La constitution de l'actant collectif comme préalable ...
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La constitution de l'actant collectif comme préalable anthroposé-
miotique
SéminaireParis7novembre
Cetexposéestentièrementdédiéàuneréflexionsurlesdifférentesvoiesdelaconstruc-
tiondesactantscollectifs,considéréesparhypothèsecommedéterminantespourunredé-ploiementdelathéoriesémiotiquedelanarrativitéetdesesalternatives.Ilyaunehistoire,
ouplutôtdeshistoires,delaconstructiondescollectifs,quioffrentdéjà,commelemontre
l’anthropologie contemporaine, des voies différenciées, sous formes de modesd’identification ou de modes d’existence. Ces voies différenciées instaurent chacune un
monde spécifique, une certaine conformation des pratiques, ainsi que des types relations
entre lesmembres du collectif. Nous commencerons par esquisser quelques-unes des va-riablessusceptiblesd’ouvrircesvoiesalternatives…
1. Laconstitutiondel’actantcollectif,ilfautenfairetouteunehistoire.
1.1. CollectifsparadigmatiquesetsyntagmatiqueschezGreimasetCourtés
Dans ladéfinitionde l’actantcollectifqueGreimasetCourtésproposentdans leurDiction-naire,ilsinsistenttoutparticulièrementsurladistinctionentrelesactantscollectifssyntag-
matiqueetparadigmatique1.
Le premier «est celui où les unités-acteurs (…) se relaient—par substitution—dans
l’exécution d’un seul programme (ainsi, la succession des divers corps demétiers dans la
constructiond’unemaison)»2. L’affaire semble entendue: l’actant collectif syntagmatique
n’estcollectifqueparcequ’ilassociedesacteursquipeuventoccuperdespositionssucces-
sivesetcomplémentairesdansl’exerciced’unmêmeensembledemétiers,letoutétantcal-
culableàpartirdel’activitévisée,etduproduitattendu.Lesmembresducollectifsediffé-
rencientuniquementen raisonde leur fonction, etde lapositionqu’ils occupentdansun
processus.
Lesecondsedéfinitainsi:«L’actantcollectifparadigmatique(…)constitueunetotalitéintermédiaireentreune collectiond’unitéset la totalitéqui la transcende. Il relèveenef-
fetd’une partition classificatoire d’une collection plus vaste et hiérarchiquement supé-
rieure»3.MaisGreimasetCourtésprécisentque la«partition [est]opérée sur labasede
1 Algirdas J. Greimas et Joseph Courtés, Sémiotique. Dictionnaire raisonné de la théorie du langage, Paris, Hachette, 1979, entrée « Collectif », p. 43. 2 Ibid. 3 Ibid.
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critères-déterminationsque lesacteurspossèdentencommun (leurchampfonctionnelou
leursqualificationsspécifiques)»4.Cequi,ensomme,revientaumêmetypedecompositionqueleprécédent.Lesdeuxtypesd’actantscollectifsrassemblentdesmembresquisonttous
semblablesauregardduchampd’action,soitenraisondeleurrôle(champfonctionnel),soit
en raisonde leurcompétence (qualifications). Ladéfinitionsémiotiquede l’actantcollectifproduitdoncdanslesdeuxcasdesmêmes,quinesedifférencientqueparleursspécialisa-tionscomplémentairesexclusivementdéfiniesparunprocessusauxquels ilsparticipenten
commun,etquinepeuventquecalculéesàpartirdelastructurethématiquedeceproces-sus.
Riennepermeticideprendreencompted’autrestypesdediversifications.Laréduction
vientàl’évidencedelaperspectiveadoptée,quinepermetdeprendreencomptenilesva-riations dans la composition du collectif, ni la manière dont il se rassemble, se stabilise,
augmenteoudiminue,etc.GreimasetCourtésadoptent laperspectiverétrospectivede la
sémiotiquenarrativeclassique,quiprivilégielerésultataudétrimentduprocessus:lesjeuxsontfaits,l’actionadonnéounonsonrésultat,etonpeutreconstitueràrebourslescaracté-ristiquesdel’actantquisemblentexpliquercerésultat.
Finalement,ladifficultéestpeut-êtreaussidenaturepolitique:sionadoptelalectureàrebours, iln’yaucunechancederencontrer ladiversitésociale,ethniqueouculturelle,quicaractérise la «collection d’unités-acteurs», puisqu’elle est immédiatement effacée par
l’entréedansla«totalitéintermédiaire»queconstituelecollectif;enrevanche,sionprendenconsidération la formationde l’actant collectif, alors cettediversitéest lepremierpro-
blèmeàtraiter,dontlessolutionsaffecteronttoutledéploiementdelanarrativité.Lesor-
ganisationscommencentengénéralpartraiterceproblèmepours’engagerdansdesexpé-
riences sémiotiques, parce que les «collections d’unités-acteurs» ne sont pas des simu-
lacresreconstruitsparprésupposition,maisdesréalitéssociales,dontlerassemblementet
les interactions, impliquéesdans la formationde l’actantcollectif, sondéjàdes formessé-
miotiquesàinterpréter.Onpeutcomprendrealorsqu’ilsoitnécessairederaconterl’histoire
de la constitution des actants collectifs, en commençant par identifier quelques-unes descatégoriesetdesvariablesenjeu.
1.2. Desactantscollectifspartitifsouparticipatifs:
Exemple:Nation/Patrie
Nation: communauté rattachéeàun territoire,personne juridique constituéedesper-
sonnesrégiesparunemêmeconstitution.Unepopulationvivantsurunmêmeterritoireet
4 Ibid.
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unieparunemêmehistoire,culture,et langue.Aumoins l’undeces liensdonnelieuàun
agrégat(unepopulation)quiesttransforméentotalitéparlaprojectiondesautresliens.Ici,l’agrégatminimalreposesurlacohabitation,surlesinteractionslinguistiquesetculturelles.
Latotalisationestopéréequandlacohabitationsepropagesurunespacereconnucomme
homogène (territoire), quand les interactions culturelles et linguistiques font «système»(culture,langue).Lessystèmesinstitutionnalisentlanation.
Patrie:Paysoùl'onestnéouauquelonappartient,etauquelonestaffectivementatta-
ché. La patrie n’est doncpas un actant collectif à composer,mais un actant collectif déjàintégré.Cequiestposéd’abord,c’estunterritoireanthropisé, le«pays»,uneentitépré-
identifiéeàlaquelledesmembresserattachentaffectivement.
IlfauttoujourssesouvenirdeBenveniste,etdesonanalysecomparéedecivis-civitas,etpolis-polites. Le collectif «civitas» est défini par les relations mutuelles entre les parties
«cives»,dontlapropagationconstituelatotalitédelacité,jusqu’auxlimitesoùlesrelations
mutuelless’interrompentpourfaireplaceàl’hostilité(civis/hostis).Enrevanche,lecollectif«polis»estd’embléedéfinipar la totalité,dontchacunedesparties (polites) reçoitdirec-tementsonidentité.
Nationcorrespondraitautypecives/civitas:chaquemembrenevoitd’abordquesesre-lationsmutuellesetleréseaupartielqu’ellesconstituent,etpeutresteraveuglequantàlaformationdelatotalité;ilfautajouteruneprojectiondansdespropriétéscommunespara-
digmatiques (notamment des systèmes sémiotiques) pour accéder à la totalité (culture,langue, territoire, statut de personnemorale). Chaquemembre de la nation (les «natio-
naux») peut éprouver son appartenancemême en restant au niveau de ses perceptions
immédiatesdesinteractionslocales.
Patriecommenceparunancrageaffectifdansunetotalitématérialisable,quidonnedi-
rectementaccèsaucollectifdetousceuxquiéprouventlemêmeaffect.Chaquemembreest
doncd’embléeconfrontéàlatotalitédel’entitéd’appartenance,etilestenliendirect(no-
tammentaffectif)aveccettetotalité,sansaucuneconsidérationpourlesrelationsmutuelles
qu’ilpeutentreteniraveclesautresmembres.Lesindividus(les«patriotes»)n’ontderela-tionsaveclesautresindividusqueparlamédiationdeleurrelationd’attachementàlatotali-
té.
Ceseradonclapremièrecatégoriepermettantdecomprendrelaconstitutiondescollec-tifsengénéral:
• soituneconstitutionpartitive (ausensoùcesont lesagrégatsdepartiesquiformentlenoyaupermanentduprocessusdetotalisation)
4
• soituneconstitutionparticipative(ausensoùlesmembresn’appartiennentà
latotalitéqu’enraisondeleurparticipationàsonidentitéglobale)
Sionexaminesouscetéclairagelescollectifsanthropologiques,onpeutcaractériserlescol-lectifsnaturalistesetanimistescomme«participatifs»(uneparticipationholistiquesoitaux
loisdelanatureetauxspécificitésdelaculturepourlespremiers,soitàl’âmedelanature
etauxspécificitésphysiquesde larelationaumilieupour lesseconds.Lescollectifsanalo-gistesettotémistessontaucontrairepartitifs,puisqu’aucunetotalité intégralen’estacces-sibledupointdevuedesmembres,etqu’ilsreposentsurdesagrégatsd’agrégats.
1.3. Desactantscollectifsàcompositionstratifiée
Ex:Famille/Foyer/Ménage
Famille:Legroupefamilialestàl’originedéfiniparlacohabitationdanslamêmemaison
(ycompris lesesclavesde lamaisonnée romaine). Le liensedéplaceensuitevers les rela-tionsdeparenté,soitdefiliation,soitd’allianceoulesdeux.Maislafamille,quecesoitpar
cohabitationouparparenté sedéfinit en second lieupar la naturedes liensde solidarité(soin, éducation, biens, héritages, affection, etc.), plus intenses vers l’intérieur que versl’extérieur.Enfin,unefamillesecaractériseàlafoisparunnometparuneréputation,l’un
étantl’expressiondel’autre;laréputationestelle-mêmelamanifestationdesliensdesoli-darité,opposablesàceuxdesautresfamilles.Lapertederéputationde l’undesmembres
peutdéfairelesliensdesolidaritéetconduireàl’exclusion.
Foyer:Apartirdulieuoùl’onentretientlefeu,le«foyer»définitlelieuoùhabiteunemêmefamille,autrementdit la«maison».Lafamilleestaufoyercequelanationestàla
patrie,entermesd’ancrageaffectifetterritorial.Lacompositiond’unfoyerestdoncdirec-
tementcontrôléeparlespossibilitésdecohabitation,spatiales,thématiquesetaffectives:ilest de ce fait un agrégat d’existants de type différents (lieu, objets, animaux, humains,
moyensd’existence,etc.).Lanotionde«foyer»dériveverscellede«ménage»,quandles
servicesfiscauxidentifientun«foyerfiscal».
Ménage:Apartirde lapratiqued’entretiend’un lieud’habitation,«ménage»désigne
l’ensembledeshumainscohabitantsquiparticipentàcetentretienetàl’ensembledesacti-
vitéssocio-économiquesquilerendentpossible.C’estlaraisonpourlaquellele«ménage»estconsidérécommel’unitééconomiqueminimalepourlesstatistiquesetlesétudesmicro-
économiquesportantsurlesrevenusetlesdépenses.Encomparaisonaveclafamilleoule
foyer, le«ménage»neconservequ’uneseulethématiquederelation, l’économiedomes-tique(lesliensdeparenténesontpasprisencompte,encoremoinslaréputationetlasoli-
darité).
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Lacompositiond’unactantcollectifreposedoncsurplusieurscatégoriessuperposéeset
connectées (ici: cohabitation, parenté, attachement affectif, solidarité, économie, réputa-
tion).Tantôtl’une,tantôtl’autrepeutprocurerlelienminimumrequis,ettouteslesautres,
desliensfacultatifs,cumulatifsoudécumulatifs,faisantréseauetsystème,assurentlarégu-
lationetlapersistanceducollectif.Ilyadonctoujoursaumoinsunpointdevuesouslequellacompositionestrequise,etd’autrespointsdevuesouslesquelselleestsoitvariable,soit
libre.Parconséquent,c’estcettestructurationmodalehiérarchiséequicaractériseraletype
d’actantcollectif.
1.4. Desactantscollectifscomposésde«mêmes»oud’«autres»
Le texted’orientationévoque lesassociations, lescorps institutionnels, lesconfraterni-
tés, lescénacles, lessyndicats,auxquelsonpourraitajouter lespartis, lescoopératives, les
équipes,etbiend’autres.Apparemment,chacundecesgroupementssedéfinitparsafonc-
tionousesobjectifs,quisontdans laplupartdescasdenaturethématique,une«cause»
commune,l’appartenanceàunemêmeinstitution,lareligionoulaspiritualitéengénéral,unmétierouuneactivitééconomiqueprécise,lapolitique,etc.
Mais la thématiqueneditpascomment lecollectifestconstitué. Il fautd’abordsede-mander si chaque membre porte lui-même individuellement la thématique partagée ou
commune,indépendammentducollectif,ous’iln’accueillecettethématiquequ’enraisondesa participation à l’actant collectif. Or cette différence en entraîne une autre: lors de laconstitution du collectif, dans le premier cas, tous lesmembres sont des semblables (des
«mêmes»), alors que dans le second cas, tous lesmembres sont différents (ce sont des«autres»).
Onpeutconsulterpourallerplusloinlatypologiesuivante,proposéesurleblog«Lear-
ningRaph,parunchercheurengestiondesentreprises:
https://learning-raph.com/2015/11/26/types-de-collectifs/
Lesdifférentstypesdecollectifsenmanagementetsociologie
Groupe fonction-nel
ÉquipeCommunauté depratique
Réseau
Objectif
PartagéAssurer une fonc-tion
CommunRéaliserunetâche
CommunDévelopper etpartager des res-sources et compé-tencesspécifiques
PartagéDévelopper une spéciali-sation mutuellementnégociée
Cohésion
Définition de lafonction
Objectifscommuns Intérêtscommuns Connaissances et compé-tencescomplémentaires
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Responsabilité Individuelle Mutuelle Mutuelle Réciproque
Coordination Implicite Stratégique Émergente Négociée
Environnement Formel Formel Informel Nonformel
Taille Moyenne Restreinte Moyenne Variable
Composition
Homogène Hétérogène Homogène Hétérogène
Recrutement Autorité hiérar-chique Chefd’équipe Entremembres Confiancemutuelle
Duréedevie Jusqu’à une réorga-nisation
Jusqu’à la fin de latâche
Tant que la pra-tique peut êtreaméliorée
Tant que lesmembres enressententlebesoin
Danslestypologiesdesspécialistesdegestionetd’économie,onremarqueunecorréla-
tionentrelanaturedesobjectifsetcelledelacomposition.Sil’objectifestunefonctionou
unepratiquedéjàpartagéesparlesmembresindividuels,alorsleurgroupeserahomogène
(cesontdes«mêmes»).Sil’objectifetlafonctionsontunetâcheparticulièreouunespécia-lisationviséeencommun,quin’estpasunepropriété individuelledesmembres,alors leur
groupeserahétérogène.Onremarqueégalementquedanslepremiercaslafinducollectifrésulte d’une décision (réorganisation) ou d’une évaluation (pratique améliorée) qui éma-nentd’uneautoritétranscendante,voireextérieure.Enrevanche,danslesecondcas,celui
dugroupehétérogène,lafinducollectifestinscritedanslamotivationmêmedechacundesmembres(latâcheviséeestaccomplie,lebesoinestsatisfait).Cerapideexamendelatypo-
logiesociologiquepermetdefaireunehypothèse:lanaturedel’engagement(objectifpar-tagéoucommun)déterminecelledelacompositionducollectif(desmêmesoudesautres),quielle-mêmeaplusieursconséquencessur l’aspectualitédesprocessus,sur lesprocessus
dedécision,etsurlesvaleursenjeudanscescollectifs.
2. Lacoopérative,alternativenarrativeetpolitique?
2.1. Introduction
Les organisations sont des configurations sémiotiques complexes, qui produisent, qui
créent,quigèrent,quidécident,etquiexpérimententdenouvellesformesdevie.Uneorga-
nisationestunactantquitransformeetmodèlenosvies.Leuranalysesémiotiquerencontreleslimitesdansl’applicationdesmodèlesthéoriquesetcanoniquesdelasémiotiquenarra-
tivegreimassienne,directement inspiréede l’analyseformelledesconteseuropéens.C’est
toutparticulièrementlecaspourlescoopératives,etceseral’objetprincipaldecettedeu-xièmepartie:enquoi leurcompréhensionnousconduit-elleàrévisercertainsmodèlessé-
miotiques?
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Cette réflexion, qui reprend et prolonge l’étude du mouvement coopératif proposée
dans Terre de sens. Essai d’anthroposémiotique5, s’efforce de comprendre comment uneexpériencesocialeetéconomiquepeutainsiinterrogerlathéoriesémiotiqueelle-même.
4.2.Lesstructuresmodalesetl’égalité
4.2.1.Lesmodalisationsdelaparticipationcoopérative
Lemouvementcoopératifinternationals’estdotéd’unelistedeseptprincipescommuns
etfondateurs,danslaDéclarationsurl'identitécoopérativedel’Alliancecoopérativeinterna-tionale(ACI).Troisd’entreeuxposentlesconditionsmodalesd’unfonctionnementcoopéra-tif:
Adhésionvolontaireetouverte.Lescoopérativessontdesorganisationsvolontaires,ou-vertes à toute personne prête à assumer les responsabilités qu’entraîne l’adhésion, sans
subiraucunediscriminationliéeàsonsexe,sonstatutsocial,sarace,sonaffiliationpolitique
oureligieuse.
Contrôledémocratiqueexercéparlesmembres.Lescoopérativessontdesorganisationsdémocratiquescontrôléesparleursmembres.Chaquemembrejouitdumêmedroitdevote
(unmembre,unevoix).
Éducation,formationet information.Lescoopérativesproposentdesformationsàleursmembres,afinqueceux-cipuissentcontribuerefficacementaudéveloppementdeleurcoo-
pérative.6
Lepremierprincipe,qui fonde tous lesautres,est celuide l’adhésionvolontaireetou-verteàtous.Laconfigurationmodaledebaseestlevolontariat,c’est-à-direunvouloir-faire
que ne contraint et ne limite aucun devoir-faire. Soit: vouloir-faire + ne pas devoir-faire.Cette configuration est complétée par celle de l’ouverture à tous, qui implique unne pasdevoirnepasfaire:l’adhésionnepeutêtrerefuséeàpersonneenraisondesesparticulari-
tésetdesonidentité.Soitenrésumé:vouloir+nepasdevoir.
Cetteconfigurationmodaleestdéterminéeparunevaleursous-jacente,laliberté,etenengendreuneautre, l’égalité.Tous lesvolontairesontdesdroitségauxàadhérer,dès lors
qu’ilssontlibresdelefaire.Laliberté(nepasdevoir)estdéjàcomprisedanslevolontariat:estvolontaireceluiquiveutlibrement.Quantàlavaleurd’égalité,ellen’adesensquesilesvolontairessonttousdifférentslesunsdesautres:l’égalitéprésupposeensommeladiversi-
tédesmembresetl’altérité,quiestàsontourrenduepossibleparl’«ouvertureàtous»,à
5 Jacques Fontanille et Nicolas Couegnas, Terre de sens. Essai d’Anthroposémiotique, Limoges, Pulim (col-lection Semiotica Viva), 2018. 6 ACI, Déclaration sur l’identité coopérative, version révisée de 1995, https://www.ica.coop/fr/node/13895.
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touteslesdifférencesconstitutivesdeladiversitésociale.Iln’yad’égalitéquedansl’altérité.
L’égalité estdoncaucroisemententredeuxcaractéristiquesdes collectifs coopératifs:d’uncôté,lalibertéquifondelevolontariat,etl’équivalenceentretouslesvouloir-adhérer,etdel’autrel’altérité,quirésultedel’ouvertureàtous,etquinepeutconduireàunehiérar-
chiedesdifférences,enraisondel’égalitéinitialedesvouloir-adhérer.Lalibertéestlacondi-tion requise pour l’ensemble de la configuration, y compris la propagation du principe
d’égalitédanstouteslesdimensionsdel’activité,carelleéliminetoutedéterminationextrin-
sèque(contrainte,obligation,interdiction,dépendance,etc.).
Lepouvoirdémocratiqueexercéparlesmembresdécouledirectementdel’adhésionvo-
lontaire,quineutralisetouslesstatutsantérieursdesmembres.Ilsontdonctouslesmêmes
droitsàparticiperaugouvernementde l’organisation.La règle«1adhérent=1voix»ex-primedoncl’actualisation,souslamodalitépouvoir,del’égalitédesvouloirs.
Letroisièmeprincipemodal,celuidel’éducation,formationetinformation,esttrèspré-
cisément défini comme une manière d’égaliser les savoirs: pour que la diversité desmembresn’engendrepasd’inégalitédansl’accèsà l’informationetdanslessavoir-fairedugouvernementcollectif,ilfautéduquerlesmembres.L’égalisationdessavoirscontribueàla
réalisationconcrètedel’égaleparticipationaugouvernementdel’organisation.7
Le principe démocratique actualise l’égalité des vouloirs par l’égalité des pouvoirs, leprinciped’éducationetd’informationréalise l’égalitédesvouloirsetdespouvoirsparcelle
dessavoirs.8
4.2.2.Liberté,égalité,modalité:unepassiond’organisation
Libertéetégalité,en tantqueconfigurationsmodalesconvertiesenvaleursdirectrices,
assurentlelienentrelestroismodalitésprincipalesparlesquelleslesadhérentsintègrentle
collectifcoopératif:sitouslesvouloirs-adhérersontégaux,c’estparcequ’ilssontlibres;si
les pouvoirs et savoirs sont égaux, c’est parce que les vouloir-adhérer le sont d’abord. Et
enfin,l’égalitégarantieauseinducollectifconfirmelalibertéduvolontariatinitial.
Cetteconfigurationmodaleestlaformesémiotiquedumodedecompositionducollectif,
7Rappelons icique le fonctionnementdesentreprisesducapitalisme libéraletde l’économiedemarchéengénéralreposeenpartiesurladissymétriedel’informationentrelesagentséconomiques,quirégitetexpliqueleurs choix et leurs comportements: ce point estmêmeunedes hypothèses centrales de la théorie écono-miquecontemporaine.Aucontraire,leprincipeédictéparl’ACIviseàassurerlasymétriedel’informationentrelesmembresetàaugmenterlapartdusavoirpartagé,àlafoisparladiffusiondel’informationetparlamiseàniveaudescompétencesd’interprétationdecetteinformation.8L’éducationet la formation s’adressentprincipalement à la facepolitiquedu coopérateur— sa capacité àcoopérer—mêmesiellescontribuentégalement,etsecondairement,àsafaceéconomique—sacapacitéàproduire.
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où l’axiologie politique (les valeurs directrices) assure la cohésion des trois modalités de
base. Dans bien d’autres types d’organisations, comme dans le fonctionnement narratifstandard, lesmodalités de la compétence doivent être acquises séparément, et le cas où
l’uned’entreelles,enraisondesonintensité,dirigetouteslesautres,estsoumisàdescon-
ditions spécifiques, notamment affectives. Dans les organisations non coopératives,l’intensitédu«vouloir»participer (êtreembauché)nedécideen riennide l’étenduedes
pouvoirsquipourrontêtreexercésauseindel’organisation,nidel’accèsàl’informationet
auxconnaissancesnécessairespourlacompréhensiondufonctionnementcollectif.
Cetypede liaisonentre lesmodalitésde lacompétences’apparenteàceluiqu’onren-
contredansl’analysedespassions.Leseffetsdesenspassionnelsrésultententreautresdela
dynamiqueinternededispositifsmodaux9,dessyntagmesmodauxoùlesdifférentesmodali-téssontliéespardesvariationsdel’intensitéetdelaquantité:parexemple,unetrèsforte
intensitéduvouloirpeutdéclencherunpassageà l’acte impulsifenmobilisant immédiate-
mentlepouvoirfairenécessaire.Cesvariationsd’intensitéetdequantitésontdeséprouvéscorporels,quiimpliquentlecorpssensibledanslesliaisonsmodales.
Lescollectifsremplacentleséprouvéscorporelsparlacongruenceassuréeparlesvaleurs
directrices,dontl’effetglobalestceluid’uneformedeviecollective.Toutefois,cesformesdeviepeuventêtrevécuesparlesadhérents(avecdeséprouvéscorporelsassociésauxvaleursdirectrices),commedespassionsd’organisations.Unepassiond’organisationimpliquedonc
undispositifmodalexpliciteetinstitutionnel,réactualiséàchaqueadhésion,etquicaracté-riserait larelationentrechaquemembreet lecollectif,etdont lesmanifestationsseraient
desvécusémotionnelsindividuels.
Souscesconditions,etenrésumédecetteanalysemodale,voilàquelseraitledispositif
globaldecettepassiond’organisationcoopérative:
(Ne pas devoir…) Liberté → Vouloir-adhérer → Égalité des Vouloirs
virtualisation ↓ (actualisation)
Égalité des Pouvoirs
↓ (réalisation)
Égalité des Savoirs
4.3.Structuresactantielles:syncrétismesoumodèlealternatif?
4.3.1.D’étrangessyncrétismes
Unautreprincipedel’ACIdéfinitLaParticipationéconomiquedesmembres:9 Cf. Algirdas J. Greimas et Jacques Fontanille, Sémiotique des passions. Des états de choses aux états d’âme, Paris, Presses Universitaires de France, 1991, première partie.
10
Lesmembrescontribuentéquitablementà,etcontrôlentparvoiedémocratique,lecapitalinvestidansleurcoopérative.Engénéral,aumoinsunepartiedececapitalappartientcommunémentàlacoopérative.Lesmembresallouentlesexcédentsàlaréalisationdetoutoupartiedesobjectifssuivants:développer leurscoopératives,éventuellementencréantdesréservesdontaumoinsunepartieestindivisible;enredistribuantauxmembresenfonctiondestransactionseffectuéesaveclacoopérative;etensoutenantd’autresactivitésapprouvéesparlesmembres.10
Lapropriétéet le contrôlecollectifsducapitalest leprincipedebase,dontdécoule lemodederépartitionde lavaleuréconomiquecrééepar l’activitécoopérative:elle revient
auxmembresconsidérés soit commepartiesadhérentes (bénéfice individuel), soit comme
totalitédesassociés(bénéficecollectif).
D’un point de vue sémiotique, c’est la structure actantielle de l’entreprise qui est en
question.Eneffet,l’entreprisecoopérativeposeraitcommeprincipeunsyncrétismeentrele
Sujetopérateurquiproduitlavaleuréconomique,leDestinateurquilarépartit,etleDesti-natairequilareçoit,alorsquedansl’entrepriserégieparlecapitalismelibéral,cesrôlesac-
tantiels sontdistribuésàdesacteursdifférents: lessalariés, lesadministrateurs,et lesac-
tionnaires.Inspiréeparlatraditionfolkloriqueeuropéenne,lasémiotiquenarrativedistingueelleaussiparprincipeleSujet(opérateurdestransformationsnarrativesetdelaquête), le
Destinataire(quibénéficiedurésultatdecestransformations),etleDestinateur(quigarantitlesvaleurs,quiattribueetdistribue,quirécompenseouquipunit).Danscettetradition, laremisedel’objetdevaleurauDestinataireestdistinctedelasanction(récompenseoupuni-
tion)duSujetopérateur.Lavaleurtransmiseaveclasanctionn’estpasdéterminéeparcelledel’objetlui-même,etsonattributionestdiscrétionnaire.
Lecapitalismelibéraln’arieninventé,maisgénéraliséuneorganisationnarrativetypique
d’uneaireculturelleparticulière.Maiscettegénéralisations’accompagned’unenaturalisa-tionpardesloiséconomiquesprésentéescommeuniverselles,cequiestunenégationdelaspécificitéculturelledecetypedestructureactantielle.
LafusiondelarétributionduSujetetdel’attributiondel’objetdevaleur,ainsilesyncré-tismeentreSujet,DestinataireetDestinateur,pourraienteuxaussipasserpourunespécifi-
citéculturelle,liéeàuneformedevieparticulière,sionprenaitpourréférencelemodèlede
la spécialisation actantielle, légitimé par des lois dites universelles.Mais les syncrétismesvontbienau-delà,carilsremettentenquestionlapertinencedesrôlesactantielsspécialisés,
et ils récusentmême toute formede spécialisationdesmembres, aunomd’une réflexion
préalable sur la constitution de l’actant collectif, dont l’autre modèle semble fairel’économie.Dans sesusages standards, la sémiotiquenarrative semblenepasprendreen
considérationcetactantcollectifderéférence,principalementenraisond’uneffetdefocali-
sation théorique,engendrépar la filiation linguistique (lesactants sontextrapolésàpartir10 ACI, Déclaration sur l’identité coopérative, version révisée de 1995, https://www.ica.coop/fr/node/13895.
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des fonctions syntaxiques dans la phrase simple), et conforté par le corpus proppien
d’origine(des rôles narratifs individuels extraits de contes folkloriques). Pourtant, mêmedans lecontefolklorique,toutcommedans l’entreprisecapitaliste, iln’yapasquedesac-
teursindividuelsdotésderôlesactantiels:l’actantcollectifetlecontrôlequ’ilexercesurla
répartitiondesrôlesensonseinysonttoutaussiprégnants,mêmesi,pourdesraisonsidéo-logiques,ilsnesontpasparfaitementexplicités.
Nous faisons donc l’hypothèse que l’organisation actantielle est toujours sous le con-
trôle,impliciteouexplicite,assuméounégligé,d’unactantcollectif:encesens,ladiversifi-cationentrelesdifférentsmodèlesnarratifsreposeraitsurlesvariétésdecetteorganisation
interneetdesrôlesdel’actantcollectif,etnonsurlaprésenceoul’absencedecedernier.
4.3.2.Unmodèlenarratif«alternatif»?
Unautre systèmede rôles se substitueauprécédent: l’actant collectif, auquel chacun
participe selon un dispositifmodal spécifique, décrit ci-dessus, assume sans spécialisation
toutes les fonctions requises par la pratique collective. Un seul actant collectif, selon lesphasesde lacoopération,délibèreetdécide,travailleetproduit,reçoitetrépartit.Cetac-tantcollectifsoigneusementmodaliséetvaloriséestainsienmesurededéterminerlesrela-
tions et de réguler la plupart des interactions entre les membres qui le composent. End’autrestermes,sionposecommepréalablelemodedeconstitutiondel’actantcollectif,lefaitdespécialiseroupas lesrôlesactantielsdevientunchoix (ici,unchoixpolitique)fondé
surlesvaleursdirectricesmisesenœuvreauseinducollectif.
En outre, la distinction entre lemode de constitution du collectif et la pratique domi-
nantequilecaractérise,setraduit,entermesdeprocessusnarratif,parl’articulationentre
deuxdimensions.Lescollectifssocio-économiques,qu’ilsl’affichentouqu’ilsledissimulent,
articulenttousunefaceéconomiqueetunefacepolitique.Commeledit l’undescoopéra-
teursquej’aiinterviewé,RémyChaulat(AmbianceBois,Limousin),«Notreboulotquotidien,
c’està lafoisscierdesplanchesetcoopérer»11.MichelLulek, l’undesescollègues,nedit
pas autre chose,mais autrement: «Pournous, la façonde travailler est aussi importante
queleproduitquiestfabriqué.Leprocessusdepriseenchargedelanécessaireproductionprimesursonrésultat»12.
Lesdeuxfacessontfusionnéesdanslapratique,quiparticipedoncàdeuxrégimesdesi-
gnification,quel’onpeutsaisiretcommenterséparémentenchangeantdepointdevue.Lapersistanceet lapropagationdelaformedeviecollective(parexemplecelledescoopéra-
11 Ibid. 12 Michel Lulek, « Scions… travaillait autrement ? », in Ambiance Bois, l’aventure d’un collectif autogéré, Préface de Serge Latouche, Valence, Repas, 2009 [2003], p. 9.
12
tives)reposentsurcettesolidaritéentrelesdeuxfaces:lafacepolitiqueassuredespossibili-
tésdegénéralisationetdediffusionau-delàdetelleoutelleorganisationparticulière,etlafaceéconomiqueapportelapreuveconcrète,actualisante,delafaisabilitéetdeladurabilité
d’une telle formedevie. La faceéconomiquecorrespondà ladimensionplusgénéralede
l’exercicepratique,etlafacepolitiqueàcelledelarégulationépisémiotique.
Lacorrélationentreexercicepratiqueetrégulationépisémiotiqueestunfacteurdeper-sistancedetoutepratiqueengénéral.Ellepermetdefairefaceauxaléas,auxobstaclespré-
visiblesouimprévisibles,àlarésistancedumilieuoùellessedéploient,etellecontribueàlaschématisationdelaformedevie.Cen’estenaucunemanièreuneparticularitédumouve-
mentcoopératif;c’estlamanifestationsystématiqueetstratégiquenarrativedelacorréla-
tionentrelesdeuxdimensions,quiluiestpropre.
Traditionnellement,lecapitalismelibéralnejustifiel’économiquequeparl’économique,
donc sans distinguer les deux dimensions.Mais il arrive aussi que des responsables poli-
tiques inversent le rapport entre l’exercice pratique et la régulation épisémiotique: ilss’emparentalorsdesrèglesdu libéralismeéconomique,commemodederégulationépisé-miotiquedelapratiquepolitique(ilsconduisentl’Etatcommeuneentrepriseoumêmeune
StartUp).Autrementdit,laréductiondesdeuxdimensionsàuneseuleestuncasparticulier,résultantd’uneoccultationidéologique.Ladistinctionentrelesdeuxfaces(l’économiqueetlepolitique)quimanifestentlesdeuxdimensions(exercicepratiqueetrégulationépisémio-
tique),estlecasgénéral,avecdespossibilitésd’inversiondelacorrélation,oudeneutralisa-tiond’unedesdeuxfaces.
L’optionnarrativeretenueparlemouvementcoopératif,quecesoitlaprééminencede
l’actantcollectif,ouladistinctionetlacorrélationentredeuxdimensionsduprocessus,n’est
doncniuneexceptionniunerévolution,elleesttoutsimplementledévoilementdelasitua-
tionlaplusgénérale:unrévélateurcritique.Encomparaison,enoccultantlaconstitutionde
l’actantcollectif,lecapitalismelibéralréduitlafacepolitiqueàunepurecontemplationdes
lois naturelles économiques,puisqu’une fois naturalisées, ces lois ne sont plus supposées
connaître d’alternative. L’association d’une face politique et d’une face économique n’estdoncpasuneexclusivitédumouvementcoopératif,etelleopèreaussidans lecapitalisme
libéral;dans lepremier,elleestactualisée,manifestée,etassumée,alorsquedans le se-
cond,elleestplusoumoinsneutraliséeetoccultée.
Toutefois,ladifférenceentrelesdeuxmodèlesengendrebienunealternativeactantielle,
qui résidedans la conceptionde l’actant collectif.Affichéesoumasquées, les conceptions
diffèrentprofondément,notammententermesdespécialisationdesrôles.Lemodèleactan-tielcoopératifconstruitunseulactantcollectifquiestconçupourrésisteràlaspécialisation
13
actantielle,voire l’inhiber,afind’empêcher laformationd’inégalités.Sidesrôlesactantiels
surgissent,localement,àl’occasiond’uneactionparticulière(parlarépartitiondestâches),ces distinctions restent provisoires et déformables. Les situations qui les engendrent sont
toujoursréversibles,etjamaisdurables.Larésistanceàlaspécialisationreposesouventsur
lasubstituabilitéentrelesmembres.
4.4.Acquisitiondecompétencesvspropédeutiqueàl’accèsàuneformedevie
Dans le schémanarratif canonique, on distingue une phase qui s’intitule, selon le cas,
«épreuves qualifiantes» ou «acquisition de compétences», présupposée par celle des«épreuvesprincipales»oude la «performance». Laprésupposition impliquedans ledé-
roulementnarratifquel’onnepeutfairesansavoiraupréalableacquislesmodalitésdela
compétence.Cetteconception trèsmarquéeculturellementadéjàété remiseenquestion
par la sémiotique des passions, puisqu’un état ou une inflexion affective peut déclencher
uneactionsansquelescompétencesprétendumentrequisesparcetteactionsoientnéces-
sairement déjà acquises: c’est précisément à cela qu’on reconnaît une action induite parunepassion13.
4.4.1.Descompétencesfaiblementpertinentes
Le fonctionnement coopératif remet en cause cette relationdeprésuppositiondema-nière plus radicale. Tout d’abord, les coopérateurs eux-mêmes semblent traiter avec
quelquedésinvolturelescompétencesrequisespourexercerleurmétier.Danslesentretiensréalisésaveclesmembresd’AmbianceBois,notamment,cettequestionestmanifestement
marginale.Pour commencer,pourquoi avoir choisi le travail dubois?Parcequ’ils en con-
naissaient les techniques? Certainement pas! Ecoutons l’un des fondateurs de la scieriecoopérative,MichelLulek:laraisonestpolitique!
Unequestionpolitiquebeaucoupplusgénérale:commentondécide,commentonassumelesdécisions,commentonselespartage?Làoùc’estlepluscaricatural,c’estdanslesentre-prisesdetransformationdelamatière…Onpenseàlaverrerie,àlascierie—commeonn’yconnaîtrien,onatouteslespalettesdevantnous…Lebois,çaparaîtàpeuprèscompréhen-sible,accessible…Ehbien!onvafaireunescierie.14
Laplupartdeséconomistescrieraientàl’irresponsabilité.Maisl’argumentestpolitique:puisque ce sont «les entreprises de transformation de la matière» qui exposent le plus
crûmentlesrapportsdeforcedansleurgouvernance,lacoopérativetransformeraunema-
tièrepremière,pourreleverundéfipolitique.Commeleboissemble«àpeuprèscompré-
13 Cf. Sémiotique des passions, op. cit., « Les paradoxes de l’obstination », pp. 68-69, et « Description du dispositif modal », pp. 70-82. 14 Michel Lulek, bande son du film de Sophie Bensahoud, Ambiance Bois, travailler autrement, France, Leitmotiv Productions, 2014 (production de Jérôme Amimer, 53 mn, format 16/9).
14
hensibleetaccessible»,cettecoopérativeseraunescierie.Lafacepolitiques’imposesurla
dimension épisémiotique, et la face économique suivra…Un autre argument apparaît en-suite,chezlemêmeMichelLulek,etilestluiaussidenaturepolitique:
Yenaunquifaitdelapsychologie,unquifaitdudroit,unequifaitdeslangues,unequiestinfirmière,yenaunquiacommencédesétudesd’architecture,moijefaisdel’histoire.Onseformeenallantfairedesstagesdeformationpratique,professionnelle;enfait,laforma-tion,onva ladécouvrirsur letas.Pendant lespremièresannées,onn’apasarrêtédefaire«essai,erreur»,«essai,erreur»,laformationyenapleinquisepassecommeçasurleter-rain.15
Si les compétences techniques requises sont reléguées au second plan, c’est d’abordparcequ’ellesdoiventlaisser lapremièreplaceàladiversitésociale,à l’altérité.Lapriorité
danslacompositionducollectif,c’estladiversitésocialesurlaquelleonfonderal’égalité,etnon la complémentarité des compétences dédiées à l’activité: priorité aux valeurs poli-tiques.L’acquisitiondescompétencesestentièrementintégréeàl’exercicepratique,etnon
requisecommepréalable.
Le refusde laspécialisationsemanifesteprincipalementpar lasubstituabilitéentre lesmembres.Lasubstituabilitéfacilitelesreconfigurationsetlesadaptationsauxaléas:diminu-
tionouaugmentationdel’activitédansundomaine,créationd’unenouvelleactivité,congé
outempspartield’unouplusieursmembres,arrivéedenouveauxmembres,etc.Lasubsti-tuabilité permetaussid’assurer les fonctionsdegestionde l’entrepriseetdepilotagedes
chantierssanshiérarchisationentrelesmembres:chacunyestappeléoupeutyêtreappelétouràtour,dumoinss’illesouhaite.Pourtoutescesraisons,lasubstituabilitéestlamani-festationtactiquedel’égalitéauseindelacoopérative.L’égalitédeprincipelarendpossible,
etenretoursonexercicestabiliselaréalisationconcrètedel’égalité.
Acontrario,uneentreprised’uneautrenatureviseraituniquement lacomplémentaritéoptimale entre les compétences techniques, l’acquisition antérieure de ces compétences
(«Maisquefaitdoncl’école?Commentvoulez-vousqu’onlesembauche?Ilsneconnaissentrienànosprocessetànosproduits!Ilfauttoutleurapprendre!»),etlapossibilité,grâceà
cescompétencesspécialisées,dejustifier,conforterourenforcerlahiérarchieentrelesem-
ployés.Dans ce type d’organisation, les compétences ne peuvent être identifiées que parprésupposition(commedanslasémiotiquenarrativegreimassienne),etparuncalculrétros-
pectifàpartird’unedéfinitionetd’uneanalysepréalablesdel’activité:cetterétrospection
fondealorsleraisonnementselonlequell’actionéconomiquenepeutcommencerquesilescompétencessontdéjàacquises.
L’alternativesémiotiquepeutalorsêtreàlafoisrécapituléeetgénéraliséeainsi:
15 Op. cit.
15
(i) Iln’yaqu’unseulactant,ilestcollectif,etilestconstituépréalablementàtoute
autreopération,àlafoisparunprélèvementsurladiversitéhumaine,voiresurladiversitédesexistants(àlaquelleonappliqueleprinciped’égalitédedroits);
(ii) Laparticipationdesmembresàcecollectifestrégléepardespositionsmodales,
dontlasolidaritéetlesenchaînementssontassuréesparuneaxiologieprofonde(desvaleursfondamentales).
(iii) Cetactantcollectifassuresans lesdistinguerni sespécialiser les rôles fonction-
nelsrequisparlesthématiquespratiques.Lecontratoulamanipulationsontdesconfigurationssuperficiellessous-tenduesparunprojetpolitiquecollectif,quiré-
gitnotammentlamanièredepasseràl’actionéconomique.
(iv) Lasanctionetlareconnaissancesontelles-mêmesentrelacéesavecleprocessusdeperformance,d’unepartpourrenforcerlescompétences,par«essais,erreurs
et corrections»,etd’autrepartpourassurer lapérennitéducollectifetdeson
projet: il s’agit de durer, de persister, de persévérer, et non d’accomplir,d’acheveretdecloreleparcours.
(v) Cemodèlealternatifestplusgénéraletplusprofondquelemodèlenarratifstan-
dard,etcedernierendécoule,sousdesconditionssocio-anthropologiquesspéci-fiques
4.4.2.Propédeutiquesémiotique:àladécouvertedunouveaumonde
Onpourraitconcluredetoutcequiprécèdequetoutcommenceaveclaconstitutionducollectifetcontinueavec l’entréeenaction,puisqu’aucunecompétencenesemblerequise
comme préalable. Mais ce serait oublier l’établissement des conditions d’existence de
l’actantcollectif.Sionenfaittouteunehistoire,c’estjustementpourretrouvercettephase
décisive,quidevraittrouversaplacedanslaséquencenarrativecanonique.
Onpeutalorsexaminerlesrécitsdeviedescoopérateurseux-mêmes.Pourentrerdans
unecoopérative,ilfautadhéreràsonmodedefonctionnement,etpourcelaavoirétéinitié
aux valeursqui le fondent. La formationdu collectif et lepassageà l’actionprésupposent
nonpaspardesacquisitionsdecompétence,maisdesexpériencesquipréparentàunead-hésionlibreetentièreaucollectifetàsonprojetpolitico-axiologique.
C’estcequenousappelleronsune«propédeutique»,termequirecouvreicigrossomo-
do la découverte d’autres formes de vie, d’autresmondes possibles, et l’instauration desconditionsquipermettraientd’yaccéder.Auxoriginesetàlafondationdescoopératives,on
trouvetoujoursuneexpériencesocio-politiquedécisive,quipermetderompreavecdesdé-
pendancesantérieures,etdechoisirlibrementun«nouveaumonde».L’histoiredescoopé-rativesestjalonnéedecrisesetd’expériencesdecettesorte.Pourlescoopérativesplusré-
16
centes,lesconditionsdecréationsontmoinstendues,maisellessontellesaussiprécédées
parunephasepropédeutique.Envoicideuxexemples.
(a)Ardelaine,Pierreville,Ardèche
Les fondateursde la coopérativeArdelaine sont arrivésdans la valléedePierreville en
participant à des chantiers de fouilles archéologiques estivales. Ils ont parfaitement cons-ciencedurôlepropédeutiquedecesactivitésestivales.Lafouillearchéologique,disent-ilsen
substance, s’accompagne de la reconstitution desmodes de vie qui ont laissé des traces
danslepaysageetdanslesol.Elleimpliquederefairelescheminspratiquesetlesparcoursde vie empruntés par les ancêtres. Lespratiques culturelles estivales déboucheront sur lacréationd’unenouvelle formede vie, autour d’une coopérative de production,mais elles
commencentparenactualiserlesprincipalesconditionsd’existence,d’unepartenraisondeleurmode d’organisation collectif (les équipes de fouilleurs), et d’autre part en raison du
contenucultureldespratiques,quirouvrentunpasséenfoui,pourreconstituerdesformes
devieantérieures,quelaformedeviecoopérativeprolongera.
Commejel’aidéjàexpliquéplusendétaildansunexposéantérieur,encettephasepro-pédeutique, les fondateursd’Ardelainedécouvrent lacompositionoptimaleducollectif sur
lequelilssereposeront:nonseulementdeshumains,maisaussietsurtoutunsite,unter-roir,desanimaux,unearchitectureindustrielleetvillageoise,desmachines,desplantes,etplus généralementun territoire.Une continuité sensible et axiologiqueest fortement res-
sentiepartouslesacteurs,autourdelalaine,quiréunittouslesexistantsparticipantduter-ritoireetdufuturcollectif.Lalainefaitl’isotopie,etsoutientunetrèsfortecontinuitéidenti-taire: les figures du territoire, humaines et non humaines, animées et non-animées,
s’inscriventdansunemêmefiliation,quelacoopérativeArdelainereprendraàsoncompte.
Commeonpeutleconstater, lespratiquesculturellesestivalesvonttrèsloinetprofon-
démentdansl’élaborationpréalabledesconditionsd’existencedufuturcollectif,quinedoit
encore rien aux principes dumouvement coopératif. Ces pratiques culturelles, principale-
mentcellesdelafouillearchéologique,participentdéjàd’unedimensionépisémiotique,qui
estd’abordanthropo-sémiotique,etquipréfigurecequeseralafuturedimensionpolitico-axiologiquedespratiquescollectives,et la formedeviecaractéristiquedufuturcollectif. Ilestdoncquestiondepratiquesculturellescommepropédeutiqueépisémiotique.
En outre, les fouilles archéologiques estivales sont d’abord des activités «de loisirs»,c’est-à-diremisesenœuvredansunrégimesémiotiquedifférentdeceluide l’activitééco-
nomique, et qui rend possibles et acceptables toutes les expériences ludiques et semi-
fictives.Cerégimesémiotiquepermetdeconduiredesexpériencessansconséquencesirré-versibles, qui ouvrent des possibilités de choix, mais qui n’en contraignent aucun: en
17
somme, sous un régime ludico-fictif, une expérience de la liberté de choisir, et en
l’occurrence,dechoisir le futuractantcollectifet le«monde»qui luiestassocié,dans le-queldesexistencesindividuellespourronts’inscrire.
(b)AmbianceBois,Faux-la-Montagne,Limousin
Ambiance Bois est installée depuis 1988 sur le plateau des Millevaches, à Faux-la-Montagne.Legrouped’amisquienapris l’initiatives’est forméde lamêmemanièreque
celuid’Ardelaine,aucoursdeleurjeunesseetd’activitésestivales.Lacoopérativeprolonge-
racesactivités,enétendantquelques-unsdeleursprincipesetlesvaleursàlavietouteen-tière,ycomprisl’activitéprofessionnelle.MichelLulek,l’undesfondateurs,historiendepro-
fession,racontecetteextensiondesactivitésestivalesà lavieautravail,à lavietouteen-
tière:
On faisaitdescamps,dans lesmouvementsduscoutisme…Onavaitdesprojetsensemble,on les faisaitensemble.Toutessortesdechosespendant lesvacances…Ons’amusaitbien,ons’éclatait.Danscemilieu-là,ons’estdit:«Onfaitdeschosesmotivantes,plutôtenthou-siasmantes,pendant l’été.Pourquoion feraitpasça toute l’année?»Onétaitdans lapra-tiqueducollectif,dufaireensemble,etc’estcommeçaqu’estarrivéAmbianceBois.16
Cetteévocationmetl’accentsurlefaitquetouteslesconditionsétaientdéjàactualisées
danslesactivitésestivales:lepremiernoyauducollectif,despratiquesdecoopération,desprojetsencommun,et,aussi,unelibertéetunaccomplissementdetouteslescapacités,qui
donneun accès immédiat et sensible aux valeurs fondamentales d’une formede vie. Pourpasserd’untelrégimesémiotique—laparenthèsetemporelledesvacancesestivales—aurégime socio-économiquede la coopérative, il suffit, apparemment,d’uneextensionde la
formedevieàtoutelavie.
Les pratiques collectives estivales en régime ludico-fictif ouvrent là aussi sur un
«monde»alternatif,enprocurentl’expériencepropédeutique,etcirconscriventlescaracté-ristiquesdecequideviendraunenouvelleformedevie.Lescongéspayés,cetteinventionduFrontPopulaireenFrance,sontprécisémentdédiésàdetellesexpériences:cellesdestyles
decomportementlibérés,quin’obéissentplusauxcontraintesdelavieordinaire.Nousap-pelons«régime ludico-fictif»unrégimesémiotiquedont lescroyancessontdemêmena-
turequecellesquiprévalentdanslerégimefictionnel,maissusceptiblesdeseprolongeret
d’avoirdesconséquencesconcrètesdanslemondedelaviequotidienne.
4.4.3.LeJeucommeexpérienceutopiquedelalibertéetcommeaccèsauxvaleursdelaviemême.
Lapropédeutiquesémiotique jouedoncuntoutautrerôleque l’acquisitiondescompétencesou
16 Bande son du film Ambiance Bois, op. cit.
18
lesépreuvesqualifiantes.Ellenepréparequ’àladécouverteetàl’entréedansunenouvelleformede
vie,enménageantunephaseantérieuresousunrégimesémiotiquespécifique,souventdetypeludi-
co-fictif.L’expériencepropédeutiqueestd’abord,etdanstouslescas,unerupturepartielleoutotale,
conflictuelle ou pacifique, avec les dépendances externes et antérieures. Cette rupture réinitialise
l’identité et le statut social de tous lesacteurs, et les confrontedirectementavec les conditionsde
formationducollectifenquestion:pourlescoopératives,c’estlaconfrontationavecledispositifmo-
dal,avecla«passiond’organisation»,évoquésprécédemment.
Elleopèrepourcefairesousunmodepropre,celuidelalibération.Quecesoitlorsdeconflitsso-
ciaux,oupendantlesvacancesestivales,lapropédeutiquesémiotiqueestunedécouverteàlafoisdes
latitudesoffertesparunrégimesémiotiqueoùchacunpeutsedépouillerdesonstatutsocialetdes
dépendancesantérieures,etparlalibertéd’exploreretdechoisirdenouvellesformesdevie.
Maissi lecheminquiconduitauxvaleursàunautremondesemble ludiqueet fictif, lesvaleurs
elles-mêmessontplusquesérieuses,cesont lesvaleursde laviemême,toutcommecellesquedé-
couvrent les fondateurs des deux coopératives étudiées. Pour accéder à ces valeurs fondamentales
(lesvaleursdirectricesducollectif),undébrayageetunelibérationparrapportaurégimesémiotique
du quotidien sont nécessaires. C’est pourquoi la propédeutique sémiotique a lieu lors d’une paren-
thèsespatio-temporelle,ludico-fictive,enruptureaxiologique,oùl’onpeutaccéderausensdelavie
même.
Silesépreuvesqualifiantesprocurentlescompétencespouragir,etsilapropédeutique
sémiotiqueouvresurdesmondesalternatifsetdenouvellesformesdevie, ildoitêtredé-sormais clair qu’elles se situent sur des dimensions radicalement différentes. Certes, les
deux régissent des possibles: rendre possible l’action pour la première, donner à expéri-
menterdesmondespossiblespour laseconde.Maisonvoitbienalorsque ledomainedepertinence de la seconde englobe celui de la première: les conditions d’existence d’une
formedeviesubsumentetdéterminentlesconditionsdel’actionàl’intérieurdecetteforme
devie.
Laconfrontationdesphasespréparatoiresrespectivesdelanarrativitéstandardetdela
narrativité coopérative permet alors de poser comme principe que la phase préparatoire«standard» est destinée à l’acquisitiondes compétencespour faire, alors que celle de la
propédeutiquecollectiveestconsacréeà l’établissementdesconditionsdepossibilitéd’un
nouveaumonde!Autrementdit,unchangementdeniveaudepertinence.Cequin’apparaîtpasdans lemodèlede lanarrativitéclassique,quiestaussiceluiducapitalisme libéral, ce
sontlesconditionsenglobantesdelaformedeviedanslaquellel’actionéconomiquesedé-
roule; nous avons déjà noté à cet égard la «forclusion» des choix politico-culturelsqu’induitlanaturalisationdesloiséconomiques;nouspouvonsajoutermaintenant
l’occultationdesconditionsanthropologiques.Lemodèlecoopératif,aucontraire,nonseu-
lementfaituneplaceàcetypedequestion,maissurtoutfaitreposertout lepoidsdeson
19
institutionnalisationsurcettedimensionanthropologiqueetpolitique.L’usagedesmodalités
estàcetégardtrèséclairantduchangementdepointdevuequ’ilopère:personnenedouteque les acteurs de la coopérative, et surtout les employés et ouvriers, doivent disposer à
termedesvouloir-faire,savoir-faireetpouvoir-faire,nécessairespourlaréalisationl’objectif
économique.Maisaupréalablecesmodalitésdoiventêtremisesenplacedansladéfinitionetlaconstructiondel’actantcollectif.
5.Conclusion:l’acteurcollectifcommerévélateuridéologique
Nousavonsmisendoutelecaractère«alternatif»desmodèlesnarratifsrespectivementmis en œuvre dans l’entreprise du capitalisme libéral et dans le mouvement coopératif.
Nousavonsalorssuggéréunerelationd’englobement:lepremiermodèlesefocaliseraitsur
lanarrativitéelle-même,enoblitérantlesconditionssocio-anthropologiquesquilafondent,
alorsquelesecondviseraitdirectementcesconditionssocio-anthropologiques,pourendé-
clinerensuiteunmodèlenarratif.Autermedecetteréflexion,cerapportd’englobementse
confirme,maisiln’affaiblitpaslecaractèrealternatifdesdeuxmodèles.Illedéplaceenre-vanche,car ilapparaîtmaintenantque,parmicesconditionssocio-anthropologiques, l’une
d’entreellesestlepréalableàlaplupartdesoptionsnarratives:s’ilyauneoudesalterna-tives,ellessesituentauniveaudumodedeconstitutionetdecompositiondel’actantcol-lectif.
Toutaulongdeceparcours,ensourdineouenfiligrane,lepointcritiquedel’expérienceorganisationnellesedégageeneffetpeuàpeu:uneentrepriseclassiquesedéfinitenprin-
cipeparunmétier,cedernieruniformiselacompositionducollectif,etilproduitdesmêmes,
qui sespécialisentsanssediversifier; l’entreprisecoopérativeexerceelleaussiunmétier,mais la compositionducollectif reposeen revanche sur ladiversité sociale, qui rassemble
desautres,quinesespécialisentpasetquirenforcentouentretiennentleurdiversité.Pour
l’unecommepourl’autre,ilfautconcevoirunactantcollectifderéférence,dontlemodede
compositionentraînelaplupartdesautresdistinctionsetorientationssémiotiquementper-tinentes: la structure actantielle et modale, l’organisation narrative, le rôle des compé-
tences,desvaleurs,etlepoidsrespectifdelafaceéconomiqueetdelafacepolitique,etc.Toutcommenceaveclamanièredontlecollectifestcomposé,ycomprispourlesmodèles
dominantsetbienétablis,etmêmequandilsnel’expliquentpas—voirequandilsladissi-
mulent—.
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