KOYRE - L'IDÉE DE DIEU CHEZ DESCARTES

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    BIBLIOTHQUE DE L'COLE

    DES HAUTES TUDESSCIENCES RKLIGIEUSES

    TRENTE-TROISIEME VOLUME

    ESSAI SUR L'IDEE DE DIEUET LKS PREUVES DE SON EXISTENCE

    CHEZ DESCAttTES

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    ^ V; -

    ESSAISUF

    L'IDE HE DIEUETLES PREUVES DE SON EXISTENCE

    CHEZ DESCARTESA. KOYRE

    4 t

    RL\ R DIPLOMF DE LA SECTION DES SCIENCES REI.IGIEI SI -

    V&PARIS '

    EDITIONS ERNEST LEROUX28. KIE BONAPARTE, VI e

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    PREFACE

    Avant d'aborder l'exposition de notre sujet, nouscroyons ncessaire de dire quelques mots pour le dli-miter, en justifier le choix, ainsi que prciser la mthodeque nous avons suivie dans notre tude.

    Justifier le choix de notre sujet. En effet, aprs lenombre considrable de travaux, articles et dissertationsconsacrs l'tude de la philosophie cartsienne, il peutsembler trop prsomptueux de vouloir, aprs tant d'his-toriens savants et de philosophes perspicaces, en direquelque chose de nouveau.

    Pourtant, le systme d'un grand philosophe ' etc'est cela justement que l'on en reconnat la graudeur offre dans son ensemble, malgr les contradictionsinvitables qui lui sont inhrentes, un fonds profond etriche, presque aussi profond et riche que la ralitmme donne l'intuition intime du penseur, ralit etintuition dont son systme n'est qu'une exposition n-cessairement fragmentaire, contradictoire et incomplte;

    1. Disons-le ds le dbut, c'est surtout comme un philosophe, comme ungrand mtaphysicien que nous envisageons Descartes ; c'est l que sontses titres de gloire et les raisons de son influence. C'est comme tel quenous chercherons le comprendre et nous aurons encore revenir surce point ; nous ne suivrons point certains de ses historiens modernes qui,ne l'envisageant que comme un savant, arrivent ne voir dans la mtaphy-sique cartsienne qu'un amas artificiel, un amalgame incohrent ensomme des doctrines thologiques de son temps.

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    II PBEFACEpour tout dire, le systme d'un grand philosophe est in-puisable, et offre et offrira toujours quelque chose denouveau celui qui voudra en entreprendre l'tude.

    D'un autre ct, les travaux des historiens modernes,surtout les fines et profondes analyses de M. Espinas, lesavant article de M. Picavet, ainsi que les importantespublications de M. Gilson et de M. Blanchet ont puissam-ment contribu modifier l'aspect traditionnel de laphilosophie de Descartes Descartes surgissant commeun Deus ex machina du dsert aride de la scolastique,sans attaches avec le pass, sans rapports avec la pen-se de son temps '.

    Le svstme de Descartes ne nous apparat plus commeune cration ex nihilo 2 , nous commenons en dm-ler les antcdents, distinguer dans la construction deDescartes les lments de provenance scolastique et, parcontre-coup, cette tude historique claire d'une lumirenouvelle les diffrents cts du systme, et le systmetout entier. Les livres de M. Gilson et de M. Blanchet ensont la preuve. Nous commenons voir que cette solu-tion de continuit, cette cloison tanche que les histo-riens de la philosophie se plaisaient tablir entre Des-cartes et la scolastique n'existaient, en ralit, que dansleur imagination, ou mieux, si l'on veut, dans leursconnaissances. En effet, la rprobation injustifie dont

    1 Gilson, La libert chez Descart'es et la Thologie, p. 432 : La doctrinecartsienne de la libert nous apparait troitement solidaire dans sa struc"ture et dans son dveloppement des controverses thologiques qui sepoursuivirent pendant toute la premire partie du xvn e sicle sur leproblme de la grce. D'autre part nous savons que l pense de Des-cartes, en ce qui concerne l'erreur, le jugement et les rapports qui unis-sent l'entendement la volont, est fortement influence par l'enseignementqu'il reut la Flche et la philosophie de Saint Thomas .

    2. Herthng, Descartes' Beziehungen zur Sekolastik, S itzber . des K. B.Acad., 1897, p. 380.

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    PREFACE IIItait frappe la scolastique, le mpris traditionnel et uni-versel que l'on avait l'habitude de professer vis--vis des subtilits et arguties de l'cole, avaient, commeconsquence funeste, produit l'ignorance quasi -compltede la pense mdivale de la part des historiens de laphilosophie. 11 est vrai que, par contre-coup, les milieuxcatholiques, o se conservait l'tude des grands pen-seurs de l'cole, ignoraient tout ou presque tout de lapense moderne '.

    Cette cloison tanche semble devoir disparatre; tou-tefois, malgr le nombre dj considrable et augmen-tant tous les jours de travaux consacrs l'histoire desphilosophies mdivales, malgr la reconnaissance quasiofficielle de la haute valeur de la pense scolastique,cette cloison subsiste encore.

    C'est pourquoi, avec tonnement, nous relevons chezle savant auteur du Systme de De.scartes , le meilleurpeut-tre des travaux innombrables qui lui furent con-sacrs, certaines assertions, qui ne peuvent s'expliquerque par la persistante influence du prjug dont nousavons parl plus haut 2 ; nous voyons aussi quelquefoisdes doctrines purement traditionnelles, des doctrines dela sententia communis, doctrines dont il serait presqueimpossible de dsigner le premier auteur, prsentescomme des thories spcifiquement cartsiennes \ C'est

    1. Hertling, Descartes' Beziehungcn zur Scholastik. Sitzber. des K.B.Acad., 1897, p. 3311. Mmatis mutandis. cela s'applique Descartes aussibien qu' Spinoza.

    '2. Hamelin, Systme de Descartes, p. 15.

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    IV PREFACEjusque dans les plus rcents ouvrages dont noussommes fort loign de mconnatre l'importance et lavaleur deM.Gilson et M. Blanchet que nous retrouvonsles vestiges et les traces de ce dsir de sparer Descartesde la grande poque mdivale. M. Blanchet ne voitaucun intermdiaire entre Descartes et Saint Augustin ; peine s'il remarque Nicolas de Cusa et pourtant lathorie de la docta ignorantia provient, ainsi que le termelui-mme, de Saint Bonaventure, et Yabdita scientia nousramne, avant d'aboutir Saint Augustin, aux pres grecset Plotin, leur matre tous, Saint Bonaventure et Scot Erigne. De mme, la doctrine du cogito ne s'taitjamais perdue dans les philosophies mdivales. Elle setrouve non seulement chez Scot Erigne et Heiric d'Au-xerre, mais elle reste bien vivante dans toute l'colefranciscaine, plus fidle Paugustinisme que lascolastiquede Saint Thomas, et en gnral chez, tous les Augusti-uiens '. Il nous suffit de nommer Hugo de Saint-Victor,Saint Bonaventure, Pierre d'Ailly, Gerson, etc.. QuantaM. Gilson, il borne malheureusement le champ de sessavantes recherches aux contemporains immdiats deDescartes. Pourtaut, nous ne voyons pas pourquoinous ne pouvons pas admettre, au moins comme pos-sible, l'influence directe ou indirecte de tous les auteurs,anciens comme modernes, qui pouvaient venir la con-naissance de Descartes. Les contemporains d'un penseursont tous ceux dont il lit les livres, dont la pense agitmination et puissance. Comment donc ces deux choses peuvent-elles se concilier? Selon Descartes, Dieu est infini parce que parfait, etparfait, parce qu.il est immense et infini. Mais n'a t-il pas plutt affirmqu'tabli la mutuelle subordination des deux termes .

    1. Saint Thomas ne l'ignore nullement. Nous y reviendrons dans la suite.Cf. les textes cits par Baumgartner, Uberwegs Gesch. der Phil., vol. II,1915.

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    PREFACE Vsur la sienne et, ce point de vue, Saint Augustin et SaintAnselme sont les contemporains de Descartes aussi bienque Campanella , Kustache Le Feuillant, Gibieuf ouSuarez '.

    Voulant, semble-t-il, sauver tout prix l'originalitabsolue de Descartes et ne pouvant le faire en philo-sophie (en fait c'est lui-mme qui porte cette thse lescoups les plus rudes), M. Gilson reprend aprs M. Adam 2la thse de L. Liard, et cherche nous prsenter un Des-cartes savant, uniquement proccup de la science et neconstruisant sa mtaphysique que comme une sorte deprface sa physique % la btissant en toute hte avec deslments tirs de droite et de gauche, en ne modifiantqu'aussi peu que possible les doctrines traditionnelles 4 .Une espce de mosaque, qui lui servira de drapeau et, le

    1 . Cf. Appendice II.2. Adam. Vie de Descartes, p. 305 : Pourquoi ce double jeu, qui res-

    semble une comdie'' J'entre en scne, .ivait dit. autrefois Descartes, avecun masque : l.arvatus prodeo. C'est que notre philosophe ne tient pas renouveler ses dpens l'aventure de Galile II prend donc les mesures,1'' plus habilement qu'il peut. Sans la condamnation de Galile nousaui'ions eu tout de mm'- b mtaphysique do Descartes, mais elle n'auraitpas eu le mmo aspect ; au lieu de gros livres, Descartes aurait donnquelques feuillets . On serait presque tent de se rjouir de la condam-nation de Galile, si elle nous a valu la philosophie

    3. /d.,p. 306. D'une part il pense la religion chrtienne avec laquellesa philosophie ne doit pas entre 1- en lutte, d'autre part il pense cettephilosophie elle-mme, c'est--dire sa physique dont il peut faire accep-ter d'avance les principes sous le couvert d'une mtaphysique orthodoxe.Le pavillon, si l'on ose dire, devait couvrir la marchandise. ld., p. 304 : La mtaphysique de Descartes, en dpit des apparences, avait un toutautre objet, savoir de fournir les fondements de la physique. Auxyeux des thologiens, dont il brigue pour le moment les suffrages, ildfend la cause de Dieu, rien de plus. En ralit il joue un doublejeu .

    4. M. Gilson est ainsi amen traiter comme deux problmes distinctset diffrents celui de la libert humaine et celui de la libert divine, pro-blmes qui pourtant dans l'esprit de Descartes n'en forment, croyons-nous,qu'un seul.

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    VI PRFACEdrapeau couvrant la marchandise, lui permettra de fairepasser sa physique.

    Nous ne croyons pas pouvoir souscrire cette opinion,qui ne nous semble pas pouvoir expliquer l'influence etle rle de Descartes. En effet, rien ne subsiste de nosjours de la physique cartsienne; la science n'a pas suiviles voies traces par Descartes et, si l'on a pu dire ', etavec raison, croyons-nous que l'histoire del sciencen'aurait pas t sensiblement diffrente si Descartesn'avait pas paru, l'histoire de la philosophie en serait,par contre, profondment modifie.

    Nous croyons que l'on fait tort Descartes en essayant d'expliquer telle ou telle autre de ses doctrines pardes donnes purement extrieures son systme, par telou tel but qu'il se serait propos d'atteindre butsextrinsques et extra-philosophiques. Le philosophe descauses efficientes aurait probablement protest contrel'application sa doctrine de cette mthode d'explicationpar les causes finales. Son action historique apparatraitamoindrie et deviendrait incomprhensible.

    Nous tcherons donc d'tudier les lments scolas-tiques de la doctrine cartsienne, nous essayerons deles retrouver chez les grands penseurs du moyen ge \chez ceux qui marqurent les tapes de la pense cra-trice, et ce n'est qu'aprs avoir rsolu cette questionpralable, que nous pourrons essayer de dterminer par

    1. Cf. P. Boutroux, L'idal scientifique, des mathmaticiens. Paris, 1920.2. Picavet, lissais d'histoire gnrale et compare 'les philosophiez etdes thologies mdivales. Paris, 1913, p. 329-330 : 11 ne nous importegure de savoir si Descartes a reproduit, conscient ou non, des doctrinesmdivales; l'essentiel c'est de savoir s'il a donne des doctrines qui exis-taient avant lui a ct des thories qui lui appartiennent en propreD'une faon gnrale il ne faut pas parler de plagiat comme le faitIluet, parce que Descartos est toujours original mme en reproduisant ceque d'autres ont pens avant lui .

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    PRFACE VIIquelle voie ces ides, ces thories, ces doctrines ont puvenir jusqu' Descartes. La distinction et la sparationde ces deux questions nous semblent ncessaires et indis-pensables au point de vue de la mthode, bien que nousne contestions nullement la valeur de chacune d'elles nil'aide rciproque que ces tudes convergentes sont appe-les se prter.

    Nous ne prtendons pas retrouver et. indiquer toutes lessources du cartsianisme comme le dit avec raisonM. Adam, cette tche ncessiterait une srie de mono-graphies et le travail de toute une gnration. Nousnous bornerons en indiquer quelques-unes insutlisam-ment ou point du tout analyses jusqu' prsent. Noussommes persuad qu'une analyse plus profonde et plussavante que la ntre dcouvrirait encore bien desintluences insouponnes '. Ce n'est pas non plus toutela philosophie cartsienne que nous voulons tudier, cen'est que l'ide de Dieu et les preuves de son existenceque nous essaierons d'analyser dans notre petite mono-graphie. Les sujets connexes, par exemple celui de lavolont et de la libert divines, des ides innes et de lalumire naturelle, du cogito et de la connaissance intuitivene pourront tre traits que brivement et en passant.

    Nous avons cherch tre aussi bref que possible, enutilisant dans la plus large mesure les publications ant-rieures, surtout les travaux dj classiques de M. Gilsonet en y renvoyant le lecteur aussi souvent que nousl'avons pu.

    1. Il serait en particulier fort intressant de refaire pour Descartes ceque Freudental a fait pour Spinoza : une analyse comparative des uvresdes philosophes et thologiens hollandais. Nous croyons qu'une tudepareille serait extrmement fructueuse.

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    INTRODUCTION

    Les travaux des historiens modernes ont sensiblementmodifi l'ide que nous nous formons de nos jours de Des-cartes et de sa philosophie. Malgr tous les efforts faitspour maintenir et tayer par des preuves nouvelles le dog-me ' traditionnel de l'originalit essentielle de la philoso-phie cartsienne, elle nous apparat dsormais comme tantfortement teinte des ides et thories scolastiques, ayantfait des emprunts notables et importants, ayant subil'influence profonde des doctrines philosophiques ou tholo-giques du moyen ge.Nous croyons qu'une analyse plus directe et en quelquesorte plus franche nous permettra, non seulement de rele-ver tel ou tel autre lment, tel ou tel autre emprunt t'aitpar Descartes Saint Augustin ou Saint Thomas, maisencore de reconnatre sous l'apparente et vidente diversitde terminologie et de doctrine une inspiration, sinon com-pltement identique, du moins profondment apparente l'inspiration et aux principes de la philosophie du moyenge -.

    1. Rien ne peut nous faire mieux voir la vitalit persistante de ce dog-me traditionnel que quelques assertions de M. Brhier, dans sa prfacepour le livre de M. Blanchet. Les antcdents historiques du : a'Je pense,donc je suis . Paris, 1920.

    2. Espinas. L'ide initiale de la ph ilosophie de Descarles. H. d. M. et M.1917, p. Ti.j. L'idalisme de Descartcs est un reflet de l'idalisme objectifplatonicien ou la thologie chrtienne a accentu les sparations entrel'me et le corps d'une part, entre Dieu et l'me humaine de l'autre.

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    X INTRODUCTIONDescartes nous apparatra, croyons-nous, non seulementcomme un jalon du courant philosophique et mystique no-

    platonicien ' ; sa philosophie ne nous semblera pas seule-ment une rsurrection de l'augustinisme philosophique 2parallle la rsurrection de l'augustinisme religieux 3 , maisencore profondment imbue de doctrines, de mthodes, depoints de vue et mme de prjugs scolastiques \ 11 peutsembler paradoxal, mais en fait, dans certains cas, notam-ment dans une de ses dmonstrations de l'existence de Dieu(celle de la troisime Mditation), Descartes est plus sco-lastique que ses matres Saint Augustin et Saint Bona-venture.Tout ceci n'est peut-tre pas absolument inconnu et,

    bien des fois, nous ne ferons que complter et prciser desouvrages antrieurs, car les rapports de Descartes et de lascolastique ont toujours t entrevus et affirms par leshistoriens plus clairvoyants ou mme seulement mieux ren-seigns que la moyenne \

    1. Blanchet, les Antcdents historiques du Je pense, donc je suis .Paris, 1920, p. 33. L'auteur du Discours de la Mthode et des Mditations,par Saint. Augustin et par des penseurs de second ordre, ses contemporains,a reu la tradition du spiritualisme et du mysticisme no-platoni-cien .2. Malebranche, Rponse au Sieur de la Ville, p. 9 : Celui des Presde l'Eglise qui semble avoir le plus contribu lever ces obstaclesdu ct de l'Eucharistie et rendre les Thologiens sectateurs deM. Descartes a t Saint Augustin qui avance en cent endroits commeincontestable le principe de notre philosophie par lequel il fait consisterl'essence de la matire dans l'tendue. Ce saint supposait partout ce prin-cipe sans s'attacher le prouver, parce qu'il ne parat pas que personnen'en doutt de son temps. De l il concluait que l'me est immortelle, etqu'elle est plus noble que le corps, que c'est une substance distingue delui et plusieurs autres vrits de la dernire consquence.

    3. Ne pouvant nous occuper de l'analyse du mouvement religieux de sontemps, nous renvoyons aux travaux de M. M. Strowski, A. Houssaye etH. Bremond.

    4. Pioavet, Essais..., p. 344.5. H. Hitler, Histoire de la Philosophie Nouvelle, Paris, 1843, vol. I,

    p. 14, cf. p. 44. La plupart de ses penses n'taient pas si nouvelles queses partisatfs le croyaient d'ordinaire; elles n'taient mme pas inconnues

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    INTRODUCTION XIOn a de nos jours l'habitude de faire dater les recher-

    ches sur ces rapports du travail de Freudental : Spinozaund die ScJwlastik ' suivi quelques dix ans plus tard parcelui de Hertling : Descartes' Beziehungen sur Scholas-tk -. M. Picavet a revendiqu cet honneur pour Haurauet Jourdain: nous ne croyons pas pouvoir nous arrter l;sans remonter jusqu' Huet et Baillet et sans prten-dre arriver au commencement de la liste, nous ne saurionsne pas rappeler que Nourrisson avait dj, clans son beaulivre sur la philosophie de Saint Augustin 3 malheureuse-ment trop peu lu de nos jours rapproch le cogito car-tsien du cogito augustinien \ bien qu'il n'ose affirmer unedans le temps. Son principe : Je pense donc, je suis, la preuve ontologiquede l'existence de Dieu ont t retrouvs aprs lui dans Saint Augustin etSaint Anselme Les crits de Campanella, dont il faisait d'ailleurs peude cas, ne lui taient pas trangers non plus.

    1. Freudental. Spinoza und die Scholastik, Strassburger Abhandlungenzur Philosophie, F. . Zeller :>>,,, 50 jah. D'Jubiieum geicdidmet. \^^~,

    _'. Sitsungsberichte der Kgl . Bayerischen Acadmie, 1897 et 189?3. Nourrisson, La Philosophie de Saint Augustin, II. p. 213 : En sommedonc nonobstant tout ce qui l'en spare, le cartsianisme offre, de fait et

    d'intention, d'troites affinits avec l'Augustinisme et ces affinits sontrevendiques par les cartsiens eux mmes comme des titres de gloire. Plus un homme sera savant dans la doctrine de Saint Augustin et plus ilsera dispos embrasser la philosophie de M. Descartes . iMersenne Voet, 1642. (cit par Baillet'. Le sentiment de Mersenne est le sentimentmme de Port-Royal. Enfin, d'une manire gnrale, c'est Saint Augustinqui accrdite le cartsianisme parmi les thologiens.

    4. Nourrisson, II, 208-210. "Comme Augustin, c'est dans la conscienceque Descartes place le fondement inbranlable de la certitude et sa pol-mique contre les Pvrrhoniens ne laisse pas que de rappeler de trs prsl'argumentation de l'Evque d'Hippone contre l'Acadmie. De plus,quoique la raison-dieu que clbre Augustin soit autre chose quel'innitcartsienne, comme Augustin pourtant Descartes se refuse a drivertoutes les ides de l'imagination et des sens en mme temps qu'il s' la notion de Dieu par la conception de l'infini ou du parfait.

    ., Ce qui devait toucher particulirement les disciples du Docteur de laGrce, n'tait-ce pas une philosophie qui proclamait que Dieu a tablitoutes vrits, ainsi qu'un roi tablit les lois en son royaume .' N'tait-cepas une philosophie qui par les deux thories de la substance et de lacration continue tendait, abolir l'activit des cratures, pour faire deDieu l'unique acteur .

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    XII INTRODUCTIONinfluence directe, ainsi que mis en lumire l'importanceet le rle dcisif de l'influence exerce sur Descartes parle cardinal de Brulle ' ; et que Henri Ritter 2 dans le diximevolume de son Histoire de la Philosophie avait, bien avantM. Blanchet, indiqu le rle et l'influence de Campanella.

    Il n'est pas trs facile de dterminer les sources de l'ins-piration de Descartes, ni les lments qu'il avait incorpo-rs sa doctrine, car, non seulement Descartes lui-mmene nous donne aucun renseignement sur ce sujet, non seu-lement ses uvres ne nous fournissent aucune indicationextrieure et directe, non seulement nous ne trouveronsjamais un emprunt dsign ouvertement comme tel, maisencore Descartes fait tout son possible pour les dissimuleret les masquer. Trs trange et vraiment tonnant mmedans cette personnalit paradoxale et dconcertante, toutetissue des contradictions les plus inconciliables, runissantune simplicit et mme une navet extrme avec une ambi-tion sans bornes \ unissant une candeur d'enfant la ruse

    1. Nourrisson II, p. 224, ruant Tharabaud, Histoire de P. de Brulles Homme n pour le cloitre beaucoup plus que pour les grandes affairesauxquelles on le mla trop souvent ; d'une pit anglique, d'une ruditionfaible ou mdiocre, mais d'une intelligence solide, Pierre de Brulle fut, onne l'ignore pas, le promoteur de Descartes, qui le considrait aprs Dieucomme l'auteur de ses desseins . Or. rien n'galait la vnration queBrulle avait pour Saint Augustin. Il aimait nourrir son esprit et chaufferson cur par une lecture assidue de ce grand docteur. Il le mettait audessus de tous les autres Pres pour son esprit et pour sa doctrine et ill'honorait singulirement comme le dfenseur de la grce de Jsus-Christ,comme le protecteur, s'il faut ainsi dire, de Dieu contre l'homme. Il vou-lait mme que cette dvotion passt jusqu' ses disciples.

    2. Blanchet, ouvr. cit, Prface de Brhier. L'action de l'Oratoire surla pense cartsienne n'tait pas inconnue et M. Blanchet n'a eusur ce point qu' souligner et prciser. Mais elle se croisa avec uneautre influence que M. Blanchet est, croyons nous, le premier mettre enlumire, celle de Campanella . L'influence de Campanella sur Descartesfut affirme nous ignorons si c'est pour la premire! fois par H. Ritter,dans son Histoire de la Philosophie moderne, ouvrage dont la traductionfranaise partit en 1843.

    3. Il veut remplacer Aristote, non pas seulement abolir et dtruire sonrgne dans les coles, mais devenir lui-mme l'Aristote de la scolastiquenouvelle, qu'il se propose de fonder.

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    INTRODUCTION XIIIet l'astuce d'un jsuite ' Descartes, un des esprits lesplus incontestablement originaux et crateurs qui aientjamais exist, semble avant tout proccup par le dsird'originalit, par la crainte de paratre devoir quelque cho-se quelqu'un '.

    Soignant en quelque sorte sa propre lgende, il veutavoir tout tir de son propre fonds ; possdant des connais-sances trs tendues et trs varies, il veut passer pour unautodidacte ' ; connaissant fort bien les travaux de ses pr-dcesseurs car. si Descartes n'est pas un rudit, s'il nelit pas beaucoup, il lit bien, et il soumet quelquefois l'ach-vement de ses travaux la condition de possder des livresqui lui sont ncessaires ' il veut passer pour un homme

    1. Il joue au plus fin avec les Jsuites avec le succs qu'onconnat.2. Baillet. 1. p. 34. Quoi qu'il se sentit trs oblig aux soins de ses niait res,

    qui n'avaient rien omis de ce qui dpendaii d\ux pour le satisfaire, il ne secroyait pourtant pas redevable ses tudes de ce qu'il a fait dans la suitepour la recherche de la vrit dans les arts et les -ciences. Il ne faisait pasdillicult d'avouer a ses amis, que quand son pre ne l'aurait pas fait tu-dier, il n'aurait pas laiss d'crire en Franais les mmes choses qu'il acrites dn latin. Il tmoignait souvenl que s'il avait t de condition a setaire artisan, et qu'on 'lui et fait apprendre un mtier tant jeune, il yaurait parfaitement irce qu'il avait toujours eu une forte inclina-tion pour les arts. De sorte que ne s'lant jamais souci de retenir ce qu'ilavait appris au collge, c'est merveille qu'il n'ait pas tout oublie- et qu'ilse soit souvent tromp lui-mme dans ce qu'il croyait avoir oublie .

    3. Baillet, II. p. 167-8. M. Descartes n'avait pas sans doute autant derpugnance pour la lecture qu'il tmoignait pour l'criture. 11 faut avouernanmoins qu'il ne lisait pas beaucoup... Rebut des inutilits et deserreurs, qu'il avait remarques dans les livres, il y avait renonc assezsolennellement. Mais ne point mentir son renoncement ne lut jamaistout, entier, il le rendait mme suspect de dissimulation. Et ceux quiont t un peu verss dans ses ouvrages n'ont pas pu prendre pour unvrai mpris cette indiffrence qu'il affectait assez mal propos de faireparaitre pour les livres. Ils ont remarque au contraire qu'il avait unusage des livres beaucoup plus grand qu'il ne voulait en fairecroire .

    4. Espinas, Descaries de 16 27 ans, Revue Bleue, 1907, p. 354. de ses visiteurs trouve en lui hominem libros neque legentem neque

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    XIV INTRODUCTIONqui n'a jamais rien lu ; ayant une connaissance profonde ettrs sre de la scolastique (il possde et emporte avec lui,mme en voyage, la Somme de Sainl Thomas ', et les Dis-putationes metphysicae de Suarez, qui valent une ency-clopdie), il se donne volontiers des airs de profane, et,aprs une discussion scolastique des plus serres, s'excusesur son manque de savoir ; utilisant avec une habilet mer-veilleuse les travaux et les donnes de ses devanciers, ilessaie de faire croire qu'il ne les a jamais connus 2 ou, sic'est impossible, prtend n'y avoir rien trouv de bon et.n'en faire que trs peu de cas 3 . Non seulement il ne citepresque jamais, ou s'il cite, c'est pour nommer Archimde,Aristote ou Papus \ mais encore, lorsqu'on lui indique unrapprochement significatif (ainsi pour Saint Augustin etSaint Anselme) il se livre une manuvre purile et unpeu ridicule il commence par s'tonner et se rjouir decette 'rencontre imprvue avec un auteur qu'il ne connais-ceux de ses devanciers, il cherche toujours a tablir qu'il ignorait ceux-ci.Eu ralit il lisait tout ce qui lui paraissait important sur les points o seporte son tude.... et sur certains points mme il subordonnait l'achve-ment de ses travaux la possession des livres ncessaires .

    1. Malgr l'hsitation de M. Adam, nous croyons qu'il ne peut s agir quede la Somme thologique ; c'est elle qui est, La Somme. Cf. Meditatio-nes. Resp. IV. (VII. 235). et la lettre Mersenne du 25 XII 1639. (II.630).

    2. Ce qui ne l'empche pas de citer lui-mme cet auteur suppos incon-nu lorsqu'il en aura besoin pour se couvrir de son auloiiic

    3. Ainsi pour Campanella et mme pour Galile et Giordano Bruno.4. Mditt. Epistola, vol. VII, p. 4. Adrlamque eliam taies, esse

    ut non putem ullam viam humano ingenio patere, per quant melioresinveniri unquam possint : cogit enim me cause ncessitas, etgloria Dei, ad quam totum hoc refertur, ut hic aliquando liberius demeis loquarquam mea fer! consuetudo. Alqui quamvis certas et videntesnias putem, non tamen ideo mihi persuadeo ad omnium captum esseaccomodatas: sed qUemadmodum in geometria multse suis ab Archi-mde, Apollonio, Pappo aliisve scriptse, qua\ et si pro evidentibus etiamac certis ab omnibus habeantur, quia nempe nihil plane continent quodseorsim spectatum non sit cognitu facillimum, nihilque in quo sequentiacum antecedentibus non accurate cohaereant, quia tamen longiusculesunt et valde attentum lectorem desiderant, non nisi ab paucis

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    INTRODUCTION XVsait gure', puis, par une discussion quelque peu sophis-tique, il cherche tablir une distinction subtile entre sadoctrine et celle qu'on en rapproche pour finir enfin pardclarer que la chose est tellement simple que n'importequi pouvait la trouver aussi bien que lui et que personnel-lement il ne lui attribue aucune importance, et cela, lors-qu'il s'agit des doctrines fondamentales de son systme! 2S'il n'a pas donn le change ses contemporains, il abien russi vis vis des modernes ; car, malgr les excep-tions que nous avons signales, ce n'est que de nos jours

    intelliguntur ita quamvis eas guibus hic utor certitudine et evidentiaGeonietrias aequare. vel etiam superare. existimem, vereor tamen nea multis salis percipi non possint, tum quia etiam longiuscula; sunt, etaliae ab aliis pendent tu ni praecipue quia requirunt mentem a praeiudiciisplane liberam et quae se ipsam a sensuum consortio facile subducat.

    1. Lettre au P. Mesland, 2 mai 1644.Corresp. CCCXLVII, vol. IV, p. 113. Je vous suis bien oblig de ce que vous m'aprenez les endroits de St

    Augustin, qui peuvent servir pour authoriser mes opinions : quelques autresde mes amis avaient dj fait le semblable et j'ay trs grande satisfactionde ce que mes penses s'accordent avec celles d'un si saint et si excel-lent personnage. Car je ne suis nullement de l'humeur de ceux quidsirent que leurs opinions paroissent nouvelles; au contraire, j'accomodeles miennes celles des autres, autant que la vrit me le permet.

    Je ne mets aucune diffrence entre l'me et ses ides, que comme entreun morceau de cire et les diverses ligures qu'il peut recevoir. Et commece n'est pas proprement une action, mais une passion en la cire, de rece-voir diverses figures, il me semble que c'est aussi une passion en l'me derecevoir telle ou telle ide et qu'il n'y a que ses volonts qui sont desactions .

    2. Ritter, ouvr. cit, I, p. 13. Nous ne pouvons l'absoudre d'avoirmaintes fois trait les ides de ses devanciers comme sa proprit :quand on lui tmoignait l-dessus un tonnement trs fond, il rpli-quait d'ordinaire qu'il tait flatt de se voir soutenu par l'autorit despenseurs qui l'avaient prcd. 11 n'tait pas surpris que d'autres eus-sent conu les mmes penses que lui; il n'avait jamais cherch se faire honneur de la -nouveaut de ses thories ; il les tenait pourles plus vieilles du monde parce qu'elles taient les plus vraies et sisimples qu'il el t t une si nul avant lui ne les avait aperues,

    De tels aveux n'en sont pas moins surprenants de la part d'un hommequi voulait tout reconstruire de fond en comble. Ils ne s'accordent pasparfaitement avec d'autres propositions, o il prtend l'invention de

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    XVI INTRODUCTIONque sa malafides fut nettement tablie par M. Espinas ',M. Picavet et, dernirement, par la dmonstration ing-nieuse et serre de M. Blanchet 2 .Nous nous bornerons y ajouter un petit trait saillant :lorsque Catrus lui reproche d'avoir repris un argument(celui de Saint Anselme) dj expos et rfut par SaintThomas 3 , Descartes se retranche derrire une distinctionfort habile il l'expose son tour en accentuant encorela tournure nominaliste que lui avait donne Saint Thomas(preuve qu'il connat fort bien le passage ' et, profitant dufait que Saint Thomas ne nomme pas son auteur (dansle passage en question) et que Catrus en semble ignorerle nom, il parait ne point reconnatre dans cet argumentcelui de Saint Anselme, que lui avait dj signal Mer-senne '" et queMersenne lui-mme reproduit dans ses ouvra-ges, aussi bien dans les Quaestiones celeberrimae in Genesimque dans sa Dfense de ht science '' Et pourtant Descartesne pouvait ignorer que l'auteur de l'argument expos par SaintThomas ft Saint Anselme, puisque dans d'autres endroitsSaint Thomas lui-mme le nomme en toutes lettres '. Certes,Descartes avait modifi l'argument, l'avait mme transform,et nous essaierons nous-mme de montrer plus tard quellesfurent ces modifications, cette transformation, et quellessont les diffrences entre l'argument de Descartes et celui

    1. Espinas, Descartes, Revue Bleue 1907, p. 358.2. Blanchet, ouw. rit,'-, p. 61.:!. Resp. primae, \ 1 1. 115.4. 11 est d'ailleurs au dbut de la Somme. Toutefois Descartes exposel'argument de Saint Anselme non selon la Somme Thologique, mais selon

    la Somme contre les Gentils.5. Cf. Haurau, Histoire littraire du Maine, VIII, p. 128-130.6. Cf. Descartes, III, p. 261. Adam, ouvr. cit, p 320. Jadis SaintAnselme l'avait propose le premier,

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    INTRODUCTION XVIIde Saint Anselme, mais son manque de sincrit n'en restepas moins flagrant.Ceci nous amne un autre point, qu'il faut toujours avoiren vue pour pouvoir dterminer les influences subies parDescartes : disons-le de suite, Descarte* ne copie jamais.Il n'empruntejamais une thorie ou une doctrine telle quellepour la transplanter en bloc dans son systme. Il ne colla-tionne pas ; ses uvres ne sont pas des compilations: enpassant par le creuset puissant de son esprit, les doctrines,souvent de provenances les plus diverses, se fondent, setransforment et se refondent en une unit nouvelle. Sesthories lui sont vraiment propres; il les a toutes repen-ses lui-mme, elles sont devenues des parties intgrantesde son systme et ce n'est pas tout fait tort qu'il enrevendique la proprit.Nous serons donc forc de procder une vraie analyse ,

    lorsque nous chercherons dgager dans ce compos chi-mique qu'est la doctrine cartsienne ses lments primitifs.Nous ne pourrons, par consquent, faire plus qu'tablir

    des possibilits at des probabilits, et tout au plus des vrai-semblances. On nous dira peut-tre que nous avons un parti-pris contre Descartes et que notre mfiance est aussi exag-re et peu fonde que l'attitude contraire. Nous ne le croyonspas. En effet, l'attitude de Descartes est a priori invraisem-blable. Est-il croyable que le brillant lve des jsuites qui il le dit lui-mme ' avait lu presque tous les livres qu'ilavait pu trouver La Flche ', qui, plus tard encore jus-

    1. Discours..., vol. VI, p. 4et suiv. Si tt que j'eus achev tout ce coursd'tudes au bout duquel on a coustume d'estre receu au rang des doctes ....

    J'avais appris tout ce que les autres y apprenaient, et mesme ne ui'es-tant pas content des sciences qu'on nous enseignait, j'avais parcouru tousles livres traitant de celles qu'on estime les plus curieuses et les plus raresqui avaient pu tomber entre nies mains. Il s'agit des livres dfendus de lamagie naturelle.) La lecture des bons livres est comme une conversationavec les plus honnestes gens des sicles passez, quienont est les autheurs .

    2. Adam, o. c, p. 31. Descartes emporta de la Flche bien des semences

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    XVIII INTRODUCTIONqu' 1620 selon lui-mme s'tait activement occup dequestions philosophiques et avait tudi la littrature sco-lastique, se soit born copier et tudier le cours de sonprofesseur de philosophie ? Qu'il n'ait jamais tudi Suarez,la gloire de la compagnie, dont les Disputationes Meta-physicae furent son poque dites plus de vingt fois ?Que l'ami et le disciple du Pre Gibieuf et du cardinal deBrulle n'ait jamais lu les uvres de Saint Augustin ' Quele catholique fervent - et le croyant sincre et mystiqueait ignor les Opuscules de Saint Bonaventure? Et puis.ses maitres eurent assez de confiance en lui pour lui permettre lalecture d'ouvrages ordinairement dfendus. Lesquels? Peut, tre l'Artde Lulle, dont il parle dans son Discours de la mthode et une oudeux fois dans sa correspondance; (VI, 17; X, 156, 157 164, 165)peut-tre les livres de Henri Corneille Agrippa, sur l'incertitude desconnaissances humaines, ou sur la philosophie occulte, dont il ditun mot ou deux. Descartes parait avoir lu la Magie naturelle deJean-Baptiste Porta.

    1. Espinas, Pour l'histoire du cari., p. 27". Les controverses avecles protestants ont ramen l'attention sur les Pres. Saint Augustin, dontil va se faire cinq ditions en quelques annes, est l'objet d'une tude pas-sionne et avec lui les auteurs sacrs du me sicle". Brulle est par seslectures quotidiennes un contemporain de Saint Clment d'Alexandrie etde Den.vs l'Aropagite.

    2. Baillet, II, 515. Il avait une aversion extraordinaire pour le Calvi-nisme... Cette aversion lui tait venue en partie de la naissance, en partiede l'ducation, et elle s'tait accrue lorsque, vivant dans un pays o cettesecte est dominante, il la trouva trop dnue d'extrieur, trop libre et tropfavorable ceux qui passaient d'elle l'Athisme.

    M. de Sorbire, qui tait encore Huguenot lorsqu'il le hantait dans cesprovinces, n'a pu sWiipchi'i- de dire depuis sa conversion, qu'on a eugrand tort de douter de la foy de ce grand personnage. Milhaud, Unecrise mystique chez Descartes, P. de M. et M. 1916, p. 521 : L'hommequi 23 ans a cru aussi aisment d'tre a travers les songes en commu-nication avec Dieu lui-mme, m'apparait avec une me plus navementreligieuse, plus simple, moins complique qu'on n'est gnralement dispos le croire : j'ai pour ma part dsormais moins de tendance, surtout dans1rs questions o Dieu est en jeu, voir chez lui des artifices, des prcau-tions, des arrires-penses. Espinas, L'ide initiale, p. 255. L'hommequi vient accomplir ;'i pied le voyage de Venise Rome sur un vu fait la Vierge quatre ans auparavant, celui que nous venons de voir assiM-iau jubil et courir ds son retour en France Fontainebleau pour par-ticiper aux dvotions de la Cour, n'est pas pratiquement un sceptique. ..

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    INTRODUCTION XIXnous avons vu tablir son manque de sincrit en ce quiconcerne Saint Augustin '; nous l'avons tablie nous-mmesen ce qui concerne Saint Anselme, nous n'appliquons quela rgle cartsienne, ne pas croire celui qui nous a trompdj une fois, et nous ne laisserons pas l'exposition, si visi-blement littraire du Discours 2 , prvaloir et contreba-lancer les possibilits et les vraisemblances que nousrvlera l'analyse intrinsque de ses uvres.

    1. Blanchet, ouvr. cit, p. 55.2. Cf. Km;is. /. jmuit de dpart de Descartes, Revue Bleue, 1906,

    p. 294 et suiv.

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    L'IDE DE IUEI' CHEZ DESCARTESIncipiendum est a Dei cognitione acdeinde aliarum omnium rerumco-gnitiones huic uni mnt sitbordinandae. .

    .

    Si, sans parti-pris, sans ide prconue, on aborde la lec-ture des Mditations, on a vraiment de la peine croireque dans cette uvre d'une inspiration toute thologiqueet traditionaliste, on ait pu voir une rupture dfinitive avecles mthodes et les ides du pass : uvre d'un philosophechrtien qui combat pour la gloire de Dieu et de son glise 'et se propose de prouver contre les athes, les sceptiques etles libertins l'existence de Dieu et l'immortalit de l'me,uvre hardie d'apologtique mystique qui. par un ing-nieux retour offensif, prtend faire profiter la religion detoutes les conqutes de la science -, qui, tout en voulant

    1. Espinas, L'ide initiale, p. -T7 : L'absolu lui est intime, il est aveclui au centre de tout, il vit en sa prsence, le rencontre, il touche, ilembrasse Dieu de toutes parts, en difiant son monde par la mathmatiqueuniverselle avec une matire passive entirement apourvue d'efficace.Il se prpare traiter les sciences de l'homme suivant le mme esprit,c'est le rgne de Dieu qu'il y cherchera, c'est la cause de Dieu qu'il seproposera de venger . La mtaphysique n'est donc aucun momenttrangre du moins cette premire forme du systme, ni la religion,ni la morale puisqu'il les prend l'une pour l'autre . Cf. Baillet, Vie de Des-cartes, II, p. 171.

    2. Blanchet, op. cit., p. 69 : Au point de vue plus strictement philoso-phique de l'apologtique, qu'est-ce que le cartsianisme, sinon, aprs lascolastique de Saint-Thomas, laquelle il aspire se substituer, le pluspuissant effort n-nte pour faire bnficier les dogmes chrtiens, dans leurs

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    2 L IDEE DE DIEUremplacer la mtaphysique suranne de la scolastique aris-totlicienne, prtend asseoir la philosophie et la thologiechrtienne sur des bases plus sres et plus fermes quejamais l en faisant de Dieu et de la connaissance de Dieu lefondement et la justification de toute science, de toute cer-titude, de la perception morne, jusques et y compris la per-ception sensible du monde matriel 2 les Mditations parleur titre mme nous rappellent leurs prdcesseurs illus-tres, les Mditations de St-Augustin et de St-Anselme 3 .Cette concidence n'est peut-tre pas tout fait fortuite,surtout si l'on considre les rapprochements nombreux etsignificatifs que l'on peut faire entre les thories cartsien-nes et celles des deux grands Docteurs de l'glise \

    L'ide de Dieu dont part et laquelle ramne l'argumen-parties les plus essentieUes.de la laveur acquise aux doctrines dmontreset indispensables nu dveloppement progressif des sciences de la nature?...Les mmes arguments qui rfutent les sceptiques ruinent dfiniti-vement les allgations de l'athisme. La situation... est compltemenlretourne au profit de la religion .

    1. Ibid., p. S7-S8 : Lorsque Descartes retir en Hollande commence unpetit trait de mtaphysique , ce n'es! pas seulement pour servir de pr-face a sa physique, pour lgitimer sa mthode... c'est encore et surtoutpour tcher de connatre Dieu et le faire connatre aux autres, c'est pourrussir dmontrer aux hommes les vrits mtaphysiques d'une faonqui est plus vidente que les dmonstrations de gomtrie Ce but despremires mditations^de Descartes au moment ou il quitte la France estun but religieux .

    2. Mdit., Abrg, IX, p. 12 : J'y apporte idans la VI e M.) toutes les rai-sons desquelles on peut conclure l'existence des choses matrielles : nonque je les juge fort utiles pour prouver ce qu'elles prouvent, savoir qu'il y aun monde... mais parce que en les considrant de prs on vient con-natre qu'elles ne sont pas si fermes ou si videntes que celles qui nousconduisent la connaissance de Dieu et de notre me; de sorte que celles-ci sont les plus certaines et les plus videntes qui puissent tomber en laconnaissance de l'esprit humain .

    3. Les vieilles ditions de St Augustin emploient volontiers le titre :Ueditationes.

    4. Nourrisson, op. cil., IL p. 207 : Port Royal admira et adopta dans Des-cartes nu clbre el moderne disciple de St Augustin. Dans le cartsia-nisme il crut reconnatre une sorte d'exposition populaire de l'Augusti-iii- approprie aux temps nouveaux .

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    CHEZ DESCARTES 3tation des Mditations' est l'ide traditionnelle de l'glisechrtienne : une de ces ides que Descartes emprunte lasententia communis, ou plutt une ide qu'il n'empruntemme pas. qu'il trouve toute faite, constitue et mme jus-qu' un certain point analyse, ide qui lui semble telle-ment naturelle qu'elle doit tre commune tous et qu'il nepeut pas s'imaginer qu'on puisse en avoir une autre, tantsoit peu diffrente.Cette ide est celle d'un tre absolument parfait, infini,ternel, connaissant tout et tout puissant, crateur absolude l'homme et du monde, source absolue de toute percep-tion, de toute vrit, de toute existence comme de toutesles essences, de tous les possibles, de tous les actes. Des-cartes admet comme une donne indiscutable l'ensembledes dogmes du catholicisme a ; non seulement la trinit, ladivinit ou l'incarnation du Christ, mais encore la trans-substantiation sont pour lui des faits indubitables, des faitsqu'on peut ne pas comprendre, ou plutt qu'on ne peut pascomprendre, mais qui sont aussi srs et inbranlables queles propositions de la gomtrie plus srs encore, puis-qu'ils nous sont assurs par la foi et l'autorit surnaturelle

    1. Nous croyons en effet que c'est l'ide de Dieu qui forme le centre dela doctrine cartsienne ; si, selon le mot de Hamelin, on peut toujours chezDescartes partir de deux points, de Dieu et du moi, du cogito, par contreh- moi, le cogito nous ramne Dieu et c'est en cela que consiste ensomme son rle, c'est de Dieu qu'il tient sa valeur. Cf. Medilationes, Epis-tola ad Doctores Sorbonnae, vol. VII, p. 2. 3 : Semper existimavi, duasquaestiones de Deo et de Anima, praecipua esse ex iis quae Philosophiaepotius quam tlieologiae ope sunt demonstrandae... N'iliil taraen utilius inPhilosophia praestare posse existimo, quam si semel omnium optimaestudiose quaerentur, tamque accurate ei perspicuae exponantur ut apudomnes constet in posterum eas esse demonstrationes [Deum esse]. Quavia Deus facilius et certius quam res saeculi cognoscatur, non putavi am.- esse alienum inquirere.

    2. Principes, g 24 : Nous nous souviendrons toutes les fois que nousvoudrons examiner la nature de quelque chose, que Dieu qui en est 1 Au-teur est infini et que nous sommes entirement finis. Ibid., 25. il faut

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    4 L IDEE DE DIEUde l'glise et de l'criture sainte ', car l'autorit du dogme,de l'glise et des livres saints est pour Descartes aussirelle qu'elle l'tail pour Si-Anselme '. Ce n'est nullementpar artifice de politique, ni par une manoeuvre habile queDescartes annonce qu'il peut selon les principes de sa phi-losophie rendre le mystre de la transsubstantiation plusfacilement comprhensible que ne le faisait la thologiescolastique \ A ses yeux, et nous croyons que cette fois-ciil est sincre, le problme est parfaitement srieux; pourlui, comme pour ses correspondants partisans ou adver-saires de sa philosophie c'est un avantage rel de lanouvelle doctrine ou bien une objection des plus s-rieuses \ Descartes < j -t sincre lorsqu'il s'incline avecune humilit relle devant l'autorit de l'glise " et

    1. Baillet, II, 503 : Jamais philosophe n'a paru plus profondment res-pectueux pour la Divinit que M. Descartes. Il fut toujours sobre sur lessujets de Religion, jamais il'n'a parl de Dieu qu'avec la dernire circons-pection, toujours avec beaucoup de sagesse, loujours d'une manire nobleet leve. Il tait dans Papprhi nsion continuelle de rien dire ou crire quift indigne de la religion... 11 avait soin en parlant de la nature divine etde l'existence de Dieu, que sa philosophie ne l'inancipt trop sur les chosesqui pouvaient avoir du rapport aux mystres de la Trinit et de l'Incar-nation... 11 ne pouvait souffrir sans indignation la tmrit de certainsthologiens qui s'chappent de leurs guides, c'est--dire de l'Ecritureet des Matres de l'Ancienne Eglise... Il blmait surtout la hardiesse desPhilosophes et des Mathmaticiens qui paraissaient si dcisifs dtermi-ner ce que Dieu peut et ce qu'il ne peut pas .

    2. Cf. Bossuet, uvres, v. XXIII, p. 442.3. Ceci n'est d'ailleurs que fort naturel : caressant le rve glorieux deremplacer Aristote dans les coles de la chrtient. Descartes devait nces-sairement songer le remplacer compltement et donner par sa philo-

    sophie nouvelle une explication des dogmes et des mystres de la foi,explication au moins aussi plausible et acceptable que l'tait e.-lle deses adversaires scolastiques. Il devait faire plus encore et les rendre ac-ceptables inclue aux yeux des sceptiques. Cf. Lettre Mersenne, 28janvier 1641. Vol. III. p. 293.

    4. Espinas, L'ide initiale, p. 259. . . . [cette dcouverte] le mettait sur lavoie de la systmatisation hardie dont il avait le pressentiment et quitait son but encore lointain : rattacher le dogme eucharistique a la tho-rie gnrale de la matire .

    5. Kesp. Quartae, vol. VII, p. 244. Haec vero paulo prolixius hic perse-

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    CHEZ DESCARTES 'ce n'est pas seulement les prcautions, les craintes d'uneme timore et prudente car enfin. M. Adam l'a bienmontr, il n'avait pas grand'chose craindre, qui luifont diffrer la publication de son Monde , >'t lui dictentplus tard sa bizarre thorie du mouvement. Nous croyonsque la prudence du trs prcautionneux philosophe taitfortement soutenue par l'humilit et la soumission ducroyant. Il croit aux ides claires et a sa physique, mais ilcroit encore davantage en Dieu, au Christ et son glise,et, s'il avait a choisir entre sa physique et son glise, nouscroyons bien qu'il n'hsiterait point abandonner etsincrement la premire. Nous ne pouvons pas nousexpliquer autrement cette inquitude terrible, ce boulever-sement intrieur qui s'emparrent de lui la nouvelle de lacondamnation de Galile. C'est trs srieusement qu'il parled'un commentaire du Livre de la Gense ' et. malgr sesprotestations ritres de ne point vouloir se mler desquestions de thologie, il n'hsite pas adonner une rponseporemptoire toutes les objections et questions thologi-ques " qu'on lui pose.

    L'ide de Dieu de Deseartes est l'ide traditionnelle de lathologie chrtienne ci la manire dont il l'analyse, les prin-cipes qui lui permettent de la prciser, de dterminer lesattributs essentiels de cet tre suprme, omniprsent eltout-puissant, sont les principes traditionnels de la philoso-phie scolastique : ce sont avant tout l'ide de l'infini et l'idede la perfection. C'est le principe de perfection qui .joue le

    esse cavere, ne vel minimum quid in meis scriptis reperiatur, quod meritoTheologi reprehendant.

    1. Manuscrit de Gttingeii. V. \>. 1682. Et Ton peut dire qu' son poque, toutes les questions taient tuolo-

    giques. Ce qui passionnait les thologiens, ce n'tait pas le problme psy-chologique lui-mme des rapports de l'entendi menl ei de ta volont dansl'acte libre: si les solutions apportes i problme n'avaient pas entranou paru entrainer des consquences graves relativement l'interprtation

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    6 l'ide de dieurle de til directeur dans la thologie de Descartes, exacte-ment le mme principe que tous les thologiens depuis Plo-tin et St Augustin jusqu' St Anselme et St Thomas, DansScot ' et Suarez avaient mis la base de leur spculation ;la formule qu'il en donne est presque mot mot emprunte St Anselme \ reprise d'ailleurs chez ce dernier par StThomas et devenue bien commun de toute la thologie pos-trieure. 11 faut, dit-il, attribuer Dieu, source de toute per-fection, toutes les perfections que nous trouvons dans lescratures 3 , ou du moins toutes celles qui sont des perfec-tions absolues. Il faut nier toutes celles qui sont entachesdo quelque limitation, de quelque imperfection. Il faut luiattribuer toutes les perfections en les levant au degrinfini \ Il faut voir dans les cratures les vestiges du cra-teur et surtout et avant tout dans l'me humaine, image etressemblance de Dieu '. 11 faut consacrer toute son nergie

    1. Duns Scot, De primo princ, IV. 3. Omnis perfectio simpliciter et insummo inest necssario naturae summae.En marge : Describitur perfectiosimpliciter ex Anselm. Descarte?, Discours sur lu Mthode, IV. p. 33.Pour connatre la nature de Dieu autant que la mienne en tait capableje n'avais qu' considrer, de toutes les choses dont je trouvais en moiquelque ide, si c'tait perfection ou non de les possder; et j'taisassure qu'aucune de celles qui marquaient quelque imperfection n'taienteu lui, mais que toutes les autres y taient.

    2. M. Picavet a dj fait dans son Esquisse un rapprochement significa-tif entre Descartes et St Anselme.

    3. Summa Theol., I, qu. XIII, art. 3 : In nominibus, quae Deo attribui-uius, est duo considerare, scilicet perfectiones ipsas signiricatas, ut boni-tatem, vitam et huiusmodi et modum signilcandi. Quantum igitur adid, quod significant huiusmodi nomina proprie competunt Deo, et magisproprie, quam ipsis creaturis et per prius dicitur de eo... praedicta nominadivinam substantiam significant, imperfecte tamen sicut et creaturaeirnperfecte eam reprsentant. Cum igitur dicimus. Deus est bonus, non estsensus : Deus est causa bonitatis. vel : Deus non est. malus; sed estsensus : Id quod bonitatem dicimus in creaturis praeexistit in Deo, et hocquidem secundum modum altiorum. Unde ex hoc non sequitur, quod Deocompetat esse bonum, in quantum caust bonitatem, sed potius e con-verso, quia est bonus, bonitatem in rbus diffundit.

    4. St Thomas. Quaesi isputatae de potentiel, qu. VII, art. 5.5. Per imaginent e1 per similitudinem cognoscimus, avait dit

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    CHEZ DESCARTESintellectuelle la connaissance de Dieu et de soi-mme '.et c'est dans cette connaissance de Dieu, dans cette visionintellectuelle, aussi imparfaite el aussi loigne qu'elle soitde la vrai'' connaissance intuitive, que l'me humaine trouvela plus haute flicit qui lui soit accessible sur terre, pr-sage et promesse de la flicit suprme de la vision bati-fique ds lus .Nous le voyons, des ides traditionnelles, des principes

    traditionnels le principe de perfection et le principed'analogie. Dieu l'tre suprme 3 . la perfection absolue,infinie et simple, conu selon les principes de la scolas-tique. analyse selon les mthodes traditionnelles '. Des-canes nous apparat nettement comme un continuateur dela tradition mdivale.

    Cependant, ces ides traditionnelles, ces principes tradi-tionnels : manis par l'esprit fcond et puissant de Descartesdonnent un rsultat nouveau, une doctrine que nous netrouverons telle quelle chez aucun des grands Docteursdu moyen ge. Nous en retrouverons tous les lments etnous pouvons en suivre les destines dans la synthse car-

    1. Deum et animant scire cupio.avait dil S 1 Augustin.2. Lett \" fvrier 1647. Corresp. CCLXVIII. vol. IV. p. 609.

    Or le chemin que je juge qu'on doit suivre pour parvenir l'amour deDieu est qu'il faut considrer qu'il est un esprit ou une chose qui pense.enquoy la nature de notre me ayant quelque ressemblance avec la sienne.nous venons nous persuader qu'elle est une manation de sa souveraineintelligence et divinae quasi particula aurae... Si nous prenons garde l'infinit 'de sa puissance... l'tendue de sa providence.... l'infailli-bilit de ses dcrets... et enfin d'un ct notre petitesse et de l'autre la grandeur de toutes les choses cres... sans les enfermer dans uneboule, comme font ceux qui veulent que le monde soit fini : la mditationde toutes ces choses remplit un homme d'une joie si extrme que... ilpense avoir dj assez vcu de ce que Dieu lui fait la grce de parvenir de telles connaissances, et se joignant entirement lui de volont ill'aime si parfaitement, qu'il ne dsire rien au monde sinon que lavolont de Dieu soit faite .

    3. Principe*. 1. S 22.

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    8 l'ide de dieutsienne.mais cette synthse n'en reste pas moins originaleet unique en son genre e1 digne d'occuper une place part, ct et la suite des grandes synthses deSt Bonaventureet Duns Sent. Elle est aussi puissante que celle de ces grandsDocteurs moins fine toutetois, moins exacte. Descartes nedispose point de l'admirable appareil conceptuel de la sco-lastique, ou plutt il n'a pas su emprunter la scolastique,il est vrai anmie et appauvrie, de son temps, une termino-logie suffisamment labore et exacte, et sa doctrine s'enressent '. Descartes a puis aux sources profondes de cetadmirable courant de pense qui, depuis Plotin et SaintAugustin, se continue travers tout le moyen ge dans lemonde occidental. Il a rendu la vie et le sang la pensephilosophique chrtienne et, son influence se combinantavec celle plus directe de Saint Augustin, a produit Pascalet Malebranche. Mais son systme, dense et profond, estobscur: ses concepts sont vagues, sa terminologie imprcise.On ne peut pas impunment abandonner et mpriser nimme faire semblant de le faire le travail sculaire de lapense humaine -.

    1. Cf. Euken, Geschichte der Philosophischen Terminologie, Leipzig,1879, p. 90:... Eben an entscheidenden Puncten, wo eine neue Fassung1 1 mu >i. 'h durchdringt, fuhrt der Mange] an Prcision im AusdruckVermengung des Alten und Neuen, und dadurcli mannigfache Sturungenund selbsl widerspruch herbei. Zu solchetn schwankenden Termini

    -.-liort /.. B. cogitare, ja aile psycliologischen Grundbegriffe leiden aujenem Doppelsinn. Auch die pliysikalisehen Begriffe sind von dieseinMangel nicht frei .

    I.Ibidem, p. 88 : Es ist... geradez characteristisch fur den StilDesoartesdass er in einetn tort. Ausdriicke an deren Sonderng si h der Scharfsinnvon Jahrhunderten bezeigl and erfreul hatte als vollstandig gleichbe-deutend neben einandei verwendet. Wir finden z. B als gleichwertig :noticiae sive ideae, coneeptus sive idea, idea sive cogitatio, res sive *ub-stantia. natura sive essentia, corpus sive materia, materialis sive corpon li-res corporales sive physieae, res immateriales sive metaphysicae, intellec-tualis sive cogitativus, formae sive species, formae sive attributa, menssive anima, intellectus sive ratio, realitas sive perfectio, est sive existitund vieles andei hr. Kann die scholastische Spitzflndigkeit sharferbekampfl werden als es durcli dise sive greschiel '

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    i HIV DESCARTES 'Descaries abandonne la mthode scolastique, il se dbar-

    rasse des subtilits des thomistes et des scotistes. Ilcherche simplifier et condenser sa pense, mais s'il estvrai que la scolastique de son temps, qui se mourait touf-fe par le poids des richesses normes accumules par letravail du moyen ge, tombait de plus en plus dans un ver-balisme strile, il n'en est pas moins vrai qu'elle les conser-vait comme un hritage du pass '. A force de vouloirsimplifier, rendre sa pense claire et accessible tous.Descartes finit par la rendre confuse; chaque terme estune quivoque, chaque mot plusieurs sens diffrents,s'il est vrai que entia praeter necessitatem non sunt mul-tiplicanda, il n'en est pas moins vrai qu'il est peut-treencore plus dangereux d'en vouloir tout prix diminuer lenombre. La lumire naturelle ne nous assure nullement,selon le mot profond de Duns Scot, que l'univers doivencessairement tre simple et facilement comprhensiblepar notre intellect, par notre pense.

    Ces rserves faites, nous devons reconnatre que, si biendes fois Descartes n'a pas atteint l'exactitude ni la finessedes analyses de ses prdcesseurs, il leur fut par contresouvent nettement suprieur par la puissance et la profon-deur de sa pense.

    Il est certainement inexact de dire, avec F. Ravaisson 3et F. velin que l'ide de l'infini soit pour la premire foisentre dans la spculation philosophique avec Descartes 3 ;tincte u et on peut bien souvent regretter qu'il n'ai) pas conserv un peuplus des distinctions .> et des subtilits scolastiques.

    1. Elle n'tail pourtant pas morte, elle a mme pu produire un penseurde la valeur de Suarez, qui tenta, et ralisa peut-tre, dans le sein mmede la scolastique. un-' synthse du volontarisme franciscain et de l'intel-lectualisme thomiste.

    2. Cf. Ravaisson, La philosophie en France au xix* sicle, Paris. 1889ip. 6 : [chez Descartes] L'infinit pour la premire fois devient le carac-

    davantage

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    10 l'ide DE DIEti0. Hamelin avait certainement eu tori de dire que Des-cartes avait, pour la premire fois, identifi l'infini et leparfait, puisque depuis Plotin, et mme depuis Philon, l'idede cette identification, l'ide d'un Dieu infiniment parlait etparfaitement infini est devenue l'ide centrale del spcu-lation thologique el philosophique. Il nous serait faciled'amonceler les textes et de trouver chez n'importe quelthologien des affirmations aussi claires et nettes que pos-sible ' de cette ide devenue sententia communis des lesdbuts de la thologie chrtienne. Cependant il noussemble que la thse errone de F. vellin etC. Hamelin con-tient quand mme un grain de vrit. Il semble bien qu'il yaurait une certaine diffrence entre la manire dont Des-cartes et ses prdcesseurs posent cette ide. Il n'est pasvrai sans doute que Descartes ait le premier affirm (pie lecaractre d'infinit soit ncessairement inhrent l'essencedivine, mais nous croyons bien que jamais, depuis Plotinpeut-tre, ce caractre ne fut affirm avec une force galeet surtout que jamais le sens de ce concept ne fut compris,aussi compltement, aussi nettement, aussi clairement qu'ille fut par Descartes 2 . L'analyse de ce concept nous per-mettra, croyons-nous, de rendre compte de certaines modi-fications de la traditionnelle ide de Dieu que nous trou-vons chez Descartes, ainsi que du choix de ses dmonstra-

    1. Pluzansky l'avait bien vu. mais par une singulire aberration, il serefuse de voir l'ide d'un Dieu infini avant Clment d'Alexandrie et, quantau monde occidental, il nie qu'elle se trouve chez Saint Augustin. 1. el aiest trop vidente pour que nous insistions l dessus. Cf. Pluzansky, Laphilosophie de lin us Scot, Paris, l v >^

    2. Hamelin, op. rit-., p. 228. Descartes, lorsqu'il s'agit de la quantitrs volontiers infinitiste II l'est sans reculer devant la contradiction dunombre infini, e1 sans due comme Leibniz, qu'il peut y avoir des multitudesmais non des totalits infinies... dans sa lettre sur l'Acbille de /..non ilsuppose sans faon qu'OD peul sommer l'infini A Clerselier, 16, IV, U5),Ailleurs il dit qu'il est possible Dieu de terminer une divisioa infinie, et

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    rlIKZ DESCARTES 11lions de l'existence de Dieu; comme des modifications qu'ila t forc de leur apporter.Le rle trs important le l'ide de l'infini a t dj fort

    bien mis en lumire par M. Gilson ', qui a montr lessources noplatoniciennes de cette ide, ainsi que les voiespar lesquelles les doctrines plotiniennes agirent sur la pen-se de Descartes : c'est avant tout l'influence du cardinal deBertille, de Gibieuf \ et, ajouterons-nous celle des lecturesfaites sous l'influence du cardinal et des pres de l'Oratoire;c'est, d'un autre ct, l'influence des travaux mathmatiquesde Descartes qui, en lui donnant une ide plus nette et plusexacte de l'infini de quantit et de grandeur, lui permettrontde mieux comprendre et saisir l'infini de perfection et depuissance.En effet, les philosophes et les thologiens du moyen ge,tout en proclamant l'infinit absolue de Dieu, tout en affir-mant rsolument que Dieu soit infini, n'avaient pour la plu-part qu'une ide fort vague de l'infini lui-mme. Ils n'avaientpour ainsi dire que fort peu de confiance en cette ide,qui leur semblait quand mme la plupart du moins entache d'un caractre de ngativit et, bien que poureux l'infini divin ne soit nullement une privation 3 , il n'en

    1. Nous ne croyons pas pouvoir donner, comme le fait M. Gilson. la plusgrande importance au caractre de la simplicit divine, elle est loin d'treabsolue el complte, et le Dieu de Descartes n'est pas plus simple et un quecelui de Saint Thomas et de Duns Scot.

    2. Cf. Gilson, La Libert, p. 205. Descartes et Gibieuf laborrent en com-mun le programme d'une mtaphysique nouvelle et d'une mthode diffrentede celle de l'cole. Mthode moins discursive que celle de l'cole, plusproccupe de s'lever constamment l'intuition intellectuelle des prin-cipes; persuade que la vrit ne consiste pas dans la chaine du discoursmais dans une vue intuitive et qu'il n'y a de dmonstration vritable quecelle qui fait apercevoir la conclusion au sein mme des principes. La tho-dici fonde toute entire sur la considration de l'Infinit et de l'Unit deDieu... il est un point parfaitement assur. Pendant les trois annes... ilfut en relations avec deux hommes auxquels il doit une conception

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    12 l'ide de dieurestait pas moins un concept ngatif '. Il se confondait unpeu dangereusement, avec l'ide de la thologie nga-tive ; il semblait en tre ensemble la consquence et labase. Dieu tait infini et inconnaissable, et il tait l'unparce qu'il (Hait l'autre. 11 tait infini aussi parce qu'iltait au-dessus de tous, au dessus de tout, de toute gran-deur et de toute perception, au-dessus de toute qualitqui ne pourrait lui convenir, au-dessus de toute quantitcomme ne pouvant tre augment par l'addition d'au-cune quantit finie mais malgr ces vues trs netteset trs claires, il n'en reste pas moins que l'infini apparaten mme temps comme le suprme, comme le termed'une srie ascendante 2 , comme quelque chose de driv,une qualit douteuse en somme, dont la non contradic-tion, dont l'attribution Dieu devait tre prouve 3 . Dieu estinfini mais il l'est ou bien parce quil est parfait et quesa perfection ne peut tre limite 4 , ou bien malgr sa per-fection, ou bien les deux ensemble. On cherche prouverque l'infinitude ne rpugne pas a l'tre, n'est pas incompa-tible avec la perfection, est au contraire requise par elle 'posl partem in infinitum... sed Deus dicitur infinitus ngative, quia .-ci-licel eius essentia per aliquid non limitatur.

    1. Nous indiquerons plus bas les exceptions isoles qui, notre avis, wl'ont que confirmer la rgle.

    2. Il est fort curieux et cela montre fort bieD l'incapacit o se trouvaitlemoyen ge de comprendre l'ide le l'infini que celle srie tait elle-mmeenvisage comme finie.

    3. Cf. Summa Thologien: I, qu. VII, ait. 1. : Considerandum est, quodinfinitum dicitur aliquid ex eo, quod non est fimtum... et ideo infinitumsecundum quod attribuitur materiae habel rationem imperfecti ; est enimquasi materia non liabens formam. Forma autem non perflcitur per mate-riam, sed magis pei eam eius amplitudo contrahitur : unde infinitumsecundum quod se tenet ex parte formae non determinatae per matenam,liabet rationem perfecti. Cum igitur esse divinum non sit esse receptumin ahquo, sed ipse sit suum esse subsistens, manifestum est, quod ipseDrus sit infinitus et perfectus.

    1. Cf. Saint. Thomas, Contra gentiles, 1 c. 13 : In Deo infinitum ngativet.antuni intelligitur, quia nullus est perl'ectionis suae vel terminus vel finis,

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    CHEZ DESCARTES l'Aet l'on se rendra compte que la preuve n'tait pas trsfacile, lorsque l'on songera que l'impossibilit d'an infiniactuel, d'un infini ralis tait en quelque sorte un dogmepour tout le moyen ge comme pour l'antiquit ; il l'est restencore de nos jours. C'est un vestige des ides hellni-ques que le concept de l'infini trane avec soi et dont il neparvient pas se dbarrasser et cela sera toujours un titrede gloire imprissable pour Descartes que d'avoir su rompredfinitivement avec ce prjug, pourtant universellementadmis son poque, d'avoir su reconnatre et affirmer lanature rationnelle du concept de l'infini '. C'est un grandprogrs ralis par Di'scartes, un grand avantage vis--visde ses prdcesseurs mdivaux. Mais d'un autre ctl'ide de l'infini avait tel point domin toute la pense deDescartes que c'est peine s'il peut encore la distinguer etla sparer de l'ide de la perfection. Le Dieu de Descartesest non seulement infini et parfait, non seulement infiniparce qu'il est parfait et par consquent suprieur toutterme et libre de toute limitation l'infinit forme pourainsi dire le plus profond de son essence ; il n'est, pourainsi dire, pas infini il est l'infinit mme et bien des foisl'exposition de Descartes semble trouver dans l'infinit laraison mme de la perfection divine -. En tous les cas cei-ininentiae arguo sic . Eniinentissimo inconipossibile est aliquid esseperfectius sicut prius patent ; finito autem non esl inconipossibile aliquodesse perfectius, quare... Minor probatur quia infinitas non rpugnt enti;onini finito raaius est nfinitum. quare... Aliter arguitur et est idem : Cuinon rpugnt inflnitas intensive, illud non est summe perfectum nisi sitlinitum quia si est finituui potest excedi vel excelli, si inflnitas sibi nonrpugnt: enti autem non lepugnat inflnitas ergo perfeetissimum eus estinfinitum...

    1. Cf. Ms. de Gtti?ige>i, 16 avril 1647, Corresp., UXIV. vol. V. p. 155. Qu.Sed sic daretur numerus innitusR. Quid absurdi? annon daretur ille in quantitatis divisione etc ? Distin-guait quidem, sed frustra: et si] dari potest numerus inlinitus in

    aeternitate a parte post. quain ttde credimus, cur eliain non in aelerni-tate a parte ante ?

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    14 l'ide de dieun'est pas seulement qnoad nos que Dieu est connu de lamanire la plus adquate sub ratione infiniti comme lepensait Dons Scot, ce n'est pas seulement in statu >-i f i quela notion de l'infini est la plus haute qu'il nous soit pos-sible de concevoir. Pour Descartes l'ide de l'infini se con-fond presque compltement avec l'ide du parfait et Deusnotus sub ratione divinitatis et sub ratione infiniti nesont pas pour lui deux ides essentiellement diffrentes.C'est pourquoi galement, l'infini tant l'essence mme deDieu, il n'est pas pour Descart.es simplement infini, maisinfiniment infini ; il n'est pas l'infini de l'Etre, n'est pasdans son essence profonde l'Etre infini et absolu, maispour ainsi dire, l'infini d'un plus haut degr, l'infini de lapuissance et de la libert absolue, il est la volont et lapuissance absolue, puissance et force cratrices infinies,infiniment et absolument libres, et elticaces '.Le rle de l'ide de l'infini comme expression et source

    sas habentern. Quod non >->t a.videns noti'oni substantiae superadditumsed ipsa essentia substantiae absolute succepta nullisque defectibus ter-minatae; qui defectus ratione substantiae accidentia sunt ; non aute ni nfi-nitas vel infinitudo. Et il faut remarquer que je ne me sers jamais du nomd'infini pour signifier seulement d'avoir point de lin. ce qui est ngatif et quoy j'ay appliqu le mot d'indfini, mais pour signifier une choserelle, qui est incomparablement plus grande que toutes celles qui ontquelque fin

    .

    Or je 'lis que la notion que j'ay de l'infini est en moy avant que celle dufini, pour ce que de cela seul que je conois l'tre, ou ce qui est, sanspenser s'il est fini ou infini, c'est l'tre infini que je conoys ; mais afinque je puisse concevoir-un tre fini il faut que je retranche quelque chosede cette notion gnrale de l'tre laquelle par consquence doit prcder.

    1. Cf. Hamelin, op. cit.. p. 226 : ... Il avait suivi loin dans ses cons-quences l'ide d'un Dieu crateur. Descartes en mtaphysicien plus pro-fond [que St. Thomas] voulut pour Dieu une existence qui mritt mieuxson nom d'existeuce par soi. En cela d'ailleurs il tait peut-tre soutenuet inspir par la tradition judo-chrtienne, selon laquelle Dieu dit delui-mme : Je suis celui qui suis ; ce qui fait penser la formule car-tsienne Dieu est son tre .Et pourtant la formule. Deus est suum esse est une des formules de

    Vopinio commuais que depuis Saint Augustin rptent tous les tholo-

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    CHEZ DKSCARTES 15de la perfection et de la valeur suprme nous permet decomprendre le volontarisme de Descartes, ainsi que sonide de l'absolue libert divine, libert illimite el cratrice,sans devoir recourir des explications extrinsques, sansintroduire dans notre interprtation des motifs extrieursau systme; c'est, nous semble-t-il, directement en quelquesorte que Descaries fut amen en partant de l'ide del'infini son ide de Dieu et de la libert. On aurait puessayer d'expliquer la doctrine cartsienne d'un Dieu cra-teur des essences comme des existences, posant et dtermi-nant dans sa souveraine et absolue libert le bien et le mal,le rel comme le possible, crateur des vrits comme destres, par un dsir de Descartes de fonder sa physique descauses efficientes sur une conception mtaphysique, d'abo-lir les considrations et explications finalistes dans lascience '. Cependant, ce moyen serait, notre avis, partrop disproportionn avec le but atteindre. Si Descartesn'avait rellement voulu que donner un fondement saphysique des causes efficientes, il aurait pu, il aurait dse borner faire valoir l'impossibilit de dcouvrir et dereconnatre les buts, les fins que pouvait se poser l'intelli-gence divine, les buts, les fins dernires qu'elle aurait assi-gns au cours de la nature; l'infinit de Dieu, l'incom-prhensibilit de ses desseins lui donnait tout ce qu'ilpouvait avoir besoin pour ce but J . 11 ne se serait nullementembarrass d'une thorie thologique extrmement gnanteet qui n'y ajoute au point de vue le la science abso-lument aucun argument nouveau. En effet, ni dans les

    1. Cf. Gilson. La libert, p. 430 : < Descartes est-il un physicien quidifie sa science sur les matriaux fournis parla philosophie el la tho-logie du temps '. est-il au contraire un champion laque de la religion clire-tienne qui reconstruirait par la mthode mathmatique l'difice branlantde la scolastique.' Ni l'un, ni l'autre, croyons-nous, mais un philo-sophe, un mtaphysicien religieux et chrtien.

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    ]6 l'ide de dieuMditations, ni dans les Principes il n'en fait aucun usage.Descartes tait trop profondment vers dans la thologie,dans les discussions et controverses thologiques de sontemps pour ne pas se rendre compte que la doctrine d'unDieu crateur des vrits, dterminant par sa volontlibre et parfaitement indiffrente le bien et le mal, ne pou-vait lui susciter que des difficults sans nombre ', et, aulieu de servir de support et de fondement sa physique, neferait que lui ajouter une thorie encore plus malaismentacceptable, qui ne pourrait que l'entraner dans sa rproba-tion. Ce serait une tactique vraiment dplorable que de vou-loir fonder et soutenir une thorie physique et mtaphysi-que difficilement acceptable par une doctrine thologiquequi ne l'tait point du tout, et tout ce que nous savons deDescartes ne nous permet pas de le supposer capable d'unemaladresse pareille. Descartes le sait bien et c'est presque contre cur qu'il la rend publique. Il avait bien cru unmoment donn, l'poque o il commena l'laborationconsciente de sa mtaphysique 2 , que sa doctrine de la libert

    1. M. Gitson lui-mme le reconnat implicitement, puisque, ayant dduitla thorie de la libert divine de la physique cartsienne, l'ayant prsen-te comme une dfense thologique de sa science que Descartes voulaitmettre en avant pour faire accepter implicitement celte dernire, il admetque Descartes n'a pas voulu dans les Mditations s'embarrasser d'unethorie aussi encombrante.

    2. L. Liard comme M. Adam ont essay de nous prsenter un Des-cartes|proccup cette poque il6*2C-1629) e\clu.-n euient de problmesscientifiques, et cela, malgr une dclaration formelle de Descartes lui-mme. Lorsque Descaxtes dit < mtaphysique . dit M. Adam, c'est phy-sique qu il a voulu dire. Nous n'insisterons point sur cette interprtation,que nous ne pouvons partager. 11 n'est pas vraisemblable que l'homme quifait un plerinage pied Lorette, non pas seulement pour remercier laSi i Vierge, mais encore pour l'intresser au succi - de ses travaux, pourlui rendre grce de l'illumination mystique qu'il a eue dans ses songes,soit rellement anime de cet esprit critique, soit un pur savant. Le cardi-nal de Brulle ne s'intressait certainement pas aux problmes abstraits dephysique et de mathmatiques et s'il a us de toute son influence pourpersuader Descartes de raliser sa nouvelle philosophie, ce n'est pas parepour les sciences et les arts, mais parce

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    CHEZ DESCARTES 17divine pourrait s'accorder avec sa physique, et mme luiservir de fondement; il l'crit Mersenne ' (en 1630), lepriant de publier partout que Dieu avait libremenl tabliles vrits ternelles comme un roi dcrte les lois de sonroyaume, mais c'tail une poque o il tait avant toutproccup des questions mtaphysiques et thologiques :il n'est par consquent pas impossible que. partant de l'idede Dieu, se basant sur l'ide mtaphysique d'un Dieu abso-ment libre, crateur absolu, il soit parvenu l'impossibi-lit de recourir l'explication finaliste dans la science.C'est d'ailleurs ce qu'il nous dit lui-mme-.

    qui pouvait donner des armes nouvelles lacera philosophia, qui pourlui comme pour son maitre St Augustin se confondait avec la vera religio.1. Lettre Mersenne,^ mai 1630, Corresp. XXII. vol. I. p. 149-150. Pourles vrits ternelles je dis derechef que semel tantum verse aut possibilesquia Deus llas veras aut possihiles cognoscit, non autem contra veras aDeo cognosci quasi independenter ab illo sint verse. Et si les hommes enten-daient bien le sens de leurs paroles, ils ne pourraient jamais dire sansblasphme que la v rite de quelque chose prcde la connaissance queDieu en a. car en Dieu ce n'est qu'un de vouloir et de connatre, de sorteque ex hoc ipso quod aliquid velit ideo cognoscit. et ideo tantum talis resest vera. Il ne faut donc pas dire que si Deus non esset, nihilominus isteveritates essent verse, car l'existence de Dieu est la premire et la plusternelle de toutes les vrits qui peuvent tre et la seule d'o procdenttoutesles autres. Mais cequi l'ait qu'il est ais en ceci de se mprendre, c'estque la plupart des hommes ne considrent point Dieu comme un tre infini.1 incomprhensible et qui est le seul autheur duquel toutes chosesdpendent, mais ils s'arrtent aux syllabes de son nom et pensent que c'estassez le connatre si l'on sait que Dieu veut due Deus en latin et qu'il estador par les hommes...

    2. Lettre Mersenne, 15 avril 1630, Corresp. XXI, I, p. 144 : Or j'estimeque tous ceux qui Dieu a donn l'usage de la raison sont obligs del'employer principalement pour tacher le connatre et se connatreeux-mmes. C'est par l que j'ai tache de commencer mes tudes ; et jevous dirais que je n'eusse sceu trouver les l'ondemans de la physique sije ne les eusse cherch par cette voye. Mais c'est la matire que j'ay leplus tudie de toutes et en laquelle grce Dieu, je me suis aucunementsatisfait; au moins pens-je avoir trouv commant on peut demonstrerles vritez mtaphysiques d'une faon qui est plus vidente que lesdmonstrations de gomtrie. Les 9 premiers mois que j'ay est en ce pays

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    18 L IDE DE DIEUOn peut bien comprendre comment, partant de cette con-

    ception d'un Dieu crateur absolu, infiniment et dfinitive-ment libre et indiffrent, Descartes en soit arriv langation des causes finales comme moyen d'explication; lamarche inverse ne nous parat par contre pas acceptable.

    D'ailleurs Descartes n'affirme pas qu'il n'y ait pas de findans le monde, il ne prtend nullement qu'il soit impossible Dieu de disposer les choses de ce monde de telle faonqu'elles soient orientes en vue d'une fin, d'unbut suprme.11 n'affirme qu'une chose bien diffrente : c'est que cettefin, ni aucune fin en gnral ne saurait dterminer l'actiondivine, ncessiter sa dcision, subjuguer sa volont, limitersa libert. Aucune fin ne peut tre superordonne, prpo-se l'action divine, entraver et limiter sa libert cra-trice. Mais c'est une tout autre chose de nier la possi-bilit pour Dieu d'ordonner le monde cr en vue d'unefin ; ce serait nier le caractre rationnel de l'action divine,ce serait rendre la volont inconsciente, la rabaisser auau niveau d'un instinct aveugle, d'une force de la nature.Descartes ne nie pas que Dieu ait pu pr-arranger les cho-ses et les vnements, il ne nie pas la Providence ' ; ilnie seulement la ncessit de cette prordination, ladtermination de la volont divine par une ncessit quel-

    mais je ne jug-e pas propos de le faire que je n'ay vu premeremantcommant la physique sera reue. Nous le voyons bien. Descartes neveut pas du tout user de sa doctrine de la libert divine comme d'unecouverture pour sa physique. Au contraire, c'est le succs de cettedernire qui lui permettra, croit-il, de publier la premire.

    1. Principes : 10 Nous savons aussi trs certainement que Dieu a pror-donn toutes choses. . . S 11. Comment on peut accorder notre libre arbi-tre avec la prordination divine. Nous avons assez d'intelligence pourconnatre clairement et distinctement que cette puissance est en Dieu,mais... nous n'en avons pas assez pour comprendre tellement son ten-due que nous puissions savoir comment elle laisse les actions des hommesentirement libres et dtermines; et que, d'autre cot, nous sommesaussi tellement assurez de la libert et de l'indiffrence qui est en nous,qu'il n'y a rien que nous connaissions plus clairement de faon que la

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    conque trangre son essence propre. Quant la phy-sique, il ne nie pas non plus la possibilit de l'existence destins dans la nature, il affirme seulement l'impossibilit deles reconnatre, l'inaptitude de notre esprit born et fini connatre les fins que pourrait librement poser la naturela volont infinie de Dieu, la ncessit d'abandonner cetterecherche oiseuse, ncessairement infructueuse et inutile,car quelles que soient ces fins inconnues, Dieu les fait oules ferait atteindre par une srie de causes eilieientes quiagissent, produisent leur effet et ragissent entre ellesselon les lois de la causalit efficiente.

    L'infinit de Dieu et l'impossibilit de connatre ses rai-sons s'il en a ainsi que les fins qu'il a pu assigner la nature s'il l'a fait , voil tout ce qui est ncessairepour le fondement mtaphysique de la physique des causesefficientes. Descartes en a pleinement conscience et. nidans les Principes, ni dans les Mditations, il n'emploie ensomme d'autres arguments. Tout ce qui surpasse ces affir-mations est, pour ainsi dire, de trop et ne peut que lui crerdes difficults, tout en tant absolument inutile pour lefondement de la physique et de la science en gnral. ( v>ueles vrits mathmatiques soient librement tablies par lavolont divine ou ncessairement conues par son intelli-gence, que son omnipuissance soit limite par le possible(logiquement possible) ou, au contraire, s'tende sur l'impos-sible et l'absurde, on ne peut en conclure quoi que ce soitpour la science de la nature. Les vrits mathmatiques etlogiques ne sont point des buts de l'action divine et, sielles peuvent peut-tre tre considres comme apportantune limitation son omnipuissance, elles ne le font certai-nement pas en tant que fins prposes sa volont. Onpeut aller plus loin : si l'on prend la lettre cette conceptiond'omnipuissance absolue, d'indiffrence infinie la scienceelle-mme devient impossible, car dans ce cas-l tout

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    20 L IDEE DE DIEUtence de quoi que ce soit. L'indiffrence absolue, l'omni-pnissance excessive que Descartes semble professer, n'estcompatible en ralit ni avec sa physique, ni avec sa psy-chologie, ni avec sa mtaphysique, ni avec sa thorie dela connaissance. Elle ne permet d'affirmer ni l'immutabilit,ni la vracit essentielles de Dieu.En fait, Descartes a bien senti les difficults innombrablesqu'impliquait celte doctrine; il a bien vu que, tout enla professant, tout en l'affirmant expressis verbis, il estforc de l'abandonner chaque fois qu'il procde une ana-lyse mtaphysique quelconque, chaque l'ois qu'il s'agitd'un problme concret, soit de thologie, soit mme demtaphysique 1 . 11 voit bien qu'il est forc de l'abandonnerpour se servir du principe de perfection comme du prin-cipe d'analogie. Les lettres de Descartes nous permettentde suivre pas pas l'volution de sa pense. L'affirmationrsolue et pour ainsi dire enthousiaste des premires lettres Mersenne (de 1630) est bien vite remplace par une con-ception beaucoup plus hsitante et incertaine - et, vers la

    1. Lettre Mersenne, 21 avril 1649. Corresp. CCXXX VII, col. III, p. 301. Pour ceux qui disent que Dieu trompe continuellenent les dannez etqu'il nous peut continuellement tromper, ils contredisent au fondement

    de la foy et de toute notre crance qui est que Dieu mentiri non potestce qui est rpt en tant de lieux dans St. Augustin, St. Thomas et autres,que je m'tonne que quelque thologien y contredise, et ils doivent renon-cer toute certitude, s'ils n'admettent cela pour axiome que Dieu nosfallere non potest .

    2. Lettre au P. Mesland.2 mai ir>44. vol. IV, p. 118-119 : Pour la diffi-cult de concevoir comment il a t libre et indiffrent Dieu de fairequ'il ne fust pas vrai que les trois angles d'un triangle fussent gaux deux droits, ou gnralement que les contradictoires ne peuvent treensemble, on la peut aisment oster, en considrant, que la puissance deDieu est sans bornes; puis aussi en considrant que notre esprit est fini,et cr de telle nature qu'il peut concevoir comme possibles les choses queDieu a voulu rendre vritablement possibles, mais non pas de telle, qu'ilpuisse aussi concevoir comme possibles celles que Dieu aurait pu rendregalement possibles, mais qu'il a toutefois voulu rendre impossibles. Carla premire considration nous fait connatre que Dieu ne peut avoir tdtermin faire qu'il fust que les contradictoires ne peuvent tre

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    CHEZ DESCARTES 21fin de sa vie. nous le voyons abandonner dfinitivementcette doctrine dans ce qu'elle a d'exeessif et revenir lathorie classique, celle de St Thomas et de Duns Scotdont il est parti et laquelle ' il revient. Le dernier moi deDescartes, la dernire phase de sa pense qui trouve uneexpression dans les lettres Henri More - et Clersellier

    nous assure que bien que cela *oit vray, nous ne devons pas tcher de lecomprendre pour ce que notre nature n'en est pas capable. Et encore queDieu a voulu que quelques vritz fussent ncessaires, ce n'est pas direqu'il les ait ncessairement voulues, car c'est tout autre chose de vouloirqu'elles fussent ncessaires et de vouloir ncessairement ou d'estre nces-site les vouloir: j'avoue bien qu'il va des contradictions qui sont si vi-dentes que nous ne les pouvons reprsenter notre esprit, sans que nousles jugions entirement impossibles, comme celle que vous proposez : QueDieu aurait pu faire que les cratures ne fussent point dpendantes de lui.Mais nous ne les devons point reprsenter pour connatre l'immensit desa puissance, ni concevoir aucune prfrence entre son entendement et savolont.

    I. Lettre H. Monts, 5 fvrier 1649, Corres.p. DXXXV1I, vol. V. p. 273-Dico implicare contradictionem si alique dentur atomi. quae concipiantur

    .xtensae ac simul indivisibiles, quia, quamvis Deus eas taies etlicerepotuerit, ut a nulla creatura dividantur, certo non possumus intelligereipsum se facultate eas dividendi privare potuisse. Ne valet tua comparatiode iis quae facta sunt quod nequeant infecta esse. Neque enim pro nofaimpotentiae sumimus quod quis non possit aliquid facere id quod nonintelligmus esse possibile. sed tantum quod non possil aliquid facereex iis quae tanquam possibilia distincte percipimus. At sane percipimusesse possibile ut atomus dividatur, quandoquidem eam extensam essesupponiraus; atque ideo. si judicemus eam a Deo dividi non posse. iudi-cabimus Deum aliquid non posse facere quod tamen possibile esse perci-pimus. Non autem eodem modo percipimus fieri posse ni quod factum estsit infectum. sed e contra percipimus hoc fieri plane non posse; acpronde non esse ullum potenti defectum in Deo, quod istud non faciat.Quantum autem ad divisibilitatem materiae, non eadem ratio est; etsienim non possim numerare ornnes partes in quas est divisibilis earum-que ideirco numerum dicam esse indefinitum Non tamen possum atlir-mare illarum divisionem a Deo nunquam absolui. quia scio Deum pluraposse facere quam ego cogitatione meacomplecti.

    i. Lettre Clersellier, 83 avril 101'J. Corresp., DLYI1. vol. V. p. 356 :Neuipe sufficit me intelligere hoc ipsum quod Deus a me non comprehen-datur ut Deum iuxta rei veritatem et qualis est intelligain. modo prseterea

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    22 L'IDE DR DIEUserait : Dieu peut tout. Dieu cre tout, Dieu est libre ; Dieuest la source librement cratrice les essences et des exis-tences, du possible et du rel, de l'tre et de la vrit.Mais Dieu ne peut pas l'impossible. Dieu ne peut pas lecontradictoire, ne peut crer l'absurde et le mal puisqu'ilne peut pas le vouloir, puisque l'impossible, le contradic-toire, le mal n'est rien, se dtruit soi-mme et ne peut pastre un terme ni de l'action, ni de la volont, ni de la pen-