L'animation du Mercure consiste àopérer une dissolution due à la présence de plusieurs silicates dans lecomposé. L'âme n'est qu'un oxyde métallique, mis peut être d'abord sousforme d'un sulfate qui se transforme secondairement en oxyde ; l'espritest le Mercure philosophique lui-même. Chevreul poursuit ainsi :

"Maintenant la matière qu'il s'agissait d'animer devait renfermer de l'or, par la raison quela pierre philosophale agissant sur le métal imparfait à l'instar d'un ferment, il fallait bien,pour la rendre efficace, d'après le principe d'homologie, qu'elle contînt déjà elle-même del'or. Mais ce métal, qui entrait dans la composition de la pierre, sous l'influence du feuterrestre convenablement dirigé par l'adepte, n'agissait efficacement qu'après êtredevenu vivant ; c'est alors seulement qu'il acquérait la vertu du ferment, ou, en d'autrestermes, la propriété de convertir un corps en sa propre substance, et cela en agissant,comme on le dit aujourd'hui, par sa seule présence. Certes, s'il y a quelque chose qui, au point de vue de l'histoire, doit nous arrêter, c'estcette vie attribuée à la pierre, et la comparaison de son action à celle d'un ferment, quandon lui reconnaît l'aptitude d'opérer la conversion en or d`un métal imparfait."

Et là encore, Chevreul prend au premier degré ce qui n'est qu'allégorie ; ilest vrai pourtant que le Mercure est un « ferment » qui possède despropriétés minéralisantes : c'est le tartre vitriolé ; le fluor possède la mêmeefficacité et, à ce sujet, nous avons évoqué les vases murrhins quipossèdent des propriétés très intéressantes. On pourrait dire encore biendes choses sur les chlorures. Si l'on prend la peine de scruter les textes, ilest bien vrai qu'il faut animer la matière, et que celle-ci renferme l'Or, maisà l'état de puissance. Et le Mercure n'agit comme « ferment » qu'à partirdu moment où il a « ouvert » les corps métalliques et les a réincrudé enleur première nature, qui est du genre de la chaux. Il peut alors convertirun corps en agissant par un effet de présence. il est remarquable de lirecette expression « effet de présence » parce que c'est la façon dontSainte-Claire Deville a pu obtenir des minéralisations de substances àpartir de catalyseurs qui n'agissaient que par leur présence et qui seretrouvaient intacts à la fin de l'expérience. Heinrich von Batsdorff a écritdans son Filet d'Ariadne que :

"Ils ne l'enseignent donc pas de suite comme font tous les autres Auteurs, mais enconfusion et sans ordre mêlant toutes les parties et différentes chose avec des termesdifférents, imposants cent noms différents à la même chose, et nommant d'un même nom diverses matières et divers sujets. Ils lui donnent divers noms suivant les diversescouleurs ou changements qui arrivent dans le progrès du travail : quand elle est au noir,ils la nomment leur airain [...]"

L'Airain des Sages n'apparaît donc que comme l'équivalent cabalistiquede la tête de corbeau : c'est le laton non net de Basile Valentin qu'il fautlanchir. Le Cosmopolite l'a touché fort spirituellement par une fameuseallégorie en parlant de la purification et de l'animation du Mercure :

"Cela arrivera, si tu donnes à dévorer à notre vieillard l'or et l'argent, afin qu'il lesconsume, et que lui-même enfin devant aussi mourir soit brûlé ..."

Cosmopolite voulant par or et argent nommer le Soufre rouge qui assurela teinture de la Pierre et la Lune hermétique ou Sel des Sages qui est latoison d'or. Nous sommes ramenés sans cesse au Mercure qui parfois a

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été diaboliquement évoqué par certains alchimistes, tel Batsdorff qui,dans son Filet d'Ariadne, voudrait nous faire prendre le « feu de lampe »pour le feu des Sages :

"Les Philosophes ont accusé plusieurs feux dans leurs écrits, savoir celui du fient decheval, du bain-marie, et celui du charbon, pour détourner les idiots du droit chemin,lesquels prenants leurs dires à la lettre, se sont servis de tous, sans avoir pu rencontrerquoi que ce soit, et sans considérer que tous ces grands hommes et ces maîtres de l'Art,ne parlent jamais que par énigmes, métaphores et similitudes ; car toutes ces chaleurs etces feux ne pouvant longtemps durer dans un même degré et même tempérament,doivent être rejetés, d'autant qu'il faut absolument que le feu propre à faire la coction dumercure et le changement des éléments ou qualités élémentaires, les unes dans lesautres, soit un feu égal, continuel et approchant de celui dont la Nature se sert pour laprocréation des métaux. Or il n'y a que le feu de lampe qui puisse faire cela [...] et avoirles qualités nécessaires pour faire un si bel ouvrage, c'est pourquoi il est nommé le feuphilosophique, le feu secret et de génération ; et en effet, ce feu est un des plus grandssecrets de l'Art."

Le feu de lampe se fait, lorsque quelque matière contenue dans unvaisseau de verre, est échauffée par la chaleur toujours égale d'unelampe allumée. Le feu de lampe est aussi employé pour échauffer le cold'un petit matras à l'endroit où on veut le rompre. L'huile qu'on emploie àla lampe doit être de la plus pure et de la plus propre à brûler ; si l'on sesert d'une huile trop grossière, il se forme souvent sur la mêche desmanières de champignons qui interrompent la lumière et la chaleur. Pouréviter cet accident, on peut préparer et purifier l'huile de la manièresuivante : prenez six livres d'huile, mêlez-y une livre de vitriol desséché enblancheur -vitriol vert calciné- et pulvérisé, faites bouillir le mêlange à petitfeu, afin que le vitriol absorbe l'humidité aqueuse de l'huile : tout ce vitriolrestera sans se dissoudre ; on coulera l'huile pour s'e servir. La mêche quipourrait paraître d'abord la plus commode pour la lampe, serait l'alun deplume, car il ne se consume point au feu, mais il serait très incommodecar il s'éteint souvent ; et l'on est obligé d'interrompre l'opération à tousmoments pour le ralliumer : les meilleures mêches sont de coton [adapté deLémery, Cours de Chymie].

On pourrait croire Batsdorff sur parole et penser qu'il parle de la façon laplus naturelle du feu de lampe ; or, les substances qu'ils citent pour d'euxd'entre-elles, jouent un rôle majeur dans l'oeuvre : l'alun et le vitriol vert.L'alun fournit l'acide vitriolique nécessaire à la préparation du tartre vitrioléet le Soufre blanc ; le vitriol vert peut aussi fournir l'acide vitriolique et l'undes soufres rouges. Mais Batsdorff va plus loin que ses collègueshermétistes :

"Ce feu de lampe ne peut être égal et continuel, qu'avec un grand soin et une grandepeine, si on se sert de la mèche ordinaire ; c'est-à-dire, de coton, d'autant qu'il faudraitque l'Artiste veillât continuellement et sans intermission, et que très souvent il fût obligéde tirer une lampe, et d'en remettre à l'heure même dans le fourneau, autrement ellepourrait s'éteindre, à cause que la mèche se consumant fait en peu de temps deschampignons, qui font languir au commencement, et ensuite étouffent le feu ; ce quiserait un travail insurmontable et plus qu'Herculéen. Mais pour soulager l'Artiste et luidonner courage, il se peut exempter de toutes ces peines, se servant de la mècheincombustible, qui se fait avec le Talc de Venise [...]"

Que vient faire ici le talc de Venise ? Et bien M. Berthelot, dans sonIntroduction à la chimie des Anciens, nous dit qu'il était utilisé dans lafabrication des pierres précieuses artificielles. C'éatit donc une variantedes strass colorés que nous avons étudié dans la section de la voiehumide et de l'or potable. La creta argentaria était une espèce de talc deVenise, une terre magnésienne : elle se composait de lamelles, d'un blancd'argent, grasse au toucher [d'où son nom de stéatite]. La magnésie,

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confondue longtemps avec la craie et l'argile blanche, forme la base dutalc, du mica, des stéatites, de certaines ardoises [phyllades], et en généralde toutes les substances minérales dont le toucher donne à la main lasensation d'un corps gras, d'où les noms de talc [mot d'origine allemande : talg= graisse] et de stéatite [du grec στεαρ, graisse]. Il s'agit donc de la graissede terre telle qu'en parlent certains textes. La pierre samienne dont uneespèce s'appelait étoile, aster, de Samos était, selon Avicenne, le talc quipeut être calciné au feu le plus violent sans s'altérer. Ses colorationsdiverses lui ont valu les noms de selenites, αργψροδαµασ [diamantd'argent], gallaica, galactites [pierre de lait], leucogea [terre blanche] dontl'interprétation exacte a exercé l'esprit des commentateurs. [Cette aster n'estpas étrangère au Grand oeuvre èστιβεω] Quelles espèces produisent la coloration des pierres précieuses et parquel traitement ? Nous savons en effet que l'agent commun dans lesoeuvres de cet art est la comaris (talc) et nous allons dire quelles espècessont susceptibles de colorer les pierres ; comment, unies à la comaris,elles colorent les verres et augmentent la teinte des pierres naturelles ;quels sont les vases et les moyens du traitement. En ce qui touche lafabrication des émeraudes, suivant l'opinion d'Ostanès, ce compilateuruniversel des Anciens, les espèces employées sont la rouille de cuivre,les biles de toutes sortes d'animaux, et matières similaires. Pour leshyacinthes [améthystes], on emploie la plante de ce même nom [jacinthe] etla racine d'isatis, mise en décoction avec elle. Pour l'escarboucle, c'estl'orcanète et le sangdragon. Le nom de pierre spéculaire était aussi donnéau mica et au talc qui pouvaient, comme le gypse, se diviser en feuilletsécailleux et transparents. Ce sel qui sert à la préparation de l'albâtre desSages présente des caractères qui en font un candidat de choix pour leMercure philosophique : il est indécomposable par le feu le plus violent,presque infusible ; ce qui signifie que mêlé à un autre sel de naturesemblables, il deviendra fusible. Les correspondances hermétiques engrec sont : la chaux vive -γυψος-et en proche assonance γυψ -vautour,oiseau de proie et enfin γυρος -cercle, rond.

Conclusion

Ainsi s'achève ce tour d'horizon de la matière des alchimistes. Nousl'aurions souhaité plus complet mais, hélas, le Dictionnaire mytho-hermétiquen'est pas encore consultable sur le serveur Gallica de la bibliothèque deFrance [nous espérons qu'il le sera un jour de même que le tome II des FablesEgyptiennes et grecques, incluant une analyse de la guerre de Troie] à moins que leresponsable du site remarqable « Librairie du Merveilleux » n'arrive àajouter rapidement les autres lettres à l'alphabet de Pernety. [Comme nousl'avons ajouté en note en début de cette section, c'est sur deux sites que le Dictionnaireest à présent accessible. Toutefois, nous n'avons pas complété les articles manquants dufait qu'ils ont été exploités dans cette section ; celle-ci se suffit donc à elle-même]. Lelecteur se sera rendu compte que nous n'avons développé ici que deshypothèses et conjectures qui paraissent la plupart du temps assez «osées » pour ne pas dire improbables. Nous courons donc le risque qu'unlecteur cartésien révoque totalement en doute de telles élucubrations etqu'un autre lecteur, plus versé dans l'Art sacré, et converti à la réalité destransmutations alchimiques, ne nous croit pas plus que le premier lecteur.Pour le lecteur de bonne foi, curieux et critique, sans préjugé maisréaliste, nous tenons à redire ici que l'hypothèse de départ de notre travailest que le but des alchimistes a consisté à fabriquer des pierresprécieuses à l'identique de celles que la Nature met des millions d'annéesà produire. Il est improbable que les alchimistes aient réussi la synthèsedu rubis ou des spinelles ; du moins certains ont-ils pu obtenir des

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nésosilicates, des alumino-silicates teints, des strass colorés. Seuls lesminéralogistes du XIXe siècle français, Académiciens des sciences pour laplupart - à l'exception notable de Jacques-Joseph Ebelmen mort trop tôtpour la science - peuvent, à ce titre, être considérés comme les vraisalchimistes ; leurs noms apparaissent à la section du Mercure. Nousdéveloppons toutes ces idées dans la section de la voie humide et duSoufre rouge.

Bibliographie

1. Dictionnaire mytho-hermétique, Dom antoine-Joseph Pernéty, Bauche,Paris,1758 2. Fables égyptiennes et grecques dévoilées et réduites au mêmeprincipe, avec une explication des hiéroglyphes et de la guerre de Troyes.Tome premier / par Dom Antoine-Joseph Pernety,...Paris, Bauche, 1786,XVI-580 p 3. Speculativae Philosophiae..., Gerhard Dorneus, in Theatrumchemicum, vol. I, 2 & 7 4. Tractatus...alchymistae ad Alexandrum Magnum, pseudo-Aristote,Theatrum chemicum, vol. IX, 29