La gauche doit s'interroger sur le désamour des ouvriers

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11/01/13 10:03 "La gauche doit s'interroger sur le désamour des ouvriers" Page 1 sur 3 http://abonnes.lemonde.fr/politique/article/2013/01/10/la-gauche-doit-s-interroger-sur-le-desamour-des-ouvriers_1814850_823448.html "La gauche doit s'interroger sur le désamour des ouvriers" LE MONDE | 10.01.2013 à 12h37 • Mis à jour le 10.01.2013 à 12h40 Propos recueillis par Bastien Bonnefous La Fondation Jean-Jaurès, (http://www.jean-jaures.org/) proche du Parti socialiste, publie, jeudi 10 janvier, une note intitulée "Où en est le vote ouvrier ?", alors que le débat sur les catégories populaires agite la gauche et la majorité. Jean- Philippe Huelin, professeur d'histoire-géographie dans le Jura, et coauteur, avec Gaël Brustier, de Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011), y décrypte ce vote longtemps ancré à gauche et devenu désormais un enjeu majeur pour l'ensemble de la classe politique. François Hollande semble avoir perdu la confiance des classes populaires. Est-ce préoccupant ? Jean-Philippe Huelin : La situation est très inquiétante et même catastrophique pour le chef de l'Etat. En décembre, il a encore perdu trois points de confiance chez les ouvriers et n'est plus qu'à 28 % de satisfaction. Du jamais vu pour un président après huit mois de mandat ! La situation est pire pour François Hollande que pour François Mitterrand après le tournant de la rigueur de 1983. Jean-Marc Ayrault et le Parti socialiste sont eux aussi en grande difficulté. Après trois présidences successives de droite, la gauche revenue au pouvoir devrait s'interroger sur ce désamour aussi fort et rapide. François Hollande à l'usine d'Alstom, au Creusot (Saône-et-Loire), le 7 décembre 2011. | REUTERS/ROBERT PRATTA

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Interview de Jean-Philippe Huelin pour Le Monde du 10 janvier 2013

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"La gauche doit s'interroger sur ledésamour des ouvriers"LE MONDE | 10.01.2013 à 12h37 • Mis à jour le 10.01.2013 à 12h40

Propos recueillis par Bastien Bonnefous

La Fondation Jean-Jaurès, (http://www.jean-jaures.org/) proche du Parti socialiste,publie, jeudi 10 janvier, une note intitulée "Où en est le vote ouvrier ?", alors quele débat sur les catégories populaires agite la gauche et la majorité. Jean-Philippe Huelin, professeur d'histoire-géographie dans le Jura, et coauteur, avecGaël Brustier, de Voyage au bout de la droite (Mille et une nuits, 2011), ydécrypte ce vote longtemps ancré à gauche et devenu désormais un enjeumajeur pour l'ensemble de la classe politique.

François Hollande semble avoir perdu la confiance des classespopulaires. Est-ce préoccupant ?

Jean-Philippe Huelin : La situation est très inquiétante et même catastrophiquepour le chef de l'Etat. En décembre, il a encore perdu trois points de confiancechez les ouvriers et n'est plus qu'à 28 % de satisfaction. Du jamais vu pour unprésident après huit mois de mandat ! La situation est pire pour FrançoisHollande que pour François Mitterrand après le tournant de la rigueur de 1983.Jean-Marc Ayrault et le Parti socialiste sont eux aussi en grande difficulté. Aprèstrois présidences successives de droite, la gauche revenue au pouvoir devraits'interroger sur ce désamour aussi fort et rapide.

François Hollande à l'usine d'Alstom, au Creusot (Saône-et-Loire), le 7 décembre 2011. |REUTERS/ROBERT PRATTA

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Comment l'expliquez-vous ?

Les classes populaires ont le sentiment que la gauche ne répond pas à leursattentes. Celles-ci concernent principalement le protectionnisme économique,l'euro et la répartition des richesses. Quelle différence y a-t-il pour les classespopulaires entre une droite sociale et un social-libéralisme assumé ? Le dangerest grand car cela les pousse à se radicaliser ou à s'abstenir. A la dernièreprésidentielle, l'abstention des ouvriers a enregistré dix points de plus que lamoyenne nationale. Cette abstention, sans doute en partie liée à la crise, esttrès mal étudiée. Mais il ne faudrait pas que l'on s'en contente, comme auxEtats-Unis, avec une gauche et une droite qui finalement auraient intérêt àexclure les classes populaires du débat démocratique.

Dans votre enquête, vous parlez d'un "vote des ouvriers" plutôt que d'un"vote ouvrier". Pourquoi cette nuance ?

Longtemps, le monde ouvrier a été une forteresse sociale qui avait un poidsélectoral important. Son vote était encadré politiquement et socialement par dessyndicats forts et les partis politiques de gauche, le Parti communiste en tête.Ce monde ouvrier s'est totalement atomisé. Il est donc logique que cetteatomisation sociale et économique se traduise en politique par un vote éclatédes ouvriers, de la gauche vers la droite et l'extrême droite. Les ouvriers sontdevenus une niche électorale de plus dans laquelle, par exemple, la droite etNicolas Sarkozy ont voulu investir en 2007. A l'inverse, la gauche, qui avaitstructuré ce vote depuis la seconde guerre mondiale, l'a pratiquementabandonné, estimant avec un certain mépris qu'il n'était plus assez bien pourelle.

De quand date le décrochage entre les ouvriers et la gauche ?

Principalement de l'exercice du pouvoir par le PS dans les années 1980. En1988, M. Mitterrand avait encore bénéficié d'un vote assez fort de la classeouvrière, mais à partir des années 1990, le divorce s'opère, au point quedésormais la différence entre gauche et droite est peu marquée. La preuve : en2007 comme en 2012, M. Sarkozy a réalisé les meilleurs scores jamais obtenuspar un candidat de droite chez les ouvriers.

Comment jugez-vous l'opposition qui traverse le PS, entre une gauchesociétale proche du think tank Terra Nova et le mouvement de la Gauchepopulaire ?

C'est un bras de fer décisif pour l'avenir à moyen terme de la gauche. Celle-cipeut accéder au pouvoir grâce à une conjoncture favorable, comme en mai2012, mais pour transformer en profondeur la société, elle a besoin de temps etde s'appuyer sur une coalition sociale majoritaire et durable très différente de la

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La présidence de François Hollande

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Propos recueillis par Bastien Bonnefous