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La Blockchain, un nouveau levier du

Financement Participatif ?

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Oct. 2016 Version mise à jour en Novembre 2016

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Enerfip ?

Enerfip Enerfip, plateforme d’investissement participatif dédiée à la transition énergétique, a été fondé par quatre amis qui sont aussi des professionnels des énergies renouvelables (EnR), experts techniques et/ou experts du financement de projets. L’équipe combine des expériences significatives dans toutes les étapes du développement, du financement, de la construction et de l’exploitation de projets d’EnR. C’est parce qu’ils ont été confrontés eux-mêmes aux problèmes de financement de projet d’EnR qu’ils ont imaginé Enerfip, solution sur-mesure pour les EnR.

La communauté de 600 membres d’Enerfip a financé la transition énergétique à hauteur de 500 000 euros en moins d’un an. L’Autorité des Marchés Financiers a délivré le statut de Conseiller en Investissements Participatifs à Enerfip au printemps 2015.

Plus d’infos : https://www.enerfip.fr

France BlockTech L'association française FRANCE BLOCKTECH a été lancée sur l'initiative d'un collectif de startups & acteurs du monde des blockchains, distributed ledger technology & monnaies numériques afin de se fédérer autour d'une même vision, de promouvoir et développer l'écosystème, de dialoguer d'une seule voix avec les médias et les pouvoirs publics et de construire collectivement un écosystème durable pour les concepteurs et les utilisateurs. Enerfip est membre-fondateur de cette association.

Plus d’infos : http://www.franceblocktech.org

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Sommaire

Partie 1: enjeux technologiques

Enerfip ?..................................................................................................................................................... 2

Contexte : la réforme des bons de caisse et l’introduction des minibons ........................... 5

L’intérêt de la Blockchain et ses enjeux pour le financement participatif ........................... 9

Blockchain, bitcoin, colored coins .................................................................................................. 10

Inscrire une transaction dans une Blockchain Publique en toute sécurité! ..................... 13

Quel avenir pour les émissions par registre distribué ? .......................................................... 20

Quels objectifs pour quelles actions?............................................................................................ 24

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Partie 2: enjeux juridiques et de Gouvernance

Introduction ........................................................................................................................................... 30

Les possibilités offertes par la blockchain en matière de financement participatif ...... 34

1. La blockchain comme registre ................................................................................................ 34

2. La blockchain comme mode d’émission .................................................................................. 35

3. La blockchain comme mode de cession .................................................................................. 36

La compatibilité du recours à une blockchain publique avec la règlementation applicable en

matière de financement participatif .............................................................................................. 39

1. Le faux problème du pseudonymat des transactions ................................................................ 39

2. La gestion de la confidentialité des données ........................................................................... 41

3. La responsabilité des participants à la blockchain .................................................................... 42

4. Le rôle de l’AMF dans la régulation de la blockchain ................................................................ 43

La chronologie de la Blockchain pour Enerfip ............................................................................ 46

Les auteurs ............................................................................................................................................. 47

Remerciements ..................................................................................................................................... 49

Contact ..................................................................................................................................................... 50

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PARTIE 1: Enjeux Technologiques

Contexte : la réforme des bons de caisse et l’introduction des minibons

« Nous allons profiter de l’ordonnance sur la réglementation financière, chargée de dépoussiérer les bons de caisse et de créer des minibons, pour expérimenter sur la blockchain », a déclaré le Ministre de l’Economie Emmanuel Macron lors des Assises de la Finance Participative le 29 mars dernier1. La création de cette sous-catégorie de bon de caisse pour l’écosystème du financement participatif répond à deux objectifs principaux. D’une part, la mise à disposition aux plateformes françaises d’un titre simple de présentation et d’utilisation, que ce soit pour les investisseurs ou pour l’émetteur, et d’ouvrir le prêt participatif aux personnes morales et aux fonds. D’autre part, la possibilité pour certaines plateformes d’effectuer la cession de ces titres grâce à « un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant l'authentification de ces opérations »2, c’est-à-dire un dispositif fondé sur la technologie « blockchain ».

L’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse modernise le régime juridique de l’offre au public des bons de caisse, mis en place par une loi-décret du 25 août 1937. Ce titre de reconnaissance de dette simple né d’un prêt avec une échéance de 5 ans maximum pouvait être émis par toute personne physique ou société ayant une activité commerciale et conclus au moins trois exercices. Issu d’une pratique traditionnelle, le bon de caisse était souvent transmis par endossement et sans intermédiaire, parfois via une émission anonyme. La législation sur le crowdfunding de 20143 a regule de manière importante les activites des plateformes de crowdfunding. Ainsi, l’émission d’obligations et d’actions était désormais réservée aux plateformes agrémentées Conseiller en Investissement Participatif (CIP) ou Prestataire en Services d’Investissement (PSI) par l’AMF, les plateformes enregistrées comme Intermédiaires en Financement Participatif (IFP) se voyaient contraintes de limiter leurs investisseurs à 1000€ de prêt par projet. Même si l’utilisation des bons de caisse par certaines plateformes de financement participatif et notamment de crowdlending a précédé ces nouvelles règles du jeu, certaines de ces plateformes ont utilisé le bon de caisse, non régulé par cette réforme de 1 Cite dans le communiqué de presse de l’association professionnelle Financement Participatif France 2 Code Monétaire et Financier, Art. L. 223-12 tel que modifié par l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse. Disponible sur Legifrance. 3 Ordonnance n° 2014-559 du 30 mai 2014 relative au financement participatif et Décret n° 2014-1053 du 16 septembre 2014 relatif au financement participatif

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2014, et qui n’est ni une valeur mobilière ni un contrat de prêt, pour contourner les contraintes de la régulation sur les prêts participatifs.

Pour encadrer plus adéquatement le financement participatif, l’ordonnance du 28 avril 2016, entrée en vigueur au 1er octobre 2016, oblige l’inscription de chaque bon sur un registre détenu et géré par l’émetteur et proscrit son démarchage.4 Elle interdit donc le financement en série des bons de caisse et son émission par les sociétés de financement qui doivent désormais se tourner vers un outil taillé sur mesure pour le financement participatif, les minibons.

Réservé pour l’intermédiation aux plateformes agrées CIP ou PSI, les minibons sont dotés d’un régime juridique hérité des bons de caisse à la sécurité renforcée. Avec une échéance maximum de 5 ans, les minibons sont des titres nominatifs réservés aux sociétés anonymes (SA), sociétés par actions simplifiées (SAS) ou sociétés à responsabilité limitée (SARL) justifiant d’au moins trois exercices comptables et au capital intégralement libéré. Ils peuvent être souscrits par des particuliers comme des institutions et des entreprises. Pour pouvoir procéder aux émissions, les plateformes peuvent accéder au fichier bancaire « FIBEN » de l’émetteur afin d’évaluer la santé financière de l’entreprise et d’effectuer pleinement leur mission de conseiller en investissement.5

La véritable innovation des minibons réside, toutefois, dans leur mode de distribution puisque l’ordonnance permet aux plateformes de les céder via un dispositif fondé sur la technologie « blockchain », pour la première fois reconnue par la législation en France. Ce mode d’émission et d’enregistrement des minbons constitue une grande innovation pour le financement participatif, et au niveau mondial car c’est la première fois que des transactions réalisées via blockchain auront une force juridique à l’échelle d’un pays. L’utilisation d’un registre distribué offre ainsi une nouvelle sécurité au crowdlending et permet d’étendre l’accessibilité d’un titre simple et contrôlé. Cette première utilisation de la technologie « blockchain » pourrait également aboutir à une extension future de ce modèle de diffusion à d’autres produits financiers, comme, à terme, les obligations assimilables au Trésor.6

4 Reid Feldman et Hubert de Vauplane, « Les bons de caisse adaptes au financement participatif », note de synthèse pour le cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, 17 mai 2016 5 Xavier Delpech, « Le régime juridique des bons de caisse modernisé », Dalloz actualité, 10 mai 2016 6 Reid Feldman et Hubert de Vauplane, « Les bons de caisse adaptes au financement participatif », note de synthèse pour le cabinet Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, 17 mai 2016

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Le décret du 28 octobre7 fixe le montant total maximum d’émission sur 12 mois à 2.5 millions d’euros comme annoncé par Emmanuel Macron le 29 mars 2016, ainsi que les conditions spécifiques d’amortissement et d’inscription des cessions des minibons. Le décret ne précise par contre pas les conditions dans lesquelles devra se faire la tenue de registre par blockchain ; cela fera probablement l’objet d’un nouveau décret. Certaines plateformes ont d’ores et déjà pris les devants et annoncé vouloir s’essayer à l’émission de titres par « blockchain ».8 Avec un titre innovant, simple et sécurisé comme le minibon, il ne fait aucun doute que la révolution du crowdlending est en marche.

7 https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033317337&categorieLien=cid 8 Alain Rioux, « La blockchain arrive dans les levées de fonds en mode participatif, il faut être prêt », La Revue du Digital, disponible sur larevuedudigital.com, 11 août 2016, consulté le 23 août 2016

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L’intérêt de la Blockchain et ses enjeux pour le financement participatif

L’intérêt de la blockchain pour Enerfip réside dans l’amélioration substantielle de son offre de services. En effet, dans son offre actuelle de prêt Enerfip utilise les émissions obligataires. Ces dernières ne sont pas très complexes à mettre en place pour des montants inférieurs à 2.5 millions d’euros, car dans le cadre du participatif, ces émissions sont exemptées de présenter un prospectus AMF – ce qui n’est pas le cas au-delà de 2.5 millions. Toutefois, il y a une certaine lourdeur administrative. En particulier, la documentation contractuelle est rédigée par des avocats pour les collectes sur Enerfip. Ce coût de rédaction contractuelle est éliminé par la création du minibon. En revanche, la tenue de registre ne l’est pas. Si on ne peut pas supprimer cet impératif pour l’émetteur –par sécurité pour les investisseurs- un dispositif de type Blockchain permet par contre de l’automatiser.

Une blockchain est un outil assimilable à un protocole qui crée un réseau de confiance entre acteurs en certifiant des transactions via un registre anonymisé, dématérialisé et décentralisé tout en assurant transparence et traçabilité9. Une des innovations de cette technologie est la dilution de la confiance dans la multitude des acteurs du réseau.

Il faut faire une distinction fondamentale entre les blockchain publiques et les blockchain privées –dites aussi de consortium.

Dans le cadre des premières, il faut s’imaginer « un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer et indestructible. », comme le décrit le mathématicien Jean-Paul Delahaye.

Dans le cadre des secondes, l’accès au registre est restreint à un certain nombre d’acteurs. La confiance qu’apportera la blockchain, dans ce cas, sera celle apportée par la sélection des acteurs ayant droit d’enregistrement. L’innovation y sera donc très limitée, puisque l’intérêt principal de la blockchain est précisément de permettre de se passer de tels tiers de confiance ! La sécurité ne serait pas garantie contre des intrusions, et rien ne protègerait contre une éventuelle collusion des acteurs.

9 Voir par exemple cet article ou celui-ci

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Blockchain, bitcoin, colored coins

Introduction

La blockchain est particulièrement dans la lumière depuis quelques mois. D’aucuns diront que le phénomène ressemble même à une hype10. En fait, il ne faudrait même pas parler de la blockchain, mais des blockchains.

Le concept de blockchain a été inventé, mis en pratique puis popularisé par Bitcoin (pour aller plus loin voir ici11). Aujourd’hui assimilé à une crypto-monnaie en marge des systèmes monétaires étatiques, le Bitcoin s’appuie en effet sur un système de tenue de registre distribué et décentralisé et de validation communautaire qui va bien plus loin qu’une simple devise. La structure de stockage et de certification des transactions, autrement dit la blockchain, permet à la fois:

Une transparence car le registre est public, et disponible immédiatement à tous sans restriction

Un anonymat des acteurs: chaque acteur est identifié par un pseudonyme, en pratique une clé publique qui n’est autre qu’une longue suite de lettres et de chiffres (par exemple, la clef publique de Léo Lemordant, si jamais vous souhaitez lui envoyer quelques bitcoins, est: 1Mhknx1353EveAaZ5ipaZdiDNUo3c7Lrbu)

Une sécurisation des transactions: seul le détenteur de la clé privée associée à la clé publique, c’est-à-dire son propriétaire, peut initier une nouvelle transaction. Une fois inscrite dans la blockchain, les transactions sont définitives et irréversibles.

Une certification des transactions: chaque nouvelle transaction, cryptée et signée grâce à la clé privée, est déployée publiquement dans un bloc. Avant que cette transaction soit effectivement validée, elle doit faire l’objet d’une vérification d’intégrité et validation par un certain nombre d’utilisateurs. A leur tour, ils signent la transaction comme ayant bien été émise par celui qui prétend être l’émetteur ainsi que pour la validité de son contenu. Le processus de vérification utilise des techniques

10 http://www.gartner.com/smarterwithgartner/3-trends-appear-in-the-gartner-hype-cycle-for-emerging-technologies-2016/ 11 https://blockchainfrance.net/2016/03/14/comprendre-le-bitcoin/

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sophistiquées de chiffrement inviolables par construction (les fonctions de hachage).

Une inviolabilité des écritures déjà enregistrées: chaque bloc est également signé, prouvant que l’ensemble des transactions le contenant est valide. La moindre modification des transactions déjà écrites dans un bloc entraînerait l’invalidation de celui-ci, et l’ensemble des blocs est constamment validé par l’ensemble des utilisateurs. Il est théoriquement possible de réécrire les transactions a posteriori. Il faut pour cela disposer en pratique d’une puissance de calcul équivalente à plus de la moitié de la puissance de calcul total mobilisée par l’ensemble du réseau. Même Google ou la NASA ne disposent pas d’une telle puissance de calcul.

Un système distribué: le chaine n’est pas stockée dans un point unique, qui pourrait être un point critique en cas de sinistre (Single Point of Failure) mais reproduite dans un ensemble de pools. La disparition ou la corruption d’un pool n’entraîne que son invalidation, il ne dispose pas de données propres à lui-même mais une simple copie sur laquelle il travaille à la vérification et signature.

Processus de validation d’une transaction

C’est ce caractère distribué et transparent qui confère, paradoxalement, à la blockchain de bictoin sa fiabilité et son inviolabilité. En effet, depuis sa création, il y a désormais 7 ans, cette blockchain n’a jamais été hackée. Cela n’a pas empêché néanmoins que les plateformes d’échange et de stockage de bitcoins aient été victimes de hack, se voyant voler les identifiants (les clefs) de leurs clients, le seul véritable risque lié à l’utilisation de la blockchain bitcoin dans l’utilisation qui nous intéresse ici (voir infra).

C’est également la seule blockchain avec un historique si long. Il est donc naturel de se tourner vers cette solution. Nous proposons un panorama des autres options possibles en p. 20.

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Les colored coins

Au-delà d’un journal de transactions, il est possible d’attacher des métadonnées aux coins, c’est l’intérêt des Colored Coins. Un bitcoin ainsi « coloré » par son fichier de métadonnées, est distinct d’un autre bitcoin, et peut être considéré comme un actif.

Le Bitcoin n’est pas utilisé ici comme monnaie ou réserve de valeur, mais comme support à l’inscription de transaction sur une classe d’actifs – un colored coin donc.

Pour en savoir plus sur les colored coins :

D’autres projets poussent ce concept de métadonnées encore plus loin, pour des cas d’usage plus complexes :

Base de données: https://www.bigchaindb.com/

Stockage de fichiers: https://storj.io/

Applications: https://www.ethereum.org/

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Inscrire une transaction dans une Blockchain Publique en toute sécurité!

Les caractéristiques principales de l’expérience réalisée par Enerfip

Le schéma, parfaitement similaire à celui d’Overstock12 qui a réalisé une émission obligataire de 25 millions de $ via blockchain l’an passé, permet de bénéficier des avantages de la blockchain bitcoin (inviolabilité, fiabilité, historique de 7ans vierge de brèche,...) tout en assurant un niveau d'anonymat (une pseudonymisation des clients en fait) et de sécurité des informations sensibles irréprochable.

- les actifs sont représentés par un token bitcoin "coloré" par des métadonnées qui rassemblent les principales caractéristiques du contrat

- tous les transferts monétaires se font hors-blockchain, via le prestataire de monnaie électronique (S-Money, filiale de Banque Populaire Caisse d’Epargne, dans le cas d’Enerfip)

- la blockchain sert exclusivement de registre dans ce cas-là

- les clients n'ont pas les moyens d'effectuer des transactions, seul Enerfip peut inscrire des transactions dans la blockchain

- le stockage des données sensibles est hors-ligne, donc inaccessible sauf à pénétrer physiquement dans les locaux d'Enerfip

- les opérateurs des nœuds du réseau n'ont accès à aucune information sensible ou privée. Il n'est donc absolument pas nécessaire de connaitre ces derniers.

12 http://www.coindesk.com/overstock-to-issue-digital-corporate-bond-on-bitcoin-blockchain/

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Description schématique de l’utilisation de la blockchain par Enerfip

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Description détaillée du mécanisme

Considérons le client M. Martin qui s'inscrit d'abord sur Enerfip (A dans l’infographie ci-dessus) et dont l’identification (procédure de KYC) est validée par Enerfip selon les modalités usuelles (B). Il prête, c’est-à-dire souscrit des obligations ou des minibons, auprès de la société Beau Moulin dans l’exemple (C). Il crédite pour cela son compte de monnaie électronique S-Money (E) - son Livret Enerfip- par CB ou virement (D). Lorsque la collecte est terminée, deux évènements ont lieu en parallèle:

1. d'une part l'argent du livret Enerfip de M. Martin est transféré au compte du porteur de projet (F) et l'échéancier des remboursements est mis en place (G)

2. d'autre part la contractualisation est mise en place (1 à 3):

- un identifiant blockchain est créé pour l'investissement de M. Martin: une clef publique (dans l'infographie « kLk4WtD ») et une clef privée (« u4B7SA ») lui sont attachées.

- un identifiant blockchain est créé pour le porteur du projet: une clef publique (« Yf6Yg9U ») et une clef privée (« kLk4WQ ») lui sont attachées.

- dans une première base de données (1 dans l’infographie), Enerfip inscrit la correspondance entre les clients, leur clef publique, et leur numéro de souscripteur. Ces informations sont communiquées aux clients dans leur certificat d'investissement (individuel).

- dans une base de données séparée (2 dans l’infographie), Enerfip consigne les clefs publiques et clefs privées des clients.

- les tokens bitcoin de cette émission sont créés dans le compte blockchain représentant le porteur de projet, en configurant les métadonnées des coins (c’est bien Enerfip qui contrôle ce compte, et non le porteur de projet). Hébergé sur le site d’Enerfip, le fichier de métadonnées contient les informations sur l’actif : l’adresse du contrat sur le site d’Enerfip (l’adresse de la collecte qui fait donc référence aux termes du contrat), une description succincte des principales informations (voir ci-dessous).

- Enerfip inscrit les transactions dans la blockchain, en envoyant pour chaque obligation souscrite un token bitcoin (en pratique 0.000006 BTC soit 0.3 cts

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d'euros au cours actuel du bitcoin) du compte blockchain porteur de projet vers les comptes des différents clients.

- à l’issue du processus le compte de M. Martin contient pour chaque actif souscrit, un token bitcoin coloré par les métadonnées de l’émission correspondante.

Exemple du fichier de métadonnées13 pour l'émission de Bois Energie14

Pour résumer les informations publiques sont:

- les métadonnées du contrat (qui sont en pratique déjà publiées sur Enerfip)

- les pseudonymes des clients et du porteur de projet (c.-à-d. leurs clefs publiques)

- le nombre de transactions pour chaque pseudonyme

Il est important de noter quatre éléments:

- seule la connaissance de la base de données (1) permet de connaitre l'identité véritable des détenteurs des actifs.

- seule la connaissance la base de données (2) permet d'effectuer des transactions. Les clients ne peuvent d'eux-mêmes pas effectuer de

13 https://enerfip.fr/contracts/bois-energie 14 http://blockchain-explorer.enerfip.fr/projects/2

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transaction sur les actifs dont ils ont la propriété. Cela permet de contrôler l'identité du destinataire d'un transfert d'actif, dès lors qu'il a un KYC validé par Enerfip.

- le porteur de projet n'a pas non plus la maitrise des informations qui lui permettraient d'inscrire ou annuler quelque transaction que ce soit.

- le client peut prouver qu’il est le détenteur de l’actif, en prouvant que le pseudonyme blockchain est le sien grâce à son certificat de souscription.

Le coût d'une transaction correspond au prix d'un token, et des frais de transactions pour encourager le réseau à valider cette transaction rapidement. Au total, il faut compter 0.000106 BTC soit 5 à 6 cts d'euros par transaction. On notera une fois de plus que le nombre de BTC ne correspond à aucune valeur monétaire du contrat. La blockchain ne sert que de registre ici.

Il faut voir que dans ce processus, il n'est absolument pas nécessaire de connaitre les opérateurs des nœuds du réseau. Ces derniers n'ont accès à aucune information sensible ou privée. Il suffit de savoir qu'ils ne sont pas corruptibles collectivement (l'étendue du réseau permet d'en être sûr, plus de 3000 nœuds en moyenne ont validé chaque transaction dans notre expérience), et qu'ils sont fiables collectivement (l'historique de bitcoin montre que c'est le cas). Dans ce cas d'usage, les avantages de bitcoins ont tout leur sens, et nous n’avons identifié aucun défaut.

Enfin, on voit que dans ce cadre, l'interopérabilité des plateformes est facile à réaliser.

Les limites de la blockchain de bitcoin n’en sont pas dans ce cas d’usage. En particulier, le fait que bitcoin ne traite pas plus de 7 transactions par seconde n’est pas une contrainte.

Mise en ligne d’un blockchain explorer

Apres avoir dupliqué le registre de l’émission d’obligations Bois Energie, collecte réalisée au cœur de l’été sur la plateforme, Enerfip a mis en ligne un site internet dédié à cette nouvelle utilisation de la blockchain : http://www.blockchain-explorer.enerfip.fr.

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Il consiste à mettre à disposition du public une barre de recherche pour explorer la blockchain (voir captures d’écran ci-dessous). En tapant le nom d’un projet, on peut ainsi retrouver l’émission correspondante et voir la liste des transactions. Un souscripteur peut aussi retrouver sa souscription en entrant sa clef publique dans la barre de recherche.

Ce site nous permet de montrer quelles informations sont publiques et de prouver que l’anonymat des souscripteurs a été effectivement respecté.

La page d’accueil du Blockchain Explorer d’Enerfip

Aujourd’hui, Enerfip n’a réalisé l’inscription que d’un seul projet, et en obligations car la blockchain n’a pas encore de force juridique. A terme, hébergé sur le site Enerfip et accessible après inscription sur Enerfip, cette barre de recherche permettra aux clients d’Enerfip de vérifier leurs souscriptions de minibons de manière tout à fait transparente.

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Le résultat de recherche du Blockchain Explorer pour « Bois Energie »

La liste des transactions pour la collecte « Bois Energie »

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Quel avenir pour les émissions par registre distribué ?

Comme expliqué dans la première section de ce livre blanc, le cadre législatif n’est pas encore déterminé. L’avenir de l’utilisation des registres distribués dépendra en partie de ce cadre législatif et règlementaire.

Fonctionnalités

En termes de fonctionnalité, au-delà de la simple tenue de registre, nous voyons trois potentielles fonctionnalités qui pourraient reposer sur une telle technologie. Premièrement, la blockchain pourrait servir de moyen d’horodatage des transactions et venir remplacer des services de signature électronique comme Universign, particulièrement coûteux.

Deuxièmement, la blockchain pourrait permettre la création d’un véritable marché secondaire des minibons, à l’intérieur d’une plateforme, voire même entre les différentes plateformes. Il y a un long chemin à parcourir pour voir un tel marché s’organiser, notamment il faut que les plateformes aient la volonté de le structurer et qu’un standard s’impose, mais conceptuellement, la blockchain pourrait être un catalyseur à la création d’un tel marché. La liquidité apportée aux minibons par cette place de marché serait un atout de taille pour le développement du financement et de l’investissement participatifs.

Enfin, on peut imaginer que les transactions monétaires, et non seulement les aspects contractuels, soient implémentées via blockchain. Il est vraisemblable que cela nécessite une blockchain dédiée à parité avec l’euro en tout temps. A ce titre, les récentes annonces d’UBS sont extrêmement intéressantes concernant son concept d’Utility Settlement Coin15. Cela permettrait aux plateformes de s’affranchir des prestataires de monnaies électroniques, qui représentent un coût non négligeable. Toutefois, aucune solution n’est à ce jour disponible et il va falloir probablement attendre quelques années avant d’en voir une émerger.

Technologies : chaînes publiques, chaînes privées, et au-delà

Au-delà des fonctionnalités, on assiste aujourd’hui à un véritable bouillonnement technologique. Il est difficile de dire aujourd’hui quel

15 http://www.ictjournal.ch/News/2016/08/25/Utility-Settlement-Coin-nouvelle-monnaie-virtuelle-co-developpee-par-UBS.aspx

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standard va s’imposer au marché. Il est probable qu’à terme plusieurs standards cohabiteront, correspondant à différents besoins.

Tout d’abord, de nombreuses initiatives se construisent autour des crypto-monnaies. Bitcoin, bien sûr, est naturellement utilisé, mais d’autres initiatives essaient d’aller au-delà de bitcoin tout en reposant sur des chaînes publiques, pour permettre de plus amples fonctionnalités et résoudre certains inconvénients de bitcoin. Ethereum16 est développé notamment en vue d’une utilisation pour les smart contracts, ces contrats ou certaines clauses sont « encodées » dans la blockchain et deviennent effectives automatiquement dès que certaines conditions sont remplies.

D’autres initiatives, et elles se comptent en dizaines, envisagent des blockchain privées, où les nœuds du réseau, c’est-à-dire les participants à la blockchain, seraient connus et validés par une autorité de contrôle. Différents modèles ont été proposés, plus ou moins privés, avec un contrôle plus ou moins souple des nœuds. Si on perd ici les principaux attraits de la blockchain publique, à savoir une validation des transactions inviolable de facto, ces systèmes pourraient être une réponse à certaines inquiétudes –injustifiées- du public quant à la sécurité des blockchains publiques. Ces blockchains permettent surtout de pouvoir régler certains inconvénients (la relative lenteur du processus de validation par exemple), rédhibitoires pour certains cas d’usage comme par exemple les échanges boursiers.

Les sidechains (ou chaînes latérales ou parallèles) sont un concept très intéressant Il s’agit de blockchains sur laquelle interagissent un nombre limité d’acteurs, mais qui restent adossées au bitcoin. Les échanges se font sur la sidechain, mais régulièrement, les transactions sont reportées sur la blockchain de bitcoin, évitant d’encombrer cette dernière. L’une des premières sidechain a été lancée par Blockstream17 à l’automne dernier.

Dans la même veine, nous nous devons de mentionner le Lightning Network18. L’idée est ici aussi de réaliser des transactions hors-blockchain (blockchain bitcoin en pratique), sauf si une des parties devient récalcitrante. Les inventeurs de ce système le comparent à la justice : tout le monde établit et signe de nombreux contrats avec de nombreux tiers, mais rares sont les

16 Pour une introduction : http://www.journaldunet.com/economie/finance/1177098-ethereum/ 17 https://bitcoin.fr/blockstream-lance-la-premiere-sidechain/ 18 https://lightning.network/

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contrats qui sont in fine disputé au tribunal. La blockchain joue ce rôle d’arbitre ultime, par un système astucieux de smart contract.

Les géants du numériques comme Google, Apple ou Facebook, IBM et autres Microsoft s’intéressent évidemment au sujet, mais nous n’avons pas relevé jusqu’à présent d’innovations technologiques notoires de leur part. Il semble que ces acteurs majeurs de l’innovation numérique restent en retrait sur ce sujet adoptant une posture d’attente.19

Sans surprise, les grands groupes bancaires et assurantiels se penchent sur ces technologies disruptives, et menaçant potentiellement pour leur modèle d’affaires. Ils se sont regroupés en consortiums pour travailler sur ces sujets. Le plus important d’entre eux est évidemment R320, lancé en septembre 2015 par neuf banques, qui regroupe aujourd’hui plus de 45 institutions bancaires, financières, assurantiels, et au-delà (Thomson Reuters a rejoint le consortium). L’objectif de ce consortium est de mettre en œuvre pratiquement des cas d’usage de la blockchain, comme par exemple le trading d’instruments de dettes. Cependant, aucune direction technologique ne semble avoir encore été arrêtée, et il n’est pas encore sûr que l’initiative ne débouche sur des processus, produits ou services concrets. Au sujet des consortia, on peut aussi mentionner celui de la place financière française21 qui vise spécifiquement des solutions blockchain pour les PMEs. Les cabinets de conseil22 ne sont pas en reste et les quatre plus importants envisagent également de se regrouper sous une même bannière. Toutefois, il se pourrait bien que Nasdaq23, le premier acteur à avoir bougé sur la blockchain, remporte la bataille du standard grâce à l’avance prise depuis maintenant 18 mois. Nous noterons au passage que sa solution est très proche de celle adoptée par Enerfip pour son expérimentation.

Au-delà des solutions purement blockchain, on voit émerger déjà des concepts de registres distribués qui reposent sur un concept différent de celui de blockchain. Ainsi en est-il du Iota Project24. Attention, allergiques aux

19 http://www.ibtimes.co.uk/ethereums-vitalik-buterin-asks-if-google-apple-facebook-are-threatened-by-blockchains-1556543 20 https://r3cev.com/ 21 http://www.lesechos.fr/15/12/2015/lesechos.fr/021561369934_la-cdc-reunit-la-finance-francaise-pour-plancher-sur-la-technologie---blockchain--.htm 22 http://www.coindesk.com/big-four-accounting-firms-meet-to-weigh-benefits-of-blockchain-consortium/ 23 https://www.quora.com/How-exactly-is-Nasdaq-using-the-blockchain 24 Site source : https://www.iotatoken.com/. Pour une introduction détaillée en français, on pourra se reporter au post de blog de M. Cyril Grunspan : http://cyrilgrunspan.fr/index.php/2016/08/27/__trashed/

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maths s’abstenir ! Car le concept du Iota Project repose sur de la mathématique assez complexe. Pour synthétiser, l’idée est que chaque transaction participe à la validation de transactions passées, via une technique mathématique sophistiquée. Il n’y a plus de blocs. Il n’y a plus non plus de minage et donc de frais. Et la version bêta du protocole est déjà en ligne. Bienvenue dans le futur ?

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Quels objectifs pour quelles actions?

Enerfip s’est emparé de ce sujet dès l’annonce de M. Macron fin mars 2016. La technologie étant récente, peu d’experts sont disponibles en France. Les premières sociétés spécialisées se sont créées en 2014 aux USA et en Israël et il y a à peine quelques mois en France. Tout est à faire en ce qui concerne cette technologie, observée à la fois avec fascination et méfiance par les acteurs traditionnels. Dans ce contexte, Enerfip a dû tracer son propre chemin et entreprendre de s’éduquer. Mais dans quel but ?

Nos actions s’articulent autour des trois objectifs suivants :

1. Comprendre pour être force de proposition 2. Participer à l’élaboration du cadre juridique 3. Etre opérationnel lorsque tous les textes législatifs auront été publiés,

à l’horizon fin 2016

En effet, la majorité des plateformes de financement participatif se sentent concernées mais pas compétentes, et délèguent par inaction la R&D sur ce sujet à des tiers… au détriment de son contrôle !

Enerfip pense au contraire que trop d’enjeux juridiques sont encore à trancher au plus haut niveau de l’Etat français, et auprès de la Commission Européenne, pour renoncer à les discuter.

Les actions d’Enerfip ont pour but à la fois de gagner en expérience, de monter en compétences et s’accompagnent également d’une invitation destinée aux autres partenaires de l’écosystème du financement participatif et de la blockchain.

Action 1 : co-fonder l’association professionnelle France Blocktech des acteurs de la Blockchain

Dès le 6 avril 2016, Enerfip s’est positionné comme un acteur de la blockchain en co-fondant l‘association France Blocktech25 avec 14 autres start-ups Fintech et partenaires (avocats, consultants etc…) de la blockchain. Les statuts de cette association sont maintenant déposés, et les premières réunions de travail ont pu avoir lieu.

25 Voir le site internet : http://www.franceblocktech.org

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Action 2 : partenariat stratégique avec le groupe BNP Paribas, pour développer une blockchain privée

Identifié par BNP Paribas Securities Services dès mai 2016 comme une plateforme de crowdfunding innovante et en avance sur le sujet blockchain, Enerfip a accepté son offre de partenariat. Il s’agit de participer à la conception d’un proof-of-concept d’une blockchain privée à l’horizon début 2017, qui regrouperait à terme d’autres acteurs du financement participatif.

Au cours de l’été, deux autres plateformes ont rejoint le partenariat. Celui-ci a fait l’objet d’une annonce et d’un communiqué de presse26 à destination des medias nationaux et internationaux mi- septembre 2016 par le service presse de BNP.

Action 3 : développement en interne d’un Proof-of-Concept utilisant une blockchain publique

Enerfip a investigué en profondeur le sujet des blockchain publiques, concept le plus porteur pour un petit acteur et en même temps le plus sécurisé et performant technologiquement. Nous avons commencé par nous entourer de Thomas Gerbaud du cabinet de technologie et datascience OceanData27 qui nous a aidés dans notre phase d’apprentissage et de découverte. Nous avons demandé conseils auprès d’un des rares experts français, Emilien Dutang, de la société Labo Blockchain28.

Rapidement, nous avons identifié une solution open source que nous pourrions utiliser pour monter un proof-of-concept en interne. Il s’agit des « colored coins » et en particulier du protocole OpenChain développé par la société Coinprism29. L’idée est d’utiliser le fichier de métadonnées d’un bitcoin pour y inscrire les paramètres de la transaction : type d’actif, url du contrat, etc… L’envoi de ce bitcoin –en fait d’une fraction de bitcoin- au souscripteur du contrat permet d’inscrire la transaction dans la blockchain bitcoin. La détention du bitcoin ainsi « coloré » fait foi pour la détention de l’actif. L’idée n’est pas de se servir de bitcoin comme de monnaie ou de réserve de valeur, mais bien exclusivement comme registre (voir plus haut pour plus de détails).

26 https://group.bnpparibas/communique-de-presse/bnp-paribas-securities-services-renforce-plateforme-blockchain-titres-entreprises-cotees 27 oceandata.io 28 http://laboblockchain.com/ 29 coinprism.com

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Le 1er septembre 2016, Enerfip a donc réalisé son proof-of-concept. Il s’agissait de simuler une émission d’obligations, en reproduisant dans la blockchain bitcoin, grâce à des colored coins, les 51 transactions de la collecte Bois Energie. Cette simulation n’a évidemment aucune force juridique, mais permet de montrer comment une émission de minibons - similaire in fine à une émission obligataire - pourrait se faire sur une blockchain publique.

Afin de communiquer efficacement sur ce sujet hautement technique et d’impliquer le grand public, Enerfip a réalisé les actions suivantes :

- Annonce de l’intention de réaliser ce proof-of-concept dès juillet 2016 - Publication d’un communiqué de presse le 2 septembre après que les

transactions soient inscrites dans la blockchain - Mis en ligne le 02/09 d’un site internet dédié : http://www.blockchain-

explorer.enerfip.fr (voir p.17) - Publication du présent livre blanc « La blockchain, un nouveau levier

du Financement Participatif », disponible gratuitement

Pourquoi monter deux proof-of-concept?

Nous évoluons actuellement dans l’incertitude juridique. Nous ne savons pas encore les décisions qui seront prises au plus haut sommet de l’Etat (au cours de l’automne 2016 ou plus tard) concernant les modalités d’utilisation des registres distribués.

En particulier, nous craignons un arbitrage sur les technologies existantes (blockchains publiques contre blockchains privées notamment). En effet, les acteurs installés, influents et capables de lobbying seront ceux qui défendront les blockchain privées avec la plus grande efficacité.

Enerfip a donc décidé de monter son propre proof-of-concept fondé sur une Blockchain publique, et, parallèlement, de collaborer avec l’un des acteurs établis engagé dans une démarche de réflexion sur le sujet pour monter un deuxième proof-of-concept basé lui sur une Blockchain publique. Cette expérimentation nous situe dans le paysage des acteurs blockchain majeur en France, et nous sommes mieux armés pour faire des choix sur l’implémentation d’une solution blockchain.

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Retombées Presse

Enerfip a déjà bénéficié de nombreuses retombées presse :

- Le Journal du Net, le 12/04/2016, tribune de Léo Lemordant et Thomas Gerbaud : « Risques et opportunités de la blockchain pour le financement participatif »

- Finyear, le 11/07/2016, « Enerfip met en place la première émission d’obligation en Blockchain »

- Novafi, le 20/07/2016, interview de Léo Lemordant sur la blockchain

Enerfip publie une tribune sur la blockchain dans le JDN dès avril 2016

- La Revue Digitale, le 11/08/2016, « “La blockchain arrive dans les levées de fonds en mode participatif, il faut être prêt”, Interview de Léo Lemordant »

- Bitcoin.fr, 18/08/2016, « Des mini-bons sur la blockchain Bitcoin » - Planet-fintech, 02/09/2016, « Le premier baptême du feu pour

appliquer la blockchain au crowdfunding » - Blockchain Daily News, 05/09/2016, « Le Financement Participatif tient

son Proof-of-Concept d’utilisation de la Blockchain : une 1ère européenne »

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- Option Finance, 16/09/2016, « Enerfip inscrit une émission obligataire dans la blockchain »

- Entreprendre, 03/10/2016, « Blockchain : proof-of-Concept pour le financement participatif »

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PARTIE 2: Enjeux Juridiques et de Gouvernance

Introduction

1. « L’émission et la cession de minibons peuvent également être inscrites dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces opérations dans des conditions, notamment de sécurité, définies par décret en Conseil d’Etat. »

C’est ainsi que s’est matérialisée l’introduction en droit français de la blockchain, dans un nouvel article L.223-12 du Code monétaire et financier (« CMF ») issu de l’ordonnance n°2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse.

Car le « dispositif d’enregistrement électronique partagé » auquel il est fait allusion, ce sont les registres distribués ou « distributed ledgers » plus connus sous le nom de blockchain30.

2. Annoncé en fanfare lors des 3èmes assises du financement participatif, l’expérimentation par la France de la technologie blockchain en matière de financement participatif laisse le régulateur face à une page blanche31, et à la nécessité de créer ab initio le régime des minibons émis et cédés via blockchain.

Dans l’attente du très attendu décret d’application « blockchain », les acteurs du financement participatif, y compris les plateformes disposant du statut de conseiller en investissements participatifs (« CIP ») sont dans l’expectative, et ignorent ce qui ressortira de la révolution annoncée.

30 Bien que tous les registres distribués n’utilisent pas la blockchain, et qu’il soit possible de distinguer entre le terme de blockchain (défini comme un procédé d’ajout de blocs de données cryptographiquement signées afin de former un enregistrement perpétuel et immuable) et celui de registre distribué (défini comme une architecture de base de données dans laquelle tous les nœuds d’un système collaborent pour atteindre un consensus sur l’état d’une ressource de données partagées), nous considérerons, comme la majorité de la doctrine à ce jour, que les termes de blockchain et de registre distribué peuvent être utilisés de façon interchangeable (Blockchain in the Capital Markets, The prize and the journey, Euroclear & Oliver Wyman, February 2016, p.5) Pour un avis contraire de Richard Brown, CTO au sein du consortium R3CEV (L’explosion cambrienne de la blockchain, Alexandre David, 23 mars 2016, Paris Tech Review. http://www.paristechreview.com/2016/03/23/explosion-cambrienne-blockchain/ ) 31 Et libre de méditer le vœu et l’avertissement d’Axelle Lemaire, Secrétaire d’état en charge de l’Economie numérique : « Il ne faut surtout pas légiférer maintenant, car on ne sait pas encore de quoi on parle ! » (Les start-ups de la blockchain aux élus : surtout, ne réglementez pas ! Sylvain Rolland, La Tribune, 5 octobre 2016).

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En effet, le premier décret d’application de l’ordonnance32, relatif aux nouveaux titres pouvant être intermédiés par les CIP (parmi lesquels les minibons), ne donne aucun élément sur le cadre juridique applicable aux registres distribués.

Nous tenterons donc d’imaginer, en tenant compte des orientations données par les articles L.233-12 et L447-1 nouveaux du CMF, les conséquences concrètes de l’utilisation de la blockchain sur l’activité des plateformes.

3. Parmi les points brûlants qu’il reviendra peut-être au décret d’application de trancher, se trouve la question de la gouvernance de la blockchain : blockchain privée ou blockchain publique pour le financement participatif français33?

On peut définir la blockchain publique (type bitcoin) comme celle dans laquelle (i) les permissions de lecture (accès aux informations disponibles dans la blockchain) et (ii) les permissions d’écriture (possibilité d’effectuer une transaction) sont accordées à tous, et surtout dans laquelle (iii) chacun peut participer à la validation des transactions (nœud). La blockchain privée pourrait, elle, être définie comme celle dans laquelle (i) les permissions de lectures et (ii) celles d’écriture sont définies et limitées par (iii) une ou plusieurs entités centrales qui ont seul la capacité de valider des transactions.

Le nouvel article L223-12 du CMF garde actuellement un silence prudent sur ce point, en évoquant un dispositif d’enregistrement électronique partagé sans préciser si celui-ci sera également décentralisé.

4. Les acteurs traditionnels des marchés financiers, invités à imaginer les modalités d’application de la technologie blockchain à leur secteur d’activité, se sont instinctivement tournés vers la version privée de celles-ci, pour ses avantages supposés en termes (i) d’identification des utilisateurs en conformité avec les obligations de connaissance client des intervenants de

32 Décret n°2016-1453 du 28 octobre 2016 relatif aux titres et aux prêts proposés dans le cadre du financement participatif 33 Unrestricted ledgers ou restricted ledgers, permissioned blockchains ou unpermissioned blockchains, les terminologies utilisées sont variées mais recouvrent toutes la même opposition entre les systèmes disposant d’une ou plusieurs entités centrales et ceux n’en disposant pas.

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marché, (ii) de confidentialité des données sensibles ou encore (iii) d’« accountability » des participants à la blockchain vis-à-vis du régulateur.

Et il est vrai que même sans compter la volonté des acteurs du système actuel de maintenir leurs revenus en conservant un rôle dans d’hypothétiques marchés financiers opérés via blockchain, le recours à une blockchain privée pour le secteur financier peut paraître aller de soi34.

5. D’autre part, pour certains, le concept même de blockchain privée comporte une contradiction dans le terme, ou constitue à tout le moins une hérésie35, l’équivalent de « ce que les intranets sont à Internet »36, voire «l’acte désespéré d’intermédiaires préhistoriques essayant de rester dans le coup »37.

Pour ceux-ci, la tendance naturelle des acteurs du système financier à réintroduire des points de contrôle, réintroduirait également par là-même les points de vulnérabilité que la blockchain publique était parvenue à supprimer, et annulerait finalement tous les bénéfices de celle-ci.38

En effet, la réintroduction d’une ou plusieurs entités centrales détenant ensemble, selon des règles de majorité ou d’unanimité fixées entre elles, la

34 Ainsi, un rapport d’Andrea Pinna et de Wiebe Ruttenberg publié par la Banque centrale européenne en avril 2016, présente la blockchain privée comme la seule possibilité envisageable pour le secteur financier, sans hésiter à caricaturer au passage les avantages de la blockchain publique « Les caractéristiques de la technologie blockchain qui étaient si importantes dans le cadre du réseau Bitcoin – utilisation de pseudonymes par les utilisateurs, immunité vis-à-vis des superviseurs, copies du registre accessibles à n’importe qui partout dans le monde, et irréversibilité des transactions illégales – ne sont pas pertinentes pour l’industrie financière. Les acteurs de marché ont plutôt besoin d’un système compatibles avec les standards qu’il leur est demandé de respecter – mise en œuvre des règles de connaissance client (KYC), transparence et capacité à rendre des comptes au régulateur, respect de la loi et confidentialité des stratégies commerciales – et qui soit relativement peu onéreux à faire fonctionner ». Distributed ledger technologies in securities post-trading, Revolution or evolution? Andrea Pinna, Wiebe Ruttenberg, European Central Bank - Eurosystem, Occasional Paper Series, n°172, avril 2016, p.11, traduction libre. 35 « La blockchain privée n’est finalement pas conceptuellement si différente [de la blockchain publique]. » ironise ainsi Matt Levine, « C’est juste quelques brokers qui se rassemblent et qui se mettent d’accord sur qui détient quoi et qui vend quoi à qui. » Matt Levine, éditorialiste Bloomberg View. 36 Citant les détracteurs des blockchains privées : Gouvernance de la blockchain – Les enjeux des chaînes de consensus pour la place financière de Paris. Croissance Plus, Kramer Levin, 24 mars 2016. http://www.croissanceplus.com/wp-content/uploads/2016/04/Note-de-position-Blockchain-CroissancePlus-PMEFinance-DEF_28-mars-2016.pdf 37 Citant les détracteurs des blockchains privées: « a desperate act of dinosaurish middlemen trying to stay relevant” Vitalik Buterin, Ethereum blog, On public and private blockchains, 7 août 2015. 38 “Banks naturally hates the loss of power. It is extremely difficult for them to implement seamless global system. So they keep trying to re-inject points of control, and thus points of vulnerability, into blockchains, eg through ‘permissioning’. This nullifies the main benefits of blockchains, which comes from removing points of vulnerability.” Nick Szabo, informaticien et cryptographe pionnier des monnaies virtuelles et des smart contracts, Criticism of blockchain hype raised, http://www.slideshare.net/CoinDesk/state-of-bitcoin-and-blockchain-2016-57577869/93-Criticism_of_Blockchain_Hype_RaisedSources

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capacité de valider les transactions, met à mal les caractéristiques d’inaltérabilité et d’infalsifiabilité qui sont l’un des avantages majeurs et incontestables des blockchain publiques et ramène à un système classique, dans laquelle la confiance résulte non plus du réseau lui-même, mais de la confiance accordée ou non aux entités centrales39.

6. N’est-il pas possible de concilier le meilleur des deux mondes, et de respecter les inévitables contraintes du secteur sans renoncer aux forces de la blockchain (publique) ?

Il semble bien que dans le cadre bien précis de l’émission et la cession de minibons, il suffise d’admettre la possibilité de privatiser l’accès à certaines données confidentielles au seul bénéfice des CIP pour concilier recours à une blockchain publique avec les exigences de connaissance client, de confidentialité des données ainsi que de responsabilité vis-à-vis du régulateur, ce qui ne rendrait pas pour autant privée la blockchain, les transactions demeurant validées, accessibles et sauvegardées par l’ensemble des participants du réseau.

Après avoir recensé les progrès que l’on peut attendre du recours à la blockchain en matière d’émission et de cession des minibons, (I) nous démontrerons que le recours à une blockchain publique est, sous réserve de l’intervention du CIP comme tiers de confiance, parfaitement compatible avec la règlementation existante (II).

39 Au contraire du cas d’une blockchain publique, dans laquelle règne « la confiance décentralisée, contrairement à la quasi-totalité des modèles existants basés sur la confiance en un tiers. » La Semaine Juridique Entreprise et Affaires n° 37, 15 Septembre 2016, 1480, Finance de l'innovation, innovation(s) dans la finance, Christophe Collard, Jean-David Chamboredon, Matthieu Grollemund, Serge de Fay, Hubert de Vauplane

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Les possibilités offertes par la blockchain en matière de financement participatif

A bien des égards, le secteur du financement participatif est un terrain d’expérimentation idéal pour la blockchain en droit français.

Tout d’abord car le volume de transactions à traiter par les CIP est relativement faible, du moins par rapport aux marchés règlementés et organisés, ce qui rend sans objet certains des reproches fréquemment adressés à la blockchain tels que la relative lenteur de la confirmation des transactions, les doutes sur la capacité de la technologie à traiter de très importants volumes de transactions (« scalability »), ou encore le caractère énergivore du procédé40.

D’autre part car les transactions opérées par les CIP via la blockchain ne posent pas de difficulté au regard du droit à l’oubli ou encore de la propriété intellectuelle, corps de règles difficilement conciliables avec l’inaltérabilité et la décentralisation de la blockchain publique41.

Les minibons en particulier, en tant qu’actif financier nouvellement créé et ne ressortissant pas de la catégorie des instruments financiers et de leur règlementation stricte, se prêtent parfaitement à l’expérience.

1. La blockchain comme registre 7. Le dispositif actuel de tenue des registres de titres financiers émis par les porteurs de projet via un CIP est obsolète et chronophage.

En effet, si l’intégralité du processus de souscription se fait de façon dématérialisée, par le bais du site internet du CIP42, le porteur de projet reste contraint de tenir des registres papier des détenteurs de titres, commandés dans des librairies spécialisées, visés par le Greffe du Tribunal de commerce et remplis manuellement par le porteur de projet lors de chaque opération sur titres.

40 Du moins pour les blockchains fonctionnant en preuve du travail (proof-of-work) et non en preuve de détention (proof-of-stake) 41 La technologie Blockchain : une révolution aux nombreux problèmes juridiques, Dalloz actualité, 31 mai 2016, Olivier Hielle 42 Conformément aux articles L547-1 du CMF et 325-32 du Règlement général de l’AMF.

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Le suivi des émissions réalisées via un CIP est donc contraignant, spécialement pour les petites et moyennes entreprises non dotées de services juridiques, qui sont le cœur de cible des plateformes de financement participatif.

8. Au contraire, en ce qui concerne les minibons, le nouvel article L.547-1, II du CMF, issu de l’article 5 de l’ordonnance du 28 avril 2016, permet désormais aux CIP de se charger de la tenue des registres pour le compte de l’émetteur43 ainsi que de l’opérer via blockchain.

Les porteurs de projet disposerons ainsi d’un moyen moderne, peu couteux, automatisé et infalsifiable de stockage de l’historique de la détention des titres financiers émis44 dans le registre dématérialisé, distribué et décentralisé qu’est la blockchain.

Cela constitue en pratique une amélioration du régime du crowdfunding très attendue par les plateformes et les porteurs de projet.

2. La blockchain comme mode d’émission 9. Jusqu’à présent, l’émission d’un titre financier se réalisait exclusivement par son inscription dans un compte-titres45. Les notions d’instrument financier et de compte-titres étaient consubstantielles, l’inscription en compte étant la seule preuve d’existence du titre46, et la propriété du titre financier résultant de la titularité du compte-titres47.

L’article L547-1, II du CMF, qui permet aux CIP de fournir, outre l’activité de conseil en investissement, une activité de prise en charge des bulletins de souscription, précise ainsi que ce service doit alors inclure « l'inscription de titres financiers dans un compte-titres ».

43 Cet article dispose que « Ils [les CIP] peuvent également prendre en charge, pour le compte de l’émetteur, l’ensemble des opérations liées à la souscription et à l’achat de minibons […] notamment la tenue du registre mentionné à l’article L.223-4. » 44 « La blockchain constitue l’occasion de remplacer des registres aujourd’hui tenus individuellement par les émetteurs par un registre distribué. Elle peut donc représenter à la fois un mode de circulation des minibons, avec une authentification des transactions, et un moyen de les enregistrer dans un registre distribué détenu par tous les intervenants. » BlockchainFrance.net, Le gouvernement ouvre la voie à la blockchain, 29 mars 2016, 45 Article L.211-3 du CMF : « Les titres financiers, émis en territoire français et soumis à la législation française, sont inscrits dans un compte-titres tenu soit par l'émetteur, soit par l'un des intermédiaires mentionnés aux 2° à 7° de l'article L. 542-1. » 46 L’article R.211-1 du CMF prévoit que « Les titres financiers ne sont matérialisés que par une inscription au compte de leur propriétaire. » 47 Article L.211-4 du CMF : « Le compte-titres est ouvert au nom d'un ou de plusieurs titulaires, propriétaires des titres financiers qui y sont inscrits. »

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10. C’est à cette aune qu’il convient d’apprécier la rédaction du nouvel article L.223-12 du CMF selon lequel « l’émission […] de minibons peu[t] également être inscrit[e] dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé ».

Pour permettre ce nouveau mode d’émission d’actifs financiers, hors compte-titres, l’ordonnance du 28 avril 2016 a pris soin d’exclure les minibons de la catégorie des titres financiers, en disposant que « Les […] bons de caisse ne sont pas des instruments financiers »48.

Mais tout porte à croire qu’au-delà des minibons, le droit positif sera également aménagé en ce qui concerne les autres titres intermédiés par les CIP, l’article 34 ter du Projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin II », prévoyant d’autoriser le Gouvernement, à prendre, par ordonnance et dans un délai de 12 mois à compter de la promulgation de la loi Sapin II, les mesures permettant d’adapter le droit des titres non cotés à leur « représentation et […] transmission, au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé. », ainsi que toutes mesures « favorisant la mise en œuvre » ou « tirant les conséquences » de celle-ci49.

Il est donc possible de penser qu’à la suite des minibons, les actions simples et obligations à taux fixe intermédiées par les CIP pourront elles aussi être émises et cédées via blockchain.

3. La blockchain comme mode de cession 11. Aujourd’hui, il n’existe pas de marché secondaire des titres émis par les porteurs de projet via un CIP.

En effet, les actions ou obligations simples qui étaient jusqu’alors proposées aux investisseurs, par les plateformes disposant du statut de CIP, sont des instruments financiers au sens de l’article L211-1 du CMF.

La mise en place, par ces CIP, d’un marché secondaire permettant aux investisseurs de vendre et d’acheter des titres déjà émis par des CIP était donc

48 L211-1, IV du CMF 49Article 34 ter du projet de loi n°755 relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, adopté le 14 juin 2016 :« 1° Adapter le droit applicable aux titres financiers et aux valeurs mobilières afin de permettre la représentation et la transmission, au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé, des titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d’un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison d’instruments financiers ; 2° Aménager et modifier toutes dispositions de nature législative favorisant la mise en œuvre et tirant les conséquences des modifications apportées en application du 1°. »

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susceptible d’entrer dans le champ de plusieurs services d’investissement nécessitant l’obtention d’un agrément, et notamment le service de réception et transmission d’ordres pour le compte de tiers, le service d’exécution d’ordres pour le compte de tiers, ou encore le service d’exploitation d’un système multilatéral de négociation50.

L’Autorité des marchés financiers (« AMF ») et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (« ACPR »), dans leur guide du financement participatif, avaient ainsi en garde les plateformes de financement participatif sur ce risque51, et suggéré aux plateformes de se limiter à des solutions rudimentaires de type « carnet d’annonces », afin d’éviter tout risque d’exercice hors agrément52.

La liquidité des titres émis via les CIP se heurtait donc à la règlementation applicable, contraignant les plateformes à se limiter à des solutions technologiquement primaires.

12. Mais cette situation est sur le point d’évoluer. En effet, et comme il a été vu supra, l’ordonnance du 28 avril 2016 a expressément exclu les bons de caisse, dont les minibons sont une catégorie, de la catégorie des titres financiers.

N’ayant pas pour sous-jacent des instruments financiers, les opérations sur minibons ne peuvent donc pas entrer dans le champ des services d’investissement réservés aux prestataires agréés ; et les limites applicables à la cession d’instruments financiers émis via les CIP ne le sont pas aux minibons inscrits dans un registre d’enregistrement électronique partagé.

L’article L223-12 nouveau du CMF prévoit ainsi que « la cession de minibons peu[t] être inscrit[e] dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé », l’article L.223-13 du CMF précisant que l’inscription de la cession dans le dispositif d’enregistrement électronique opère transfert de propriété.

50 Article D321-1 du CMF 51 Guide du financement participatif (crowdfunding) à destination des plates-formes et des porteurs de projet, position commune AMF / ACPR : « « A titre d’exemple, une plateforme qui recevrait des ordres de souscription de la part des internautes afin qu’elle les transmette à une PSI chargé de leur centralisation, entrerait dans le champ de cette définition. » 52 Guide du financement participatif (crowdfunding) à destination des plates-formes et des porteurs de projet, position commune AMF / ACPR : « Par exemple, une plateforme qui se contenterait de mettre à disposition un « carnet d’annonces » permettant uniquement aux investisseurs de faire savoir qu’ils veulent céder les titres préalablement acquis par son intermédiaire n’exploite pas un SMN. ».

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Les plateformes de financement participatif pourront donc désormais proposer un marché secondaire pour l’achat et la revente de minibons émis via des CIP, ce qui satisfait une demande majeure des investisseurs et des CIP.

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Mais si les avantages du recours à la blockchain sont indéniables, seuls des choix audacieux dans la gouvernance de celle-ci pourront permettre à ceux-ci de se déployer.

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La compatibilité du recours à une blockchain publique avec la règlementation applicable en matière de financement participatif

Plusieurs obstacles juridiques sont fréquemment évoqués afin de justifier l’impossibilité du recours à une blockchain publique en matière financière. Il sera pourtant démontré que sans qu’il soit besoin de privatiser la blockchain, l’intervention du CIP en tant que tiers de confiance permettrait de résoudre la question de l’anonymat des transactions (1), celle, qui lui est liée, de la confidentialité des données (2), et enfin les sujets de responsabilité des intervenants de la blockchain (3) et de régulation de celle-ci (4).

1. Le faux problème du pseudonymat des transactions 13. Il est souvent indiqué, sans plus de précisions, que les transactions effectuées via une blockchain publique sont anonymes, laissant entendre qu’il ne serait pas possible, hormis au participant de la blockchain à l’origine de la transaction, d’identifier celle-ci.

14. Or, les plateformes de financement participatif, comme les différents professionnels des marchés financiers, sont soumises à des règles de connaissance client liées aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme53, ainsi qu’à l’obligation de vérifier le caractère approprié de l’investissement réalisé par leurs clients54. Elles sont donc contraintes de recueillir un certain nombre d’informations personnelles auprès des investisseurs. En outre, les minibons sont, à l’instar des bons de caisse, des titres nominatifs55.

15. La conciliation de ces impératifs peut sembler impossible, et les acteurs du financement participatif voient donc généralement dans le supposé anonymat de la blockchain publique un obstacle insurmontable à son utilisation en matière de financement participatif.

Les différentes initiatives lancées par les acteurs traditionnels des marchés financiers le sont donc sous la forme de blockchain privées ou de consortium, c’est-à-dire de blockchains régulées par une ou plusieurs entités centrales,

53 L561-2, 6° du CMF 54 L547-9, 6° du CMF 55 L223-1 et L223-6 du CMF

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desquelles l’identité des participants de la blockchain est connue56 et la validation des transactions restreinte aux entités centrales.

16. Mais présenter la blockchain publique comme un système anonyme est inexact ou du moins parcellaire, et il serait plus juste de parler de « pseudonymat » que d’anonymat des transactions.

Concrètement, la blockchain fonctionne via un système reliant une clé publique et une clé privée à l’aide d’un système de cryptographie asymétrique. Cela signifie que le détenteur de la clé privée peut calculer la clé publique alors que le détenteur de la clé publique ne peut, à l’aide de celle-ci seulement, retrouver la clé privée57. Est parfois utilisée l’image du Sudoku : difficile à calculer, facile à vérifier58.

Dans l’usage qui est fait de la blockchain dans des secteurs non règlementés, le participant est le seul à détenir ses informations personnelles, et sa clé privée. Seule sa clé publique est publiée sur la blockchain. Le participant peut donc (i) réaliser une transaction grâce à la combinaison de sa clé privée et de sa clé publique et (ii) identifier cette transaction, grâce à ses informations personnelles et à sa clé publique.

17. Dans le cas particulier de la cession de minibons via blockchain, la nécessité pour le CIP de disposer des informations personnelles de l’investisseur participant à la blockchain rendra nécessaire l’intervention de celui-ci en tant que tiers de confiance.

On peut imaginer que le CIP tiendrait deux bases de données distinctes : (i) la première mentionnant la correspondance entre les investisseurs identifiés par leurs informations personnelles, leur clef publique, et leur numéro de

56 Ainsi R3 ECV, consortium de grandes banques au niveau international, ou encore, à l’échelle française, le dispositif lancé par BNP Paribas Securities Services en partenariat avec plusieurs plateformes de financement participatif en equity. 57 Comprendre la blockchain, Livre Blanc v1.0, janv.2016, Uchange.co : « « Le jeu de clef publique/privée est le mécanisme d’identification de la Blockchain. […] Les deux clefs sont liées mathématiquement de sorte que la clef publique (connue de tous) permet de coder un message tandis que la clef privée (connue par l’utilisateur seul) permet de le décoder. En somme, une clef privée permet de calculer la clef publique mais l’inverse est impossible. » 58 Enrico Camarinelli, How I explained blockchain to my grandmother, FinYear, 23 mars 2016. http://www.finyear.com/How-I-Explained-Blockchain-to-My-Grandmother_a35717.html

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souscripteur59, (ii) la seconde consignant les clefs publiques et clefs privées des investisseurs.

Les informations contenues dans la première base de données permettraient au CIP de connaître l'identité véritable des détenteurs des actifs, les informations contenues dans la seconde lui permettant d'effectuer des transactions.

Ce système permettrait d’utiliser une blockchain publique (bitcoin ou autre), avec tous ses avantages en matière d’infalsifiabilité du registre, tout en permettant le respect par le CIP de ses obligations de connaissance client.

Cette solution répond également aux exigences de confidentialité des données.

2. La gestion de la confidentialité des données 18. Comme rappelé supra, le caractère infalsifiable et indestructible d’une blockchain publique résulte essentiellement de la validation de chaque transaction et de leur stockage par les très nombreux « nœuds » du réseau (appelés « mineurs » dans la blockchain bitcoin)60.

Dans une blockchain publique, l’accès à la blockchain n’est pas contrôlé et l’identité des nœuds n’est pas connue.

19. Au contraire, dans une blockchain privée, seules la ou les entités centrales de la blockchain sont en charge de la validation des transactions, selon des règles définies par cette ou ces entités centrales (unanimité, majorité simple ou qualifiée, etc.)61.

La confiance dans le registre ne résulte plus du fonctionnement de celui-ci mais de la confiance dans les entités qui valident les transactions, le risque de collusion ou de hacking ne pouvant être dès lors totalement écarté62.

59 Les éléments concernant chaque investisseur lui seraient communiqués, et constituerait la preuve de propriété de l’investissement exigée par l’article 217-1, 6° du RGAMF (jusqu’ici, le CIP fournissait la copie de l’inscription de l’investisseur dans les livres de l’émetteur). 60 La corruption de ces nœuds nécessite la détention par un participant malveillant de plus de la moitié de la puissance de calcul de ces nœuds, ce qui est, en pratique, quasi-impossible à réaliser, et ne l’a pas été sur les 7 ans d’historique de la blockchain bitcoin. 61 “For example, one might imagine a consortium of 15 financial institutions, each of which operates a node and of which 10 must sign every block in order for the block to be valid.”(Vitalik Buterin, Ethereum blog, On public and private blockchains, 7 août 2015). 62 Certains auteurs rappellent à cet égard le récent scandale de la manipulation du cours du LIBOR. (Risques et opportunités de la blockchain pour le financement participatif, Léo Lemordant, Journal du Net, 12 avril 2016).

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Mais cette perte de fiabilité est fréquemment justifiée par la nécessité de préserver la confidentialité des informations traitées, et les initiatives des acteurs traditionnels des marchés financiers ont donc systématiquement choisi de mettre en place des blockchain privées.

20. Pourtant, dans le cas du financement participatif, l’intervention du CIP comme tiers de confiance, seul à détenir le registre contenant les correspondances entre les clés privées et les clés publiques, suffirait à préserver la confidentialité des données, qui consistent uniquement en les réponses des investisseurs aux tests de connaissance client et d’adéquation de l’investissement

Les nœuds du réseau ne détiendraient alors que les informations publiques nécessaires à la transaction, c’est-à-dire un ‘résumé’ du projet, sous forme de métadonnées permettant d’identifier celui-ci, les clés publiques des investisseurs et du porteur de projet qui ne sont autres que des pseudonymes, ainsi que les montants des transactions effectuées par chaque participant identifié par sa clé publique.

Ces données sont actuellement déjà publiées sur les sites internet des CIP, elles ne sont pas sensibles, et leur détention par l’intégralité des nœuds du réseau n’est donc pas problématique.

Aucune nécessité de confidentialité des transactions elles-mêmes ne vient donc imposer le recours à une blockchain privée.

3. La responsabilité des participants à la blockchain 21. Dans un système de blockchain publique, l’identité réelle des participants au réseau n’est pas connue, seule la clé publique de chacun étant accessible. Comme vu supra, les participants réalisent des transactions sans connaître l’identité réelle de leur cocontractant. Cela est rendu possible par le fait que le système est en lui-même digne de confiance et rend impossible, par exemple, un achat sans disposer de la contrepartie en cryptomonnaie.

Mais le fait que la transaction soit valable au regard des règles de la blockchain ne la rend pas pour autant licite au regard du droit.

Dans un système de blockchain publique, il est pourtant très malaisé de demander des comptes à l’un ou l’autre des participants.

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Dans un système de blockchain privée, au contraire, l’identité des participants est connue, au moins par le ou les organisateurs de cette blockchain.

22. Le recours au CIP tel que décrit supra, en tant que tiers de confiance détenant le registre des correspondances entre clés publiques et clés privées63, ferait de celui-ci un intermédiaire permettant à la fois (i) de recourir à une blockchain publique et (ii) de permettre la mise en jeu de la responsabilité des participants à la blockchain.

Il serait alors aisé de prévoir un système dans lequel les CIP seraient tenus de communiquer l’identité réelle de l’auteur d’une transaction dans des conditions définies par la loi64. De la même façon, en cas d’annulation d’une transaction, la décision de justice pourrait prévoir l’injonction faite au CIP de procéder à une transaction en sens inverse sur la blockchain.

4. Le rôle de l’AMF dans la régulation de la blockchain 23. En autorisant le recours à la blockchain dans le cadre d’un marché règlementé, la France fait figure de pionnière. Il s’agit, à notre connaissance, de la première tentative de règlementation de la blockchain, et le rôle du régulateur ainsi que les modalités de son intervention restent donc à définir.

24. En ce qui concerne l’émission et de la cession de minibons via blockchain, il semble généralement admis que c’est l’AMF qui a vocation à réguler celles-ci.

En effet, le Code monétaire et financier place les CIP sous la tutelle de l’AMF65. L’AMF doit donc pouvoir leur demander des comptes, et vérifier le respect par ceux-ci de leurs conditions d’exercice.

En revanche, contrairement à ce qui se passerait si des instruments financiers cotés étaient émis via blockchain, rien n’impose, en l’état actuel du droit, que l’AMF connaisse les participants du réseau et exerce son contrôle sur les transactions de minibons.

En effet, un large pan de l’arsenal répressif de l’AMF, et notamment toute la règlementation des abus de marché (manipulation de cours, manquement 63 En cas d’incident technique sur la blockchain, l’intervention du CIP permettrait également d’assurer la continuité de l’historique des transactions. 64 De la même façon que les opérateurs de télécommunications peuvent être requis par un certain nombre d’entités légalement autorisées à communiquer les données de connexion qu’ils conservent en vertu de l’article L.34-1 du Code des postes et communications électroniques. 65 Article L.621-9 du CMF.

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d’initié, diffusion de fausses informations) ne concerne que les instruments financiers négociés sur les marchés règlementés ou les systèmes multilatéraux de négociation organisés66, et ne peut venir sanctionner que les manquements commis sur ces marchés.

Au contraire, une transaction sur minibons n’est pas susceptible de constituer un abus de marché.

Ainsi donc, les prérogatives de surveillance, de contrôle et de sanction de l’AMF pourront s’exercer sur les conditions d’exercice par les CIP de leur activité, mais pas sur les transactions réalisées via les CIP, y compris en minibons, qui, n’étant pas réalisées sur des marchés règlementés ou organisés, ne sont pas susceptibles de donner lieu aux abus de marchés sanctionnés par le Règlement général de l’AMF.

Concrètement, si le pouvoir disciplinaire de l’AMF vis-à-vis des CIP impliquera que ceux-ci puissent justifier auprès d’elle de la régularité des transactions opérées via blockchain (notamment en ce qui concerne le respect par les CIP de leurs obligations de connaissance client), l’AMF n’a pas vocation à contrôler la légalité intrinsèque des transactions sur minibons.

L’accès de l’AMF aux données de la blockchain pourrait donc être limité aux informations publiquement accessibles que sont le ‘résumé’ du projet sous forme de métadonnées, les clés publiques des investisseurs et du porteur de projet, ainsi que le nombre de transactions effectuées par chaque participant identifié par sa clé publique.

25. La tutelle de l’AMF sur l’activité des CIP est donc compatible avec le recours à une blockchain publique.

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26. Modernisation, simplification, liquidité accrue … Les intérêts pratiques du recours à la blockchain en matière de financement participatif sont immenses.

66 Article 611-1 du RGAMF.

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Pour en prendre toute la mesure, on ne peut que souhaiter que l’architecture mise en place par les décrets d’application prévoie que la blockchain permettant l’émission et la cession des minibons soit commune à l’ensemble des plateformes disposant du statut de CIP, ce qui permettrait notamment :

- d’éviter des difficultés techniques d’interopérabilité entre les blockchain utilisées par les différentes plateformes ;

- d’accroître la liquidité du marché secondaire des titres, en permettant aux investisseurs d’accéder à l’ensemble des titres déjà émis via n’importe quelle plateforme disposant de l’agrément de CIP.

La tâche n’est pas insurmontable, les plateformes de financement participatif inscrites à l’ORIAS en tant que CIP étant aujourd’hui au nombre de 41, chacune ne finançant pas plus d’une quinzaine de projets par an.

Si chaque CIP demeurerait responsable à titre individuel du recueil et de la validation des informations personnelles de chaque investisseur, l’architecture de base validant les cessions de minibons pourrait demeurer celle d’une blockchain publique type bitcoin.

27. Il reste donc à souhaiter que le coup d’essai de la blockchain en droit français soit un coup d’éclat, qui permettra de lever les réticences des acteurs et d’envisager une application à plus grande échelle du mécanisme.

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La chronologie de la Blockchain pour Enerfip

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Les auteurs

Léo Lemordant Initiateur et principal auteur de la Partie 1 : Enjeux Technologiques de ce Livre Blanc, Léo est ingénieur Centralien de Lyon. Il a été en charge du développement de concessions hydroélectriques en Inde. C'est sa courte expérience de courtier en centrales hydroélectrique et biomasse qui lui a donné l’idée d'Enerfip dont il est à présent le Président. Léo termine un Ph.D. en climatologie à Columbia University (New York, USA).

/leolemordant @leolemordant

Maître Diane Hervey Diane Hervey, auteur de la Partie 2 : Enjeux juridiques et de gouvernance de ce Livre Blanc, est avocat au barreau de Paris depuis 2013. Elle accompagne les plateformes de financement participatif dans l’obtention du statut d’Intermédiaire en Financement Participatif, de Conseiller en Investissements Participatifs ou de Prestataire en Services d’Investissement, ainsi que dans leurs relations avec les autorités de tutelle. [email protected] - +33 1 40 62 72 72

Arnaud Sellenet Avant de rejoindre l'équipe d'Enerfip comme directeur technique, Arnaud a travaillé en tant que développeur web freelance pendant 12 ans sur des projets startup et e-commerce. Arnaud a mis en place le site blockchain-explorer.enerfip.fr et configuré la première émission d’obligations via blockchain. Il a également participé à la rédaction de ce Livre Blanc.

/demental

Pauline Métay Actuellement en formation audiovisuelle "Technicien métiers de l'image/Réalisateur-Monteur", Pauline se charge de la réalisation de toutes

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les vidéos, animations et photos mises en ligne sur Enerfip. Pour le Livre Blanc, Pauline a réalisé les illustrations et infographies.

/pauline-métay-70436b119

Pierre Noro

Pierre, après plusieurs missions de consulting freelance en stratégie digitale et en financement participatif, a rejoint l'équipe d'Enerfip en 2016 où il est chargé de mission en Relations Publiques. Il conclut, en parallèle, ses études d'Affaires Publiques et d'Économie à Sciences Po Paris. Il est co-auteur de ce livre blanc.

/pierre-noro

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Remerciements

Enerfip et les auteurs de ce document tiennent à remercier toutes les personnes qui ont permis notre expérimentation, qui ont bien voulu nous aiguiller alors que nous découvrions encore le sujet.

Thomas Gerbaud, fondateur et CEO d’OceanData, cabinet de Data Science et de stratégie numérique.

/tgerbaud @tgerbaud

Emilien Dutang, fondateur et CEO de Labo Blockchain, cabinet de consulting spécialisé sur les projets blockchain. Labo Blockchain compte parmi ses clients la Banque de France ou encore BNP Securities Services.

@laboblockchain @EmilienDutang

Flavien Charlon, fondateur et CEO de Coinprism, la start-up à l’origine d’Open Asset, le protocole utilisé par Enerfip (et Nasdaq) pour son expérimentation.

@Coinprism @FlavienCharlon