La loi SRU et l'aménagement des communes rurales

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Université du Havre U.F.R des Lettres et Sciences Humaines Cultures, Espaces, Sociétés FRATRAS Yohann Décembre 2009 Master Géographie et Aménagement: Stratégies des territoires et développement durable Ingénierie territoriale, urbanisme et politiques publiques URBANISME OPERATIONNEL SRU et aménagement des communes rurales Année universitaire 2009 - 2010

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Prise en compte de la loi SRU dans les documents d'urbanismes des communes rurales

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Université du Havre

U.F.R des Lettres et Sciences Humaines

Cultures, Espaces, Sociétés

FRATRAS Yohann Décembre 2009

Master Géographie et Aménagement:

Stratégies des territoires et développement durable

Ingénierie territoriale, urbanisme et politiques publiques

URBANISME OPERATIONNEL

SRU et aménagement des communes rurales

Année universitaire 2009 - 2010

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Introduction

La loi Solidarité et Renouvellement Urbain (SRU) du 13 décembre 2000 a modifié en

profondeur le droit de l’urbanisme en France. Cette loi est née de la nécessaire prise en

compte du développement durable dans les documents d’urbanisme. Au-delà du

remplacement des Schémas Directeurs (SD) par les Schémas de Cohérence Territoriale

(SCoT) et des Plans d’Occupations des Sols (POS) par les Plans Locaux d’Urbanisme (PLU),

la SRU a instauré une nouvelle vision de penser le développement des communes. Sur la

thématique de l’urbanisme, cette loi va mettre l’accent sur la gestion économe de l’espace.

L’objectif est de lutter contre l’étalement urbain et le mitage de l’espace. Dans les communes

rurales, cet objectif est d’autant plus essentiel dans un contexte où 40 000 à 60 000 hectares

d’espaces agricoles et naturels disparaissent chaque année au profit de l’urbanisation.

Cependant même si la loi SRU incite au développement d’une nouvelle façon d’urbaniser,

cette question de la gestion de l’espace trouve son origine bien avant 2000. Nous verrons que

dès 1967, cette problématique avait été prise en compte, dans les documents d’urbanisme

notamment. Aujourd’hui cette question occupe une place prédominante dans les documents

d’urbanisme de ces communes dans l’optique de préserver les espaces naturels et agricoles.

Ces principes vont donc engendrer des conséquences sur l’aménagement des communes, c’est

ce que nous verrons tout au long de cette note de synthèse.

1. La gestion économe de l’espace

Les objectifs

La gestion économe de l’espace est un enjeu essentiel pour les communes rurales

comme cela a été précisé dans l’introduction. Bien plus qu’un simple principe, ce point est à

l’origine de nombreuses déclinaisons dont les deux autres principes qui seront développés ci-

dessous. L’objectif est ici de trouver un équilibre entre le développement des zones habitées et

la préservation des espaces agricoles. Cette gestion va se traduire par une démarche économe

et programmée du foncier afin de répondre à l’évolution de la population sans développer

l’urbanisation de façon désordonnée. Les principes de densification et d’intensification de

l’habitat, dans les centres bourgs notamment, vont également être appliqués.

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Les origines et le cadre réglementaire

Même si les années 2000 marquent un tournant dans la planification territoriale avec la

formalisation de ce principe grâce à la SRU, il est important de noter que la notion de

« gestion économe de l’espace » a été prise en compte bien avant cette période. En effet dès

1967, ces principes avaient été énoncés dans la Loi d’Orientation Foncière (LOF). On peut

prendre l’exemple du chapitre consacré aux Plans d’Occupations des Sols (Article L123-1 du

Code de l’Urbanisme) qui intégraient des notions de « développement équilibré et

harmonieux ». Plus récemment, l’article L110 du Code de l’Urbanisme du 7 janvier 1983

encourage à une gestion économe du sol :

« Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. Chaque collectivité publique

en est le gestionnaire et le garant dans le cadre de ses compétences. Afin d'aménager le cadre

de vie, de gérer le sol de façon économe, d'assurer la protection des milieux naturels et des

paysages et de promouvoir l'équilibre entre les populations résidant dans les zones urbaines

et rurales, les collectivités publiques harmonisent, dans le respect réciproque de leur

autonomie, leurs prévisions et leurs décisions d'utilisation de l'espace. » Code de l’urbanisme

- Art L110

Depuis la SRU, plusieurs passages du Code de l’urbanisme font référence à cette

gestion économe. En complément de l’article L110 qui a conservé l’incitation à « gérer le sol

de façon économe », on peut citer l’article L121-1 qui précise que les documents d’urbanisme

doivent assurer « une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains,

périurbains et ruraux ».

La traduction de ce principe pour les communes rurales

Comme cela a été précisé, la gestion économe de l’espace est un principe. Il n’existe

donc pas de définition précise afin d’orienter les communes dans leurs démarches. De

nouvelles formes d’utilisation de l‘espace vont ainsi être pensée en intégrant des notions de

densification et d’intensification de l’habitat.

Pour appliquer ce principe, les élus vont pouvoir influencer le développement de la

commune en fermant certaines parcelles à l’urbanisation et au contraire, en la favorisant sur

d’autres zones de la collectivité. Une des applications possible est de favoriser l’urbanisation

dans les « dents creuses », compléter les espaces interstitiels laissés vierges.

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Zonage de la commune d’Yzeron (Rhône)

Ci-dessus, une illustration de ce principe avec le zonage du PLU de la commune

d’Yzeron. Les élus ont voulu traduire à travers ce découpage la volonté exprimée dans la

Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) de maîtriser l’urbanisation. En

ouvrant certaines parcelles à l’urbanisation (U et AU) et en interdisant les constructions dans

les zones N et A, la commune espère combler les espaces interstitiels et favoriser le

renouvellement urbain en reconstruisant la ville sur elle-même.

2. La lutte contre le mitage de l’espace

Les objectifs

La lutte contre le mitage de l’espace peut s’apparenter à une déclinaison possible à la

gestion économe de l’espace. L’objectif ici va être de freiner l’étalement urbain, en particulier

l’urbanisation linéaire (le long des voies de communication) et l’habitat isolé. Ce genre

d’implantation se traduit le plus souvent par des implantations sur des terrains isolés et

déconnectés des ensembles bâtis. La lutte de ce phénomène se traduit par la maîtrise de

l’urbanisation en favorisant le développement de l’habitat en continuité des bourgs et

hameaux. La sauvegarde des espaces agricoles peut également s’inscrire dans les objectifs de

lutte contre le mitage. On veut ici préserver la diversité des territoires en évitant que les

espaces agricoles ne soient peu à peu transformés en zones d’habitations.

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Les origines et le cadre réglementaire

Comme pour le premier principe exposé, la notion de lutte contre le mitage de l’espace

remonte bien avant la loi Solidarité et Renouvellement Urbain. La LOF de 1967 explorait déjà

ce principe au travers les POS qui devaient « prendre en compte la préservation de la qualité

des paysages et la maîtrise de leur évolution » et « Prendre en considération la valeur

agronomique des sols et les structures agricoles ». Même si les termes de mitage de l’espace

ou de gestion économe ne sont pas encore utilisés à cette époque, on constate que, pour des

intérêts avant tout liés à l’agriculture, la préservation et le développement maîtrisé des

territoires sont pris en compte. L’article L110 incite à « rationaliser la demande de

déplacements » ce qui sous-entend une urbanisation en continuité des infrastructures

existantes, à proximité des centres-bourgs.

Avec la SRU, il n’existe pas d’article ou de passage spécifiquement consacré à ce

principe. Il s’agit encore une fois d’orientations que les communes et les services de l’Etat

doivent interpréter. L’article L121 stipule que les documents d’urbanisme doivent assurer

« l'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé, le

développement de l'espace rural, d'une part, et la préservation des espaces affectés aux

activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages, d'autre

part, en respectant les objectifs du développement durable. ». Les notions de développement

maîtrisé et de préservation des espaces agricoles et naturels peuvent être interprétés comme

faisant référence au mitage de l’espace.

La traduction de ce principe pour les communes rurales

Afin de mettre en place des mesures qui seront les plus efficaces possibles, il est

important pour une commune de connaître son territoire. Dans le PLU, et dans le cadre de

notre sujet, le rapport de présentation va permettre de réaliser un inventaire des espaces

agricoles, naturels et bâtis. A partir de là, les espaces à préserver pourront être identifiés et des

préconisations pourront être faites dans les autres chapitres du PLU. Le potentiel d’évolution

de la population va pouvoir être évalué afin de prévoir ou non la création de nouvelles zones

d’habitats.

La commune de Niederhergheim (Haut-Rhin) a, à travers son PADD, traduit la

volonté des élus d’éviter le mitage de l’espace :

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Extrait du PADD de Niederhergheim

Favoriser une forme urbaine groupée, permettant une interconnexion piétonne

satisfaisante entre les différentes parties du village et les infrastructures

d’équipements et de services ;

Maîtriser l’étirement du bâti le long des voies en périphérie du village ;

Optimiser l’utilisation des terrains disponibles pour les logements au sein du

village, afin que puisse se justifier le développement des services présents ;

3. Le développement de l’urbanisation dans le « centre-bourg »

Les objectifs

Ce troisième principe peut également se traduire comme une déclinaison de la gestion

économe de l’espace et une réponse à l’étalement urbain. Les services de l’Etat veulent inciter

à « reconstruire la ville sur la ville » et à densifier les centres-bourgs. Outre l’économie

d’espace, ce principe permet de maîtriser les déplacements automobiles ainsi que la

construction et l’entretien des réseaux et des voiries. Il est en effet pertinent de développer

l’urbanisation à proximité directe des services et où les réseaux sont déjà existants plutôt que

dans des espaces déconnectés. Dans ce contexte il est donc essentiel d’optimiser l’existant en

utilisant en priorité les surfaces constructibles disponibles avant d’en équiper de nouvelles. La

réhabilitation des logements insalubres, des friches industrielles et artisanales sont également

des solutions pour répondre à cette problématique.

Les origines et le cadre réglementaire

Avant la loi SRU, il n’existait pas de loi ou d’article spécifiquement dédié à l’urbanisation

des « centres-bourgs ». Cela consistait en une interprétation des lois existantes et des

déclinaisons possibles de la notion de « gestion économe de l’espace ». La situation n’a guère

évolué depuis mais la loi Solidarité et Renouvellement Urbain a le mérite d’explorer cette

piste au travers de plusieurs articles :

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Art L121-1 : Les schémas de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme et les cartes

communales déterminent les conditions permettant d'assurer :

1° L'équilibre entre le renouvellement urbain, un développement urbain maîtrisé […]

2° La diversité des fonctions urbaines et la mixité sociale dans l'habitat urbain et dans

l'habitat rural, en prévoyant des capacités de construction et de réhabilitation suffisantes

pour la satisfaction, sans discrimination, des besoins présents et futurs en matière d'habitat,

d'activités économiques, notamment commerciales, d'activités sportives ou culturelles et

d'intérêt général ainsi que d'équipements publics, en tenant compte en particulier de

l'équilibre entre emploi et habitat ainsi que des moyens de transport et de la gestion des eaux;

3° Une utilisation économe et équilibrée des espaces naturels, urbains, périurbains et ruraux,

la maîtrise des besoins de déplacement et de la circulation automobile…

La traduction de ce principe pour les communes rurales

Dans les PLU, plusieurs parties peuvent traduire la volonté d’une commune de favoriser

l’urbanisation dans les centres-bourgs. On peut citer le PADD et le zonage:

Extrait du PADD d’Yzeron

« Enfin, pour assurer une bonne protection des espaces naturels et agricoles en zone de

montagne, l’urbanisation nouvelle doit être strictement maîtrisée. Pour cela, elle sera

réalisée à l’intérieur ou en continuité immédiate du village et des hameaux, en fonction des

conditions de desserte (voirie et autres réseaux) et de la sensibilité des milieux naturels

(instabilité des sols, aptitude à l’assainissement autonome). »

Le zonage de la commune de Nervieux (Loire) illustre la volonté d’urbaniser en priorité le

centre-bourg afin de préserver les espaces agricoles et naturels voisins :

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Extrait du PADD de Gassin (Var)

Conclusion

La Loi Solidarité et Renouvellement Urbain a donc imposé une nouvelle façon de penser

l’urbanisme. Même si les principes évoqués tout au long de cette note sont antérieurs à la

SRU, c’est cette loi qui a tenté de les formaliser. Il faut cependant constater que la définition

et l’application de ces principes restent imprécises. Il est difficile d’apprécier ce que

représente concrètement une gestion économe de l’espace dans une commune rurale. En

dessous de quel niveau d’utilisation des sols, une commune peut-elle se vanter de pratiquer

une utilisation rationnelle de son patrimoine foncier ? Ces imprécisions peuvent être à

l’origine de conflit avec les services de l’Etat. De plus, chaque territoire possède ses

spécificités ce qui rend une application uniforme de ces principes pratiquement impossible.

En conclusion, la loi SRU a impulsé une nouvelle logique de développement des territoires

sans pour autant en donner les véritables outils de concrétisation pour des communes rurales

qui recouvrent des intérêts multiples qu’il convient d’arbitrer.