La différenciation de l’enseignement en mathématiques : de ...

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23 Mathématiques Vivre le primaire | automne 2017 Thomas Rajotte Professeur Université du Québec à Rimouski, Campus de Lévis [email protected] La différenciation de l’enseignement en mathématiques : de simples moyens à la portée de tous ! _ Suite à la mise en œuvre de la réforme de l’éducation au début des années 2000, le système scolaire québécois a amorcé une lutte de longue haleine à l’égard de l’échec scolaire. L’objectif derrière ce mouvement était de favoriser la réussite du plus grand nombre d’élèves possible en tenant compte des caractéristiques particulières de tout un chacun (Leroux et Paré, 2016). _ Quelle que soit la catégorie d’élèves (immigrants, enfants prove- nant d’un milieu socioéconomique défavorisé, élèves handica- pés ou ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage), les intervenants québécois devaient se mobiliser afin d’assurer une égalité des chances de réussite pour chaque apprenant québé- cois. Pour ce faire, la dernière révision de la Politique de l’adap- tation scolaire (MEQ, 1999) a mentionné clairement l’importance de privilégier l’intégration de ces élèves au sein de classes ordi- naires. Afin de maximiser l’apprentissage et la participation de tous dans une perspective d’une société inclusive qui valorise la diversité, Vienneau (2010) souligne l’importance de documen- ter les pratiques favorisant la différenciation de l’enseignement. L’objet de cet article est de présenter deux moyens simples et efficaces de différencier l’enseignement en mathématiques. _ La différenciation de l’enseignement en mathéma- tiques au primaire Dans la classe inclusive, les élèves possèdent de multiples caractéristiques qui leur sont propres. Par contre, dans la réalité, le pédagogue pourra seulement tenir compte d’une petite partie d’entre elles dans le cadre de la planification de son enseignement. Pour éviter qu’un professionnel de l’édu- cation investisse une quantité trop importante d’énergie dans la considération des caractéristiques individuelles des élèves, Small (2014) propose deux stratégies efficaces qui permettent de répondre en même temps à la majorité des besoins des élèves, soit les questions ouvertes et les tâches parallèles. _ Les questions ouvertes Afin de répondre aux besoins divers des élèves d’une même classe, l’enseignant peut utiliser les questions ouvertes. Ce type de questions permet de faire en sorte que les élèves élaborent un processus de résolution à l’aide de stratégies ou de procédés variés. De plus, ces questions permettent aux élèves de diffé- rents stades de développement en mathématiques d’apprendre et de s’améliorer. L’avantage de ce type de questions découle du fait qu’il permet à chaque élève de la classe de participer à une discussion commune et de faire en sorte que celui-ci devienne un membre précieux de sa communauté d’apprentissage. Selon Lovin, Kyger et Allsopp (2004), ce type de questions permet aux élèves en difficulté d’être moins passifs dans la classe et de s’impliquer davantage au sein des activités d’enseignement. _ Dans cet ordre d’idées, Small (2014) mentionne qu’une question ouverte est construite de manière à être répondue de différentes façons. Pour bien cerner la nature des questions ouvertes, cette auteure présente un exemple et un contrexemple. _ Tel que mentionné par Small (2014), si l’élève ne connait pas ce qu’est une famille d’opérations, il lui sera impossible de répondre correctement à la question n o 1. Par contre, pour la question n o 2, les élèves de différents niveaux de développement peuvent s’im- pliquer. En effet, un élève pourra répondre à la question à l’aide d’un énoncé d’addition (p. ex. : 3 + 3 + 3 + 3 ou 6 + 6), et ce, même s’il n’est pas à l’aise avec la multiplication. Par ailleurs, d’autres élèves plus avancés pourraient utiliser la multiplication (p. Question n°1 : À quelle famille d'opérations appartient 3 x 4 = 12 ? Question n°2 : Décris l'image ci-contre à l'aide d'une égalité mathématique. X X X X X X X X X X X X Fig. 1 - Exemple et contrexemple d'une question ouverte.

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Thomas RajotteProfesseurUniversité du Québec à Rimouski, Campus de Lé[email protected]

La différenciation de l’enseignement en mathématiques : de simples moyens à la portée de tous !_

Suite à la mise en œuvre de la réforme de l’éducation au début des années 2000, le système scolaire québécois a amorcé une lutte de longue haleine à l’égard de l’échec scolaire. L’objectif derrière ce mouvement était de favoriser la réussite du plus grand nombre d’élèves possible en tenant compte des caractéristiques particulières de tout un chacun (Leroux et Paré, 2016). _

Quelle que soit la catégorie d’élèves (immigrants, enfants prove-nant d’un milieu socioéconomique défavorisé, élèves handica-pés ou ayant des difficultés d’adaptation ou d’apprentissage), les intervenants québécois devaient se mobiliser afin d’assurer une égalité des chances de réussite pour chaque apprenant québé-cois. Pour ce faire, la dernière révision de la Politique de l’adap-tation scolaire (MEQ, 1999) a mentionné clairement l’importance de privilégier l’intégration de ces élèves au sein de classes ordi-naires. Afin de maximiser l’apprentissage et la participation de tous dans une perspective d’une société inclusive qui valorise la diversité, Vienneau (2010) souligne l’importance de documen-ter les pratiques favorisant la différenciation de l’enseignement. L’objet de cet article est de présenter deux moyens simples et efficaces de différencier l’enseignement en mathématiques._

La différenciation de l’enseignement en mathéma-tiques au primaireDans la classe inclusive, les élèves possèdent de multiples caractéristiques qui leur sont propres. Par contre, dans la réalité, le pédagogue pourra seulement tenir compte d’une petite partie d’entre elles dans le cadre de la planification de son enseignement. Pour éviter qu’un professionnel de l’édu-cation investisse une quantité trop importante d’énergie dans la considération des caractéristiques individuelles des élèves, Small (2014) propose deux stratégies efficaces qui permettent de répondre en même temps à la majorité des besoins des élèves, soit les questions ouvertes et les tâches parallèles._

Les questions ouvertes Afin de répondre aux besoins divers des élèves d’une même classe, l’enseignant peut utiliser les questions ouvertes. Ce type de questions permet de faire en sorte que les élèves élaborent un processus de résolution à l’aide de stratégies ou de procédés variés. De plus, ces questions permettent aux élèves de diffé-rents stades de développement en mathématiques d’apprendre et de s’améliorer. L’avantage de ce type de questions découle du fait qu’il permet à chaque élève de la classe de participer à une discussion commune et de faire en sorte que celui-ci devienne un membre précieux de sa communauté d’apprentissage. Selon Lovin, Kyger et Allsopp (2004), ce type de questions permet aux élèves en difficulté d’être moins passifs dans la classe et de s’impliquer davantage au sein des activités d’enseignement. _Dans cet ordre d’idées, Small (2014) mentionne qu’une question ouverte est construite de manière à être répondue de différentes façons. Pour bien cerner la nature des questions ouvertes, cette auteure présente un exemple et un contrexemple._

Tel que mentionné par Small (2014), si l’élève ne connait pas ce qu’est une famille d’opérations, il lui sera impossible de répondre correctement à la question no 1. Par contre, pour la question no 2, les élèves de différents niveaux de développement peuvent s’im-pliquer. En effet, un élève pourra répondre à la question à l’aide d’un énoncé d’addition (p. ex. : 3 + 3 + 3 + 3 ou 6 + 6), et ce, même s’il n’est pas à l’aise avec la multiplication. Par ailleurs, d’autres élèves plus avancés pourraient utiliser la multiplication (p.

Question n°1 : À quelle famille d'opérations appartient 3 x 4 = 12 ?

Question n°2 : Décris l'image ci-contre à l'aide d'une égalité mathématique.

X X X X

X X X X

X X X X

Fig. 1 - Exemple et contrexemple d'une question ouverte.

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ex. : 3 x 4 ou 4 x 3) ou même des énoncés se rapportant à la division. Un enseignant créatif sera en mesure d’élaborer des questions ouvertes dans l’ensemble des domaines des mathé-matiques. Voici un exemple lié au domaine de la géométrie._

L’utilisation des questions ouvertes est fort utile pour l’ensei-gnant du primaire. En effet, celles-ci permettent aux élèves d’acquérir de l’assurance et de participer aux différentes dis-cussions mathématiques qui ont lieu au sein de leur classe. Un autre moyen d’impliquer la majorité des élèves correspond à l’usage des tâches parallèles._

Les tâches parallèles

Les tâches parallèles sont des ensembles de tâches (généra-lement 2 ou 3) qui sont conçues pour répondre aux besoins diversifiés des élèves, mais qui portent sur la même grande idée et dont le contexte est suffisamment semblable pour faire en sorte que tous les élèves d’une classe s’impliquent simul-tanément au sein d’une même activité. Les tâches parallèles peuvent contribuer à transformer la classe en communauté d’apprentissage dans laquelle tous les élèves peuvent par-ticiper à la discussion du thème à l’étude. Essentiellement, ces tâches présentent plusieurs niveaux de difficulté et per-mettent de répondre aux différents besoins des élèves. Voici un exemple de tâches parallèles liées à l’usage d’un nombre repère sur une droite numérique._

Tel que démontré au sein de la Figure 3, l’exemple de tâches

parallèles proposées permet de voir qu’il est possible pour des élèves ayant des habiletés différentes concernant l’emploi de nombres de diverses grandeurs de s’impliquer au sein d’une même activité._

ConclusionLa différenciation de l’enseignement constitue un défi d’am-pleur pour tout enseignant du Québec. Les questions ouvertes et les tâches parallèles constituent des moyens efficaces d’ef-fectuer un enseignement différencié en mathématiques. Bien qu’il ne soit pas facile de changer ses pratiques pédagogiques et d’adopter de nouveaux moyens de différencier l’enseigne-ment, les stratégies proposées deviendront de plus en plus familières aux enseignants qui souhaitent les utiliser en classe. _

De plus, les avantages liés à l’utilisation des questions ouvertes et des tâches parallèles ne sont pas négligeables. En effet, tel que mentionné par Small (2014), ces stratégies permettront éventuellement de favoriser la participation de tous les élèves en classe. Lorsqu’on y pense, l’usage de simples stratégies de différenciation pourrait contribuer à développer une attitude positive des élèves à l’égard des mathématiques et ainsi consti-tuer une grande réussite !_

Quelles sont les ressemblances entre ces figures ?

Quelles sont les différences ?

Fig. 2 - Exemple de question ouverte relevant du domaine de la géométrie.

Fig. 3 - Exemple de tâches parallèles liées au domaine de l’arithmétique.

Le X représente un nombre sur la droite numérique. Quel est ce nombre ?

Tâche 1 :

Tâche 2 :

Tâche 3 :

X

X

X

0

0

0

50

500

5 000

Références

_ Leroux, M. et Paré, M. (2016). Mieux répondre aux besoins diversifiés de tous les élèves : Des pistes pour différencier, adapter et modifier son enseignement. Montréal : Chenelière Éducation.

_ Lovin, L. A., Kyger, M. et Allsopp, D. (2004). Differen-tiation for Special Needs Learners. Teaching Children Mathematics, 15(2), 112-119.

_ MEQ (1999). Une école adaptée à tous ses élèves : politique de l’adaptation scolaire. Québec : Gouver-nement du Québec, ministère de l’Éducation du Québec.

_ Small, M. (2014). L’enseignement différencié des mathématiques. Montréal : Modulo.

_ VIENNEAU, R. (2010). Les effets de l’inclusion sco-laire : une recension des écrits (2000 à 2009). Dans N. Rousseau (dir.), La pédagogie de l’inclusion scolaire. Pistes d’action pour apprendre tous ensemble (p. 237-263). Québec : Presses de l’Université du Québec.

Dans la classe inclusive, les élèves possèdent de multiples caractéristiques qui leur sont

propres. Par contre, dans la réalité, le pédagogue pourra seulement tenir compte

d’une petite partie d’entre elles dans le cadre de la planification de son enseignement.

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