Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

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Cycles économiques, analyse conjoncturelle et prévisions NOTES DE COURS Professeur Vincent Bodart Département d’économie et IRES Université catholique de Louvain Année académique 2007-2008

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Cycles économiques, analyse conjoncturelle et prévisions

NOTES DE COURS

Professeur Vincent Bodart Département d’économie et IRES Université catholique de Louvain

Année académique 2007-2008

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ........................................................................................................ 1

PARTIE 1. L’ANALYSE CONJONCTURELLE......................................................... 7

INTRODUCTION.................................................................................................................. 7

CHAPITRE 1. LES OUTILS DE L’ANALYSE CONJONCTURELLE ............................. 8

1.1. Typologie des indicateurs conjoncturels ................................................................ 8 1.2. Les indicateurs d’activité ..................................................................................... 10 1.3. Les comptes nationaux trimestriels ...................................................................... 13 1.4. Les enquêtes de conjoncture ................................................................................ 15 1.5. Indicateurs conjoncturels internationaux ............................................................. 22 1.6. Illustration générale : la conjoncture économique en Belgique ........................... 25

ANNEXES AU CHAPITRE 1............................................................................................. 26

CHAPITRE 2. LA PREVISION ECONOMIQUE A COURT TERME ............................ 27

2.1. Généralités............................................................................................................ 27 2.2. Le diagnostic conjoncturel ................................................................................... 27 2.2. Les indicateurs avancés........................................................................................ 34 2.4. Les modèles statistiques de prévisions................................................................. 37 2.5. La cohérence comptable de la prévision .............................................................. 38

ANNEXE 2.1. EXPORTATIONS, DEMANDE MONDIALE ET COMPÉTITIVITÉ..... 40

PARTIE 2. LE CYCLE ECONOMIQUE : DÉFINITIONS, FAITS STYLISÉS ET ANALYSE ............................................................................................. 45

CHAPITRE 3. DEFINIR LE CYCLE ECONOMIQUE..................................................... 45

3.1. Définitions............................................................................................................ 45 3.2. Cycles et tendances .............................................................................................. 46

ANNEXE. LA CONCEPTION DU CYCLE SELON LA THÉORIE DES CYCLES ÉCONOMIQUES RÉELS........................................................ 49

CHAPITRE 4. LE CYCLE ECONOMIQUE : ELEMENTS DESCRIPTIFS.................... 52

4.1. Le cycle économique américain........................................................................... 52 4.1.2. La dynamique du cycle économique aux Etats-Unis : illustration rapide............ 53 4.2. Quelques faits stylisés à propos du cycle économiques des pays industrialisés .. 55

CHAPITRE 5. LA DYNAMIQUE DES CYCLES ECONOMIQUES .............................. 58

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5.1. Cycles stochastiques et cycles déterministes ....................................................... 58 5.2. Le cycle des stocks............................................................................................... 59 5.3. Le rôle de l’investissement dans la dynamique du cycle économique................. 66 5.4. La théorie du cycle économique réel.................................................................... 71 5.5. Les enchaînements cycliques selon Adda et Sigogne (1994) ............................. 76

CHAPITRE 6. LA STABILISATION DU CYCLE ECONOMIQUE ............................... 79

6.1. Principaux faits..................................................................................................... 79 6.2. Facteurs explicatifs de la réduction de la volatilité cyclique depuis le début des années 1980s ........................................................................................................ 83

CHAPITRE 7. LA SYNCHRONISATION INTERNATIONALE DES CYCLES ECONOMIQUES...................................................................................... 89

7.1. La synchronisation internationale des cycles économiques : illustration rapide . 89 7.2. Facteurs explicatifs de la synchronisation internationale des cycles économiques ........................................................................................ 91 7.3. Spécialisation verticale et synchronisation internationale des cycles économiques ....................................................................................... 92

PARTIE 3. MATIERES SPECIALES........................................................................ 96

CHAPITRE 8. L’INFLUENCE DES MARCHES FINANCIERS SUR LA CONJONCTURE ECONOMIQUE.................................................... 96

8.1. Conditions monétaires et politique monétaire...................................................... 96 8.2. Conditions sur les marchés obligataires ............................................................. 100 8.3. Conditions sur les marchés boursiers ................................................................. 101 8.4. Conditions sur les marchés des changes ............................................................ 107

CHAPITRE 9. L’IMPACT ECONOMIQUE DES VARIATIONS DU PETROLE ....... 108

BIBLIOGRAPHIQUE COMPLETE ................................................................................. 110

BIBLIOGRAPHIQUE COMPLETE ................................................................................. 110

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INTRODUCTION Objet du cours Le cours «Cycles économiques, conjoncture et prévisions» a pour sujet général l’étude des fluctuations conjoncturelles et cycliques. Le cours mettra l’accent sur deux points particuliers. Le premier est la présentation des méthodes de l’analyse conjoncturelle, le but étant d’initier les étudiants à l’élaboration d’un diagnostic conjoncturel utile pour la prévision économique. Le second point sera une introduction à l’étude des déterminants du cycle économique. Le cycle économique : aperçu rapide Il suffit d’examiner quelques séries économiques historiques pour constater que le rythme de l’activité économique n’est pas constant mais qu’il fluctue au fil du temps (cf. graphique 1) : certaines années, l’activité économique est soutenue, les entreprises produisent à pleine capacité, l’emploi augmente et le chômage diminue, les créations d’entreprises sont nombreuses et les faillites sont peu nombreuses alors qu’à d’autres périodes, l’activité économie progresse faiblement, les capacités de production sont sous-utilisées, les entreprises accumulent des stocks superflus, le chômage augmente et les faillites sont nombreuses.

Graphique 1. Evolution du PIB belge : 1980-2004 (pourcentage de variation annuelle)

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PIB (yoy)

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L’évolution de l’activité économique est en fait une succession de périodes d’expansion et de périodes de ralentissement ou de récession. Ce que l’on appelle «cycle économique» désigne cette succession répétée de périodes d’expansion et de récession. Le graphique 2 donne une représentation schématique du cycle économique : à partir d’un creux, l’économie entame une phase d’expansion qui l’amène à un sommet (c’est-à-dire au point le plus élevé du cycle) pour ensuite entrer dans une phase de récession qui l’amène à un nouveau creux, à partir duquel une nouvelle phase d’expansion commence. Un cycle complet est mesuré entre deux creux (sommets) et passe par un sommet (creux).

Graphique 2. Représentation schématique du cycle économique

TREND

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EXPA

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Y PIC

t1 t2 t3 CYCLE L’étude des cycles économiques a pour objprincipales du comportement des cycliques éconéconomiques qui sont à l’origine des fluctuations L’analyse conjoncturelle Le fait que les cycles économiques se répèted’incertitude importante : les individus sont exporisque de faillite. Ce risque influence leurs décisiopportun pour construire une maison ou acheter elle propice pour développer de nouvelles unités Le but de l’analyse conjoncturelle est de réduapportant aux décideurs une évaluation de l’étadonné et en déterminant son évolution probable l’analyse conjoncturelle s’attache à déterminer, économique l’économie se situe-t-elle et dans qelle évoluer le plus probablement à court terme ? L’analyse conjoncturelle procure une infoéconomiques. De nombreuses décisions et polit

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CREU

t4 TEMPS

et : (i) de déterminer les caractéristiques omiques, et (ii) d’identifier les mécanismes

cycliques.

nt à un rythme irrégulier est une source sés au risque de chômage, les entreprises au

ons économiques : quel est le moment le plus une nouvelle voiture, la période actuelle est-de production, … ?

ire le risque de la décision économique en t de la situation économique à un moment

à court et moyen termes. En d’autres termes, à une période donnée, à quel stade du cycle uelle direction la situation économique va-t-

rmation primordiale pour les décideurs iques économiques sont en effet influencées

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par l’état actuel et anticipé de la situation économique : politiques de stabilisation au niveau macroéconomique, politiques d’investissement, d’embauche et de stockage au niveau de la firme, décisions de dépenses et d’épargne des ménages, … Exemples de décisions pouvant être influencées par le cycle économique : • Une entreprise exportatrice ne sera encline à accroître ses capacités de production et à

augmenter ses effectifs que si elle juge le climat économique favorable et qu’elle anticipe une amélioration durable de la demande étrangère. Sa décision d’investir ou d’embaucher dépendra donc de la perception qu’elle a de la conjoncture économique internationale et de l’évolution attendue de ses marchés étrangers. Sa décision pourra également être influencée par l’évolution des taux de change, si elle considère que la rentabilité de ses nouveaux investissements pourrait être menacée par une appréciation soudaine de la monnaie nationale.

• Pour élaborer son budget, un gouvernement a besoin de savoir si la croissance

économique va se raffermir ou va s’affaiblir. Du niveau de la croissance économique dépendra en effet le montant des recettes et donc le montant des dépenses qu’il pourra financer.

• Une banque centrale déterminera l’orientation (durcissement, assouplissement) de sa

politique en fonction de sa perception de l’évolution de la croissance économique et de l’inflation.

• Un ménage qui souhaite acheter une maison décidera du moment opportun pour le faire en

fonction de plusieurs facteurs économiques : l’évolution probable de sa situation professionnelle et financière, le niveau des taux d’intérêt hypothécaires, le niveau des prix immobiliers, … Or, ces variables dépendent en partie du cycle conjoncturel : le risque de perdre son emploi est faible en période de bonne conjoncture (cf. graphique 3), les taux d’intérêt ont généralement tendance à augmenter lorsque la croissance économique se renforce (cf. graphique 4), les prix immobiliers ont plutôt tendance à grimper durant les périodes de boom économique (cf. graphique 5), …

• Investir ou ne pas investir en bourse est une décision qui dépend en partie de la perception

qu’a l’investisseur de l’évolution de la situation économique : les cours boursiers ont en effet plutôt tendance à augmenter durant les périodes d’expansion économique et à chuter durant les périodes de récession économique (cf. graphique 6).

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Graphique 3. Etats-Unis : PIB (yoy) et emploi (yoy)

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PIB Emploi

correlation= 0,75

Graphique 4. Etats-Unis : PIB (yoy) et taux d'intérêt réel à long terme (en %)

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PIB Taux d'intérêt à long terme (éch. Dr.)

corrélation = 0,62

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Graphique 5. Etats-Unis : PIB (yoy) et prix immobiliers réels (yoy)

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corrélation = 0,33

Graphique 6. Etats-Unis : PIB (yoy) et S&P500 (yoy)

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PIB SP500 (éch. Dr.)

corrélation = 0,38

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Etant donné qu’il existe en fait un grand nombre de décisions économiques qui sont influencées par le cycle économique, le champ d’investigation de l’analyse conjoncturelle s’avère relativement vaste. Il se confond en fait avec le cadre macroéconomique général. L’analyse conjoncturelle abordera donc des aspects aussi divers que : la croissance, les prix, l’emploi et le chômage, les taux d’intérêt et les taux de change, ….. Dans ce cours, les aspects de l’analyse conjoncturelle qui seront abordés sont les suivants : Quels sont les outils dont dispose le praticien pour construire un diagnostic conjoncturel ? Comment établir un diagnostic conjoncturel rigoureux ? Comment prévoir de manière simple l’évolution à court terme de l’activité économique ?

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PARTIE 1. L’ANALYSE CONJONCTURELLE INTRODUCTION L’analyse conjoncturelle étudie les développements à court terme de l’activité économique (PIB, production industrielle, emploi, prix, rentabilité, …). L’analyse conjoncturelle comprend deux aspects importants et étroitement liés : d’une part, le diagnostic conjoncturel, et d’autre part la prévision économique à court terme. Elle vise en effet à mettre en évidence l’état sous-jacent de la situation économique (le diagnostic conjoncturel), dans le but de déterminer son évolution probable à court et moyen termes (la prévision). L’analyse conjoncturelle procure une information primordiale pour les décideurs économiques. De nombreuses décisions et politiques économiques sont en effet influencées par l’état actuel et anticipé de la situation économique : politiques de stabilisation au niveau macroéconomique, politiques d’investissement, d’embauche et de stockage au niveau d’une firme individuelle, décisions des dépenses et d’épargne des ménages, … Le champ d’investigation de l’analyse conjoncturelle est le cadre macroéconomique général. Une étude de conjoncture complète et approfondie abordera généralement les aspects suivants : • Environnement économique international :

√ Demande étrangère (croissance de l’économie mondiale et du commerce international de marchandises, croissance économique dans les principaux marchés d’exportations, …

√ Prix des matières premières importées (prix du pétrole, …) √ Prix des produits finis des principaux concurrents étrangers

• Environnement monétaire financier

√ Taux de change (euro/$, …) √ Politique monétaire et taux d’intérêt à court terme √ Marchés obligataires (public, privé) et taux d’intérêt à long terme √ Cours boursiers

• Economie nationale

√ Demande agrégée (consommation privée, investissement des entreprises, variations des stocks, dépenses publiques, exportations, …)

√ Offre agrégée (importations, production, emploi et chômage, …) √ Prix et salaires √ Revenus des ménages et rentabilité des entreprises √ Politiques macroéconomiques (politique monétaire et de change, fiscalité, dépenses

publiques.

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CHAPITRE 1. LES OUTILS DE L’ANALYSE CONJONCTURELLE L’analyse conjoncturelle implique de passer en revue un grand nombre d’indicateurs de l’activité économique. Dans ce chapitre, nous nous intéressons uniquement aux indicateurs relatifs à l’activité économique réelle. Les indicateurs de type monétaire et financiers seront étudiés dans le chapitre 8. Nous décrirons les indicateurs couramment utilisés dans le cadre de l’analyse conjoncturelle en mettant l’accent sur les traitements statistiques qui sont nécessaires d'appliquer dans le but de rendre ces indicateurs utilisables pour l'analyse conjoncturelle. Nous passerons successivement en revue les indicateurs d’activité, les indicateurs des comptes nationaux, les indicateurs d’opinion, ainsi que certains indicateurs conjoncturels internationaux. 1.1. Typologie des indicateurs conjoncturels Dans cette section, nous présentons plusieurs caractéristiques importantes des indicateurs conjoncturels. 1.1.1. Indicateurs coïncidents, retardés ou avancés Pour l’analyse conjoncturelle et la prévision, il est important de pouvoir déterminer le caractère coïncident, retardé ou avancé des indicateurs économiques, c’est-à-dire de pouvoir déterminer précisément comment le cyclique de l’indicateur est positionné par rapport au cycle de l’activité économique générale (cycle du PIB). On distingue ainsi les indicateurs dont le cycle est coïncident avec celui du PIB, ceux dont le cycle est avancé par rapport à celui du PIB et ceux dont le cycle est retardé par rapport à celui du PIB. L’utilité pour le conjoncturiste des indicateurs coïncidents est de l’aider à déterminer la position cyclique de l’économie à un moment donné alors que les données de PIB ne sont pas encore disponibles. Cela suppose bien sûr que ces indicateurs soient disponibles de façon précoce, avant la publication des données des comptes nationaux. Les indicateurs avancés apportent quant à eux une information précieuse pour la prévision. Indicateur coïncident

Cycle du PIB Cycle de l'indicateur X

Exemples : production industrielle, heures supplémentaires, immatriculations, emploi intérimaire

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Indicateur avancé

Cycle du PIB Cycle de l'indicateur X Exemples : permis de bâtir, production de biens intermédiaires Indicateur retardé

Cycle du PIB

Cycle de l'indicateur X

Exemples : emploi (en effectifs), chômage 1.1.2. Indicateurs simples et indicateurs composites Un indicateur composite (ou synthétique) du cycle économique est un indicateur conjoncturel qui résume en une seule valeur l’information conjoncturelle contenue dans plusieurs séries économiques individuelles. Un indicateur composite peut combiner des séries hétérogènes, par exemple des résultats d’enquête de conjoncture avec des séries quantitatives, des variables financières avec des variables réelles. L’agrégation de plusieurs séries en un seul indicateur composite se fait souvent par simple moyenne arithmétique. Des techniques plus élaborées existent cependant, comme par exemple la méthode de décomposition en composante principale. Etant construits comme une moyenne de plusieurs indicateurs individuels, ils lissent les évolutions parfois erratiques de ces indicateurs et permettent ainsi au conjoncturiste de mieux cerner les mouvements sous-jacents de l’économie. Exemples d’indicateurs composites : indicateur du climat des affaires dans l’industrie, indice de confiance des ménages, baromètre BNB de conjoncture, indice Ifo, indicateur PMI de l’industrie américaine, indicateur composite avancé de l’OCDE.

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1.1.3. Indicateurs quantitatifs et indicateurs qualitatifs Un indicateur quantitatif est un indicateur dont la valeur provient d’une mesure (ou d’une estimation) quantitative (ex. PIB, emploi, nombre de chômeurs). Un indicateur qualitatif est un indicateur qui est obtenu à partir d’enquêtes d’opinion. Dans l’analyse conjoncturelle, les indicateurs issus des enquêtes mensuelles de conjoncture (cf. section 1.4) prennent une place importante. 1.2. Les indicateurs d’activité Les indicateurs d’activité donnent une information quantitative sur les développements économiques récents. Parmi les nombreux indicateurs disponibles, on privilégiera les indicateurs mensuels, de manière à pouvoir établir le diagnostic conjoncturel à partir des données les plus récentes. On peut regrouper les indicateurs d’activité en deux grandes catégories : • les indicateurs d’offre • les indicateurs de demande 1.2.1. Les indicateurs d’offre Production industrielle Séries exprimées en indices Séries souvent disponibles pour : • l’ensemble de l’industrie • l’industrie manufacturière • l’industrie de la construction • les principales branches d’activité (biens intermédiaires, biens d’équipement, biens de

consommation) Remarque : L’activité de production des entreprises peut également être mesurée de façon quantitative à partir des données de chiffres d’affaires issues des déclarations à la TVA. Stocks Séries souvent exprimées en valeur (prix courants ou prix constants) Séries disponibles : • par secteur d’activité (industrie, commerce, …) • par type de biens (produits finis, produits semi-finis, matières premières, …) Emploi et chômage Plusieurs variables sont souvent disponibles pour rendre compte de la situation du marché du travail (emploi et chômage) : • emploi total et par secteurs d’activité (industrie, services, construction, …) • nombre d’heures travaillées • heures supplémentaires • emploi intérimaire • nombre de postes vacants • demandeurs d’emplois inoccupés • nombre de chômeurs temporaires Autres indicateurs • degré d’utilisation des capacités de production dans l’industrie (en fréquence trimestrielle,

voir enquêtes de conjoncture) • ratio stocks/ventes • prix à la production

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1.2.2. Les indicateurs de demande Indicateurs de la consommation des ménages Chiffre d’affaires dans le commerce de détail o établi selon les données des déclarations à la TVA o à déflater par l’indice des prix à la consommation Immatriculations de voitures (neuves, d’occasion) Chiffre d’affaires dans les services aux ménages (horeca, loisirs, culture,.. ) Indicateurs de l’investissement en logements Nombre de logements commencés Nombre de permis de bâtir octroyés pour la construction et la rénovation d’habitations Indicateurs de l’investissement des entreprises Nombre de bâtiments non résidentiels commencés Nombre de permis de bâtir pour la construction de bâtiments non résidentiels Dépenses d’investissements selon les déclarations à la TVA Commandes de biens d’équipements (total, total hors défense, …) Indicateurs du commerce extérieur (exportations, importations) Exportations de marchandises o à prix courants (en valeur, en indice), à prix constants (en indice) o par type de biens (biens intermédiaires, biens d’investissement, biens de consommation) o par destination géographique Importations de marchandises o à prix courants (en valeur, en indice), à prix constants (en indice) o par type de biens (biens intermédiaires, biens d’investissement, biens de consommation) o par destination géographique 1.2.3. Traitement statistique De manière à rendre compte au mieux de l’évolution de la situation économique, c’est-à-dire identifier au mieux l’évolution sous-jacente de la croissance économique, il est souvent nécessaire d’apporter un traitement statistique aux indicateurs économiques. Ce traitement statistique peut comporter les opérations suivantes: Correction pour variations saisonnières : cette correction est nécessaire et indispensable

lorsque l’indicateur économique est soumis à des fluctuations saisonnières importantes : la production industrielle est faible durant les congés d’été, les ventes au détail sont élevées durant les périodes de solde, les récoltes agricoles sont très faibles en hiver, les immatriculations de voitures sont importantes lors de la tenue d’un salon de l’auto, …; pour de nombreux indicateurs économiques, les variations infra-annuelles (entre deux mois adjacents, entre deux trimestres adjacents) n’ont dès lors de sens que si l’indicateur a préalablement été corrigé pour tenir compte des effets saisonniers.

De nombreuses séries statistiques qui sont publiées sont corrigées des variations

saisonnières. Si ce n’est pas le cas, on peut éliminer l’influence saisonnière de la façon suivante : o en cumulant les données sur une période plus large que la période correspondant à la

fréquence d’observation o en calculant les variations pour une même période (mois, trimestre) entre deux années

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o en appliquant un algorithme de désaisonnalisation (Tramos, Census X-12); ces algorithmes reposent sur l’idée qu’une série X(t) est en fait le produit de plusieurs composantes, par exemple : Xt = It * St * Tt, où I = composante irrégulière, S = composante saisonnière, T = tendance. La série corrigée des variations saisonnières (cvs) est alors : cvs (Xt) = Xt/St = It * Tt

Attention : les deux premières méthodes ont pour inconvénient important de faire

apparaître les inflexions de tendance avec beaucoup de retard (voir N. Carnot et B. Tissot, La Prévision Economique, Economica, 2002, graphique 5, p. 105 + illustrations : production industrielle américaine (voir annexe 1.1)).

Correction pour nombre de jours ouvrables : cette correction se justifie lorsque

l’indicateur mesure une activité dont l’ampleur au cours d’un mois donné est influencée par le nombre de jours ouvrables : la présence d’un jour de travail supplémentaire dans le mois implique une hausse mécanique de 5 % sur la production industrielle1, le volume des ventes au détail au cours d’un mois donné est influencé par le nombre de jours ouvrables au cours de ce mois, … Cette correction est une opération relativement difficile à opérer si on ne dispose pas d’une information fine sur l’évolution au jour le jour de l’activité économique qui est mesurée. Une manière simple de procéder, mais imparfaite, consistera à calculer, pour chaque mois, la différence entre le nombre de jours ouvrables et la moyenne historique pour ce mois et à utiliser le coefficient obtenu comme facteur d’ajustement.

Lissage : cet ajustement est requis lorsque l’indicateur présente des variations erratiques

ou aberrantes à certaines périodes données, en raison de circonstances exceptionnelles (grèves, mauvaises conditions climatiques, …). C’est par exemple le cas de l’activité de la construction, en raison de sa sensibilité aux intempéries. Certaines évolutions erratiques sont également dues au fait que les données économiques sont issues de procédures de collecte statistique qui sont par nature entachées d’une marge d’incertitude. Notons cependant que les irrégularités statistiques sont parfois l’image de la réalité économique, laquelle présente elle-même une volatilité propre. Dans certains cas, des données particulièrement aberrantes seront supprimées. Souvent, les évolutions erratiques seront adoucies en opérant un lissage des données, en appliquant par exemple une moyenne mobile. Cette technique consiste à remplacer une donnée par la moyenne des données voisines.

Exemple : moyenne mobile centrée sur 3 mois (mm3C) Si Xt représente la valeur de la série X à la période t, alors Xt est remplacée par une valeur moyenne qui est calculée en prenant les valeurs de la série X aux périodes t, t-1, et t+1 : mm3c (Xt) = 1/3 (Xt+Xt-1+Xt+1) Attention : le lissage a comme conséquence de faire apparaître les inflexions d’une série (points de retournement) avec un retard par rapport au moment où l’inflexion a réellement eu lieu (voir annexe 1.1).

Calcul du taux de croissance : dans la mesure où l’analyse conjoncturelle vise surtout à

rendre compte des tendances sous-jacentes de la croissance économique, on va souvent s’intéresser aux variations des indicateurs entre deux périodes, plutôt qu’à leur niveau absolu. La croissance d’une variable sera généralement calculée, pour une période donnée (m) : par rapport à la période précédente (m-1) ou par rapport au même mois de l’année précédente (m-12). Attention aux effets saisonniers lorsque la croissance est calculée entre deux périodes adjacentes (voir annexe 1.1) !!!

1 En supposant qu’un mois comprend en moyenne 20 jours ouvrables travaillés.

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Références : Carnot, N. et B. Tissot, La Prévision Economique, Economica, 2002 1.3. Les comptes nationaux trimestriels Les comptes nationaux trimestriels donnent une mesure trimestrielle de l’activité économique générale d’un pays, assimilée au Produit Intérieur Brut (PIB). La comptabilité nationale mesure la production de biens et services faisant l’objet d’une vente (production marchande), de même que certaines activités qui ne font pas l’objet d’une vente (production non marchande). Pour rappel, le PIB peut être calculé de trois manières différentes : • approche «production» : PIB = somme des valeurs ajoutées brutes + impôts indirects sur

les produits nets des subventions indirectes sur les produits • approche «dépenses» : PIB = Dépenses de consommation finale des ménages + Dépenses

de consommation finale des administrations publiques + Investissements des ménages + Investissements des entreprises + Investissements des administrations publiques + Exportations de biens et services – Importations de biens et services

• approche «revenu» : PIB = rémunérations des salariés + excédent brut d’exploitation + Impôts nets de subventions sur la production et les importations

Les comptes nationaux sont habituellement présentés selon l’un ou plusieurs des formats suivants : • en valeur (= à prix courants) • en volume (= à prix constants d’une année de référence) • en données brutes • en données corrigées des variations saisonnières Les mesures statistiques qui sont utiles pour l’analyse conjoncturelle sont les suivantes : Pourcentage de variation (sur un trimestre, sur un an) des principaux agrégats de

comptabilité nationale Contribution des principaux agrégats de demande à la croissance du PIB :

Si X = Y + Z alors : (X(t) – X(t-1))/X(t-1) = (Y(t-1)/X(t-1))*( (Y(t) – Y(t-1))/Y(t-1))

+ (Z(t-1)/X(t-1))*( (Z(t) – Z(t-1))/Z(t-1))

Le terme du membre de gauche est le taux de croissance de la variable X entre la période t-1 et la période t; le premier terme du membre de droite donne la contribution de Y à la croissance de X,

et le second terme donne la contribution de Z à la croissance de X; la contribution des variables Y et Z à la croissance du PIB est égale au pourcentage de

variation de chaque variable multiplié par le ratio entre la variable et la variable X; si X est le PIB, que l’on a décomposé en deux parties, représentées respectivement par la variable Y et la variable Z, alors la contribution de chaque variable à la croissance du PIB est égale au taux de croissance de chaque variable pondéré par le poids de chaque variable dans le PIB.

Acquis de croissance : l’acquis de croissance du PIB pour une année donnée au sortir d’un trimestre particulier correspond au taux de croissance annuel moyen qui serait obtenu si l’activité se stabilisait après ce trimestre.

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Page 17: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Exemple : si X(q1,t) désigne le niveau du PIB au premier trimestre de l’année t, alors l’acquis de croissance pour l’année t au sortir du premier trimestre est donné par l’expression2 :

Acquis (q1,t) = ( (X(q1,t)*4)/X(t-1))-1)*100; où X(t-1) est le niveau annuel du PIB de l’année t-1, et X(t-1)=X(q1,t-1)+ X(q2,t-1)+X(q3,t-1)+X(q4,t-1)

Effet de seuil : l’effet de seuil pour l’année (t+1) au sortir du dernier trimestre de l’année t

est la croissance en moyenne annuelle qui serait observée entre l’année (t+1) et l’année t si l’activité durant l’année t+1 se stabilisait au niveau du dernier trimestre de l’année t; concrètement, l’effet de seuil est calculé comme suit3 :

Seuil(t+1) = ((X(q4,t)*4/X(t))-1)*100 où X(q4,t) est la valeur du PIB au 4ème trimestre de l’année t et X(t) est le niveau annuel du PIB de l’année t, soit X(t)=X(q1,t)+ X(q2,t)+X(q3,t)+X(q4,t)

La croissance en moyenne annuelle d’une année t par rapport à l’année (t-1) peut être

calculée comme la somme pondérée des taux de croissance trimestriels; les pondérations sont les suivantes (voir N. Carnot et B. Tissot, p. 75-76) : o 1 pour le premier trimestre de l’année t o ¾ pour le deuxième trimestre de l’année t et le quatrième trimestre de l’année (t-1) o ½ pour le troisième trimestre de l’année t et le troisième trimestre de l’année (t-1) o ¼ pour le quatrième trimestre de l’année t et le deuxième trimestre de l’année (t-1)

Ce résultat a les implications suivantes :

o une très forte hausse de l’activité au début de l’année t va jouer favorablement sur la croissance moyenne de l’ensemble de l’année t, mais assez peu sur celle de l’activité de l’année suivante; à l’inverse, une forte hausse de l’activité à la fin de l’année t aura peu d’impact sur la croissance moyenne de l’année t, mais elle aura un large effet positif sur la croissance moyenne de l’année (t+1). Une forte hausse de l’activité en fin d’année donne un effet de seuil important pour l’année suivante; à l’inverse, en cas de faible activité en fin d’année, l’effet de seuil pour l’année suivante serait petit;

o la croissance moyenne d’une année est quasiment connue lorsqu’on dispose des données du troisième trimestre.

Illustration : PIB de la Belgique en 2004 (tableau 1.1)

A partir des données du PIB pour les trois premiers trimestres de 2004, ce tableau estime la croissance annuelle moyenne pour 2004 et l’effet de seuil pour 2005 pour les différentes valeurs de la croissance du PIB au dernier trimestre 2004.

2 Noter que pour certains pays (par exemple les Etats-Unis), les comptes nationaux trimestriels sont

présentés de façon telle que les données trimestrielles du PIB sont annualisées, ce qui implique que : X(t-1)=(X(q1,t-1)+ X(q2,t-1)+X(q3,t-1)+X(q4,t-1))/4.

Dans ce cas, l’acquis de croissance devient : Acquis(q1,t)= ((X(q1,t)/X(t-1))-1)x100.

3 Si les données trimestrielles sont annualisées, le calcul de l’effet de seuil est à modifier de la même manière que dans la note 2.

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Page 18: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Tableau 1.1. PIB belge en 2004

2004 q1

2004 q2

2004 q3

2004

Effet de seuil 2005

T/T-1 0,73 0,75 0,66 T/T-4 2,23 2,90 0,87 Acquis de croissance 1,63 2,20 2,54

Scénario pour 2004 q4 (T/T-1)

1,0 2,80 1,27 0,8 2,75 1,12 0,6 2,70 0,97 0,4 2,65 0,82 0,2 2,59 0,67 0,0 2,54 0,52

- 0,2 2,49 0,37 - 0,4 2,44 0,22

Références : Carnot, N. et B. Tissot, La Prévision Economique, Economica, 2002 1.4. Les enquêtes de conjoncture 1.4.1. Aperçu général Enquêtes de conjoncture: de quoi s’agit-il ? Il s’agit d’enquêtes menées sur la base d’un questionnaire auprès des agents économiques, ménages et chefs d’entreprises, dans le but de recueillir leur opinion sur l’état de la conjoncture économique et sur ses développements prévisibles à court terme

l’information recueillie est essentiellement qualitative, vu qu’il n’y a pas de relevé statistique objectif

l’information est très utile pour le diagnostic conjoncturel vu qu’elle est recueillie auprès d’entités microéconomiques Types d’enquêtes ? En Belgique, de même que dans d’autres pays européens, on dispose des enquêtes suivantes : enquêtes mensuelles auprès des chefs d’entreprises dans les principaux secteurs

d’activité : industrie manufacturière, construction, commerce, services; enquêtes semestrielles auprès des industriels sur l’évolution et les perspectives de

l’investissement enquêtes mensuelles auprès des ménages enquêtes trimestrielles auprès des architectes

Utilisation des enquêtes ? Les enquêtes de conjoncture constituent un outil précieux pour : l’évaluation du climat conjoncturel et de la position cyclique de l’économie la prévision

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Page 19: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

1.4.2. Enquêtes auprès des entreprises But : évaluer le climat des affaires dans les principaux secteurs d’activité économique Types de questions : les questionnaires envoyés aux chefs d’entreprises comprennent généralement quatre types de questions : 1. Questions sur l’évolution observée et attendue de certaines variables microéconomiques

dont l’entreprise a le contrôle.

Exemples : • Au cours du mois, la production a-t-elle augmenté, diminué, ou est-elle restée

constante ? • Pour les trois prochains mois, anticipez-vous une augmentation, une diminution, ou un

statu-quo de la production ?

A noter : • L’information recueillie est de nature qualitative; aucune information quantitative n’est

transmise. • L’information est recueillie plus rapidement que la donnée quantitative relative à la

variable qui fait l’objet de la question.

2. Questions demandant aux chefs d’entreprises de juger le niveau de certaines variables endogènes (stocks, commandes, …) par rapport à un niveau considéré comme normal pour la période

Exemple : Considérez-vous que le niveau actuel des stocks de produits finis est normal, supérieur à la normale, ou inférieur à la normale

A noter : le niveau normal est celui qui est considéré par le chef d’entreprise, selon son

appréciation subjective 3. Questions concernant l’évolution observée et attendue, de même que l’estimation du

niveau, de certaines variables exogènes à l’entreprise et susceptibles d’influencer son activité

Exemples : • Au cours des mois récents, estimez-vous que votre position compétitive sur le marché

intérieur s’est améliorée, s’est détériorée, ou est restée inchangée ? • Pour les mois à venir, vous attendez-vous à ce que les perspectives générales d’activité

s’améliorent, se détériorent, ou restent inchangées ? 4. Questions de nature quantitative

Exemples : • A combien s’élève le pourcentage d’utilisation des capacités de production ? • A combien estimez-vous le nombre de mois de production assurés ?

A noter : bien qu’il s’agisse de questions de nature quantitative, il existe une certaine

flexibilité dans l’interprétation de la question. En résumé : certaines questions permettent donc d’obtenir de l’information sur l’évolution de variables directement liées à l’activité de l’entreprise. D’autres questions s’intéressent davantage aux conditions sous-jacentes qui déterminent le comportement de l’entreprise. Illustration (voir annexe 1.2).

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Page 20: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

1.4.3. Enquêtes auprès des ménages But = évaluer la confiance –le moral- des ménages Types de questions : les questionnaires envoyés aux ménages comprennent généralement deux groupes de questions : 1. Questions portant sur l’évolution observée et attendue de certaines variables susceptibles

d’influencer directement le comportement de consommation. Généralement, chaque question comporte cinq réponses possibles.

Exemple : Pour les 12 prochains mois, vous attendez-vous à ce que votre situation financière s’améliore fortement, s’améliore légèrement, reste inchangée, se détériore légèrement, se détériore fortement ?

2. Questions destinées à recueillir le sentiment des ménages sur l’état du climat économique

général.

Exemple : Au cours des 12 prochains mois, le chômage augmentera-t-il beaucoup, augmentera-t-il peu, restera-t-il inchangé, diminuera-t-il peu, diminuera-t-il beaucoup ?

A noter : Ces questions sont motivées par l’idée que la façon dont les ménages perçoivent

la situation économique et son évolution a une influence sur leur comportement de consommation et d’épargne.

Illustration (voir annexe 1.3). 1.4.4. Traitement statistique des résultats d’enquête Agrégation Les résultats d’enquête collectés auprès de chaque unité interrogée (chef d’entreprise, ménage) peuvent être agrégés, au niveau d’un pays par exemple, de deux manières différentes : soit par simple comptage : on compte simplement les résultats obtenus pour chaque

réponse possible à une question particulière, et on exprime le total obtenu pour chaque réponse en pourcentage du nombre total de réponses.

soit par comptage pondéré : on attribue à chaque unité interrogée un coefficient de pondération, représentatif de sa taille (en matière de chiffre d’affaire, d’emploi, …) et on somme le coefficient de pondération des firmes qui ont donné la même réponse parmi les réponses possibles à chaque question.

La deuxième méthode implique que l’on attribue un poids plus important à l’opinion des entreprises de grande taille, en partant de l’hypothèse que ces entreprises ont une influence prépondérante sur l’évolution de l’activité économique. Présentation sous forme de solde Les résultats des enquêtes de conjoncture sont habituellement présentés sous forme de solde, c’est-à-dire comme la différence entre le pourcentage de réponses positives et le pourcentage de réponses négatives :

si P = pourcentage de réponses positives, E = pourcentage de réponses neutres, N = pourcentage de réponses négatives, alors B = P – N = solde.

Le solde varie entre –100 et +100.

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Page 21: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Remarques : • La présentation sous forme de solde se justifie par le fait que les variations d’une variable

(ex. la production) sont reliées positivement à P et négativement à M. Le solde est donc comparable à la différence première (=variation) de la série quantitative de la variable qui fait l’objet de la question.

• La présentation sous forme de solde implique qu’une partie de l’information, notamment celle concernant le pourcentage de réponses neutres (E), est perdue. Dans certains cas, l’information sur E est présentée en complément.

• Lorsqu’une question comprend 5 réponses possibles, le solde peut être calculé de la façon suivante :

B = ( PP + P ) – ( NN + N ) où PP = très fortement positif, P = positif, N = négatif, NN = très fortement négatif. On peut également calculer le solde en pondérant les réponses : B = ( PP + ½ P ) – ( NN + ½ N )

Ajustement saisonnier et lissage Les résultats des enquêtes de conjoncture sont habituellement : ajustés pour tenir compte des effets saisonniers, et lissés pour éliminer certaines évolutions aberrantes.

C’est ainsi qu’en Belgique, la plupart des séries d’enquêtes publiées par la Banque Nationale de Belgique sont présentées de la façon suivante : • brutes et désaisonnalisées • lissées et désaisonnalisées Les séries sont désaisonnalisées à l’aide du programme Census X-11. Elles sont lissées avec : • médiane mobile centrée sur 5 mois • moyenne mobile pondérée centrée sur 5 mois (pondération = 1/8, ¼, ¼, ¼, 1/8) Illustration (annexe 1.4) : indicateur synthétique de conjoncture de la BNB Présentation en moyenne centrée réduite On s’attendrait naturellement à ce que, sur longue période, les soldes moyens d’opinion soient nuls. Dans les faits, il n’en est rien. Bien souvent, on constate en effet que les soldes d’opinion évoluent autour d’une moyenne de long terme qui est négative, ce qui indique que les réponses des entreprises et des ménages ont tendance à être biaisées à la baisse : en moyenne, les agents économiques sont plus pessimistes qu’ils ne sont optimistes. De manière à pouvoir déterminer, pour une période donnée, où se situe l’opinion des agents par rapport à sa moyenne historique, il est habituel d’exprimer les soldes de réponses en moyenne centrée réduite, c’est-à-dire qu’on calcule la différence entre le solde d’un mois et le niveau moyen des soldes sur une longue période (10 ans par exemple) et on divise le résultat obtenu par l’écart-type des soldes sur la période qui a été choisie comme référence historique. Illustration : voir annexe 1.5 1.4.5. Utilisation et interprétation des enquêtes Principes Les soldes de réponses, de même que les indicateurs composites construits en regroupant différentes questions, peuvent être utilisés pour estimer et prévoir l’évolution de la conjoncture économique, d’une façon générale, et de certaines variables macroéconomiques, en particulier. Les enquêtes de conjoncture rendent compte, en effet, à la fois de la façon dont

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Page 22: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

les entreprises et les ménages estiment l’évolution de la conjoncture économique, et la façon dont ils entrevoient son évolution à très court terme. Les soldes d’opinion n’ont d’intérêt pour l’analyse conjoncturelle que dans la mesure où on dispose d’une série historique qui permet d’évaluer leur évolution dans le temps. A travers une série historique de soldes, on pourra en effet déterminer les changements dans l’opinion des chefs d’entreprises et des ménages. Ainsi, on considère généralement : qu’un solde qui augmente dans le temps traduit une amélioration du climat conjoncturel :

l’optimisme des ménages et des chefs d’entreprises est croissant; qu’un solde qui diminue dans le temps traduit une détérioration du climat conjoncturel : le

pessimisme des chefs d’entreprises et des ménages est croissant. Deux éléments importants sont à prendre en considération lorsqu’on souhaite utiliser les données d’enquête pour estimer et prévoir l’évolution d’une variable macroéconomique, en particulier les variables (production, consommation, …) qui sont directement ciblées dans certaines questions posées : la variable doit être exprimée en différence première (=taux de croissance entre deux

périodes adjacentes); l’évolution d’une variable en différence première étant cependant généralement très volatile, plutôt que de prendre le taux de croissance entre deux périodes adjacentes, on prendra souvent le taux de croissance entre la période considérée et la même période un an plus tôt;

un solde d’opinion positif correspond à une différence première positive. Les enquêtes de conjoncture sont très utiles pour l’analyse conjoncturelle : elles sont disponibles très rapidement; elles sont peu révisées; elles ont un pouvoir prédictif important (ce qui n’est pas étonnant si l’on tient compte du

fait que les anticipations des agents économiques exercent une influence déterminante dans le développement de l’activité économique).

Les résultats des enquêtes doivent cependant être interprétés avec beaucoup de prudence : les enquêtes de conjoncture accordent une place importante à la subjectivité des agents

interrogés, lesquels ont parfois tendance à réagir de façon excessive à des événements défavorables (ex. chute de la confiance des ménages après les attentats du 11 septembre aux Etats-Unis);

les questions ayant trait à la situation personnelle des agents offrent généralement une information plus pertinente que les questions générales portant sur l’environnement économique. Ainsi, les réponses fournies par les ménages sur l’évolution de la situation économique peuvent refléter l’impact de bien d’autres facteurs (contexte politique, tensions géopolitiques internationales, …) que ceux qui ont une influence véritable sur leur comportement de consommation et d’épargne.

Les résultats d’enquêtes relatives à plusieurs variables macroéconomiques (production, stocks, commandes, …) peuvent être combinés pour construire un indicateur composite (ou indicateur synthétique). Ces indicateurs sont utiles, dans la mesure où ils résument en un seul indice l’information fournie par plusieurs questions. Les indicateurs individuels peuvent être combinés entre eux de différentes manières. Très souvent, on se contente de les agréger en utilisant une moyenne arithmétique simple. Voici deux exemples d’indicateurs composites : Indicateur du climat des affaires dans l’industrie de la Commission européenne

L’indicateur du climat des affaires dans l’industrie, tel qu’il est construit par la

Commission européenne, agrège à l’aide d’une moyenne arithmétique simple les réponses aux questions concernant : les perspectives de production à 3 mois, l’estimation du niveau des carnets de commandes, et l’estimation du niveau des stocks de produits finis (avec un signe négatif). La combinaison de ces trois questions repose sur l’idée qu’une augmentation (diminution) du solde d’opinion sur les perspectives de production à 3 mois

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Page 23: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

et sur le niveau des carnets de commandes, et qu’une diminution (augmentation) du solde d’opinion sur le niveau des stocks de produits finis traduisent une amélioration (détérioration) de la conjoncture industrielle.

Indicateur synthétique de conjoncture de la Banque Nationale de Belgique

L’indicateur synthétique de conjoncture de la BNB est obtenu en agrégeant les indicateurs

composites du climat des affaires dans l’industrie, la construction, et le commerce. L’agrégation utilise les pondérations suivantes : industrie (70 %), construction (15 %), commerce (15 %). Chacun des trois indicateurs composites est construit en reprenant la plupart des questions posées aux chefs d’entreprise de chaque secteur (voir BNB, annexe 2, p.62).

Illustrations L'utilité des données d'enquête pour le diagnostic conjoncturel tient au fait que ces données sont disponibles rapidement, c'est-à-dire bien avant la publication des données quantitatives (ex. la production industrielle) auxquelles certaines questions de l'enquête font référence, et qu'il existe une corrélation élevée entre certaines variables quantitatives et certains indicateurs d'enquête. Par exemple, plusieurs études font état d'une forte corrélation positive entre le pourcentage de variation annuelle de la production industrielle européenne et l'indicateur du climat des affaires dans l'industrie européenne de la Commission européenne (cf. tableau 1.2). Tableau 1.2. Corrélations entre l'indicateur européen de confiance dans l'industrie et le

taux de croissance de la production industrielle dans la zone euro

Retard (en mois) - 3 - 2 - 1 0 1 2 3

Corrélation 0,78 0,84 0,87 0,90 0,90 0,89 0,86 Période : 1981 – 2003 Source : P. Bengoechea and J.C. Perez Quina, "A useful tool to identify recessions in the

Euro-area", European Economy Economic Paper, nr 215, October 2004 Pour plus de détails sur le lien entre la production industrielle européenne et les enquêtes européennes dans l'industrie, voir annexe 1.6. Les données d'enquêtes peuvent également être utilisées pour tenter de déterminer la position de l'économie dans le cycle économique. Une manière simple de le faire consiste à confronter l'indicateur d'enquête sur les perspectives de la demande dans l'industrie et l'indicateur d'enquête sur l'appréciation du carnet de commande dans l'industrie, comme cela est fait sur le graphique 1.1.

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Page 24: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 1.1. Situation conjoncturelle dans l'industrie

Perspective de la demande à 3 mois (en moyenne centrée réduite)

e

Reprise conjoncturelle

Le déroulement du cycle économique suit habituellereprise → haute conjoncture → ralentissement → ba Pour une illustration au cas belge, voir annexe 1.7. Les indicateurs d’enquête peuvent également être ude prévision conjoncturelle. Ce point est discuté en 1.3.6. Les enquêtes de conjoncture belge En Belgique, les enquêtes de conjoncture auprèeffectuées par la Banque nationale de Belgique (Bsuivantes (les questionnaires sont présentés à l’annex Enquêtes mensuelles : sur l’état de la conjoncture dans les principales sur la confiance des ménages

Enquêtes trimestrielles : sur l’estimation du degré d’utilisation des capa sur les facteurs restrictifs de la production, du c

Enquête semestrielle sur les investissements dans l’i

institutions financières. Remarque : certaines études suggèrent que l’indicatede la Banque Nationale de Belgique est un indicateeuropéenne (voir lectures complémentaires). Références : Banque nationale de Belgique, «Révisions de la coude la Banque Nationale de Belgique, août-septembre

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Haute conjoncture

Appréciation du carnet de commande total (en moyenne centrée réduite)

Ralentissement

Basse conjonctur conjoncturel

ment le schéma suivant : sse conjoncture → reprise

tilisés dans des modèles économétriques détail dans la Partie 2.

s des ménages et des entreprises sont NB). Les principales enquêtes sont les e 1.8) :

branches d’activité

cités de production ôté de l’offre et de la demande

ndustrie, la construction, et le secteur des

ur synthétique de conjoncture industrielle ur avancé de la conjoncture économique

rbe synthétique de conjoncture», Bulletin 1990, pp. 53-64.

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Banque nationale de Belgique, Enquêtes de conjoncture, note méthodologique European Commission, «The joint harmonized EU program of business and consumer surveys», European Economy : Reports and studies, n°6, 1997. Lectures complémentaires : J-J. Vanhaelen, J. Dresse and J. De Mulder, « The Belgian industrial confidence indicator: leading indicator of economic activity in the euro area ? », Working Paper n°12, Banque Nationale de Belgique, Novembre 2000. 1.5. Indicateurs conjoncturels internationaux Dans cette section, nous examinerons quelques indicateurs conjoncturels importants au niveau international. Les indicateurs auxquels nous nous intéresserons sont pour la plupart des indicateurs composites (ou synthétiques). 1.5.1. Les indicateurs du Conference Board (Etats-Unis) Le Conference Board, qui est un institut de recherche privé américain, publie chaque mois les valeurs de trois indicateurs synthétiques du cycle économique américain : un indicateur coïncident, qui donne une évaluation de l’état présent du cycle économique; un indicateur avancé, qui sert à anticiper l’évolution du cycle économique et/ou ses points

de retournement; un indicateur retardé, dont l’évolution est retardée par rapport à celle de l’indicateur

coïncident. La liste des variables qui composent chaque indicateur synthétique est présentée à l’annexe 1.9. Par exemple, l’indicateur coïncident est composé de quatre variables : l’emploi privé non agricole, le revenu des ménages hors transferts, la production industrielle, et les ventes dans l’industrie et le commerce. La procédure d’élaboration de chaque indicateur comporte cinq étapes : calcul, pour chaque variable, de son pourcentage de croissance symétrique – qui a

l’avantage de traiter de la même manière les changements positifs et les changements négatifs - de mois à mois :

x(t) = 200 (X(t)-X(t-1))/(X(t)+X(t-1)) (Si la variable X est déjà exprimée en pourcentage ou s’il s’agit d’un taux d’intérêt, on se contente de calculer sa variation : x(t) = X(t) – X(t-1)) pondération du pourcentage de variation de chaque variable en fonction de sa variance :

m(t) = r(t)*x(t) où r(t) est le facteur de standardisation (voir annexe technique) calcul de la somme pondérée du pourcentage de variation des différentes variables qui

composent l’indicateur : i(t) = Σm(t) le niveau de l’indicateur est calculé de façon récursive à partir du premier mois de la

période d’observation en prenant la formule du taux de croissance symétrique : I1 = (200 + i1) / (200 – i1) I2 = I1 * (200 + i2)/(200 – i2) présentation de l’indice calculé en base 1992=100

Pour détecter d’éventuels points de retournement du cycle économique, le Conference Board combine l’indicateur avancé avec un indicateur de diffusion calculé à partir des dix variables qui composent l’indicateur avancé. L’indicateur de diffusion mesure le pourcentage de variables qui augmentent sur un horizon de temps donné. Concrètement, on détermine d’abord quelles sont les variables qui augmentent, qui diminuent ou demeurent constantes sur

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Page 26: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

l’horizon qui a été choisi. On attribue ensuite la valeur 1 aux variables qui augmentent de plus de 0,05 %, la valeur 0,5 aux variables qui varient de moins de 0,05 %, et la valeur 0 aux variables qui diminuent de plus de 0,05 %. On somme ensuite les valeurs attribuées à chaque variable, on divise ensuite le résultat obtenu par le nombre de variables et, enfin, on multiplie par 100. Le seuil critique entre une récession et une expansion est 50. Le Conference Board calcule deux indicateurs de diffusion : le premier est établi pour des variations sur 1 mois des différentes variables, tandis que le second est établi en prenant les variations des variables sur un horizon de 6 mois. Au cours d’un mois donné, le Conference Board considère que la probabilité d’avoir une récession est élevée lorsque les deux conditions suivantes sont réunies : L’indicateur composite avancé affiche une baisse sur les 6 mois qui précédent de 3,5 %

(en rythme annuel) ou plus; La valeur de l’indicateur de diffusion à 6 mois est inférieure à 50 au cours du mois

considéré. Illustration (annexe 1.9) : indicateurs du Conference Board et récessions aux Etats-Unis (source : Business cycle indicators, The Conference Board). 1.5.2. Les indicateurs de l’Institute of Supply Management (ISM) (Etats-Unis) Les indicateurs ISM sont établis à partir d’enquêtes menées auprès de chefs d’entreprises américaines dans différents secteurs d’activité : industrie manufacturière, services. L’indicateur le plus connu, et le plus utilisé, est celui de l’industrie manufacturière. Cet indicateur est construit à partir des résultats d’une enquête menée chaque mois auprès des directeurs d’achats dans plus de 400 entreprises industrielles. Le questionnaire recueille l’appréciation des directeurs d’achats quant à l’évolution, entre le mois courant et le mois précédent, de plusieurs indicateurs sur l’activité de leur entreprise : nouvelles commandes, nouvelles commandes étrangères, importations, production, stocks, retard dans les commandes, retard dans les livraisons des fournisseurs. Pour chaque indicateur, on calcule la différence entre le pourcentage de réponses favorables et le pourcentage de réponses défavorables. Pour chaque indicateur, on calcule également un indice de diffusion qui est la somme du pourcentage de réponses favorables et de la moitié du pourcentage de réponses neutres (en supposant que celles-ci correspondent à une appréciation positive). Ces indices de diffusion sont désaisonnalisés. L’indicateur composite pour l’industrie publié chaque mois par l’ISM, que l’on dénomme l’indicateur PMI, est construit comme la moyenne pondérée des indices de diffusion des cinq indicateurs suivants : nouvelles commandes (30 %), production (25 %), emploi (20 %), retard de livraison (15 %) et niveau des stocks (10 %). Selon l’ISM, l’utilité de l’indicateur PMI pour le diagnostic conjoncturel est la suivante: La production manufacturière est considérée en hausse lorsque la valeur de l’indicateur

PMI est supérieure à 50 % et en diminution lorsque la valeur de l’indicateur PMI est inférieure à 50 %. Une valeur de l’indicateur PMI qui est supérieure, pendant plusieurs mois, à 42,7 % tend à

indiquer que le PIB américain est en hausse, et tandis qu’une valeur du PMI inférieure à 42,7 % augure plutôt d’une contraction du PIB. L’écart de l’indicateur par rapport aux seuils de 50 % et de 42,7 % indique l’importance

de l’expansion ou de la contraction de la production industrielle et du PIB, respectivement. Illustrations (annexe 1.10) : Rapport ISM pour l’industrie, lien entre indicateur PMI et la croissance de la production industrielle

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Page 27: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Remarques : • Forte similitude entre les enquêtes ISM et les enquêtes de conjoncture européenne pour

l’industrie; • Relation entre solde de réponse et indice de diffusion :

Si P=pourcentage de réponses favorables, N=pourcentage de réponses défavorables et E= pourcentage de réponses neutres, alors :

o Solde de réponse = B = 100x(P-N) o Indice de diffusion = DI = 100x(P+E/2)

Le solde de réponse varie entre –100 et +100, avec une valeur centrale de 0 tandis que l’indice de diffusion varie entre 0 et 100 avec une valeur centrale de 50. Etant donné que E = 1-P-N, on peut réécrire le solde de réponse et l’indice de diffusion de la façon suivante :

o B = 2x( DI – 50) o DI = (100 + B)/2

Ces deux expressions montrent clairement que le solde de réponse et l’indice de diffusion sont deux manières différentes de présenter la même information.

1.5.3. Indicateurs synthétiques de l’OCDE Les indicateurs synthétiques du cycle économique construits par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique) sont des indicateurs avancés du cycle de la production industrielle, en partant de l’idée que le cycle de la production industrielle et le cycle du PIB sont étroitement corrélés. Le cycle d’une série est défini comme le rapport entre la série observée et sa tendance, la tendance étant isolée à l’aide de méthodes de filtrage. Les indicateurs sont construits pour chaque pays membre de l’OCDE. Les indicateurs composites de l’OCDE sont construits en agrégeant la composante cyclique de plusieurs indicateurs économiques qui sont considérés comme avancés. Les indicateurs sont lissés et normalisés pour harmoniser l’amplitude des variations cycliques. L’indicateur composite est ensuite construit comme une moyenne arithmétique des indicateurs individuels, an accordant généralement un poids identique à chaque indicateur individuel. Les principaux indicateurs sont : les résultats des enquêtes de conjoncture, les cours boursiers, les taux d’intérêt, les permis de bâtir, les termes de l’échange). La composition exacte de l’indicateur varie selon les pays. Les indicateurs composites OCDE sont conçus pour détecter les points de retournement entre les phases d’expansion et de ralentissement de l’activité économique. En pratique, la prévision des points de retournement s’effectue de la façon suivante : Calculer le taux de variation à 6 mois annualisé de l’indicateur composite, le taux de

variation à 6 mois étant défini comme le rapport entre la valeur de l’indicateur pour un mois m donné et la moyenne des valeurs de l’indicateur sur la période allant du mois m-12 au mois m-1 :

C(m)x12 12/6,5

R(m) = { ----------------- -1}x100 ∑(i=1, 12) C(m-i) où R(m) est le taux de croissance à 6 mois et C(m) est la valeur de l’indicateur composite pour le mois m

En moyenne, les retournements du taux de croissance à 6 mois de l’indicateur composite anticipent les retournements du PIB d’environ 9 mois.

Illustration (annexe 1.11) : Indicateur composite avancé OCDE pour la Belgique

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Page 28: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

1.5.4. Autres indicateurs synthétiques importants Indicateur Ifo : indicateur composite établi pour l’Allemagne à partir d’enquêtes menées auprès des industriels. Même méthodologie de construction que les indicateurs d’enquête établis par la Commission européenne. Indicateur très suivi vu l’importance de l’économie allemande. Indicateurs Tankan : séries d’indicateurs de l’économie japonaise établis à partir d’enquêtes trimestrielles menées auprès des entreprises. Eventail de questions beaucoup plus large que celui des enquêtes de conjoncture européenne. Différents types de données sont collectés dans le cadre des questionnaires : opinions, données quantitatives, prévisions. Pour les questions d’opinion, les résultats sont présentés sous forme de solde (indice de diffusion). Indicateurs PMI pour la zone euro : indicateurs similaires à l'indicateur PMI de l'ISM pour les Etats-Unis. L'indicateur européen PMI est construit par un consortium d'instituts de conjoncture européens. Références : Arnaud, B., "The OECD System of Leading Indicators : Recent Efforts to Meet Users’ Needs », Paper presented at the CIRET Conference in Paris, October 2000 Institute of Supply Management, Overview of the Manufacturing ISM Report on Business. OECD, « OECD Composite Leading Indicators : a tool for short-term analysis », 1999 The Conference Board, Business Cycle Indicators Handbook, 2000 Lectures complémentaires : BCE, « Les informations fournies par les indicateurs composites du cycle conjoncturel de la zone euro », Bulletin mensuel, Novembre 2001, pp.39-50. 1.6. Illustration générale : la conjoncture économique en Belgique Exposé au cours.

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Page 29: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

ANNEXES AU CHAPITRE 1 1.1. 1. Signaux conjoncturels divergents selon le type de représentation statistique

2. Représentation statistique et décalage du cycle : illustration (Production industrielle : glissements trimestriel et annuel) 3. Représentation statistique et décalage du cycle : illustration

(Production industrielle : variation sur différents horizons) 1.2. 1. Enquêtes sur la conjoncture : industrie 2. Enquêtes sur la conjoncture : enquête sur les capacités de production 3. Enquêtes sur la conjoncture : enquête sur l'évolution des investissements 4. Enquêtes sur la conjoncture : enquête sur le financement des investissements prévus 1.3 (1-3) Enquête auprès des consommateurs 1.4. Courbe synthétique globale de conjoncture de la BNB 1.5. Indicateur de conjoncture dans l'industrie 1.6 (1-4) Evaluation des enquêtes européennes dans l'industrie 1.7 Utilisation des enquêtes de conjoncture dans l'industrie pour établir la situation conjoncturelle dans l'industrie 1.8 (1-3) Présentation des enquêtes de conjoncture menées en Belgique 1.9. 1. US Composite Indexes : Components and Standardization Factors 2. Indicateurs du Conference Board 3. Leading Indicators – Composite Index, Diffusion and Recession Signals 4. Indicateurs avancé et de diffusion du Conference Board 5. Indicateurs du Conference Board 1.10. Etats-Unis : indicateur PMI (ISM) et production industrielle 1.11. Indicateur composite avancé OCDE pour la Belgique

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Page 30: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

CHAPITRE 2. LA PREVISION ECONOMIQUE A COURT TERME "...You can see that I followed the first rule of forecasting: give them a forecast or a date, but never both." (Eichengreen, 2004)4 2.1. Généralités Dans le cadre d’une étude de conjoncture, la prévision économique consistera essentiellement à déterminer les perspectives d’évolution de l’activité économique à court terme, c’est-à-dire sur un horizon allant de 3 mois à maximum 2 ans. L’exercice de prévision économique comprend deux éléments : D’une part, des prévisions chiffrées pour les principales variables macroéconomiques

(croissance du PIB et de ses principaux composants, production industrielle, emploi et chômage, inflation, …);

D’autre part, un scénario conjoncturel, qui explique les évolutions anticipées et les hypothèses sur lesquelles repose la prévision chiffrée, et qui évalue les risques que les évolutions projetées ne se réalisent pas.

Pour effectuer une prévision économique, il est habituel de recourir à l’une des trois approches suivantes : Le conjoncturiste établit sa prévision à partir de son propre jugement : il établit sa

prévision en combinant l’information collectée dans le cadre du diagnostic conjoncturel avec son appréciation de la façon dont l’économie fonctionne; le conjoncturiste n’utilise donc pas de modèles complexes pour réaliser son exercice de prévision; il s’aidera néanmoins d’un modèle élémentaire pour donner à sa prévision la cohérence comptable nécessaire;

Le conjoncturiste établit sa prévision à partir d’un modèle économique complexe qui

décrit le fonctionnement de l’économie; si l’objet modélisé est l’activité d’une entreprise, le modèle comprend par exemple un certain nombre d’équations reliant l’activité de l’entreprise à l’environnement économique général;

Le conjoncturiste établit sa prévision à partir d’un modèle statistique simple qui

comprend un petit nombre de variables; par exemple, dans certains modèles statistiques, la prévision repose uniquement sur les valeurs passées des variables à prévoir.

Bien souvent, la prévision conjoncturelle s’effectue en combinant la première approche avec l’une des deux autres approches. 2.2. Le diagnostic conjoncturel L’étape préalable à l’exercice de prévision proprement dit est l’élaboration du diagnostic conjoncturel. Etabli à partir de l’examen des nombreux indicateurs présentés dans le chapitre 1, le diagnostic visera avant tout : à mettre clairement en évidence les facteurs à l’origine des fluctuations récentes de

l’activité économique; à dégager un certain nombre de signaux clairs concernant l’évolution future de l’activité

économique. 4 B. Eichengreen (2004), "The Dollar and the New Bretton Woods System", Text of the Thornton Lecture

delivered at the Class School of Business, 15 December, p.1.

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Page 31: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

L’élaboration d’un diagnostic conjoncturel valable ne sera possible que si le conjoncturiste a une bonne connaissance théorique et empirique des interactions qui peuvent exister entre les principales variables macroéconomiques, comme celles présentées dans les schémas 2.1 et 2.2.

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Page 32: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Schéma 2.1 : Relations macroéconomiques importantes Environnement économique international Environnement monétaire et financier

Demande étrangère

Prix des matières

premières

Prix des concurrents étrangers

Taux de change

Taux d'intérêt

Cours boursiers

Importations Exportations Consommation privée

Investissements entreprises

Variations des stocks

Dépenses publiques

Production

Emploi

Chômage

Population active

Taux d'activité

Démographie

SALAIRES

Coûts de production

Prix

PROFITS

Revenus des ménages

Fiscalité Impôts

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Page 33: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Schéma 2.2. Lien emploi, chômage et activité économique

Activité économique

(PNB réel)

Progrès technique

Productivité horaire

Degré d'utilisation des capacités de production Nombre d'heures de

travail

Durée hebdomadaire du travail - effective - conventionnelle

Emploi

Chômage

Population active

Population en âge de travailler

Taux d'activité

Facteurs démographiques

Préférences Salaire

Voici quelques précisions par rapport à quelques une des relations macroéconomiques mises en évidence dans les schémas 2.1 et 2.2,5: Relation entre la variation du taux de chômage et la croissance de la production (loi

d’Okun) : Ut – Ut-1 = -α (gyt - g*) où U = taux de chômage, gy = taux de croissance du PIB (Yt-Yt-1/Yt-1) et g*= taux de croissance potentiel – ou de long-terme- du PIB La relation d’Okun indique que le chômage diminue (augmente) lorsque la croissance du PIB est supérieure (inférieure) à son rythme potentiel. Valeur de α : entre 0,3 et 0,5 Valeur de g* : entre 2% (Europe) et 3% (Etats-Unis) Emploi et croissance : l’emploi dépend du rythme de la croissance mais l’influence

également : l’évolution de l’emploi est susceptible d’exercer une influence importante sur la consommation privée, dans la mesure où l’emploi est un déterminant possible de

5 Pour plus de détails sur ces relations, voir par exemple Blanchard et Cohen, «Macroéconomie», Pearson

Education France, 2002.

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Page 34: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

la progression des revenus salariaux, d’une part, et de la confiance des ménages, d’autre part.

Relation entre population active, emploi et chômage :

L = N + UN (L = population active, N = nombre de personnes en emploi, UN = nombre de personnes au chômage) Le taux de chômage est quant à lui défini de la façon suivante : U = 100(UN/L) Le taux de chômage est une fonction négative du niveau de l’emploi et une fonction positive de la population active. Il importe de souligner que le niveau de la population active peut varier en fonction des conditions de la croissance économique et de la situation de l’emploi, ce qui influence le niveau du chômage, indépendamment des variations de l’emploi : la population active tend en effet à augmenter en cas d’amélioration de la situation de l’emploi et à diminuer en cas de détérioration de l’emploi.

Relation entre chômage et variation de l’inflation (courbe de Phillips) :

πt = πet – β (Ut- Un)

où π = taux d’inflation (taux de variation de prix entre deux périodes), πe = taux d’inflation anticipé, U = taux de chômage et Un = taux de chômage naturel. Si πe

t = πt-1, alors la relation de Phillips devient : πt = πt-1 – β (Ut- Un) Cette relation indique que l’inflation baisse (augmente) lorsque le chômage est au-dessus (au-dessous) de son niveau naturel. Valeur de Un : entre 6% (Etats-Unis) et 8% (Europe) Valeur de β : entre 0,75 et 1

Les perspectives d’activité perçues par les chefs d’entreprises (cf. enquêtes de conjoncture) sont susceptibles d’influencer leurs projets d’embauches et leurs projets d’investissement. Les besoins d’investissement seront également dictés par le degré d’utilisation des capacités de production. La décision d’investir est par ailleurs conditionnée par le coût et la disponibilité des financements interne (profits) et externes (cf. Chapitre 8.).

2.2.1. Discerner les facteurs à l’origine des fluctuations récentes de l’activité

économique Bien que les comportements économiques susceptibles d’influencer l’activité économique soient nombreux et varient entre pays, on peut toutefois mentionner certains mécanismes généraux : A court terme, les fluctuations de l’activité sont largement déterminées par les variations

de la demande globale. L’investissement des entreprises, les variations de stocks, de même que la demande étrangère, jouent un rôle prépondérant dans la dynamique conjoncturelle (voir le chapitre 5 pour plus de détails). Certaines dépenses des ménages, en particulier les achats de biens durables, peuvent également avoir une influence importante sur les fluctuations de l’activité économique à court terme;

Pour une économie fortement ouverte, les échanges extérieurs contribuent de façon

importante aux fluctuations conjoncturelles. Les exportations varient essentiellement en fonction de la demande mondiale et de la position compétitive de l’économie (voir annexe 2.1. pour plus de détail).

A certains moments, la demande peut cependant être contrainte par l’offre. C’est par

exemple le cas lorsque le degré d’utilisation des capacités de production est élevé, ou que la rentabilité des entreprises est trop faible pour motiver des nouveaux investissements.

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Page 35: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

L’existence d’une telle contrainte implique souvent des augmentations de prix et/ou une hausse des importations;

Une augmentation (contraction) de la demande ne donne pas nécessairement lieu à une

accélération (décélération) immédiate de la production dans la mesure où les entreprises peuvent dans un premier temps réduire des stocks qu’elles jugent superflus, notamment si elles ont un doute sur le caractère durable (ou temporaire) de la modification de l’état de la demande.

L’investissement ne s’adapte généralement pas immédiatement à une amélioration des perspectives de la demande. La vitesse d’ajustement dépendra par exemple du degré d’utilisation des capacités de production : une entreprise avec des excédents de capacités de production importants attendra d’avoir résorbé ces excédents avant d’investir. La vitesse d’ajustement peut également dépendre de la perception qu’ont les entreprises du caractère durable ou temporaire de la reprise.

Les indicateurs du degré d’utilisation des capacités de production (taux d’utilisation des

capacités, recours aux heures supplémentaires) sont plutôt coïncidents avec l’évolution de l’activité économique générale;

Les politiques économiques influencent le niveau de la demande globale. La politique

budgétaire agit soit directement par les dépenses publiques, soit indirectement par la fiscalité. La politique monétaire agit quant à elle en affectant l’évolution de diverses variables monétaires et financières (taux d’intérêt à court et à long terme, taux de change, cours boursiers, …);

L’emploi suit généralement les fluctuations de l’activité avec un décalage de quelques

mois et une moindre ampleur. L’évolution de l’emploi intérimaire tend cependant à être coïncidente, voire très légèrement avancée, par rapport à l’évolution de l’activité économique générale. Le taux de chômage réagit également avec un certain retard aux inflexions de l’activité économique. Certains types de chômage, notamment le chômage temporaire, peuvent néanmoins réagir plus rapidement. L’évolution du chômage doit être analysée en prenant en considération la réaction de la population active à l’évolution de la situation sur le marché du travail : la population active tend en effet à augmenter en cas d’amélioration de la situation de l’emploi et à diminuer en cas de détérioration de l’emploi;

Les prix et les salaires s’avèrent relativement peu sensibles aux déséquilibres réels à court

terme, mais y réagissent avec retard à mesure que l’horizon s’allonge. Pour l’étude de l’évolution des salaires, il est important de prendre en considération les mécanismes institutionnels de formation des salaires.

• Des facteurs exogènes peuvent être à l’origine des développements économiques récents.

Identifier précisément ces facteurs est crucial pour déceler la tendance sous-jacente («mouvement de fond») dans l’évolution de l’activité économique. Il s’agira notamment de déterminer si certains développements récents sont dus à des changements dans le contexte économique international et dans le contexte monétaire et financier. Il s’agira également d’identifier les mesures budgétaires et fiscales qui auraient été prises dans les mois précédents ou qui sont projetées pour les mois à venir, et d’évaluer leur impact possible sur les développements récents. Par exemple, une forte accélération des achats de voitures peut s’expliquer par le fait que le gouvernement envisage d’augmenter la TVA sur les véhicules. De même, les entreprises pourraient être tentées de retarder leurs investissements si elles anticipent l’entrée en vigueur à plus ou moins brève échéance d’une loi prévoyant l’exonération partielle ou complète des bénéfices réinvestis.

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Page 36: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

2.2.2. Dégager des signaux concernant l’évolution future de l’activité économique L’examen des indicateurs conjoncturels doit permettre au conjoncturiste de dégager des «signaux» concernant l’évolution future de l’activité. On distinguera d’une part les signaux positifs, qui annoncent un renforcement de la croissance économique pour l’avenir, et les signaux négatifs, qui annoncent à l’inverse un ralentissement économique dans le futur. Dans ce qui suit, nous donnons des exemples de signaux positifs, en mentionnant à chaque fois la raison de l’effet positif attendu sur la croissance économique. Hausse de la confiance des ménages : des ménages plus confiants par rapport à l’avenir

seront plus enclins à réduire leur taux d’épargne; pour une croissance donnée du pouvoir d’achat, on aura alors une hausse du taux de croissance de la consommation privée.

Augmentation des créations d’emplois : l’impact positif attendu sur la croissance provient

d’une part d’une amélioration de la confiance des ménages, le moral des ménages étant généralement sensible à l’évolution des conditions sur le marché du travail; d’autre part, des créations d’emplois plus nombreuses impliquent, au niveau macroéconomique, une croissance plus forte de la masse salariale et donc, toutes autres choses égales par ailleurs, du revenu disponible des ménages. Voir également lectures complémentaires.

Amélioration des intentions d’embauches des entreprises : dans le futur, la croissance

devrait être soutenue par des créations d’emplois plus nombreuses. Réduction du taux d’inflation : pour un taux de croissance donné du revenu disponible

nominal, une diminution de l’inflation se traduira par une augmentation du pouvoir d’achat des ménages.

Amélioration du climat des affaires : lorsque le moral des entrepreneurs s’améliore, on

peut en attendre une augmentation des embauches et/ou une hausse des dépenses d’investissement, surtout si cette amélioration du climat des affaires correspond à des meilleures anticipations pour l’avenir.

Amélioration des prévisions de la demande : une entreprise qui anticipe une hausse de ses

ventes sera tentée d’investir et/ou d’accroître ses stocks pour pourvoir servir la demande prévue.

Hausse du carnet de commande : au plus le carnet de commande d’une entreprise est

important, au plus son activité sera soutenue; l’effet sera renforcé si le niveau des stocks de produits finis est bas, l’entreprise n’ayant alors pas la possibilité de puiser dans ses stocks pour servir la demande.

Hausse du carnet des commandes à l’exportation : ceci traduit une augmentation de la

demande étrangère; l’effet attendu est dès lors une croissance plus forte des exportations à l’avenir.

Amélioration des indicateurs prévisionnels de la demande mondiale (ex. indicateur

avancé de l’OCDE) : un renforcement de la demande mondiale devrait conduire à une plus forte croissance des exportations nationales, surtout si ce renforcement s’observe dans les pays étrangers qui sont les principaux marchés d’exportation du pays étudié.

Hausse du taux d’utilisation des capacités de production : si les tensions sur les capacités

de production sont dues à une hausse permanente de la demande, les entreprises seront incitées à investir dans le but d’accroître leurs capacités de production.

Augmentation du nombre de permis de bâtir : l’activité dans la construction devrait

s’accélérer à l’avenir; la contrepartie du côté de la demande devrait être une croissance plus forte de l’investissement en logement et/ou de l’investissement en bâtiment productif.

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Page 37: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Hausse des profits : les entreprises disposent de plus de ressources pour financer leurs investissements.

Baisse des taux d’intérêt : une réduction du coût du crédit augmente la rentabilité des

investissements, ce qui peut inciter les entreprises à investir davantage. Les résultats qui précèdent sont à compléter par l’analyse des Parties 2 et 3. Voir également les lectures complémentaires. Lectures complémentaires : (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) N. Carnot et B. Tissot, La Prévision Economique, Chapitre 5 «La modélisation des comportements», Economica, 2002, pp.161-206. European Commission, «The EU Economic 2006 Review. Adjustment Dynamics in the Euro Area : Experiences and Challenges», European Economy, n°6, 2006, pp. xxx European Commission, «The cyclical behaviour of unemployment», dans Economic Forecasts, Spring 2002, Chapter 5 (Special Topics), pp.97-101. (*) European Commission, «The respective roles of employment and wages in supporting household consumption», dans Quarterly Report on the Euro Area, Volume 5, n°1 (2006), pp.15-20. Groshen, Erica and Simon Potter (2003), «Has Structural Change Contributed to a Jobless Recovery», Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, vol.9 (August). 2.2. Les indicateurs avancés Le conjoncturiste qui utilise son propre jugement pour établir sa prévision accordera souvent une grande importance aux indicateurs économiques avancés, dans la mesure où ils donnent des signaux plus ou moins fiables quant à l’évolution à court terme de certaines variables macroéconomiques. Parmi les indicateurs économiques décrits dans le chapitre précédent, ceux qui ont un caractère avancé sont : la composante prévisionnelle des indicateurs d’opinions, l’indicateur avancé du Conference Board, de même que les indicateurs OCDE. Ces indicateurs avancés seront utiles pour prévoir une accélération (ou décélération) de la croissance économique ou pour détecter de façon anticipée un retournement du cycle conjoncturel (passage d’une phase d’expansion à une phase de récession, ou inversement). Nous avons par exemple vu dans le chapitre précédent comment on pouvait utiliser l’indicateur avancé du Conference Board américain pour prévoir le risque de récession aux Etats-Unis. Plusieurs études ont montré que certaines variables financières, comme par exemple les cours boursiers, disposaient d’un pouvoir prédictif important, bien souvent meilleur que celui de la plupart des indicateurs avancés réels vus dans le chapitre précédent (voir par exemple l’article de Stock et Watson (2003) dans les lectures complémentaires). Parmi ces variables, la pente de la courbe des rendements est certainement l’indicateur qui retient le plus l’attention des analystes conjoncturels. La courbe de rendement désigne la relation qui existe entre des taux d’intérêt de maturités différentes (taux à 3, 6, 12 mois, 1, 5, 10 ans par exemple). Sa pente correspond à l’écart observé entre les taux d’intérêt de différentes maturités, comme par exemple l’écart entre les

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taux à long terme et les taux à court terme6. Selon la théorie dominante, la pente de la courbe de rendement est déterminée par les attentes que forment les agents économiques par rapport à l’évolution future des taux d’intérêt. C’est la théorie des attentes de la structure des taux d’intérêt. Une manière simple de présenter cette théorie est la suivante. Soit deux obligations à zéro coupon, l’une dont la maturité est de 1 an et l’autre dont la maturité est 2 ans. Chaque obligation donne droit à un paiement de 100 à l’échéance. Soit p1, le prix de l’obligation de maturité 1 an et p2, le prix de l’obligation de maturité 2 ans. Pour chaque obligation, son rendement à l’échéance est déterminé par l’expression suivante7 :

Obligation à maturité 1 an : p1 = 100 / (1+y1) Obligation à maturité 2 ans : p2 = 100 / (1+y2)2

Soit un investisseur qui a un horizon de placement de 2 ans. Il a le choix entre deux stratégies de placement : • soit il achète une obligation de maturité 2 ans, qu’il paie aujourd’hui p2; dans ce cas, son

rendement sur l’horizon de placement est :

(100-p2)/p2 = (1+y2)2 - 1 • soit il achète une obligation de maturité 1 an, payée aujourd’hui p1, qu’il revend après 1

an pour racheter une obligation de maturité 1 an, à un prix anticipé de p1e; dans ce cas-ci, son rendement sur l’horizon de placement est :

(100x(100/p1e)-p1)/p1 = (1+y1)(1+y1e) -1

étant donne que p1e = 100 / (1+y1e) où y1e est le rendement anticipé pour dans 1 an.

En raison des mécanismes d’arbitrage, le rendement des deux stratégies doit être identique, soit : (1+y2)2 = (1+y1)(1+y1e) Par une approximation simple, on obtient : y2 = ½(y1 + y1e), qui dit que le taux à 2 ans est approximativement égal à la moyenne des taux à 1 an courant et anticipé. Par une manipulation algébrique simple, on obtient : y2 – y1 = ½(y1e – y1), qui indique que la pente de la courbe de rendement est déterminée par l’écart entre le taux à 1 an anticipé pour la prochaine période et le taux à 1 an courant. La pente sera positive si les agents économiques s’attendent à une hausse des taux à 1 an et elle sera négative s’ils s’attendent à une baisse des taux à 1 an.

6 La pente de la courbe des rendement peut par exemple être calculée comme l’écart entre le rendement sur

un bon d’Etat à 10 ans et le taux d’intérêt sur un bon du Trésor à 3 mois. 7 Le rendement à maturité d’une obligation de maturité n années, ou le taux d’intérêt à n années, est «le taux

annuel constant qui rend le prix de l’obligation égale à la valeur actuelle des revenus futurs auxquels l’obligation donne droit» (Blanchard et Cohen, Macroéconomie, 2002, p.254). Dans le cas d’une obligation à zéro coupon, le seul revenu est le paiement à l’échéance.

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De façon générale, la théorie des attentes indique que l’écart entre les taux à long terme (à 10 ans par exemple) et les taux à court terme (à 3 mois par exemple) est déterminée par l’évolution attendue des taux à court terme. De nombreuses études ont montré que la pente de la courbe des rendements constituait un indicateur relativement fiable pour prédire l’évolution de l’activité économique à court terme (horizon de 1 à 4 trimestres)8. C’est ainsi qu’en règle générale, une récession est anticipée avec une probabilité élevée lorsque la courbe des rendements est dite «inversée», soit le cas où les taux longs sont inférieurs aux taux courts. Par exemple, le modèle estimé par Estrella et Mishkin (1996) indique que la probabilité que les Etats-Unis soient en récession à un horizon d’un an est de 50 % lorsque l’écart entre le taux d’intérêt sur les bons d’Etat à 10 ans et le taux d’intérêt sur les bons du Trésor à 3 mois est négatif de 80 points de base. Le lien qui existe entre la pente de la courbe des rendements et la probabilité d’entrer en récession peut s’expliquer de la façon suivante9. D’une part, la politique monétaire influence à la fois la croissance économique et la pente de la courbe des rendements : une hausse des taux d’intérêt à court terme donne lieu simultanément à un aplatissement de la courbe des rendements et à un ralentissement de l’activité économique10. D’autre part, dans la mesure où la pente de la courbe des rendements est déterminée, au moins partiellement, par les attentes des marchés financiers sur l’évolution future des taux d’intérêt à court terme, la courbe de rendement aura tendance à s’aplatir lorsque les marchés financiers anticipent une récession, les taux d’intérêt à court terme étant généralement au plus bas durant les périodes de récession. Comme on le verra dans la section suivante, les indicateurs avancés peuvent être utilisés comme variables explicatives dans des modèles économétriques de prévision. Références : (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) (*) Estrella, A. and F. Mishkin (1996), «The Yield Curve as a Predictor of U.S. Recessions», Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, June 1996. Lectures complémentaires : (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) Estrella, Arturo (2005), «The Yield Curve as a Leading Indicator : Frequently Asked Questions», Federal Reserve Bank of New York European Commission, “Is the yield curve still predicting recession?”, dans Quarterly Report on the Euro Area, Volume 6, n°1 (2007), pp. 14-19.

8 Voir par exemple Estrella, A. and F. Mishkin, «The Yield Curve as a Predictor of U.S. Recessions»,

Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, June 1996, J. Haubrich and A. Dombrovsky, Predicting Real Growth Using the Yield Curve, Federal Reserve Bank of Cleveland Economic Review, 1996, ou A. Estrella and F. Mishkin, “The predictive power of the term structure of interest rates in Europe and the United States: Implications for the European Central Bank”, European Economic Review, 1997. Les études examinent la capacité de la courbe des rendements à prévoir soit la croissance économique, soit les points de retournement de l’activité économique.

9 Dans l’article «Why Does the Yield Curve Predict Output and Inflation ?», Estrella (2005) démontre de façon formelle, dans une version élargie du modèle IS-LM, le lien qui existe entre la pente de la courbe de rendement et l’évolution future de l’activité économique.

10 Selon l’étude de Estrella et Mishkin (1997), en cas de politique monétaire restrictive, les taux d’intérêt à long terme augmentent, mais leur augmentation est moindre que celle des taux à court terme.

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(*) Haubrich, J. and A. Dombrovsky (1996), Predicting Real Growth Using the Yield Curve, Federal Reserve Bank of Cleveland Economic Review. Mehra, Yash and Elliott Martin (2003), “Why Does Consumer Sentiment Predict Household Spending”, Federal Reserve Bank of Richmond Economic Quarterly, Volume 89/4, Fall 2003. Stock, James, and Mark Watson (2003), “How Did Leading Indicator Forecasts Perform During the 2001 Recession”, Federal Reserve Bank of Richmond Economic Quarterly, Volume 89/3. Trehan, Bharat (2006), “Is a Recession Imminent”, Federal Reserve Bank of San Francisco Economic Letter, Number 2006-32, November 24, 2006. (*) Wright, Jonathan (2006), “The Yield Curve and Predicting Recessions”, Finance and Economics Discussion Series paper 2006-07, Board of Governors of the Federal Reserve System, Washington, D.C. 2.4. Les modèles statistiques de prévisions Cette section est consacrée à l’élaboration de modèles économétriques de prévision à court terme. Elle s’intéresse à leur construction, à leur utilisation pour la prévision, et aux tests statistiques à appliquer pour évaluer leur pouvoir prédictif sur un horizon de prévision donné. Nous verrons notamment comment prendre en considération les indicateurs conjoncturels dans les modèles de prévision. A titre d’illustration, deux exemples de modèle de prévision simple sont présentés ci-après.

Exemple 2.1. Modèles de prévision de la croissance du PIB belge Dans les modèles présentés ci-dessous, la variable dépendante est le taux de croissance annuelle du PIB réel de la Belgique. La période d'estimation est 1982q2 – 2006q2. Modèle 1 : Variables explicatives : rgdp(-4), constante, dummy R2 = 0,71520 Modèle 2 : Variables explicatives : BNBm1, BNBm3(-3), constante, dummy R2 = 0,75069 Modèle 3 : Variables explicatives : rgdp(-1), rgdp(-4), OCDEm1, OCDEm2(-4), OCDEm3(-2), OCDEm3(-4), constante, dummy R2 = 0,82192 Les variables explicatives sont définies comme suit : rgdp (-i) = taux de croissance annuel du PIB réel, retardé de i trimestres BNBm1 = valeur contemporaine de l'indicateur synthétique de conjoncture BNB pour le 1er mois du trimestre

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BNBm3(-i) = valeur, retardée de i trimestres, de l'indicateur synthétique de conjoncture BNB pour le 3ème mois du trimestre OCDEm1 = valeur contemporaine de l'indicateur avancé OCDE pour le 1er mois du trimestre OCDEm2(-i) = valeur, retardée de i trimestres, de l'indicateur avancé de l'OCDE pour le 2ème mois du trimestre OCDEm3(-i) = valeur, retardée de i trimestres, de l'indicateur avancé OCDE pour le 3ème mois du trimestre De nombreux travaux ont montré que les données d’enquête de conjoncture apportaient bien souvent un surcroît d’information signification sur l’évolution courante ou future de différentes variables économiques, en particulier le PIB et la production industrielle. Une manière simple d’évaluer l’apport des enquêtes de conjoncture à la prévision à court terme consiste à introduire les variables d’enquêtes comme variables explicatives dans une équation économétrique destinée à prévoir une variable donnée (PIB, production). Voici deux illustrations de travaux de ce type :

Exemple 2.2. Modèle de prévision de la croissance du PIB français (référence : Revue de l’OFCE, octobre 2002, p.185)

La variable modélisée est le taux de croissance trimestrielle du PIB réel français.

L’équation économétrique retenue par l’OFCE pour prévoir la croissance du PIB français à court terme comprend les résultats des enquêtes de conjoncture dans l’industrie et dans les services. Pour chaque secteur, l’information contenue dans les différents soldes d’opinion est résumée en un facteur qui est déterminé à partir d’une analyse en composantes principales.

Coef. T-stud Facteur industrie (en différence première) 3,917 5,6 Facteur services (en niveau) 0,995 5,6 Taux de change euro/$ (en taux de croissance) 0,026 2,8 Ecart taux court-taux long - 0,085 - 2,7 Constante 0,492 11,3 Dummy 1996q4 - 0,996 - 3,3 Dummy 2001q4 - 0,927 - 3,0 Période d’estimation : 1988q3-2002q2, R2=0,7

Dans la suite de cette section, nous abordons successivement les points suivants : √ Les modèles dynamiques de prévision : modèle univarié à une variable, modèle univarié à

plusieurs variables, modèles "probit". √ L'évaluation de la prévision : tests statistiques, prévision dans l'échantillon et en dehors de

l'échantillon. Les notes pour cette partie seront distribuées au cours. 2.5. La cohérence comptable de la prévision Dans bien des cas, l’exercice de prévision impliquera l’élaboration d’un profil d’évolution trimestrielle du PIB, des principales composantes de la demande (consommation,

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investissement, exportations, …), et de certaines variables macroéconomiques importantes (emploi, prix, …) : ce profil est la transposition chiffrée du scénario conjoncturel qui aura été élaboré (voir tableau 4.1).

Tableau 2.1. Scénario conjoncturel et profil d’évolution du PIB (variation de trimestre à trimestre, en %)

PIB

(T) Année T+1 PIB

(T+1) Année T+2 PIB

(T+2) T1 T2 T3 T4 T1 T2 T3 T4 Scénario 1 100 0,2 0,2 0,5 0,7 101,6

(+ 1,6)0,8 0,9 0,8 0,8 105,0

(+ 3,3)Scénario 2 100 0,2 -0,2 -0,4 0,1 99,7

(- 0,3) 0,2 0,4 0,5 0,7 101,5

(+ 1,8)Scénario 3 100 1,1 1,3 0,4 0,7 103,5

(+ 3,5)0,7 0,5 0,7 0,6 106,2

(+ 2,5)Scénario 4 100 1,0 0,3 1,0 0,3 102,6

(+ 2,6)0,1 -0,4 0,3 0,9 103,5

(+ 0,9)

Scénario 1 : croissance très modérée durant la première partie de l’année T+1, accélération graduelle à partir du second semestre, et croissance soutenue en T+2 Scénario 2 : récession en première partie de T+1 et sortie progressive de crise ensuite Scénario 3 : croissance très soutenue au premier semestre T+1 et retour ensuite à un rythme de croissance plus «normal» Scénario 4 : croissance «hésitante» en T+1, fléchissement marqué au premier semestre T+2, et reprise ensuite

Lorsque la prévision porte sur plusieurs variables qui sont liées entre elle, comme par exemple la croissance de l’emploi et celle des revenus salariaux, il sera nécessaire d’effecteur un cadrage macroéconomique à l’aide d’un modèle macroéconomique ou, à défaut, d’une maquette comptable. C’est par le biais de ce cadrage macroéconomique que le prévisionniste pourra tenir compte d’une façon rigoureuse et systématique des interactions qui existent entre les différentes variables macroéconomiques. Au minimum, une simple maquette comptable sera utile pour assurer la cohérence comptable des prévisions effectuées sur le PIB et sur ses différentes composantes.

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ANNEXE 2.1. EXPORTATIONS, DEMANDE MONDIALE ET COMPÉTITIVITÉ

Du fait de l’intégration croissante des économies au niveau international, le commerce extérieur contribue pour une part de plus en plus importante aux fluctuations conjoncturelles de nombreux pays. C’est tout particulièrement le cas pour les petits pays ouverts comme la Belgique. Ainsi, en Belgique, les exportations, de même que les importations, représentent environ 70 % du PIB. Pour un grand pays comme les Etats-Unis, la part des exportations et des importations est nettement plus faible. Elle a néanmoins augmenté de façon significative au cours des dernières décennies : de l’ordre de 6 % en 1980, la part des exportations dans le PIB était de 11 % en 2000; quant aux importations américaines de biens et services, leur part dans le PIB a augmenté de 6 % en 1980 à 15 % en 2000. Dans la zone euro, la part respective des exportations et des importations dans le PIB était de 37,1 % et 36,2 % en 2000, contre 25,4 % et 25,2 % en 1991. On reconnaît habituellement deux déterminants importants aux exportations d’un pays : la demande mondiale, d’une part, et la compétitivité des produits nationaux, d’autre part. Dans la pratique, la manière la plus simple de mesurer la demande mondiale est d’utiliser le PIB mondial ou un indicateur du commerce international. Cette manière de procéder a néanmoins comme défaut de ne pas tenir compte de la structure géographique des exportations du pays étudié. L’activité économique d’un pays sera en effet davantage plus sensible aux variations de l’activité dans les pays qui sont ses principaux marchés d’exportation que dans les pays avec lesquels il a peu d’échanges commerciaux. A cet égard, il est important de souligner que l’impact potentiel d’un pays étranger dans les échanges extérieurs d’une économie est déterminé non seulement par son influence directe sur les échanges extérieurs, telle qu’elle est donnée par exemple par la part des exportations nationales vers ce pays, mais également par son influence indirecte, compte tenu de l’influence que ce pays peut avoir sur l’activité économique de pays tiers avec lesquelles l’économie nationale a des échanges commerciaux. Par exemple, si on souhaite évaluer l’impact d’un ralentissement économique aux Etats-Unis sur la croissance belge, on risque de sous-estimer l’impact si on ne le mesure qu’en considérant l’intensité des relations commerciales entre les Etats-Unis et la Belgique (cf. tableaux 3.1 et 3.2) et en négligeant l’effet potentiel du ralentissement américain sur la croissance dans les pays européens qui constituent les principaux marchés d’exportation des entreprises belges.

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Tableau 2.2. Répartition géographique des échanges internationaux

Pays expor-tateurs11 Union européenne USA JAP

ON ASIE Amér.

Europe

à destination de :

UEBL

F D NL Total Latine

de l'Est

Pays industrialisés

82,0 77,0 73,4 83,6 76,3

55,4 48,2 49,8 68,5 51,9

dont: USA 4,8 6,4 8,6 4,5 7,7 - 28,1 19,8 48,8 4,3 Canada 0,4 0,8 0,8 0,5 0,8 21,8 1,5 1,2 1,7 0,3 Australie 0,3 0,5 0,7 0,4 0,7 1,8 1,9 1,7 0,2 0,1 Japon 1,1 1,7 2,3 1,1 2 9,6 - 12,2 3,3 1,5 UE / 10 57,3 48,4 42,3 57,4 - 14,3 11,6 11,0 11,5 37,6 U.K. 9,6 9,9 8,5 10,3 8,0 5,3 3,3 3,2 1,8 3,4 Pays en dévelop.

17,8 22,6 26,3 16,0 23,3

44,6 51,7 48,9 29,5 46,7

dont Afrique 1,8 4,6 1,5 1,7 2,3 1,1 1,0 1,3 1,0 0,8 Asie 5,3 7,6 7,5 6,0 6,9 18,6 42,2 41,0 5,1 5,2 Europe de l'Est 6,3 5,0 12,1 4,6 8,2 1,8 1,1 1,7 1,4 36,2 Moyen Orient 3,4 3,1 2,5 2,2 3,3 3,6 2,7 2,5 1,3 3,5 Amér. centr. & Lat.

1,0 2,3 2,7 1,5 2,6 19,5 4,7 2,4 20,8 0,9

Source: International Monetary Fund, Direction of Trade Statistics, Quarterly (June 1998)

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11 En % des exportations totales.

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Tableau 2.3. Répartition géographique et sectorielle des exportations belges de marchandises

(% des exportations totales en valeur de chaque secteur)1

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Europe 89,7 83,9 78,9 81,1 85,3 82,7 70,8 83,3 90,1 68,9 UE-15 85,8 74,5 76,8 70,2 74,4 73,3 63,8 74,7 82,2 61,2

F 26,6 18,4 25,6 16,5 36,0 16,8 17,4 16,6 26,3 21,5 D 20,6 8,5 15,1 21,7 8,5 20,7 18,6 25,2 21,8 14,9

NL 20,9 37,4 18,8 18,4 14,7 11,7 11,6 10,2 18,8 8,7 I 6,1 1,6 5,9 5,3 3,1 8,0 4,5 4,4 3,4 6,0 E 2,4 1,2 3,0 1,0 1,4 3,8 1,7 4,7 2,3 2,1

UK 6,2 6,1 6,6 4,9 8,3 8,2 7,9 11,0 6,9 5,6 Amérique

2,1 2,2 4,4 5,9 1,1 5,9 8,2 7,7 4,4 8,9

Asie 4,2 4,0 7,6 2,7 6,6 9,3 19,2 6,8 4,1 18,3 Afrique 3,9 1,5 2,5 0,8 6,7 2,1 1,8 1,9 1,5 2,8 % total2 9,2% 0,9% 2,3% 3,0% 0,4% 17,0

% 27,3%

28,2%

8,4% 3,3%

Source : Organisation de Coopération et de Développement Economique (Statistiques du Commerce Extérieur de l’UEBL en 1994-Série C) 1 Nomenclature CTCI du Commerce Extérieur (révision 3) Secteurs : 0 : Produits alimentaires et animaux vivants 1 : Boissons et tabacs 2 : Matières brutes non comestibles à l’exception des carburants (caoutchouc, bois et liège, fibres textiles,

engrais bruts, etc.) 3 : Combustibles minéraux, lubrifiants et produits connexes 4 : Huiles, graisses et cires d’origine animale ou végétale 5 : Produits chimiques et produits connexes 6 : Articles manufacturés classés principalement d’après la matière première (cuirs, peaux, caoutchouc, papiers,

cartons, etc.) 7 : Machines et matériel de transport 8 : Articles manufacturés divers (constructions préfabriquées, appareils sanitaires, appareillage de plomberie,

meubles et leurs parties, etc.) 9 : Articles et transactions non classés ailleurs. 2 Il s’agit du poids de chaque secteur dans les exportations totales de l’UEBL. La compétitivité d’une économie détermine ses parts de marché à l’importation et à l’exportation. Elle est influencée par des nombreux facteurs, dont les prix des biens produits par les entreprises domestiques et par leurs concurrentes sur le marché domestique et sur les marchés à l’exportation, l’évolution du coût salarial dans les secteurs exposés à la concurrence étrangère par rapport à celui de leurs concurrents étrangers, la qualité des biens produits localement par rapport à celle de biens similaires produits à l’étranger. Dans la pratique, la compétitivité d’une économie est mesurée par des indices comparant l’évolution, dans une même monnaie, des prix ou des coûts entre un pays donné et ses principaux concurrents étrangers. En voici deux exemples : Compétitivité-prix à l’importation La compétitivité à l’importation est mesurée par l’écart entre le taux de croissance du prix des producteurs nationaux et celui des concurrents sur le marché national. Il est donc défini par la formule suivante : (1+ Pb)/ (1+ PCMb) où Pb est le taux de croissance du prix à la production sur le marché belge

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PCMb est le taux de croissance du prix des concurrents sur le marché belge. Le prix des concurrents sur le marché belge est défini comme la moyenne pondérée des prix à l’importation des différents pays exportateurs sur le marché belge, le poids de chaque concurrent étant défini par sa part de marché dans le total des importations belges. Il s’exprime donc comme : PCMb = ∑i mi,b * PMi,b où PMi,b est le taux de croissance du prix des importations belges en provenance du pays

i mi,b est la part des importations en provenance du pays i dans les importations totales belges.

Compétitivité-prix à l’exportation La compétitivité à l’exportation est mesurée par l’écart entre le taux de croissance du prix à l’exportation de la Belgique et du prix de la concurrence sur les marchés d’exportation communs. Il s’exprime donc comme : (1+ PXb)/ (1+ PCXb) où PXb est le taux de croissance du prix à l’exportation de la Belgique PCXb est le taux de croissance du prix de la concurrence à l’exportation. Le taux de croissance du prix de la concurrence à l’exportation ne se détermine pas de façon aussi directe que le prix de la concurrence à l’importation. En effet, si nous faisons l’hypothèse que les prix à l’exportation de chaque pays ne dépendent pas du pays de destination, la détermination du prix de la concurrence étrangère à l’exportation résulte d’un système de double pondération. Il peut être exprimé comme la moyenne pondérée des taux de croissance des prix à l’exportation des différents concurrents k, avec un coefficient de double pondération λk : PCXb = ∑k λk * PXk où PXk est le taux de croissance du prix à l’exportation du pays k λk est le coefficient de double pondération du concurrent k. Ce coefficient de double pondération tient compte de l’importance de ce concurrent k sur chaque marché j ainsi que de l’importance que représente chaque marché j en tant que marché d’exportation de la Belgique. Il est donc fonction non seulement de la structure d’importation des marchés j sur lesquels la Belgique exporte mais aussi de la structure des exportations belges. Il est construit comme suit : λk = ∑j xj * mk,j où xj est la part des exportations belges en direction du marché j dans le total des

exportations belges mk,j est la part des importations en provenance du pays k dans le total des importations du marché j, non compris les importations venant de la Belgique. Cette limitation se justifie par le fait que l’on cherche à mesurer l’importance des concurrents de la Belgique, qui doit donc être exclue puisqu’elle ne rentre pas en concurrence avec elle-même.

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Ce coefficient de pondération d’un concurrent k mesure donc la part de la concurrence qui vient du pays k dans le total de la concurrence exercée par les différents pays avec lesquels la Belgique commerce. Remarques : • Si on s’intéresse à la compétitivité-coût plutôt qu’à la compétitivité-prix, il suffit de

remplacer dans les indicateurs présentés ci-dessus le taux de croissance des prix par le taux de croissance du coût salarial par unité produite. Plus simplement, on peut comparer l’évolution du coût salarial dans un pays donné par rapport à l’évolution moyenne du coût salarial dans un certain nombre de pays qui sont les principaux concurrents étrangers du pays considéré. C’est par exemple ce que fait en Belgique le Conseil central de l’économie dans le rapport qu’il publie tous les deux ans sur la compétitivité de l’économie belge.

• Afin que la comparaison entre les prix (coûts) du pays considéré et ceux de ses principaux

concurrents soit correcte, il est nécessaire d’exprimer ceux-ci dans une monnaie commune. Le taux de change a donc une influence directe sur la position compétitive d’une économie.

• Les taux de change effectifs réels construits par exemple par le Fonds Monétaire

International donnent une mesure directe de l'évolution de la position compétitive d'un pays par rapport au reste du monde. Une augmentation (diminution) de la valeur du taux de change effectif réel indique une détérioration (amélioration) de la compétitivité du pays considéré.

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PARTIE 2. LE CYCLE ECONOMIQUE : Définitions, faits stylisés et analyse

«Depuis bien plus d’un siècle, les cycles économiques se succèdent dans une ronde incessante. Ils ont persisté à travers les vastes changements économiques et sociaux; ils ont surmonté une multitude d’expériences tentées dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture, du secteur bancaire, des relations industrielles et de la politique économique; ils ont confondu d’innombrables prévisionnistes, démenti l’arrivée maintes fois prophétisée d’une nouvelle ère de prospérité et survécu aux présages récurrents d’une dépression chronique» (Burns, 1947). CHAPITRE 3. DEFINIR LE CYCLE ECONOMIQUE 3.1. Définitions La définition classique du cycle économique est assez ancienne. Elle est en effet attribuée à deux économistes américains, Arthur Burns et Wesley Mitchell, qui ont ouvert les travaux théoriques et méthodologiques consacrés au cycle économique. Selon Burns et Mitchell (1946, p.3)12 : «Les cycles des affaires sont une sorte de fluctuation que l’on rencontre dans l’activité économique agrégée des pays où la production est essentiellement le fait des entreprises. Un cycle économique se compose d’expansions qui interviennent à peu près simultanément dans de nombreuses activités économiques, suivies de manière tout aussi répandue par des récessions, des contractions qui se fondent dans la phase d’expansion du prochain cycle; cette suite de changement est récurrente, mais non périodique; la durée des cycles varie de plus d’un an à dix ans ou douze ans; on ne peut les décomposer en cycles plus courts de même allure et d’amplitudes similaires» Deux éléments de la définition de Burns et Mitchell sont particulièrement importants : • Pour que l’économie soit déclarée en expansion ou en récession, il faut que plusieurs

activités (production, emploi, …) soient simultanément en expansion ou en récession; • La succession des phases d’expansion et de récession est récurrente mais non

périodique : les cycles économiques se répètent, mais à une fréquence irrégulière, ce qui signifie que la longueur des phases du cycle n’est pas constante dans le temps. De façon générale, le comportement des cycles économiques est variable : variation de la longueur des phases du cycle économique, variation de l’amplitude des fluctuations cycliques, …

Bien que très précise, la définition de Burns et Mitchell ne donne aucune indication de ce qu’est une "expansion" ou une "récession" économique. Le NBER américain (National Bureau of Economic Research) propose la définition suivante d’une récession économique : «Une récession est une diminution significative durant plusieurs mois de l’activité économique qui se marque au niveau de la production, de l’emploi, et d’autres variables économiques importantes. (…) Les périodes de récession sont souvent courtes et elles sont rares historiquement». La définition de la récession que propose le NBER implique que l’économie n’est en récession que pour autant que le niveau de l’activité économique diminue. Une interprétation 12 Burns, A. et W. Mitchell, 1946, Measuring Business Cycles, NBER, New York.

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simpliste – et abusive - de cette définition consiste souvent à déclarer que l’économie est en récession lorsque le niveau du PIB baisse pendant deux trimestres consécutifs Selon les définitions qui précèdent, le cycle économique désigne donc la succession répétée dans le temps de phases de hausses (expansion) et de baisses (récession) du niveau de l’activité économique. Le cycle ainsi défini est appelé «cycle classique». Les périodes durant lesquelles le niveau de l’activité économique se contracte étant plutôt rares13, une définition de la récession alternative à celle du NBER considère que l’économie est en récession lorsque le rythme de l’activité est inférieur pendant plusieurs mois à son rythme potentiel. Selon cette autre définition, le cycle économique désigne alors les fluctuations cycliques de l’activité économique (le PIB) autour d’une tendance de longue période. On parle dans ce cas de «cycle de croissance». Cette autre définition est plus utile si le taux de croissance de longue période est élevé et qu’il en résulte que les périodes de baisse du niveau du PIB sont très peu fréquentes. Selon cette définition, l’économie est en récession lorsque le rythme de l’activité est inférieur pendant plusieurs mois à son rythme potentiel. En pratique, la définition du cycle de croissance pose le problème de pouvoir faire clairement la distinction entre la tendance de longue période et le cycle14. Ce problème implique que lorsqu’on s’intéresse aux cycles de croissance, les principales caractéristiques du cycle dépendront de façon décisive de la méthode qui aura été utilisée pour identifier la tendance. Quelle que soit la définition retenue, les points de retournement du cycle économique définissent les deux phases du cycle : la récession est la période comprise entre un pic et un creux de l’activité, et l’expansion est la période comprise entre un creux et un pic. La durée du cycle est le nombre de périodes (mois, trimestres, années selon la fréquence des données utilisées) entre deux pics (ou deux creux). 3.2. Cycles et tendances Comme cela a été souligné dans la section qui précède, le repérage des cycles de croissance implique de pouvoir identifier la tendance de la série (par exemple le PIB) dont on veut déterminer le cycle. Deux problèmes surgissent alors. D’une part, la théorie économique ne fournit pas d’indications sur la nature de la tendance qu’il s’agit d’extraire : s’agit-il d’une tendance linéaire, d’une tendance exponentielle, .., s’agit-il d’une tendance déterministe ou d’une tendance stochastique ? D’autre part, il existe une multitude de méthodes statistiques permettant de séparer le cycle de la tendance; ces méthodes donnent des résultats contrastés, si bien que le choix de la méthode repose en partie sur un «a priori théorique» concernant la réalité du cycle économique. Formellement, le fait de décomposer une série statistique y en une composante tendancielle et une composante cyclique revient à considérer que cette série peut être représentée de la façon suivante :

yt = ypt + yct où yp désigne la tendance et yc désigne le cycle. Une technique simple pour estimer la tendance est le lissage par moyenne mobile. Selon cette technique, la tendance est obtenue en remplaçant chaque observation de la série brute y par une moyenne de m valeurs de cette série encadrant cette observation :

ypt = (1/2m+1) (yt-m +…+ yt-1+yt+yt+1+….+ yt+m-1+yt+m) 13 Par exemple, en Belgique, on relève entre1980q1 et 2006q3 16 trimestres (sur un total de 106) durant

lesquels le niveau du PIB a diminué. 14 La tendance de longue période du PIB correspond au niveau potentiel du PIB.

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La tendance ainsi définie est parfaitement linéaire. L’application de cette technique n’est dès lors valable que si la tendance est effectivement linéaire et que si le cycle est régulier et a une durée de (2m+1) périodes15. Une autre technique simple consiste à estimer un modèle économétrique de type :

yt = ypt + εt où ypt sera spécifié comme une fonction du temps et ε est un terme d’erreur. Le résidu calculé de l’équation estimée constitue alors la composante cyclique de la variable y. Le type de fonction retenue pour ypt dépendra de l’hypothèse faite sur la nature de la tendance. On aura par exemple : ypt = α + βt si l’on suppose que la tendance est linéaire ypt = α + βt + γt2 si l’on suppose que la tendance est non linéaire log(ypt) = α + βt si l’on suppose que la tendance est exponentielle. Une caractéristique importante des deux techniques simples qui viennent d’être présentées est que la tendance est purement déterministe. Il en résulte que le cycle est un écart transitoire entre la série brute et la tendance : les chocs n’ayant pas d’effets persistants dans le temps, l’économie revient inévitablement au bout d’un certain temps sur sa trajectoire initiale16. Cette conception du cycle économique a été remise sévèrement en question au début des années 80 par la théorie des cycles réels (cf. chapitre 5, section 5.5), partant du constat empirique que de nombreuses séries macroéconomiques obéissent à une évolution du type :

yt = yt-1 + a + εt ,

où εt est un terme purement aléatoire. La relation qui précède implique que les chocs reçus par le système ont des effets qui persistent dans le temps (voir annexe) :

yt = yo + at + ∑εt-n Le dernier terme de cette expression, appelé «tendance stochastique», indique que l’économie s’écarte à jamais de sa trajectoire initiale (qui est donnée par les deux premiers termes, appelé «tendance déterministe») après une perturbation17. Dans ce cas-ci, la décomposition «tendance-cycle» n’est plus possible, les fluctuations observées de la série brute provenant uniquement des mouvements de la tendance. Supposons à présent que le comportement de la variable y est décrit par la relation suivante :

yt = εt + ηt avec εt = εt-1 + a + µt , 15 Notez que le lissage par moyenne mobile pose le problème du traitement des points situés aux extrémités

de la série qui ne peuvent être traités de la même manière que les autres points de la série. Le lissage par moyenne mobile pose également le problème de l’introduction d’autocorrélation dans la tendance, qui résulte mécaniquement du processus de lissage et non pas de la structure de la série brute.

16 La valeur prise par y au cours d’une période donnée est en effet indépendante des chocs reçus par le système au cours des périodes passées.

17 Dans le jargon statistique, on dit que la série est non stationnaire.

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ηt et µt étant des termes purement aléatoires. Dans ce cas-ci, on obtient :

yt = εo + at + ∑µt-n + ηt

En imposant la condition initiale y0 = ε0 + η0, on obtient comme solution pour yt :

yt = yo - η0 + at + ∑µt-n + ηt Selon cette expression, yt comprend une tendance déterministe et une tendance stochastique. Il comprend également un terme purement aléatoire (ηt), que l’on peut interpréter comme la composante cyclique de la série. Extraire une composante cyclique est à nouveau possible; cela impliquera de soustraire de la série yt les deux termes de tendance. Depuis les enseignements de la théorie du cycle économique réel, une technique d’extraction de la tendance qui est devenue très utilisée est le « filtre Hodrick-Prescott ». Cette technique repose sur l’idée qu’une tendance doit être suffisamment lisse pour ne pas suivre toutes les inflexions de la série brute sans pour autant s’écarter trop des mouvements de la série brute. Selon le « filtre Hodrick-Prescott », la tendance ypt de la série yt est obtenue en minimisant la somme des carrés des écarts entre la tendance et la série brute sous la contrainte que la composante tendancielle soit la plus lisse possible :

Min ∑(yt – ypt)2 + λ[∑[(ypt+1-ypt) – (ypt-ypt-1)]2 λ détermine le poids accordé à l’objectif de lissage (2ème terme) par rapport à l’objectif d’adéquation de la tendance à la série brute (1er terme). Plus λ est élevé, plus l’objectif de lissage est privilégié au détriment de l’objectif d’adéquation à la série brute et donc au plus la partie cyclique est importante. Dans le cas limite où λ=0, la tendance se confond avec la série brute; dans le cas limite où λ=∝, la tendance est linéaire. Les valeurs de λ qui sont habituellement prises sont : λ = 1600 pour des données trimestrielles, λ = 400 pour des données semestrielles, et λ = 100 pour des données annuelles. Par rapport aux méthodes statistiques qui viennent d’être présentées, une autre manière de mesurer le cycle de croissance du PIB consiste à faire coïncider la tendance avec le PIB potentiel. Dans ce cas, si le cycle de la production industrielle et le cycle du PIB sont étroitement liés, comme c’est le cas dans les pays industrialisés, le degré d’utilisation des capacités de production dans l’industrie peut servir comme mesure du cycle du croissance du PIB. Bien souvent, cependant, le cycle de croissance du PIB sera obtenu en estimant le niveau du PIB potentiel à l’aide d’une fonction de production. C’est l’approche qui est notamment pratiquée pour le FMI et l’OCDE pour les pays grands pays industrialisés18. Références : Burns, Arthur (1947), Stepping Stones Towards the Future, NBER Annual Report N°27. Burns, A. and W. Mitchell (1946), Measuring Business Cycles, NBER.

18 Pour une présentation détaillée de cette approche, voir par exemple Kieran McMorrow and Werner Roeger,

«Potential Output : Measurement Methods, «New» Economy Influences and Scenarios for 2001-2010», Economic Papers N°150, European Commission, 2001 ou Economie Internationale n°69, La Revue du CEPII, 1er trimestre 1997.

- 48 -

Page 52: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

ANNEXE. LA CONCEPTION DU CYCLE SELON LA THÉORIE DES CYCLES ÉCONOMIQUES RÉELS Selon la conception la plus répandue du cycle économique, le cycle correspond à une déviation temporaire du PIB par rapport à sa tendance. Selon cette conception, les fluctuations cycliques sont des fluctuations de court terme, le PIB retournant à terme vers sa tendance Selon l’approche des cycles économiques réels, les fluctuations observées du PIB ne sont pas des mouvements de court terme autour d'une tendance, mais correspondent aux mouvements de la tendance elle-même, qui sont induits par des chocs de productivité fréquents (cf. chapitre 5). Cette conception implique une remise en question radicale de la décomposition traditionnelle des mouvements du PIB. Supposons que le comportement du PIB est représenté par un modèle autorégressif du premier ordre, c'est-à-dire que les mouvements du PIB sont donnés par l'équation suivante :

ty = a + + ; 0 < b < 1 1tby − tZ composante terme choc aléatoire déterministe autorégressif Supposons l'apparition d'un choc quelconque qui modifie Z de façon temporaire, et entraîne une augmentation du PIB au-delà de sa tendance. Bien que le choc est temporaire, celui-ci a des effets qui persistent au-delà de la période courante dans la mesure où yt dépend de yt-1. Toutefois, étant donné que b < 1, l'impact du choc diminue avec le temps, et Y revient progressivement à non niveau tendanciel, comme le montre le graphique 3.1. Graphique 3.1. Cycle traditionnel t

t0

Yt

Supposons maintenant que les mouvements du PIB sont décrits par l'équation suivante :

ty = a + + (b = 1) 1ty − tZ (= cheminement aléatoire)

Dans ce cas-ci, on peut montrer (cf. infra) qu'un choc aléatoire temporaire persiste dans le temps de façon permanente : l'augmentation initiale de la production se perpétue au cours de

- 49 -

Page 53: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

toutes les périodes futures. Comme on peut le voir sur le graphique 3.2, le choc temporaire entraîne dans ce cas-ci une modification de la tendance. Graphique 3.2. Cycle économique réel Yt t t0 Selon l'approche du cycle économique réel, les fluctuations du PIB reflètent des mouvements de la tendance. Remarque : Tendance stochastique et tendance déterministe Supposons que le comportement dynamique de y est décrit par le modèle suivant :

yt = a + + 1ty − tZ composante terme choc aléatoire déterministe autorégressif Du modèle décrit ci-dessus, on déduit : 1t2t1t Zyay −−− ++= 2t3t2t Zyay −−− ++= … ⇒ [ ] t1t2tt ZZyaay ++++= −− [ ]1tt2tt ZZy)11(ay −− ++++= [ ] [ 1tt2t3tt ZZZya)11(ay −−− ]++++++= [ ]2t1tt3tt ZZZy)111(ay −−− ++++++= [ ]11tt0t Z...ZZy)t(ay +++++= −

- 50 -

Page 54: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

⇒ = a . t + + ty 0y it1i

Z −=∑

t

trend trend déterministe stochastique

- 51 -

Page 55: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

CHAPITRE 4. LE CYCLE ECONOMIQUE : ELEMENTS DESCRIPTIFS Dans ce chapitre, nous présentons un certain nombre de faits empiriques concernant le cycle économique des pays industrialisés. Nous nous intéresserons tout d’abord au cycle économique des Etats-Unis pour ensuite présenter divers faits stylisés pour un ensemble de pays industrialisés. 4.1. Le cycle économique américain 4.1.1. La chronologie des cycles américains par le NBER Le tableau 4.1 donne la chronologie des cycles économiques américains telle qu’elle a été établie par le Comité de datation du cycle économique du NBER (National Bureau of Economic Research). Tableau 4.1. La chronologie du cycle économique américain selon le NBER

Cycle conjoncturel Dates de référence Durée (en mois)

Pic Creux Contraction Expansion Cycle

Quarterly dates are in parentheses

Peak to Trough

Previous trough to this peak

Trough from Previous Trough

Peak from Previous

Peak

June 1857(II)

October 1860(III) April 1865(I) June 1869(II)

October 1873(III)

March 1882(I) March 1887(II) July 1890(III)

January 1893(I) December 1895(IV)

June 1899(III)

September 1902(IV) May 1907(II)

January 1910(I) January 1913(I)

August 1918(III) January 1920(I) May 1923(II)

October 1926(III) August 1929(III)

May 1937(II)

February 1945(I) November 1948(IV)

July 1953(II) August 1957(III)

April 1960(II)

December 1854 (IV) December 1858 (IV)

June 1861 (III) December 1867 (I)

December 1870 (IV) March 1879 (I)

May 1885 (II) April 1888 (I) May 1891 (II) June 1894 (II) June 1897 (II)

December 1900 (IV)

August 1904 (III) June 1908 (II)

January 1912 (IV) December 1914 (IV)

March 1919 (I) July 1921 (III) July 1924 (III)

November 1927 (IV) March 1933 (I)

June 1938 (II)

October 1945 (IV) October 1949 (IV)

May 1954 (II) April 1958 (II)

February 1961 (I)

-- 18 8

32 18 65

38 13 10 17 18

18 23 13 24 23

7

18 14 13 43

13 8

11 10 8

10

-- 30 22 46 18 34

36 22 27 20 18

24 21 33 19 12

44 10 22 27 21

50 80 37 45 39

24

-- 48 30 78 36 99

74 35 37 37 36

42 44 46 43 35

51 28 36 40 64

63 88 48 55 47

34

-- -- 40 54 50 52

101 60 40 30 35

42 39 56 32 36

67 17 40 41 34

93 93 45 56 49

32

- 52 -

Page 56: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

December 1969(IV) November 1973(IV)

January 1980(I) July 1981(III)

July 1990(III) March 2001(I)

November 1970 (IV) March 1975 (I) July 1980 (III)

November 1982 (IV)

March 1991(I) November 2001 (IV)

11 16 6

16

8 8

106 36 58 12

92

120

117 52 64 28

100 128

116 47 74 18

108 128

Average, all cycles: 1854-2001 (32 cycles) 1854-1919 (16 cycles) 1919-1945 (6 cycles)

1945-2001 (10 cycles)

17 22 18 10

38 27 35 57

55 48 53 67

56*

49** 53 67

Source : Business cycle expansions and contractions in the US, NBER * 31 cycles ** 15 cycles Le tableau qui précède révèle certains faits intéressants concernant le cycle économique américain :

• La durée des cycles, de même que celle des phases d’expansion et de récession, n’est pas constante dans le temps :

• La durée des cycles, un cycle étant mesuré comme le nombre de mois qui séparent deux sommets, varie d’un minimum de 17 mois (en 1920-1921) à un maximum de 128 mois (1990-2000);

• Depuis la seconde guerre mondiale, les phases de contraction ont eu tendance à se raccourcir, tandis que les phases d’expansion ont eu tendance à s’allonger; voir notamment la longue phase d’expansion entre mars 1991 et mars 2001.

• Les périodes d’expansion sont généralement plus longues que les périodes de récession; cette différence a eu tendance à s’accentuer depuis la seconde guerre mondiale.

4.1.2. La dynamique du cycle économique aux Etats-Unis : illustration rapide

Graphique 4.1. Récessions économiques aux Etats-Unis : Evolution du PIB et de ses composantes

-24

-21

-18

-15

-12

-9

-6

-3

0

3

1981q3 -1982q4 1990 q3 - 1991q1 2001q1 - 2001q4

PIB Consommation privée

Investissement total (y.c. variations de stocks)

Source : Datastream Calculs : auteur

Exportations totales

Importations totales

- 53 -

Page 57: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 4.2. Activité économique aux Etats-Unis durant la dernière récession (mars 2001-novembre 2001) (pourcentage de variation trimestrielle)

(a) PIB et consommation privée

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Q12000

Q22000

Q32000

Q42000

Q12001

Q22001

Q32001

Q42001

Q12002

Q22002

Q32002

Q42002

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Cons. PIB

(b) PIB et investissement fixe des entreprises

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

Q12000

Q22000

Q32000

Q42000

Q12001

Q22001

Q32001

Q42001

Q12002

Q22002

Q32002

Q42002

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Inv. Prod. PIB

(c) PIB et investissement total des entreprises

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

Q12000

Q22000

Q32000

Q42000

Q12001

Q22001

Q32001

Q42001

Q12002

Q22002

Q32002

Q42002

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Inv. (y.c. stocks) PIB

(d) PIB et investissement dans les nouvelles technologies de

l'information

-10

-5

0

5

10

15

Q12000

Q22000

Q32000

Q42000

Q12001

Q22001

Q32001

Q42001

Q12002

Q22002

Q32002

Q42002

-0,5

0,0

0,5

1,0

1,5

2,0

Inv. TIC PIB

Source : Datastream Calculs : auteur

- 54 -

Page 58: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

4.2. Quelques faits stylisés à propos du cycle économiques des pays industrialisés

Les résultats qui suivent sont repris d’une étude du FMI (2002) qui porte sur 21 pays industrialisés pendant la période 1973-200019. Selon l’analyse du FMI (2002), dont les résultats confirment ceux d’études antérieures, les principaux éléments qui caractérisent le comportement du cycle économique dans les pays industrialisés durant les récentes décennies sont les suivants : • En moyenne, la durée d’un cycle économique est d’environ 6 années. Le cycle débute par

une période de récession d’environ un an au cours de laquelle le PIB diminue d’un peu moins de 3 %. L'expansion qui suit dure environ 5 ans, période pendant laquelle le PIB augmente en volume d’un peu plus de 3 % par an. On voit donc que, malgré la récession, le PIB est, en fin de cycle, environ 14 % plus élevé qu’il ne l’était en début de cycle. Moins de 10 % de récession sont longues (2 ans et plus) et profondes (contraction du PIB de plus de 5 % durant la récession).

• Les cycles économiques sont devenus plus longs durant les décennies récentes,

principalement parce que les expansions sont devenues plus longues. On observe également dans certains pays, par exemple les Etats-Unis, que les récessions ont eu tendance à se raccourcir et à être moins fréquentes. La durée moyenne des cycles est passée d’environ 4 ans pendant les années 70 à environ 6 ans durant les années 80 et 90.

• La durée de la reprise, c’est-à-dire le temps nécessaire pour que le PIB retrouve son niveau

d’avant la récession, n’est pas liée de façon significative à la profondeur et à la durée de la récession. La reprise dure en moyenne 30 % plus longtemps environ que la récession, ce qui signifie que le PIB diminue plus durant la récession qu’il n’augmente durant la phase de reprise (phase initiale de l’expansion).

• Les récessions tendent à être synchronisées entre pays, comme le montre leur

concentration sur 4 périodes entre 1973 et 2000. La première vague de récessions date du milieu des années 70, peu après le premier choc pétrolier; les deux vagues suivantes ont eu lieu au début des années 80, au moment du second choc pétrolier et du durcissement de la politique monétaire dans la plupart des pays; la dernière vague intervient au début des années 90.

• Les récessions synchronisées ont été plus profondes (plus forte contraction du PIB), mais

pas plus longues que les autres. • Pratiquement toutes les récessions qui ont eu lieu au cours des décennies récentes ont été

marquées par une forte contraction de l’investissement fixe privé. L’investissement a son pic conjoncturel en moyenne 2 trimestres avant le PIB et il entame son expansion en moyenne un trimestre après le PIB. En moyenne, la contraction de l’investissement fixe privé durant la récession est environ 6 fois plus élevée que celle du PIB. La profondeur de la récession est étroitement liée à l’importance du recul de l’investissement.

• Les fléchissements de l’investissement privé durant les récessions sont fortement

synchronisés entre pays. • Le cycle de la consommation privée est proche du cycle du PIB. Cependant, seulement la

moitié des récessions ont enregistré une contraction de la consommation. Les variations de la consommation durant les récessions sont nettement moins synchronisées entre pays que celles de l’investissement fixe privé.

19 FMI, «Recessions and recoveries», World Economic Outlook, Chapter 3, Avril 2002.

- 55 -

Page 59: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

• La contraction de l’activité (PIB) durant les récessions est, pour la plus grande partie, déterminée par une diminution de la variation des stocks et par le fléchissement de l’investissement fixe privé (cf. tableau 4.2). La consommation privée se contracte légèrement, tandis que les dépenses publiques et les exportations nettes (c’est-à-dire la différence entre les exportations et les importations) évoluent de façon contra-cyclique. Concernant les exportations nettes, il apparaît toutefois que lorsque la récession est non synchronisée et qu’elle concerne une petite économie ouverte (comme l’est la Belgique), leur évolution tend plutôt à être pro-cyclique, ce qui est dû à la plus grande vulnérabilité de ces pays à des chocs extérieurs défavorables.

• La contribution de la formation des stocks aux récessions a eu tendance à diminuer avec le

temps, l’introduction de nouvelles méthodes de gestion des stocks (le «just-in-time» par exemple) et l’utilisation plus intensive des nouvelles technologies de l’information ayant semble-t-il eu pour effet d’améliorer la gestion des stocks et de rendre les stocks moins volatiles. En revanche, la contribution de l’investissement aux récessions a augmenté avec le temps (cf. tableau 4.2).

• Pendant une reprise type, la consommation privée est le principal élément qui contribue à

la croissance du PIB. C’est le cas même si la consommation privée ne s’est pas contractée durant la période de récession qui a précédé la reprise (cf. tableau 4.3).

• Dans pratiquement tous les cas de récession recensés entre 1973 et 2000, une forte baisse

des cours boursiers est intervenue avant la récession. En moyenne, entre 1973 et 2000, cette baisse des cours boursiers a atteint environ 40 % et a duré environ 9 trimestres, soit bien plus longtemps que la durée moyenne d’une récession typique. Durant les années 90, la baisse moyenne des cours boursiers durant les récessions fut néanmoins moins importante. Entre 1973 et 2000, les baisses des cours boursiers ont été fortement synchronisées.

Tableau 4.2. Contribution relative des composantes de la demande à la variation du PIB

durant les récessions

Décennie Type de récession Echantil-lon total 70 80 90 Faible Grave Courte

Pays du G-7

Rapport de la variation de la composante entre le pic et le creux conjoncturels à la variation du PIB dans la même période, pourcentage

Variation des stocks 66 78 77 36 122 56 107 52 Investissement privé 50 47 36 72 41 47 - 4 67 Consommation privée

12 2 14 24 - 14 16 8 22

Exportations nettes - 21 - 16 - 21 - 30 - 29 - 5 - 4 - 27 Dépenses publiques1 - 10 - 13 - 9 - 6 - 22 - 17 - 12 - 5 Variation entre le pic et le creux conjoncturels; pourcentage de la valeur enregistrée au pic

Pour mémoire PIB - 2,7 - 3,8 - 2,1 - 2,2 - 1,0 - 7,1 - 1,8 - 2,4 1 Consommation finale et investissement fixe des administrations publiques

Source : FMI (2002), tableau 3.2., p. 135

- 56 -

Page 60: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Tableau 4.3. Contribution relative des composantes de la demande à la variation du PIB durant les reprises

Décennie Type de récession Echantil-

lon total 70 80 90 Faible Grave Courte Pays du

G-7 Rapport de la variation de la composante à la variation du PIB dans les quatre trimestres

consécutifs au creux conjoncturel Variation des stocks 25 38 25 - 6 20 50 30 21 Investissement privé 5 6 9 - - - 10 18 Consommation privée

45 44 38 63 50 30 40 52

Exportations nettes 6 - 2 11 18 30 10 10 - 1 Dépenses publiques1 19 14 17 32 10 10 10 10

Variation dans les quatre trimestres consécutifs au creux conjoncturel; pourcentage de la valeur enregistrée au creux

Pour mémoire PIB 3,5 5,6 3,0 2,2 2,7 6,2 4,0 3,4 1 Consommation finale et investissement fixe des administrations publiques

Source : FMI (2002), tableau 3.3., p. 135 L’analyse théorique des cycles économiques a comme principal objectif d’expliquer les régularités empiriques concernant le comportement des cycles économiques qui viennent d’être présentées. Dans ce qui suit, nous allons nous intéresser à trois aspects importants du comportement du cycle économique durant les dernières décennies : 1. Le rôle important exercé par les variations de stocks et l’investissement fixe privé dans la

détermination des fluctuations cycliques (cf. chapitre 5) 2. L’allongement des périodes d’expansion économique et la réduction de l’amplitude des

fluctuations cycliques (cf. chapitre 6) 3. La forte synchronisation des cycles économiques entre les pays industrialisés (cf. chapitre

7) Lectures complémentaires : (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) (*) Council of Economic Advisers (2005), «Expansions Past and Present», dans Economic Report of the President, Chapter 2, Washington, 2005, pp.49-70. International Monetary Fund (2002), «Recessions and recoveries», World Economic Outlook, Chapter 3, Avril 2002 Moure, Gilles (2004), «Did the Pattern of Aggregate Employment Growth Change in the Euro Area in the Late 1990s ?», Working paper n°358, European Central Bank, May 2004. (*) Stock, James and Mark Watson, «Business cycle fluctuations in U.S. Macroeconomic Time Series», NBER WP 6528, 1998

- 57 -

Page 61: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

CHAPITRE 5. LA DYNAMIQUE DES CYCLES ECONOMIQUES Dans ce chapitre, nous allons mettre en évidence un certain nombre d’éléments théoriques qui permettent de rendre compte du comportement cyclique de l’activité économique. 5.1. Cycles stochastiques et cycles déterministes Les interprétations relatives au comportement du cycle économique peuvent être regroupées en deux grandes catégories : d’une part, les interprétations déterministes, et d’autre part, les interprétations stochastiques. 5.1.1. Cycles déterministes L’interprétation déterministe des cycles économiques considère que les cycles économiques se reproduisent et se perpétuent d’eux même. Selon cette interprétation, il existerait donc des mécanismes économiques qui génèrent des phases d’expansion et de récession économiques qui se répètent à l’infini. Selon cette interprétation, les cycles économiques sont donc endogènes. L’analyse de Adda et Sigogne (1994), détaillée plus loin (cf. section 5.6), offre une illustration de cette approche. 5.1.2. Cycles stochastiques L’interprétation stochastique des cycles économiques repose sur l’idée que les cycles économiques sont déterminés de façon exogène à travers des mécanismes d’impulsion-propagation. Selon cette approche, l’économie serait régulièrement soumise à des chocs aléatoires qui donneraient lieu à des fluctuations économiques. Schématiquement, on peut illustrer cette approche comme suit :

Schéma 5.1. Approche stochastique des cycles économiques

Impulsions (chocs aléatoires)

Système économique = mécanismes de

propagation

Oscillations

Dans le schéma 5.1., les impulsions sont des chocs aléatoires qui modifient les conditions de l’offre et de la demande. Le mécanisme de propagation représente les forces économiques qui vont transformer les impulsions en fluctuations (oscillations) économiques. Selon l’approche stochastique, le comportement cyclique de l’économie a deux origines possibles : • Les chocs aléatoires qui perturbent l’économie ont un profil dynamique de type cyclique

ou oscillatoire; • Le système économique comprend des mécanismes qui transforment les chocs aléatoires

en des fluctuations oscillatoires. On distingue habituellement trois types de chocs : • Les chocs d’offre, qui touchent directement l’offre et la production de biens et services :

progrès technologique, changements climatiques, catastrophes naturelles, variations du prix des matières premières et énergétiques, …

- 58 -

Page 62: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

• Les chocs de demande, qui affectent le niveau et la composition de la demande agrégée : modification des préférences des consommateurs, modifications des conditions monétaires et de crédit, …

• Les chocs de politique économique, qui sont liés à des décisions de politiques

économiques prises par les autorités macroéconomiques (gouvernement, banque centrale) et qui affectent essentiellement la demande agrégée : choc monétaire, choc budgétaire, dévaluation du taux de change, …

Illustration : Politique monétaire et cycles économiques Le durcissement délibéré des conditions monétaires dans les principaux pays industrialisés est souvent mis en évidence comme l’un des facteurs à l’origine des récessions, ce qui a conduit un économiste célèbre à affirmer que : «Aucune des expansions qu’ont connues les Etats-Unis au cours des quarante dernières années n’est morte de vieillesse; la Réserve fédérale les a toutes assassinées» (Dornbusch, 1987). On constate en effet souvent un durcissement de la politique monétaire dans la dernière phase d’une expansion, le but de celui-ci étant de contraindre le rythme de la croissance et d’éviter l’émergence de tensions inflationnistes excessives. La profondeur de la récession étant liée à l’ampleur de la hausse des taux d’intérêt qui précède la récession, il y a une forte présomption que le degré de durcissement des conditions monétaires soit un des facteurs déterminants de l’ampleur de la contraction du PIB pendant la récession. Durant la récession, la politique monétaire tend à s’assouplir et l’importance de la baisse des taux d’intérêt semble influencer la vigueur de la croissance économique pendant la reprise. 5.2. Le cycle des stocks On a vu plus haut (cf. chapitre 4) que les stocks contribuaient de façon importante aux fluctuations de l’activité économique. A quoi cela est-il dû ? Nous allons montrer comment différents modèles de stockage répondent à cette question. Pendant longtemps, les économistes ont eu tendance à considérer que les stocks servaient à amortir l’impact des chocs de demande sur la production. Selon cette approche, la réaction première d’une entreprise à un choc de demande serait d’ajuster ses stocks plutôt que le niveau de production, les stocks augmentant en cas de diminution (inattendue) de la demande et diminuant en cas de hausse (inattendue) de la demande. Cette théorie part de l’hypothèse que les entreprises ont des coûts marginaux de production croissants. Dans ce cas, on peut en effet montrer qu’il est efficient pour une firme de répondre à une hausse non prévue de la demande en réduisant ses stocks plutôt qu’en augmentant sa production, pour autant que les coûts de stockage soient moindres que les gains de ne pas produire.

- 59 -

Page 63: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 5.1. Stockage et lissage de la production

Co q1q2A B si aloet Cefir

Enquda(1syvatensto Sedéraqurédéflule 20

Coûts

A

B

q22

qq 21 +q1

mmentaires :

= demande à la période t1 = demande à la période t2 = coût moyen de production si q1 est produit en t1 et q2 est produit en t2 = coût moyen de production si (q1+q2)/2 est produit à chaque période

(q1+q2)/2 est produit à chaque période, rs (q2-q1)/2 est stocké en t1 (=investissement en stockage)

(q2-q1)/2 est retiré des stocks en t2 (=déstockage).

tte théorie a deux implications empiriques importantes. S’il s’avère effmes utilisent le stockage afin de lisser leur production, il en résulte :

1. que le production devrait être moins volatile que les ventes (la dema2. que l’investissement en stockage ( les variations de stocks) et les ve

corrélés négativement.

pratique, on constate cependant que les stocks ont tendance à évoluer de les ventes. Plusieurs études ont également montré que la productionvantage que les ventes (la demande finale). Par exemple, A. Blinder 986) montrent, sur différentes sous-périodes, que la variance du Pstématiquement supérieure à celle de la demande finale20. Ils montrentriations de stocks et la demande finale sont corrélés négativement. L’éd donc à montrer que, au lieu de stabiliser le cycle économique, leckage aurait plutôt pour effet d’accentuer ses fluctuations.

lon une approche alternative à celle présentée ci-dessus, l’impact déstabcoulerait du fait que les entreprises désirent maintenir leurs stocks à unpport à leurs ventes (elles ont un objectif en matière de ratio stocks/vente’elles augmenteraient leurs stocks en cas de hausse de leurs ventduiraient en cas de diminution des ventes. Comme le montrent les ecoule de cette approche que la formation des stocks aura pour efctuations du cycle économique en cas de variations de la demande, les eniveau de leur production dans le but de ramener le ratio stock/vente à s A. Blinder and D. Holtz-Eakin (1986), «Inventory Fluctuation in the United State

Gordon (ed.), The American Business Cycle : Continuity and Change, NBER.

- 60 -

Quantités

ectivement que les

nde); ntes devraient être

ans le même sens (le PIB) fluctuait et D. Holtz-Eakin

IB américain est également que les vidence empirique comportement de

ilisateur des stocks certain niveau par s), ce qui implique es et qu’elles les xemples 1 et 2, il fet d’amplifier les ntreprises ajustant on niveau objectif.

s since 1929», dans R.

Page 64: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Exemple 1. Prenons le cas d’un constructeur automobile qui produit 20.000 véhicules par mois. Ses ventes mensuelles sont également de 20.000 unités par mois. Il souhaite avoir en stocks l’équivalent de 2 mois de ventes, soit 40.000 véhicules. Son ratio stock/ventes est donc égal à 2. Si on introduit les notations suivantes : Y = production, S = ventes, I = stock actuel, I* = stock désiré, alors on peut exprimer la situation de production de cette entreprise de la façon suivante : Y = 20.000 S = 20.000 I = 40.000 I* = 40.000 I*/S = 2 Supposons maintenant que ce constructeur enregistre une diminution (permanente) de ses ventes de 2.000 unités : ∆S = -2.000. Puisque le niveau de ses ventes a diminué, le constructeur va vouloir réduire ses stocks, dont le niveau désiré est à présent de 36.000. De combien la production va-t-elle varier ? Sachant que la production (ou le PIB, si on raisonne au niveau de l’ensemble d’une économie) est égale aux ventes plus les variations de stocks : Y = S + ∆I, on a que la production tombe à 14.000 véhicules ( = S (= 18.000) + ∆I (=36.000-40.000)). En réponse à la diminution de la demande, la production diminue donc de 6.000 unités. On voit donc bien que le comportement pro-cyclique des stocks amplifie l’impact des variations exogènes de la demande sur le cycle économique. Exemple 2. Supposons maintenant que le constructeur automobile n’ajuste pas immédiatement le niveau de sa production à la baisse de ses ventes, soit parce que ses plans de production ont été déterminés avant qu’il n’observe la baisse de ses ventes (en langage économique, on dira que le choc de demande est non anticipé) et qu’il lui faut un certain temps pour les modifier, soit parce que l’information concernant la baisse des ventes lui a été transmise avec retard par les concessionnaires. Concrètement, supposons que le constructeur automobile ajuste sa production un mois après la survenance du choc de demande. On a alors la situation suivante : Mois 1 Y = 20.000 S* = 20.000 (S* = ventes prévues) S = 18.000 ∆I = +2.000 (=Y-S) I = 42.000 (= stocks en début de mois + variations des stocks durant le mois) I* = 36.000 Mois 2 S = S* = 18.000 Y = 12.000 ( = S (= 18.000) + ∆I (= 36.000 - 44.000)) ∆I = -6.000 I = I* = 36.000 On voit que dans ce cas-ci, on a au cours d’un mois donné un ajustement de la production qui est plus important ( ∆Y = -8.000) que dans le cas précédent ( ∆Y = -6.000). Ceci est dû au fait que l’entreprise ayant adapté avec retard sa production, elle a accumulé des stocks de façon involontaire, ce qui l’oblige à réduire sa production de façon importante pour ramener les stocks au niveau souhaité. Dans ce cas-ci, l’importance de l’influence des stocks sur le cycle

- 61 -

Page 65: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

économique découle d’un ajustement des stocks dont la nature est à la fois volontaire et involontaire. Les deux approches qui viennent d’être successivement présentées ne sont pas nécessairement exclusives. On peut les rendre complémentaires, en faisant la distinction entre les variations anticipées et les variations non anticipées de la demande. Ainsi, comme le suggère la première approche, une hausse inattendue de la demande peut, dans un premier temps, être satisfaite par une diminution des stocks si la firme a des coûts marginaux de production croissants ou si elle estime que la hausse de la demande est seulement temporaire. Dans un second temps, si la hausse de la demande se confirme et que, de ce fait, la firme revoit à la hausse ses prévisions de ventes, la firme peut décider de reconstituer ses stocks afin de pouvoir servir la demande prévue. Meltzer (1941) développe un modèle macroéconomique simple qui tient compte de ces deux types de comportement en matière de stockage : les entreprises utilisent les stocks pour amortir les chocs de la demande sur la production, mais elles souhaitent également maintenir un rapport constant entre le niveau des stocks et celui des ventes. Dans ce contexte, il montre qu’une variation endogène de la demande donne lieu à des fluctuations cycliques (oscillatoires) de la production (ou du PIB). Dans le modèle de Meltzer (1941), la stratégie de production et de vente d’une entreprise est décrite de la façon suivante21 : Une augmentation (inattendue) de la demande est servie par une augmentation (non

planifiée) de la production et une réduction (non planifiée) des stocks; inversement, une diminution non prévue de la demande donne lieu à une contraction de la production et une hausse des stocks;

Les entreprises désirent maintenir un ratio fixe entre le niveau des stocks et le niveau de

production. Pour cette raison, suite à une contraction de la demande, les firmes seront amenées à réduire le niveau de la production afin de compenser l’accumulation involontaire des stocks au début de la récession.

Les principaux éléments qui composent le modèle de Meltzer sont les suivants : (a) On suppose que l’économie produit un seul bien. La production de ce bien a trois affectations : la vente aux consommateurs, l’investissement productif, et la constitution de stocks :

Q = Qu + Qs + I0 (1) où Q = production totale, Qu = production vendue aux consommateurs, Qs = production stockée et I0 = investissement (supposé exogène). (b) La production destinée à la consommation est établie en fonction des ventes attendues pour la période courante :

Qu = Ve Les ventes attendues sont fixées égales aux ventes de la période précédente qui, elles-même, sont égales à la consommation :

Ve = V-1 V-1 = C-1

On suppose par ailleurs que la consommation est proportionnelle au revenu :

C-1 = βQ-1 ; 0<β<1 21 La présentation du modèle de Meltzer est tirée de Sachs et Larrain (1993), Macroeconomics in the Global

Economy.

- 62 -

Page 66: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

On en déduit :

Qu = βQ-1 (2) (c) Les firmes désirent conserver une certaine quantité de biens en stocks. En particulier, on suppose que le niveau de production destiné à être stocké durant la période courante est fixé de manière à compenser la variation inattendue des stocks enregistrée au cours de la période précédente. En définissant la variation inattendue des stocks comme l’écart entre le niveau effectif des ventes et le niveau attendu des ventes, on a :

Qs = V-1 – Ve-1

Sur base des définitions précédentes, on a :

V-1 = C-1 = βQ-1

Ve-1 = V-2 = C-2 = βQ-2,

dont on déduit :

Qs = βQ-1 –βQ-2 (3) En insérant (3) et (2) dans (1), on obtient la relation suivante :

Q = 2βQ-1 – βQ-2 + I0 ou,

Q - 2βQ-1 + βQ-2 = I0 A partir de cette dernière équation, on peut tirer les résultats suivants : 1. Le niveau de production lorsque l’économie est à l’équilibre stationnaire est égale à (en

posant Q=Q-1=Q-2=Q*) :

Q* = I0/(1-β)

2. Les fluctuations de Q autour de Q* seront de type oscillatoires si :

4β (β-1) <0,

ce qui est vérifié étant donné que 0<β<1. Une illustration de la dynamique de Q est donnée sur le graphique 5.2 pour β=0,8. A l’équilibre initial, Q = 1000, Qu = 800, Qs = 0, I0 = 200. Le choc simulé est une hausse exogène de l’investissement de 100.

- 63 -

Page 67: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 5.2. Cycle des stocks et cycle économique

Inventory cycle (b=0,8)

800

900

1000

1100

1200

1300

1400

1500

1600

1700

1800

0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19-100

-80

-60

-40

-20

0

20

40

60

Output Inventory investment (échelle de droite)

Une autre analyse du comportement de stockage est donnée par le modèle de stockage (S,s). Ce modèle a été établi en partant des constats suivants : L’approche qui considère que les stocks servent à amortir l’impact des chocs de demande

sur la production est une approche qui a été développée initialement pour le secteur industriel manufacturier et ensuite utilisée pour décrire le comportement global des stocks, et qui suppose que le coût marginal de production est croissant;

L’essentiel des stocks sont détenus dans les secteurs du commerce et de la distribution.

Hors, pour ces secteurs d’activité, il est difficile de retenir l’hypothèse d’un coût marginal croissant; l’hypothèse d’un coût marginal constant apparaît plus réaliste. Dans ces secteurs, le coût total de production est en effet constitué d’un coût fixe élevé (coût de transport, loyer, coût de gestion comptable, …) et d’un coût d’achat des biens qu’il est raisonnable de considérer constant. La fonction de coût dans ces secteurs pourrait ainsi être modélisée de la manière suivante :

C(Y) = A + cY si Y>0

= 0 si Y =0 (Y = ventes, c = coût marginal de la commande)

Dans la mesure où les coûts de transports sont élevés et le «coût à la pièce» est constant,

les détaillants ont intérêt à grouper au maximum leurs commandes, de la même manière qu’une firme déciderait de produire en grande quantité si son coût marginal de production était décroissant.

La prise en compte d’une structure de coût composée d’un coût fixe élevé et d’un coût marginal constant a amené au développement du modèle (S,s) où S désigne le niveau maximum de stocks qu’une firme désire détenir et s le niveau minimum de stocks. Dans le contexte qui vient d’être défini, le comportement de stockage de la firme est décrit par le graphique suivant :

- 64 -

Page 68: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 5.3. Le modèle (S,s) de stockage

N0

Co N0X0 Si,plasu(en ExS=Si coSi Dasu y =y = où Le

où Dafirco(m ρ(

Niveau des stocks

N3 N1 S

Y3 Y1

s

t1 t2

q0

mmentaires :

= niveau de départ des stocks = ventes à la période t0

à la période t1, les stocks tombent en-deçà dce une commande égale à S-q0 auprès de se

ffisamment la demande à la période t1 et à exp répartissant le coût fixe de la commande sur u

emple : 10 ; s=2 ; x=5 N0=7, la demande fait chuter les stocks

mmerçant à passer une commande égale à S-(NN0=8, le niveau des stocks tombe à N0-x=3 (>s

ns le cadre du modèle (S,s), le comportementivante :

S – q si N-x ≤ s ; q=N-x 0 si N-x >s

N = stock de départ, x = ventes et y = comman

modèle (S,s) a les implications empiriques sui

si N-x >s, alors ρ(∆N,x) <0 si N-x ≤ s, alors ρ(∆N,x) >0

ρ(∆N,x) est le coefficient de corrélation entre

ns la mesure où, à chaque instant, il est réames dont les stocks tombent à leur niveau mmpris dans l’intervalle défini par la firmeacroéconomique) que :

∆N,x) ≅ 0

- 65 -

N2

t3

q2

t

e leur niveau minimum (s), le commerçant s fournisseurs de manière à pouvoir servir loiter les avantages d’une grosse commande n gros volume).

à leur niveau minimal, ce qui conduit le 0-x)=8. ), et aucune commande n’est passée.

de stockage peut être formalisé de la façon

de (investissement en stockage).

vantes :

les variations des stocks et les ventes.

liste de considérer qu’il existe à la fois des inimum et d’autres dont les stocks restent , on devrait observer au niveau agrégé

Page 69: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Dans ce cas, on a : var (Y) > var (x)22. Le modèle (S,s) offre donc une explication théorique au fait d’observer, au niveau macroéconomique, que la volatilité de la production est plus grande que celle des ventes. 5.3. Le rôle de l’investissement dans la dynamique du cycle économique Dans cette section, nous allons mettre en évidence différents mécanismes par lesquels l’investissement joue un rôle capital dans la dynamique du cycle économique. Avant d’aborder ces mécanismes, on rappellera que l’investissement correspond aux flux de dépenses réalisées par une entreprise dans le but d’accroître son stock de capital (bâtiments, machines et autres équipements) et de remplacer la partie du stock de capital qui est devenue obsolète. Formellement, on a : It = λ (K*t – Kt-1) + δ Kt-1 où It = dépenses investies durant la période t, K*t = stock de capital désiré pour la fin de la période t, Kt-1 = stock de capital disponible au début de la période t, λ = vitesse à laquelle le stock de capital s’ajuste au niveau désiré et δ = taux de dépréciation du capital. La théorie économique nous donne plusieurs indications sur ce qui détermine le niveau de capital désiré ( K*) par une entreprise. Elle dégage comme principaux déterminants23 : • La demande attendue par l’entreprise pour le futur (cf. infra); • Le coût d’usage du capital. Le coût d’usage du capital (rc) est défini, en faisant abstraction

des taxes, comme la somme du taux d’intérêt réel (r) et du taux de dépréciation du capital 24: rc = r + δ

• Les profits, dans la mesure où ils représentent la capacité qu’a l’entreprise de financer son investissement avec ses ressources propres.

Un déterminant important de l’investissement qui n’est pas mis en évidence par l’expression ci-dessus est le taux d’utilisation des capacités de production. Ainsi, une entreprise qui enregistre ou anticipe une hausse de ses ventes peut ne pas investir (ou attendre d’investir) si elle est dans une situation où ses capacités de production sont faiblement utilisées. Ce sera par exemple le cas si elle sort d’une période de faible demande et que durant cette période elle n’a pas réduit ses capacités de production. En cas de hausse (attendue) de la demande, l’investissement peut également être retardé si l’entreprise dispose d’importants stocks de produits finis. La valeur boursière de l’entreprise peut également influencer la décision d’investir. Pour plus de détails sur cet aspect, voir section 5.4 et Chapitre 8. 5.3.1. L’accélérateur de l’investissement «La dynamique de l’investissement est souvent considérée comme le cœur du cycle économique. Dans la vision traditionnelle, l’investissement accélère en phase de reprise, lorsque les capacités de production sont jugées insuffisantes au regard des évolutions prévues de la demande. Il se replie à l’amorce d’un ralentissement ou d’une récession, quand les

22 Etant donné que Y = x + ∆N, on a : var(Y)=var(x)+var(∆N)+2cov(x, ∆N). 23 Voir par exemple O. Blanchard et D. Cohen, Macroéconomie, pp.281-288. 24 Le taux de dépréciation du capital intervient dans le calcul du coût d’usage du capital car il représente des

dépenses que l’entreprise doit supporter pour maintenir ses équipements productifs en dépit de leur détérioration.

- 66 -

Page 70: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

besoins en capital apparaissent saturés. L’investissement est donc tout à la fois le reflet et l’un des principaux moteurs du cycle économique : il dépend des fluctuations de la demande tout en contribuant significativement à celles-ci.» (N. Carnot et B. Tissot, La prévisions économique, Economica, 2002, p.164.) Le lien entre l’investissement et la demande anticipée est au cœur du mécanisme appelé «accélérateur de l’investissement». L’intérêt de ce mécanisme du point de vue de l’analyse cyclique est de mettre en évidence que l’investissement peut connaître de fortes variations dans le temps et ainsi entraîner des fluctuations importantes du cycle économique. De surcroît, Samuelson (1939) a montré que, sous certaines conditions, l’accélérateur était capable d’engendrer des fluctuations de type oscillatoire. Le modèle de l’accélérateur établit un lien entre le niveau de l’investissement et la variation attendue de la production. La formulation traditionnelle du mécanisme de l’accélérateur repose sur les deux éléments suivants : • D’une part, il est supposé qu’il existe une relation stable entre le stock de capital dont une

firme souhaite disposer (K*) et le niveau de la production (Y). En particulier, il est supposé que le stock de capital désiré pour une période donnée est proportionnel au niveau de la demande (ou production) anticipée pour cette période :

(1) K*t = αY*t

• D’autre part, il est supposé que les firmes peuvent ajuster rapidement leurs dépenses

d’investissement (I), de sorte que le stock de capital existant est amené à son niveau désiré durant la période considérée; en supposant qu’il n’y a pas de dépréciation du capital, on a donc :

(2) It = K*t+1 – Kt

En substituant (1) dans (2), on obtient : It = α[Y*t+1-Yt] Cette relation implique que le niveau de l’investissement est proportionnel aux variations attendues de la demande. Il en résulte que l’investissement sera positif durant les périodes d’expansion, durant lesquelles le PIB a tendance à augmenter, et négatif durant les périodes de récession, durant lesquelles le PIB a tendance à diminuer. Il en résulte également que l’investissement augmentera lorsque la croissance s’accélère, ce qui aura pour effet de renforcer l’expansion économique, et à diminuer lorsque la croissance décélère, ce qui aura pour effet d’amplifier la récession économique. Le mécanisme de l’accélérateur prédit donc de fortes fluctuations de l’investissement. Il constitue donc une explication potentielle du rôle important joué par l’investissement dans la dynamique du cycle économique. Comme l’a montré Samuelson (1939), l’accélérateur est un mécanisme qui peut être à l’origine des fluctuations cycliques (oscillatoires) de l’activité économique. Ce résultat a été démontré à l’aide d’un modèle macroéconomique simple dont les propriétés sont les suivantes : La demande agrégée, qui est égale au revenu national, est définie comme la somme de

trois composantes : la consommation privée (C), l’investissement (I) et les dépenses publiques (G) :

Yt = Ct + It + Gt

Les dépenses des ménages sont supposées être proportionnelles au revenu, mais elles

s’ajstent au revenu avec un retard d’une période :

Ct = γ Yt-1 ; 0<γ<1

- 67 -

Page 71: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

L’investissement est proportionnel aux variations de la demande agrégée, mais

l’ajustement se fait avec un retard d’une période :

It = α(Yt-1 – Yt-2) Les dépenses publiques sont exogènes :

Gt = G*

Après plusieurs substitutions élémentaires, on obtient que le PIB est déterminé par l’équation suivante : Yt = (γ+α) Yt-1 - αYt-2 + G* ou : Yt+2 - (γ+α) Yt+1 + αYt = G* On observe donc que l’évolution du PIB est déterminée par une équation autorégressive du second ordre. On en déduit les résultats suivants : L’équilibre stationnaire (obtenu en posant Yt+2=Yt+1=Yt) a pour valeur :

Y* = (1/1-γ)G*

On peut montrer que si (γ+α)2 -4α <0, alors la dynamique de Y sera décrite par des

mouvements oscillatoires. Par ailleurs, si α<1, les fluctuations oscillatoires sont amorties de sorte que, au fil du temps, Y converge vers son niveau d’équilibre stationnaire.

Ces résultats sont illustrés sur le graphique 5.4, en posant α = 0,95 et γ = 0 (par simplicité). On suppose qu’au départ (période t=0), Y= I = C = G = 0. Un choc exogène permanent intervient à la période 1, et G prend la valeur 100. Par un calcul simple, on montre que Y et I évoluent dans le temps selon une dynamique de type oscillatoire.

- 68 -

Page 72: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 5.4. Accélération de l’investissement et fluctuations cycliques

-100

-50

0

50

100

150

200

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 40 42 44 46 48 50Périodes

Y(t)

, I(t)

Y(t) = I(t) + E(t) I(t) = ax(Y(t-1)-Y(t-2))

Intuitivement, on peut expliquer la dynamique oscillatoire que l’on obtient de la façon suivante. L’augmentation exogène de la demande donne lieu, avec un certain retard, à une augmentation de l’investissement, qui vient renforcer l’augmentation initiale de la demande. L’investissement effectué va progressivement amener les capacités de production à leur niveau désiré, suite à quoi la hausse de l’investissement commence à ralentir. Lorsque la capacité de production atteint son niveau désiré, l’investissement s’arrête. On a alors une chute de la production (le cycle se retourne), et l’investissement devient négatif. La réduction des capacités se poursuit jusqu’à ce que les capacités de production deviennent insuffisantes par rapport à la demande, l’investissement alors redémarre et la production entame une nouvelle phase d’expansion. 5.3.2. Le phénomène de surinvestissement Il peut arriver que, durant une phase d’expansion du cycle économique, les entreprises investissent à des rythmes qui soient beaucoup trop élevés par rapport à l’évolution observée et attendue de la demande. On est alors en présence d’un phénomène de surinvestissement. A terme, le surinvestissement conduit à l’apparition de surcapacités de production. Pour les entreprises dont une partie importante de la capacité de production installée est inutilisée, leur situation financière se dégrade. La restauration de leur profitabilité passe inévitablement par une élimination des capacités excédentaires, ce qui entraîne un arrêt ou une baisse de l’investissement. Si ce phénomène touche un pourcentage important des firmes, il donne alors lieu à un retournement à la baisse du cycle économique. C’est à ce phénomène que certains économistes attribuent, au moins en partie, l’entrée en récession du Japon au début des années 1990 et la récession américaine de 200125. Une explication possible au phénomène de surinvestissement est la difficulté que peuvent avoir les entreprises à prévoir de façon précise l’évolution future de la demande pour leurs produits. Le surinvestissement provient alors d’une surestimation de la demande à venir. Ce problème risque notamment de surgir dans des secteurs innovants, par manque de repères historiques suffisants. Ce fut par exemple le cas pour le secteur des télécommunications à la fin des années 1990. 25 Voir par exemple The Economist, March 2001.

- 69 -

Page 73: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Le surinvestissement peut également s’expliquer par l’abondance d’un financement peu coûteux. Ainsi, des périodes marquées par une forte appréciation des cours boursiers ou un niveau bas des taux d’intérêt, comme cela fut le cas durant la seconde partie des années 1990, seront notamment propices au surinvestissement26. Le surinvestissement peut donc trouver son origine dans un excès de confiance des agents économiques concernant l’avenir, ce qui provoque une hausse des cours boursiers nettement plus importante que celle qui découle des «fondamentaux. Il peut également être la conséquence d’une politique monétaire trop expansionniste (ou pas suffisamment restrictive). A titre exemple, certains économistes estiment que le fait que la Réserve fédérale américaine ait maintenu ses taux d’intérêt à un bas niveau à la fin des années 1990 a alimenté le cycle de surinvestissement durant cette période. Une autre explication au phénomène de surinvestissement est l’existence d’un écart positif important entre le taux d’intérêt réel d’équilibre et le taux d’intérêt réel observé, le taux réel d’équilibre étant le taux qui assure l’égalité entre l’offre de fonds prêtables (l’épargne) et la demande de fonds prêtables (l’investissement). Si le taux d’équilibre excède le taux effectif, cela encourage l’investissement au détriment de l’épargne. Cette situation persiste jusqu’à ce qu’intervienne une remontée des taux d’intérêt qui aura pour effet de freiner l’investissement et la consommation des ménages. Selon certains, cette situation a prévalu durant la seconde partie des années 1990. Ceux-ci argumentent que, durant cette période, la perspective de gains de productivité importants grâce aux nouvelles technologies de l’information a incité les firmes américaines à développer fortement leurs investissements et que cette augmentation de la demande de capital a entraîné une hausse du taux d’intérêt réel d’équilibre. En l’absence de resserrement monétaire, le taux réel effectif ne s’est en revanche pas relevé, créant un écart par rapport au taux d’équilibre qui a renforcé le développement de l’investissement. 5.3.3. L’accélérateur financier La théorie de «l’accélérateur financier» suggère que l’impact des variations de l’investissement sur le cycle économique, initiées par exemple par les effets d’accélération discutés dans la section 5.3.1, peut être amplifié par des facteurs d’ordre financier lorsqu’il existe une asymétrie d’information sur le marché du crédit entre les prêteurs (les banques, par exemple) et les emprunteurs (les entreprises, notamment). L’asymétrie d’information sur laquelle repose l’accélérateur financier porte sur deux aspects. D’une part, le prêteur est moins bien informé que l’emprunteur sur la situation réelle de ce dernier et sur la qualité (rentabilité, faible risque, …) des projets pour lesquels l’investisseur souhaite obtenir un financement. D’autre part, le prêteur ne peut avoir un contrôle total sur l’action de l’emprunteur, une fois le financement emprunté; le risque pour le prêteur est que l’emprunteur adopte un comportement imprudent, en se laçant par exemple dans des projets plus risqués que prévu, qui altère sa capacité de remboursement ultérieure. Pour couvrir le risque lié à l’incertitude sur la capacité de remboursement de l’emprunteur, le prêteur va exiger une prime de risque. Le montant de la prime de risque dépendra de plusieurs éléments. Il sera en partie déterminé par certaines caractéristiques observables de l’investisseur, grâce auxquelles le prêteur pourra avoir une indication sur le risque de défaillance : taille de l’entreprise, taux d’endettement, type de marché, sensibilité de l’activité au cycle conjoncturel, … Le montant de la prime de risque dépendra également de la richesse nette de l’entreprise, qui est égale à la différence entre la valeur totale des actifs (fixes, immobiliers, financiers) de l’emprunteur et la valeur totale de ses dettes. Cette richesse nette représente la capacité de l’investisseur à apporter des garanties. La prime de risque, et donc le coût du crédit bancaire, est sensible aux fluctuations de l’environnement économique. D’une part, les fluctuations conjoncturelles peuvent affecter, positivement ou négativement, la rentabilité des projets pour lesquels l’emprunteur a obtenu un financement. Ce sera notamment le cas si l’activité de l’investisseur est fortement sensible aux variations du cycle économique. D’autre part, la richesse nette de l’investisseur peut être

26 Pour une explication du ien entre investissement et cours boursiers, voir Chapitre 8.

- 70 -

Page 74: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

modifiée par les fluctuations de l’environnement environnement. Par exemple, la richesse nette d’un investisseur qui dispose d’un patrimoine immobilier sera réduite en cas de chute des prix sur le marché immobilier. A l’inverse, dans la mesure où le prix des actifs financiers est une fonction inverse du niveau des taux d’intérêt, la richesse nette des investisseurs aura tendance à augmenter en cas d’assouplissement de la politique monétaire. La niveau de l’investissement étant en partie déterminé par le coût du crédit bancaire, la sensibilité de la prime de risque au cycle économique aura comme conséquence d’amplifier les mouvements du cycle. C’est «l’accélérateur financier». Prenons le cas d’un ralentissement conjoncturel. En raison de la dégradation de la situation économique et financière des entreprises, et donc d’un risque accru de défaillance, les banques exigeront une prime de risque plus élevée. Si le ralentissement conjoncturel s’accompagne d’une diminution des valeurs boursières, comme cela est souvent observé, la prime de risque sera également relevée pour tenir compte de la diminution de la richesse nette des entreprises. Etant confrontées à un coût du crédit bancaire plus élevé, les entreprises seront contraintes de réduire ou de supprimer leurs projets d’investissements, ce qui amplifiera le retournement conjoncturel à la baisse. L’impact sera aggravé par le fait que, leur situation financière étant affectée négativement par le ralentissement conjoncturel, les entreprises ont moins de ressources internes pour financer l’investissement, ce qui augmente leur demande de crédit bancaire. L’accélérateur financier agit essentiellement par l’intermédiaire des petites et des moyennes entreprises. Ces entreprises se financement en effet exclusivement par crédit bancaire. De plus, par manque d’information, il est bien souvent plus difficile pour les banques d’évaluer la situation financière d’une petite entreprise que celle d’une grande entreprise. 5.4. La théorie du cycle économique réel Depuis les années 1980, l'explication dominante de l'instabilité macroéconomique s'est concentrée sur les chocs d'offre. Plusieurs éléments ont en effet rendu les macroéconomistes davantage sensibles aux rôles des facteurs d'offre dans l'explication des fluctuations économiques. Il s'agit notamment :

• des chocs d'offre associés aux deux fortes augmentations du prix du pétrole au cours des années 1970;

• du retentissement de certaines études empiriques qui ont suggéré que les chocs réels pouvaient être beaucoup plus importants que les chocs monétaires dans l'évolution de la production au cours du temps.

5.4.1. Introduction générale à la théorie du cycle économique réel La théorie des cycles économiques réels a renouvelé de façon majeure l'analyse des cycles économiques. Ses principaux points de rupture par rapport aux approches antérieures (keynésienne et monétariste) se situent essentiellement à deux niveaux : a) Il s'agit de modèles d'équilibre général qui supposent que les agents économiques ont un

comportement optimisant, à savoir qu’ils maximisent une fonction objectif (profit, utilité) en tenant compte de leurs contraintes de ressources. Dès lors, selon la théorie du cycle économique réel, les fluctuations économiques apparaissent comme des réponses optimales et rationnelles des agents économiques aux chocs économiques qui perturbent leur environnement.

b) Cette approche met l'accent sur les chocs d'offre, et plus particulièrement sur les chocs de

productivité.

Types de chocs d'offre : √ évolutions défavorables de l'environnement physique (ex. catastrophe naturelle,

sécheresse, inondation, …);

- 71 -

Page 75: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

√ modifications importantes du prix de l'énergie et des matières premières (ex. chocs pétroliers de 1973 et 1979);

√ les guerres, l'agitation politique, les grèves ou autres actions/événements qui désorganisent les performances et la structure existante d'une économie (ex. grève des transporteurs routiers);

√ les chocs de productivité engendrés par des modifications de la qualité des facteurs (travail, capital) ainsi que l'introduction de nouvelles techniques de production (ex. révolution informatique, technologies de l'internet, …).

Ce dernier facteur correspond à ce que l'on appelle habituellement le "progrès technique" et constitue le facteur essentiel auquel les théories du cycle économique réel attribuent l'instabilité macroéconomique et les fluctuations de l'activité économique. Les théories du cycle économique réel reposent en effet sur le postulat que le taux de croissance du progrès technique connaît des fluctuations amples et aléatoires qui se propagent. Ces chocs sur l'offre affectent directement la fonction de production et génèrent ainsi des fluctuations de la production et de l'emploi, celles-ci étant la réponse optimale d'individus rationnels. Un élément crucial de la théorie des cycles économiques réels est que l'ampleur des fluctuations de la production et de l'emploi est conditionnée par l'élasticité de l'offre de travail au salaire réel.

5.4.2. Chocs de productivité et cycles économiques Modèle IS-LM avec prix flexibles ( ) ( ) GrITYCY ++−=

( )Y,rLPM

=

( )L,KFYY == Les symboles utilisés désignent les variables suivantes : Y = niveau de la production, C = consommation privée, I = investissement privé, G = dépenses publiques, T = taxes sur le revenu, r = taux d’intérêt réel, M = masse monétaire, P = niveau général des prix, Y = PIB de plein emploi, K = stock de capital et L = nombre d’heures travaillées. Dans le cas où les prix sont parfaitement flexibles, les prix s'ajustent à tout moment de sorte que le niveau de la production soit en permanence à son niveau naturel. Ce modèle détermine trois variables endogènes : Y, r, et P.

Y

r

IS

LM Y

- 72 -

Page 76: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

r REAL AGGREGATESUPPLY

REAL AGGREGATE DEMAND

Y La quantité disponible des facteurs de production et la technologie déterminent l'offre de biens et services, et le taux d'intérêt réel s'ajuste de manière à ce que la demande agrégée égale l'offre. Substitution intertemporelle et offre de travail Au lieu de supposer que l'offre de travail est fixe, comme c'est le cas dans le modèle ci-dessus, la théorie du cycle économique réel suppose que la quantité de travail offerte est déterminée par les incitants qu'ont les individus à travailler : les individus souhaiteront travailler davantage lorsque leur rémunération est bonne, et travailleront par contre moins lorsqu'ils sont mal rémunérés. Le concept de «substitution intertemporelle du travail» désigne la façon dont les individus réallouent le temps de travail au fil du temps. Afin d’illustrer ce concept, prenons l’exemple suivant : Soit un individu qui doit décider de la manière dont il va répartir son offre de travail entre deux périodes27. Le salaire qui lui est proposé à chaque période est : W1 à la période 1, W2 à la période 2. En fin de période 2, le revenu de l’individu sera : W1(1+r) s'il travaille à la période 1 W2 s'il travaille à la période 2 ⇒ Le choix de travailler en période 1 ou en période 2 dépend du «salaire relatif

intertemporel» :

1+ r( )W 1

W 2

Plus le salaire en période 1 est élevé par rapport au salaire en période 2, et plus le taux d'intérêt réel est élevé, plus la quantité de travail offerte en période 1 sera élevée.

- 73 -

27 Il peut par exemple s’agir d’un étudiant qui a le choix de travailler soit en juillet soit en août.

Page 77: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

La théorie du cycle économique réel incorpore la substitution intertemporelle du travail, ce qui implique que le taux d'intérêt influence l'offre de travail et la quantité de biens produite : plus le taux d'intérêt est élevé, plus l'offre de travail sera abondante, et plus le niveau de production sera élevé; il existe donc une relation positive entre le niveau de la production et le niveau du taux d'intérêt.

Y

r Chocs technologiques Soit un choix positif de productivité (c'est-à-dire un chotechnologie existante). Un tel choc a deux effets : • un déplacement de la courbe d'offre agrégée vers la

biens peuvent être produits avec la même quantité de• un déplacement de la courbe de demande agrégée

richesse des individus augmente, d'où une augmentat (N.B. La richesse des individus à la période 1 est égalecourant et futur, soit :

Wealth = Y1 +Y2

1+ r)

Cas 1. Le choc de productivité est temporaire Dans ce cas, la richesse et la consommation des individula courbe de demande est moins prononcé que celui de la Graphique 5.5. Choc de productivité temporaire

A'

r s

Y d′Yd

sY′

- 74 -

REAL AGGREGATESUPPLY

REAL AGGREGATE DEMAND (≡ IS-CURVE)

c qui entraîne une amélioration de la

droite, étant donné que davantage de facteurs de production; vers la droite, étant donné que la ion des dépenses de consommation

à la valeur actualisée de leur revenu

s augmentent peu : le déplacement de courbe d'offre

Y

Y

A

Page 78: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Principaux résultats : • Y augmente • r diminue • C augmente (mais faiblement) • I augmente (en fonction de l'élasticité de l'investissement au taux d'intérêt) • L diminue (en raison de l'impact de la baisse de r sur la substitution intertemporelle du

travail). Commentaires : • La consommation et l'investissement ont un comportement procyclique, tandis que

l'emploi et le taux d'intérêt évoluent de façon contracyclique. • Le comportement cyclique de l'emploi (= nombre d'heures travaillées) est contraire à ce

que l'on observe empiriquement, à savoir que l'emploi tend à augmenter en période d'expansion et à diminuer en période de récession. Ce résultat s'explique par le fait que l'on a négligé l'impact favorable du choc technologique sur la productivité du travail.

• Si la consommation dépend du niveau du taux d'intérêt, la baisse du taux d'intérêt amplifie la hausse initiale de la consommation. Dans la mesure cependant où l'élasticité de la demande d'investissement au taux d'intérêt est élevée, le taux d'intérêt diminue peu et l'augmentation de la consommation reste faible, de sorte que l'essentiel de la variation de la production s'explique par la variation de l'investissement. Ceci met en évidence que les fluctuations de l'investissement isolent la consommation des perturbations économiques.

• Le comportement du taux d'intérêt n'est pas conforme aux observations empiriques. Cas 2. Le choc de productivité est permanent Dans ce cas, l'effet sur la richesse des individus est plus fort, et la consommation augmente plus fortement : le déplacement de la courbe de demande agrégée est plus prononcé que celui de la courbe d'offre. Graphique 5.6. Choc de productivité permanent

A'

sY′

Y d′

Ys r

Principaux résultats• Y augmente (plu

A

Y

Yd

: s fortement que dans le cas où le choc technologique est temporaire)

- 75 -

Page 79: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

• C augmente (plus fortement que dans le cas où le choc technologique est temporaire) • r augmente • I diminue (étant donné la hausse du coût du capital) • L augmente (en raison des effets de substitution intertemporelle du travail induits par la

hausse du taux d'intérêt). Commentaires : • Le comportement de la consommation, du taux d'intérêt et de l'emploi est procyclique, et il

est conforme aux observations empiriques. • Le comportement de l'investissement apparaît en revanche contracyclique, ce qui n'est pas

conforme à l'évidence empirique. Si on considère, par contre, que le choc technologique s'accompagne d'une augmentation de la productivité marginale du capital, la demande d'investissement augmente de façon exogène, et l'investissement retrouve un comportement procyclique.

• Etant donné que l'investissement diminue, les fluctuations de la production sont entièrement dues aux variations de la consommation. La consommation affiche ainsi un comportement procyclique très prononcé, ce qui est également contraire à l'évidence empirique.

5.5. Les enchaînements cycliques selon Adda et Sigogne (1994) L’analyse de Adda et Sigogne (1994) vise à montrer que «les cycles économiques sont avant tout le produit de l’instabilité naturelle des économies de marché et qu’ils résultent fondamentalement des processus endogènes et non des chocs exogènes qui se propagent dans le système économique. N’étant pas à l’origine des fluctuations cycliques, les chocs exogènes auraient plutôt tendance à altérer leur régularité» (p. 55). Partant de cette conception des fluctuations cycliques, l’analyse de Adda et Sigogne va s’attacher à mettre en évidence les éléments essentiels qui sont à l’origine des retournements cycliques. Nous les présenterons ici brièvement (voir l’article pour plus de détails), pour le cas d’un retournement cyclique à la baisse (passage d’une phase d’expansion à une phase de récession). Le mécanisme endogène de retournement conjoncturel présenté par Adda et Sigogne comporte 4 éléments : 1. La saturation des capacités d’offre A un moment de la phase d’expansion, les entreprises vont rencontrer un problème de pénurie d’un ou de plusieurs facteurs de production (équipement, matières premières, travail). A court terme, les différents facteurs de production sont peu substituables et leur offre est faiblement élastique, ce qui conduit inévitablement à un blocage physique de la croissance. Pour remédier à ce problème de capacité, les entreprises vont décider d’investir, mais en agissant toutes ainsi, elles ne vont qu’accentuer le problème de saturation de l’offre : compte tenu du délai nécessaire pour que l’investissement vienne effectivement renforcer les capacités de production, l’augmentation de l’investissement ne va en fait qu’exacerber les tensions présentes au niveau de la demande. 2. Les tensions sur le partage de la valeur ajoutée Du fait de leur pénurie, les facteurs de production vont voir leurs prix augmenter (augmentation du coût des matières premières, hausse du coût salarial, …). Simultanément, l’efficacité marginale des différents facteurs de production va avoir tendance à diminuer. Alors qu’au début de la phase expansion, les entreprises utilisent les travailleurs les plus qualifiés et les équipements les plus performants, au fur et à mesure que l’expansion se prolonge, les entreprises vont, pour pouvoir continuer à produire, faire appel à des travailleurs avec une moins bonne qualification et utiliser des équipements moins performants.

- 76 -

Page 80: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Compte tenu de la hausse des salaires et de la baisse de la productivité marginale du travail, ces deux effets étant la conséquence des tensions apparues sur le marché du travail, il s’ensuit une augmentation des coûts salariaux par unité produite et, corollairement, une diminution du taux de profit des entreprises. Sous l’hypothèse que le taux de profit constitue un déterminant important de l’investissement, le redressement des coûts unitaires de main-d’œuvre entraîne une contraction de l’investissement, et avec elle, de la production et de l’emploi. Ce processus va se prolonger jusqu’à ce que le partage de la valeur ajoutée se réinfléchisse en faveur des profits. 3. Le relèvement du taux d’épargne On assiste au milieu de la phase d’expansion à une hausse du taux d’épargne des ménages (pour les raisons de cette hausse, voir l’article), qui a pour effet de ralentir la progression des dépenses de consommation. Cette inflexion dans le taux de croissance de la consommation n’est pas perçue immédiatement par les entreprises, qui continuent à poursuivre leurs efforts d’investissement sur la base du taux de croissance passé de la demande. Compte tenu de ce processus, les entreprises vont à un moment donné se retrouver avec des capacités de production excédentaires, qui va également encourager la baisse de l’investissement. 4. Les tensions financières et le durcissement de la politique monétaire Le dernier élément qui contribue au retournement conjoncturel est un renchérissement du crédit. Celui-ci a deux origines. D’une part, il est la conséquence d’une augmentation des besoins de financement externe des entreprises, dont les profits ne sont plus suffisants pour leur permettre de financer en interne l’extension de leurs capacités de production. La demande de crédit des ménages est également en hausse, la période d’expansion étant propice à une reprise des achats de biens durables et des investissements immobiliers. D’autre part, la saturation des capacités d’offre implique un risque inflationniste accru, ce qui pousse les autorités monétaires à relever leurs taux directeurs. La remontée des taux d’intérêt a pour conséquence une éviction de la demande de crédit des ménages et une chute de l’investissement immobilier, d’une part, et une réduction des plans d’investissement des entreprises, d’autre part. L’impact conjoncturel de la remontée des taux d’intérêt est accentué par un niveau d’endettement qui s’est accru durant la phase de croissance. Le retournement conjoncturel s’explique donc également par la nécessité d’assainir les bilans. En résumé, pour Adda et Sigogne, le retournement conjoncturel est avant tout précipité par une contraction de l’investissement productif, laquelle est due à l’émergence de capacités de production excédentaires (en raison d’une surestimation de la demande), à une diminution des capacités de financement interne des entreprises et au renchérissement du crédit. Références (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) (*) Adda, Jacques, et Philippe Sigogne, «Eléments pour une approche endogène des retournements conjoncturels», Chapitre 2, Les cycles économiques (eds. J.-P. Fitoussi et P. Sigogne), Volume 1, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1994. Dornbusch, R. (1987), «How Real is U.S. Prosperity». Meltzer, Lloyd, «The Nature and Stability of Inventory Cycles», Review of Economic Statistics, February1941, pp.113-129.

- 77 -

Page 81: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Samuelson, Paul, «Interactions Between the Multiplier Analysis and the Principal of Acceleration», Review of Economic Statistics, May 1939, Vol.21, pp.75-78. Lectures complémentaires (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) Blanchard, Olivier, «Consumption and the Recession of 1990-1991», American Economic Review Papers and Proceedings, May 1993, vol. 83, n°2, pp. 270-274. (*) Hall, Robert, «Macro Theory and the Recession of 1990-1991», American Economic Review Papers and Proceedings, May 1993, Vol. 83, n°2, pp. 275-279. Hansen, Gary, and Edward Prescott, «Did Technology Shocks Caused the 1990-1991 Recession ?», American Economic Review Papers and Proceedings, May 1993, Vol. 83, n°2, pp. 280-286. Krugman, Paul, «The Hangover Theory : Are recessions the inevitable payback for good times» (*) The Economist, «America’s Economy. What a peculiar cycle», March 10th 2001. (*) The Economist, «A global game of dominoes», August 25th 2001. Romer, Christina, and David Romer, «What Ends Recession», NBER Macroeconomic Annual, 1994, n°9, pp. 13-57. Romer, Christina, and David Romer, «Monetary Policy Matters», Journal of Monetary Economics, August 1994, 33, pp. 75-88. Walsh, Carl, «What Caused the 1990-91 Recession ?», Federal Reserve Bank of Saint Louis Economic Review, 1993, Number 2, pp. 33-48.

- 78 -

Page 82: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

CHAPITRE 6. LA STABILISATION DU CYCLE ECONOMIQUE Aux Etats-Unis, on observe que les fluctuations du cycle économique ont sensiblement perdu de leur amplitude à partir du début des années 1980. C’est aussi le cas dans les autres pays industrialisés, même si la réduction de la volatilité cyclique ne s’est pas observée au même moment qu’aux Etats-Unis. Une réduction de l’amplitude du cycle économique a plusieurs implications importantes. En supposant que le rythme potentiel de croissance est constant, il en résulte que l’on devrait connaître moins souvent des périodes de récession, durant lesquelles la croissance est négative28. Autrement dit, les périodes d’expansion devraient s’allonger, ce que l’expérience des dernières décennies semble confirmer (cf. chapitre 4). A cet égard, aux Etats-Unis, le rythme de la croissance n’a plus été négatif à partir de 1984, sauf durant la courte récession de 1990-91 et au troisième trimestre 2001. Si les fluctuations de la croissance sont plus stables, l’évolution de la croissance devrait pouvoir être prévue plus facilement. Une diminution de la volatilité cyclique implique également moins d’incertitude, ce qui devrait permettre aux entreprises de mieux planifier leur production et leurs projets d’investissements. D’un point de vue financier, moins d’incertitude implique des primes de risques moins élevées, et donc des taux d’intérêt plus bas. Compte tenu de ces implications, il est crucial de pouvoir déterminer si la réduction de la volatilité cyclique que l’on observe depuis environ 20 ans est un phénomène temporaire ou s’il s’agit plutôt d’une situation qui devrait se prolonger à l’avenir. C’est la raison pour laquelle de nombreux travaux ont tenté de mettre en évidence les facteurs qui sont à l’origine de cette réduction de l’amplitude du cycle économique. 6.1. Principaux faits Aux Etats-Unis, la volatilité du cycle économique a diminué environ de moitié au début des années 1980 : comparaison entre la période avant 1984q1 et après 1984q1 (cf. tableau 6.1 et graphiques 6.1)29. Dans les autres principaux pays industrialisés, on constate également une baisse significative de la volatilité du cycle économique (cf. Stock et Watson, 2003, tableau 1 et graphique 2 ), mais la rupture n’a pas eu lieu nécessairement au même moment qu’aux Etats-Unis (cf. Summers, 2005, tableau 1). La diminution de la volatilité cyclique se marque également au niveau d’autres mesures de l’activité économique : emploi, production de biens durables, investissement, formation des stocks, consommation, … Par exemple, aux Etats-Unis, entre la période 1960-83 et 1984-2002, la volatilité du taux de croissance annuelle de l’emploi non agricole a diminué d’environ 30 %, celui des prix d’environ 50 %, et la volatilité des taux d’intérêt à court terme s’est réduite d’environ 25 % (cf. Stock et Watson, 2003, tableau 3) Du point de vue de la demande, la réduction de l’amplitude du cycle économique est due avant tout à une plus grande stabilité des dépenses de consommation des ménages, d’une part, et de la formation des stocks, d’autre part. (cf. tableau 6.2; voir également McConnell, Mosser and Perez Quiros (1999, tableau 3)).

28 Dans le cas de certains pays, notamment les Etats-Unis, il semble par ailleurs que le niveau de la croissance

potentielle s’est relevé de façon importante à partir du milieu des années 1990s. 29 La volatilité du cycle économique est mesurée par la variance (ou l’écart-type) du taux de croissance

(annuel ou trimestriel) du PIB réel. Dans certaines études (par exemple Gordon, 2005), la volatilité du cycle économique est également mesurée par la variance (ou l’écart-type) de l’écart de production, ceci pour tenir compte du fait que les variations de la croissance peuvent être en partie due à des variations dans le rythme potentiel de croissance de l’activité économique. L’écart de production («output gap») est défini comme le logarithme du ratio entre le niveau effectif du PIB et le niveau potentiel du PIB.

- 79 -

Page 83: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Du point de vue de l’offre, le secteur de production qui a enregistré la plus forte baisse de volatilité est le secteur comprenant l’industrie et le commerce (cf. Irwine and Schuh, 2002, tableau 1), en particulier le secteur de production des biens durables. Ainsi, entre les périodes 1953-83 et 1984-2001, la variance du taux de croissance trimestrielle de la production a été réduite d’environ 50 % dans le secteur de biens durables, mais de seulement 25 % dans le secteur des biens non durables (cf. Kahn, McConnell, et Perez-Quiros, tableau 4).

Tableau 6.1. Volatilité de la croissance du PIB réel américain et de ses composantes

1950 – 1983 1984 – 2005Ratio of 1984 – 2005

to 1950 – 1983 (%)

PIB réel 3,0 1,6 51 Consommation de biens durables 9,4 4,9 52 Consommation de biens non-durables

1,9 1,2 62

Consommation de services 1,2 0,9 74 Investissement fixe en équipement

9,1 6,7 74

Investissement fixe en bâtiment 7,0 8,4 119 Investissement résidentiel 16,7 7,5 45 Formation des stocks* 1,5 1,3 86 Dépenses publiques (Gouv. Féd.) 11,6 3,8 33 Dépenses publiques (State and Local Government)

2,9 1,7 57

Exportations 9,7 5,3 55 Importations 8,9 5,6 63 Consommation totale 2,3 1,2 52 Investissement total 13,4 8,6 64 Dépenses publiques totales 6,9 2,0 29

Part moyenne dans le PIB nominal

1950 – 1983(%)

1984 – 2005(%)

Ratio of 1984 – 2005 to 1950 – 1983

(%) Consommation de biens durables 8,5 8,5 100 Consommation de biens non durables

27,3 20,6 76

Consommation de services 26,7 38,1 143 Investissement fixe en équipement

6,5 7,9 121

Investissement fixe en bâtiment 3,9 3,2 81 Investissement résidentiel 4,9 4,5 91 Formation des stocks 0,8 0,5 59 Dépenses publiques (Gouv. Féd.) 11,4 7,7 68 Dépenses publiques (State and Local Government)

10,0 11,5 115

Exportations 6,1 9,7 159 Importations - 6,0 - 12,1 202

Note : la volatilité est mesurée par l’ écart-type des taux de croissance annuelle sur chaque période Rappel statistique utile : si y = x + z, alors var (y) = var(x) + var(z) + 2cov(x, z), où var(.) = variance et cov(.) = covariance. Source : Gordon (2005, tableau 1)

- 80 -

Page 84: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Tableau 6.2. Contributions à la volatilité du taux de croissance annuel du PIB américain

1950 – 1983 1984 – 2005Différence

1950 – 1983 vs. 1984 – 2005

Pourcentage de contribution à la somme des composantes

PIB réel 3,14 1,61 - 1,53 Somme des composantes 7,48 4,57 - 2,91 100,0 Consommation de biens durables 0,83 0,42 - 0,41 14,2 Consommation de biens non durables

0,55 0,25 - 0,30 10,2

Consommation de services 0,35 0,33 - 0,02 0,7 Investissement fixe en équipement

0,59 0,55 - 0,05 1,6

Investissement fixe en bâtiments 0,30 0,29 0,00 0,0 Investissement résidentiel 0,83 0,32 - 0,51 17,4 Formation des stocks 1,25 0,73 - 0,51 17,6 Dépenses publiques (Gouv. féd.) 1,44 0,31 - 1,13 38,9 Dépenses publiques (State and local government)

0,26 0,19 - 0,08 2,7

Exportations 0,53 0,52 - 0,01 0,5 Importations 0,55 0,66 0,11 - 3,8 Note : la volatilité du taux de croissance du PIB américain est décomposée en fonction de la volatilité de la contribution des différentes composantes de la demande à la croissance du PIB Source : Gordon (2005, tableau 3)

- 81 -

Page 85: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 6.1. La volatilité du cycle économique aux Etats-Unis

(a) Pourcentage de variation trimestrielle du PIB américain

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

5

janv

-47

janv

-50

janv

-53

janv

-56

janv

-59

janv

-62

janv

-65

janv

-68

janv

-71

janv

-74

janv

-77

janv

-80

janv

-83

janv

-86

janv

-89

janv

-92

janv

-95

janv

-98

janv

-01

janv

-04

Trimestres

Pour

cent

age

de v

aria

tion

trim

estri

elle

(b) Pourcentage de variation annuelle du PIB américain

-4-202468

101214

janv

-47

janv

-50

janv

-53

janv

-56

janv

-59

janv

-62

janv

-65

janv

-68

janv

-71

janv

-74

janv

-77

janv

-80

janv

-83

janv

-86

janv

-89

janv

-92

janv

-95

janv

-98

janv

-01

janv

-04

Trimestres

Pour

cent

age

de v

aria

tion

annu

elle

(c) Ecart-type sur 20 trimestres du taux de croissance trimestrielle du PIB réel américain

0,00,20,40,60,81,01,21,41,61,8

janv

-47

janv

-50

janv

-53

janv

-56

janv

-59

janv

-62

janv

-65

janv

-68

janv

-71

janv

-74

janv

-77

janv

-80

janv

-83

janv

-86

janv

-89

janv

-92

janv

-95

janv

-98

janv

-01

janv

-04

Trimestres

%

(d) Ecart-type sur 20 trimestres du taux de croissance annuelle

du PIB réel américain

0,00,51,01,52,02,53,03,54,04,55,0

janv

-47

janv

-50

janv

-53

janv

-56

janv

-59

janv

-62

janv

-65

janv

-68

janv

-71

janv

-74

janv

-77

janv

-80

janv

-83

janv

-86

janv

-89

janv

-92

janv

-95

janv

-98

janv

-01

janv

-04

Trimestres

%

Source : Datastream Calculs : auteur

- 82 -

Page 86: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

6.2. Facteurs explicatifs de la réduction de la volatilité cyclique

depuis le début des années 1980s Si on se réfère au schéma 5.1, un changement dans l’amplitude du cycle économique peut provenir, soit d’une modification au niveau des chocs qui perturbent l’activité économique, soit d’une modification au niveau des mécanismes qui déterminent la transmission de ces chocs à l’ensemble de l’économie. D’un côté, la stabilisation du cycle économique depuis 20 ans découlerait en partie du fait que les chocs ont été moins abrupts et moins fréquents au cours de cette période. D’un autre côté, la stabilisation du cycle économique serait en partie de nature structurelle. Les principaux facteurs évoqués à ce niveau sont une plus grande efficacité de la politique monétaire, la tertiarisation de l’économie, la libéralisation des marchés financiers et surtout, une diminution de l’instabilité due aux stocks. 6.2.1. «Good luck» L’idée est que, depuis le début des années 1980, l’économie mondiale a dû faire face moins fréquemment que durant la période précédente à des chocs déstabilisateurs et/ou les chocs qui sont néanmoins survenus ont été moins importants que par le passé. Par exemple, depuis les années 80, malgré de fortes hausses des prix pétroliers à plusieurs reprises (1979-1980, 1990-91, 2000-2001, 2004-2005), l’économie mondiale n’a pas eu à subir un choc pétrolier aussi fort que celui des années 1974-75. A cela vient s’ajouter le fait que la politique monétaire a disposé de davantage de marge de manœuvre pour contrer ces chocs. 6.2.2. Plus grande efficacité de la politique monétaire La politique monétaire n’influence pas les fluctuations de la croissance de façon directe, mais de façon indirecte par son impact sur la volatilité de l’inflation. On estime qu’au cours des 20 dernières années, la politique monétaire est devenue nettement plus efficace pour assurer la stabilité des prix. Explications du lien entre volatilité de l’inflation et volatilité cyclique :

i. une plus grande stabilité de l’inflation implique moins d’incertitude;

ii. si l’inflation devient plus stable, on peut s’attendre à ce que les anticipations d’inflation le deviennent également, ce qui donne davantage de marges de manœuvre aux autorités monétaires pour faire face à des chocs déstabilisateurs (chocs pétroliers, catastrophes naturelles, ….).

Ainsi, le fait que le choc pétrolier de 2004-2005 n’ait eu qu’un impact limité sur l’économie mondiale est dû en partie à la crédibilité acquise par de nombreuses banques centrales (Fed, BCE, BoE, …) en matière de lutte contre l’inflation. De même, l’assouplissement monétaire important opéré la Fed après les attentats de 11 septembre a probablement permis de limiter leur impact économique. 6.2.3. Tertiarisation de l’économie Un autre facteur souvent évoqué pour expliquer la plus grande stabilité des fluctuations cycliques depuis le milieu des années 80 est l’importance croissance du secteur des services dans l’activité économique globale, phénomène que l’on désigne généralement sous le terme de «tertiarisation»30. On constate en effet que l’activité des services est nettement moins 30 Les principales activités qui composent le secteur des services sont : banques, assurances, transport et

communication, services aux entreprises (comptabilité, gestion de personnel, …), services publics (administration, éducation, santé, …).

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volatile que l’activité d’autres secteurs, en particulier celui de l’industrie et du commerce31. Selon plusieurs études, l’impact de ce facteur sur la volatilité du cycle semble toutefois être assez minime (cf. Blanchard and Simon (2001), Stock and Watson (2002, 2004)). 6.2.4. Déréglementation et libéralisation des marchés financiers Les efforts de déréglementation et de libéralisation des marchés financiers sont également susceptibles d’avoir contribué à stabiliser les fluctuations des cycles économiques. Bien que certaines études, par exemple Dynan et allii (2005) suggèrent qu’il en fut effectivement ainsi, l’impact exercé par la libéralisation financière sur l’amplitude des cycles économiques est de façon générale ambigu. D’un côté, si l’on considère que la libéralisation financière implique un accès plus facile et moins cher au crédit pour les ménages et les entreprises, les dépenses de ceux-ci devraient être moins sensibles à des évolutions défavorables de leurs revenus et de leur liquidité, ce qui devrait avoir une influence stabilisatrice sur la consommation et l’investissement. Par exemple, aux Etats-Unis, profitant de la forte hausse des prix immobiliers au cours des dernières années, de nombreux ménages américains ont refinancé leur emprunt hypothécaire pour un montant plus élevé, ce qui a soutenu le rythme de la consommation et a par ce biais atténué la récession de 200132. D’un autre côté, si la libéralisation financière s’accompagne d’une hausse des taux d’endettement, la sensibilité des dépenses de consommation et d’investissement à des variations des taux d’intérêt pourrait s’en trouver accrue. De même, un accroissement de la détention par les ménages d’actifs financiers (actions, obligations, sicav, …) rend l’évolution de la consommation vraisemblablement plus sensible à des variations du prix des actifs financiers. Pour les entreprises, dans la mesure où la «qualité» de leur bilan dépend en partie de la valeur des actifs qu’elles détiennent, leur capacité à emprunter va également varier davantage en fonction de l’évolution du prix des actifs financiers. Elle aura désormais tendance à se détériorer lorsque les prix des actifs financiers chutent, ce qui est souvent le cas en période de récession, ce qui aura pour effet d’amplifier la récession (= phénomène de l’accélérateur financier, cf. chapitre 5). 6.2.5. Diminution de la contribution des stocks à la variabilité de la croissance

économique Le rôle que certains auteurs attribuent à la formation des stocks dans la modération du cycle économique découle de plusieurs constats : i. Dans le secteur de l’industrie et du commerce, qui est le principal secteur où l’on

enregistre une activité de stockage importante, la volatilité de la production a diminué nettement plus que dans le secteur des services : selon Irwine et Schuh (2002, cf. tableau 1), entre 1959-83 et 1984-2002, la volatilité de la production a diminué de 75 % dans le secteur de l’industrie et du commerce, alors qu’elle est restée inchangée dans les services.

ii. Aux Etats-Unis, à partir du milieu des années 80, la volatilité de la production a diminué d’environ 70 % dans le secteur automobile, qui fait partie des secteurs d’activité qui ont mis en place à une large échelle les nouvelles méthodes de gestion des stocks («just-in-time»).

iii. Dans le secteur des biens durables, la volatilité des ventes n’a pas diminué aussi fortement que celle de la production. Ainsi, Kahn et alii (2002, tableau 4) montrent que la variance du taux de croissance trimestrielle de la production a diminué nettement plus que celui des

31 Une explication de la moindre volatilité de l’activité des services par rapport à celle de l’industrie est que

l’activité de stockage est très peu présente dans les services. 32 Par exemple, il est aujourd’hui plus facile pour un ménage américain d’obtenir un crédit automobile qu’il

ne l’était il y a 30 ans. Il y a trois décennies, pour obtenir un crédit automobile, un ménage américain devait en moyenne donner un acompte de 13 % sur l’achat du véhicule et la période de remboursement du prêt était d’environ 40 mois. Aujourd’hui, l’acompte n’est plus en moyenne que de 8 % et la période de remboursement est de 54 mois.

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ventes entre la période 1953-83 et la période 1984-2001. Sachant que Y = S + ∆I (Y= production, S=ventes, ∆I = variations des stocks), ce résultat suggère un changement dans le comportement de stockage à partir des années 80.

iv. Dans le secteur de l’industrie et du commerce, le ratio stocks/ventes a fortement diminué à

partir du milieu des années 1980s. L’effet modérateur exercé par les stocks s’explique de diverses manières. 1. Un premier argument met l’accent sur le fait que, grâce aux nouvelles technologies de

l’information, les entreprises ont la capacité de mieux prévoir la demande pour leurs produits (voir l’exemple de Kahn, McConnell, et Perez-Quiros, 2002). Par exemple, la firme JCPenney a mis au point un système qui lui permet de relever le niveau de ventes de ses produits directement auprès des caisses enregistreuses. De cette manière, la firme peut évaluer en temps réel ses ventes et ajuster sa production en conséquence plutôt que de déterminer le niveau de sa production en fonction de prévisions de ventes qui lui sont fournies par les gérants de ses différents points de vente. (cf. Siems, 2005). Autre exemple : lorsque vous commandez on-line un ordinateur Dell, les caractéristiques de votre commande sont directement transmises aux différents fournisseurs de Dell. Les nouvelles technologies de l’information ont donc permis aux entreprises de saisir plus rapidement et avec plus de fiabilité l’information dont elles ont besoin pour produire. Cela est crucial surtout lorsque les intermédiaires entre le client et le producteur sont nombreux car, au plus il y a d’intermédiaires, au plus l’erreur d’information tend à s’amplifier (voir l’exemple de Procter & Gamble dans Siems, 2005).

Pour illustrer cet argument, repartons à nouveau de l’exemple 1 du chapitre 5. Pour rappel,

on a, dans la situation de départ (mois 0), les paramètres de production suivants : Y = 20.000, S = 20.000, I*/S = 2, I = 40.000 et I* = 40.000. Supposons maintenant que la demande de véhicules augmente soudainement de 5.000 unités. Nous allons considérer successivement le cas où l’entreprise prévoit de façon imparfaite l’évolution des ventes et celui où elle a une prévision parfaite.

Cas 1. Information imparfaite Dans ce cas-ci, on suppose que le constructeur automobile ne connaît que de façon

imparfaite l’état de la demande, ce qui se traduit concrètement par le fait que le nombre de véhicules qu’il décide de produire au cours d’un mois donné est égal au nombre de véhicules vendus au cours du mois qui précède. On obtient alors les résultats suivants :

Mois 1 Y = 20.000 S = 25.000 S* = 20.000 (les prévisions de ventes sont égales aux ventes de la période qui

précède) I = 35.000 (le niveau des stocks à la fin du mois est de 35.000 véhicules) I* = 50.000 (le niveau désiré des stocks à la fin du mois est de 50.000 véhicules) ∆I = -5.000 (les ventes étant supérieures à la production, les stocks diminuent au

cours du mois) Mois 2 Y = 40.000 (= 25.000 + (50.000 – 35.000)) S = S* = 25.000 I = I* = 50.000 ∆I = +15.000 (les entreprises ajustent leurs stocks au niveau désiré I*) Mois 3

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Y = 25.000 S = S* = 25.000 I = I* = 50.000 ∆I = 0 (les stocks ayant atteint leur niveau objectif à la fin du mois 2 et la production

étant égale aux ventes, les stocks ne varient plus) Cas 2. Information parfaite On considère à présent que l’entreprise perçoit immédiatement la hausse de ses ventes et

qu’elle ajuste en conséquence le niveau de sa production. Mois 1 Y = 35.000 ( = 25.000 + (50.000 – 40.000) S = 25.000 S* = 25.000 I = 50.000 (le niveau des stocks à la fin du mois est de 50.000 véhicules) I* = 50.000 (le niveau désiré des stocks à la fin du mois est de 50.000 véhicules) ∆I = +10.000 (en début de mois, le constructeur ne détient que 40.000 véhicules en

stocks; il va donc accroître ses stocks de 10.000 pour les amener au niveau désiré) Mois 2 Y = 25.000 S = S* = 25.000 I = I* = 50.000 ∆I = 0 (les stocks ayant atteint leur niveau objectif à la fin du mois précédent et la

production étant égale aux ventes, les stocks ne varient plus) Mois 3 Y = 25.000 S = S* = 25.000 I = I* = 50.000 ∆I = 0 Si on calcule la moyenne et l’écart-type de la production sur les mois 0 à 4 dans les deux

cas envisagés, on obtient les résultats suivants : Information imparfaite Information parfaite Moyenne 26.250 26.250 Ecart-type 9.465 6.292 Dans les deux cas, la moyenne de la production est identique, mais la volatilité de la

production est nettement supérieure dans le cas où l’entreprise n’a qu’une information imparfaite sur l’état de la demande. Ce résultat conduit à la conclusion que plus les entreprises prévoient rapidement et de façon fiable l’évolution de leurs ventes, au moins la volatilité du cycle des stocks et donc celle du cycle économique général est élevée.

2. Selon de nombreuses études, l’atténuation des fluctuations cycliques provoquées par les variations de stocks résulte également de l’application des nouvelles technologies de gestion des stocks («just-in-time»), dans la mesure où ces techniques ont eu pour effet de diminuer parfois très fortement le niveau des stocks qui sont détenus par les entreprises. D’une part, en ce qui concerne leurs achats de matériel et de biens intermédiaires, les entreprises se font livrer plus souvent, en fonction des besoins de la production, et d’autre part, le rythme de la production suit de façon étroite l’évolution des ventes. L’application des méthodes «just-in-time» a donc eu pour effet de réduire assez fortement le ratio I*/S. Dans certaines entreprises, le niveau des stocks a ainsi été ramené au minimum nécessaire.

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Par exemple, en 1996, Dell détenait des stocks pour environ 31 jours de ventes ; aujourd’hui, le nombre de jours de stocks est tombé à 4.

On peut illustrer l’impact de ces nouvelles méthodes de gestion sur la volatilité du cycle

économique assez simplement. Reprenons à nouveau les données de l’exemple 1 ci-dessus. On part donc d’une situation où Y = 20.000 et S = 20.000, et on suppose que l’entreprise enregistre une diminution de 2.000 unités de ses ventes. Comme on l’a vu ci-dessus, si I*/S = 2, la production se contracte de 6.000 unités suite à la baisse de la demande. Si on fixe maintenant I*/S = 1, de combien diminue à présent le volume de la production ? On calculera facilement que, dans ce cas, la production se contracte de seulement 4.000 unités33.

A partir de l’exemple 2 ci-dessus, on peut également montrer que l’application du «just-

in-time» a contribué à stabiliser le cycle économique en permettant à la production de s’ajuster plus rapidement aux variations de la demande. Pour vous en rendre compte, il vous suffit d’adapter l’exemple 2 en considérant que le constructeur automobile ajuste sa production 2 mois (et non pas 1 mois) après la survenance du choc. Dans ce cas-ci, on a une chute de la production de 10.000 unités au cours du 3ème mois, alors dans l’exemple initial, la production se contracte de 8.000 unités au 2ème mois !

Par ailleurs, grâce aux nouvelles méthodes de gestion des stocks, la production et les

ventes sont moins liées entre différents secteurs d’activité. Par exemple, si un secteur est en rupture de stocks (par un secteur produisant des pièces détachées pour le secteur automobile), cela risque moins de déstabiliser la production et les ventes dans d’autres industries (par exemple, dans le secteur automobile dans la mesure où ce secteur a diversifié ses fournisseurs).

3. Certaines études mettent en évidence que la corrélation entre les ventes et la formation des

stocks est négative sur la période débutant à partir du milieu des années 1980, alors qu’elle était positive auparavant. De procyclique, la formation des stocks est donc devenue contra-cyclique, ce qui induit indubitablement une plus grande stabilité dans les fluctuations de la croissance économique. Par exemple, Kahn, McConnell et Perez-Quiros (2002, tableau 5) obtiennent, pour la période 1959-83, une corrélation égale à 2.7 entre les ventes et les stocks et une corrélation de – 4.1 pour la période 1984-200134.

Références (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) Blanchard, 0. and J. Simon (2001), «The Long and Large Decline in U.S. Output Volatility», Brookings Papers on Economic Activity, vol.32 (n°1), pp. 135-164. Dynan, K. , D. Elmendorf, and D. Sichel (2005), «Can Financial Innovation Explain the Reduced Volatility of Economic Activity», Finance and Economics Discussion Series n°2005-54, Federal Reserve Board, Wahington, D.C. Filardo, A. (1995), «Recent Evidence on the Muted Inventory Cycle», Federal Reserve Bank of Kansas City Economic Review, Second Quarter, pp. 27-43. Gordon, R. (2005), «What Caused the Decline in U.S. Business Cycle Volatility», CEPR Discussion Paper n°5413.

33 Suite à la diminution de la demande, le niveau de la production est en effet fixé à 16. 000. Le calcul est : Y

= S (= 18.000) + ∆I = (18.000 – 20.000) ! 34 Précisément, la corrélation qui est calculée fait intervenir la contribution des ventes et la contribution des

variations de stocks à la croissance trimestrielle de la production de biens durables.

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Page 91: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Irvine, O. and S. Schuh (2002), «Inventory Investment and Output Volatility», Federal Reserve Bank of Boston, Working Paper. Irvine, O. and S. Schuh (2004), «The Roles of Comovement and Inventory Investment in the Reduction of Output Volatility», Federal Reserve Bank of Boston, Working Paper. Kahn, J., and M. McConnell (2002), «Has Inventory Returned ? A Look at the Current Cycle», Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, Vol. 8, n°5. (*) Kahn, J., M. McConnell, and G. Perez Quiros (2002), «On the Causes of the Increased Stability of the U.S. Economy», Economic Policy Review, Federal Reserve Bank of New York, vol. 8, Number 1, pp. 183-206. (*) McConnell, M., P. Mosser, and G. Perez Quiros (1999), «A Decomposition of the Increased Stability of GDP Growth», Current Issues in Economics and Finance, Federal Reserve Bank of New York, Vol. 5, n°13. McConnell, M. and G. Perez Quiros (2000), «Output Fluctuations in the United States : What Has Changed Since the Early 1980’s», American Economic Review, vol.90, n°5, pp.1464-1476. Stock, J. and M. Watson (2002), «Has the Business Cycle Changed and Why», NBER Macroeconomics Annual 2002, pp. 159-218. Stock, J. and M. Watson (2003), «Has the Business Cycle Changed ? Evidence and Explanations», in Monetary Policy and Uncertainty : Adapting to a Changing Economy, Federal Reserve Bank of Kansas City, pp. 9-56. (*) Summers, P. (2005), «What Caused The Great Moderation ? Some Cross-Country Evidence», Reserve Bank of Kansas City Economic Review, Third Quarter 2005, pp. 5-32. Lectures complémentaires (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) (*) Morgan, D. (1991), «Will Just-In-Time Inventory Techniques Dampen Recessions», Federal Reserve Bank of Kansas City Economic Review, pp. 21-33. (*) Karras, Georgios, Jin Man Lee, and Houston Stokes, «Why are postwar cycles smoother ? Impulses or propagation ?», Journal of Economics and Business, 2006, 58, pp. 392-406. Romer, Christina, and David Romer, «Changes in Business Cycles : Evidence and Explanations», Journal of Economic Perspectives, Spring 1999, Volume 13, Number 2, pp. 23-44. Siems, Th. (2005), «Supply Chain Management : The Science of Better, Faster, and Cheaper», Federal Reserve Bank of Dallas Southwest Economy, Issue 2, pp. 1, 7-12.

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CHAPITRE 7. LA SYNCHRONISATION INTERNATIONALE DES CYCLES ECONOMIQUES

L’intégration croissance des économies au niveau international se reflète dans une synchronisation relativement forte entre les cycles économiques nationaux, du moins en ce qui concerne les pays industrialisés. Par exemple, la récession qu’ont connu les Etats-Unis en 2001 s’est accompagnée d’un ralentissement de l’activité économique dans un grand nombre de pays, dont les pays européens, ce qui s’est traduit par un ralentissement général de l’activité économique mondiale. 7.1. La synchronisation internationale des cycles économiques :

illustration rapide Le tableau 7.1 donne une illustration du degré de synchronisation internationale des cycles économiques. La synchronisation des cycles économiques est mesurée par la corrélation des taux de croissance du PIB entre un pays de référence (l’Allemagne ou les Etats-Unis) et plusieurs pays industrialisés (France, Italie, Espagne, Belgique, Canada, Royaume-Uni, Japon). La croissance du PIB est mesurée de deux manières différentes : d’une part sur un horizon de 1 an, d’autre part, sur un horizon de 1 trimestre. Pour rappel, la corrélation entre deux variables A et B est égale à la covariance entre les deux variables divisée par le produit des écarts-type des deux variables :

Corrélation (A,B) = covariance (A,B)/(écart-type (A) x écart-type (B)) Différentes corrélations sont présentées dans le tableau 7.1. Il s’agit d’une part de la corrélation entre les valeurs contemporaines du taux de croissance du PIB de chaque pays considéré avec le pays de référence (corr. contemp.). Il s’agit d’autre part de la corrélation maximale obtenue en mettant en relation le taux de croissance du PIB du pays de référence avec les valeurs retardées et avancées du taux de croissance du pays considéré (corr.max). Le nombre de trimestres de décalage qui correspond à la corrélation maximale est ensuite indiqué (lead/lag). Par exemple, si «lead/lag» = -2, cela signifie que la corrélation maximale entre le pays de référence et le pays considéré est maximale lorsque la valeur du taux de croissance du PIB du pays considéré est retardée d’une période, ce qui suggère que le cycle économique du pays considéré est avancé de deux trimestres par rapport au cycle du pays de référence.

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Tableau 7.1. La synchronisation internationale des cycles économiques : 1993-2002

Taux de croissance annuel Taux de croissance trimestriel

Réf = All. Réf. = E.U. Réf = All. Réf. = E.U. Corr. contemp. 1,00 0,55 1,00 0,43 Corr. max. 1,00 0,61 1,00 0,43 Allemagne Lead/lag 0 1 0 0 Corr. contemp. 0,80 0,47 0,33 0,30 Corr. max. 0,80 0,72 0,47 0,47 France Lead/lag 0 2 -1 2 Corr. contemp. 0,78 0,23 0,07 0,12 Corr. max. 0,81 0,43 0,46 0,32 Italie Lead/lag 1 2 -1 4 Corr. contemp. 0,74 0,42 0,36 0,17 Corr. max. 0,74 0,62 0,36 0,39 Espagne Lead/lag 0 3 0 5 Corr. contemp. 0,91 0,6 0,47 0,55 Corr. max. 0,91 0,67 0,47 0,55 Belgique Lead/lag 0 1 0 0 Corr. contemp. 0,55 1,00 0,43 1,00 Corr. max. 0,55 1,00 0,43 1,00 Etats-Unis Lead/lag 0 0 0 0 Corr. contemp. 0,65 0,76 0,36 0,54 Corr. max. 0,77 0,77 0,40 0,54 Canada Lead/lag -1 1 -2 0 Corr. contemp. 0,60 0,59 0,14 0,32 Corr. max. 0,69 0,59 0,34 0,33 Royaume-

Uni Lead/lag -1 0 -1 -1 Corr. contemp. 0,24 0,28 -0,08 -0,07 Corr. max. 0,35 0,31 0,27 0,29 Japon Lead/lag -1 -1 5 -1

Source : P. Pérez, D. Osborn, and M. Sensier, «Business Cycle Affiliations in the Context of European Integration», Discussion Paper n°29, Centre for Growth and Business Cycle Research, the University of Manchester, December 2003. Les principaux résultats qui se dégagent du tableau sont les suivants : • Il existe une forte synchronisation entre le cycle allemand et le cycle des autres pays

européens (à noter cependant l’avance de 1 trimestre du cycle de la France et de l’Italie lorsqu’on prend les taux de croissance trimestriels);

• Le cycle américain est avancé de 1 à 3 trimestres (voir les taux de croissance annuels) et de 1 à 5 trimestres (voir les taux de croissance trimestriels) par rapport au cycle des principaux pays européens;

• Le cycle des pays européens est autant corrélé avec le cycle américain qu’il l’est avec le cycle allemand (voir les taux de croissance trimestriels);

• Le degré de corrélation du cycle belge par rapport au cycle allemand et au cycle américain est parmi les plus élevés de l’échantillon (= conséquence du degré d’ouverture très élevé de l’économie belge);

• Le cycle japonais est très peu lié au cycle économique international.

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Page 94: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

7.2. Facteurs explicatifs de la synchronisation internationale des cycles économiques35

Deux facteurs sont souvent mis en évidence pour expliquer la synchronisation internationale des cycles économiques : • les pays sont soumis aux mêmes chocs (ex. choc pétrolier);

• les chocs d’un pays sont transmis aux autres pays en raison de l’existence de liens

commerciaux et de liens financiers entre ces pays; l’expérience économique depuis le début des années 90 suggère notamment que les chocs en provenance des Etats-Unis ont une plus forte diffusion internationale que les chocs en provenance des autres zones économiques importantes.

Le degré de synchronisation internationale des cycles a augmenté de façon significative au cours des 20 à 30 dernières années. Certaines études suggèrent qu’il s’est également renforcé à partir du milieu des années 90. Les principaux éléments qui sont considérés comme responsables de cette augmentation de l’interdépendance internationale des cycles économiques sont les suivants : • Les relations commerciales se sont accrues au niveau international: La part des échanges

extérieurs (exportations et importations) dans l’activité des pays industrialisés, à l’exception notable du Japon, n’a en effet cessé d’augmenter au cours des 30 dernières années. Par exemple, en 30 ans (entre 1970 et 2000), la part dans le PIB des échanges extérieurs du Canada avec les autres pays du G-7 a augmenté de 30 % à 60 %3637. En France et en Allemagne, la part dans le PIB des échanges extérieurs avec les pays du G-7 est passée d’un peu plus de 10 % à un peu plus de 20 %. Aux Etats-Unis, l’importance des échanges extérieurs avec les autres pays du G-7 a également doublé en 30 ans, de 5 % du PIB en 1970 à un peu moins de 10 % en 2000.

L’augmentation de l’intégration commerciale au commerce international est en partie la conséquence d’un accroissement de la spécialisation verticale des activités de production au niveau international (cf. infra).

• L’intégration financière internationale a augmenté : La part des actifs financiers (actions,

obligations, …) étrangers détenus dans les portefeuilles domestiques a en effet augmenté de façon sensible au cours des 20 dernières années. Par exemple, aux Etats-Unis, la part de la richesse financière des ménages détenue en actifs étrangers a augmenté de 1 % sur la période 1981-1985 à près de 7 % sur la période 1996-199938. La part des actions étrangères dans les portefeuilles boursiers américains a quant à elle augmenté de 2 % au début des années 80 à environ 12 % en 2001. En Allemagne et en France, la part de la richesse financière des ménages détenue en actifs étrangers est passée de respectivement 9,6 % et 5,6 % sur la période 1991-1995 à respectivement 15 % et 10,9 % sur la période 1996) 1999.

Les opérations d’arbitrage entre les différents marchés financiers internationaux se sont

par ailleurs fortement accrues, ce qui s’est traduit par un renforcement tendanciel depuis

35 La discussion dans cette section s’inspire de Boyle and Faust (2002) et de IMF (2001, 2007). 36 Le G-7 regroupe les 7 pays industrialisés les plus importants, à savoir le Canada, la France, L’Allemagne,

l’Italie, le Japon, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. 37 L’importance des échanges extérieurs du Canada s’est fortement relevée après la signature en 1989 de

l’accord de libre échange («US-Canada Free Trade Agreement») avec les Etats-Unis. 38 Voir FMI, International Linkages : Three Perspectives, WEO, October 2001, Table 2.3, p. 75.

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Page 95: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

le milieu des années 70 de la relation internationale entre les rendements boursiers et les taux d’intérêt

• Les entreprises ont eu tendance à diversifier davantage leurs opérations internationales,

notamment en ouvrant des succursales à l’étranger ou par le biais d’investissements directs à l’étranger. Par exemple, si on examine pour un ensemble d’entreprises cotées en bourse la part de leurs revenus provenant des ventes de leurs succursales étrangères par rapport aux revenus dus aux ventes sur les marchés domestiques, on constate que celle-ci a augmenté durant les années 1990 : entre la période 1990-94 et la période 1995-2000, le pourcentage est passé de 74,8 % à 96,9 % en Allemagne et de 42,6 % à 46,3 % aux Etats-Unis39.

D’autres explications potentielles de l’accroissement de la synchronisation des internationale des cycles économiques nationaux sont : • Un resserrement des liens entre la confiance des ménages et des entreprise dans les pays

industrialisés. • Une augmentation de la fréquence des chocs communs (ex. choc pétrolier, désastres

naturels, …).

• Une plus grande sensibilité des économies nationales aux chocs internationaux, en raison notamment de leur implication plus grande dans le commerce international des marchandises et des produits financiers; si l’importance des actifs et des engagements étrangers dans la richesse des ménages continue à s’accroître et si les entreprises continuent à diversifier leurs opérations au niveau international, les chocs de nature étrangère devraient avoir une influence croissante sur les décisions de consommation et d’investissement dans les économies domestiques.

• Une diminution de l’importance des chocs domestiques dans la détermination des cycles

économiques nationaux, les chocs domestiques étant moins fréquents et/ou les économies nationales étant moins sensibles aux chocs domestiques.

Les explications potentielles du degré de synchronisation accru entre les cycles économiques nationaux sont donc nombreuses. Signalons toutefois que si le renforcement de la synchronisation résulte avant tout d’une augmentation de l’intégration commerciale et financière au niveau international, cela devrait se traduire par une augmentation permanente de la corrélation internationale des cycles économiques nationaux; s’il s’avère cependant que celui-ci résulte davantage d’une influence plus grande des chocs internationaux dans la dynamique des cycles économiques nationaux, l’augmentation de la corrélation internationale des cycles devrait être temporaire. Remarque importante : étant donné que la corrélation est définie comme le ratio entre la covariance et le produit des écart-types, une augmentation de la synchronisation peut résulter, à covariance inchangée, d’une diminution de la variabilité des cycles économiques nationaux. En d’autres termes, la stabilisation des cycles économiques nationaux constitue un élément important qui peut conduire à une plus grande synchronisation des cycles économiques au niveau international 7.3. Spécialisation verticale et synchronisation internationale des cycles

économiques40 Le fait que les économies sont de plus en plus intégrées au niveau international est en partie la conséquence d’une internationalisation des opérations de production dans le cadre d’un 39 Voir FMI, International Linkages : Three perspectives, WEO, October 2001, Table 2.4, p. 75. 40 La discussion dans cette section s’inspire de Hummels (1998, 2001).

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Page 96: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

processus de spécialisation verticale. Le concept de «spécialisation verticale internationale» fait référence à un éclatement du processus de production en plusieurs étapes, et à une spécialisation des pays dans une ou plusieurs étapes du processus de production. Dans ce contexte, l’accomplissement complet du processus de production donnera nécessairement lieu à des opérations d’importations et d’exportations entre les différents pays impliqués dans le processus de production. De façon précise, trois conditions doivent être réunies pour qu’il y ait spécialisation verticale : • le bien doit être produit en plusieurs étapes séquentielles; • Deux pays, ou plus, doivent être spécialisés dans une ou plusieurs étapes du processus de

production, mais pas dans toutes; • au moins une étape du processus de production doit impliquer une transaction

commerciale au niveau international. En bref, il y a spécialisation verticale internationale lorsqu’un pays utilise des biens intermédiaires importés pour produire un bien qu’il exporte. Exemple : VW Belgique importe d’Allemagne les tôles d’acier pour assembler en Belgique des voitures qui sont ensuite exportées sur le marché européen.

Schéma 7.1. Spécialisation verticale Pays 1 A Pays 2 Pays 3

Biens intermédiaires d’origine domestique

Capital et travail

Biens finaux

Ventes sur le marché domestique

B C

E

Exportations

D

Biens intermédiaires

Source : D. Hummels et al. / Journal of International Economics 54 (2001), p.78 Les trois exemples suivants illustrent l’impact de la spécialisation verticale internationale sur l’intégration commerciale internationale41 :

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41 Ces exemples sont repris de D. Hummels, D. Rappaport and K.-M. Yi (1988).

Page 97: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Exemple 1. L’accord automobile de 1965 entre les Etats-Unis et le Canada Avant 1965 : • commerce de produits automobiles (voitures, camions, pièces, …) quasiment nul entre les

Etats-Unis et le Canada; • tarif de 17,5 % sur les importations canadiennes de produits automobiles fabriqués aux

Etats-Unis et tarif de 6,5 % à 8,5 % sur les importations américaines de produits automobiles fabriqués au Canada;

• la production de véhicules au Canada était essentiellement destinée au marché canadien, et les véhicules vendus au Canada étaient presque tous produits localement, par des filiales d’entreprises américaines (GM, Ford, Chrysler).

1965 : l’accord automobile conclu entre les Etats-Unis et le Canada prévoit l’élimination complète des tarifs douaniers sur les importations de produits automobiles Après 1965 : • La production de véhicules au Canada est réduite à un nombre limité de modèles, qui sont

destinés à l’ensemble du marché nord-américain; • En 4 ans, la part de production canadienne de véhicules qui est exportée vers les Etats-

Unis est passée de 7 % à 60 %, et la part des importations dans les ventes canadiennes de voitures a augmenté de 3 % à 40 %.

Rôle de la spécialisation verticale : en 1994, 60 % des exportations automobiles des Etats-Unis vers le Canada était constituée de moteurs et de pièces, tandis que 75 % des importations automobiles américaines en provenance du Canada était constituée de véhicules finis (voitures, camions). Exemple 2. Les «Maquiladora mexicains» Initiés en 1965, les «maquiladoras» sont des industries implantées au Mexique mais dont les propriétaires sont étrangers. Ces entreprises sont spécialisées dans l’assemblage des pièces importées, les biens assemblés étant ensuite exportés. Au Mexique, les pièces importées destinées aux «maquiladoras» sont exemptées de tarifs douaniers. De même, les biens assemblés dans les «maquiladoras» et exportés vers les Etats-Unis sont exemptés des tarifs douaniers américains pour la partie correspondant à la valeur des pièces importées des Etats-Unis qui interviennent dans la composition du bien assemblé. L’effet de ces mesures douanières favorables liées à l’activité des «maquiladoras» a peu pour conséquence une délocalisation des activités d’assemblage de produits manufacturiers américains des Etats-Unis vers les «maquiladoras» mexicains. Les principaux secteurs d’activité dans lesquels sont présents les «maquiladoras» sont l’électronique, le matériel de transport et le textile. Après un début timide, les «maquiladoras» ont connu un développement important à partir de 1985. Entre 1985 et 1997, l’emploi dans les «maquiladoras» a ainsi augmenté à un taux annuel moyen de près de 13 %. Leur production a par ailleurs augmenté à un taux annuel moyen de près de 20 %. Rôle de la spécialisation verticale : • Suite au développement des «maquiladoras», le commerce de marchandises entre les

Etats-Unis et le Mexique a connu un important essor : depuis la fin des années 80, les importations américaines en provenance des «maquiladoras» mexicains représentent 45 % des importations américaines totales (60 % des importations non pétrolières) en provenance du Mexique;

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Page 98: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

• Environ la totalité des biens intermédiaires importés par les «maquiladoras» proviennent des Etats-Unis et près de la totalité de la production des «maquiladoras» est exportée vers les Etats-Unis.

Exemple 3. Délocalisation de la production japonaise de biens électroniques Dans le but de réduire leurs coûts de production, un nombre important d’entreprises manufacturières japonaises ont délocalisé vers les pays d’Asie du sud-est plusieurs stades de production, notamment au niveau de l’assemblage de produits finis. Ainsi, entre 1989 et 1995, le nombre de travailleurs employés dans les filiales asiatiques des entreprises électroniques japonaises est passé de 25 % de l’emploi total de ces entreprises à 45 %. Depuis de nombreuses années, le nombre de télévisions couleur et de magnétoscopes fabriqués dans les filiales asiatiques des entreprises japonaises dépasse le niveau de production des ces biens au Japon. Rôle de la spécialisation verticale : le Japon exporte des pièces détachées vers différents pays d’Asie où ils sont ensuite assemblés, les produits finis étant ensuite exportés vers le Japon et vers d’autres pays. Ainsi, depuis 1995, les exportations japonaises de pièces détachées vers l’Asie représente 3/4 des exportations japonaises totales vers l’Asie et plus de la moitié des exportations totales de pièces détachées par le Japon. Références : (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) Doyle, B. and J. Faust, «An Investigation of Co-movements among the Growth Rates of the G-7 Countries», Federal Reserve Bulletin, October 2002, pp. 427-437 International Monetary Fund, «International Linkages : Three Perspectives», World Economic Outlook, October 2001, chapter 2, pp. 65-104. Hummels, D., D. Rappaport, and K.-M. Yi, «Vertical Specialization and the Changing Nature of World Trade», Federal Reserve Bank of New York Economic Policy Review, June 1988, pp. 79-99. Hummels, D., J. Ishii and K.-M. Yi, «The nature and growth of vertical specialization in world trade», Journal of International Economics, 54, 2001, pp. 75-96) Lectures complémentaires : Fonds Monétaire International, «Possibiltés de découplage ? Effets de contagion et cycles économiques nationaux», Perspectives de l’économie mondiale, Avril 2007, chapitre 4, pp. 133-176.

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Page 99: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

PARTIE 3. MATIERES SPECIALES CHAPITRE 8. L’INFLUENCE DES MARCHES FINANCIERS SUR LA

CONJONCTURE ECONOMIQUE L’étude des aspects monétaires et financiers de la conjoncture économique est importante à un double titre. D’une part, les variables monétaires et financières (taux d’intérêt, rendements obligataires, cours boursiers, taux de change) ont une influence non négligeable sur le développement de l’activité économique (cf. graphique 8.1). D’autre part, certaines variables financières, par exemple la courbe des rendements, s’avèrent avoir un contenu prédictif relativement bon de l’évolution de l’activité économique. Dans ce chapitre, nous décrivons plusieurs variables monétaires et financières qui sont pertinentes pour l’analyse conjoncturelle. Nous discutons également de quelle manière ces variables sont susceptibles d’influencer l’activité économique. Graphique 8.1. Principaux canaux de transmission entre la sphère financière et la sphère réelle de l’économie

Prix des actions Prix du PIB Taux d'intérêt decourt terme

Taux d'intérêt delong terme

Taux de change

Richesse financière Profits

Consommation Investissement

PIB Output gap

Source : COE, "Bourses et effet de richesse : quelles peuvent être les conséquences réelles des mouvements boursiers récents ? ", Modèles et diagnostics, numéro 6-7, 4ème trimestre 1998 8.1. Conditions monétaires et politique monétaire En intervenant dans la détermination du coût du crédit, Par le biais notamment du coût du crédit, la politique monétaire influence le cycle économique. Il est ainsi habituel de voir les autorités monétaires durcir les conditions monétaires durant les périodes d’expansion, au point que certains économistes considèrent que la politique monétaire a une part de responsabilité importante dans le déclenchement des récessions. En revanche, la politique monétaire sera généralement assouplie durant les périodes de faible croissance économique.

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Page 100: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Dans cette section, nous présentons différents indicateurs permettant de déterminer l’orientation (expansionniste, restrictive, neutre) de la politique monétaire à une période donnée et de prévoir son évolution dans le futur. 8.1.1. Taux d’intérêt réel Un premier indicateur, simple à calculer, est le niveau du taux d’intérêt réel à court terme, qui est approximativement égal au taux d’intérêt nominal diminué du taux d’inflation anticipé : rt ≅ it - Πe

t où rt = taux d’intérêt réel, it = taux d’intérêt nominal, Πe

t = taux de variation des prix anticipé sur la période qui correspond à la maturité du placement (dépôts). En pratique, on calculera le taux d’intérêt réel en utilisant si possible les taux d’intérêt qui sont le plus directement influencés par la politique monétaire (FedFunds aux Etats-Unis, Euribor dans la zone euro). Mesurer le taux d’inflation anticipé est plus délicat. En l’absence de mesures directes des anticipations d’inflation ou de modèles permettant de les estimer, on se contentera de prendre le taux d’inflation de la période au cours de laquelle le taux d’intérêt nominal est mesuré. Pour déterminer l’orientation de la politique monétaire, on comparera le taux d’intérêt réel à son niveau d’équilibre, aussi appelé «taux d’intérêt naturel». On considérera que la politique monétaire est expansionniste si le niveau observé du taux d’intérêt réel est inférieur à son niveau naturel, et restrictive dans le cas inverse. Si les deux taux ne diffèrent pas significativement, on considérera que la politique monétaire est neutre. Si cette approche est simple conceptuellement, elle l’est nettement moins dans la pratique. Le niveau d’équilibre du taux d’intérêt n’est en effet pas directement observable, il doit donc être estimé, et de surcroît, il est susceptible de varier dans le temps. En référence à différentes estimations, un taux de 2 % est souvent considéré comme une valeur plausible pour le niveau d’équilibre des taux réels à court terme. En cas de doute important sur la valeur du taux d’intérêt d’équilibre, on se contentera d’inférer à partir de l’évolution du niveau observé des taux d’intérêt si la politique monétaire s’est assouplie, s’est durcie ou est restée inchangée sur le passé récent.

8.1.2. Indicateur des conditions monétaires On peut également tenter d’identifier le caractère expansionniste, restrictif, ou neutre de la politique monétaire en construisant un indicateur des conditions monétaires. L’idée sur laquelle repose la construction d’un indicateur des conditions monétaires est que la politique monétaire influence l’activité économique et l’inflation de diverses manières (il n’existe pas un seul canal de transmission de la politique monétaire) et que, de ce fait, le taux d’intérêt réel à court terme ne donne qu’une évaluation partielle de l’orientation de la politique monétaire à un moment donné. Ainsi, pour une économie ouverte en régime de change flottant, le taux de change constitue un canal de transmission important de la politique monétaire : étant donné que l’activité tend à ralentir (accélérer) lorsque le taux de change s’apprécie (se déprécie), une appréciation (dépréciation) du taux de change peut être assimilée à un durcissement (assouplissement) de la politique monétaire. Dans cette économie, une évaluation plus complète de l’orientation de la politique monétaire tiendra compte à la fois de l’évolution du taux d’intérêt à court terme et du taux de change. Comme le soulignent Batini et Turnbull (2000)42, "the logic (…) is that a high level of the exchange rate can reinforce the

42 N. Batini and K. Turnbull, “Monetary Condition Indices for the UK: A Survey”,External MPC Unit

Discussion Paper n°1, Bank of England, September 2000.

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Page 101: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

contractionary effects of the central bank-controlled interest rate, leading to a tighter policy stance than would otherwise have been, were the exchange rate lower, and vice versa”43. Formellement, l’indicateur des conditions monétaires est une moyenne pondérée de la variation du taux d’intérêt à court terme et du taux de change par rapport à une période de référence. Il peut être calculé avec des variables exprimées soit en terme nominal, soit en terme réel : MCIt = AR (rt – rb) + Aq (qt – qb) où : rt est le taux d’intérêt réel à la période t, rb est le taux d’intérêt réel à la période de référence, qt est le logarithme du taux de change réel (effectif) et qb est le taux de change réel (en logarithme) de la période de référence. Les pondérations (AR, Aq ) reflètent l’impact relatif d’une variation du taux d’intérêt et des taux de change sur l’activité économique et l’inflation. Pour les économies européennes, on utilisera par exemple une pondération 4 :1 (AR = 4, Aq = 1), ce qui indique que l’on suppose qu’une variation de 1 point de pourcentage du taux d’intérêt a le même impact sur la croissance (ou l’inflation) qu’une appréciation du taux de change de 4 %. Le niveau de l’indicateur n’est pas interprétable. L’indicateur des conditions monétaires permet seulement de comparer l’orientation de la politique monétaire à un moment donné par rapport à la période de référence ou par rapport à toute autre période (ex. un an plus tôt, période avec des conditions d’inflation ou de croissance similaires, …). Un indicateur des conditions monétaires a donc comme désavantage qu’il ne permet pas de juger facilement du caractère restrictif ou expansionniste de la politique monétaire compte tenu de l’état de la situation conjoncturelle. Graphique 8.1. Etats-Unis : Indicateur des conditions monétaires et taux d'intérêt réel à

court terme

95

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Taux d'intérêt réel à 3 mois (1990q1=100) Indicateur des conditions monétaires (1990q1 =100)

43 A noter également la remarque suivante : "By one rule of thumb, a 5 % rise in the trade-weighted euro has

roughly the same impact on inflation, after a year, as a one percentage-point rise in interest rates. The rise in the euro has thus more than offset the half-point cut in interest rates made in December" (The Economist, February 1st 2003).

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Page 102: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 8.2. Taux d'intérêt et taux de change réels

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85

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-2

-1

0

1

2

3

4

5

Taux de change effectif réel Taux d'intérêt réel (éch. Droite)

8.1.3. Règle de Taylor Une autre manière d’évaluer le caractère expansionniste, restrictif, ou neutre de la politique monétaire consiste à calculer le niveau des taux de politique monétaire induit par une «règle de Taylor». La règle de Taylor est un modèle simple qui détermine le niveau «optimal» des taux d’intérêt en fonction des conditions d’inflation et de croissance. Censée répliquer le comportement des autorités monétaires en matière de fixation des taux d’intérêt, elle repose sur l’idée que la politique monétaire a comme double objectif de maintenir le niveau de l’inflation à un niveau prédéterminé et de maintenir le niveau de l’activité économique à son niveau potentiel. Une spécification simple de la règle de Taylor est la suivante44 : it = Πt + R* + 0,5 (Πt - Π*) + 0,5 (ygapt) où : it = taux d’intérêt de politique monétaire (ex. taux d’intérêt sur les fonds fédéraux aux Etats-Unis) R* = niveau d’équilibre du taux d’intérêt réel (ex. r* = 0,02) Πt = taux d’inflation observé Π* = taux d’inflation objectif (ex. Π* = 0,02) ygapt = «output gap» (pourcentage de déviation du PIB réel par rapport au PIB réel potentiel : (PIB réel - PIB potentiel)/PIB potentiel, le PIB potentiel étant à estimer A partir des estimations de la règle de Taylor, on considérera que la politique monétaire est expansionniste (restrictive) si le taux d’intérêt induit par la règle de Taylor est supérieur

44 Voir J. Taylor (1993), «Discretion Versus Policy Rules in Practice», Carnegie-Rochester Conference Series

on Public Policy, Vol. 39, pp. 195-214.

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Page 103: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

(inférieur) au taux d’intérêt observé. La politique monétaire sera considérée comme neutre si les taux d’intérêt observés sont proches des taux de la règle de Taylor. Remarque : l’estimation de la règle de Taylor implique certains problèmes pratiques qui concernent notamment le choix de l’indice de prix pour calculer l’inflation et le choix de la méthode d’estimation du PIB potentiel. Pour une illustration de ces problèmes et de leur impact sur les résultats, voir D. Gerdesmeier et B. Roffia, «Empirical estimates of reaction functions for the euro area», ECB Working paper n°206, January 2003. 8.1.4. Taux «futures» Enfin, on peut calculer les attentes de taux d’intérêt qui sont implicites dans les contrats «futures», ce qui permet de savoir quel est le sentiment général des marchés financiers quant à l’évolution à court terme de la politique monétaire. 8.2. Conditions sur les marchés obligataires Les rendements obligataires – taux d’intérêt à long terme - constituent un élément important du coût du capital pour les entreprises. Du point de vue des finances publiques, ils influencent également le montant des charges d’intérêt sur la dette publique. En plus de l’évolution du niveau des taux d’intérêt à long terme, deux variables méritent une attention particulière : L’écart («spread») entre le rendement des obligations publiques et le rendement des

obligations privées : bien que les rendements sur les obligataires publiques et sur les obligations privées suivent généralement une même tendance, des différences de niveau relativement importantes peuvent apparaître à certaines périodes, en raison notamment d’une augmentation de l’incertitude et de l’aversion des investisseurs pour le risque ou d’un phénomène «d’accélérateur financier» (cf. Chapitre 5). Au cours de l’histoire récente, on a par exemple observé une augmentation importante de l’écart entre le rendement des obligations des sociétés américaines cotées BAA et le rendement des bons du Trésor américain à 10 ans au moment de la crise asiatique en 1997-98 et en 2002 (graphique 8.3). A certaines périodes, le coût du crédit supporté par les firmes privées peut donc différer significativement du taux auquel l’état emprunte sur le marché obligataire.

La pente de la courbe des rendements45 : comme on l’a montré au Chapitre 2, l’écart entre

les taux d’intérêt à long terme et les taux d’intérêt à court terme constitue un indicateur relativement fiable pour prédire l’évolution de l’activité économique à court terme (horizon de 1 à 4 trimestres.

Remarque : dans la mesure où les taux d’intérêt à long terme sont influencés par le niveau contemporain et anticipé des taux d’intérêt à court terme, la pente de la courbe de rendement constitue également un indicateur de l’orientation présente et future de la politique monétaire.

45 La pente de la courbe des rendement peut par exemple être calculée comme l’écart entre le rendement sur

un bon d’Etat à 10 ans et le taux d’intérêt sur un bon du Trésor à 3 mois.

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Page 104: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Graphique 8.3. Prime de risque sur les obligations privées américaines

0

1

2

3

4

1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007

Notation AAA Notation BBA

8.3. Conditions sur les marchés boursiers Tout en étant fortement influencés par les perspectives de l’activité économique, les marchés boursiers exercent une influence importante sur l’activité économique. Leur influence se marque en particulier au niveau de l’investissement des entreprises et de la consommation des ménages. 8.3.1. Marché boursier et investissement Une influence possible du marché boursier sur l’investissement est mise en évidence par la théorie de l’investissement dite du «q de Tobin». Le «q de Tobin» désigne le ratio entre, d’une part, la valeur de marché totale d’une entreprise, qui est égale à la somme de sa valeur boursière (prix d’une action multiplié par le nombre d’actions) et du capital emprunté (valeur totale des obligations émises) et, d’autre part, le coût de remplacement du stock de capital physique (équipements, matériel de transport, structures, …). Le ratio ainsi calculé désigne «le rapport entre la valeur du capital investi qui est faite par le marché et le prix d’achat du capital». Le lien entre le «q de Tobin» et l’investissement est le suivant. Si la valeur du «q» est supérieure à 1, la valeur de marché du capital investi est supérieure à son prix d’achat, ce qui incite les entreprises à investir : l’investissement est positif. Par exemple, si «q» est égal à 1,2, une entreprise qui investit 100 voit sa valeur de marché augmenter de 120. A l’inverse, si la valeur du «q de Tobin» est inférieure à 1, l’investissement est négatif car l’entreprise fait un profit en vendant son capital, dont la valeur de marché est inférieure à son coût de remplacement. A travers le numérateur du «q de Tobin», les marchés boursiers ont donc une influence directe sur l’investissement. Remarque : dans la mesure où les cours boursiers escomptent, en utilisant le taux d’intérêt, la valeur courante et la valeur future des profits des entreprises, la théorie du «q de Tobin» intègre, de façon indirecte, l’influence du taux d’intérêt sur l’investissement. Un autre canal important par lequel le marché boursier exerce une influence sur l’investissement est celui du crédit, dans la mesure où le coût du capital supporté par une

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Page 105: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

entreprise est en partie déterminé par la «qualité» de sa situation bilantaire. C’est le mécanisme de « l’accélérateur financier » vu au chapitre 5. Ainsi, en cas de hausse des cours boursiers, la valeur nette (mesurée par la différence entre la valeur de son actif et celle de son passif) d’une entreprise augmente, ce qui pousse les banques à réduire la prime de risque qu’elles demandent sur les prêts qu’elles octroient. Le coût de financement des entreprises s’en trouve réduit. A l’inverse, en cas de chute des cours boursiers, la situation bilantaire des entreprises se détériore, ce qui incite les banques à demander une prime de risque plus importante pour compenser la perte de valeur sur le patrimoine qui sert de garantie. En cas de chute des cours boursiers et de détérioration de la valeur nette des entreprises, l’investissement peut également être réduit par un rationnement du crédit, les banques n’étant plus enclines à accorder de nouveaux prêts en raison d’un risque qu’elles jugent trop élevé. 8.3.2. Marché boursier, richesse des ménages et consommation L’influence que le marché boursier peut exercer sur la consommation des ménages est due au fait que la richesse des ménages constitue un déterminant important de leur niveau de consommation. Il est en effet traditionnel de considérer que le niveau de la consommation privée est déterminé selon un modèle du type suivant : Ct = α + β*YPt + δ*Wt + εt où : Ct représente la valeur réelle de la consommation des ménages, Yt désigne la valeur réelle de leur revenu disponible, Wt est la valeur réelle de leur richesse, et εt est un terme d’erreur. La richesse des ménages comprend plusieurs éléments, les plus importants étant d’une part le patrimoine boursier et d’autre part le patrimoine immobilier (voir tableaux 8.1 et 8.2).

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Page 106: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Tableau 8.1. Composition de la richesse des ménages

(en pourcentage du revenu disponible des ménages)

Canada France Allemagne1 Italie Japon UK USA

Actif net2 1981-85 393 405 - 324 560 499 456 1986-90 419 433 - 373 823 636 485 1991-95 457 455 533 467 780 569 485 1996-2000 505 560 584 525 749 678 576 Actifs non financiers

1981-85 222 315 - 207 409 324 209 1986-90 234 298 - 201 592 413 222 1991-95 248 283 404 249 516 312 202 1996-2000 263 307 427 269 440 320 205 Actifs financiers

1981-85 242 153 - 124 238 256 317 1986-90 271 216 - 189 342 333 347 1991-95 307 248 221 248 395 365 373 1996-2000 351 321 267 299 449 458 472 Actions 1981-85 49 28 - 8 25 27 37 1986-90 55 84 - 29 63 50 52 1991-95 64 102 36 49 40 68 81 1996-2000 91 134 63 104 38 99 146 Passifs 1981-85 72 63 - 8 86 80 71 1986-90 86 81 - 17 111 109 84 1991-95 98 76 91 30 131 109 90 1996-2000 109 67 110 37 133 111 100

Source : FMI (2002, tableau 2.6) 1 Les données de richesse pour l’Allemagne ne débute qu’en 1990, en raison des ruptures des séries dues à la

réunification. 2 L’actif net est égal aux actifs financiers et non financiers diminués des passifs.

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Page 107: Cycle Economique Et Analyses Conjoncturelles

Tableau 8.2. Détention directe et indirecte de titres boursiers par les ménages

américains 1992 1995 1998 2001 Pourcentage de familles qui détiennent des titres boursiers 36,7 40,4 48,9 51,9

Valeur médiane des titres boursiers (en milliers de $) 13,0 16,9 27,2 34,3

Valeur des titres boursiers, en pourcentage de la richesse financière 33,7 39,9 53,9 56,0

Source : Recent Changes in U.S. Family Finances : Evidence from the 1998 and 2001 Survey of Consumer Finance, Federal Reserve Bulletin, January 2003.

Le lien entre richesse et consommation s’explique de plusieurs manières. Primo, les ménages peuvent vendre les actifs (financiers ou réels) qu’ils détiennent pour financer leurs dépenses de consommation. Secundo, la propension marginale à consommer des ménages à partir de leur revenu disponible peut varier en fonction du niveau de richesse. Par exemple, en cas de perte de richesse provoquée par une chute des cours boursiers, les ménages peuvent décider d’augmenter leur taux d’épargne dans le but de reconstituer leur patrimoine. Tertio, dans la mesure où le patrimoine des ménages peut servir de garantie en cas d’emprunt, la valeur de ce patrimoine aura une influence sur l’accès des ménages au crédit bancaire et sur le coût du financement octroyé par les banques. Plus la valeur du patrimoine est élevée, plus l’accès au crédit sera grand, et plus le coût du financement sera faible. L’effet «richesse» dans la consommation est généralement plus élevé pour le patrimoine immobilier que pour le patrimoine boursier. Il y a plusieurs explications possibles à cela. Primo, les cours boursiers étant plus volatils que les prix immobiliers, il est plus difficile pour les ménages de déterminer si une modification dans le niveau des cours boursiers est permanente ou temporaire. Secundo, étant donné la plus grande stabilité des prix immobiliers, le patrimoine immobilier sert plus facilement de garantie pour un emprunt que le patrimoine boursier. Tertio, dans la mesure où l’achat d’une habituation est souvent financé par emprunts, une augmentation des prix immobiliers engendra un rendement plus élevé qu’une augmentation équivalente des cours boursiers. A titre d’exemple, prenons le cas d’un ménage qui investit 10.000 euros dans l’achat d’une maison qui vaut 100.000 euros, la différence étant financée par emprunt. Si les prix immobiliers augmentent de 10 %, le ménage voit sa richesse augmenter de 10,000 euros, soit un rendement de 100 % sur son investissement. Si le ménage avait investi 10,000 euros en actions et que les prix boursiers avaient également augmenté de 10 %, son gain aurait été de seulement 1.000 euros. Quarto, le patrimoine boursier est souvent concentré de façon plus importante que le patrimoine immobilier auprès des ménages les plus riches, dont la propension marginale à consommer est plus faible que celle des ménages qui ont des revenus moins importants. Quelques résultats empiriques sur l’importance de l’effet «richesse» dans la consommation (voir IMF, «Is Wealth Increasingly Driving Consumption», World Economic Outlook, May 2002, pp.74-85) : Pour les Etats-Unis, l’étude du FMI estime que pour une variation de la richesse des

ménages de 100$, la consommation varie de 4,5$ lorsque c’est la richesse boursière qui varie et de 7$ lorsque c’est la richesse immobilière qui varie46. L’effet «richesse» se développe sur une période de 1 à 3 ans.

Dans les autres pays industrialisés, l’effet d’une variation de la richesse boursière sur la consommation est souvent moindre qu’aux Etats-Unis : il est estimé entre 1$ et 3,5$ pour

46 A partir de ces estimations, le FMI estime que la chute des cours boursiers américains entre mars 2002 et

septembre 2000, d’environ 20 %, a réduit la consommation privée d’environ 1 point de pourcentage du PIB (voir IMF, WEO, October 2002, Box 1.1, p. 6).

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une variation de la richesse boursière de 100$. Cet effet moindre s’explique par le fait que dans beaucoup de pays industrialisés, les actifs boursiers représentent une part relativement moins importante de la richesse des ménages par rapport à ce qu’on observe aux Etats-Unis. L’impact sur la consommation d’une variation de la richesse immobilière de 100$ est quant à lui estimé à 4$47. L’étude du FMI montre cependant que dans le cas du Royaume-Uni, l’ampleur des effets «richesse» est du même ordre de grandeur que celui estimé pour les Etats-Unis.

Dans les deux groupes de pays, l’effet «richesse» dans la consommation a augmenté au cours du temps.

8.3.3. Outils simples pour tenter de déterminer l’orientation des cours boursiers Les cours boursiers étant souvent très volatils, il est particulièrement difficile de prévoir leur évolution, que ce soit à court ou à plus long terme. Un grand nombre d’approches ont été développées, notamment en économie de la finance, pour modéliser le comportement des cours boursiers et prévoir leur évolution. Nous nous intéressons ici à quelques approches simples, essentiellement macroéconomiques. Partant de l’idée que le prix d’une action à une période donnée t est déterminé par la valeur actualisée des dividendes futurs, le prix de l’action peut s’exprimer de la façon suivante (formulation de Gordon, 1962)48 : Pt = Dt*( 1 + g )/( i + ρ - g ) où : Pt est le prix de l’action à la période t, Dt est le dividende versé par l’action à la période t, g est le taux de croissance des dividendes, i est le taux d’intérêt sur un actif sans risque (ex. obligation d’Etat) et ρ est la prime de risque («equity risk premium»). Si l’on suppose que les dividendes versés constituent en général une proportion fixe des profits (D=δE, avec E qui désigne les profits), l’expression ci-dessus peut être réécrite de la façon suivante : Pt/Et = δ ( 1 + g )/( i + ρ - g ) Le terme à gauche du signe d’égalité, P/E, représente le rapport cours-bénéfice («price-earning ratio»). Selon cette relation simple, le prix de l’actif devrait augmenter (diminuer) lorsque le rendement de l’actif sans risque ou la prime de risque diminue (augmente) et lorsque le taux de croissance des bénéfices augmente (diminue). En pratique, cette relation implique que les prix boursiers dépendent des anticipations que forment les marchés financiers sur l’évolution des bénéfices et des taux d’intérêt. Dans la mesure où ces anticipations reflètent en partie l’évaluation qui est faite par les investisseurs de la situation économique et financière, les prix bousiers peuvent dévier très fortement à certaines périodes de leur valeur fondamentale. Si les investisseurs sont exagérément optimistes sur les perspectives bénéficiaires, les cours boursiers auront tendance à être supérieurs à la valeur fondamentale, et l’inverse si les investisseurs sont exagérément pessimistes.

47 A partir de ces estimations, le FMI estime que la chute des cours boursiers dans la zone euro entre mars

2002 et septembre 2000, d’environ 27 %, a réduit la consommation privée d’environ ¼ de point de pourcentage du PIB (voir IMF, WEO, October 2002, Box 1.1, p. 6).

48 Il s’agit en effet d’une relation d’arbitrage qui suppose que «le rendement anticipé de la détention d’une action pendant un an doit être égal au rendement d’une obligation détenue pendant la même période» (O. Blanchard et D. Cohen, Macroéconomie, Pearson Education, 2002). L’expression est obtenue en émettant l’hypothèse que le taux de croissance des dividendes et le taux d’intérêt sans risque sont considérés comme constants dans le temps au moment où le prix de l’action est calculé.

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Une manière simple d’évaluer si les cours boursiers dévient de leur valeur fondamentale consiste à comparer le rapport cours-bénéfice (P/E) des actions observé à une période donnée à sa moyenne historique. L’inverse du rapport cours-bénéfice («earnings yields») calculé pour des indices boursiers relativement larges suit en effet une évolution proche de celle du rendement réel moyen des actions. Par exemple, sur la période 1950-1999, la valeur moyenne du P/E de l’indice S&P500 a été de 15, ce qui implique un rendement sur bénéfice de l’ordre de 7 %, ce qui s’avère être le rendement réel annuel moyen des actions américaines depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Si, à un moment donné, la valeur du P/E est très supérieure (inférieure) à sa valeur historique, on conclura qu’il y a une présomption forte que les cours boursiers sont surévalués (sous-évalués) et qu’ils devraient par conséquent diminuer (augmenter). Ainsi, un P/E de 30 implique un rendement réel sur action de l’ordre de 3,5 %, soit la moitié du rendement calculé sur longue période. Lorsque l’on compare le niveau du P/E observé à une période donnée à sa moyenne historique, il est important d’avoir à l’esprit que le niveau du P/E peut se modifier de façon structurelle. Ainsi, durant une période de plus grande stabilité des fluctuations cycliques, on pourrait avoir une augmentation du P/E parce que les investisseurs exigent une prime de risque plus faible. De même, on pourrait avoir une augmentation structurelle de la valeur du P/E dans une économie qui passe d’un régime de haute inflation à un régime de basse inflation, si ce changement de régime d’inflation implique une diminution du niveau moyen des taux d’intérêt. Une augmentation structurelle de la valeur du P/E pourrait également survenir en cas de choc technologique, si ce choc induit un relèvement structurel du niveau de la croissance économique. Pour mieux déterminer la possibilité d’une surévaluation ou d’une sous-évaluation des actifs boursiers, il est instructif de calculer (voir tableau 8.3): (i) le niveau de la prime de risque implicite dans le niveau du P/E, en supposant la

croissance des profits égale à la croissance potentielle du PIB réel, et de comparer la valeur obtenue au niveau historique de la prime de risque; ou

(ii) de calculer la croissance des profits qui est implicite dans le niveau observé du P/E, en fixant la prime de risque à sa valeur historique, et de comparer le résultat obtenu au taux de croissance potentiel du PIB réel de l’économie.

Une fois effectués les calculs présentés ci-dessus, se pose ensuite la question de savoir si les résultats obtenus sont plausibles ou non. Par exemple, existe-t-il une explication plausible à la réduction de la prime de risque qu’implique un P/E supérieur à sa valeur historique ? Si aucun élément ne permet de penser que la diminution de la prime de risque est structurelle, alors la possibilité d’une chute des cours boursiers est à envisager sérieusement. De même, est-il plausible d’avoir durablement une croissance des dividendes supérieure à la croissance potentielle de l’économie, sachant que cela implique sur le long terme une augmentation de la part des profits dans le PIB et que, historiquement, la part des profits dans le PIB est stable ? Si un relèvement de la croissance du PIB potentiel semble peu probable, il faut alors conclure que la croissance attendue des profits est surestimée, ce qui augure très fortement d’une diminution des cours boursiers. Une autre manière d’évaluer le degré de surévaluation ou de sous-évaluation des cours boursiers à un moment donné consiste à régresser la valeur du P/E sur un ensemble de variables macroéconomiques et financières qui sont considérées intervenir dans la détermination de la valeur «fondamentale» des cours boursiers, et à comparer la valeur observée du P/E à la valeur qui est induite par le modèle. Comme variables candidates, il y a par exemple la croissance potentielle de l’économie, le niveau des taux d’intérêt, la différence entre les taux d’intérêt à long terme et les taux d’intérêt à court terme (comme «proxy» du cycle conjoncturel).

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Tableau 8.3. Estimation du degré de surévaluation possible des cours boursiers (en pourcentage, sauf P/E)

Historique (1980-1999)

P/E Rendement-dividende

Taux de croissance

du PIB réel

Taux d’intérêt

réel

Taux d’inflation

Prime de risque

implicite

France 12,5 3,1 2,5 4,9 4,3 0,8 UK 13,7 4,4 2,1 3,6 5,6 3,2 USA 15,6 3,4 3,0 3,9 4,2 2,8 Valeur récente (1999)

P/E Rendement-dividende

Taux de croissance

du PIB réel

potentiel

Taux d’intérêt

réel

Taux d’inflation

Prime de risque

implicite

France 20,6 2,2 2,5 3,6 1,0 1,1 UK 23,7 2,6 2,4 3,3 1,2 1,7 USA 29,5 1,2 3,2 3,4 2,6 1,0 Degré de surévaluation

Prime de risque historique moins prime de risque actuelle

Croissance des dividendes moins croissance du PIB potentiel

France 0,6 0,6 UK 1,5 1,4 USA 1,8 1,8 Note: la prime de risque implicite est calculée de la façon suivante : ρ=(1+g)(1+π)D/P-(r+π)+(g+π) où D/P = rendement-dividende, g = taux de croissance du PIB réel, r = taux d’intérêt sans risque ajusté du taux d’inflation π. Source : FMI, Asset Prices and the Business Cycle, WEO (chapter III), October 2002, Table 3.1. 8.4. Conditions sur les marchés des changes L’impact du marché des changes sur le cycle économique, bien que non négligeable, ne sera pas abordé ici. Signalons tout de même que deux canaux importants via lesquels les mouvements de change influencent l’activité économique sont, d’une part, la compétitivité de l’économie, et d’autre part le coût des biens importés. Références (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) International Monetary Fund, «Is Wealth Increasingly Driving Consumption», in Chapter II, World Economic Outlook, May 2002, pp.74-85. International Monetary Fund, Asset Prices and the Business Cycle, Chapter III, World Economic Outlook, October 2002. Lectures complémentaires Catte, Pietro, Nathalie Girourad, Robert Price, and Christophe André, « Housing Markets, Wealth, and the Business Cycle », OECD Economics Department Working Paper n°394, 2004.

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CHAPITRE 9. L’IMPACT ECONOMIQUE DES VARIATIONS DU PETROLE L’histoire économique a montré que de fortes hausses soudaines des cours du pétrole pouvaient provoquer un ralentissement important de la croissance économique, voire une récession économique. Dans ce chapitre, nous examinons de plus près les effets d’une hausse des cours du pétrole sur la croissance économique. Au plan macroéconomique, une hausse des prix du pétrole a théoriquement les effets suivants : détérioration de la rentabilité des entreprises et, de ce fait, contraction de l’offre agrégée. impact ambigu sur la demande : le relèvement des prix pétroliers peut amener les

entreprises à annuler certains plans d’investissement, mais il peut aussi les inciter à acquérir de nouveaux équipements qui utilisent moins d’énergie; des prix pétroliers plus élevés impliquent une perte de pouvoir d’achat pour les ménages dans les pays consommateurs, mais en revanche, ils impliquent une augmentation du pouvoir d’achat des pays producteurs.

effet direct net : diminution de l’offre agrégée et hausse du niveau général des prix. effets indirects : détérioration de la confiance des ménages, chute des cours boursiers,

durcissement de la politique monétaire et hausse des taux d’intérêt, … L’impact macroéconomique d’une augmentation des prix pétroliers dépend : de l’ampleur du choc (voir Hamilton, 2000), du degré de dépendance énergétique : selon l’OCDE (2000), les importations pétrolières

par unité produite des pays de l’OCDE ont été divisées par deux depuis le début des années 70 et la consommation de pétrole par unité produite a baissé d’environ 40 %.

Illustration quantitative de l’impact macroéconomique d’une hausse des prix pétroliers : (source :FMI, “The Impact of Higher Oil Prices on the Global Economy”, December 2002) Cas envisagé: hausse permanente des cours du pétrole de 5$ (soit 20 %) par rapport au scénario de base Résultats (voir tableau 9.1): après un an, la croissance du PIB est réduite de 0,3 point de pourcentage aux Etats-Unis et

de 0,2 point en Europe, par rapport au scénario de référence; l’inflation est quant à elle supérieure de 0,8 point de pourcentage aux Etats-Unis et de 0,7 point en Europe;

l’effet sur la croissance est plus élevé aux Etats-Unis qu’en Europe car la consommation énergétique par unité produite est plus élevée aux Etats-Unis qu’en Europe;

l’effet sur l’inflation est plus élevé aux Etats-Unis car les taxes prélevées sur les produits pétroliers sont moins importantes qu’en Europe.

Tableau 9.1. Impact macroéconomique d’une augmentation de 20 % des cours mondiaux du pétrole

(pourcentage de déviation par rapport au scénario de base) 2000 2001 2002 2003 2004 Etats-Unis PIB réel - 0,3 - 0,4 - 0,4 - 0,2 - 0,1 Inflation sous-jacente 0,3 0,3 0,2 0,1 0,1 Inflation 0,8 0,5 0,3 0,2 0,1 Zone euro PIB réel - 0,2 - 0,4 - 0,4 - 0,2 - 0,1 Inflation sous-jacente 0,1 0,3 0,3 0,2 0,1 Inflation 0,7 0,5 0,4 0,3 0,1

Source : FMI, «The Impact of Higher Oil Prices on the Global Economy», Table 2, p. 16.

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Remarque concernant l’impact macroéconomique d’une variation des cours pétroliers : plusieurs études (voir par exemple Hamilton (2000)) suggèrent que les variations des prix pétroliers ont des effets asymétriques sur la croissance économique : d’une part, ce n’est qu’en cas de hausse des cours pétroliers, mais pas en cas de baisse, que la croissance économique est affectée de façon significative; d’autre part, les hausses des prix pétroliers qui interviennent après une longue période de stabilité ont un impact plus important sur la croissance économique que les hausses qui font suite à une période de baisse. L’évolution des prix internationaux du pétrole dépend de nombreux éléments, à la fois économiques, financiers et géopolitiques. Pour la prévision à court terme, on prendra notamment en considération les éléments suivants : La consommation mondiale de pétrole est fortement sensible aux variations de la

croissance économique mondiale; La production mondiale de pétrole est en grande partie déterminée par la stratégie de

l’OPEP : les pays membres du cartel de l’OPEP représentent en effet environ 40 % de la production mondiale de pétrole et 60 % du pétrole échangé sur les marchés internationaux;

Les prix sont influencés par le niveau des stocks : étant donné que l’offre de pétrole est faiblement élastique à court terme, l’adéquation entre la demande et l’offre de pétrole se fait essentiellement par le biais des stocks;

La production et la consommation de pétrole ont un comportement saisonnier important, avec un pic au dernier trimestre de l’année et un creux au deuxième trimestre de l’année ;

Le marché du pétrole étant à un véritable marché « financier », le prix du pétrole est influencé par les comportements spéculatifs des investisseurs.

Références : (les articles précédés d’un astérisque (*) sont à lire) Hamilton, James, «What is an oil shoch ?», NBER Working Paper n°7755, juin 2000 OCDE, Perspectives économiques n°67, Mai 2000, p.15. Lectures complémentaires : (*) Banque centrale européenne, « L’incidence des cours du pétrole sur l’économie de la zone euro », Bulletin mensuel de la BCE, Novembre 2004, pp. 51-64

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