Albert Demangeon

La géographie de l'habitat ruralIn: Annales de Géographie. 1927, t. 36, n°199. pp. 1-23.

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Demangeon Albert. La géographie de l'habitat rural. In: Annales de Géographie. 1927, t. 36, n°199. pp. 1-23.

doi : 10.3406/geo.1927.8577

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/geo_0003-4010_1927_num_36_199_8577

NO 199 XXXVI année 15 janvier 1927

ANNALES

DE

OGRAPHIE

LA OGRAPHIE DE HABITAT RU RAL Premier article II suffit de traverser la France Ouest en Est pour prendre notion un contraste depuis longtemps observé par les voyageurs les écono mistes et les géographes entre habitat dispersé de la Bretagne et habitat groupé de la Lorraine Dans les pays habitat dispersé on voit les maisons rurales tantôt isolées les unes des autres derrière des rideaux arbres et comme perdues au bout un sentier sinueux tantôt rapprochées en petits groupes plus ou moins ouverts et lâches on appelle des hameaux Dans les pays habitat groupé elles as semblent au contraire en masses plus ou moins serrées en villages qui forment comme des colonies de plantes sociales1 et que séparent de vastes étendues de champs découverts Même si pas la vue directe des paysages aspect des cartes topographiques grande échelle permet de remarquer existence du même contraste en des pays fort éloignés par la distance et très différents par la civilisation depuis Europe occidentale en Extrême-Orient La généralité de cette opposition conduit naturellement esprit examiner quelles en sont les causes Cette recherche ne se présente pas comme un problème local et limité elle ouvre un vaste domaine où explication géographique doit cheminer travers un complexe de faits dont les uns remontent au lointain passé de humanité et dont les autres naissent encore sous nos yeux Elle fait appel toute une variété études conditions naturelles conditions sociales conditions démo graphiques conditions agricoles Elle embrasse la connaissance des établissements humains travers histoire Elle constitue un des aspects les plus originaux de la science des modes de vie car il agit VIDAL DE LA BLACH Principes de Géographie humaine Paris Librairie Ar mand Colin 1922 182 ANN DE Oe XXXVIe ANN é- >.... 9< ë7 J.

ANNALES DE OGRAPHIE

de savoir comment se sont noués les liens qui attachent la vie du paysan la terre cultivée Elle ne se confine pas dans la reconstitution un

passé aboli elle plonge directement dans les assises vivantes des sociétés actuelles certaines originalités habitat nous révèlent les originalités de certains tempéraments sociaux et de certaines civilisations maté rielles Quelle différence profonde sépare antique village de Inde fermé replié sur lui-même étroitement centralisé fidèle des tradi tions de travail et de vie en commun et le jeune township américain de la région des Grands Lacs composé une poussière de fermes isolées qui ont pas encore trouvé leur centre social

Il peut sembler téméraire sur un si vaste terrain encore si peu connu et déjà encombré de tant de matériaux chaotiques établir une synthèse En réalité il agit seulement essayer une classification préparatoire et offrir matière discussion

LES FAITS PAYS DE GROUPEMENT ET PAYS DE DISPERSION

Les pays habitat groupé Si on peut tracer esquisse une répartition géographique de habitat groupé on chance de trouver une base pour un essai explication puis de classement Les régions de villages coïncident souvent avec les plaines de Ouest du Centre et de Est de Europe qui comptent parmi les meilleurs et les plus anciens des terroirs agricoles Cependant ce sont aussi parfois des régions de forêts et des régions de montagnes

Europe occidentale En France le domaine des villages étend sur presque toutes les campagnes du Nord et de Est Artois Picardie Cambrésis Champagne Lorraine Franche-Comté Alsace Ile-de- Fran Beauce les cartes nous montrent de gros essaims de maisons au milieu espaces presque blancs tandis que Ouest nous offre dans le département de la Manche une poussière de 18930 lieux habités on en compte en Champagne dans le département de la Marne que

580 pour une population inférieure seulement de 14 100 En Bel gique agglomération domine dans tout le Sud Hainaut Hesbaye Condroz Luxembourg Ardenne) au Sud une ligne qui passerait par Tournai Leuze Soignies Nivelles Bruxelles Malines Louvain Léau Tongres et Maeseyck1 Dans les Pays-Bas elle se marque fortement sur les terres limoneuses du Limbourg sur les clairières des landes de la Drente ainsi que dans certains polders littoraux Enfin dans les Iles Britanniques elle apparaît rarement et très localement par exemple dans les plaines du Yorkshire et au pied des côtes calcaires des Wolds et des Downs2 ces traînées agglomérations rurales des-

LEF VRE habitat ruralen Belgique tude de Géographie humaine Liège Vaillant-Carmanne 1925 14-27

Voir les feuilles de la carte 63 000 Ripon Pickering Scarborough Great- Driffield Beverley- Devizes Salisbury

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL

sineni des taches remarquables au milieu de la dispersion britannique Europe centrale Malgré des variétés de forme que les savants

allemands ont décrites complaisamment est le village aggloméré qui représente le type fondamental de habitat travers les plaines de Allemagne du Nord Est de la Weser ainsi que dans la île et archipel du Danemark et le Sud de la Suède dans la Bohême et sa ceinture de massifs1 On le rencontre mêlé des formes de dispersion dans toute Allemagne du Sud par exemple dans les pays du Neckar et dans Alb souabe2 et en Bavière3 En Suisse le canton de Schaff- houselt et la plus grande partie du Jura constituent un domaine de villages presque sans écarts Mais nulle part la concentration de ha bitat rural atteint au même degré que dans la plaine de Hongrie de gros villages distants de 30 50 km. apparaissent comme des îles dans océan des champs et des steppes groupant parfois 10 000 et 20 000 habitants avec leurs rues larges et poussiéreuses que parcou rent sans cesse les animaux ils ressemblent de grandes villes dont les maisons seraient des fermes5

Europe méridionale Quand on quitte le Centre de la France pour le Midi agglomération domine mesure on approche des bords de la mer Méditerranée elle est pas encore générale dans la plaine de Valence6 mais elle le devient dans les plaines de Catalogne Ampurdan et du Bas-Languedoc7 dans le Biterrois la plupart des villages oscillent autour de 700 b. et 24 communes dépassent 000

Dans la Galice espagnole sur 124 200 b. 806 440 vivent en villages et la province Orense ne compte que 100 de population dispersée8 En beaucoup de régions de la Provence la position souvent paradoxale des villages perchés sur des hauteurs accès difficile donne une expression pittoresque la concentration de la population Si on éloigne de la Méditerranée pour pénétrer dans le bassin du Pô on remarque que les deux types habitat agglomération et dispersion enchevêtrent un dans autre les fermes dispersées plus nombreuses

MEITZEN Siedelung und Agrarwesen der estgermanen und Ostgermanen der Kelten der Römer der Finnen und der Slaven Berlin 1895 éâ Siede lungen des bayrischen Anteils am Böhmerwald Forsch zu der Landes und Volkskunde XIX 1912

GRADMANN Das ländliche Siedelungswesen des Königreichs iVürtembergs Forsch zu der Landes und Volkskunde XXI 1913 Voir du même auteur Petermanns Mitt. LVI 1910 183-186 et 246-250

MEITZEN ouvr cité 429-431 WiBTH Zur Anthropogeographie der Stadt und Landschaft chaff hausen

Zürich Leeman 1918 in-80 174 DE LAGGER La plaine hongroise Annales de Géographie 1901 438-444) FAUCHER La plaine de Valence Annales de Géographie XXIII-XXIV 1914

127-151 MAX SORRE La répartition des populations dans le Bas-Languedoc Bull Soè lan guedocienne de Géographie 1906 97 p.)

DANIIN CERECEDA Distribuci geographica de la Poblaci en Galicia Ma drid 1925 in-80 40 p. carte 800 000

ANNALES DE OGRAPHIE

dans les plaines fertiles irrigation les villages fréquentant de préfé rence la haute plaine de ergame entre Oglio et Adda la lisière des Alpes entre Doire Ripaire et Tessin la plaine de Lombardie entre Adda et Ogiio la haute plaine de Vérone le pays entre Mincio et Adige le Frioul1 On impression que dans le bassin du Pô la forme village jadis beaucoup plus répandue aurait cédé du terrain la forme dispersée Mais les aspects les plus curieux de habitat concentré se trouvent en Italie méridionale et en Sicile les paysans se pressent en de véritables villes qui parfois en Apulie atteignent des dizaines de milliers habitants telles Canosa Andria Corata Bitonto ou bien en Sicile Caltanisetta et Caltagirone grosses agglomérations ru rales fourmillant de vie au milieu de campagnes vides et désertes2 Pour gagner les champs les ouvriers agricoles doivent parfois par courir des distances de 20 ou 30 km souvent il leur faut passer la se maine loin de leur foyer et revenir que le dimanche exemple un habitat paradoxal qui éloigne le cultivateur de la terre il travaille

Dans la péninsule des Balkans de vastes territoires de Est du Centre et du Sud appartiennent au type de habitat groupé Les maisons se pressent en villages dans la Serbie orientale et méridionale ainsi que dans le Sud de Albanie elles touchent mur mur parfois plus serrées que dans les villes le long de rues étroites et sinueuses3 Dans le Péloponèse très rares sont les maisons isolées seuls vivent écart quelques boutiques et magasins sur les routes et dans les solitudes accidentées les monastères4

Europe orientale En Russie agglomération de la population rurale va accentuant du Nord-Ouest vers le Sud-Est est-à-dire mesure on avance vers la région de la Terre Noire Sans doute tous ces villages russes ne se ressemblent ni par aspect ni par les dimen sions Il des différences entre le village petit-russien avec ses mai sons blanchies la chaux et ses jardinets entre les maisons et le village grand-russien tiré au cordeau aux maisons de bois rapprochées les unes des autres et généralement sans arbres Mais agglomération petite ou grande est la règle dans tout le pays russe au Sud une ligne qui joindrait Minsk Smolensk Moscou Kostroma Viatka et Perm on ne observe pas seulement dans les plaines de terre noire et les

LORENZI Studi sui tipi antropogeografici della Pianura Padana Riv Italiana XXI 1914 199 p. Voir aussi VENT Recueil rav aux Institut Alpine 1916

189-237 MARINEL Atlante dei tipi geografici desunti dai rilievi al 25 000 al 50 000 deir Istituto Geographico militare Firenze 1922 consulter surtout les plan ches 63 64 70 et 71)

FISCHER Ansiedlung und Anbau in Apulien Mittelmeerbilder 1906 204- 215) GviJic La péninsule balkanique Géographie humaine Paris Librairie Armand Colin 1918 chap XVI VUJEVIC Siedlungen der serbischen Lander Geogr Zeitschr. XII 1906 507-519)

PHILIPP SON Der Peîoponnesos 1892

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL

steppes mais encore dans la zone des départements forestiers de Mos cou de Tver de Jaroslav et de Novgorod1

Orient Presque toutes les grandes communautés agricoles Orient se caractérisent par habitat villageois Sauf en quelques régions Inde est un aggregat de villages le village représente la cellule sociale Le groupe des maisons rassemblées sur une élévation entoure souvent de murs en terre on pénètre par des sentiers tor tueux extérieur étend un espace découvert sur lequel le bétail du village se rassemble le soir intérieur de enceinte on groupé les organes de la vie commune la citerne la mare le puits ou le réservoir eau le temple Des bouquets arbres ombragent les approches du village ils offrent un abri pour le bétail pendant les chaleurs un terrain de jeu pour les enfants un lieu de repos pour les étrangers2 Chaque village au milieu de ses champs et derrière son bocage forme ainsi un petit monde fermé qui semble se suffire lui-même Les paysans de Java se réunissent aussi chaque maison entourée de son petit jardin en des villages verdoyants auprès de leur rizière Le village du Tonkin

avec ses maisons en pisé ses étangs ses mares ses jardinets de légumes et la lisière de bambous interrompue de portes qui lui sert abri ou de défense forme un tout3 Et est aussi agglomération villageoise qui domine dans les plaines du Nord de la Chine Il semble que partout depuis Atlantique au Pacifique habitat groupé se présente comme une forme organisée et systématique fort ancienne de éta blissement humain

Les pays habitat dispersé arrangement des paysages diffère profondément selon on considère habitat groupé ou habitat dis persé Dans les paysages de villages les maisons se massent en groupes qui ponctuent la solitude plus ou moins grande des champs cultivés il semble il ait séparation nette entre le village et ses terres Dans les paysages de dispersion habitat ne se tient pas écart des champs cultivés attraction exerce beaucoup moins entre les maisons elles- mêmes entre les maisons et leurs champs la ferme avec ses bâti ments exploitation établit auprès de ses terres et souvent chaque pièce de terre entoure une clôture haie ou fossé Même les petits groupes de maisons appelés hameaux Weuer hamlet semblent devoir être généralement considérés comme des formes de dispersion car ils supposent presque toujours le rapprochement des habitations et de leurs champs

WOEIKOF Le groupement de la population rurale en Russie Annales de Géo graphie XVIII 1909 13-23)

BADEN POWELL The Land system of British India Oxford 1892 Du même auteur The Indian village community Londres 1896 CROOKE The North- Wes- tern Provinces of India Londres 1897

VIDAL DE LA BLACH Principes de Géographie humaine 192-193

ANNALES DE OGRAPHIE

Europe occidentale Si on excepte certains districts de grou pement villageois on peut dire que la dispersion constitue le trait per sonnel de habitat rural dans les Iles Britanniques Presque partout en Irlande en Ecosse au Pays de Galles et en Angleterre ainsi que dans leurs îles annexes Man Jersey) les fermes isolent au milieu ou bien auprès des blocs de terre elles cultivent Toutefois le peuplement par fermes isolées prédomine beaucoup plus exclusivement dans Ouest que dans Est

En France le domaine de la dispersion couvre sans doute les deux tiers du territoire Comme en autres pays Europe elle est riche de variétés qui expliquent sans doute par des différences âge et de fon dation Tantôt sur les plateaux de la Brie et du Valois prévaut la grande ferme puissant organe de culture qui domine de sa haute et massive silhouette le terroir cultivé Tantôt dans Ouest armoricain le Sud-Ouest aquitanien et le Nord flamand est une poussière de petites fermes ou de métairies répandues dans le bocage ou dans la campagne Les terres de chaque exploitation se groupent peu de dis tance de habitation Dans les deux tiers des communes du départe ment de la Mayenne plus des deux tiers de la population vivent dans les écarts1 Tantôt dans le Limousin et certaines autres régions du Massif Central est en petits groupes de maisons ou hameaux que effectue le peuplement rural dans le département de la Creuse comme dans celui des Côtes-du-Nord la proportion de la population éparse atteint près des trois quarts de la population totale Dans cet éparpille- ment ou ce desserrement de habitat il bien des points de cristal lisation on appelle parfois des villages mais ce sont les centres com muns de la vie sociale religieuse et commerciale où vivent les fonction naires les boutiquiers et quelques artisans quant la vie agricole elle se disperse dans les exploitations isolées Il faut remarquer que les domaines habitat dispersé ne se séparent pas des domaines habitat groupé par des limites très tranchées il passage progressif de un autre et il parfois des enclaves de un dans autre La campagne de Caen en Normandie la Planèze en Auvergne sont des îlots de peu plement villageois en plein domaine de dispersion Les forêts et les montagnes des Vosges représentent un pays de dissémination au milieu des plaines villages de Lorraine et Alsace

En Belgique une zone de dispersion qui commencé dans la Flandre fran aise se continue travers les Flandres la Campine le Nord du Hainaut et du Brabant2 et se prolonge en territoire allemand sur le Rhin inférieur en Westphalie et la Weser Elle englobe aussi en territoire néerlandais les sables et les landes de Nord-B rabani de Gueidre Overijssel et de Drente avec quelques enclaves de vil-

MUSSET Le Bas-Maine Paris Librairie Armand Colin 1917 458 LEF VRE ouvr cité 27-31 MEITZEN ouvr cité 517-518

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL

lages En Frise beaucoup de fermes isolées se trouvent établies auprès des terres elles cultivent1

Europe centrale Le système de la ferme isolée ne domine que dans quelques régions Allemagne plaine rhénane et westphalienne

la Weser massifs de la moyenne Allemagne comme le Nord du Massif Schisteux Rhénan certains cantons de la Forêt Noire et du Pala- tinat hautes plaines de Souabe et de Bavière en lisière des Alpes Les hameaux et les fermes isolées représentent plus des quatre cinquièmes des lieux habités dans les cercles de Ravensburg de Biberach et de Riediingen2 Quant aux Alpes depuis la Carinthie et la Carniole jus

la Savoie elles appartiennent aussi au domaine de la dispersion Dans les Alpes fran aises particulièrement si les maisons isolées sont rares les hameaux pullulent petits essaims de fermes bâties proximité des terres exploitées3 En Suisse la dissémination est la règle sur presque toute la montagne et ses avant-monts Dans le canton Appenzell les hameaux renferment plus de 45 100 de la population totale et les fermes isolées plus de 31 100 le paysan toujours toute sa terre indivise et formant bloc autour de sa maison heim ou heimat Dans les environs du lac de Zurich tandis que les rives du lac sont occupées par des villages ce sont de petits hameaux et des fermes isolées qui peuplent la zone accidentée des collines morainiques et molassiques dans la commune de Hütten seules les fermes isolées hofe repré sentent 86 100 du nombre des lieux habités et 44 100 de la population totale5 La montagne ne paraît pas favorable agglo mération

Europe méridionale Les pays de la Méditerranée si riches en villages excluent pas cependant la dispersion Presque toute la plaine du Pô dans le Piémont la Lombardie et Emilie ainsi que les campagnes entre Adige et Brenta et entre Trebbia et Secchia mon trent sur leurs terroirs les plus fertiles et les mieux aménagés un véri table semis de fermes isolées abritées derrière des rideaux arbres Le pays fourmille de maisons rurales distantes la plupart peine de 500 Elles sont indistinctement confondues dans immense jardin dont le travail des habitants revêtu la plaine entière avec ces cultures un rideau arbres entrelacés de festons de vignes protège contre les rayons

BLINK Nederland III 251 MEITZEN ouvr cité II 52 DMANN Das landliche Siedlungswesen... 35 SCHL TER Deutsches é.-

Siedelungswesen in Hoops Reallexikon der germanischen Attenhumskunde Stras- bourg 1911-1913 402-439

GrRADMANN Die landlichen Siedlungsformen Wünembergs 184 MEIT ZEN ouvr cité 416 et 453 BLANCHARD Les Alpes fran aises Paris Librairie Armand Colin 1925 74

OTT Die Siedelungs Verhältnisse beider Appenzell Zürich Lohbauer 1915 43-49

SCHOCH Beiträge zur Siedelungs und Wirtschafts geo graphie des Zürichsee gebieies Zürich Lohbbauer 1917 70-73

8 ANNALES DE GÉOGRAPHIE

du soleil1 ». Même au Maroc où domine l'habitat concentré en villages, on voit chez les Haha et les Chiadma les maisons s'isoler et se répartir sur tout le territoire2. « II est, dit Elisée Reclus3, des tribus indépendantes qui se sentent assez fortes pour n'avoir pas besoin de se grouper en villages. Chaque famille est isolée. Les demeures sont éparses sans ordre, sur le flanc des montagnes, comme celles des Basques pyrénéens. »

Exception faite de quelques régions karstiques, tout le Nord-Ouest de la péninsule balkanique (Illyrie, Dalmatie, Herzégovine, Monténégro, Serbie occidentale, Albanie septentrionale) se range parmi les pays d'habitat dispersé. Dans ces territoires montagneux de forêts défrichées et de vie pastorale, les maisons s'égrènent au milieu des futaies, avec leurs champs, leurs prés et leurs vergers ; très souvent, elles s'associent en hameaux où les familles paysannes sont généralement unies par des liens de parenté4. Et de même, dans les collines et les montagnes de Valachie, de Moldavie, de Transylvanie, de Bulgarie, on se trouve en un domaine de hameaux (catuni en Roumanie, kolibé en Bulgarie).

L'Europe septentrionale. — Les pays du Nord de l'Europe se signalent par une forte prépondérance de fermes isolées. On observe ce type d'habitat dans les pays baltiques (Esthonie, Livonie) et surtout en Finlande, partout où les colons ont ouvert leurs petites clairières à travers les bois, les collines et les lacs. Et c'est encore la dissémination qui prévaut dans la Suède septentrionale, la Norvège et dans l'Islande.

U Orient. — Même dans la Chine et dans l'Inde où le village paraît être le cadre antique de la civilisation rurale, certaines régions échappent à la règle villageoise. En Chine, à partir des pays du Yangtseu vers le Sud, les maisons s'éparpillent sur les pentes aménagées par la culture, en petits groupes disséminés au milieu des jardins et des plantations5. Dans l'Inde, on remarque des zones de dissémination dans le Bas-Bengale, le Sud du Pendjab et le district de Malabar. La population rurale du Malabar se disperse, chaque cultivateur ayant souvent sa maison au milieu de ses champs et de ses jardins, fort éloignée des voisines ; il possède sa plantation d'arbres fruitiers, cocotiers, manguiers, palmiers areca et bananiers ; il l'arrose avec l'eau de son puits6. Le verger semble

1. P. Vidal de la Blache, Principes de Géographie humaine, p. 176. — Voir 0. Ma- rinelli, ouvr. cité, les exemples choisis pour l'habitat dispersé sur les feuilles de la carte de Pignerol, Asti, Ancône, Pise, Lucques, Naples, Sassari, Imola, Treviglio, Brescia, Pavie, Crémone, Verceil.

2. Aug. Bernard, Le Maroc, Paris, Alcan, 1913, p. 149. 3. Elisée Reclus, Géographie universelle, 1886, t. XI, p. 690. 4. J. Cvuic, La péninsule balkanique, p. 207-209. — A. Meitzen, ouvr. cité, II,

p. 219. — Vujevic, ouvr. cité, p. 510-511. 5. P. Vidal de la Blache, Principes de géographie humaine, p. 191. 6. G. Slater, Economic Studies, vol. I., Some South Indian villages, H. Milford, Ox-

lord, University Press, 1918, p. 163 et suiv.

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL

ici associer la dispersion de habitat Ainsi en des régions fort éloi gnées les unes des autres on voit alterner se juxtaposer ou enchevê trer deux types de paysages ruraux un côté de grosses cellules hu maines où les cultivateurs groupés vivent une existence sociale par fois fort intense de autre de petites unités plus ou moins isolées travaillant dans une quasi-indépendance

II RECHERCHE DES ORIGINES ET DES CAUSES DE HABITAT

Pour expliquer les types de peuplement rural on peut selon les lieux et selon les époques faire appel des facteurs tout fait diffé rents Il est permis de dire que toute histoire de la civilisation se reflète dans les formes actuelles des établissements humains Certaines formes aujourdhui ne sont pas les formes primitives On per oit et là des faits évolution il même eu de totales révolutions Seul examen des influences qui peuvent déterminer les formes de habitat nous per mettra de les décrire et de les classer On peut ranger ces influences en trois grands groupes influence des conditions naturelles in fluence des conditions sociales influence de économie agricole

influence des conditions naturelles* Parmi les conditions na turelles qui semblent avoir contribué fixer les modes habitat on reconnaît la configuration du relief la constitution de la surface du sol les ressources en eau

La configuration du relief La configuration du relief réagit cer tainement sur les formes de habitat On souvent observé que les pays de relief uni paraissent mieux convenir habitat groupé les pays de relief accidenté et morcelé habitat dispersé Le village aggloméré dit Vidai de la Blachê1 est chez lui dans les contrées où la surface arable est continue un seul tenant permettant une exploitation uniforme Sous empire de nécessités communes se sont formées des associations collectives Le creusement et entretien de puits étangs et de mares la nécessité de construire des murailles contribuent resserrer et agglo mérer habitat Si les plaines se prêtent mieux aux villages il semble que les montagnes et les pays coupés attirent davantage les maisons isolées et les hameaux Cela tient la faible étendue des morceaux de terre arable en terrain accidenté inégale répartition de cette terre qui limite les efforts des colons et les empêche habiter tous en un lieu unique pour plusieurs raisons nécessité des allées et venues des char rues et des chariots difficultés des transports qui rendent onéreuse la distribution des engrais au delà une faible distance tendances

VIDAL DE LA BLACH Principes de Géographie humaine 195

10 ANNALES DE OGRAPHIE

économie pastorale qui est appelée par étendue des espaces vagues1 De nombreuses observations éclairent cette influence du relief En

Grande-Bretagne avant extension des enclosures qui ont bouleversé les conditions habitat dans les plaines beaucoup écrivains qui décri vent la vie rurale opposent la plaine la montagne pour les conditions de peuplement Dans la Description of England de Harrison rédigée au temps Elisabeth on lit ce passage suggestif Les habitations de nos bourgs et villages ruraux dans les pays plats et découverts se tien nent tous ensemble en rues et se touchent les unes les autres tandis que dans les régions boisées il agit ici des montagnes elles se dispersent

et là chacune sur les champs de leur propriétaire2 époque du Domesday Book on remarque que les fermes isolées apparaissent sou vent dans les bois est-à-dire ici les régions accidentées ainsi propos de Eardisley3 Hereford on trouve un texte non moins clair In medio cujusdam silvae est posita et ibi est domus una defensabilis

la même date une vallée de montagne le Langdendale dans le Der byshire offre un type très net de dispersion avec une série de petits hameaux une couple de fermes se succédant des intervalles un deux milles1

En France ces exemples un contraste entre la plaine et la mon tagne se répètent un bout autre du territoire Dans les Vosges on voit la dispersion accroître vers la montagne tendance aux villages Ouest du Coney sur les plateaux de calcaire coquiller éparpillement

des fermes avec leurs vergers et leurs champs Est de la rivière0 Dans le Languedoc région de od ve et de Bédarieux) mesure on élève la dispersion augmente etles hameaux égrènent dans les replis tourmentés du terrain6 En Allemagne la même opposition se renouvelle fréquemment habitat aggloméré sur les plaines de Unterland wur- tembergeois et les plateaux de la Rauhe Alb habitat dispersé sur les collines morainiques qui étendent au Nord du lac de Constance et de Allgau7 Et de même villages dans les grandes vallées et les plaines qui traversent la région alpestre en Suisse au Tyrol et en Bavière hameaux et fermes isolées dans la montagne8

Dans les pays riverains de la Baltique en Scandinavie et en Fin- Beaucoup auteurs accordent sur cette influence du relief MEITZEN ouvr

cité II 390 LENNARD Englische Siedelungswesen in Reatlexikon de HOOPS 593-613 BERNHARD Die ländlichke Siedlungsformen Geogr Zeitschr. 1919 20-32

Cité par GOMME The village community Londres 1890 64 Cité par ViNOGRADOFF English Society in the eleventh Century Oxford 1908

267 Cité par ViNOf RADOFF même ouvrage 267

CHOLLEY La Vôge Annales de Géographie 1914 233-235) MAX SORRE éï des populations dans le Bas-Languedoc déjà cité 44

GRADMANN ouvr.cité Forschungen) 38-41 et Petermanns Mitt. 184-186 ScHOCH.ouvr cité 74-80 Consulter aussi la carte suisse 1:25 000feuille

177 et voisines

LA OGRAPHIE DE I/HABITAT RURAL 11

lande la dispersion prévaut partout où la culture conquis ses champs sur des versants de montagnes ou parmi les bossellements rocheux des paysages glaciaires les montagnards de Norvège habitent des gaards ou habitations isolées dès que ouvrent des plaines aux surfaces douées et continues les villages reviennent ainsi les by danois En Valachie le hameau ou at est le type des collines et des montagnes le village le type des plaines1 Villages dans les plaines de Podolie et de Galicie hameaux dans les collines karpatiques2 En Petite-Russie métairies isolées dans les régions accidentées de Poltava et de Khorol gros villages dans les plaines de Zolotonocha et de Kozelets3 Le dis trict de Kangra dans le Pendjab montre les deux types habitat jux taposés dans les plaines les villages entourés de leurs terroirs arables aux parcelles enchevêtrées dans les montagnes les hameaux aux mai sons éparpillées chacune entourée de ses champs Les mêmes faits observent dans la Chine et le Japon montagnes et plaines si diffé rentes par les formes du relief opposent aussi par les formes de habitat

Et cependant cette opposition qui paraît si générale et si brutale explique pas tout Car on remarque souvent la prépondérance de la dispersion dans certaines plaines plaine de Lucerne en Suisse Flandre Plaine anglaise et la prépondérance des villages dans certaines mon tagnes Italie centrale Kabylie Riesengebirge septentrional Grad mann observe il pas coïncidence dans la Haute-Souabe entre les régions de relief accidenté et le domaine de habitat dispersé et autre part que des terrasses larges et unies au sol fertile ne portent pas de villages4

La constitution de la surface du sol Selon que le sol présente une surface sèche et solide ou marécageuse et molle il peut imposer ha bitat des conditions radicalement différentes Que le danger vînt des fleuves ou de la mer la nécessité de défendre leur foyer contre les eaux souvent conduit les hommes agglomérer En Italie dans la plaine entre Mincio et Adige insalubrité des vallées refoulé occupation humaine sur des sites élevés et sains où règne habitat en villages De même dans le delta du Pô autour de Ferrare et de Rovigo les habita tions se rassemblent en longues files sur les digues Le même danger imposé agglomération dans les parties des Pays-Bas que mena aient les marées Avant la construction des digues les habitants se grou pèrent sur des emplacements élevés le plus souvent artificiels dont la silhouette bosselée retient encore maintenant attention ce sont les terpen de Frise les wierden de Groningue les vluchtheuvels de Betuwe

EMM DE MARTONNE La Valachie Paris Librairie Armand Colin 1902 chap XVII

VIDAL DE LA BLACH Principes de Géographie humaine 188-189 WoEiKOF ouvr cité 21 GRADMANN ouvr cité 41

12 ANNALES DE OGRAPHIE

les killen et les vliedbergen de Zélande on remarque beaucoup de ces villages concentrés soit dans le Nord des Pays-Bas soit dansles Mars chen de la région Emden Ailleurs dans les pays de polders les mai sons se rassemblent le long des chemins est-à-dire sur les chaussées artificielles des digues ces villages de digue se comptent par dizaines en Hollande On trouve le même type de villages allongés dans les colo nies de tourbière de Overijssel de la Drente et de Groningue en bordure des canaux

On impression une règle impérieuse qui sur ces terrains bas accessibles inondation contraint les habitants se grouper sur des points hauts Et cependant comment se fait-il que dans ces mêmes régions de polders par exemple dans la Plaine maritime de Flandre et sur le fond de ancienne mer de Haarlem on se trouve en domaine de dispersion

Les ressources en eau Beaucoup de gens expriment influence des ressources en eau sur habitat une manière très simple et raisonnent ainsi Dans les régions de roches perméables comme les calcaires eau enfuit dans les profondeurs du sol on ne peut atteindre que par des puits profonds et des sources rares où la nécessité pour habitat de se grouper Et inversement dans les pays de roches imperméables où eau suinte partout ubiquité de eau entraîne ubiquité de ha bitat

Certainement la tyrannie de eau impose habitat rural dans les pays arides et par exemple dans la région méditerranéenne Dans le Frioul et Apulie dans le Haut Tell tunisien dans la Grèce presque toute la population vit en villages et chaque village est fixé auprès une source1 Dans son livre sur le Péloponnèse2 Philippson montre quel lien étroit unit le lieu habité au point eau il décrit ces sources fortes et fraîches orgueil et joie des habitants ombragées un grand platane versant leur eau claire dans un bassin de pierre elles sont le centre du village Dans les pays irrigation la loi de eau impose rigoureusement Tout est tellement subordonné élément qui distri bue la vie il ne peut avoir autre mode de groupement que celui exige la jouissance en commun soit des eaux courantes soit des nappes eau3 Dans le Pendjab comme dans le Dekkan les paysans se groupent auprès de organe essentiel où leurs cultures dépendent réservoir puits ou canal La cohésion est nécessaire pour garder en main le contrôle de eau Le réservoir du village tank est la condition de existence commune avec ses puissantes digues de terre ombragées de beaux arbres semblable une forteresse il contient la source de la vie

FISCHER ouvr cité 204-209 MONCHICOUIIT La région du Haut Tellen Tunisie Paris Librairie Armand Colin 1913 391 399

PHILIPPSON Der Peloponnesos 385 VIDAL DE LA BLACH Principes de Géographie humaine 173

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL 13

Mais dans les pays humides pluies fréquentes de Europe occiden tale il est impossible affirmer une relation aussi étroite entre les conditions hydrologiques et la répartition de habitat Même en cas approvisionnement difficile on peut recueillir et conserver eau du ciel Aussi la prétendue loi de eau existe plus des régions de même hydrologie correspondent des types habitat différents Sur un sous-sol de craie et des matériaux superficiels peu près analogues la Picardie en France montre des villages concentrés et les plateaux des Chiltern en Angleterre des fermes isolées Dans un même pays de France le Caux au sous-sol de craie on remarque Ouest un habitat dispersé Est un habitat concentré Sur les plateaux ardennais de France et

de Belgique où pullulent les sources les habitants se groupent en vil lages Dans la puszta hongroise eau se trouve constamment une faible distance de la surface dans une nappe que peuvent atteindre les puits les plus élémentaires et cependant les habitations rurales se réunissent en énormes villages La question de eau surtout dans le passé semble secondaire et nous aurions tort avec nos idées actuelles de imaginer décisive1

influence des conditions sociales Les formes de habitat peu vent avoir été déterminées par des actions issues du milieu humain lui- même On peut concevoir que instar autres produits de la civilisa tion ces formes se révèlent comme des manifestations de tendances originelles ou bien de traditions propres certains peuples On peut concevoir aussi elles ont pu en naissant obéir des besoins de défense ou bien même que organisation de la propriété pas été étrangère leur développement

Les tendances originelles Nous ne sommes guère renseignés sur les tendances originelles des sociétés humaines Les documents que nous possédons sur ces périodes primitives ne nous permettent que des hypo thèses Mais esprit ne peut pas ne pas chercher se représenter les débuts de la civilisation de habitat rural De habitat groupé ou de habitat dispersé quelle est la forme première Ou bien devons-nous supposer ils sont tous les deux des formes premières conseillées par des conditions locales différentes Nous ignorons Ce qui semble pro bable est que bien avant époque où établissement territorial fondé sur occupation permanente un point géographiquement déter miné devint la base matérielle de organisation sociale les relations de parenté ont été les liens des groupes sociaux Des lors habitude de vivre en commun ne est-elle pas développée chez les hommes qui ap partenaient la même famille qui descendaient du même ancêtre ont-ils pas cherché par un instinct tout naturel se grouper pour se

Cette opinion sur la question de eau est celle aussi de GRADMANN ouvr cité Forschungen 38 et de MARINELLI Geogr Teacher 1925 202

14 ANNALES DE OGRAPHIE

défendre et associer pour gagner leur vie Ainsi le groupement serait la démarche première des hommes et cette antique organisation familiale serait armature des premières communautés de village le groupement et non pas la dispersion serait le premier degré de habi tat Dans la Grande-Bretagne celtique les habitants vivaient en grou pements familiaux qui réunissaient des centaines individus avec leurs troupeaux et qui constituaient ainsi des villages Mais nous ne savons pas si tel été partout le type primitif de habitat ni si la communauté familiale entraîné partout le groupement villageois Dans Ouest de la Serbie la persistance des communautés familiales les zadrugas em pêche pas la dispersion de habitat en petits hameaux nous ignorons si cette dispersion est un fait primitif ou si elle résulte une évolution évolution qui transforme habitat groupé en habitat dispersé et dont on des exemples anciens correspond un progrès agricole elle permet au cultivateur de établir tout près de ses champs Mais elle ne résume pas tout le progrès agricole puisque le développement de agriculture parfois rendu nécessaire la communauté villageoise selon H.J Fleure est usage de la charrue qui rendu nécessaire la culture en commun et sans doute souvent le rapprochement des foyers

Les traditions ethniques opposition entre habitat groupé et habitat dispersé explique aux yeux de certains savants par oppo sition des traditions ethniques Meitzen le premier décrit le con traste si marqué dans Europe occidentale et centrale entre les do maines de villages concentrés Dörfer et les domaines de fermes iso lées Einzelhöfe Il attribue une différence originelle de peuplement les villages correspondant au peuplement germanique les fermes isolées au peuplement celtique Il montre les villages particulièrement nom breux entre la Weser Elbe et le Danube et partout où les conquêtes victorieuses des Germains1 les auraient établis les fermes isolées très répandues en Irlande en Ecosse dans le pays de Galles et Ouest de la France

Cette théorie ne résiste pas la critique Malgré la prodigieuse accumulation de faits souvent intéressants que contiennent les ou vrages de Meitzen elle se heurte des contradictions insolubles Il est pas démontré bien au contraire que habitat groupé soit apa nage exclusif des peuples germaniques Nous le voyons en possession des Slaves qui comme le reconnaît Meitzen habitent des villages de forme assez particulière mais enfin des villages en possession des communautés celtes de Grande-Bretagne en possession des Romains dont certaines villas ou grands domaines formèrent avec leur per-

MEITZEN ouvr cité 520 Cette théorie été reprise et exposée par au tres auteurs comme SCHLUTER dansla Geogr Zeitschr. VI 1900 248-262 et dans le Reallexikon de Hoops 402-439 Deutsches Siedelungswesen)

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL 15

sonnel ouvriers agricoles le noyau de véritables villages en posses sion des Gaulois qui habitaient aussi bien des villages vici que des fermes isolées Chez les Helvètes César ne compte pas moins de 400 vici il distingue nettement des maisons isolées aedi ida)1 Il est pas démontré non plus que habitat isolé soit le propre des Celtes puisque en plein pays germanique Ouest de la Weser tout le peuplement se présente en maisons dispersées la même dispersion observe en au tres pays germaniques tels que la Flandre les Alpes suisses et bava roises le Nord de la Scandinavie2 Au reste même si les faits appuyaient la théorie des influences ethniques la solution du problème ne serait que reculée car il resterait expliquer pourquoi telle race adopté tel mode habitat

Cette théorie ne applique pas mieux autres pays auxquels depuis Meitzen on vouluTétendre Dans Inde certains savants vou draient faire du village une institution aryenne or il est très répandu même chez les peuples dravidiens3 Dans la région alpestre du haut Adige Schlüter oppose les villages du pays italien habitat dis persé du pays germanique4 ici les Germains auraient donc adopté la dispersion et non pas agglomération Mais comme le remarque Ma- rinelli5 la simplicité du rapport est apparente ce ne sont pas des traditions ethniques qui imposent ici leur loi mais plutôt des nécessi tés économiques il faut chercher explication dans la différence des époques de colonisation et de économie agricole

Les conditions de sécurité La nécessité de se défendre en période insécurité poussé les paysans se grouper en villages de même avec le retour de la sécurité ils ont déserté les villages pour établir libre ment sur le terrain de leur choix histoire nous apporte des preuves nombreuses de cette relation Les pays de la Méditerranée montrent encore des villages posés sur des hauteurs escarpées dans la situation la plus paradoxale vis-à-vis de leurs champs éloignés Dans la plaine du Pô entre Ogiio et Adda région longtemps exposée aux ravages des armées on voit encore beaucoup de villages fortifiés aux maisons entas sées6 Au contact de la steppe et des domaines autres genres de vie dit Vidai de la Blachê7 tout prend un aspect de forteresse le village

FLACH origine historique de habitation Paris Larose d. 10 et 36-37 SCHUMACHER Siedelungs und Kulturgeschichte der Rheinlande II Mainz 1923

193-203 SEEBOHM The English Village Community 279-280 Pour la critique de la théorie de Meitzen voir GRADMANN ouvr cité Fors

chungen) 95 ouvr cité 110-112 Gr GOMME The village community 23-32

SCHL TER Deutsches Siedelungswesen 437 Voir aussi EMM DE MAR- TONNE Les Alpes Paris Librairie Armand Colin 1926 143-147

MARINELLI Geogr Teacher 1925 202 MARINELLI Geogr Teacher 1925 202 VENT Revue Geogr

Alpine 1916 204-205 VIDAL DE LA BLACH Principes de Géographie humaine 195-196

16 ANNALES DE OGRAPHIE

lui-même aux confins du Sahara de Arabie du Turkestan de la Mongolie devient une prison un refuge Dans Aurès et la Kabylie les villages se juchent sur les points hauts et les crêtes qui dominent le bas pays centaines de points aériens séparés par des vallées creuses dans lesquelles les aigles plongent les ailes étendues1 Les habitants des maisons cherchent leur salut dans le groupement et la disposition défensive de leurs constructions2 Certains villages tunisiens se per chent en acropoles sur des pitons escarpés derrière épaisses planta tions de cactus épineux Sur le versant méridional de Atlas beaucoup de villages transformés en ksour ou bourgs fortifiés sont de véritables citadelles où le paysan sédentaire met ses silos de grains abri des nomades qui rôdent

En France plusieurs périodes troublées ont gravé leurs traces dans les caractères de habitat Brutails relate3 que dans la plus grande partie du Roussillon par crainte des corsaires africains les paysans ont déserté les plaines au xne et au xme siècle pour fonder des villages dans la montagne Ceux qui restaient dans les plaines se retranchaient et se fortifiaient Corsavi église consacrée en 1158 est hui assez éloignée du village qui abandonnée pour se grouper autour un ro cher fortifié Dans les Alpes méridionales le long de la Durance on remarque une tendance des maisons se grouper davantage mesure on avance vers extérieur du massif est-à-dire vers les lieux plus accessibles et plus menacés pour échapper aux attaques des Sarrasins longtemps venus par mer les villages se sont perchés comme autant de forteresses* Dans les Baronnies ainsi que Mouralis montré habi tat romain était un habitat de plaine assez peu concentré partir des troubles féodaux les paysans quittent les vallées pour des villages de hauteurs Certains villages comme Aubres Condorcet Cornillon sont allés se percher sur des rocs presque inaccessibles quelquefois des cen taines de mètres au-dessus de la rivière5

Cependant les soucis de la défense ont pas entraîné partout la con centration de habitat Dans le Frioul et la Campagne Romaine on fortifié beaucoup de fermes isolées preuve que insécurité ne pousse pas toujours agglomération On aurait tort plus forte raison de considérer toute concentration comme une précaution défensive on prétendu sans le prouver pour les villages russes situés au Sud de Moscou et de Oka et pour les villages hongrois de Alfold En France

AUG BERNARD Enquête sur habitation rurale des indigènes de Algérie Alger 1921 82 et suiv

AUG BERNARD ouvr cité 75-76 J.-A BRUTAILS tude sur la condition des populations rurales du Roussillon au

moyen âge Paris 1891 38-39 43 BLANCHARD Les Alpes fran aises Paris Librairie Armand Colin 1925 75 MOURALIS Les phénomènes habitat dans le massif des Baronnies Préalpes du

Sud) Revue Géogr alpine 1924 547-645)

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL 17

rien ne nous permet affirmer que les populations de Picardie de Champagne et de Lorraine se soient groupées en villages par souci de sécurité La position même de ces villages en rase campagne écarte toute idée de protection ils semblent plutôt avoir recherché le centre un terroir fertile aspect du village meusien ne trahit pas des préoccu pations de sécurité tout au contraire.. Ce sont des préoccupations existence agricole qui apparaissent dans le choix des emplacements Les abords sont aisés sans haies arbres sans chicane en terrain décou vert Le village ouvre de toutes parts sur les champs et de loin le clocher le signale1

Le régime agraire organisation sociale peut imposer certaines lois habitat Dans les pays de grands domaines et de grandes exploi tations les propriétaires ont parfois réglé eux-mêmes emplacement des maisons agricoles Les gros villages de Italie du Sud proviennent en grande partie de ce fait que les seigneurs terriens ont voulu concentrer leurs tenanciers afin de les mieux tenir en main2 Selon Marinelli ils ont évité installation de leurs contadini dans la campagne non seule ment pour les soustraire aux dangers de la malaria et pour éviter les frais de construction de trop nombreuses maisons rurales mais encore afin que la jouissance une ferme isolée ne devînt pas pour chaque famille ouvrier une raison de réclamer la propriété du lot de terre qui lui était assigné3 En Russie les intendants des grands propriétaires aimaient les villages où les paysans réunis pouvaient être mieux sur veillés4 Dans la péninsule des Balkans région au Sud de Nich bassin de la Maritsa Kossovo Metohija Thessalie Albanie centrale et méri dionale plate-forme du bas Danube) le régime du ciflik grande pro priété) organisé par les Turcs avait amené la formation de villages par le groupement des maisons des rayas auprès de la demeure du maître5 Au Mexique la grande propriété hacienda assemble auprès elle en village les peones ou ouvriers agricoles De la même manière certains villages vici gallo-romains proviennent du groupement des colons auprès de la villa plus tard certains villages du moyen âge ont pour origine agglomération des serfs sur un point du domaine seigneu rial De nos jours dans la Campagne Romaine on voit des fermiers lom bards et piémontais fonder de grandes exploitations qui installant auprès elles des familles ouvriers permanents deviennent les noyaux de nouveaux villages Dans le pays de Verceil et de Novare dans celui de Crémone et le delta du Pô la grande exploitation aboutit de même par la concentration des familles ouvrières habitat groupé

VIDAL DE LA BLACH tude sur la vallée lorraine de la Meuse Paris Librair Armand Colin 1908 147-148

BERNHARD Die ländlichen Siedlungsformen Geogr Zeitschr. 1919 29-30) MARINELLI Geogr Teacher 1925 203 WoEi&OF ouvr cité 20 et 23 CviJic La péninsule balkanique 223-224

ANN DE OG XXXVIe ANS

18 ANNALES DE OGRAPHIE

Ailleurs les grands propriétaires ont adopté le système de la ferme dispersée quand leur intérêt fut de diviser leurs domaines entre une foule de petits tenanciers Les pays baltiques Esthonie Livonie Cour- lande ont une majorité de petites fermes isolées est que depuis long temps aux yeux de leur noblesse foncière exploitation rend et réussit mieux quand elle affranchit des servitudes de la communauté villa geoise1 Ainsi explique aussi selon Mannelli2 la colonisation diffuse qui se répandit surtout en Toscane la fin du moyen âge unité ex ploitation le podere une étendue suffisante pour occuper et faire vivre une famille la maison de chaque tenancier est construite sur le terrain exploité Un groupe de plusieurs de ces métairies forme un domaine dont le propriétaire confie la direction un intendant

I/intluence de économie agricole Les conditions même de économie agricole peuvent conseiller aux paysans tantôt le groupe ment tantôt la dispersion Selon elle est clairsemée ou dense selon elle dispose de moyens de travail faibles ou puissants une popula tion agricole exerce pas la même prise sur le sol et cette prise de possession par habitat peut changer de nature au sein du même pays si les conditions économiques ont changé Considérons comment les types économie agricole peuvent agir sur les types habitat

Le stade de la culture nomade un des premiers stades de agri culture paraît avoir été la culture nomade itinérante est-à-dire le déplacement continuel des champs cultivés travers de vastes espaces disponibles Cette instabilité explique la fois par la pauvreté des moyens de travail et par la faible densité de la population On se con tente de brûler les buissons et les herbes qui couvrent la terre on enfouit les cendres par un labour superficiel après une ou deux récoltes on abandonne le champ pour le rendre àia nature sauvage et on en défriche un autre prélevé sur les réserves déterre inculte On trouve cette culture nomade chez les Germains du temps de Tacite chez les Irlandais du xvie siècle chez les Gallois du moyen âge On observe encore dans les steppes de la Russie méridionale et dans la région forestière de la Russie septentrionale Souvalki Vitebsk Pskov Grodno Minsk Mohilev Smolensk Tver en certains lieux le colon procède par brûlis sur les cendres de la forêt il sème trois ou quatre récoltes puis il abandonne

la forêt le champ épuisé La-même pratique persiste dans quelques cantons des gouvernements Olonetz Arkhangelsk et de Perm

Avec cette agriculture instable habitat se déplace comme le champ La migration des maisons est rendue facile par la légèreté et la simplicité de la construction Dans ces conditions rien si ce est la tendance des familles se rapprocher ne conseille le groupement Du

WOEIKOF ouvr cité 16 MAKINELLI Geogr Teacher 1925 203

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL 19

point de vue économique beaucoup de raisons plaident pour le desser rement pour la dispersion nécessité de disposer espaces vagues pour le parcours des troupeaux nécessité de renouveler fréquemment le champ cultivé nécessité de maintenir libres des terrains pour la chasse Les documents historiques nous montrent presque toujours cette écono mie primitive associée avec habitat isolé ou dispersé Depuis époque déjà lointaine où la communauté familiale desserré ses liens nous voyons habitat dispersé étendre sur Irlande et le Pays de Galles Au xne siècle Giraldus Cambrensis nous décrit les maisons galloises construites en bois comme les habitations légères et précaires un peuple semi-pastoral vivant dispersé sur la lisière des bois La colonisa tion de la forêt russe été uvre de pionniers isolés ou marchant en petits groupes Dans la République de Novgorod sur un cadastre du xve siècle cité par Woeikof on trouve mention de nombreuses fermes et métairies est par hameaux que les défrichements du moyen âge ont procédé dans le Wurtemberg La pénétration des Suédois dans les masses forestières du Norrland tout comme avancée des Finlandais dans leur sylve immense accomplit par des établissements isolés1

Le stade de la redistribution périodique Un nouveau stade de agriculture commence lorsque accroissement de la population et la raréfaction des terres arables obligent la société limiter le droit indi viduel de libre appropriation on détermine les périmètres cultivables de manière régler et ordonner leur répartition entre les familles Cette répartition faite pour un temps limité effectue périodiquement ces redistributions ont pour objet atténuer les inégalités de valeur des sols et de pourvoir de terre les nouveaux venus des jeunes générations elles établissent ainsi entre les co-partageants les relations une com munauté assez étroite Cette intervention de la communauté pour la redivision périodique des terres ne applique aux meilleures celles qui peuvent donner de bonnes récoltes en dehors de ces champs régu lièrement cultivés il subsiste toute une zone de terrains vagues pacages et bois qui échappe tout partage et demeure soumise la jouissance en commun Ces pratiques agricoles ont longtemps dominé en de nom breuses régions Europe en Russie en Suède en Allemagne La redis tribution des terres cultivées se faisait encore en Irlande sous les yeux de sir John Davies au xvne siècle Hanssen la signale encore vers 1835 dans Eifel et le Hunsruck2

Pour le stade de la culture nomade voir LACOMBE appropriation du sol Paris Librairie Armand Colin 1912 10-11 19-22 SEEBOHM The English village community 186 370 342 368 St LEWINSKI T1w Origin of-Property

5-9 15-18 BONN Die englische Kolonisation in Irland Stuttgart 1906 255-259 II 140-141 BERNHARD Die ländlichen Siedlungsformen Geogr

Zeitschr. 919 20-32) WOEIKOF Le groupement de la population rurale en Russie Annales de Géographie 1909 13-23 BEAUCHET Histoire de la propriété fon cière en Suède Paris Larose 1904 10-15

St LEWINSKY ouvr cité 52-53 60-61 MEITZEN ouvr cité 24

20 ANNALES DE GÉOGRAPHIE

Ce stade de l'évolution agricole correspond-il à une évolution de l'habitat ? Fait curieux, il semble ne pas agir de la même manière dans tous les pays : ici il laisse intact l'habitat dispersé ; ailleurs, il favorise l'habitat groupé. Dans l'Irlande du moyen âge, on constate l'existence de terroirs arables, cultivés en commun, en runrig, où chacun recevait, par les redistributions périodiques, un lot égal ; selon Seebohm, on se plaignait déjà au vne siècle que l'accroissement de la population eût réduit les parts individuelles de trente à vingt-sept bandes ou sillons (ridges)1. On pourrait croire que cette pratique dût amener les Irlandais à rapprocher leurs maisons de ces territoires arables et à s'y grouper en villages. Or, l'Irlande est toujours restée un pays de homesteads disséminés. En réalité, dans ce pays d'économie pastorale, les parcelles de bonne terre ne représentaient qu'une infime proportion des territoires exploités. Les paysans s'y retrouvaient bien, à des dates plus ou moins fixes, pour labourer, semer et récolter, mais c'est auprès de leurs pâtures qu'ils plaçaient leur foyer, chacun indépendant des autres.

En Suède, la coutume de soumettre périodiquement les terres arables à une redivision existait antérieurement au xne siècle. Cette coutume, ou hamarskipt, assurait à chaque habitant la jouissance d'un certain nombre de parcelles pendant un nombre d'années plus ou moins grand, mais avec l'obligation de les rendre à la communauté à une époque fixée par la loi, en vue d'une nouvelle répartition. Comme il s'agit d'un pays agricole, on pourrait croire que la nécessité d'abandonner leurs champs périodiquement aurait dû conduire les cultivateurs à choisir un emplacement fixe, soustrait au partage, où toutes leurs maisons se seraient groupées. Or, il apparaît quo le terrain même (la topt) sur lequel s'élevait la maison familiale, n'était pas la propriété privée de chaque famille et que l'obligation du partage pesait même sur lui. Dès lors tout habitant dépossédé devait déménager et enlever sa construction pour la réédifier sur une nouvelle topt. La loi lui accordait toutefois un certain délai, car on voulait éviter la perturbation profonde que devait provoquer la démolition simultanée de toutes les habitations. Il est juste de dire que cette obligation de reconstruire ailleurs n'imposait pas une opération très difficile ; car les maisons rurales de Suède, faites de madriers et de planches assemblées, se démontaient et se transportaient aisément. Ainsi persista en Suède, dans le système du hamarskipt, l'habitude de vivre en maisons isolées2.

En Russie, nous voyons, au contraire, que la périodique redistribution du sol conduisit à la vie villageoise. C'est à une date récente, au xvie et au xvne siècle, sous l'influence de la raréfaction de la terre et d'une population croissante, qu'on en vint à désirer la redivision pério-

1. F. Seebohm, ouvr. cité, p. 126, 214-230. — G. Slater, The Ihclosure of common fields {Geogr. Journal, 1907, p. 45-46).

2. Bem'Chet, Histoire de la propriété foncière en Suède, p. 32-33, 43-54, 187.

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL 21

dique des champs entre les habitants de la même communauté agricole Ainsi se développa une institution russe on longtemps prise pour une vieille institution slave le mir sur le territoire du chaque père de famille re oit des parcelles distribuées dans chaque catégorie de valeur des terres et les conserve la répartition suivante qui se fait selon les régions tous les six dix quinze et même vingt ans Cette évolution plus récente en Suède entraîna pas le déplacement périodique des maisons le paysan dut établir son habitation sur en droit choisi pour le village de manière ne pas emigrer chaque par tage et rendre possible certaines pratiques de travail en commun Il semble que dans ce cas les obligations de la communauté agricole aient éloigné les paysans du système de la ferme isolée pour leur faire adopter habitat groupé1

Le stade de la possession fixe intérieur de la communauté agricole Un nouveau stade de agriculture commence le jour où les progrès

une population toujours plus nombreuse rendent nécessaire un meil leur aménagement de la terre Les paysans en viennent désirer cultiver toujours la même terre plutôt que de déplacer périodiquement leur exploitation ils peuvent ainsi recueillir pour eux-mêmes chacun pour soi tout le bénéfice du travail ils ont incorporé leurs champs Cette formule agricole ne date pas partout de la même époque mais elle révèle une organisation systématique avec des règles fixes qui im posèrent tous les membres de la communauté agricole Dans une grande partie de Europe on la con ut de telle manière elle pût adapter pendant année la production des ales et entretien des animaux domestiques elle comporte un assolement triennal est- à-dire la succession sur la même terre une céréale hiver la première année une céréale de printemps la deuxième année et une jachère la troisième année application de cet assolement effectuait selon des règles qui excluaient habitat dispersé Tout le territoire arable était partagé en trois portions soles saisons fields Gewänne) consa crées respectivement au blé avoine la jachère Sur chacune elles la liberté du cultivateur était limitée par une discipline de travail en commun et des obligations de solidarité il fallait exécuter en même temps les travaux agricoles laisser les chaumes et les jachères au trou peau commun Comme chacun avait ses champs dispersés dans cha cune des trois soles il était impossible chaque maison de trouver un centre dans ce domaine émietté Les maisons se groupaient autour un noyau central puits pont et plus tard église ou château en habitant ce village le paysan se trouvait réellement au centre de son domaine On comprend que la nécessité une entente dans la conduite des cul tures. ait créé le besoin de centraliser sur quelque point exploitation

St LBWINSKY ouvr cité passim MEITZEN ouvr cité 25 et II p.213

22 ANNALES DE OGRAPHIE

du sol Une coopération réglant les dates des actes de la vie agricole fixant certains procédés exploitation impose comme avantageuse

tous.. La concentration de habitat. fait du village intermédiaire commun auquel aboutissent toutes les pistes1

Cette organisation fort antique dans certains pays prit naissance dans certains autres des dates plus rapprochées que histoire enre gistre En Suède la redistribution périodique des terres selon le sys tème de Yhamarskipt tendit peu peu avec le progrès agricole faire place au système de la solskipt où la jouissance individuelle des terres se substitua la jouissance collective Cette révolution était en train de accomplir époque de la rédaction des lois provinciales est-à-dire dans le cours du xme siècle et au début du xive ailleurs elle était facultative et ne se réalisa que progressivement mesure que les intéressés la réclamèrent Le résultat de cette répartition définitive des terres ce fut le choix un emplacement pour le village où vinrent se grouper les maisons des paysans Cet emplacement fut distribué entre les cultivateurs proportionnellement étendue de leurs terres chacun dut enclore la portion du village on lui attribua topt il put élever toutes les constructions il voulait condition de con server entre sa maison et celle de son voisin un certain espace afin de conjurer les incendies et de faciliter écoulement des eaux2

Plus récemment au début du xixe siècle on put voir Java dans les provinces de Chéribon et de Tegal des villages avec leurs usages communautaires se substituer la dispersion individuelle des maisons3 dans les pays de rizières irrigation impose le plus souvent la concen tration de habitat Les exemples abondent dans Inde Pudu-vayal Carnatic) 30 milles au Nord-Ouest de Madras le territoire du village est partagé en sections définies par la valeur du sol une section corres pond aux terres voisines du réservoir est-à-dire aux moins exposées la sécheresse une autre section aux terres plus éloignées du réservoir

une troisième aux terres qui ne peuvent recevoir assez eau une année sur deux ou trois4 Ici encore le site obligé de habitat se trouve en un point commun où rayonne le travail

Le slade de la culture spécialisée De nouveaux progrès de écono mie rurale et de nouveaux besoins en vivres ont fait percevoir parfois très tôt certains peuples avancés les inconvénients de habitat con centré enchevêtrement des parcelles tient les cultivateurs dans une étroite dépendance les uns vis-à-vis des autres et les oblige de mul tiples servitudes faire tous la même récolte sur la même sole moisson ner ensemble laisser passer les voisins sur son champ perdre du temps

VIDAL DE LA BLACH Principes de Géographie humaine 185-186 BEAUCHET ouvr cité 32-33 41-43

St LEWINSKY ouvr cité 30 GOMME ouvr cité 23-34

LA OGRAPHIE DE HABITAT RURAL 23

gagner les parcelles éloignées ne pas pouvoir entreprendre des tra vaux amélioration sans entente et collaboration ne pas pouvoir choisir rationnellement les plantes cultiver Du seul point de vue agri cole habitat isolé qui se pose au milieu de ses terres représente une pratique bien supérieure il laisse au cultivateur sa liberté il le rap proche de sa terre il le soustrait aux gênes de la communauté La ferme isolée forme une unité économiquement plus forte indépendante de la contrainte autrui

Aussi certains pays pénétrés par esprit commercial et soucieux orienter leur agriculture autant vers approvisionnement des grandes villes que vers la consommation domestique ont délibérément réuni en blocs compacts les champs dispersés des communautés villageoises pour en constituer des fermes isolées Angleterre accomplit cette révolution en deux périodes une aux xve et xvie siècles autre aux xvine et xixe siècles cette énergique opération porte le nom enclo sures Par la formation de fermes indépendantes toute initiative fut permise au fermier il put orienter sa guise son travail et Sa produc tion donner au trèfle et aux turneps une place dans assolement nour rir plus de bétail enclore ses champs pour mieux garder ses animaux Cette révolution dans la culture eut pour conséquence une révolution dans habitat qui aggloméré devint dispersé est habitat dispersé que très souvent les colons européens établis dans le Nouveau Monde ont adopté comme la forme la plus moderne et la plus économique de établissement rural est aussi dans le sens de la dispersion que nous voyons actuellement un peu partout dans le monde agir la tendance la spécialisation des cultures cultures maraîchères des pays de la Médi terranée vergers des mêmes régions herbages élevage intensif de la plaine du Pô

Pour expliquer comment certains hommes ont pris habitude de se grouper en villages certains autres de vivre en fermes isolées ou en petits hameaux est donc toutes les conditions naturelles sociales et agricoles de leurs modes de vie il faut faire appel étude de habi tat est un chapitre de étude des civilisations rurales elle doit remon ter leurs origines lointaines et suivre leur évolution époque présente Si nous voulons classer les types de habitat nous devons les considérer comme des manifestations de entreprise humaine qui ne sont pas nécessairement déterminées par la géographie naturelle Dans un même pays au cours de histoire les facteurs de habitat ont pas agi uniformément la colonisation agricole pu successivement adop ter des modes habitat différents Dans un même pays un type ha bitat bien établi pu se transformer en un autre si les conditions du milieu humain ont rendu nécessaire cette évolution

DEMANGEON