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UFR SEGMI Département d’Économie Année 2016-2017 L2 Introduction à la politique macroéconomique Travaux Dirigés Document No 1 : Les principes fondamentaux de la modélisation macroéconomique : une application au modèle IS-LM Professeurs de CM : Mme. Caroline Coudrat Mme. Agnès Labye Chargés de TD : Mme. Lesly Cassin M. Gaëtan Le Quang Mme. Ndèye Penda Sokhna M. Victor Court

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UFR SEGMI Département d’Économie

Année 2016-2017

L2 – Introduction à la politique macroéconomique

Travaux Dirigés – Document No 1 :

Les principes fondamentaux de la modélisation

macroéconomique : une application au modèle IS-LM

Professeurs de CM :

Mme. Caroline Coudrat

Mme. Agnès Labye

Chargés de TD :

Mme. Lesly Cassin

M. Gaëtan Le Quang

Mme. Ndèye Penda Sokhna

M. Victor Court

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Introduction

Ce premier document a pour objectif de vérifier la maîtrise d’éléments fondamentaux

acquis en L1 de façon à assurer la bonne compréhension de l’enseignement de la

macroéconomie en L2. Il s’agit de présenter les principes fondamentaux de la modélisa t ion

macroéconomique et d'approfondir l'analyse du modèle IS-LM à partir notamment d'une

méthode et d'une grille d'analyse spécifiques qui seront reprises par la suite pour chacun des

autres modèles étudiés.

Les TDs viennent en complément sous forme d'une vérification empirique des modèles

étudiés en cours, cette fiche constituant une exception partielle avec le modèle IS-LM. Par

conséquent, l'assiduité aux cours est indispensable à la maîtrise des thèmes abordés dans ce

document comme dans ceux qui vont suivre.

Enfin, les TDs constituent le support du contrôle continu alors que les questions du

QCM porteront exclusivement sur ce qui a été traité en cours.

Plan du document

1. Une application de la modélisation macroéconomique : le modèle IS-LM 3

1.1 Modéliser l’économie pour mieux la comprendre 3

1.2 Exercices d’application : le modèle IS-LM 3

2. Les variations de l’activité économique 5

2.1 L’écart entre produit réel et produit potentiel 5

2.2 Les récessions : définition, causes et conséquences 5

3. Les politiques économiques conjoncturelles et structurelles 6

3.1 La politique budgétaire 6

3.2 La politique monétaire 6

3.3 Les politiques structurelles 7

4. Annexes 8

Annexe 1 : Fiche du cours 8

Annexe 2 : Organisation et évaluation de l’examen 9

Annexe 3 : Organisation et évaluation du contrôle continu 9

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1. Une application de la modélisation macroéconomique : le modèle IS-LM

1.1 Modéliser l’économie pour mieux la comprendre

Questions sur texte : Ouliaris, S. Qu’est-ce qu’un modèle macro-économique ? Finance &

Développement, Juin 2011.

Q1. Définir le concept de modèle. À quoi sert la modélisation en économie ?

Q3. Rappeler les notions de court et long termes en économie.

Q4. Définir les notions d’équilibre, de variables exogènes et endogènes et de terme d’erreur.

1.2 Exercices d’application : le modèle IS-LM

Soit une économie décrite par le modèle suivant :

𝑌 = 𝐶 + 𝐼 + 𝐺0 (1)

𝐶 = 𝑐 (1 − 𝑡)𝑌 + 𝑑 (2)

𝐼 = 𝐴0 − 𝑎𝑖 (3)

𝑀𝑑 = 𝑃0 (𝑏𝑌 − 𝑔𝑖) (4)

𝑀0 = 𝑀𝑑 (5)

𝑌 = ℎ 𝑁𝑒 (6)

𝑁𝑠 = 𝑁0 (7)

𝑈 = 𝑁0 − 𝑁 (8)

L’économie produit un bien unique dont le prix est P. Y est le produit (ou revenu), C la

consommation, I l’investissement, 𝐺0 la dépense publique, c la propension marginale à

consommer le revenu disponible, t le taux d’imposition, i le taux d’intérêt, 𝑀𝑑 la demande de

monnaie, 𝑀0 l’offre de monnaie, N la quantité de travail employée, 𝑁𝑆 l’offre de travail et U le

chômage involontaire. Les autres symboles sont d la consommation autonome, 𝐴0 l’état de la

prévision des entreprises, (a, b, g, h, e) des paramètres. Le solde budgétaire de l’État, D, est la

différence entre la dépense publique et la recette publique.

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Par ailleurs, on considère les valeurs suivantes des variables exogènes et des paramètres :

𝑐 = 0,8 𝑡 = 0,25 𝑎 = 1000 𝑏 = 0,2 𝑔 = 2000

𝐴0 = 500 d= 200 𝐺0 = 500 𝑃0 = 1 𝑀0 = 200

𝑁0 = 484 ℎ = 130 𝑒 = 0,5

Q1. Déterminer les solutions d’équilibre pour le revenu, le taux d’intérêt, le niveau d’emploi,

le chômage involontaire et le solde budgétaire de l’État.

Q2. Calculer les valeurs d’équilibre des variables endogènes du modèle.

Q3. Déterminer le revenu de plein-emploi.

Q4. On souhaite atteindre le plein-emploi en mettant en œuvre une politique économique

combinant une variation de la dépense publique et une variation de la quantité de monnaie

(policy mix). Quel est l’ensemble des variations positives conjointes de 𝐺0 et de 𝑀0 qui

permettent d’atteindre cet objectif ? Quel est l’impact sur le déficit budgétaire de l’Etat ?

Q5. En raison du contexte international, toutes les politiques précédentes ne sont pas également

souhaitables. Les autorités souhaitent en effet laisser le taux d’intérêt inchangé tout en obtenant

le plein-emploi. Une telle politique est-elle possible ? Si oui, indiquer quelle est la combina ison

de 𝐺0 et de 𝑀0 qui convient.

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2. Les variations de l’activité économique

2.1 L’écart entre produit réel et produit potentiel

Question sur texte : Jahan, S., et Mahmud, S. J. Qu’est-ce que l’écart de production ? Finance

& Développement, Septembre 2013.

Q1. Pourquoi qualifie-t-on un écart de production positif d’ « inflationniste », alors qu’un écart

de production négatif est qualifié de « récessionniste » ?

Q2. Définir et représenter graphiquement un cycle d’activité, donner son lien avec le concept

d’écart de production.

Q3. Comment estime-t-on les écarts de production ? Quelles sont les limites de ces

estimations ?

2.2 Les récessions : définition, causes et conséquences

Questions sur texte : Claessens, S., Ayhan Kose, M. Qu’est-ce qu’une récession ? Finance &

Développement, Mars 2009

Q1. Donner la définition la plus courante d’une récession. Quelles autres variables évoluent

fortement lors d’une récession ?

Q2. Donner quelques exemples de causes de récession, en expliquant en particulier si elles

correspondent à des chocs d’offre ou de demande.

Q3. Quelle est la différence entre dépression et récession ? Citer d’autres exemples de

dépression que celui du texte.

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3. Les politiques économiques conjoncturelles et structurelles

3.1 La politique budgétaire

Questions sur texte : Horton, M., et El-Ganainy, A. Qu’est-ce qu’une politique budgétaire ?

Finance & Développement, Juin 2009.

Q1. Qu’appelle-t-on un stabilisateur automatique ? Quelle est la logique de fonctionnement

d’un tel mécanisme ? Pourquoi les pays dotés de stabilisateurs d’envergure ont-ils moins

tendance à prendre des mesures discrétionnaires ?

Q2. Qu’est-ce que l’effet d’éviction ? Présenter les trois arguments généralement avancés

contre un politique budgétaire expansionniste en expliquant pourquoi ces arguments sont remis

en question en période de récession.

Q3. On considère le modèle d’économie fermée suivant : 𝑌 = 𝐶 + 𝐺 + 𝐼 où 𝑌 correspond au

PIB ou revenu national, 𝐶 à la consommation privée, 𝐼 à l’investissement privé et 𝐺 au montant

de la dépense publique. La consommation dépend du revenu disponible : 𝐶 = 𝑐𝑌𝑑 + 𝐶0, où 𝑐

est la propension marginale à consommer, 𝐶0 la consommation autonome et 𝑌𝑑 = 𝑌 − 𝑇 où 𝑇

correspond aux prélèvements fiscaux (impôts).

Donner la valeur des trois multiplicateurs (d’investissement, de dépense publique et

fiscal).

Démontrer que, toutes choses égales par ailleurs, lorsque les dépenses publiques et les

impôts augmentent simultanément et dans les mêmes proportions, l’impact final sur la

production n’est pas nul (ce résultat est connu sous le nom de théorème d’Haavelmö).

3.2 La politique monétaire

Questions sur texte : Mathai, K. Qu’est-ce qu’une politique monétaire ? Finance &

Développement, Septembre 2009.

Q1. Quels sont les trois outils utilisés par la Banque centrale pour mener une politique

monétaire ? Par quels mécanismes une politique monétaire se répercute-t-elle dans le secteur

réel ?

Q2. « Cette [inflation] surprise pouvait dans un premier temps doper la production en rendant

la main-d’œuvre relativement peu coûteuse ». Pourquoi une inflation surprise rend-elle « la

main-d’œuvre relativement peu couteuse » ?

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Q3. Expliquer pourquoi certains affirment que la politique d’assouplissement quantitat i f

compromet l’indépendance de la Banque centrale.

3.3 Les politiques structurelles

Questions sur texte : Abdel-Kader, K. Qu’entend-on par politiques structurelles ? Finance &

Développement, Mars 2013.

Q1. Faites une comparaison entre les politiques étudiées précédemment et les politiques

structurelles.

Q2. Expliquer en quoi la concurrence est généralement profitable à l’économie. Est-ce

systématiquement le cas ?

Q3. Expliquer en quoi un salaire minimum trop élevé peut avoir un effet négatif sur le

chômage ? Est-il pour autant souhaitable de supprimer le salaire minimum ?

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4. Annexes

Annexe 1 : Fiche du cours

3EEC3167

3EEC4171

Introduction à la politique

macroéconomique

(Macro B)

Caroline Coudrat

Agnès Labye

[email protected]

[email protected]

36h CM

24h TD

Semestre 3

Le cours porte sur l’analyse des politiques macroéconomiques, monétaire et budgétaire principalement, en économie fermée

en s’appuyant sur la présentation de grands modèles de référence : modèle de la théorie de l’équilibre général, modélisations

de la courbe de Phillips, modèle WS-PS et modèle AS-AD.

PLAN DU COURS

I- Concepts et principes de la modélisation macroéconomique.

II- Théorie de l’équilibre général et politiques macroéconomiques.

III- Les relations inflation – chômage : les courbes de Phillips.

IV- La dynamique des prix et des salaires : le modèle WS – PS.

V- Une nouvelle synthèse néoclassique : le modèle AS-AD.

COMPÉTENCES VISÉES

Les étudiants seront notamment capables de :

- Appliquer les principaux outils de la modélisation macroéconomique.

- Interpréter les modèles macroéconomiques de référence.

- Comparer les modèles macroéconomiques.

- Identifier les interdépendances et interactions au sein du système économique.

- Comparer l’efficacité des politiques monétaire et budgétaire dans différents cadres théoriques.

BIBLIOGRAPHIE

- Coudrat C., Labye A., Macroéconomie, tome 1 : Les modèles de base, Collection Montesquieu, Archétype 82, 2013.

- Krugman, P., Wells, R. Macroéconomie, 3ème éd., De Boeck, 2016.

- Blanchard O., Cohen D., Johnson D., Macroéconomie, 6ème éd., Pearson, 2013.

- Mankiw G., Macroéconomie, 6ème éd., De Boeck, 2013.

- Burda M., Wyplosz C., Standaert S., Macroéconomie - Une perspective européenne, De Boeck, 2014.

ÉVALUATION

Session 1 Examen (50%, QCM portant sur l’ensemble du cours) et contrôle continu (50%)

Session 2 Examen (QCM portant sur l’ensemble du cours)

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Annexe 2 : Organisation et évaluation de l’examen

L’examen de fin de semestre porte sur le cours et prend la forme d’une série de 40 questions de

QCM : 5 choix possibles, 1 seule réponse correcte. L’évaluation suppose que chaque étudiant

remette à la fin de l’épreuve 2 documents de même couleur. Si cette condition n’est pas

remplie la note de l’examen est 0. Les 2 documents à remettre sont les suivants :

Le document des 40 questions de QCM.

La feuille simple récapitulant les réponses cochées.

De plus, sur chacun de ces documents doivent figurer le Nom, le Prénom et le numéro de

l’étudiant sous peine de se voir attribuer la note 0.

Annexe 3 : Organisation et évaluation du contrôle continu

Les étudiants sont invités à préparer chaque séance de TD en répondant aux questions

figurant dans chacun des documents. Ces questions ont été construites à l’attention des

étudiants. L’enseignant conserve toute autonomie pédagogique pour organiser les séances

autour des axes de travail précisés dans chacun des documents tout en tenant compte des

questions posées par les étudiants.

La présence aux TD est obligatoire. Toute absence doit être sérieusement motivée. Au-

delà de deux absences, y compris motivées, l'étudiant est porté défaillant au contrôle continu.

Une interrogation écrite est organisée au niveau de l’ensemble des trois UP et

constituent la base de l’évaluation du contrôle continu. En cas d’absence motivée à

l’interrogation écrite, la note d’examen lui sera substituée. Au-delà, selon le nombre d’absences,

la mention portée à l’interrogation écrite sera soit 0 soit défaillant.

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46 Finances & Développement Juin 2011

IN BRIEFL’ABC DE L’ÉCONOMIE

L’ÉCONOMIE MODERNE est une machine complexe. Elle a pour mission d’allouer des ressources rares et de répartir la production entre un grand nombre d’agents — individus, entreprises des entités publiques — en

permettant que les actions de chacun infl uencent directement (ou indirectement) celles des autres.

Adam Smith, généralement considéré comme le fondateur de la science économique, a donné à cette machine le nom de «main invisible». Dans La Richesse des nations, publié en 1776, il insiste sur le caractère autorégulateur de l’économie : les actions d’agents mus uniquement par leur propre intérêt produisent globalement le meilleur résultat possible pour toute la société. Aujourd’hui, pour mieux comprendre cette main invisible, les économistes élaborent des modèles, qui sont une sorte de carte routière de la réalité.

En allouant les biens et les services, les économies émettent des signaux mesurables qui incitent à penser que la complexité est néanmoins ordonnée. Ainsi, la production annuelle des pays avancés oscille autour d’une courbe ascendante. Il semble aussi y avoir une relation négative entre l’inflation et le taux de chômage à court terme. À l’autre extrême, les prix des actions semblent être résolument imprévisibles.

Les économistes appellent «faits stylisés» ces régularités constatées de façon empirique. Étant donné la complexité de l’économie, chaque fait stylisé est une agréable surprise qui appelle une explication en bonne et due forme. En effet, plus les économistes et les décideurs en sauront sur les faits stylisés, mieux ils comprendront les rouages internes de l’économie, ce qui leur permettra d’agir pour obtenir un certain résultat (par exemple, pour éviter une crise financière mondiale).

Une interprétation de la réalitéUn modèle économique est une description simplifi ée de la réalité, conçue pour tester des hypothèses concernant les com-portements économiques. Il importe de se rappeler qu’un modèle économique est forcément subjectif par nature, car il n’existe pas de mesures objectives des résultats économiques. Autrement dit, l’interprétation de la réalité varie selon les économistes.

Il existe deux grandes catégories de modèle économique : théorique et empirique. Les modèles théoriques visent à tirer des conclusions vérifiables sur des comportements économiques en partant du principe que les agents cherchent à atteindre autant que possible des objectifs spécifiques dans les limites de contraintes bien définies dans le modèle (budget par exemple). Ils donnent des réponses qualitatives à des questions touchant par exemple aux effets de l’asymétrie de l’information (une

partie à une transaction est mieux renseignée que l’autre) ou au meilleur moyen de réagir aux dysfonctionnements du marché.

Quant aux modèles empiriques, ils visent à vérifier les pré-visions qualitatives des modèles théoriques et à les convertir en résultats chiffrés précis. Par exemple, un modèle théorique du comportement de consommation d’un agent conclura généralement à une relation positive entre ses dépenses et son revenu. L’adaptation empirique de ce modèle cherchera à donner une valeur chiffrée à la hausse moyenne des dépenses en cas d’augmentation du revenu.

Généralement, les modèles économiques sont composés d’équations mathématiques qui expriment un comportement économique théorique. Leurs concepteurs essaient d’inclure assez d’équations donnant des informations utiles sur le comportement d’agents rationnels ou le fonctionnement d’une économie (voir encadré). La structure des équations reflète le souci de simplifier la réalité, par exemple en posant comme hypothèse l’existence d’un nombre infini de concurrents et de participants au mar-ché doués d’une parfaite capacité de prévision. En pratique, les modèles économiques peuvent être très simples : la demande de pommes, par exemple, évolue inversement au prix si toutes les autres influences demeurent constantes : moins les pommes sont chères, plus elles sont demandées. D’autres sont assez complexes : ceux qui cherchent à prévoir le niveau réel de la production d’une économie utilisent des milliers de formules

Qu’est-ce qu’un modèle économique? Comment les économistes essaient de simuler la réalité

Sam Ouliaris

Un modèle utileLe modèle type de l’offre et de la demande enseigné dans les cours d’introduction à l’économie illustre bien l’utilité d’un modèle économique. Il cherche essentiellement à expliquer et analyser les prix et les quantités échangées sur un marché concurrentiel. Les équations du modèle déterminent le niveau de l’offre et de la demande en fonction du prix et d’autres variables (par exemple le revenu). Le prix de marché correspond au niveau où l’offre est égale à la demande. En général, la demande diminue et l’offre s’accroît lorsque le prix augmente, ce qui donne un système qui évolue sans intervention vers le prix de marché, c’est-à-dire le prix d’équilibre. Le modèle de l’offre et de la demande peut expliquer par exemple l’évolution du prix d’équilibre mondial de l’or : a-t-il changé à cause d’un changement de la demande ou d’une augmentation ponctuelle de l’offre, telle qu’une vente exceptionnelle de stocks d’or par une banque centrale?

L’ABC DE L’ÉCONOMIE

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Finances & Développement Juin 2011 47

compliquées, appelées par exemple «équations différentielles non linéaires interconnectées».

Les modèles économiques peuvent aussi être classés en fonc-tion des phénomènes réguliers qu’ils sont conçus pour expliquer ou des questions auxquelles ils cherchent à répondre. Ainsi, certains modèles expliquent les oscillations d’une économie autour d’une trajectoire à long terme, en se concentrant sur la demande de biens et de services sans être trop précis sur les sources de la croissance à long terme. D’autres modèles sont conçus pour examiner des questions structurelles, telles que l’impact de réformes commerciales sur le niveau de production à long terme, en faisant abstraction des variations à court terme. Les économistes élaborent aussi des modèles pour étudier des scénarios potentiels, tels que les effets sur l’économie globale de l’introduction d’une taxe sur la valeur ajoutée.

Comment les économistes élaborent leurs modèlesMalgré leur diversité, les modèles économiques empiriques ont quelques caractéristiques en commun. Chaque modèle prévoit l’inclusion de variables exogènes, qui n’ont pas besoin d’être expliquées par le modèle. Elles peuvent avoir trait à la politique des pouvoirs publics, tels que les dépenses publiques ou les taux d’imposition, ou à d’autres éléments, tels que les conditions climatiques. Viennent ensuite les variables dépendantes (par exemple le taux d’infl ation), que le modèle cherchera à expliquer en fonction d’une partie ou de la totalité des variables exogènes.

Chaque modèle empirique comportera aussi des coefficients, qui déterminent le degré de variation des variables dépendantes en fonction de modifications apportées aux variables exogènes (par exemple la manière dont la consommation des ménages réagit à une baisse de 100 dollars de l’impôt sur le revenu). Ces coefficients sont en général des estimations (valeur attribuée) fondées sur des données historiques. Enfin, les concepteurs de modèles empiriques ajoutent une variable «fourre-tout» à chaque équation de comportement pour tenir compte des particularités du comportement économique au niveau individuel. (Dans l’exemple ci-dessus, les agents ne réagiront pas tous de la même manière à une baisse de 100 dollars de l’impôt sur le revenu.)

Il existe cependant des divergences fondamentales entre économistes quant à la manière dont les équations d’un modèle empirique doivent être estimées. Selon certains, il faut partir du principe que l’agent cherchera toujours à maximiser le résultat considéré (par exemple, il détermine sa consommation future de manière à obtenir un niveau de satisfaction maximal compte tenu de son budget), que les marchés sont efficients et que les comportements sont prospectifs. Les anticipations des agents et la manière dont ils réagissent aux mesures prises par les pouvoirs publics jouent un rôle essentiel dans les équations. Par conséquent, les utilisateurs du modèle devraient pouvoir observer les effets d’une mesure spécifique sans avoir à se demander si cette mesure elle-même modifie le comportement de l’agent.

D’autres économistes prônent une approche plus nuancée, avec des équations qui reflètent en partie ce que leur expérience leur a appris des données observées. Au fond, ils mettent en question le réalisme des constructions comportementalistes des modèles estimés de façon plus formelle. Or la prise en compte de l’expérience empêche souvent de discerner l’effet de chocs

spécifiques ou de prédire l’effet d’un changement de politique économique parce que les équations sous-jacentes ne tiennent pas explicitement compte des changements de comportement des agents. L’avantage, disent ces économistes, est que ces modèles donnent de meilleures prévisions (surtout à court terme).

Qu’est-ce qui fait un bon modèle économique?Quelle que soit l’approche suivie, la méthode scientifi que (beau-coup de sciences, telles que la physique et la météorologie, utilisent des modèles) exige que chaque modèle produise des conclusions précises et vérifi ables sur les phénomènes économiques observés. L’évaluation formelle du modèle consiste à tester ses principales conclusions et à évaluer sa capacité de reproduire des faits stylisés. Les économistes utilisent de nombreux outils pour tester leurs modèles, notamment des études de cas, des études fondées sur des expériences en laboratoire et des statistiques.

Cela dit, le caractère aléatoire des données économiques pose souvent problème. Les économistes doivent donc être précis quand ils disent qu’un modèle «explique bien» quelque chose. Cela signifie que les erreurs sont imprévisibles et négligeables (zéro) en moyenne. Si deux modèles ou plus satisfont cette condition, les économistes se fondent sur la volatilité des erreurs de prévision pour les départager, en choisissant celui où elle est moindre.

Des erreurs de prévision systématiques sont le signe objectif qu’un modèle empirique doit être révisé. Des erreurs systé-matiques impliquent qu’une équation au moins du modèle est incorrecte. La compréhension de ces erreurs est un aspect impor-tant de l’évaluation régulière des modèles par les économistes.

Pourquoi certains modèles ne fonctionnent pasTous les modèles économiques, aussi compliqués soient-ils, sont des approximations subjectives de la réalité conçues pour expliquer des phénomènes observés. Il s’ensuit que les prévisions du modèle doivent être tempérées par le caractère aléatoire des données sous-jacentes qu’il cherche à expliquer et par la validité des théories utilisées pour estimer ses équations.

Un bon exemple est le débat actuel sur les modèles existants, qui n’ont pas permis de prévoir la crise récente ni d’en discerner les raisons. Certains observateurs ont incriminé l’attention insuf-fisante accordée aux liens entre la demande globale, la richesse et, surtout, la prise de risques financiers excessifs. Un énorme travail va être accompli dans les années à venir pour tirer les leçons de la crise. De nouvelles équations comportementalistes seront ajoutées aux modèles actuels; celles qui existent (concernant par exemple l’épargne des ménages) seront modifiées afin d’être liées aux nouvelles équations modélisant le secteur financier. La vali-dité du modèle amélioré dépendra de sa capacité à faire ressortir les risques financiers qui nécessitent des mesures préventives.

Aucun modèle économique ne peut décrire parfaitement la réalité, mais pour élaborer, tester et réviser ces modèles, les éco-nomistes et les décideurs sont obligés d’affiner leur conception du fonctionnement d’une économie. Cela encourage le débat scientifique sur les ressorts du comportement économique et sur ce qui devrait être fait (ou évité) face aux dysfonctionnements du marché. Adam Smith approuverait sans doute. ■Sam Ouliaris est économiste principal à l’Institut du FMI.

Finances & Développement Juin 2011 47

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38 Finances & Développement Septembre 201338 Finances & Développement Septembre 2013

En PÉRIODE de ralentissement de l’activité, une économie produit moins de biens et de services. En période faste, en revanche, la production — mesurée habituellement par le PIB — augmente (voir «Qu’est-ce

que le produit intérieur brut?», dans F&D de décembre 2008).Ces fluctuations (qui constituent ce qu’on appelle le cycle

économique) sont importantes pour les économistes et les res-ponsables qui veulent connaître l’écart entre la production d’une économie à un moment donné et sa production potentielle sur longue période. Autrement dit, ils veulent savoir non seulement si le PIB baisse ou augmente, mais aussi s’il est au-dessus ou au-dessous de son niveau potentiel.

l’écart de production est un indicateur économique qui mesure la différence entre la production réelle d’une économie et sa pro-duction potentielle, c’est-à-dire le volume maximal de biens et de services qu’elle peut produire quand elle fonctionne à plein régime, en utilisant toutes ses capacités. D’ailleurs, la production potentielle est aussi souvent appelée capacité de production de l’économie.

tout comme le PIB, l’écart de production peut augmenter ou diminuer, ce qui n’est idéal ni dans un cas, ni dans l’autre. Un écart de production positif signifie que la production réelle est su-périeure à la production de pleine capacité. C’est ce qui se passe lorsque la demande est si forte que, pour la satisfaire, les usines et les travailleurs sont obligés de mettre les bouchées doubles et de fonctionner bien au-delà de leur niveau d’efficience maximale. Un écart de production négatif existe lorsque la production réelle est inférieure à ce qui pourrait être produit si l’économie fonctionnait à plein régime. Un écart négatif trahit l’existence de capacités excé-dentaires ou inutilisées en raison de l’insuffisance de la demande.

lorsqu’il y a un écart de production, c’est que l’économie fonctionne de façon inefficiente, en utilisant trop ses ressources ou en ne les utilisant pas assez.

Inflation et chômageles décideurs font souvent référence à la production potentielle lorsqu’ils mesurent l’inflation. En effet, ils définissent en général la production potentielle comme le niveau de production com-patible avec l’absence de pressions à la hausse ou à la baisse des prix. De ce point de vue, l’écart de production est un indicateur sommaire du poids relatif de l’offre et de la demande dans l’activité économique. l’écart de production en mesure donc

la pression inflationniste dans l’économie et constitue un lien important entre le côté réel de l’économie, qui produit des biens et des services, et l’inflation. toutes choses égales par ailleurs, si l’écart de production est positif sur longue période, de sorte que la production réelle est supérieure à la production potentielle, les prix vont commencer à monter sous l’effet de l’accroissement de la demande sur les principaux marchés. Inversement, si la production réelle reste durablement en dessous de la production potentielle, les prix vont diminuer à cause du repli de la demande.

l’écart de chômage est un concept très voisin de l’écart de pro-duction. Ces deux notions sont essentielles pour la conduite des politiques monétaire et budgétaire. le taux naturel de chômage (parfois appelé taux de chômage non accélérateur de l’inflation) est le taux de chômage compatible avec un taux d’inflation constant (voir «le chômage, c’est quoi?» dans F&D de septembre 2010). lorsque le taux de chômage s’écarte de son niveau naturel, la production s’écarte de son niveau potentiel. En théorie, si les autorités réussissent à ramener le taux de chômage effectif au niveau du taux naturel, l’économie tournera à plein régime sans

Qu’est-ce que l’écart de production?Les économistes s’intéressent à la différence entre ce qu’une économie pourrait produire et ce qu’elle produit réellement

Sarwat Jahan et Ahmed Saber Mahmud

L’ABC DE L’ÉCONOMIE

B2B, corrected 7/3/13

Un potentiel gaspilléEn raison de la grave récession, la plupart des économies sont passées d’un écart de production positif, avec un PIB supérieur au potentiel à long terme, à un écart négatif, avec un PIB inférieur au potentiel. (écart de production, pourcentage du PIB potentiel)

Source : FMI, Perspectives de l’économie mondiale, avril 2013.

2007 08 09 10 11 12 13–8

–6

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4

Asie et Paci�que AllemagneUnion européenne JaponAmérique latine et Caraïbes États-Unis

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Finances & Développement Septembre 2013 39Finances & Développement Septembre 2013 39

surutilisation des ressources; autrement dit, il n’y aura ni écart de production ni pressions inflationnistes.

Comme l’écart de production permet de voir si l’économie est en surchauffe ou en sous-régime, il a des implications immédiates pour la politique monétaire (voir «Qu’est-ce que la politique mo-nétaire?» dans F&D de septembre 2009).

En général, pendant une récession, la production économique réelle tombe en dessous de son potentiel, ce qui crée un écart de production négatif. Cette sous-performance peut inciter une banque centrale à adopter une politique monétaire visant à sti-muler la croissance économique, par exemple en abaissant les taux d’intérêt pour accroître la demande et empêcher l’inflation de tomber en dessous d’une certaine cible.

En période d’expansion, la production dépasse son niveau potentiel, d’où un écart de production positif. Dans ce cas, on dit souvent que l’économie est en surchauffe, ce qui engendre des tensions inflationnistes et peut amener la banque centrale à «calmer» l’économie en relevant les taux d’intérêt.

le gouvernement peut aussi recourir à la politique budgétaire pour combler l’écart de production (voir «Qu’est-ce que la poli-tique budgétaire?» dans F&D de juin 2009). Ainsi, une politique budgétaire expansionniste, qui accroît la demande globale en aug-mentant les dépenses publiques ou en abaissant les impôts, peut servir à combler un écart de production négatif. Inversement, lorsque l’écart est positif, une politique budgétaire restrictive est adoptée pour réduire la demande et combattre l’inflation par une baisse des dépenses et/ou une hausse des impôts.

Récemment, certains responsables ont émis l’idée que, dans une économie mondiale de plus en plus intégrée, un écart de production mondial peut influer sur l’inflation nationale. Autrement dit, toutes choses égales par ailleurs, une économie mondiale en expansion peut accroître le risque de tensions inflationnistes dans un pays. Par exemple, une augmentation de la demande mondiale d’ordi-nateurs fait monter le prix que les fabricants américains peuvent demander à leurs clients étrangers. Or, comme tous les fabricants d’ordinateurs sont exposés au même regain de demande à l’échelle mondiale, les fabricants américains peuvent vendre leurs produits plus cher chez eux aussi. C’est ce qu’on appelle l’«hypothèse de l’écart de production mondial», qui voudrait que les dirigeants des banques centrales surveillent attentivement l’évolution du poten-tiel de croissance dans le reste du monde et pas seulement celle des ressources en main-d’œuvre et en capital de leur propre pays.

Cela dit, pour l’instant, rien ne permet de conclure avec certitude qu’un écart de production mondial influe sur les prix intérieurs. Il pourrait toutefois devenir de plus en plus important à mesure que progresse l’intégration des économies à l’échelle mondiale.

Difficile à mesurerIl est difficile de mesurer l’écart de production. Contrairement à la production réelle, le niveau de la production potentielle et, par conséquent, de l’écart de production ne peut pas être observé directement. la production potentielle et l’écart de production ne peuvent donc être que des estimations.

Diverses méthodes sont utilisées pour estimer la production potentielle, mais toutes reposent sur l’hypothèse que la produc-tion peut être divisée entre une composante tendancielle et une composante conjoncturelle. la première est interprétée comme

une mesure de la production potentielle de l’économie, et la seconde comme une mesure de l’écart de production. Estimer la production potentielle revient donc à estimer des tendances, c’est-à-dire à faire abstraction des variations conjoncturelles.

Une méthode courante consiste à appliquer des techniques statistiques pour distinguer les fluctuations à court terme de la tendance à long terme. Pour ce faire, on utilise souvent un filtre Hodrick-Prescott. D’autres méthodes permettent d’estimer la fonction de production, équation mathématique qui calcule la production en fonction des intrants économiques, tels que le travail et le capital. les tendances sont estimées en neutralisant les variations des intrants qui ont un caractère conjoncturel.

toute estimation de la production potentielle est imparfaite. les estimations s’appuient sur une ou plusieurs relations statistiques et contiennent donc un élément aléatoire. De plus, l’estimation d’une tendance dans une série de données est particulièrement difficile vers la fin de la période sur laquelle porte l’échantillon. Cela signifie que le degré d’incertitude de l’estimation est à son niveau le plus élevé précisément pour la période qui présente le plus d’intérêt : le passé récent.

Pour contourner ces problèmes, certains économistes essaient de déduire l’ampleur de l’excédent d’offre ou de demande dans l’économie en s’appuyant sur des enquêtes auprès des producteurs. Mais ces enquêtes sont elles-mêmes imparfaites puisque les entre-prises peuvent interpréter les questions différemment, et rien ne garantit que leurs réponses soient une bonne indication de l’état de la demande. En outre, les taux de réponse sont en général assez bas.

Quelle que soit la méthode utilisée, l’estimation de l’écart de production est entourée d’une incertitude considérable parce que les relations qui existent au sein même de l’économie, c’est-à-dire sa structure, changent souvent. Ainsi, lorsque l’économie émerge d’une profonde récession, les capacités disponibles peuvent être bien moins grandes que prévu à cause de divers facteurs, notamment :

• les chômeurs qui quittent le marché du travail et deviennent économiquement inactifs;

• les entreprises qui ferment en laissant à l’abandon des villes et des régions entières;

• les banques qui perdent de l’argent en période de récession et rechignent ensuite à prêter.

Un écart importantCompte tenu des difficultés que présente l’estimation de la pro-

duction potentielle et de l’écart de production, les responsables ont besoin de plusieurs autres indicateurs économiques pour se faire une idée précise des pressions qui pèsent globalement sur les capa-cités de l’économie. Parmi ces indicateurs figurent l’emploi, l’utili-sation des capacités, la pénurie de main-d’œuvre, le nombre moyen d’heures ouvrées et le salaire horaire moyen, la croissance de la masse monétaire et du crédit, et l’inflation par rapport aux anticipations.

Ces indicateurs peuvent aider les autorités à mieux mesurer l’écart de production, qui, même s’il est difficile à estimer, est et restera un guide utile pour les responsables nationaux. ■Sarwat Jahan est économiste au Département de la stratégie, des politiques et de l’évaluation du FMI; Ahmed Saber Mahmud est Directeur adjoint du Programme d’économie appliquée à l’université Johns Hopkins.

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DE L’ÉCONOMIE

Qu’est-ce qu’une récession?

Stijn Claessens et M. Ayhan Kose

DEPUIS plus d’un an, il ne se passe pas un jour sans mauvaises nouvelles économiques sur les États-Unis, l’Europe ou le Japon. Le chômage est en hausse, les bénéfices des entreprises sont en baisse, les marchés

financiers dégringolent et le secteur immobilier s’effondre. Un terme résume une telle situation : la récession.

La crise financière qui secoue la planète s’accompagne d’une récession dans de nombreux pays, confirmant la tendance historique. En effet, les pays avancés ont connu plusieurs ré-cessions synchronisées au cours des quatre dernières décennies — années 70, et début des années 80, des années 90 et des années 2000. Étant donné que les États-Unis sont la première puissance économique mondiale et qu’ils entretiennent des liens commerciaux et financiers étroits avec d’autres grandes économies, la plupart de ces récessions synchronisées à l’échelle mondiale coïncident avec celles survenues aux États-Unis.

Bien que les récessions aux États-Unis se soient atténuées avec le temps, la récession actuelle risque d’inverser cette tendance. Dans la mesure où elle dure déjà depuis plus de 16 mois et entraîne une forte baisse de la consommation et de l’investissement, la récession actuelle pourrait s’avérer l’une des plus longues et des plus profondes depuis la Grande Dépression des années 30.

Quand parle-t-on d’une récession?S’il n’existe pas de définition officielle de la récession, il est généralement reconnu que ce terme désigne une période de fléchissement de l’activité économique. Une très brève période de ralentissement n’est pas considérée comme une récession. La plupart des commentateurs et des analystes parlent de récession dès lors qu’un pays enregistre deux trimestres consécutifs de contraction de son PIB réel (corrigé de l’inflation) — la valeur totale des biens et services qu’un pays produit (voir F&D, dé-cembre 2008). Si cette définition constitue une règle générale utile, elle a des inconvénients. Elle est trop exclusivement axée sur le PIB, alors qu’il est souvent préférable d’examiner une gamme plus étendue de mesures pour déterminer si un pays traverse effectivement une récession. Le recours à d’autres indicateurs peut également donner une vision plus à jour de la situation économique.

Aux États-Unis, le National Bureau of Economic Research (NBER), qui tient une chronologie du début et de la fin des

récessions, utilise une définition plus large et tient compte d’un certain nombre de mesures de l’activité pour délimiter dans le temps les épisodes de récession. Au NBER, le Comité chargé de dater les cycles conjoncturels parle de récession en cas de «recul significatif de l’activité économique touchant tous les secteurs, pendant plusieurs mois, normalement visible au niveau de la production, de l’emploi, du revenu réel et d’autres indicateurs. Une récession débute lorsque l’activité économique atteint un point culminant et se termine lorsqu’elle atteint son point le plus bas». En s’appuyant sur cette définition, le Comité suit un ensemble complet d’indicateurs — le PIB, mais aussi l’emploi, le revenu, les ventes et la production industrielle — pour analyser les tendances de l’activité économique.

Bien qu’un pays puisse montrer des signes d’essoufflement plusieurs mois avant le début d’une récession, il faut du temps pour déterminer s’il est véritablement en récession. Ainsi, il a fallu une année au Comité du NBER pour annoncer que la récession actuelle a débuté en décembre 2007. Ce délai est compréhensible, car le processus de décision prévoit que l’on constate un repli général de l’activité sur une période prolongée après avoir recueilli et passé au crible un grand nombre de variables, qui font souvent l’objet de révisions après avoir été initialement annoncées. En outre, les différentes mesures de l’activité pouvant afficher un comportement contradictoire, il est difficile de déterminer si un pays souffre d’une contraction généralisée de son activité économique.

Qu’est-ce qui déclenche les récessions?Les causes de la récession constituent un champ d’investigation classique de la recherche économique. Elles sont diverses. Certaines sont liées à de brusques variations des prix des intrants utilisés dans la production de biens et services. Ainsi, une forte hausse des cours du pétrole peut présager une récession. L’enchérissement de l’énergie exerce une pression à la hausse sur le niveau général des prix, d’où une contraction de la demande globale. Une récession peut aussi découler de la décision d’un pays de réduire l’inflation par des politiques d’austérité monétaire et budgétaire. Si l’on en abuse, ces politiques peuvent entraîner un repli de la demande de biens et services et, en définitive, une récession.

Certaines récessions, comme celle que nous traversons, ré-sultent des problèmes des marchés financiers. Une flambée du

52 Finances & Développement Mars 2009

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prix des actifs et une expansion rapide du crédit s’accompagnent souvent d’un endettement accéléré. Tandis qu’entreprises et ménages accumulent une dette excessive et ont du mal à honorer leurs engagements, ils investissent et consomment moins, ce qui ralentit l’activité économique. Tous les épisodes de forte expansion du crédit ne deviennent pas des récessions, mais quand elles surviennent, ces récessions sont souvent plus coûteuses que d’autres. La récession peut également résulter d’un effritement de la demande extérieure, surtout dans les pays ayant de vigoureux secteurs d’exportation. Les récessions touchant de grands pays comme l’Allemagne, les États-Unis et le Japon se répercutent rapidement sur leurs partenaires com-merciaux régionaux, surtout en cas de récessions synchronisées au niveau mondial.

Étant donné que les récessions peuvent avoir des causes multiples, elles sont difficiles à prévoir. On a certes étudié le comportement de diverses variables économiques — volume du crédit, prix des actifs, taux de chômage notamment — en période de récession, mais bien qu’il puisse en être la cause, il pourrait aussi en être la conséquence — ou, en termes économiques, être endogène à la récession. Si les économistes emploient toute une gamme de variables pour prédire le comportement futur de l’activité économique, aucune n’a encore fait la preuve de sa capacité à prédire de manière fiable une récession. L’évolu-tion de quelques variables comme le prix des actifs, le taux de chômage, certains taux d’intérêt et la confiance des consom-mateurs semblent utile dans la prévision des récessions, mais les économistes sont encore incapables de prévoir un grand nombre de récessions et encore moins d’en prédire la durée et la gravité (F&D, septembre 2008).

Les récessions sont rares mais coûteusesOn a dénombré 122 récessions dans 21 économies avancées entre 1960 et 2007. Ce chiffre peut sembler élevé, mais les récessions ne sont pas courantes. En fait, le pourcentage de temps passé en récession — mesuré par le pourcentage de trimestres qu’un pays passe en récession sur toute la période d’échantillonnage — est

généralement de 10 % environ. Bien que chaque récession ait ses caractéristiques propres, les récessions ont souvent plusieurs points communs :

• Elles durent environ un an et leur coût en termes de production est important. En particulier, une récession se traduit par un recul de 2 % du PIB (voir graphique). Pour une récession profonde, le coût en termes de production est proche de 5 %.

• La baisse de la consommation est souvent limitée, mais la chute de la production industrielle et de l’investissement est nettement plus forte que celle du PIB.

• Elles coïncident avec une contraction des échanges inter-nationaux, puisque les exportations et surtout les importations dégringolent en période de ralentissement.

• Le taux de chômage s’envole presque toujours et l’inflation enregistre un léger recul du fait du repli de la demande globale de biens et de services. Outre l’érosion des prix de l’immobilier et des actions, les récessions se traduisent également par la turbulence des marchés financiers.

Qu’en est-il de la dépression?La récession actuelle est la huitième que connaissent les États-Unis depuis 1960. Durant cette période, les récessions dans ce pays ont duré en moyenne onze mois, les plus longues (en 1973 et 1981) ayant duré seize mois et la plus courte (en 1980) huit mois. La baisse de la production observée entre le pic et le creux du cycle a été de 1,7 % en moyenne, la récession la plus grave de 1973 s’étant traduite par un recul de la production légèrement supérieur à 3 %. Si l’investissement et la production industrielle se sont tassés à chaque récession, la consommation, elle, n’a reculé qu’à trois reprises.

On se demande parfois si la récession actuelle s’apparente à une dépression, et notamment à la Grande Dépression des années 30. Il n’existe pas de définition officielle de la dépres-sion, mais la plupart des analystes parlent de dépression quand on est en présence d’une récession extrêmement grave où la contraction du PIB dépasse 10 %. Les économies avancées ont connu très peu de véritables dépressions depuis les années 60. La dernière remonte au début des années 90, quand la Finlande a vu son PIB chuter d’environ 14 %. Cette dépression coïncidait avec l’éclatement de l’Union soviétique, important partenaire commercial du pays. Durant la Grande Dépression, l’économie américaine s’est contractée d’environ 30 % en quatre ans. Bien que la récession actuelle soit manifestement profonde, son coût en termes de production reste pour l’instant bien inférieur à celui de la Grande Dépression.

Stijn Claessens est Sous-Directeur et Ayan Kose économiste principal au Département des études du FMI.

Lectures conseillées :

Claessens, Stijn, M. Ayhan Kose, and Marco Terrones, 2008, “What

Happens During Recessions, Crunches, and Busts?” IMF Working Paper

08/274 (Washington: International Monetary Fund).

———, à praître, “American Recessions: Domestic and Global

Implications” IMF Working Paper (Washington: International Monetary

Fund).

Finances & Développement Mars 2009 53

Source: Claessens, Kose, and Terrones (2008).1Moyenne des 122 récessions survenues dans 21 économies avancées entre 1960 et

2007.

b2b, 2/19/09Proof

Les récessions sont coûteusesElles se caractérisent par un net recul du PIB réel, de l’investissement, des importations et de la production industrielle, mais le repli de la consommation est plus faible1.(variation en pourcentage)

Production Consom-mation

Investisse- ment

Expor-tations

Impor-tations

Productionindustrielle

–5

–4

–3

–2

–1

0

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DE L’ÉCONOMIE

Qu’est-ce que la politique budgétaire?

La PoLiTiQUe budgétaire consiste à se servir des dépenses publiques et de la fiscalité pour influer sur l’activité économique. elle permet aux autorités de promouvoir une croissance forte et durable et de ré-

duire la pauvreté. son rôle et ses objectifs prennent de l’ampleur dans la crise actuelle, les autorités intervenant pour soutenir le système financier, relancer la croissance et amortir l’impact de la crise sur les groupes vulnérables. Dans le communiqué final de leur sommet tenu à Londres en avril, les dirigeants du Groupe des Vingt grands pays industrialisés et émergents ont décidé de lancer une «expansion budgétaire concertée et sans précédent». Qu’entendent-ils par expansion budgétaire? et, de façon plus générale, comment stimuler l’économie mondiale avec des instruments budgétaires?

La primauté de la politique budgétaire comme instrument de politique économique évolue au fil du temps. avant 1930, la politique du «laissez-faire» (intervention minime de l’État) prévalait. après la chute des marchés boursiers et la crise de 1929, l’État a été amené à jouer un rôle plus proactif. Plus ré-cemment, le secteur public a vu sa taille et son rôle diminuer, les marchés participant davantage à l’affectation des biens et services. aujourd’hui, en pleine crise financière, une politique budgétaire plus active redevient la norme.

Comment fonctionne la politique budgétaire?Deux outils principaux permettent de gérer l’économie : la politique monétaire et la politique budgétaire. Les banques centrales ciblent indirectement l’activité en influant sur la masse monétaire par l’ajustement des taux d’intérêt et des réserves obligatoires des banques et par la vente de titres publics et de devises; les autorités influent sur l’économie en modifiant les niveaux et les types d’impôts, le montant et la structure des dépenses, ainsi que le niveau et la forme des emprunts.

Les pouvoirs publics déterminent directement et indirecte-ment l’utilisation des ressources dans l’économie, phénomène illustré par l’équation fondamentale de comptabilisation du revenu national :

PiB = c + i + G + NX.À gauche, on a le produit intérieur brut (PiB), c’est-à-dire la

valeur de tous les biens et services finaux produits dans l’économie (L’aBc de l’économie, F&D, décembre 2008). À droite, on a les sources de la dépense ou de la demande globales — consommation privée (c), investissement privé (i), achats de biens et services par le secteur public (G), différence entre exportations et importations

(exportations nettes : NX). L’équation montre que l’État influe sur l’activité économique (PiB); il contrôle directement G et in-directement c, i et NX en modifiant les impôts, les transferts et les dépenses. Une politique budgétaire qui accroît la demande globale en augmentant les dépenses publiques est dite expansionniste ou «laxiste». inversement, elle est jugée restrictive ou «austère» si elle réduit la demande en diminuant les dépenses.

La politique budgétaire peut avoir d’autres objectifs que la prestation de biens et services. À court terme, elle peut privilégier la stabilisation macroéconomique — en dopant une économie atone, en jugulant l’inflation ou en réduisant les vulnérabilités extérieures. À long terme, elle peut promouvoir une croissance durable ou réduire la pauvreté en prenant des mesures axées sur l’offre pour améliorer les infrastructures ou l’éducation. La plupart des pays poursuivent ces objectifs, mais leur importance varie selon la situation de chacun. À court terme, les priorités peuvent dépendre de la conjoncture ou de la réaction à une catastrophe naturelle et, à long terme, du niveau de développement, de la démo-graphie ou de la dotation en ressources. Pour réduire la pauvreté, un pays pauvre peut accorder la priorité aux dépenses de santé primaire, alors qu’une économie avancée réformant son régime de retraite peut cibler les coûts à long terme du vieillissement de la population. Un pays pétrolier peut axer sa politique budgétaire sur l’ajustement des dépenses conjoncturelles — modérant aussi bien l’expansion en cas de hausse des cours du pétrole que les compressions douloureuses en cas de baisse.

Riposte à la criseLa crise a eu des effets négatifs sur les économies du monde entier, les problèmes du secteur financier et la crise de confiance affectant la consommation privée, l’investissement et le com-merce extérieur (voir l’équation du revenu national). Les autorités ont réagi en dopant l’activité avec des stabilisateurs automatiques et la relance budgétaire — nouvelles dépenses discrétionnaires ou baisses d’impôts. ces stabilisateurs agissent à mesure qu’évoluent les recettes et les dépenses fiscales; ils ne dépendent pas de mesures spécifiques, mais opèrent selon le cycle économique. ainsi, la baisse de la production entraîne celle des recettes fiscales, car les bénéfices des sociétés et les revenus des contribuables diminuent. Les prestations de chômage et autres dépenses sociales sont censées augmenter en période de récession. ces changements conjoncturels rendent la politique budgétaire automatiquement expansionniste en cas de récession et restrictive en cas d’expansion.

52 Finances & Développement Juin 2009

Mark Horton et Asmaa El-Ganainy

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Les stabilisateurs automatiques sont liés à la taille du secteur public et ont souvent une plus grande envergure dans les écono-mies avancées. en l’occurrence, les mesures de relance budgétaire (réductions d’impôts, subventions ou programmes de travaux publics) sont sans doute moins nécessaires, car les deux démarches contribuent à amortir l’impact d’une récession. Dans la crise actuelle, en effet, les pays dotés de stabilisateurs d’envergure ont moins tendance à prendre des mesures discrétionnaires. De plus, bien que ces mesures soient adaptables aux besoins de stabilisation, les stabilisateurs ne connaissent pas de retards de mise en œuvre (notamment dans la conception, l’approbation et l’exécution de nouveaux projets routiers) et leur impact disparaît automatiquement dès que la situation s’améliore. La conception et l’application des plans de relance peuvent être aussi difficiles que leur dénouement durant la reprise. Toutefois, dans bien des pays émergents et à faible revenu, les stabilisateurs sont assez faibles à cause des contraintes institutionnelles et de l’étroitesse de l’assiette fiscale. Même dans les pays ayant des stabilisateurs d’envergure, il peut être urgent de compenser la perte d’activité économique et de concentrer les mesures de relance sur les groupes les plus nécessiteux.

en définitive, la riposte dépend de l’espace budgétaire disponible pour de nouvelles dépenses ou réductions d’impôts — c’est-à-dire de la capacité d’obtenir des fonds supplémentaires à un coût raisonnable ou de réorienter les dépenses existantes vers de nouvelles priorités. certains pays ne sont pas en mesure de déployer des programmes de relance, leurs créanciers potentiels estimant qu’un surcroît de dépenses et d’emprunts affecterait grandement l’inflation, les réserves de change ou le taux de change — ou détournerait du secteur privé local des ressources trop importantes (éviction), retardant ainsi la reprise. Face à la contraction du crédit, d’autres pays ont réduit les dépenses pour compenser la baisse des recettes (stabilisateurs opérants). Dans les pays où l’inflation et le déficit courant sont élevés, la relance budgétaire sera peut-être inefficace, voire indésirable.

Peaufiner la riposteL’ampleur, le calendrier, la structure et la durée de la relance sont importants. D’ordinaire, les autorités en définissent la portée d’après leur estimation de l’écart de production — différence entre la production escomptée et celle d’une économie fonctionnant à pleine capacité. il convient aussi d’en mesurer l’efficacité — ou plus précisément, sa valeur en termes de production (le «mul-tiplicateur»). Les multiplicateurs sont souvent plus importants s’il y a moins de déperdition (par exemple, si une petite partie seulement du montant de la relance est épargnée ou consacrée aux importations), si les conditions monétaires sont accommo-dantes (si le taux d’intérêt n’augmente pas du fait de l’expansion budgétaire), et si la position budgétaire du pays après la relance est jugée soutenable. Les multiplicateurs peuvent être modestes, voire négatifs, si l’expansion pose des problèmes de pérennité, auquel cas le secteur privé contrerait peut-être l’intervention de l’État en accroissant l’épargne ou en épargnant de l’argent à l’étranger au lieu de l’investir ou de le consommer. en outre, les multiplicateurs tendent à être plus élevés pour les dépenses que pour les baisses d’impôts ou les transferts, ainsi que pour les grands pays (il y a moins de déperdition dans les deux cas). s’agissant du calendrier, il faut souvent du temps pour mettre en

œuvre les mesures de dépenses, et une fois en place, elles peuvent s’avérer inutiles. Mais si l’on prévoit une récession prolongée (comme dans la crise actuelle), les préoccupations relatives aux retards peuvent être moins pressantes. Pour toutes ces raisons, les mesures de relance doivent être pertinentes, ciblées et temporaires — rapidement levées dès que la situation s’améliore.

De même, on peut accroître la sensibilité et l’ampleur des stabi-lisateurs, notamment avec un régime fiscal plus progressif — taux d’imposition des ménages riches supérieur à celui des ménages pauvres. on peut aussi établir un lien explicite entre les paiements de transfert et la situation économique (taux de chômage ou autres déclencheurs du marché du travail). Dans certains pays, les règles budgétaires visent à maîtriser les dépenses en période d’essor, lorsque les recettes — tirées notamment des ressources naturelles — sont en forte hausse. ailleurs, les mécanismes formels d’examen ou d’extinction des programmes permettent de limiter la durée de nouvelles initiatives. enfin, des dispositifs à moyen terme assurant la couverture et l’évaluation globales des recettes, des dépenses, des actifs et passifs et des risques contribuent à améliorer la prise de décision durant le cycle économique.

Déficits énormes et dette publique en hausseLes déficits budgétaires et les ratios d’endettement public sont en forte hausse en raison de la riposte budgétaire à la crise. Le soutien et les garanties accordés aux secteurs financier et industriel ont accentué les craintes. De nombreux pays peuvent se permettre de modestes déficits sur de longues périodes, les marchés financiers intérieurs et extérieurs et les partenaires internationaux et bilaté-raux étant convaincus de leur capacité d’honorer leurs obligations actuelles et futures. Mais cette confiance ne peut durer si les déficits restent excessifs pendant trop longtemps. conscient de ces risques dans la crise actuelle, le FMi préconise une stratégie budgétaire à quatre volets pour garantir la solvabilité : la relance ne doit pas avoir d’effet permanent sur le déficit; les cadres à moyen terme doivent imposer un ajustement budgétaire dès que la situation s’améliore; il faut prévoir et appliquer des réformes structurelles pour doper la croissance; les pays confrontés à des tensions démographiques à moyen et à long terme doivent s’engager à adopter des stratégies claires pour les soins de santé et la réforme des pensions. n

Mark Horton est chef de division et Asmaa El-Ganainy économiste au Département des finances publiques du FMI.

Autres lectures suggérées :

Daniel, James, Jeffrey Davis, Manal Fouad, and Caroline Van

Rijckeghem, 2006, “Fiscal Adjustment for Stability and Growth,”

IMF Pamphlet 55 (Washington: International Monetary Fund).

FMI, 2008, «La politique budgétaire comme outil de stabilisation

conjoncturelle», chapitre 5 (Washington, octobre).

——, 2009, “The State of Public Finances: Outlook and Medium-

Term Policies After the 2008 Crisis” (Washington); disponible à www.imf.

org/external/np/pp/eng/2009/030609.pdf.

Heller, Peter S., 2005, “Understanding Fiscal Space,” IMF Policy

Discussion Paper 05/4 (Washington: International Monetary Fund).

Spilimbergo, Antonio, Steve Symansky, Olivier Blanchard, and

Carlo Cottarelli, 2008, “Fiscal Policy for the Crisis,” IMF Staff Position

Note 08/01 (Washington: International Monetary Fund).

Finances & Développement Juin 2009 53

Page 18: L2 Introduction à la politique macroéconomique Travaux ... · PDF file6 3. Les politiques économiques conjoncturelles et structurelles 3.1 La politique budgétaire Questions sur

46 Finances & Développement Septembre 2009

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BC

De l’ÉConomie

LA POLITIQUE monétaire a connu de nombreux avatars, mais quelles qu’en soient les apparences, elle consiste à ajuster l’offre de monnaie pour stabi-liser le binôme inflation–production.

La plupart des économistes admettent qu’à long terme la pro-duction est donnée, et que toute variation de la masse monétaire entraîne uniquement une variation des prix. mais à court terme, comme les prix et les salaires ne s’adaptent pas immédiatement, les variations de la masse monétaire peuvent agir sur la produc-tion. C’est pourquoi la politique monétaire — dont se chargent généralement les banques centrales, comme la Fed aux États-Unis ou la BCE en Europe — est un instrument effectif dans la réalisation des objectifs d’inflation et de croissance.

Par exemple, en récession, les consommateurs regardent à la dépense. Les entreprises produisent moins, commencent à licencier et n’investissent plus. Qui plus est, les exportations nationales risquent de ne plus trouver de débouchés. Il se produit donc une compression de la demande globale à laquelle les autorités peuvent réagir en menant une politique à contre-courant. La politique monétaire est ainsi souvent désignée comme l’instrument countracyclique par excellence.

Cette démarche contracyclique vise l’expansion de la pro-duction (et de l’emploi), mais elle entraîne un gonflement de la masse monétaire et, partant, une hausse des prix. Lorsque la production s’approche de la pleine capacité, toute augmenta-tion de la demande renchérit les facteurs de production, dont les salaires. Les travailleurs utilisent alors leur complément de revenu pour acheter plus, d’où des prix et des salaires encore plus élevés, et une poussée généralisée de l’inflation, ce que les gouvernants préfèrent en général éviter.

un double objectif La politique monétaire doit donc concilier les objectifs de prix et de production. De fait, même les banques centrales qui, comme la BCE, visent exclusivement l’inflation reconnaissent générale-ment qu’elles se soucient de la stabilisation de la production et du maintien d’un niveau proche du plein emploi. Dans le cas de la Fed, à qui le Congrès des États-Unis a explicitement confié un «double mandat», l’objectif d’emploi est officiellement reconnu et placé sur un pied d’égalité avec celui d’inflation.

La politique monétaire n’est pas le seul levier pour gérer la demande globale. La politique budgétaire — liée à la fiscalité et aux dépenses — en est un autre, et les gouvernements y ont recours dans la crise actuelle. Il faut cependant un certain temps pour légiférer en matière d’impôts et de dépenses, et une fois que les changements ont été promulgués il est souvent

politiquement difficile de faire marche arrière. À cela s’ajoute le risque que les consommateurs n’aient pas la réaction voulue à la relance budgétaire (un allégement fiscal pourrait, par exemple, les inciter à épargner plutôt qu’à dépenser). On comprend donc pourquoi la politique monétaire est généralement considérée comme la première ligne de défense pour stabiliser l’économie en conjoncture descendante (l’exception étant celle des pays à taux de change fixe, où elle est entièrement subordonnée à l’objectif de taux de change).

une politique indépendanteBien qu’elle soit l’un des instruments économiques les plus im-portants pour les gouvernements, la plupart des économistes estiment que la banque centrale (ou un organisme connexe) — c’est-à-dire une entité indépendante du gouvernement élu — est mieux à même de la conduire. Cette idée remonte aux études d’il y a une trentaine d’années, qui mettaient en lumière la problématique de la discordance temporelle. À l’époque, les responsables de la politique monétaire, qui étaient moins in-dépendants du gouvernement, estimaient pouvoir gagner à promettre une faible inflation afin de maîtriser les anticipa-tions inflationnistes des consommateurs et des entreprises. Au gré de la conjoncture, ils risquaient cependant d’avoir ensuite du mal à résister à une expansion de la masse monétaire et donc de provoquer une «inflation-surprise». Cette surprise pouvait dans un premier temps doper la production en ren-dant la main-d’œuvre relativement peu coûteuse (les salaires mettent un temps à s’adapter) et réduire la valeur de la dette publique réelle, ou corrigée des effets de l’inflation. mais les agents économiques s’apercevaient rapidement de ce «biais d’inflation» et relevaient en conséquence leurs anticipations de prix, rendant ainsi d’autant plus difficile le travail des gou-vernants soucieux de parvenir à une faible inflation.

Pour surmonter le problème de la discordance temporelle, certains économistes ont préconisé l’adhésion à une règle limitant le pouvoir discrétionnaire d’ajustement de la politique monétaire. Cela dit, l’adhésion crédible à une règle (qui du reste peut être complexe) n’est pas aisée. Une autre solution a été proposée, qui elle aussi était censée protéger contre les ingérences politiques et renforcer la confiance dans la déter-mination des autorités à combattre l’inflation, et consistait à déléguer la politique monétaire à une banque centrale indépendante globalement éloignée du processus politique — comme cela était déjà le cas dans plusieurs pays. Les faits montrent que l’indépendance de la banque centrale va de pair avec une inflation plus faible et plus stable.

Qu’est-ce que la politique monétaire?

Koshy Mathai

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Finances & Développement Septembre 2009 47

la conduite de la politique monétaire Comment une banque centrale peut-elle changer la politi-que monétaire? Le plus simplement en modulant la masse monétaire, en général par des opérations d’«open-market» consistant à échanger des titres publics à court terme avec le secteur privé. si la Fed, par exemple, achète ou emprunte des bons du Trésor à des banques commerciales, elle alimente les comptes — réserves — que les banques sont tenues d’avoir auprès d’elle. Cette opération a pour effet d’accroître la masse monétaire. En revanche, si elle vend ou prête aux banques des titres du Trésor, le paiement qu’elle reçoit en contrepartie entraîne une compression de la masse monétaire.

Au fil des ans, beaucoup de banques centrales ont expéri-menté les cibles explicites de croissance monétaire, mais ces cibles sont progressivement tombées en désuétude, car il est devenu plus difficile d’apprécier la corrélation entre monnaie et prix. Beaucoup ont opté pour le ciblage de l’inflation — à lui seul ou conjointement à un objectif implicite de croissance ou d’emploi.

Lorsqu’une banque centrale parle officiellement de politique monétaire, elle insiste sur les taux d’intérêt souhaitables, plutôt que sur un volume particulier de monnaie (encore que les taux souhaités puissent résulter de certaines variations de la masse monétaire). Les banques centrales tendent à privilégier un «taux directeur» — en règle générale un taux à court terme, au jour le jour, que les banques se facturent entre elles quand elles s’empruntent mutuellement. Lorsque la banque centrale injecte des liquidités dans le système en achetant ou en empruntant des titres, ce qu’il est convenu d’appeler un relâchement de la politique monétaire, les taux diminuent. L’inverse se produit lorsqu’elle opère un resserrement en épongeant les réserves. La banque centrale espère que les variations du taux directeur se répercuteront sur tous les autres taux d’intérêt importants pour l’économie.

mécanismes de transmission Les ajustements de politique monétaire ont un effet impor-tant sur la demande globale et, partant, sur la production et les prix. Ils se transmettent à l’économie réelle par divers mécanismes (Ireland, 2008).

On pense d’abord au mécanisme des taux d’intérêt. si la banque centrale durcit sa politique, par exemple, les coûts d’emprunt augmentent, les consommateurs sont moins enclins à acheter les produits qu’ils seraient normalement disposés à financer — par exemple une maison ou une voiture — et les entreprises hésitent à investir. Ce ralentissement de l’activité devrait aller de pair avec une baisse de l’inflation, car, si la demande diminue, les prix en font généralement autant.

mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’augmentation des taux d’intérêt tend aussi à réduire la valeur nette des entreprises et des particuliers — ce qu’il convient d’appeler le mécanisme bilanciel —, qui ont alors plus de mal à obtenir des crédits quel qu’en soit le taux, d’où une diminution des dépenses et des pressions sur les prix. Une montée des taux peut aussi rendre les banques moins rentables et donc moins disposées à prêter — c’est le mécanisme des prêts bancaires. Les taux élevés entraînent généralement une appréciation de la monnaie, car les investisseurs étrangers sont en quête de rendements supérieurs et augmentent donc leur demande de la monnaie locale. Par le truchement du mécanisme du taux de change, les

exportations diminuent, car elles deviennent plus coûteuses, et les importations augmentent, car elles le sont de moins en moins. Il s’ensuit une compression du PIB.

La politique monétaire a un autre effet important sur l’inflation par le biais des anticipations — qui finissent par se réaliser. De nombreux contrats sur les prix ou les salaires sont convenus à l’avance, à partir de prévisions d’inflation. si les décideurs relèvent les taux d’intérêt et font savoir que d’autres augmentations sont à venir, ils peuvent arriver à convaincre le public qu’ils tiennent vraiment à maîtriser l’inflation. Les contrats à long terme prévoiront donc des augmentations de prix ou de salaires plus modestes, ce qui aura pour effet de maintenir l’inflation effective à un faible niveau.

lorsque les taux ne peuvent pas descendre plus bas Ces deux dernières années, les banques centrales du monde entier ont considérablement réduit leur taux directeur — parfois à zéro — et ainsi épuisé toute marge de coupes ultérieures. Elles ont cependant trouvé des moyens moins conventionnels de poursuivre une politique de relâchement.

L’un d’entre eux consiste à acheter de grosses quantités d’instruments financiers sur le marché. C’est ce qu’il convient d’appeler l’assouplissement quantitatif. Il a pour effet d’accroître le bilan de la banque centrale et d’injecter de nouvelles liqui-dités dans l’économie. Les banques se procurent des réserves additionnelles (les dépôts auprès de la banque centrale) et la masse monétaire augmente.

Il est une option connexe — l’assouplissement du crédit — qui peut aussi entraîner un gonflement du bilan de la banque centrale, mais ici c’est davantage sa composition qui est visée — à savoir les types d’actifs acquis. Dans l’actuelle conjoncture de crise, de nombreux marchés de crédit spécifiques ont été bloqués, empê-chant au mécanisme du taux d’intérêt de fonctionner. Les banques centrales ont réagi en les ciblant. Par exemple, la Fed a mis en place un mécanisme spécial pour racheter des billets de trésorerie (des titres d’entreprises à très court terme) afin d’alimenter les fonds de roulement. Elle a aussi racheté des titres adossés à des crédits hypothécaires pour étayer le financement immobilier.

D’aucuns avancent que l’assouplissement du crédit pousse la politique monétaire trop près de la politique industrielle, en ce sens que la banque centrale oriente les flux financiers vers certains secteurs particuliers. mais l’assouplissement quantitatif n’est pas moins controversé. Il représente l’achat d’un actif plus «neutre» comme une dette publique, mais il oriente la banque centrale vers le financement du déficit budgétaire, au risque de compromettre son indépendance.

À l’heure où l’économie mondiale semble se redresser, le principal souci est maintenant de tracer une stratégie de sortie : comment les banques centrales peuvent-elles dénouer leurs inter-ventions exceptionnelles et resserrer leur politique pour faire en sorte que l’inflation ne devienne pas un problème à terme? n

Koshy Mathai est représentant résident du FMI à Sri Lanka.

Bibliographie :

Ireland, Peter N.,2008, “Monetary Transmission Mechanism,” in

The New Palgrave Dictionary of Economics, ed. by Steven N. Durlauf

and Lawrence E. Blum (Houndmills, Basingstoke, United Kingdom:

Palgrave MacMillan, 2nd ed.).

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46 Finances & Développement Mars 201346 Finances & Développement Mars 2013

L’ÉCONOMIE peut se dérégler pour diverses raisons.

Les responsables économiques peuvent, quant à eux,

y remédier de plusieurs façons, selon la nature des

problèmes.

Lorsque, par exemple, les prix grimpent trop vite et que

les consommateurs et les entreprises dépensent à un rythme

supérieur à la capacité de production de biens et services du

pays — autrement dit, lorsque la demande globale augmente

trop rapidement —, les gouvernants peuvent entreprendre de

freiner la demande. De même, en période de ralentissement

économique, lorsque les entreprises et les consommateurs ne

dépensent plus — d’où une contraction de la demande globale

— le gouvernement peut essayer de les encourager à sortir leur

portefeuille ou engager des dépenses publiques pour compenser

le repli des dépenses privées. C’est ce qu’il est convenu d’appeler

les politiques de gestion de la demande ou de stabilisation.

Il arrive que les problèmes économiques soient plus profonds

et durables qu’un excédent ou déficit de la demande, en général

parce que la politique gouvernementale ou les pratiques des

opérateurs privés nuisent à la production efficace et harmonieuse

de biens et services — autrement dit, à l’offre. Pour y remédier,

il faut transformer le tissu économique, ce qui requiert des

réformes structurelles.

Les politiques de stabilisation sont importantes à court terme,

car il est plus facile de modifier temporairement les diverses

composantes de la demande globale que de rendre les ressources

du pays plus productives. Le gouvernement peut utiliser à cet

effet la fiscalité ou les dépenses publiques (voir «Qu’est-ce que

la politique budgétaire?» F&D, juin 2009) ou jouer sur les taux

d’intérêt et la masse monétaire (voir «Qu’est-ce que la politique

monétaire?» F&D, septembre 2009). Lorsque des réformes struc-

turelles de plus longue haleine sont nécessaires pour redresser

l’offre globale, les pouvoirs publics doivent s’attaquer à des pro-

blèmes particuliers qui peuvent être intimement liés à la structure

même de l’économie, par exemple le mode de fixation des prix,

la gestion des finances publiques, les entreprises publiques, la

réglementation du secteur financier, le fonctionnement et la

réglementation du marché du travail, la protection sociale ou

bien encore les institutions.

À la suite des récentes crises de la finance et des dettes souve-

raines, les appels se sont multipliés en faveur de réformes structu-

relles énergiques dans plusieurs pays de la zone euro, tandis que le

ralentissement de la croissance de nombre de pays développés et

en développement a rendu nécessaires des réformes budgétaires,

financières, institutionnelles et réglementaires pour rehausser la

productivité et dynamiser la croissance et l’emploi. Les politiques

structurelles non seulement favorisent la croissance économique,

mais elles préparent aussi le terrain aux mesures de stabilisation.

Agir sur le long terme

Les politiques structurelles peuvent viser divers pans de

l’économie :

Contrôle des prix : sur les marchés libres, les prix traduisent

les coûts de production sous-jacents. Cependant, dans divers

pays, les autorités fixent les prix de certains biens et services

— électricité, gaz ou communications par exemple — à un

niveau inférieur aux coûts de production, surtout lorsqu’ils sont

produits par des entreprises publiques. Ces prix réglementés

causent des pertes que l’État doit compenser, ce qui peut grever

le budget et entraîner des problèmes de stabilisation. En outre,

la consommation de biens et services est plus forte que si leurs

prix correspondaient à leurs coûts de production. Le contrôle

des prix conduit à une mauvaise affectation des ressources de la

société. Si on le supprimait, les prix monteraient et couvriraient

les coûts, ce qui serait bon pour la concurrence et l’efficience.

Gestion des finances publiques : même si, en période de récession,

l’État doit parfois dépenser plus qu’il n’engrange — ou, en période

de boom économique, percevoir plus d’impôts que nécessaire pour

ralentir les dépenses —, sur le long terme, les dépenses et les rentrées

fiscales doivent s’équilibrer. Or, il peut être difficile, à cause de la

complexité de la réglementation ou de l’inefficacité de l’adminis-

tration fiscale, de percevoir suffisamment de recettes publiques,

ce qui cause souvent de gros déficits budgétaires et l’accumulation

de dettes, aux effets déstabilisants. Du coup, l’État peut avoir du

mal à financer les dépenses nécessaires au développement dans

la santé, l’éducation et les infrastructures. Les réformes fiscales

peuvent promouvoir le civisme fiscal et accroître les recettes en

supprimant les exonérations, en exigeant des versements anticipés

ou en simplifiant le barème des impôts. Une meilleure adminis-

tration fiscale peut aussi accroître les recettes. Par exemple, des

percepteurs mieux formés et mieux rémunérés peuvent réduire la

corruption, et dans ces conditions, il est plus aisé de conserver du

Qu’entend-on par politiques structurelles?Les politiques monétaire et budgétaire servent à réguler les fl uctuations économiques à court terme, mais les problèmes sont souvent plus profonds

Khaled Abdel-Kader

L’ABC DE L’ÉCONOMIE

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Finances & Développement Mars 2013 47Finances & Développement Mars 2013 47

personnel compétent. Avec des finances publiques mieux gérées,

les fonds publics sont employés de façon plus productive.

Entreprises publiques : dans nombre de pays, les entreprises

publiques représentent une part considérable de l’économie.

Certaines fonctionnent efficacement et dans l’intérêt des consom-

mateurs. Mais, souvent, elles n’ont guère ou pas de concurrents

et elles produisent des biens et services de piètre qualité. Celles

qui sont en concurrence avec des entreprises privées produisent

souvent à perte en raison d’interférences politiques ou de coûts

de fonctionnement élevés (par exemple du fait d’effectifs en sur-

nombre), et l’État doit compenser les pertes. Des problèmes de

stabilisation peuvent surgir si ces entreprises publiques doivent

s’adresser à des banques commerciales pour couvrir leurs pertes.

Leurs emprunts sont généralement garantis par l’État, ce qui grève

le budget de passifs conditionnels, puisque c’est l’État qui devra les

rembourser en cas de défaut. Les pays ayant de grosses entreprises

publiques peuvent les céder à des particuliers ou à des entreprises

privées. Ils peuvent aussi en conserver le contrôle, mais fermer

celles qui sont inefficaces ou produisent à perte, remanier les

équipes de direction ou adapter les effectifs aux besoins — avec

un accompagnement social approprié des travailleurs licenciés.

Secteur financier : le secteur financier a pour fonction de prêter

l’argent des épargnants aux emprunteurs. Son bon fonctionnement

garantit que cet argent est employé de la façon la plus productive,

dans l’intérêt de la croissance et du développement économiques.

En revanche, les systèmes financiers sous-développés ou mal

réglementés de certains pays en développement peuvent freiner

la croissance économique et compliquer la mise en œuvre des

mesures de stabilisation. À titre d’exemple, la politique monétaire

des banques centrales consiste souvent à acheter et vendre sur le

marché libre des titres d’État vendus au public. Mais s’il n’existe pas

de marché secondaire des titres publics, ou s’il est peu développé,

l’efficacité de la politique monétaire peut en souffrir et la banque

centrale peut recourir à des outils inefficaces (ou injustes), tels

que le rationnement du crédit ou le contrôle des taux d’intérêt. Si

les banques sont mal réglementées, elles tendront à adopter des

comportements à risque qui entraînent des crises bancaires, par

exemple une panique des déposants qui s’empressent de retirer

leurs avoirs ou une faillite, qui résulte en général de mauvaises

pratiques de crédit. Mais même les banques solides peuvent

sombrer si elles sont prises dans une ruée générale qui siphonne

les liquidités dont elles ont besoin pour rémunérer les déposants.

Les crises bancaires peuvent interrompre l’approvisionnement des

emprunteurs, décourager l’épargne et gonfler les déficits publics si

l’État se porte garant des dépôts ou recapitalise les banques. Il est

possible de remédier au sous-développement du système finan-

cier en créant des marchés secondaires, en développant les places

boursières ou en privatisant les banques publiques. Pour atténuer

l’effet des crises, les autorités doivent affermir le système financier

à l’aide d’un dispositif efficace de réglementation et de supervision.

Protection sociale : l’État s’efforce le plus souvent de garantir

un niveau de vie minimum aux pauvres et aux autres groupes

défavorisés. Mais, dans beaucoup de pays en développement, il

existe des systèmes coûteux — de subventionnement des produits

pétroliers et alimentaires par exemple — et mal ciblés, qui profitent

plus aux riches qu’aux démunis. Dans les pays développés, il y a des

régimes de retraite par répartition qui ont d’énormes engagements

non capitalisés, car il y a plus de départs en retraite que d’entrées

dans la population active. De plus, les prestations généreuses aux

sans-emploi sont souvent une des causes du chômage élevé, car

les employeurs, qui ont à verser les primes d’assurance-chômage,

rechignent à embaucher. Les gouvernements peuvent réformer la

protection sociale afin de cibler les plus défavorisés et de réduire

considérablement les coûts. Pour venir en aide aux démunis,

les autorités peuvent délivrer aux ménages à faible revenu des

coupons alimentaires pour les denrées de première nécessité ou

distribuer de la nourriture dans les zones pauvres. Elles peuvent

aussi remplacer les subventions des produits alimentaires et pétro-

liers par des transferts monétaires. Il est possible de réformer les

régimes de retraite de façon à aligner les prestations sur les recettes

prévisionnelles en relevant l’âge de la retraite ou en instituant des

régimes financés par capitalisation.

Marché du travail : le chômage sévit dans de nombreux pays

pour diverses raisons et il augmente en général lorsque l’éco-

nomie va mal. Mais sa cause est parfois plus profonde que les

effets du cycle conjoncturel. Par exemple, les cotisations sociales

excessives ou le niveau relativement élevé du salaire minimum

peuvent enfler le coût d’embauche à tel point que la demande de

main-d’œuvre se contracte et le chômage augmente. La demande

peut aussi baisser si les travailleurs n’ont pas les compétences

requises par manque de formation ou d’instruction. La réforme

de l’éducation et l’amélioration de la formation sur le tas peuvent

aider à redynamiser la demande de main-d’œuvre.

Institutions publiques  : le fonctionnement des institutions

publiques peut avoir une incidence considérable sur le climat

économique. Une faible rémunération des fonctionnaires, de

l’administration fiscale, par exemple, peut encourager la corrup-

tion. De même, l’inefficacité du système juridique et le manque

de tribunaux et de magistrats compliquent le règlement des

différends pour les entreprises, ce qui accroît le coût des activités

commerciales et dissuade les investisseurs, surtout les investisseurs

directs étrangers — au détriment de la croissance économique. Il est

possible d’améliorer la gouvernance et les institutions en simplifiant

la réglementation commerciale et les procédures d’agrément, en

améliorant le système juridique national, en rationalisant l’admi-

nistration fiscale et en rehaussant les salaires des employés de

l’État chargés de services cruciaux, tout en limitant l’emploi dans

la fonction publique en fonction des besoins du service.

Des réformes à mener de pair

Pour accroître le potentiel de croissance de l’économie, il faut

miser sur la complémentarité des mesures de stabilisation et

des politiques structurelles. La stabilisation pose les bases de la

croissance économique en faisant baisser l’inflation, en lissant

la consommation et l’investissement, et en réduisant les déficits

publics. Les politiques structurelles ne peuvent réussir qu’une

fois corrigés ces déséquilibres macroéconomiques. De même,

les politiques structurelles renforcent l’efficacité de nombre de

mesures de stabilisation : la promotion de la concurrence (poli-

tique structurelle) peut par exemple favoriser la baisse des prix

et donc faire diminuer l’inflation (but de la stabilisation). ■

Khaled Abdel-kader est économiste au Département des relations

extérieures du FMI.