LA DOCTRINE CHRISTOLOGIQUE

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LA DOCTRINE CHRISTOLOGIQUE de saint Athanase. Si l'on admet l'authenticité de tous les écrits que la tradi- tion nous a transmis comme l'oeuvre certaine d'Athanase (295-373), il n'est pas douteux que le saint Docteur ait attribué l'âme humaine au Verbe incarné; il a même mis 'cette vérité en pleine lumière et l'a brillamment défendue dans deux livres composés contre l'apollinarisme (t). Mais la provenance athanasienne des principaux documents sur lesquels ce jugement est basé, est aujourd'hui contestée (2). Dans une étude publiée l'an dernier sur les écrits et la théologie d'Athanase, un auteur allemand, Karl Hoss (a), attribue, à l'illustre évêque d'Alexandrie la théorie christo- logique des Ariens et d'Apollinaire le Verbe s'est fait homme en ce sens qu'Il s'est uni à un corps humain; il tient lui-même la place de l'âme raisonnable (4). (1) Cf r. AnmmcEn, Die Loçjodehi'e des hi. Athanasins, p. 209. Miinchen, 1880. LAUCIIUST, Die Lchre des heiligen A thanasius des Gro.tsen, p. 433 et suivantes. Leipzig, 4895. C'est eu se basant sur les écrits dont l'authenticité est mise en doute, que ces auteurs prouvent l'intégralité de la nature humaine du Christ dans la ehi'isto- logic d'Athanase. (2) Cfr. polir les deux livres contre l'apollinarisrne DnAESEI<E, Zwci gegner eier Apouinarios (Cesam nielle pairistisehe UnI ersuchungen, Altona et Leipzig, 4889); leur l'ifxpositio fidei et Serve major de fide, STuaCKEN. Athanasiana, tiltS-a,'- und Doqmengeschichtlichc Untersucluingen. Leipzig. 1890 (dans .Tette und (inIe;'.siechnn- yen. Neue Folge, 1V, 4); iloss, Studien ilS,' dus Schrirltum 'md die Theologie dos Àlhanasius auf Grund cisc? Ech(hcitsuntsi'suchung von Athanosius contra gentes und de inca,'nationc. Fribourg, 1899. Ces deux auteurs rejettent aussi l'authenticité du quatrième livre contre les Ariens. (3) Ouvrage cité dans la note précédente. (4) PAna avait déjh émis cette opinion. DonNER (tehre von der Persan Chi'isli, t. 12, p - 950, note 23. Stuttgart, 184%) le réfute brièvement. D'après ITARNACK ç'Dog- - - Document 111111 II II III 1111 II lilhilti - 0000005732456 b

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LA DOCTRINE CHRISTOLOGIQUE

de saint Athanase.

Si l'on admet l'authenticité de tous les écrits que la tradi-tion nous a transmis comme l'oeuvre certaine d'Athanase(295-373), il n'est pas douteux que le saint Docteur aitattribué l'âme humaine au Verbe incarné; il a même mis'cette vérité en pleine lumière et l'a brillamment défenduedans deux livres composés contre l'apollinarisme (t). Maisla provenance athanasienne des principaux documents surlesquels ce jugement est basé, est aujourd'hui contestée (2).Dans une étude publiée l'an dernier sur les écrits et lathéologie d'Athanase, un auteur allemand, Karl Hoss (a),attribue, à l'illustre évêque d'Alexandrie la théorie christo-logique des Ariens et d'Apollinaire le Verbe s'est faithomme en ce sens qu'Il s'est uni à un corps humain; iltient lui-même la place de l'âme raisonnable (4).

(1) Cf r. AnmmcEn, Die Loçjodehi'e des hi. Athanasins, p. 209. Miinchen, 1880.LAUCIIUST, Die Lchre des heiligen A thanasius des Gro.tsen, p. 433 et suivantes.Leipzig, 4895. C'est eu se basant sur les écrits dont l'authenticité est mise en doute,que ces auteurs prouvent l'intégralité de la nature humaine du Christ dans la ehi'isto-logic d'Athanase.

(2) Cfr. polir les deux livres contre l'apollinarisrne DnAESEI<E, Zwci gegner eierApouinarios (Cesam nielle pairistisehe UnI ersuchungen, Altona et Leipzig, 4889); leurl'ifxpositio fidei et Serve major de fide, STuaCKEN. Athanasiana, tiltS-a,'- undDoqmengeschichtlichc Untersucluingen. Leipzig. 1890 (dans .Tette und (inIe;'.siechnn-yen. Neue Folge, 1V, 4); iloss, Studien ilS,' dus Schrirltum 'md die Theologie dosÀlhanasius auf Grund cisc? Ech(hcitsuntsi'suchung von Athanosius contra gentesund de inca,'nationc. Fribourg, 1899. Ces deux auteurs rejettent aussi l'authenticitédu quatrième livre contre les Ariens.

(3) Ouvrage cité dans la note précédente.(4) PAna avait déjh émis cette opinion. DonNER (tehre von der Persan Chi'isli,

•t. 12, p- 950, note 23. Stuttgart, 184%) le réfute brièvement. D'après ITARNACK ç'Dog-

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Fp,J )(%vQ-L'P1TRE DE BARNABÉ.. 225

l'expliquaient dans leur sens, à l'aide sans doute de vainesallégories quae sunt prophetica, curiosius exponere nituntur),il la remplacera par la véritable interprétation allégoriqueet typologique. Et à ce thème plutôt spéculatif, il ajoutera,d'après les coutumes du temps, une partie parépétique etmorale.

De là, le caractère général de sa lettre plus semblable àune homélie qu'à une épître née des besoins concrets d'unecommunauté. chrétienne. De là aussi, les quelques regardsqui liii échappent ici et là sur les faits de son temps et surdes erreurs particulières.

Cet auteur alexandrin ne serait-il pas peut être un de cescatéchètes d'Alexandrie qui précédèrent Pantène? Plusieursfois, dans sa lettre, il écrit qu'il ne veut pas parler tbçbtbdakaÀoç, insinuant par là que ce titre lui appartient enpropre. Or, au second siècle, comme on peut le conclure deClément d'Alexandrie et d'Origène, du temps desquels lepseudo-Barnabé n'est pas si éloigné, ce titre fut spécialementemployé, dans l'Église d'Alexandrie, pour désigner lescatéchètes (i). Cette école catéchétique d'Alexandrie doitremonter assez haut. Eusèbe (H. E., V. 10) en effet nous ditqu'au temps de Pantène, elle existait déjà m de coutumeanciennes. En considérant le caractère littéraire de l'Épître,ne pourrait-on pas dire de sou auteur ce que Clémentd'Alexandrie (St;'orn., 1. I, 1) disait du maître qu'il avaittrouvé caché en Egypteet qu'on croit être Pantènelui-même Cette véritable abeille de. Sicile courait lesprés et recueillait tes fleurs des prophètes et des apôtres,pour former dans lS âmes de ceux qui l'écoutaient une purerichesse de gnose.

Louvain. P. LADEUXE.

(1) Cfr. \Veiss dans Kraus, Rea1encyklopdic dcrchrisU. A1terthirner, t. I, p. 361.

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LA DOCTRINE CHRISTOJ400IQUE])E SAINT ATIIANASE. 227

Cette conception se rattache aux théories en vogue (le DOS

jours dans l'école rationaliste. On sait comment, dans lapensée des historiens appartenant à cette école, le dogmechristologique se serait formé. Dès les premiers temps duchristianisme, deux tendances distinctes se font jour au seindes communautés. Les uns conçoivent le Sauveur comme unhomme ordinaire, en qui la Divinité ou l'Esprit de Dieu ahabité, et qui a été exalté en récompense de ses vertusc'est la christologie adoptienne, l'éhionisme. Cette tendance- qui répondrait au témoignage que le Christ a donné delui-même - se retrouve aux troisième et quatrième siècleschez Paul de Samosate et les Antiochiens. Les autres voientdans le Christ un • esprit céleste qui a pris chairpour nousracheter, et, son oeuvre accomplie, est remonté au cielc'est la christologie pneumatique, celle qui doit finalementtriompher dans l'Église. L' esprit céleste de la concep-tion primitive est devenu peu à peu le Verbe, vrai Dieu,consubstantiel au Père; la chair ,,, considétée d'abordcomme une simple enveloppe du Verbe se manifestant auxhommes, est devenue la nature humaine, unie à la naturedivine en l'unité de personne. Ce terme chair renfermaitau début, une idée docétique; divers écrivains, tels S. Ignaceet Tertullien, prouvèrent contre les Gnostiques la réalité decette chair. Origène attribua au Christ une âme douée delibre arbitre. Les Cappadociens. lors de la lutte contrel'apollinarisme, établirent l'intégralité de la nature humainedans le Christ, et acclimatèrent dans l'Église l'expressionb '3o pécciç. Cette doctrine de deux natures distinctes est, au

tnengeschichte, t. Il', p. 213 et note 2, Fribourg en B. et Leipzig. 180-4) Baur vatrop loin en disant quAthanase, avant ses écrits contre l'apollinarisine, exclut li dessein làine humaine ; borner d'autre part ne prouve pas suffisamment sa ttiése. -STUCICKEN traite cette question dans l'ouvrage cite, p. 90-106; il semble se rallier h lathéorie de Baur, sans pourtant donner Athanase comme un partisan de la christologieapollinariste. Ces pages étaient h l'impression, lorsque nous a yons reçu ce remarquabletravail. Mais nous constatons qu'il n'y n pas lieu de moditier notre étude la plupartdes considérations quo nous opposons aux conclusions de Boss, s'appliquent h celles deSttUclçen. Nous nous sommes contenté d'ajouter en note quelques remarques supplé-,nentaires concernant spécialement ce dèrnier auteur.

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demeurant, étrangère à la Foi elle est un élément scienti-fique emprunté à Origène, pour expliquer la formule tradi-tionnelle, celle d'Irénée le Christ est à la fois Dieu ethomme (t). Bien qu'Athanase appartienne comme Origène àl'école d'Alexandrie, il dépend avant tout dirénée; il réagitcontre la spéculation grecque et ramène toute la doctrinechrétienne à l'idée cia Dieu-Rédempteur, qui est une idéetraditionnelle. En ce sens il est un réformateur et exerceune influence profonde sur le christianisme occidental commesur le christianisme oriental (2).

Le grand évêque était considéré jusqu'ici commedéfenseur de l'intégrité de la nature humaine dans le Christ.D'après Hoss, Athanase n'a même pas connu cette doctrine;le corps organisé est dans sa christologie, le seul élémenthumain que le Verbe se soit uni pour opérer l'oeuvre dusalut.

Les raisons alléguées à l'appui de cette thèse, se ramènentaux considérations suivantes 10 Athanase distingue dansl'homme deux éléments : le corps organisé et l'âme raison-nable. Le corps est l'élément terrestre, sensible, proprementhumain de notre nature; l'âme, l'élément divin elle vientdu ciel, elle est une communication de la nature divine àl'homme (a). Or, l'évêque d'Alexandrie nous présente toujours

(I) 'randis till e ]es Antiochiens (Diodore de Tarse, Théodore de Mopsueste, etc.) setiennent en dehors de la ligne de développement du dogme, les Cappadociens (S. Basile,S. Grégoire de azianze, S. Grégoire de Nysse) prennent ii tAche de concilier les vilestraditionnelles d'Athanase avec la philosophie dOrigène. Conformênient i t leurs théoriesgénérales sur les origines chrétiennes, les Rationalistes étudient les doctrines par'Iicu-hères de chacun des auteurs chrétiens, sans tenir compte du Magistère de l'Église et del'influence qu'il O exercée sur les vues propres (tes théologiens. 0e plus, les hérétiquesaussi bien (lue les orthodoxes, sont, à léur sens, les témoins autorisés des doctrinesayant coins dams l'lglise b Npoque où ils ont vécu,

(e) On peut lime h ce sujet les deux premiers volumes de hi Dognuengcschichte de}lAnracK, le chef incontesté de celte école.

(3) Hess, ouvrage cité, P. 19, fait d'Àtluanase uni Irichotomite caché il distin-guerait l'Aine raisonnable du principe de la vie sensitive celui-ci serait désigné enmême temps que le corps par le tonne osa. Cette assertion est l.r'op catégorique.L'anthropologie d'Atlianase est, comme celle de ses contemporains, assez rudimentaire;ses écrits ne trahissent aucune théorie bien précise sur la constitution de l'homme, liattribue au corps, il est vrai, les manifestations de la vie inférieure, mais dans quel

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l'incarnation comme l'union du Verbe à un corps humain;il ne parle jamais de la présence d'une âme humaine dans leChrist. Par conséquent, cet élément divin qui, dans l'hommeordinaire, est l'âme raisonnable, est, dans le Christ, leVerbe lui-méme (t). 20 Dans la doctrine sotériologiquedAthanase, le corps seul a besoin de rédemption au sensstrict du mot ; seul, il demande cette transformation fon-damentale qui ne peut être obtenue que par l'union avec lanature divine. L'image divine que l'âme porte en elle et envertu de laquelle elle connaît son Créateur, n'a pas étéeffaçée, mais seulement obscurcie par l'éloignement de Dieu.Le Verbe en se manifestant dans un corps et en opérant desmiracles, ramène l'âme à la connaissance du vrai Dieu etlui rend par là sa pureté primitive (2. 3° Athanase attribueau Verbe les actions humaines du Christ pour lui, le Verbeest à la fois souffrant et non-souffrant; son corps est digned'adoration, etc. ; autant de conceptions qui deviennent uneénigme, si la nature humaine se trouve intégralement dansle Christ (a). 40 Enfin cette théorie explique l'attitude.d'Atlianase vis-à-vis des Ariens et des Apollinaristes ilcombat dans la théorie arienne les rapports. du Verbe auPère et non le mode d'union dd Verbe au corps humain;4ans la théorie d'Apollinaire, il combat la consubstantialité(le la chair ait mais non la substitution de la Divinité..a humain dans le Christ ; il manifeste inéine claire-ment sa conformité de vues avec les Apollinaristes dans leTome aux Antiochiens, en reproduisant les formules équi-voques de ces derniers (4).

sous? Athanase denne comme éléments constitutifs de l'homme le corps et l'aune raison-lire e voC ç ,'est rite ne faculté de l'Aine. Dautre part, il donne raille raisonnable

comme principe de la vie, du mouvement du corps I ;aune, dut-il, mciii le corps etle conduit,, mais elle se meut elle-même. Or le mouvement de l'aine n'est autre chose4luc sa vie, de Sine lie nous disons (lue le corps vit lorsqu'il est, mû «. ContraGentcv, Su.

I) lloss, ouvrage cité, PI' -ID et 77.Ni Ouvrage cité, p 77.-(il) Ouvrage cité, P 79:.4) Oiciraqe ci/i, p. 75-79.

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230 €. voisix.

Nous nous proposons de rechercher, tout en examinant lavaleur de cette théorie, quelle fut en réalité la penséed'Athanase sur ce point du dogme christologique. Nousdevons, à cet effet, considérer d'abord les écrits antérieursau concile d'Alexandrie de 362, exposer ensuite la doctrineproclamée par Athanase à ce concile, où la question del'âme du Sauveur se posa pour la première Ibis (i).

I.

U importe de constater d'abord que dans aucun de sesouvrages, l'évêque d'Alexandrie n'expose la théorie qui luiest attribuée. Hoss croit rendre compte de ce silence endisant qu'Athanase n'a pàs compris comme Apol linaire leproblème que soulève l'union du divin et rie l'humain en unChrist unique. Cette supposition — toute gratuite et fortpeu vraisemblable - expliquerait qu'Athanase n'a pointsongé à justifier cette doctrine; elle n'explique nullementqu'il ne l'ait jamais émise. Pourtant, l'occasion de mani-fester ses vues à ce sujet se présentait à lui comme d'elle-même, dans sa lettre i Epictète par exemple, où il condamnel'idée cl'Origène que le \'erbe était uni à l'âme humaineavant de prendre un corps en Marie (2).

Mais cette exclusion de l'âme humaine n'est-elle pas laconséquence des doctrines que le saint Docteur exposetouchant le dogme christologique ? Nous ne le pensons pas.La théologie d'Athanase peut se formuler en ces mots le -Verbe, vrai Diu, s'est fait homme pour nous sauver. Lavie entière du grand évêque fut consacrée à venger contrefarianisme la divinité du Verbe. Absorbé par cette colltro-

(I) Nous utiliserons pour cette étude les (cc'il,s que 11055 lui-inne, reconnalt comme

authentiques, et dont il donne la liste, p. Nul de son travail. Ce sont les écrits géné-raleinent reconnus comme lets, sa"f les deux livres contre l'apollinai'ismne, I'Etposiliu

fiilci, le Sen no major, le quatrimC livre contre les Ariens. A celui qui voudnnt Sc

Servi!' (le ces documents pour étudier la doctrine de saint Àtlmanase incomberait.dvi (lemmn en t ta tache préalable d'en éti IiI ii l'authe; iti cil é.

(2) Episftila ail Epictclun. 8.

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verse, il néglige en quelque sorte le côté humain du Sau-veur, et s'en tient, pour ce point de croyance, à l'enseigne-ruent traditionnel de lEglise. C'est pour lui une véritéfondamentale de la Foi que te Verbe s'est fait homme,avepurnoç éçove; il exprime en règle générale le fait de-l'incarnation par le terme vuvOpWuirnç, rarement par le motvaw)t&TwaIç. Si on donne à cette vérité tout le développe-

ment qu'elle comporte el qu'elle recevra plus tard àl'occasionde l'hérésie d'Apollinaire, elle emporte avec elle l'intégritéde la nature humaine dans le Christ. Mais Athanase ne luidonne pas ce développement; presque à chaque page de ses:écrits, nous trouvons les formules « Le Verbe a pris pourlui un corps - il s'est fait homme, revétant notre chair (i),ou des expressions similaires. Faut-il prendre les termesaàpE et a&pa ait de la lettre, ou sont-ce là simplement(les expressions consacrées par l'usage, servant à désignerla nature humaine du Sauveur? Cette dernière interpréta-lion nous paraît la mieux fondée. Voici nos raisons 1 0 Apropos du texte de St JeanLe Verbe s'est fait chair .le saint Docteur fait remarquer que c'est la coutume del'Écriture d'appeler l'hommechair ", TfiÇ îpapflç Ë00q

oùcnç XÉTEIV a6pKa T' 6VOPWlTOV ( .2) dans la lettre à Epic-tète et dans la deuxième lettre à Sérapion, il répète quel'expression biblique : Le Verbe s'est fait chair «, équivautà cette autreLe Verbe s'est fait homme (s). 20 Il ap-

(I) 'O A6'çoç Xacv éaUTCU cWpn, TdTOV€V âvøpwnoç, ?vbucdicvoç tiv-ilIierépav odpKa. STUCLcKEX étudie la terminologie d'Athanase. ouvrage cité, P. 01-119.'l'otite son argumentation en faveur de la thèse de Dam se réduit k ceci L'emploi decette formule ou de Foi-nulles semblables est si fréquent chez Athanase qu'il l'y n paslieu de tenir compte des expressions désignant la nature humaine intégrale. Nousn'avons aucune dilliculté ii. rendre compte de l'usage Fréquent de ces formules, tandisque StiIlcke]a ne peut expliquer les ternies employés par Athanase, par exemple de hic.,47 et Contra Arioaos, III. 41.

(2) 111 e livre contra Ariano.s, 30.(3) AdEpictettrn, S; Ml Scrapionein, II, 7. La portée de cette remarque d'Atlin-

nase n'échappera k poison rie. Hess, ouvrage cité, p. 77 comprend ecu e explicationen ce seras que &vepwiroç signulierait In Inûnle chose que adpE. Il est trop clairquAthanase dit précisément le contraire. D'ailleurs, dans l'interprétation (le iloss.on devrait avoir Xéyctv 6v9pwirov TiV cdpxu ail lieu de Xyciv adpKŒ tôv-

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prouve les philosophes païens qui considèrent, le inondecomme un grand corps, atîijict; lui-même oppose au Verbeles choses créées, y compris l'homme, et les appelle lesmembres de ce corps qui est le monde (t). 30 En plusieursendroits, il désigne indifféremment l'élément humain dans leChrist par les termes aépE et àvOpwn6rç. Les actionshumaines du Christ, dit-il, doivent être attribuées non à saDivinité, mais à son humanité, Tfl dVOpUrnÔTflTt uôroô. (2).

L'ignorance et le progrès dans le Christ, il les attribuetantôt à la chair, tantôt à la nature humaine du Christ (rçdvûpr,univqç pôactuç (a) ; il n'est guère probable qu'il ait pai'lde l'ignorance de la chair, en prenant ce terme au sens,rigoureux du mot 'rfjv Œâpxa nv &çvooûcav! C'est aussi à lachair qu'il rapporte l'interrogation du Christ au sujet de lamort de Lazare (4). 40 Enfin, Athanase emploie à différentesreprises l'expressionLe Verbe a habité dans un homme,v àvøpWrrtp (s) et le contexte indique suffisamment que ce

vOpwirov. Stôlcken dénature aussi la portée de celte remarque dÂtitanase, (Cie.ourraqc cité, P. (YS.) Aihanase, Contra Ariano.s, III, 30, n'expose pas la questionle Verbe est-il devenu chair, ou est-il devenu homme? il oppose les paroles de saintJean « Verbuin cure factrun est» ii la Ihéorie antiochienne suivant laquelle le Verbeest venu en Jésus comme dans les prophètes. Si Alhanase avait ici en vu,,, commeStiUcken le prétend, l'interprétation des paroles de l'apôtre, que le synode de Sirmiumavait déjà condamnée 'rôv Aéyov ciç adpxa gctaflckFiaeat (cfr. 11airr,j) (Iii jo(/,clç etc Symbole, P 197), il ne pourrait se contenter de lui opposer l'inter-prétation ô A6'çoç évûpwtoç çéo V E, Athanase constate ici simplement quel'Écriture donne an mot ŒâPE le sens de âvepwiroç ; il le dit explicitement'çpapflç ÉGOÇ 4or5aqç X4T€IV adprca rèv &v0pwitov; et il continue le fait parl'exemple de I)aniet et sIc JoitI : odpxa yùp mcci oiiroç mcci 'lwm'X tô TIîfl AvepWirwvîdvoç X4-çouotv.

(t) Contra Gentes, 28 de incarnatiune, 41, 42; contra .4,'iano,s. Il, 98. 09.(2) Contra Ariano,s, 111,41 (cfr. contra Arianos L41, III, 43, 501. On voit qu'à

cet endroit il s'agit bien de l'humanité individnelle du Christ et non de l'humanité engénéral. Il en est de môme dans les autres endroits cités le conlexte le prnnve.Apol-li]mire emploie aussi ce terme àv8pwu6tiç pour désignes' le cbl.é humain du Cln'ist,c'est-à-dire Io corps. Mais rien n'indique q a'Athanase demie h ce mot ce sens iestroint.,

(3) Contra ArP,nrss III, 43, 8,(4) De decretis niCaeflcre .vi/nndi. 14; Contra ,lriano,s' III. 131. 32 etc.(-5) De bien, 'nat urne, 17, 41, 42, 413, 45. A propos rie l'expression dVT4J àv8pdiirqs

danss dc Inc. 17. Stùlcicen (omn»'ngc cité, p. 92) rerua rque qrr 'Â tha nase Comparele L nain,'.du Verbe et de son Inhunaliité h celle de lime et du corps et ale met entre tes deux quecette différencele Verbe uni Il la ch:,ir garde soit taudis (jum: Lame estli na i tic joli le corps ; il consi 3 Ne donc le Verbe comme tenant 1m place de Fànme. S1 I.

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ternie désigne l'humanité individuelle du Christ, d'autantplus que pour signifier la venue du Verbe parmi les hommes,le saint Docteur se sert du plurielv dvepiintoiç, v 1uîv (t).

11 ne sera pas inutile de rechercher pourquoi Athanase,emploie si souvent ces expressions Le Verbe s'est faitchair . — le Verbe a pris un corps «. Une première raison- et elle suffirait à elle seule - nous est fournie par l'usage.trftditionnel de l'Église. C'est la coutume de l'Ecriture, ditl'évêque d'Alexandrie lui-même, de désigner l'homme par leterme « chair «. Dans l'Église naissante, les Apôtres ontproposé le mystère de l'Incarnation aux premiers fidèles,sous sa forme la plus simple un Dieu invisible se manifes-tant dans un corps visible. C'est'aussi pour mieux montrerl'amour de Dieu envers les hommes, dit S. Grégoire deNazianze (2), qu'ils-mentionnaient cette partie infime de notre-être, jusqu'à laquelle le Verbe s'est abaissé. Aux premierssiècles, l'attention de l'Église a été attirée principalementsur la divinité du Christ.. Les Pères ont été amenés àdéfendre contre l'hérésie la réalité de sa chair; mais lescontroverses relatives à son âme ne furent soulevées qu'auiv e siècle. Origène croyait bien à l'âme et au libre arbitredu Christ; mais ses spéculations hétérodoxes sur l'âme,combattues par Athanase lui-même, n'étaient pas de nature -à favoriser le développement de cette vérité. Irénée, qui

en était ainsi, il est étonnant qu'Athanase ait dit le Verbe n'est pas rlan,q l'hommecomme l'aine est dans le corps, et n'ait pas dit plutôt le verbe n'est pas dans la chaircomme l'âme dans le corps. il est remarquable (111e le Saint Docteur n'invoque l'exemplede l'union de l'âme ail corps, que pour nier la parité; 1111e l'emploie jamais d'une façoiapositive pour expliquer L'union du Verbe h l'élément humain. Cependant cette compa-raison s'impose en quelque sorte dans la théorie apollinariste Apollinaire y o souventrecours; nous la trouvons quatre fois dans les quelques fragments qui nous restent deseè livres contre Diodore.

(I) De .Tncm-nofio,ue, 46; Courra Àrianos lii, 22. Notons que, h moins de supposerce qui est en question, c'est-ii-dire qu'Atliauase nie l'âme humaine du Sauveur, lien dansses ouvrages ne nous autorise -h (lire qu'il donne au tenue &vøpwiroç le selle de aOEq.xo.Toujours ce terme o chez lui sa signification propre; et s'il y n exception, c'est plutôtdans le sens contraire h celui que Hess expose (p. 77). Ainsi nous lisons dans De inca,'-,iatione, 42 - le corps entier est mù et éclairé lai l'homme. .' c'est-h•dii'e par fuie.Cfr. Conne Cc;ues, 3.- -- -

(0) J. ep.T ad Cicaonii,n,. -

IIISTOILtE ECCLÊSIASTIQUE. I. 15

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pourtant attribue explicitement 1'me-humaine- au. Christ (i),s'en tient encore aux formules :-« fihius hominis facties est— assumpsit carne,n «. -A l'époque -qui nous occupe, lesymbole romain exprime ainsi le mystère de l'incarnation

Jésus-Christ, Fils unique de Dieu, Notre-Seigneur, né duSaint-Esprit et de ta Viergé Marieet le symbole de--Nicée Jésus-Christ, Fils de Dieu, descendu1 pour nous,hommes, et pour notre salut, incarné, -fait hoininé. « Or,Athanase était attaché avant tout à l'enseignement tradi-tionnel ; il ne prenait à charge la défense scientifique des.articles de la foi que lorsque l'hérésie les battait en -brèche.On comprend dès lors qu'il se soit contenté-d'exprimer ladoctrine de l'Église touchait l'humanité du Christ, dans lestermes consacrés par l'usage de l'Écriture, des Pères et dessymboles.

L'emploi si fréquent de ces expressions sexplique parti-culièrement chez Athanase, par ]a manière dont il propose-la doctrine de la Rédemption. Parmi les motifs de la venuedu Verbe en ce monde, il en est deux que le saint Docteur -met surtout en relief. Le premier, c'est que le Verbe estvenu dans la chair, pour détruire en elle l'empire de lamort et de la corruption (2). Le second, c'est que les hommes.cherchant Dieu dans les choses sensibles (les idoles), le:Verbe s'est rendu visible dans un corps; il a opéré par cecorps des miracles, afin de faire connaître aux hommes sa.divinité, et par là même le Père (3).- On comprend par ce qui vient d'être, dit, pourquoi

Athanase ne parle pas explicitementetic humaine duChrist. La christologie arienne, il est vrai, lui offrait l'oc-casion de mettre ce point de foi eu lumière; mais on ne doit.pas perdre de vue que la,doctrine christologique était pure-ment accessoire chez ces' hérétiques. L'erreur d'Anus estthéologique avant tout ; c'est la divinité du Verbe qui fait

(I) A de,s,ss !iaerc-ses. 1. \ 1, .(25 De Incai-notiont, 3-7, 8, 4-4; Go titra 4rk,nos I, 44, II. 14-etc.(3) De Inean,. 14;18, 42, 46, 54 Me. - - -

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l'objet clos controverses ariennes, en Orient du moins (i), etc'est 'sur ce point que l'attention d'Athanase se concentretout entière ; lorsqu'il parle de la nature du Christ, c'est sanature divine qu'il a en vue (2). II ne dit rien de la théoriechristologique de ses adversaires, ni pour la condamner, nipour l'approuver il se contente de combattre les argumentsqu'ils en tirent en faveur de leur erreur trinitaire. Basile etGrégoire de'Nuzianze, qui furent avec S. Athanase les cham-pions de l'orthodoxie dans la lutte arienne en Orient, se sontaussi consacrés à la défense du dogme de la Sainte Trinitéc'est seulement lorsqu'Apollinaire porta le débat sur le ter-rain 'christologique proprement dit, qu'ils s'occupèrent spé-cialement de la nature humaine du Sauveur (s).

Pour donner au mot cépE un sens restreint, Hoss faitvaloir cette étrange considération Athanase, dans 'sondeuxième livre contre les Ariens, 70, oppose la naturehumaine du Christ â sa nature divine. Or dette naturehumaine ne peut comprendre l'âme raisonnable, maisseule-ment le corps, l'âme étant pour Athanase un élément divin.

L'âme humaine, à la fois élément divin et partie constitu-tive de noire nature, serait donc, comme le Verbe dans lathéorie arienne, un être intermédiaire entre le Créateur etla créature, idée qu'Athanase a si énergiquement combattue!Sans doute, il nous représente l'âme humaine comme crééeà l'image de Dieu (4), il met en elle une participati,n de lanature divine, grâce à laquelle nous devenons fils ado1i1&de Dieu (5), et en ce sens on peut dire que l'âme est divine.Mais d'autre part, il regarde l'âme comme élément consti-

(J) S. Hilaire de Poitiers se n'ocerpc aussi de la christologie des Ariens qu'ilconduit. En Orient, S. Eustache d'Antioche, dans la première moitié du iv 0 siècle, parleh difli'eirtes reprises de la nature humaine du Christ. Gfr. Interpz'ctatio ps&nri XV;De .4 aima; Fragments des livres contre les Ariens dans Mroar:, P. G. XVII!.-

(2) voyez par exemple De Inc. M; L'antre. Arianos, iI, 10, 14, 20, etc. Alimanaseconsidère le Verbe, non pas en tant que peisonhe de la Sairfte Trinité, ma s en tarit,lu 'élémeu t divin du Christ..

(3) Voir PI•:T-vrrJ. etc jncarna.tionc Verbi. I. I, eh. V.(4) Contre Genlca, 2.(5) Contra A ria nos, lI. 58, 59, etc.

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236 G. VOISIN.

tutif de outre nature (i) ; dans ses écrits contre les Ariens,il oppose constamment le Verbe incréé, éternel, à tout cequi est créé ; et parmi ces créatures, il range expressémentles anges () et l'homme fait à l'image de Dieu (a). Le Verbeet ])leu, il est l'image du Père (dxwv); l'homme est unecréature, il est à l'image de Dieu (KOET ' dx6va)(4). Il remarque,en parlant de l'idolâtrie, qu'il serait plus digne d'un Dieu dese manifester par l'organe d'un êtreétre animé et raisonnable,que par des statues sans âme et sans mouvement commesont les idoles du paganisme (5).

Athanase désigne donc parfois le côté.humain du Sauveurpar les termes &v0puiîrérç, àv0pwîriv pi)rnç; il donne au motUàPE le sens de v0pwnoç; nous avons montré pourquoi ilemploie de préférence ces termes aàpE et OÏÏJMŒ, pourquoiaussi il ne parle pas explicitement de l'âme humaine. Dèslors, nous pouvons penser qu'il attribuait à l'expression

le Verbe s'est fait homme , la signification qu'elle a enelle-môme, â savoir que le Verbe s'est uni les éléments con-stitutifs de l'homme. On ne peut en tout cas affirmer qu'ilexcluait à dessein l'âme humaine du Christ et lui substituaitle Verbe.

h.

La doctrine d'Athanase sur la Rédemption est intimementliée à sa doctrine christologique. Nous devons en dire unmot. Nous montrerons en môme temps combien est peu jus-tifiée l'assertion de Hoss que le corps seul, d'après Athanase,attrait besoin de rédemption au sens strict.

Dans l'état de déchéance où le péché d'Adam a jetél'humanité, Athanase considère surtout la peine infligée.parDieu â l'homme coupable la mort et la corruption. En

(I) Contra Contes, 13, 18: De dccretis nicoenac synodi, 9.(2) Contra Arianos, III. 14,(3) contra Ariano,s, II. 48. . .(4) De Inc., 13.(5) Contra Contes, 20.-

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conséquences il présente volontiers l'oeuvre rédemptricecomme la destruction de la mort et la restitution à l'hommede l'immortalité donnée à notre premier père.

Pour détruire la mort t' qui ne peut se manifester quedans le corps (i) «, le Verbe a revêtu in corps,, le nôtre (2,

car « nous n'avons rien de commun avec ce qui nous estétranger (3). Nous sommes libérés par le Christ, parce quesa chàir est de mêSe race que la nôtre (4). Il répète à satiété,mais en ne l'appliquant qu'au , corps, le principe que Grégoirele théologien formule ainsi « Ce qui n'a pas été pris, n'apas été guéri ; mais ce qui a été uni Dieu, cela aussi estsauvé (5).Tb &rtpôŒXfluTov, &Oep&rreutov. ôt fivwtat rtîi «€&,

ToOTo xcii otIJUTaL '.C'est là le côté de la doctrine sotério.logique .qu'Athanase

fait spécialement ressortir ; mais la rédemption ne serestreint pas à cela.

Tous les hommes ont péché en Adam (6); la transgressiond'Adam est notre transgression (i ; nous sommes tousresponsables de l'ancienne prévarication (s) " Tfjç &p>cziaç

rapaciacwç r ; ce péché est le péché de la chair () fi àtaptia

TfiÇ Gapxôç». La mort et la corruption sont la suite immédiatede cette transgression; l'idolâ trie, l'injustice tous les péchésdans lesquels les hommes sont tombés peu à peu en dériventégalement (lu). Or, ce péché qui est nôtre, est la cause de la

(I) De inc.. 14.(2) 'cà i-pftcpov eWua (Contra Av., 111, 22 etc.) tà tj14uîv (E». ail Epici clin». C)(3) Gonoa Arianos, II, 70.(4) KCLTÛ V'IV OuflvEtav -rç aapicôç (C. Ar., II, 69) parce que nous sommes

csùccwzot ai' Cuirist(c. Ai., il, ai). av. De Inc. 8,44; o. Ar, 11,9,50, etc.(5) Greg. Nai., la ad Ctedoniuw..(G) De Inc., 3.(7) De lac., 4.(8) Deinc., 20.(9) C. Ar., II, 5G. Athanase attribuant le péché h I'ine qui abuse de sa liberté

(Conhia Genres, 3-8; De inc., 3, etc.) ce .péché- de la chair ne petit guère se tain--prendre que dit de la nature humaine en Adam. - Sans l'incarnation, dit-il dansce mnSe chapitre, le péché n'aurait pas été jeté hues de la chair (KXfl9cîCa); le

-verbe a habité dans la chair, pour que le péché en fût entièrement cxciii (EwcO(1) etque nous ayons l'esprit libre.

(10) De Inc. ' 5 Contra Ar. ' li '14' .-00Ls

°es ^

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238. G. VOISIN.

venue du Verbe le Verbe s'est incarné principalement pourpayer la dette que nous avions de mourir, et nous libérer del'ancienne transgression (j).

Grâce à l'Incarnation, l'âme est rcgénêrée, créée de nou-veau à l'image de liieu ; l'homme est renouvelé (2). Ce n'estdonc pas le corps seulement, mais l'homme tout entier quia besoin de rédemption. Aussi un Dieu seul pouvait-il nousracheter Une créature ne pouvait unir la créature à Dieu,elle-même ayant besoin de quelqu'un qui l'unisse â Dieuune partie de la création ne: peut procurer le salut à lacréation, elle-même ayant besoin de salut (s). Une créature -n'aurait pu nous créer; une créature ne pouvait pas nonplus nous racheter (i).

Athanase affirme donc explicitement que le Sauveur n'apas seulement détruit la mort qui est la peine du péché,mais nous a délivrés du péché lui-même ; il affirme aussiclairement, que l'homme tout entier a été racheté, sansdistinguer une rédemption proprement dite pour le corpset une rédemption. improprement dite pour l'âme . .D'autre -part, il professe que le Verbe s'est uni à ce qu'il est venuracheter. Par conséquent, si le saint Docteur n'admet pas laprésence d'une âme humaine dans la personne du Rédemp-teur, sa christologie est en contradiction flagrante avec sadoctrine sotériologique (5). Pour échapper à cette consé-quence, Floss imagine une rédemption improprement ditede l'âme:

L'image divine dans l'âme, dit-il, n'est pas effacée, maisseulement obscurcie; • l'âme peut encore connaître Dieu, -et le Verbe uni â la chair la ramène, -par ses miracles, à

(1)1k Inc., 4, 9().()'De-lac., M G. Av., II M, (5, -(3) C4ntra.A,'., 11, 69.(4) Mi A deiphivin, 8; w? Maxi,nurn 3.(Fi) DÛRNER (ouvrage cité, p. 596, note 23) etLAuc,lul,T (ouvrage cité, p. 431, note 2)

disent avec raison, tille dans la théorie de Bain' -. renouvelée par Iloss - la doctrine4e la Bidemption, telle qu'Âthanase l'expose, n'aurait pas de sens et serait insou-tenable. - . -

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cette: connaissance. De fait, raniener l'homme àla connais-sance du vrai Dieu, est aux yeux d'Athanase, un des butsde l'Incarnation, un but secondaire cependant (t). L'uniondu Verbe à un -corps sensible est un- moyen parfaitement-approprié à ce but ( .2), et la destruction de l'idolâtrie témoignede soit (3). -Mais -en quel sens peut-on dire quel'image de -Dieu est seulement obscurcie dans l'homme? 11n'est pas facile de définir exactement -ce que le saint Docteur-entend au juste par cette image de Dieu ; ses premiers écrits.renferment à ce sujet des obscurités et des contradictions aumoins apparentes (4). Dans les ouvrages postérieurs, ses -idées sont plus nettes; elles éclairent et corrigent peut-êtrece qu'il y a d'obscur et de contradictoire dans ses écrits dejeunesse. Sa pensée, telle qu'elle se dégage de -l'ensemble de-sesœuvres, nous parait être la suivante: L'âme raisonnable,-élément constitutif de la nature humaine (5), est faite à l'image-du Verbe ; elle peut donc, même dâns l'état de - déchéance,,connaître Dieu(u) ; -Dieu lui a donné pour, atteindrece but--ta création et l'Écriture 7). Mais à l'origine Dieu a commu-niqué à l'homme un don surnaturel (x6p'ç) distinct de cettefaculté naturelle (s), en vertu duquel la vie bienheureuse lui -

(I) De Inc., 20. -(2) 0e inc, 19.(3) 0e Inc., -f0.--(4) On peut voit' su" ce point ÀTZIIERCER, ouvrage cité, pp. 153 et suiv. L'auteur

- s'efforce de concilier tes données en apparence contradictoires d'Athanase. IIABnCK,Dognieug. Il-, p. 1451443, admet cdle solution; mais AT-ZOERCEIm ta tort,, d'après lui,d'introduire ici les catégories de naturel , et c surnaturel ,. Hoss ne vent non plusentendre parler de surnaturel; Athanase appelle l'image de Dieu une grâce (xdptç)cause de sa dignité, cependant, lorsqu'Auutnaso parle de dignité, c'est le iot -rjti'-qu'il emploie, non Xcipic. Ainsi (Do Decr. nie. syn. 9)Adm, du fait d'âtre sorti direc-tement des 'nains de Dieu, n'a rien de plus (lue flous 'curé 'n'v pùatv ; il ne nous estsupérieur qu'en dignité, -r'4. Lorsqu'Athanase dit que noirs sommes créés par Dieu- Enté pùm-v et engendrés par lui 'cc-t-à XdpLv, lorsqu'il oppose la grace de l'immortalité--du corps a la corruption qui lui est propre de par sa nature (De Inc., 3), il est biendifficile de comprendre le mot xdptç dans le sens de dignité ou dans un sens autre que-celui de surnaturel

(h') contra Gen(es, 13, 18, 30; De dccr. nie. syn. 9.- -(6) Contra Contes, 30, 34, 35; De Inc., 12.(7) 0e Inc.,(S) Contra Gentes, 2; De Inc. 3-7, 1-1. Il faut noter que, dans ses fli'einiei's écrits

surtout, Athanase ne distingue pas toujours clairement ce don de la faculté naturelle.

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240 G. voisir.

était assurée. Cette vie, le paradis, comporte non seulementla connaissance de Dieu, mais aussi la pureté de l'âmenécessaire à cette connaissance (i), l'immortalité (i), l'amour -de Dieu (3), etc. Par suite du péché, ce don a été enlevé àl'homme (4), l'âme doit par la rédemption, être créée denouveau à l'image de Dieu (5) ; le Verbe seul, l'image duPère, peut renouveler l'âme qui est seulement à l'image duPète (s). L'âmea donc conservé la faculté de connaître Dieu,et en ce sens l'image divine n'est qu'obscurcie en elle ; maisle Verbe doit, en effaçant la souillure du péché, renouvelercette image.

Nous ne nous arrêterons pas à la remarque suivante deHoss : la ce communicatio idiomatum « que le saint Docteurétablit avec une si admirable précision, ne se comprend pas,si l'on admet l'intégralité de la nature humaine dans le•Christ. Il est très vrai qu'iJ y a là un mystère; mais leglorieux défenseur du mystère de la Sainte Trinité n'avaitpas à l'égard 'des mystères de la Foi, les préventions queHoss veut bien lui prêter (j.

(1) Contra Cernes, 2 ' .'34; De Inc., 57. -(2) De Inc., 3-7.(3)- contra Cernes, 2. lloss semble ne pas remarquer qu'Athanase ne tait pas con-

sister la vie bienheureuse dans la seule connaissance de Die,,. C'est dette surtout qu'ilparle dans son - Apotogie , un des buts 'de cc traité ôtant de montrer commentl'homme s'est éloigné du culte du vrai Dieu pour tomber dans le culte des idoles. Maisdans cet ouvrage même, il étonnera parmi les biens de la Béatitude, Ceux (fliC nousavons cités (Contra Gentes, 2).

(4) De Inc., 7.(5) le Inc., 14.(6) De inc., 20.(7) Qu'on lise, par exemple, tes deux premiers chapitres de l't/Lstoi'ia Arianorunm

cd Monnchos.-Cîr. Mouul,ER, Athanase le Grand et l'Église de son temps, t. I, p. lot),-110, traduit par Zick-wolif et Cohen. Bruxelles, 1841. Il est étrange que }loss attribue

• aux deux livres contra Gentes et De tncarnatione une importance particulière, pourcette raison qu'Athaùase y expose ses propres vues théologiques et fait un usage asse?.

'sobre de l'lcriture, taudis que dans les écrits postérieurs, ces vues sont comme voiléeset méconnaissables sous la masse des expressions bibliques qui les enveloppent (P. 74.).Ilaroack (Dog'uenqeschichte, Il', p. 203 note) applique un principe d'interprétationsemblable, Pour liii, Athanase conçoit Dieu:comnine créant le monde saris intermédiaire;s'il parlé du Logos créateur, c'est parce qu'il ci-oit devoir encore concéder quelquechose à la tradition. C'est lb niéconnaitre singulitement les dispositions d'Athaoase

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LA DOCTRINE CHRISTOLOGIQUE DE SAINT ÂTFIÀNASE. 241

III.

Au concile d'Alexandrie de 362, l'occasion se présentapour Athanase de manifester nettement ses vues au sujet del'âme du Christ. Sa lettre aux Antiochiens, écrite après leconcile, nous apprend qu'au sein de l'assemblée, Une discus-sion s'éleva â propos du dogme de l'Incarnation (O Les unssemblaient admettre que le Verbe était venu dans un hommesaint comme il était venu dans les prophètes les autresn'attribuaient au Sauveur qu'un corps humain sans âme etsans intelligence.

La région d'Antioche était le théâtre de ces querelleschristologiques ('z). Cette controverse sur l'incarnation, entreorthodoxes, vers 362, ne peut être que celle d'Apollinaireet des tenants de la doctrine antiochienne (3). Les premiers

et lui prêter, bien h tort, les dispositions dont on est soi-même animé. La vie et lesécrits du grand Docteur attesteni, des sentiments toul, autres, Il les exprime clairementen maints endroits de ses oeuvres. (Contra Gcn(e.s, 1 et 45; Episwla cd episc. Eqyp.et Libqae, 4; De Synodis, ; De decretix nie. son., 32, les livres contre les Ariens et'entier.) Harnack lui-niérne note quAthanase se rapproche bien plus d'Irénée qued'Origène son importance ne consiste pas tant dans la défense scientilique (le la Foique dans fa persévérance avec laquelle il n victorieusement défendu la croyance elle'ni&ne. ('Do(Inre;igeschichle, li a , p. 203.) Nous ne devons donc pas craindre de chercherla doctrine d'Athanasc dans ces ouvrages oit il s'inspire avant tout de l'lcriIur'e et dela tradition. Il faut tenir compte sans doute des livres qui constituent son Apologiedu christianisme niais sans oublier qu'ils sont ''ne oeuvre de jeunesse antérieure ailconcile de Nicée, qu'ils ont un but apologétique. Ils sont pal' conséquent moins impor-tants que les écrits postérieurs pour l'étude des doctrines dit saint.

(I) Tomes cd Antioeheeas, 7.•(2) Ibidem,. M.

(3) Les Bénédictins (Vita .SAthanasii, dans Migne P. XXV,p. cxrxr) croient que- les moines envoyés par Apollinaire au, concile, ont proposé cette profession de foi aumon de leur chef, et que l'assemblée y adhéra parce qu'elle était orthodoxe dans lestermes. Cette opinion est certainement fausse, comme le prouvent l'exposé (le la con-troverse que S. Athanase donne au chap. 7 de sa lettre aux Antiochiens, et l'usageque les Apollinaristes tirent dans la suite, de cette profession de foi. Douurwn (ouvragecité, p. 084-, noie 7) adine que In doctrine apollinariste est ici préventivement con-damnée 'nais le concile n'aurait en vue que la doctrine éhionite suivant laquelle leVerbe de Dieu est venu, dans un homme saint comme dans les prophètes. Les parolesle corps du Christ n'était pas privé d'âme et d'intelligence, auraient été ajoutées dansce sens la condamnation de cette doctrine ébionite n'empêche pas que nous recon-naissions au Christ truc nature humaine parfaite. Cette manière de voir ne répond pas

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242 G. VOISIN.

adversaires orthodoxes d'Apollinaire furent certainement lesAntiochieus. Dans la profession de foi qu'il présente à Jovienen 363, l'évêque de Laodicée défend déjà ses vues christo-logiques particulières et combat ceux qui considèrent le filsde Marie comme un fils adoptif de Dieu (1). 0e furent pro}ià-bletnent, les moines envoyés par lui au concile d'Alexan-drie (2) qui engagèrent cette discussion • avec des Antio-

• chiens, peut-être les diacres délégués par Paulin d'Antioche.Les deux partis tiennent à l'orthodoxie, et prétendent dé-fendre par leurs vues propres la doctrine de ]'Église. « Tous

• ont professé de commun accord, écrit Athanase, que leVerbe du Seigneur n'est pas venu à la fin des temps dansun homme saint, comme il était venu dans les prophètes,mais que le Verbe lui-même s'est fait chair; qu'étant dansla forme de Dieu, il a pris la forme de-l'esclave; qu'il s'estfait homme pour nous de Marie selon la chair, et a ainsi, enlui-même, parfaitement et entièrement libéré le genre humaindu péché, et l'ayant vivifié des morts, Va introduit dans léroyaume des cieux. Ils professèrent aussi que le Sauveurn'avait pas un corps sans âme, sans sens et sans intelli-gence. Car il n'était pas possible que le Seigneur s'étanttait homme pour nous, son corps fût sans esprit; et cen'est pas seulement le salut du corps, mais aussi celui del'âme que le Verbe a opéré en lui (s). Étant vraiment Filsde Dieu, il a été fait fils de l'homme, etc. « Suit alors la

non plus al'exposé de la lettre aux Antiochiens; d aprùs cet exposé, les deux opi-nions condamnées dans la profession de foi, ont été d4fendues au sein de rassemblée.STIJ,OcKE (ouvrage cité, P. fit) croit que c'esl, une particularité de la doctrine ariennequi est ici cunibattiic Cette affirmation est purement gratuite. De plus, ceux quidéfendent ces doctrines assistent au concile et sont• considérés comme des partisansde l'orthodoxie ; ce ne sont pas des Ar ions, mais plutôt des .Âpollinaristes et desAntiochiens.

(I) DnAESEK}:, Apollinarios von Laodicea, sein Lebon uM ,mi,,e &hrifien. Texte'md Untersucliungen, 1899, p. 341.•(2) TornusadAnl., O.

(3) Qpoxôyouv yàp Icai Toro, &rt où afflua &tuov, oôt dvŒ(oeqTov, oiô'&vôsyrov dxcv b Zwrtp. OC'bt yàp 616v TE fiv, roû Kupiou i1pç àveptinrouçcvovou, àvôqtov dvat rè cûpa ctùToO, oObÈ edqlaToç pévou, XXà CciiWufç év aÔT4J tU, A6TLP Gwtqpia TéTovEv.

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LA DOCTRINE CHRISTOLOGIQUE DE SAINT ATJiANASE. 213

doctrine athanasienne sur la communication des-idiomes (i).Ces paroles ne sont nullement équivoques; elles signifient,

au sens obvie, que le Verbe a pris tous les éléments quiconstituent la naturehumaine et par là s'est fait homme.C'est clans ce sens certainement que les adversaires del'apollinarisme naissant y auront souscrit. Le motifemprunté

la sotériologie, ne permet pas de donner â cette formuleun autre sens que celui ci-: Je corps du Sauveur n'était passans âme humaine, puisque le salut de l'âme aussi bien quecelui du corps a été opéré en Lui (t). Hoss renverse singu-lièrement les rôles, en disant qu'Athanase a adopté dans salettre aux Antiochiens les formules équivoques des Apollina-ristes. Ce sont ceux-ci qui onttâché d'interpréter dans le sensde leur théorie, la formule proposée par Athanase au concilede 362. Mais il importe de noter comment ils procédèrent encela.

Vers 375,- Apollinaire écrivant aux évêques égyptiensexilés à Diocésarée pour les gagner il cause, se flatted'être en conformité d'idées avec Athanase (s). Pour le

- (1) Tonics cd mL, 7. STur-:,oKEri (oaui-age cité, p- 400, note 1) voit dans cetteprofession de foi ait entre les Antiochiens et Occidentaux d'une pari!, et! lesAlexandrins d'autre part; les premiers concèdent qu'il n'y a pas hEpoç Kul ttepoçles Alexandrins admettent- que l'unité du Christ 11e 1)011e pas préjudice à son humanité.Ce compromis n'existe que dans l'imagination (le l'autour; la profession de foi duconcile est la condamnation des doctrines proposées par quelques membres de l'assem-blée (?hàKouv ptkovEiKeiv 'tIVEÇ irpàç àXÀXouç). Eusèbe de Verceil souscrivant auxdécisions du concile, condamne également.- les (]eux doctrines condamnées par la pro-fession de foi. Quant à S. Athanase. Stillcken remariait qu'il n'avait pas la théorie quePour lui prête, lorsqu'il souscrivit à ce formulaire; mais ait petit prouver par l'a,dil-il, qu'il s'opposait personnellement au atÙta &vômltov. Nous pesons que lieuseulement Athanase accepta cette formule, mais la rédigea lui-uuiérne et ]il àl'approbation du concile qu'il présidait; les idées et le style de cette profession de foiindiquent suffisamment qu'Athanase en est l'auteur. De plus, le saint Docteur rie secontente lias de professer l'intégralité (le la nature humaine du Christ, au moment duconcile; il renouvelle cette profession dans Je lettre aux Antiocliiens ; il exige dePantin d'Antioche qu'il professe aussi cette. vérité, ; dans la lettre à F1)ictète il emprunteau formulaire (lu concile d'Alexandrie, le passage ait doctrine pst alllrmé& Ils'oppose donc personnellement à la théorie du CMa &véq-rov, D'ailleurs le caractèred'Atlianase lie permet pas d'admettre qu'il aurait souscrit à une profession de roi nerépondant point it ses convictions intimes.

(2) C(r ce que noirs avons dit prôcédeumuuent de la doctrine sotériologique d'Atlmauase.(h) Cette lettre se trouve dans DIIAESEKE, ouvrage cité, p.392.

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244 G. VOISIN.

prouver, il répète en partie la profession (le foi de 362seulement, il a soin d'expliquer que le Christ n'est pasàv6-roç, en ce sens qu'il est Esprit divin, immuable, célesteil n'a point pris l'esprit humain qui est variable. 11 a soind'omettre aussi la seconde considération émise dans cetteprofession de foi non seulement le salut du corps, mais aussicelui de l'âme a été'opéré dans le , Sauveur (i).

Si donc Athanase avait donné à ses paroles le sens qUeles Apollinaristes leur prêtèrent plus tard, il faudrait direnon seulement qu'il a usé de ruse, mais encore qu'il a sacrifié,en paroles du moins, son opinion propre. Comme d'autrepart il n'a jamais professé cette théorie de la substitution duVerbe à l'esprit humain dans le Christ, nous devons conclure

•qu'il a donné â ces paroles de la lettre aux Antiochiens, le• sets qu'elles ont en réalité (2).

Cette profession de foi christologique du concile d'Alexan-drie est brève, mais d'une souveraine importance. Dans uneassemblée où Occidentaux, Égyptiens, Orientaux se trouventréunis, nous entendons professer unanimement et sanshésitation la croyance À. l'humanité complète du Sauveur,dès que l'occasion se présente d'affirmer explicitement cettevérité ; ceux-là même qui la niaient, sont forcés de la recon-naître, du moins en paroles ; elle est présentée comme unevérité que tous doivent admettre pour rester fidèles à

• l'orthodoxie, Cette courte formule jette aussi un jour précieuxsur les écrits précédents d'Athanase. S'il n'a point parlé plus'tôt de l'âme humaine du Sauveur, ce n'est pas qu'il aitrepoussé cette doctrine et l'introduise maintenant comme unélément nouveau dans sa christologie il n'en a point parlé,parce que la question n'était pas posée:

(I) On peut voir chez le Pgeudo-A thanase., livre fer eh 2, comment tes Apollina-ristes expliquaient l'oeuvre de la rédemption.

(2) Pierre d'Alexandrie, le successeur immédiat d'Athanasc, écrit 'aux évêqueségyptiens (le Diocésarée, que dans une lettre aux Antiocluens, son prédécesseur ndéfendu la doctrine de l'humanité complète du Christ (EÀcuNrn;s o'lftarn4s, I, ri, 2).C'est h la lettre qui nous occupe que, selon toute vraisemblance, il fait allusion.

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LA DOCTRINE CHRISTOLOGIQUE DE SAINT ATHANASE. 245

Les deux raisons qu'il allègue, se retrouvent clans sesécrits antérieurs : le verbe s'est fait homme ; il est venusauver l'homme éntier, et . cette rédemption ne s'est faite quepar l'union du Verbe avec ce qu'il venait racheter. La véritéchrétienne de la nature humaine du Christ sort comme uneconclusion nécessaire de ces principes. Ce sont ces deuxarguments que les champions de l'orthodoxie feront valoircontre Apollinaire. Le pape Damase, les Cappadociens,Épiphane, les auteurs anonymes des deux livres .écrits enÉgypte contre l'apollinarisme en appelleront à ces principes,noir à des vérités -nouvelles ou empruntées â la

Gnose i,, mais comme à des vérités traditionnelles reçuespar tous les chrétiens.

Il nous reste peu d'écrits d'Athanase postérieurs au con-cile d'Alexandrie. Quelque temps après, nous voyons le saintDotenr exiger de Paulin d'Antioche, une profession de foioù celui-ci reconnait l'inlégralité de la nature humaine duSauveur (I). Dans, sa lettre à Épictète, écrite vers 371, il(lit, après avoir parlé de l'oeuvre de la Rédemption Notresalut est bien réel et n'est pas une fiction, mais le Sauveurs'étant fait véritablement homme, a opéré le salut del'homme tout entier (2). Notre salut n'est pas une appareficeet n'est pas le salut du corps seulement ; mais le salut del'homme entier, de l'âme et- du corps, a eu lieu véritable-ment dans le Verbe lui-même (ôXou toû &v8prnou, Yuxfiç iCOEl

oWpatoç àXBJiç i awTflpa ïïovev ÉV aôt TtÎJ Aôîw.) Le Verbea pris pour nous la chair et a été fait homme; car direLe Verbe s'est fait chair, équivaut à dire Le Verbe s'estfait homme

(1) Eru'IIANE, Haerese. LXXVII, 20-I.() ÔVTWç &Xfl8Eiq bepdiirou y€vog4vou 'roO EuirFpoç, 5Xou toû àvepditrou

wTqpiu tTi VETO.

(3) .Episrokr- (d EJJicteH4m, cl'. 7-8. Dans cette mime lettre h ÉpictèLe, 5-6. AthanaseProuve que le Verbe rie s'est pas changé en chair dans l'incarnation 111e prouve parce fait que le corps était au tombean tandis que le Verbe allait aux enfers. STUF,LCKEN,

oun)'age ciré, p. loi, dit avec raison cirre les mots pli aùtoû sont interpolés.Nais de ce qu'Athanase. en cet endroit, oppose sans cesse l'uni, 1aure les deux éléments

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246 G. VOISIN.

Athanase n'a pas combattu ouvertement Apollinaire; maiscette attitude s'explique parfaitement. Apollinaire n'a répanduouvertement son hérésie de la substitution du Verbe auvoûçhumain du Christ, que vers la fin de la carrière du granddocteur. Épiphane est le premier qui, dans soiten 374, ait attiré l'attention sur èette erreur nouvelle,distincte de l'arianisme, qui remplace l'esprit humain duChrist par la Divinité: Nous avons vu comment les partisansd'Apollinaire pouvaient, grâce à une équivoque,, accepter enpartie la formule dAIexandrie. Les monuments qui noussont restés de l'activité littéraire d'Apollinaire avant la mortd'Athanase, notamment, sa lettre à Jovien et les écritsattribués au pape Jules, ne renferment pas ex professal'erreur qu'il a défendue plus tard. On voit par la corres-pondance de Basile (t), que vers 373-375 Apollinaire estsuspect de sabellianisme ; mais on ne lui reproche pas.d'erreur christologique.

Athanase, comme 'Épiphane et Basile,' voyait en Apol-linaire un défenseur distingué de la foi de Nicée et, à cetitre, il était en relations d'amitié avec lui (2). On comprenddône très bien que, sans partager l'erreur d'Apollinaire, ilzie l'ait pas combattue directement.

*

- Il nous reste à conclure. Nous croyons avoir montré qu'onn'a aucun motif d'attribuer à S. Athanase l'erreur christo-logique des Ariens et des Apollinaristes. Dans ses écritsantérieurs à 3C2; il désigne ordinairement le côté humaindu Sauveur par les termes aâpE et aWpja, sans donner à ces

glu Christ, le Verbe et le corps, StCilceri 1 tort de conclure - nous cro yons l'avoir'prouvé - (lire le terme etîJgŒ a ici Un sen ais restreint Il en appelle ' troisième livre,contre les Ariens, (11 1, 57) or ici mémo Athanase cite les paroles de 5t-Jean, XII, 27i irriuc alifilla mea t.i,rlrata est (vûv i W u uou tct(ipaK'rar), et ajoute aussitôttô y yp TapdtrEoOat tç øapxà ç throv. Il est clair, anus semble-l-il, que lemot cdpE est ici employé par s necdoclre polir désigner iï,léi, une humain dii Sari veor.

(t) Lettres I2. liii', 224, 2-20, 244. MJcNr., P. C. 1 t. XXXII;(2) LÉr,Ncx or: llvzANcn, u Contre Nestorie,,s et Ei,ti,chiens n, I. III, 40.

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LA DOCTRINE CHRIST0L0GIUE 15E SAINT ATIIANASE. 247

mots un sens exclusif; il se conforme en cela au langagetraditionnel de l'Église. Il n'y parle pas explicitement del'âme du Christ; cette question n'était pas posée; mais ilétablit les principes d'où cette vérité découle le Verbe s'estfait homme, il est venu sauver l'homme tout entier. Plustard; au concile d'Alexandrie, il affirme la présence dans leChrist d'un corps humain et d'une âme humaine. Dans lesquelques écrits postérieurs qui nous restent de lui, il affirmede nouveau cette vérité. C'est après sa mort que les Pèresde l'Église auront à défendre contre •l'apollinarisme la pré-snce dans le Christ de l'âme et de l'esprit humain, et ils leferont à l'aide des principes qu'Athauase a constammentaffirmés.

La théorie dApollinaire est tellement opposée aux pointsles plus essentiels de la Doctrine chrétienne, que son auteurlui-même la sacrifiera souvent en paroles et qu'elle disparaî-tra avec lui sans retour. Eutychès et les Monophysites,trompés par l'attribution des écritsd'Apollinaire à Grégoirele Thaumaturge, aux papes Jules et Félix; à S. Athanase,s'obsineront à professer l'unité de nature dans le Christ,mais en admettant l'union du Verbe à une nature humainecomftlète (i).

La doctrine de l'union hypostatique des deux naturesdivine et humaine dans le Christ, n'est pas une doctrinescientifique, étrangère à la Foi, ajoutée à la croyance pri-mitive. Le vieux symbole de l'Église romaine proposait auxcroyants des premiers temps la foi en Jésus-Christ, Filsde Dieu, né du Saint Esprit et de la Vierge Marie . Cettedoctrine trouve une expression plus précise dans la formule

Le même Jésus-Christ est Dieu et homme (Irénée). S'ilest Dieu, il possède ce par quoi on est. Dieu la nature

(I) Eulycliùs :ittic'uie nue-nature , dans sens « if nat,,ra divina sofa propriômitera sU et dira tin', qitat primas in Incaniatione partes habeat, non hu,nana, qiimsecundas tant u In; dia toquant, que aliam l,abeat, non quae habeaur et .stq?e?'ioi'ixhaben fis sit, fars quani illius viddilcet appenilia;, tique peine bit incisa t. Lsoi ;llN,Jiisse,tationes flamaseenicae, DisSei'Latiû lia, cli, XIV. )ligne, P. G., XCIV.

t

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248 ci. VOISIN.

divine (Athanase). S'il est homme, il possède ce par quoi onest homme la nature humaine, le corps, l'âme, l'intelligence(les Cappadociens). Si le même sujet, 1eméme être vivantpossède et la nature divine et la nature humaine, les deuxnatures subsistent en une hypostase, une personne (Cyrilled'Alexandrie). La définition du concile de Chalcédoineu Le même Jésus-Christ, vraiment Dieu et vrairnenuhomrne,possédant une âme raisonnable et un corps, coïisubstantielau Père selon la divinité, consubstantiel à nous selon l'hu-manité, semblable à nous en toutes choses lr6rmis le péché,connu en deux natures sans confusion, sans chàngement,sans division, sans séparation, les deux natures étant 'unieseniune personne, une hypostase (t)», cette définition n'estque jl'expression, plus précise, plus détaillée de la doctrinedu Symbole.

Louvain. G. \TojstN

(I) Voir le texte dans MAlIN, JJihtiofhck de, 5y5ibole und G/aubensrege/n de' alleuKirche, p. 166, 3e édition. Breslau, 1897.

IJ

pj