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HEBDOMADAIRE ROYALISTE - NOUVELLE SERIE - 29 - 1 FRANC - 17-11-1971 LA FRANCE SANS PROVIDENCE André Malraux a déclaré récemment que, depuis la mort de De Gaulle, le seul personnage historique de la planète était Mao-Tsé-Toung. Ce propos est bien dans la manière du personnage, romantique incorrigible qui met son incontestable courage au service de causes grisantes, même si elles sont mauvaises : avant-hier c'était la guerre civile chinoise ou la guerre d'Espagne, hier le gaullisme ; aujourd'hui, l'auteur de « La Condi- tion Humaine » ses tourne à nouveau vers le fascinant Orient maoïste... ou bengali. Ei Son état d'esprit est dans une certaine mesure par- tagé inconsciemment par une bonne partie de l'opinion française qui, depuis le départ de De Gaulle, s'ennuie : les querelles sordides des partis la rebutent ; son goût « poignard » pour des chefs « jetés hors de toutes les séries » n'est assouvi ni par M. Pompidou et ses allures de banquier Louis-Philippard, ni par les airs florentins de M. Mitterrand, ni par les façons d'Aï Capone pensif de M. Marchais. Et puis, les relations mondaines de M. Rives-Henrys ont moins de poésie que l'appel du 18 juin. Cette nostalgie de l'homme providentiel est une des constantes de la vie politique française en période de régime parlementaire ou semi-parlementaire. Elle conduit à oublier que, depuis cent cinquante ans, les épopées des hommes providentiels ont surtout fait du mal au pays : Napoléon nous a conduits à Sedan, Charles de Gaulle à Evian. Un homme soucieux avant tout de se créer une légende dont l'oeuvre n'est pas enracinée dans la durée, qui n'a ni prédécesseur ni successeur, peut avoir une sombre grandeur : cette grandeur consume toujours le pays qui est entre ses mains. Elle aboutit, à la limite, à la fin apocalyptique du III e Reich envahi de tous côtés par les armées alliées, cependant qu'Hitler se suicidait en donnant comme dernier ordre aux radios allemandes de jouer sans relâche « Le Crépuscule des dieux ». Dans l'immédiat, les Français s'apprêtent à extério- riser leur légitime désir de dépasser la médiocrité politique ambiante en réservant en mai prochain un accueil aussi chaleureux qu'il y a quinze ans à la reine Elisabeth II. Ainsi, la monarchie anglaise, même si elle n'est pas capable, de par son peu de pouvoir, d'enrayer la crise de la civilisation britannique, par- vient à faire aimer son pays d'un peuple dont l'anglo- philie n'est pas le trait dominant. Ne serait-il pas temps que les Français songent à s'aimer eux-mêmes et appellent à leur tête Monseigneur le Comte de Paris, représentant de la dynastie qui a fourni au pays le Roi- Soleil, sans jamais s'écarter d'une politique de père de famille excluant l'aventure ? N.A.F.

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HEBDOMADAIRE ROYALISTE - NOUVELLE SERIE - N° 29 - 1 FRANC - 17-11-1971

L A F R A N C ES A N S

P R O V I D E N C EAndré Malraux a déclaré récemment que, depuis la

mort de De Gaulle, le seul personnage historique de laplanète était Mao-Tsé-Toung. Ce propos est bien dansla manière du personnage, romantique incorrigible quimet son incontestable courage au service de causesgrisantes, même si elles sont mauvaises : avant-hierc'était la guerre civile chinoise ou la guerre d'Espagne,hier le gaullisme ; aujourd'hui, l'auteur de « La Condi-tion Humaine » ses tourne à nouveau vers le fascinantOrient maoïste... ou bengali.Ei

Son état d'esprit est dans une certaine mesure par-tagé inconsciemment par une bonne partie de l'opinionfrançaise qui, depuis le départ de De Gaulle, s'ennuie :les querelles sordides des partis la rebutent ; son goût« poignard » pour des chefs « jetés hors de toutes lesséries » n'est assouvi ni par M. Pompidou et ses alluresde banquier Louis-Philippard, ni par les airs florentinsde M. Mitterrand, ni par les façons d'Aï Capone pensifde M. Marchais. Et puis, les relations mondaines deM. Rives-Henrys ont moins de poésie que l'appel du18 juin.

Cette nostalgie de l'homme providentiel est une desconstantes de la vie politique française en périodede régime parlementaire ou semi-parlementaire. Elleconduit à oublier que, depuis cent cinquante ans, lesépopées des hommes providentiels ont surtout fait du

mal au pays : Napoléon nous a conduits à Sedan,Charles de Gaulle à Evian. Un homme soucieux avanttout de se créer une légende dont l'œuvre n'est pasenracinée dans la durée, qui n'a ni prédécesseur nisuccesseur, peut avoir une sombre grandeur : cettegrandeur consume toujours le pays qui est entre sesmains. Elle aboutit, à la limite, à la fin apocalyptiquedu IIIe Reich envahi de tous côtés par les armées alliées,cependant qu'Hitler se suicidait en donnant commedernier ordre aux radios allemandes de jouer sansrelâche « Le Crépuscule des dieux ».

Dans l'immédiat, les Français s'apprêtent à extério-riser leur légitime désir de dépasser la médiocritépolitique ambiante en réservant en mai prochain unaccueil aussi chaleureux qu'il y a quinze ans à lareine Elisabeth II. Ainsi, la monarchie anglaise, même sielle n'est pas capable, de par son peu de pouvoir,d'enrayer la crise de la civilisation britannique, par-vient à faire aimer son pays d'un peuple dont l'anglo-philie n'est pas le trait dominant. Ne serait-il pastemps que les Français songent à s'aimer eux-mêmeset appellent à leur tête Monseigneur le Comte de Paris,représentant de la dynastie qui a fourni au pays le Roi-Soleil, sans jamais s'écarter d'une politique de père defamille excluant l'aventure ?

N.A.F.

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PaysDe la Lor ra ine .

LE DEMENAGEMENT

En décidant de supprimer 12.350 em-plois dans ses usines lorraines d'ici 1975,De Wendel vient de porter à son pointparoxystique un malaise lorrain qui étaitdéjà fort net depuis quelques années. Cettemesure en elle-même est moins lourde deconséquences qu'il n'y paraît de primeabord : ce chiffre étalé sur cinq ans n'estpas à vrai dire monstrueux et une bonnepartie des suppressions d'emplois se ferapar non-remplacement des retraités ou miseà la retraite anticipée. Elle n'en illustre pasmoins l'éclatante faillite d'une politiqued' «aménagement du territoire » qui s'avèreincapable d'empêcher la Lorraine, naguèreconsidérée comme le « Far-West » françaiset enfant chérie de tous les gouverne-ments depuis quinze ans, de poursuivre unprocessus de récession inquiétant.

UNE AIDE CONSIDÉRABLE...

Le développement industriel de la Lor-raine, commencé au xixe siècle, s'est pour-suivi et accéléré pendant l'occupation alle-mande. Fondé sur l'extraction du charbonet du minerai de fer, ainsi que sur la si-dérurgie, il a entraîné une réelle prospé-rité économique pour les firmes régionales.Cette prospérité n'a d'ailleurs guère étésynonyme d'un développement social har-monieux. Les conditions de travail des mineurs ont laissé fortement à désirer ell'urbanisation des bassins houillers et fer-rifères, conduite de façon anarchique, aproduit des résultats franchement mons-trueux.

Après son retour à la France et princi-palement depuis 1945, le bassin minier lor-rain a connu son expansion maximale. Leleitmotiv des gouvernants de la IVe et dela V* République était : développons l'in-dustrie lorraine pour compenser l'épuise-ment progressif des mines de charbon etle déclin industriel du Nord. La régiond'ailleurs était toujours bien placée pourse faire entendre du pouvoir ; n'a-t-elle paspossédée presque toujours un ministre ausein du gouvernement qu'il soit socialistecomme Lapie, M.R.P. comme Robert Schu-man, Indépendant comme Jacquinot et Mon-don, U.D.R. comme Fouchet et Messmer ?

Et de fait la Lorraine a pu obtenir dugouvernement presque tout ce qu'elle de-mandait : les lignes S.N.C.F. Paris-Stras-bourg et Calais-Bâle ont été les premièresà être électrifiées ; la région est sillonnéepar les autoroutes Nancy-Thionville, Metz-Sarrebruck, Paris-Strasbourg. Récemmentencore Nancy, par où ne passe pas l'auto-route Paris-Strasbourg, a obtenu en conso-lation la mise à quatre voies de la liaison

avec Paris. Quant à la liaison aérienne Pa-ris-Metz, elle est assurée dans des conditionsplus que convenables. Enfin la canalisationde la Moselle a été accueilie par les Lor-rains comme une réalisation riche de pro-messe pour l'avenir.

... ET ININTELLIGENTE

Au début des années 60 les prodromesde la crise ont commencé à apparaître. Lessidérurgistes régionaux ont été mis en dif-ficulté par le développement de la sidé-rurgie sur l'eau utilisant des minerais sué-dois, canadiens ou brésiliens dont la te-neur est deux fois plus forte que cellede la « minette » lorraine et dont le trans-port par minéraliens géants est peu oné-reux.

Devant cette menace, les sidérurgistesont réclamé et obtenu de l'Etat une aideimportante pour leur permettre de renta-biliser leur production ainsi que la miseen œuvre d'une politique d'industrialisa-tion régionale massive. Entre 1966 et 1970,le F.D.E.S. (Fonds de Développement Eco-nomique et Social) a prêté 2,7 milliardsà la sidérurgie française, c'est-à-dire essen-tiellement lorraine, au taux dérisoire de3,5 '%... sans parler de subventions plusou moins secrètes parce que contraires autraité de la C.E.C.A. et qui s'élèveraientpour la seule année 1966 à 0,6 milliard.Parallèlement, 20.000 emplois ont été créésen Lorraine et des immigrés étrangers,Turcs notamment, venaient grossir la po-pulation du Bassin.

Mais pendant ce temps, 51.000 emploisdisparaissaient (29.000 dans les mines,15.000 dans la sidérurgie, 7.000 dans letextile). De plus, des travailleurs lorrainsen nombre croissant sont allés s'employeren Sarre : le peu d'attrait pour des tra-vaux pénibles, l'insuffisance des emploisdans les industries de transformation et lesactivités de pointe, la différence de sa-laires de part et d'autre de la frontière,ont provoqué ce mouvement. Autrement dit.en vertu sans doute du principe « gouver-ner c'est prévoir », le gouvernement a dopédes branches industrielles technologique-ment condamnées au lieu de favoriser unereconversion progressive de la région.

De même, le pouvoir a totalement man-qué de discernement dans l'octroi d'infra-structures à la Lorraine. En réalisant lacanalisation de la Moselle, en favorisantMetz et la Lorraine du Nord au détrimentde Nancy, il ne s'est pas rendu comptequ'il tournait la région vers l'Europe rhé-nane dont elle devenait un appendice (1).Pour éviter cette attraction, il aurait au

contraire été indispensable de « tirer » laLorraine vers le Sud en créant un pôleindustriel en Franche-Comté et en réali-sant la liaison Moselle-Rhin-Rhône ce quiaurait, par la même occasion, permis dedesserrer la conurbation Longwy-Thionville-Metz.

Ces erreurs n'ont à vrai dire rien de for-tuit. Les Lorrains se révoltent, et à bondroit, contre une évolution qui menace defaire des compatriotes de Barrés, des déra-cinés contraints de travailler en Allemagneou à Fos. Il leur faut remonter à la causeprofonde de la crise : un régime qui faitune politique d'aménagement du territoireloin des réalités régionales globales maissouvent trop près des groupes de pressioncatégoriels se condamne à l'impuissance.

Comme l'a dit fort justement J.-J. S.-S.,un pouvoir régional soumis au contrôle deshabitants de la province ne pourrait sepermettre de telles incohérences. Encorefaut-il au-dessus de lui un Etat suffisam-ment dégagé des jeux de l'élection pourne pas voir en lui un rival à museler, suf-fisamment fort pour le suppléer en cas dedéfaillance.

C'est très exactement ce que n'est pasla démocratie. La Lorraine, qui a cherchédepuis longtemps un homme providentielissu du suffrage universel, déçue hier parCharles De Gaulle, maintenant par JerryS.-S., est bien placée pour s'en rendrecompte.

Arnaud FABRE.

(1) Ce qui explique que des entrepriseslorraines vont s'installer en Sarre, entraî-nant leur main-d'œuvre avec elles.

N A F T E L E X

• P.S.U. : la liquéfaction du parti de Ro-card continue. La tendance hostile à laposition de « Front révolutionnaire » unis-sant groupuscules gauchistes et comités debase vient de rendre public un manifestefavorable à l'union de la gauche électoraleet polémique dans les colonnes du mori-bond « Tribune socialiste » avec la direc-tion du parti. A sa tête Gilles Martinetdésolé de ne plus être secrétaire généraladjoint du parti. A terme, Mitterrand peutespérer récupérer quelques débris du P.S.U

• U.D.R. : David Roussel vient de démis-sionner du parti majoritaire. Il lui repro-che de comporter peu de « têtes politi-ques » et d'être incapable de mettre le

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RéelN.A.F. n° 29/p. 3

DU T E R R I T O I R Eà FOS

En voyant les maîtres de forge lorrains quis'apprêtent à supprimer 12.000 emplois dansleur région, erre d'importantes parties prenan-tes par le canal de la Solmer dans l'opérationFos, on est tenté de réciter le vieil adage :« Ce qui fait le malheur des uns fait lebonheur des autres. » La méthode qui consisteà déshabiller Pierre pour habiller Paul illustrecurieusement le concept de la nation-amitié !Mais est-il seulement certain que l'Etat bureau-cratique, en reportant ses faveurs sur l'étangde Berre après avoir longtemps «chouchouté»le Nord et la Lorraine, fera le bonheur desProvençaux ?

Le Pouvoir, en décidant de fonder un pôleindustriel à Fos, a voulu créer dans le Midisous-industrialisé un centre d'entraînement ré-gional. Le projet prévoit l'implantation d'uncomplexe industriel reposant sur la sidérurgie,la pétroléochimie, les industries mécaniques, ledéveloppement portuaire de l'étang de Berreet de Port-Saint-Louis. L'urbanisation des rivesdoit aboutir à la naissance d'une «ville nou-velle de l'étang de Berre», partagée entre lesquatorze communes riveraines dont la popula-tion, actuellement de 140.000 habitants, de-vrait passer à 220.000 en 1980 et à 1.000.000d'habitants en l'an 2000.

Le schéma d'aménagement de l'étang deBerre veut éviter les aberrations de l'urbanisationen région parisienne et ne pas trop éloignerles lieux d'habitation des lieux de travail etde loisirs. 11 veut enfin mettre en place unréseau de moyens de transports qui relieraitles parties de la zone aménagée entre ellesainsi qu'aux villes voisines (Marseille, Aix, Avi-gnon).

UNE OPÉRATION HASARDEUSE

Nous n'avons rien, a priori, contre une opé-ration de restructuration d'une région proven-çale qui en a bien besoin. Il reste simplementà savoir si l'opération est rentable. On calculeque la création des 3.000 premiers emploisindustriels pour la période 1971-1975 va revenirà 93.000 F la pièce, ce qui est énorme. Cettedépense se justifiera seulement si la valeurajoutée créée est en rapport avec elle et si,de proche en proche, Fos relance l'activitéindustrielle dans le Sud-Est et le Languedoc.Or, pour que ce dernier phénomène se réalise,il faudrait relier la zone de Berre à son arrière-pays et plus encore, à l'axe rhéno-rhodanien.Il y a bien dans ce domaine l'autoroute Lille-Marseille et l'oléoduc Martigues-Karlsruhe, maistous les projets de liaison par voie d'eau sontau point mort actuellement. Ne risque-t-on pasdans ces conditions de créer une prospéritéartificielle dans un secteur limité, suivie aubout de quelques années d'une crise aussi graveque celle qui affecte la Lorraine ?

De plus, on peut craindre que les intentions« humanistes » affichées par les promoteurs del'opération en matière d'urbanisme, n'aillentpaver l'enfer d'une nouvelle ville caserne. Laresponsabilité de l'aménagement de l'étangde Berre est en effet partagée entre septorganismes : Préfecture régionale, Mission éco-nomique régionale, Service régional de l'Equi-pement, Direction départementale de l'Equipe-ment des Bouches-du-Rhône, O.R.E.A.M. - Mar-seille-Berre, Port autonome de Marseille, Mis-sion d'aménagement des rives de l'étang deBerre. Autrement dit, les responsabilités admi-nistratives sont diluées et permettent la prisede décisions absurdes sans qu'aucun contrôlene soit vraiment possible.

Face à l'administration, les quatorze munici-palités se présentent en ordre dispersé. Lescommunistes, implantes à Martigues, Port-dé-Bouc, Port-Saint-Louis et Saint-Mitre, exercentdes pressions pour que les équipements socio-éducatifs — si pratiques pour la propagande —soient privilégiés. Quant au maire de Fos(ex-U.D.R.j, il s'oppose, de peur de voir sacommune polluée, à une trop grande industria-lisation de la ville.

Et l'on touche du doigt la contradiction ma-jeure du projet : ou bien l'on sépare les lieuxd'habitat des lieux de travail et l'on retombedans le modèle parisien : villes-dortoirs et pro-blèmes de transport insolubles. Ou bien l'ondissémine les industries dans l'ensemble de lazone à urbaniser et l'on risque de dégradertotalement l'environnement. Maurras s'élevaiten 1952, contre la pollution de l'étang de Berre.Depuis, la situation ne s'est pas arrangée et ledéveloppement industriel de la région risquede faire atteindre à la pollution un seuil ca-tastrophique.

Par ailleurs, quand on sait comment le Parcde la Vanoise a été traité, on ne peut quefrémir de voir la Camargue si proche de laville nouvelle. Son industrialisation serait undésastre écologique monstrueux.

Plutôt que de créer un pôle industriel d'unmillion d'habitants à deux pas de Marseille etde répéter les erreurs du Nord ou de la Lor-raine, n'aurait-il pas mieux valu développer lesnombreuses villes moyennes de la vallée duRhône et de la Durance ? «Oser imaginerautre chose que ce qui existe», critiquer leserreurs du passé, cela suppose une mémoire etune intelligence de l'histoire que ne possèdeguère la Femme sans tête.

Christian DUJARDIN.

N A F T E L E X N A F T E L E Xpays à même d'affronter la crise mondiale.Dans la foulée il dénonce avec pertinencel'absurdité du système enseignant, le rôlemarginal laissé aux salariés « techniquementéclairés » dans le système de production,le caractère bureaucratique de l'Etat. Il serange délibérément dans le camp des « fousqui veulent changer le monde ». S'il s'agitde détruire un « ordre » social parfaite-ment inhumain, d'accord ! Mais l'anciencofondateur (aux côtés de Sartre et Ca-mus) du Rassemblement Démocratique Ré-volutionnaire ne rêve-t-il pas encore detranscender et de nier la nature humaine ?« ENSEIGNEMENT : Venant après l'af-faire de Paris-Vil, le refus du Conseil na-tional de l'Enseignement et de la Recher-

che de répartir entre les Universités dessubventions de fonctionnement et des créa-tions de postes d'enseignants jugées insuf-fisantes, illustre la contradiction entre lesincidences financières de la politique dedémocratisation de l'enseignement et lesimpératifs budgétaires joints à une près-sion de l'opinion qui considère l'enseigne-ment actuel comme une machine à gas-pillage.

« DINGO-NAZISME : «... Aucun hommene peut échapper à ce qui est inscrit dansses gènes... » «... Hermann Goering avaitun Q.I. (quotient intellectuel) de 184 », (lamoyenne des gens intelligents étant de148)... Ces propos ne sont pas extraits

comme on pourrait le croire, d'une lettrede Rudolph Hess à Lucien Rebatet maissont tenus par les jeunes dirigeants et sup-porters de la revue Nouvelle Ecole (dixmille abonnés) qui, remarquablement pré-sentée, reprend sous une forme « scienti-fique» les élucubrations génético-racistesde Hitler et se réclame de Nietzsche. LeGroupement de Recherche et d'Etude pourla Civilisation Européenne (G.R.E.C.E.) quien est l'émanation, a obtenu les cautions deLouis Rougier et de Louis Pauwels etsemble obsédé par les questions d'eugé-nisme. Aux dernières nouvelles son secré-taire général, Jean-Claude Valla, étudie-rait comment faire pour avoir un enfantayant le pied bot... comme Goebbels...

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La CitéCE QUE CACHENT LES SCANDALES IMMOBILIERS

II n'est pas facile aujourd'hui d'être« dans l'immobilier ». C'est tout juste sion ne charge pas les concierges ou lestraceurs de plans d'architecte de tous lespéchés d'Israël sous prétexte que les loge-ments sont trop chers et que les scandalessemblent fleurir dans la branche immobi-lière.

Pourtant, la mauvaise presse de l'Immo-bilier ne date pas d'hier et dans l'histoirela plus reculée, tous ceux qui ont entreprisla bizarre profession qui consiste à essayerde gagner sa vie en satisfaisant le trèshumain besoin de se loger, ont toujoursété considérés comme des gens peu recom-mandables, des escrocs ou des aigrefins.Le constructeur des « insulae » romaines,comme le promoteur immobilier, ont étéen butte à la suspicion de leurs conci-toyens et servi de boucs émissaires auxgouvernements de tous ordres pour satis-faire leurs besoins de publicité et étoufferbien d'autres scandales, tout aussi juteuxmais moins aptes à toucher le public. Cepublic en est d'ailleurs arrivé à peu prèsà saturation et il va bientôt falloir trouverd'autres hochets à offrir à l'opinion publi-que : le « Point du Jour » avait choqué, laGarantie Foncière ne remue guère que lesépaules du bon peuple. On a pourtant toutessayé : projeter le faisceau du scandalesur l'immobilier, sur l'économique, sur lepolitique, mais sans jamais parvenir à émou-voir outre mesure l'Opinion. La ficelle estusée.

Il y a pourtant dans ce domaine unobjet de scandale, mais, là comme ailleurs,en accusant les promoteurs, on essaie deprotéger le véritable coupable : le capita-lisme démocratique libéral et son imper-turbable souteneur la République, qui sanslui ne serait rien.

Oui, se loger coûte cher. Oui, certains sebâtissent des fortunes en construisant. Oui,on ne fait plus de beaux immeubles fderapports ?) en pierre de taille. Oui, lesfaillites ne se comptent plus dans l'indus-trie du bâtiment. Mais il convient de voirbien au-delà de ces apparences et essayer dedégager quelques lignes directrices d'uneexplication de cet état de fait.

On peut dire que le prix d'un logementest la composante du prix du terrain, duprix de la construction et du prix de l'ar-gent. Or que voit-on ? Aucun de ces troisprix n'est stable et ces variations des coursfont que les promoteurs, pour se garantir,sont obligés de prévoir une marge de sécu-rité importante. La spéculation foncière oules charges de récupération de terrainsanciennement bâtis font que sur un appar-tement « social » de 120.000 F, 35.000 F sontutilisés pour payer le terrain et son amé-nagement. Et ce terrain doit être achetéavec des financements à court ternie de 10à 15 '%. Malgré la forte proportion d'ou-

vriers immigrés à faibles salaires, les prixde la construction montent constammentsans que le constructeur soit à l'abri d'unefaillite de se? entreprises ou d'autres contre-temps du même ordre. Pour tout arranger,il faut signaler l'extrême célérité et la re-marquable souplesse d'esprit que met l'Ad-ministration à instruire les dossiers depermis de construire, de prêts ou d'autori-sations diverses, alors même que les chargess'accumulent. Quand on voit tout cela, oncomprend un peu mieux l'augmentationconstante du prix des logements.

Mais on dira alors : puisqu'il y a tantde promoteurs, c'est qu'ils « font leurbeurre » ! C'est parfois vrai, et quand çal'est, les profits sont importants. Mais c'estquand même beaucoup plus rare que « cequ'un vain peuple pense ». Beaucoup d'en-treprises ne travaillent que pour trouverdu travail et payer leurs dettes, le bénéficeéventuel n'étant qu'un peu de beurre sur latartine. Les promoteurs lancent des opéra-tions en priant bien fort pour que ça réus-sisse. Certains aident la chance. Ils sontpunis (ou non), mais qu'est-ce que celachange ? Un ou cent promoteurs en prison,cela n'empêchera pas les terrains de monter,les banques de s'enrichir en pratiquant destaux d'intérêt usuraires (l'Immobilier, c'estrisqué !), ni l'Administration de ronronner.

Et pourtant, on peut envisager quelqueséléments de solution.

Bien des raisons de l'instabilité du mar-ché du logement sont inhérentes au sys-tème économique et social dans lequel noussommes. On ne peut donc prétendre toutrésoudre dans l'immédiat, mais on peuttendre à adoucir une partie des causes decette instabilité.

On parle beaucoup de spéculation fon-cière et c'est bien un des points les plussensibles du malaise. Les terrains sont lacondition même de toute activité de cons-truction et, devant une demande désordon-née, les prix grimpent de façon vertigi-neuse. Dans l'état actuel des réglementationset du marché, il est difficile de maîtrisercette inflation. L'Etat la dénonce mais n'agitguère : la hausse du prix des terrains, parle jeu de l'imposition sur les plus-values,les droits de mutation, etc, lui profitentplus encore qu'aux propriétaires. La totaleinorganisation du marché fait que le niveaudes prix est totalement aberrant et anar-chique et explique l'attrait que suscitentles terrains agricoles. Lorsque un promoteurachète du terrain en agglomération à 100 Fle mètre carré, il est obligé de monter aumaximum les bâtiments ou de les vendretrès cher. De plus, sa rentabilité est limitéepar les faibles superficies disponibles. Il estlogique alors qu'il lorgne vers la cam-pagne ! Mais bâtir des villes en pleinchamp revient aussi très cher puisque leterrain agricole suppose des investissements

en infrastructure considérables alors mêmeque le prix du terrain nu n'est déjà plusnégligeable (5 à 18 F le mètre carré) pourles terrains bien placés. Dans ce cadre, lasolution qui s'impose fait hurler les libé-raux. Sans aller jusqu'à municipaliser lessols, il faut au moins que les transactionsaient lieu dans le cadre de prix déterminépar une Administration des Domaines, con-trôlée par la région, ce qui éviterait queles collectivités locales, en concurrence avecun promoteur privé pour l'achat d'un ter-rain, ne soient obligées de recourir à l'ex-propriation.

Une deuxième mesure permettrait de« moraliser » le marché : il s'agirait de con-cilier les corps intermédiaires et les collec-tivités locales avec le capital privé. Cetadoucissement du capitalisme existe : ce sontles Sociétés d'Economie Mixte de Cons-truction, qui sont spécialisées dans lelogement social non H.L.M. Mais l'Admi-nistration semble les considérer plus sévè-rement que les sociétés purement capita-listes et s'entête à leur mettre des bâtonsdans les roues. Ainsi, elles sont tenues derecourir à l'expropriation par voie de Dé-claration d'Utilité Publique pour pouvoiracheter les terrains au prix accepté par lesDomaines, prix en général raisonnable maislargement dépassé par les promoteurs pri-vés. De plus, on met à leur charge unmaximum d'équipements publics. C'est leurvocation et elles n'y rechignent pas, maisl'inégalité dans la concurrence et le mau-vais vouloir de l'Administration font queles prix qu'elles peuvent pratiquer, malgréune vente au prix de revient, ne sont passensiblement inférieurs aux prix du secteurprivé. Il y a là une inconséquence certainedans laquelle la politique gouvernementalea une très grande responsabilité. Si ce sec-teur si intéressant de l'économie était mieuxsoutenu, la concurrence obligerait le sec-teur privé à une surveillance plus strictede ses prix et chacun y retrouverait soncompte, à commencer par l'acquéreur. Qu'onne parle pas là de dirigisme puisque lesecteur public est représenté par des collec-tivités locales et non par l'Etat.

Il est urgent d'autre part que ces collec-tivités locales aient la possibilité de con-trôler les constructions entreprises sur leurterritoire. La réglementation actuelle per-met d'imposer aux promoteurs une parti-cipation importante aux travaux communauxpar l'intermédiaire de la Taxe Locale d'Equi-pement. Mais il existe, en dehors de cettecontribution fiscale qui n'a d'intérêt directque financier, la procédure de Z.A.C. Le nommême de Zone d'Aménagement Concertémontre bien la philosophie qui est à labase de ces zones : la participation descollectivités locales à l'urbanisation et audéveloppement de leur territoire. On peutainsi arriver à organiser, orienter, planifier

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en miettesl'urbanisme des communes et des départe-ments en adaptant parallèlement l'équipe-ment public. Le dossier de Z.A.C. repré-sente un tableau de bord où sont intégréestoutes les données du problème (juridiques,techniques, financières, etc.) et que la col-lectivité locale doit approuver. Si la Z.A.C.est réalisée par une Société d'EconomieMixte, la collectivité locale, en entrant danscette société, devient le véritable maître del'ouvrage, constamment tenue au courant dudéveloppement du projet sur lequel elle estappelée à veiller. L'idée de l'aménagementconcerté est donc très riche et permet unelutte efficace contre l'urbanisme sauvage sisouvent (et justement) décrié. Encore fau-drait-il que cette procédure ne soit pas pluscompliquée que les autres et que l'Admi-nistration cesse de juguler et de brimerpar sa méfiance et ses lenteurs des collec-tivités locales tenues en laisse et constam-ment réduites à mendier des crédits.

Les cadres d'une humanisation de l'ur-banisme et du logement existent donc bien,niais ils exigent que soit revalorisé le rôledes corps intermédiaires et des collectivitéslocales et limité celui de l'Administrationcentrale. Seule la collaboration franche del'activité privée avec les représentants del'intérêt général permettra de résoudre aumieux les problèmes qui se posent auxconstructeurs, aux communes et aux habi-tants. Une telle solution exclut le libéra-lisme qui met l'économie en général, laconstruction en particulier, sous la coupedes puissances d'argent. Elle est égalementcontradictoire avec le système bureaucra-tique actuel qui alourdit les procédures et,en diluant les responsabilités, permet auxmêmes puissances d'argent d'obtenir defructueuses dérogations à des législationsaussi draconiennes qu'inopérantes. Malheu-reusement, libéralisme et bureaucratie sontles deux avatars successifs de la démocratie.Alors, on risque d'attendre longtemps dansle cadre politique actuel une « moralisa-tion » du marché immobilier.

Marius BRÉMOND.

ACTION FRANÇAISERestauration nationale

édité par S.N.P.F.17, rue des Petits-Champs,Paris-1er - Tél. : 742-21-93Abonnement : 35 francs.G.C.P. NAF, Paris 642-31Directeur de la publication :YVAN AUMONT

Imprimerie Abexpress72, rue du Château-d'Eau, Paris-10"

POUR UNE URBANISATION HUMAINEL'urbanisation est, sans aucun doute,

l'un des phénomènes de notre société con-temporaine le plus difficile à maîtriserpar la tentation que l'on éprouve instincti-vement de s'en tenir à ses aspects exté-rieurs auxquels les Français sont aujour-d'hui particulièrement sensibles.

S'il est donc illusoire de penser quel'on puisse énumérer en quelques lignesles solutions et les remèdes qui s'imposentface à l'une des questions les plus angois-santes de la fin de ce siècle, du moinspeut-on commencer par définir les princi-pales caractéristiques et tendance de l'urba-nisation actuelle, ainsi que les limites danslesquelles doivent s'inscrire nos inquiétu-des en la matière.

LES CARACTÈRESDE L'URBANISATION...

La quasi-irréversibilité des choix qui dis-tingue l'urbanisation des autres secteursest certainement l'aspect le plus dramati-que du phénomène et le plus communé-ment ressenti par les citoyens.

Cette caractéristique originale de l'urba-nisation se manifeste généralement sousdeux formes complémentaires : d'une partla disparition des sites naturels, par défi-nition impossibles à recréer, d'autre partl'introduction sur un espace donné d'ou-vrages difficilement destructibles. Béton,acier, asphalte donnent un visage nouveauau site disparu ; en d'autres termes c'estl'avancée de ce qu'on appelle « la maréegrise ».

Par ailleurs, la grande majorité des spé-cialistes de ce problème s'accorde à recon-naître que l'urbanisation n'est pas spéci-fiquement « affaire de moyens » mais es-sentiellement de décisions.

Ce sont ces décisions qui entraînerontla réussite ou l'échec de la gigantesque mu-tation urbaine actuellement enclenchée, cefont ces décisions qui détermineront lenouveau cadre de vie de l'ensemble de lasociété, ce sont ces décisions qui impose-ront à la France son visage de demain.

Troisième caractéristique que chacun peutconstater : l'évolution continue du phéno-mène de l'urbanisation depuis de nom-breuses années déjà. Initialement limitéeaux grandes agglomérations, l'urbanisationconcerne aujourd'hui peu ou prou la to-talité du territoire. Les villages les plusisolés en sont désormais tributaires, ainsique le montrait une enquête menée enBretagne par l'O.R.T.F. il y a quelquesmois.

... ET SES TENDANCES

A la suite de ces premières remarques,il convient d'évoquer rapidement les ten

dances « naturelles » de l'urbanisation mo-derne, tendances qui, selon M. JacquesRiboud (1), consistent à «bourrer les vil-les ou à bourgeonner à leur périphérie ».C'est, en effet, la solution de facilité caril est autrement plus commode de cons-truire intra muros, sur un emplacementresté libre ou préalablement dégagé, que des'implanter à distance de l'agglomération« en plein champ ».

A l'extérieur de la ville il faut créer,aménager et équiper un véritable « espaceurbain », alors qu'il est plus simple deconstruire à proximité ou dans le prolon-gement d'une voie préexistante.

Sur le plan financier, l'entreprise estjugée moins hasardeuse en agissant de lasorte, même si le prix du terrain est con-sidérablement plus cher.

Les conséquences de cette tendance sontbien connues. Pour les agglomérations importantes on moyennes, c'est la création dequartiers sans vie, où les problèmes detransport, d'écoles, d'espaces verts sonttrop souvent ignorés. Au mieux, s'il s'agitde constructions au centre des villes, onassiste à l'introduction d'immeubles et debâtiments à l'architecture inadaptée dansdes ensembles de style différent, voir op-posé.

Pour les petites agglomérations, où le« bourrage » est plus complexe à réaliser,la tendance au « bourgeonnement » est encore plus forte et c'est l'encerclement desvillages et ses bourgs par une ceinturede blocs trop fréquemment inesthétiques etsans âme.

Il existe, d'autre part, une certaine com-plicité entre les promoteurs et leurs four-nisseurs fonciers.

Leurs intérêts se rejoignent car les four-nisseurs, comme d'ailleurs l'ensemble dela population active de la ville, craignentla possibilité de concurrence qui se feraitjour avec la création d'un centre urbainnouveau et distinct. Cet état d'esprit estparticulièrement flagrant lorsqu'un projetde déviation routière est rendu publique ;l'opposition des milieux commerçants estd'autant plus vive si l'on parle de ferme-ture de rues à l'automobile privée. Réac-tions d'hostilité sans fondements commel'a démontré la récente expérience de dé-congestionneraient de la circulation ten-tée à Marseille pendant vingt jours.

Ces tendances sont d'autant plus gravesque le gouvernement et l'administration,étroitement dépendantes de l'opinion, son-gent plus à soulager qu'à guérir.

L'inéluctabilité d'une telle situation estcependant loin d'être évidente, bien au con-traire.

Au sein du spectacle affligeant qu'offrel'urbanisation actuelle, il existe néanmoins

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Urbanisation (suite de la page 5)des exemples de réussite qui méritent d'êtrementionnés.

« Certains architectes, écrit M. J. Ri-boud, ont montré que l'on pouvait créerdes formes agréables qui plaisent à la foulequi soient dotés d'une certaine fantaisie. »Citant l'exemple de Sarcelles, l'auteur enretient la majesté et le caractère qui « sai-sit l'imagination ».

Quelques cités ont fait preuve de cou-rage en refusant de transformer leurs cen-tres en des ensembles anarchiques et hi-deux : Avignon, Aix-en-Provence, Caen,Evreux — entre autres — ont témoignéd'une volonté réelle de préservation archi-tecturale.

Ailleurs, on a vu naître des communesnouvelles, surgies du néant, illustrant par-faitement le souci que certains ont de vou-loir innover sans enlaidir. Des architectesaux styles très différents comme Jean LeGoûteur ou François Spoerry, ont réalisédes œuvres qui s'inscrivent dans une ligneoriginale mais qui tient compte d'un pland'ensemble et des volumes où la mesure del'homme est respectée.

Nous sommes loin ici des grands empi-lages en dominos : pour François Spoerry,l'architecte de Port-Grimaud, « tournéesvers la mer, conçues en fonction du cli-mat, du soleil, du vent et de l'esthétique,les maisons sont en accord avec la natureet la lumière... La ville moderne se cachesous le charme humain d'une ancienne ci-té » (2).

De son côté, Jean Le Couleur (3) en-tend rompre avec la médiocrité généraleen tentant de « procurer un environnementà l'échelle humaine et une architecturesans prétention et sans complexe, qui pro-fite de tous les éléments de confort denotre époque mais qui s'intègre au paysa-ge et se souvient du caractère spécifique desvillages » de chaque région.

Ces choix demeurent malheureusementle fait d'une minorité encore isolée etdont les réalisations font figure d'excep-tions. Or, l'urbanisation est incontestable-ment la « grande affaire » des années à ve-nir, les conditions de vie de millions deFrançais dépendront de l'orientation quisera donnée à la manière dont on conce-vra la construction et l'aménagement ur-bain de demain.

Cette « grande affaire » est la nôtre :nous ne nous contenterons pas d'en être lestémoins passifs. « Tout est politique », nousrappelait dernièrement Pierre Debray, lafaçon de faire les maisons aussi.

F. O'DRISCOLL

(1) Revue Politique et Parlementaire,n° 824.

(2) Le Monde, 18-9-1971.

(3) Architecte de Cap d'Agde.

LES EQUIVOQUES DE L'ENTENTE CORDIALEA l'issue de la visite à Londres de

Maurice Schumann, un communiquécommun franco-britannique a annoncéque la coopération entre les deux paysserait accrue : les études du tunnel sousla Manche vont être accélérées, l'ensei-gnement du français en Angleterre etde l'anglais en France intensifié, lalutte en commun contre la drogue per-fectionnée. Pour couronner le tout, Eli-sabeth II viendra à Paris en visite offi-cielle au printemps prochain.

La presse, la radio et la télévision sesont félicitées de ce renouveau de l'en-tente cordiale. On n'a pas manqué de^ re-lever qu'en se rendant pour la deuxièmefois au cours de son règne en visiteofficielle dans notre pays, la reine en-freignait le protocole pour nous faireune faveur. Et les midinettes ainsi quela très anglophile Mme Lazurick, del'Aurore, se pâment d'aise. Quant à Mau-rice Schumann, il se voit déjà passantà l'Histoire comme un second Delcasséet dans son euphorie, se sent capablede tout... y compris de faire l'éloge duparachutisme.

ANGLETERRE: UNE VOLONTÉPOLITIQUE

C'est bien justement la référence àl'Entente Cordiale qui nous inquiète leplus. L'idée de rechercher du côté deLondres un contrepoids à la puissanceallemande n'est pas plus absurde en1971 qu'elle ne l'était en 1906. Encorefaut-il que cette alliance ne soit pasune vassalité. Est-ce le cas en l'occur-rence ?

Notons que la Grande-Bretagne, ense rapprochant de l'Europe en général,de la France en particulier, obéit uni-quement à des considérations dictéespar son intérêt national.

Au lendemain de la seconde guerremondiale, la puissance anglaise a étéconsidérablement amoindrie. Churchill,le « Lion britannique », avait su faireface avec courage à Hitler mais il n'apu empêcher les U.S.A. et l'U.R.S.S. dese partager le monde à Yalta où il jouale rôle de comparse, pas plus qu'iln'avait réussi à imposer à Staline etRoosevelt ses conceptions stratégiquesdurant la guerre. C'est tout juste s'il apu, malgré les réticences américaines,jouer sa carte en Grèce et empêchercelle-ci de passer au communisme.

Depuis 1945, les U.S.A. ont d'ailleurstout fait pour affaiblir leur anciennemétropole : ils l'ont colonisée économi-quement et l'ont plus ou moins forcée— avec la complicité des travaillistesau pouvoir de 1945 à 1951 — à liquiderson empire. De leur côté, les Britanni-ques ont joué pendant une quinzained'années la carte américaine en espéranttirer un profit du rôle de brillant se-cond des U.S.A. L'affaire de Suez (mal)engagée par Eden, fils spirituel de Chur-chill, et Guy Mollet, est la seule tenta-tive pour jouer un jeu personnel de lapart de la diplomatie britannique du-rant cette période.

Cette fidélité de caniche à l'OncleSam a été en fait très mal récompensée.Les Américains se sont accoutumés àtenir l'Angleterre pour quantité négli-geable. Sous Kennedy débute la politi-que de marchandage planétaire avecl'U.R.S.S. L'entrevue de Camp David en1961 est un tête à tête Kennedy-Khrou-chtchev. L'affaire de Cuba, l'année sui-vante, se termine par le retrait desfusées russes de l'île contre liquidationdes bases de l'O.T.A.N. en Turquie.Les quatorze autres membres de l'Al-liance atlantique n'ont pas été consultés,pas plus l'Angleterre que le Luxem-bourg.

Les hommes politiques britanniquesont fini par comprendre et à partir de1961, jouant la carte du rapprochementavec les pays continentaux, le conser-vateur Mac Millan réclame l'entrée dela Grande-Bretagne dans le MarchéCommun alors que son pays avait boudéen 1957 le Traité de Rome. Entre 1961et 1967, les trois partis britanniques sontpris en main par le clan pro-européen.Le revirement de M. Wilson à cet égardne doit pas faire illusion : il est pure-ment circonstanciel et dicté par la né-cessité électorale de ménager les syn-dicats.

En entrant dans le Marché Commun,en multipliant les sourires aux Français,les Anglais cherchent donc avant toutà s'émanciper de la tutelle américaine.Et nous, que cherchons-nous ?

FRANCE : UNE DIPLOMATIED'IDÉOLOGUES MOUS

Un Etat soucieux de l'intérêt fran-çais pourrait sauter sur l'occasion pour« manœuvrer et grandir » : en imposantses conditions économiques aux Britan-niques, en matière agricole notamment,la France serait à même d'éviter lesdangers d'une concurrence des produitsdu Commonwealth et pourrait utiliserl'alliance britannique pour faire pièceà Bonn et à Washington.

Malheureusement la diplomatie fran-çaise n'est pas dictée par l'intérêt na-tional : hier, de Gaulle, par ressenti-ment, et pour cultiver l'image de mar-que d'un Don Quichotte défenseur dela nation, jouait les tranche-montagnesavec les Anglais au moment même oùceux-ci furieux contre les Américains,auraient pu être des aides précieuxpour imposer aux U.S.A. un partage dupouvoir au sein de l'O.T.A.N... et lacommunication des secrets atomiques.Aujourd'hui, le clan des Yes et celuides idéologues européistes (Schumanncompris) vont rétrécir face aux Anglaisla marge de manoeuvre du César aumenton mou qui siège à l'Elysée. Ladeuxième entente cordiale risque fortd'être dans ces conditions — tout com-me la première — la pire des combi-naisons pour la France, d'autant plusmauvaise qu'elle sera une contrefaçond'un jeu diplomatique qui aurait puêtre fructueux.

Paul MAISONBLANCHE.

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La Walkyrie àl'Opéra

La direction de l'Opéra avait choisi laWalkyrie en spectacle de réouverture. Secondvolet de la tétralogie, cette œuvre marquantede Richard Wagner venait de franchir lesmille kilomètres qui nous séparent de Bayreuthpour nous être livrée dans sa version intégrale.Les Parisiens ont donc pu profiter de l'originalemise en scène de Wieland Wagner : extrême-ment dépouillée, celle-ci présente dans les deuxpremiers actes un décor de fond de scène et,au troisième acte, le plateau nu. Il faut penserque pour le créateur, les véritables décors sontdes jeux de lumière et les expressions corpo-relles, méthode qui a marqué aussi bien lethéâtre lyrique que le théâtre parlé.

L'aspect philosophique, un sens aigu dudésincarné et de l'atemporel, sont inséparablesde l'esprit de Wieland Wagner ; ce qui semblecorrespondre aux «visions» du compositeur.Renforcée par le couple principal, Régine Cres-pin et Ernst Kozub, cette impression ne s'es-tompe pas durant les trois actes, même si,par moments, l'interprète de Siegmund faitpreuve d'une certaine gaucherie. Ajoutons à sadécharge qu'il donne la réplique à une grandewagnérienne, et qu'à aucun moment il ne dé-truit l'homogénéité de la distribution. Seull'orchestre, dirigé par L. von Matacic, netransmet pas l'envoûtement si caractéristiqueà Bayreuth. Violons trop secs, cuivres tropsonores, lui ôtent cette sensation de fonduqu'une bonne disposition au fond de la fosserecréerait.

Malgré cette restriction, espérons que l'Opéradonnera, au cours de l'hiver, d'autres «soirées»wagnériennes.

Anne RICHARD.

Léon Daudet politiqueEnfin une étude sur Léon Daudet qui nous

fait grâce des habituels clichés sur « le-bon-vivant», « le-redoutable-polémiste », « le-trucu-lent-orateur», etc. Appuyé sur une documen-tation considérable, le livre de Jean-NoëlMarque nous permet de découvrir l'essen-tiel de l'homme et de son œuvre, sans quejamais la sympathie que l'auteur éprouve pourson sujet ne devienne complaisance.

Homme profondément intelligent et auxintuitions étonnantes, même si son tempéramentle portait parfois à faire des «exagérations àla Léon Daudet» dont parlait Maurras et cesjugements un peu rapides qui l'ont fait accuser— à tort en fin de compte — d'être superficiel,il a contribué de façon importante au déve-loppement de l'Action Française. Non par unapport substantiel aux idées royalistes, mais,comme le montre J.-N. Marque, par son talentde journaliste de combat qui en fait «l'exploi-tant idéal des constructions des théoriciens »,par sa faculté de susciter les enthousiasmes etsurtout parce qu'il faut, au sein de l'ActionFrançaise, «le reflet et le porte-parole» de laclasse moyenne. Thèse tout à fait juste, maisqu'il aurait peut-être fallu développer pluslargement. En tout cas, on ne pourra plus dé-sormais prétendre connaître Léon Daudet sansavoir étudié ce remarquable travail.

B. R.

LES FILMS DE LA SEMAINEC'est une semaine bien quelconque que celle

qui s'offre à nous. Deux jeunes réalisateursfrançais, Gérard Blain et Claude Mulot, se dis-putent la vedette. Le premier, ancien acteur— on se souvient de son rôle dans « Les cou-sins » de Claude Chabrol — ne parvient pasà trouver le ton juste qui pourrait faire échap-per un scénario sans intérêt à la platitude.Banale critique des filles et fils «à papa»,« Les Amis » n'est pas servi par une bonne inter-prétation. Les deux acteurs principaux ont unjeu falot et faussement pudique, qui trahit unvide certain fortement accentué par l'inconsis-tance des personnages. Philippe March, indus-triel blasé à l'âme généreuse, Yann Favre, son«ami», pauvre petit garçon qu'un mauvaissort a fait naître dans un milieu «modeste»,Nathalie Fontaine, jeune sainte-nitouche de luxe,font partie d'un univers conventionnel auquelseuls peuvent échapper le véritable ami, Jean-Claude Dauphin, et son indéniable sensibilité.Tout le monde n'a pas le talent d'Eric Rohmer !

Claude Mulot non plus, qui pourtant proposeun film plus intéressant, «La Saignée». A mi-chemin entre le policier et le drame psycholo-gique, cette poursuite implacable ne va passans suspense. Des gratte-ciel de New York auxfalaises du Tréport, on est assez séduit par lesrapports qui s'installent entre les personnages,

car «La Saignée» serait un film banal si lemetteur en scène n'y avait traduit son osten-sible préférence pour la mentalité américaine.De là part une critique sévère des mœurs pro-vinciales, bien soutenue par le choix d'acteursinsignifiants dans les rôles de Français. Encontrepartie, les deux Américains, CharlesSouthwood et Gabriele Tinti, composent untandem «présent» et efficace. Trop de flash-back donnant un aspect «facile» à cetteréalisation, on ne peut la qualifier d'oeuvremarquante, mais plus simplement de travailhonnête, ce qui n'est peut-être déjà pas si mal.

Signalons enfin aux amateurs de cinéma muetque «La Pagode» programme en ce momentle charmant film de D.W. Griffith, "Sally ofthé Sawdust", tourné en 1926, interprété parW.C. Fields, l'inénarrable, et par Carol Demps-ter. Sans avoir la valeur incontesté© et bou-leversante de « Naissance d'une Nation », cen'est pas une partie inintéressante de l'œuvrede Griffith. Au charme de Carol Dempster,une de ses deux actrices préférées avec LilianGish, s'ajoute la drôlerie de W.C. Fields. Maisil faut surtout noter le soin particulier que leréalisateur américain met dans les détails etregretter que l'on n'ait pas adjoint un fondmusical discret à ces attrayantes aventures.

Dominique PAOLI.

R E U N I O N SC O N F E R E N C E S

PARIS IXe - XVIIIe

Permanence (étudiants et adultes) :tous les mardis, 21 heures, café « LeCarrefour », 99 bis, rue Ordener, Pa-ris (18").

PARIS XVIIe - VIIIe

Mardi 17 heures, Brasserie «Royal-Monceau » (métro Villiers).

AIX-EN-PROVENCEPermanence tous les jeudis de 17 à18 heures, au café « Le Mazarin »,cours Mirabeau.

AUBEConférence de Bertrand Renouvin :« La Nouvelle Action Française »,chez M. Bernard Breuzon, à la Mai-son du Champagne, Colombey-le-Sec.Le samedi 20 novembre 1971.

BORDEAUXJeudi de 17 h 30 à 18 h 30 (perma-nence), et de 2i heures à 22 h 30(cercle), Café Français, place Pey-Berland.Pour tous renseignements, écrire àJ.-J. Boisserolle, B.P. 37, 33 - Bor-deaux (01).

CHARLEVILLE-MÉZIÈRESReprise des activités, prendre con-tact pour les permanences avecJ.-P. Helluy, 34, rue Porte-de-Boulo-gne, 08 - Charleville-Mézières.

DOUAIMercredi 24 novembre : Gérard Le-clerc. « La N.A.F., tradition et pro-grès ».

LILLE— Jeudi 14 heures, Bar du Nord,

Grand'Place, Lille, pour les étu-diants et la Fédération U.N.L.A.C.du Nord (Responsable : M. Vanden Bussche, 25, rue du Bois,59-Lille).

— Samedi 17 heures à 19 heures,même adresse, pour l'ensemble dela section.

RENNESPermanence étudiants tous les jeudisà 16 heures, au local, 16, rue de Châ-

teaudun (sous le porche).

RENNES16 décembre : conférence de Me G.-P.Wagner, président du Comité direc-teur de l'A.F. « La Nouvelle ActionFrançaise : Tradition et Progrès. »

TOULOUSERéunion de rentrée le 27 novem-bre à 16 h 30, dans les salons duGrand Hôtel, 31, rue de Metz,sous la présidence de Jean Tou-blanc, membre du Comité Directeurde l'Action Française, responsablenational de la propagande.

TOULONMercredi i" décembre : Gérard Le-clerc. « La N.A.F., tradition et pro-grès ».

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L'ACTION FRANÇAISE ET LA" REVOLUTION NATIONALE "

Décidément, les ouvrages consacrés àl'Action française se multiplient depuisquelques semaines. Après le livre de Jac-ques Paugam, après celui de Jean-NoëlMagne sur Léon Daudet, voici que paraîtune étude sur « Les origines doctrinales dela Révolution nationale» (1). Son auteurn'est pas n'importe qui, puisqu'il s'agitde M. Olivier Wormser, gouverneur de laBanque de France. Ce qui ne nous empê-chera pas de dire combien son livre, aumoins dans la partie qui concerne l'A.F.,est contestable. M. Wormser tente en effetde démontrer que la doctrine de la « Révo-lution nationale » est tout simplement cellede l'Action française, en s'appuyant sur deuxpreuves : d'une part la composition maur-rassienne de l'équipe de Vichy, d'antre partla concordance entre les thèses de « l'En-quête sur la Monarchie » et les discoursdu maréchal Pétain.

Mais le gouvernement et l'entourage dumaréchal Pétain étaient-ils vraiment truffésde militants d'Action française ? OlivierWormser cite Dumoulin de Labarthète, Ali-bert, Jacques Chevalier, René Dommange,Georges Claude et Henri Massis. Or, parmitoutes ces personnalités, seul Henri Massis,qui rédigea les messages à la jeunesse, étaiteffectivement maurrassien. Maurras avait pu-bliquement rompu avec Georges Claude,parce qu'il était devenu germanophile ; duMoulin de Labarthète était avant la guerremembre de la « Fédération républicaine » ;Louis Marin, Chevalier, Dommange et Ali-bert n'ont jamais écrit dans l'Action fran-çaise et n'ont jamais parlé dans ses réunions.Quant à Xavier Vallat, également cité parM. Wormser, il avait été membre du Fais-ceau, des Croix de Feu et du Parti répu-blicain national et social. On sait que lesmouvements de Valois et de La Rocquen'étaient guère appréciés — c'est le moinsqu'on puisse dire — par l'Action française.

Ce qui est par contre frappant, lors-qu'on examine la composition de l'équipe

de Vichy, c'est l'importance du mouvementpersonnaliste.

C'est ainsi que parmi les rédacteurs desmessages du maréchal Pétain, on relit lesnoms de Robert Loustau, ancien d' « OrdreNouveau» (2), de René Gillemin, qui étaittrès proche de la revue Esprit, de GastonBergery, l'ancien chef du « Frontisme ».D'autres représentants de ce courant depensée occupaient des postes non moinsimportants : Jean Jardin — encore unancien d' « Ordre Nouveau » — fut untemps directeur du Cabinet de Laval, etEmmanuel Mounier enseigna à l'Ecole desCadres dTJriage. Or ces personnalités pro-fessaient des idées que l'on retrouve dansles discours du maréchal Pétain : nécessitéd'nn retour au réel, répudiation de l'in-dividualisme et du capitalisme, organisationcommunautaire de la société, régionalisa-tion, économie qualitative. Sans doute, cesthème? sont également développés par l'Ac-tion française, mais le nombre des person-nalités présentes à Vichy incite à conclureque l'influence de ce courant fut beaucoupplus importante que celle de l'Action fran-çaise.

Maurras, d'ailleurs, entendit conservertout au long de l'expérience vichyssoise, uneindépendance totale à l'égard du gouver-nement. Ce qui lui permit, malgré sonadmiration pour Pétain et sa volonté dene le gêner en aucune manière, de mani-fester certaines réserves quant à la doctrineet quant aux réalisations de Vichy dans ledomaine économique et social. L'idée mêmed'une « Révolution nationale •» n'était pasacceptée sans réserves par l'Action françaisequi voyait dans le choix de ce slogan lamarque d'une complaisance — au moinsverbale — à l'égard du fascisme et dunational-socialisme (3). D'autre part, le sys-tème de représentation imaginé par Vichyet l'organisation corporative mise partiel-lement en place, étaient loin d'enthousias-mer l'Action française. Par exemple, Maur-

ras ne se priva pas de critiquer la créationdu « Conseil national » (4), organisme queM. Wormser cite curieusement comme unedes applications de 1' « Enquête ». De même,l'Action française ne se gênait pas pourcritiquer le fameux retour à la terre queThierry Maulnier qualifiait de « mythe lit-téraire » ou l'exaltation par Vichy de la« hiérarchie » dans l'ordre économique etsocial qui risquait de masquer, commel'écrivait Maurras, « l'âpre et féroce gour-mandise du fonctionnariat et des bureau-craties» (5). Quant à l'organisation éco-nomique mise en place par Vichy, Maurrasla comparait purement et simplement auxplanismes totalitaires.

Ces quelques remarques montrent qu'ilest difficile de faire de Maurras le pèred'une « Révolution nationale » dont il con-testait certains principes et de très nom-breuses applications. M. Wormser s'en seraitaperçu s'il avait parcouru les collections del'Action française entre 1940 et 1944. Enfait, la « Révolution nationale », mélangebâclé de doctrines diverses et parfois oppo-sées, ne peut en aucun cas servir d'esquissede référence pour la France d'aujourd'hui.Faussée par les conditions économiques etsociales de l'époque, cette prétendue révo-lution ne fut jamais qu'un mythe. Tous cesbeaux discours sur les « libertés » et les« communautés » masquaient le maintien dela centralisation et de la bureaucratie, l'avè-nement d'un nouvel « ordre moral » et lavolonté de la droite classique de faire de laFrance une nation agricole et artisanaletotalement anachronique — et conformeaux désirs de l'Allemagne. Triste période.

Bertrand RENOUVIN.

(1) Pion, 1971.(2) Rien à voir avec le mouvement qui

porte actuellement ce nom.(3) A.F., 30-31 mars 1941.(4) A.F., 26-27 janvier 1941.

(5) A.F., 23 juillet 1943.

Un s y n o d e c o n s e r v a t e u r« On m'a dit que ce synode avait été

conservateur. Il n'a été que catholique. »Ainsi s'exprimait à Strasbourg le cardinalDaniélou dans les conclusions qu'il donnaitau premier colloque des intellectuels catho-liques, prélude au rassembement des silen-cieux de l'Eglise.

Cette apostrophe vigoureuse apparaît com-me une réplique à l'immense concert dedésolations qui s'exprime un peu partout.Dans Hebdo T.C., Georges Montaron expli-que qu'avec le coup d'arrêt donné par l'as-semblée romaine, c'est tout le mouvementmissionnaire de l'Eglise qui se trouve brisé,ce courant qui depuis le XIXe siècle tente dert-concilier les masses et l'évangile.

Faut-il voir dans pareils propos un vraidésespoir ou une exagération journalistiquecalculée ? Il y a sûrement de l'un et del'autre. Car une chose apparaît certaine : aucours de ce troisième synode, les leaders

de ce qui était apparu au concile Vatican IIcomme la majorité, se sont cette fois retrou-vés à la tête d'une minorité. Toutes lesmanœuvres, les tentatives de retournementtentées par des organismes de l'aile libérale-bourgeoise du catholicisme, pourtant bienpourvus en moyens (d'où vient le fric ?) ontlamentablement échoué.

Le barrage pour empêcher que ne dispa-raisse la loi du célibat ecclésiastique a étémassif. La doctrine traditionnelle du sacer-doce ressort confirmée.

Nous attendrons de pouvoir étudier surpièce les documents sur la justice dans lemonde. Les débats nous ont paru tropconfus pour formuler une opinion. Pourtant,un fait nous a frappés dans ces débats :l'extrême opposition des points de vue, voiremême l'affirmation passionnée des positionspolitiques. Les évêques arabes partaientdans de vigoureux réquisitoires contre Israël,

le cardinal Slipig dénonçait la diplomatievaticane dans les pays de l'Est, les évêquesafricains dénonçaient le colonialisme, etc.On retrouvait somme toute, la politiqueconcrète dans sa rudesse et sa complexité.Peut-être certains ont-ils pu alors s'aper-cevoir qu'il était vain de se lancer dansde grandes déclarations belles et généreuses,mais absolument hors des réalités, impuis-santes à rendre quoi que ce soit.

Qu'on nous entende bien. Nous ne vou-lons pas empêcher l'Eglise de prêcher lajustice. Nous savons trop que certainesdéfaillances dans le passé ont fait le lit dela subversion. Mais la justice, pour ne pasêtre une abstraction, doit s'incarner dansdes réalités patronales, sociales, spécifiques.Il faut avoir les moyens de ses fins.

Enfin, on a beaucoup parlé de crise dela Foi dans ce synode. Mais le fait qu'unbarrage ait été dressé contre le progressismesuffira-t-il à relancer un grand mouvementmissionnaire qui serait la preuve que lacrise a été surmontée ?

Gérard LECIERC.